Olivier Scheffer - Les Corps Du Retour_NEW_NEW

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Olivier Scnnrrn Les corps du retour

Jim 5haw.1

tlream 0bjeci ["] was sitting on a card iable with a magnitying qlass..."l . 997. Peinture sur velours. 25 x 1 9 inches. tourtesy Praz t)ellavalade.

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LES CORPS DU RETOUR

/IER SCIIEFER

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d ces trois modalits du aiuant. Car

lul-mme machine produire du vivant. Car aprs tout, les monstres organiques, gluants et suintants, de la science-fiction, tout comme les hommes machines (Robocop, Terminator), ont en commun un point essentiel: ils sont dous d'un organisme. La distinctlon de nature tablie par I(ant dans La Critique d.e ln facult d.e juger entre lbrganisme finalis, qui sutoengendre et suto-rgnre (lrbre), et la mcanique, mue du dehors par une force motrice trangre Qa montre casse qui ne peut se rparer elle-m$,

il v a bien une eigne le cinma,

H al de zoot au Terdqtoro.*ie r'".t plry"i-_' z { J {,, ?izrror,&4clion ficit de lbrganique. La machine s'impose de plus en--\ i;,,i pl-us comme ne arcncteamplexe et intrne de )ron,tit, -' cartes, fiches, branchements; c'est donc un corps. eue /'

tend s'effacer. Depuis lbrdinateur

I

celui-ci soit mu du dedans

o.iffi.rr'urr/

critre dcisif: ce qui en revanche importe beaucoup plus est qu^e la- circularit des parties et du tout, surlaquelle se t'onde le principe de lutonomie organique, Joue plern rgime dans le mcanique, tout en suto-

risant d'une recomposition du corps sur la base d,un seul lment. Le corps ou la machine souffre quand

une partie manque, moins que la partie ne sutonomise dans un quilibre trange avec elle-mme,. Hegel

rflexivit emprunte ses traits principaux au jeu delbrganisme.

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'IIL e rq lq

,\i.

zombie mme il ne dispose pas plus rps propre, il n'est pas un tre

nl-

ggglc s Y -r, vivants qu,ils morts -vi'oarrt. "uri"" lil[ comme les taient/ // >\ ',^|qans ---iJ ce

sont des rerten?nts e+ corps qui inversent le processus naturel conduisant de f mort. Mais comrirent pen_ ser et-dcrire ce passage, puisque, justement, tout

se il.

ldcune horde

#Hffi"'?Et@retour?I

ou comme les morts

autant l'ef-

RETOUR SUR LE RETOUR

tit, fut-elle floue et indfinie. Et lors mme qu,un chef commence merger de la troupe, et qune organi-

zom1

qur oessentiellement

annes

, il-'lu i\

issue de l'uni-

croyances le ftichisme, le recours aux amulettes aux poupes ensorceles ." aog*" .et On voit ainsi dans le reportage de Maya O""""rr, "Ctiurr. "tintitul Diaine Hrsenten: the liaing Gd"s in Hitti, quelques sc_ nes rituelles de Vaudo r, au cours aesqofes l sang de poulets sacrifis sert ldoration de l croix du Christ.

k-aou.bre deq{its

"qrrd,qqq

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OLIVIER SCIrEI'ER

p?=r le.prtre (oazsaf) agj-pleq9_19_r!9l!:=IetL_e" i *e I etat dsclavage. Ce retour la e donnait souvent lieu

f'd.?s-mises en scne: les soit disants morts | taient en ralit enterrs vivants, aprs avoir t droi Sus et placs dans une forme de comas lthargique, I il ne restait plus qu les faire . C,est en partre sur cette croyance que repose le scnario duWhite tl ut[lik .Zombie (toz?) deVrctorP,alon dans lequel 1l "ffi""zOl^hrg temme est drogue lors de son mariage, enterre, puis livre, une fois zombifie, un amourux conduit, qui se dsespre ensuite dvoir aimer un beau cadawe ambulant. Si l'intriguezombisme contem-

ci.er rveill,e dans le cadavre ne le rend

pas entirement se meut, tnenge,

folie, de cette forme d'esclavage. Lg figufe du levenant en eo*Irs n,est videmment pas le seul fait du zombisme, elle se propage tout au long du xvrrl" sicle, notamm6fGEE6firi.-o, soulevant tres clairement des questions de nature thologique sur la possibilit ou i,impossibilit d,une rsurrection des morts au sein du monde rel. Michel Ranft et Dom Augustin Calmet considrent ainsi que les cas de revenants, qui hantent et troublent les vants, ne peuvent tre attribus une autorit diabo_ lique, qui n pas le pouvoir de faire revenir les corps, ni la toute puissance divine, puisque c,est Dieu seul qu'choit la rsurrection des corps, qui adendra au jour du Jugement Dernier. De plus, les eorps de la rsurrection sont des corps spirituels, lumineux et glorieux, et non des cadavres en dcomposition, essen_

loybry, une variante psychologique, aux confins de

uti}ss pour l'exploitation de la canne sucre, tandis i qu'ils servent celle de mines dtain dans ltranse *'"ifiIm de John Gilling, The plague ofthe Zombies en ro6?. ,,*que En 1943, Jacques Tourneur offrait avec I walked *itn )l ^

