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© CHRISTOPHE RAYNAUD - LICENCES SPECTACLES 1-1075853 1-1075850 2-1075851 3-1075852 © CHRISTOPHE RAYNAUD - LICENCES SPECTACLES 1-1075853 1-1075850 2-1075851 3-1075852 ORESTE AIME HERMIONE QUI AIME PYRRHUS QUI AIME ANDROMAQUE QUI AIME HECTOR QUI EST MORT… COLLECTIF LA PALMERA 21> 25 MARS - EN TOURNÉE DANS 3 LYCÉES DE NANTES 2015/16 CONTACTS PÔLE PUBLIC ET MÉDIATION Manon Albert / [email protected] / 02 28 24 28 08 Florence Danveau / [email protected] / 02 28 24 28 16 Le Grand T - 84, rue du général Buat - BP 30111 - 44000 Nantes

Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime ANDROMAQUE

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ORESTE AIME HERMIONE QUI AIME PYRRHUS QUI AIME

ANDROMAQUE QUI AIME HECTOR QUI EST MORT…COLLECTIF LA PALMERA

21> 25 MARS - EN TOURNÉE DANS 3 LYCÉES DE NANTES 20

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CONTACTS PÔLE PUBLIC ET MÉDIATIONManon Albert / [email protected] / 02 28 24 28 08Florence Danveau / [email protected] / 02 28 24 28 16Le