" la 'ii**

pides.L'g,qlotgngeQe_-syeryg.ie;.yS+!r^M_!9._p.k:lllfi!Hg%, cette i anl, ;;;;,;; cettaffi _sn;;;-r!"r_;i;;;des;n;;-f;;rnii."nnounSr;"t. "n:-lgt:.q."de-sfu*D:emfuiisr ga,n ne Ee contentant pas d,u labeur quotidien de ses morts, les ernploi,e des tches malhonntes corwne d.e voler les rcoltes des voisins. 1...1 On reconnat les zombies l.eur air absent, leurs yeux teints, presque aitreux et, st_trtout, l'intonation nasah de leur voix, particuliren ent propre aux Gu, gnies d,e la, ruor.t.z>> La zombification

grc*cie*1dps ee_iee r.r ro mb t 'ni6dlt' il*rne que son matre exploite sa,ns rnerci, leforant traaailler dns ses channps, l'accablant d.e besognes, ne lui mnagea.nt pas les coups defouets et ne la nourrissa,nt que d,alirients insi-

aprs sa mort errer surCity ofthe ling dead, c'estlapendaison d,un prtre qui est cause du retour tragique des morts. Lbcasion st surtout belle de se livrer une dbauche organique in_ waisemblable; les corps vivants possds ei en voie de

i

Sq"cg{qqes,.r_d.qi!pfSlg-vggg,esrune"*ci;;"siii

l:.

ppe4i_qrq_f]$_sjsserg tffi ffifrfrfffie scne du White Zombie a,ffatprin, les zombies sont_{ep

/ follicitent

f

1r, Toutefois les formes contemporaines du zom_ bismetendentde-.la rsurrection, et du revenant maudit, qu,els ne_

zombification rendent littralement tripes et boyaux par la bouche, ils oprent le retour de leur corps, qu,ils vomissent et, restituent au- dehors. scarter de l,imaginaire thologique

qu'indirectement, sinon comme prtexte

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(

un dballage grandguignolesque (Euil Dead, de Sam Raimi). Le retour y relve davantage d'une forme de recyclage propre aux socits industrielles. Les zomgn! tou! de rebuts, de rygtCg-cq3ps fraffiGs._ qple_ts, inachevQg dans leur mort. Comme si let progressivement converti des considrations thologiques en problmes conomiques. Une mention W l'idalisation particulire doit tre faite, au passage, du revenanlt, l'uvre dans nombre de 'y

permanence. Ils se nourrissent pleines mains dans

la bouche, la poitrine ou le crne de leur congnre, malaxant au passage des paquets de boyaux. Ils man-,

p@ires

ou cinmatographide zombi comme e la socit6): tout ensemble rreux et et peut-tre monstrueusement ctimes, les zombies cinmatographiques sont aussi bien des figures de la contestation que deseflrayants que ridicules et grotesques. La lenteur des zombies est aggrave par leur faiblesse, leur peu de force et de consistance. On voit bien, travers le cinma de Georges Romero en parti-

urffi@ e.,'rlJrM \ Itent,',

ques (le film de Spielberg cit plus haut, mis *ussi l"s de Marc Lly, Et si c'tait arai, etc.) : autant de

1"tvqpioUidqlp-qtgs*L?ef.rises,dureye rorU4l:

l*'' pl F-',t ,riptir.i.,u'ffi"ti". .r.J { l.x3r\ '1POLITIQUE ZOMBIE

quotidien; les {evc{rpnts, qui jetI ll'horieur au des ponts entre lu-del et l'ici-bas, geJglSl, .L' I l,:yl9--qsJs-$qJs e3--B-pdtrelieg d-e* *qelffi lffi 6

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l-es zombies seventies ne sont plus des esclaves sou, mis un I le biais matre qui exerce son pouvoir distance par dmulettes I anctres hatiens ou de poupes. Ils ont veng leurs et se sont comme affranchis. S,ils I Lparaissent agir de leur propre chef, et se dplacent en masse, ils ne composent pas pour autant, on l dit, un groupe dfini ou structur. Ils se signalent avant toutCe faisant, res de

t i[r\;sisui,4.

ofdcervelss-(Dawn of the d.eadjr@EJfr:effiffis de laboratoires liws des savants qui jouent les apprentis sorciers (Dag of the deado 1985), enfin des Sans domicile fixes condamns la paup@ dead, zoo6). Lbn a dcouvert dernirement dans une programmation intitule Masters of honor, diffirse sur une chalne cble de la tlvision amricaine, un pisode ralis par Joe Dante, Homacoming, dans lequel apparaisent des morts vants, anciens vtrans de l guerre, qui reviennent sur terre pour...voter contre

r'd+q

\

(c'est--dire, comme icit: consommer indfiniment de -r. " la con-sommation, plus encore que des objets finis) le voit chez Georges Romeroqui I)@;n \:.7 a enrichi le mythe de ce point de vue: les zombiessont duthentiques machines ingrer les autres en

ldministration en place z. Dans Dawn of the dead qui se droule presqueentirement dans une grande surface, certaines scnes

ZOMBIES

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atroces de cannibalisme sont un moment commentes en offpa* un journaliste comme s'il sgissait d'un

et rel, mais drappe c la ville et de son centre,

ultrefoul aux marges de r du xrx" sicle, c'est-

reportage sur les mfaits de la socit de consomma-

tion: Ils reviennent morts l o ils airnaient allar vivants, au supermarch... >> Le rapprochement peut sembler, en I'ocrurrence

faire de lui une machine, somme dctes instinctifs inconscients: les zombies se propagent travers

Finalement ce n'est pas lbsence de conscience, ou son mergence par saccades, qui caractrise le mieux la figure du revenant zombie, comme si cela suffisait

.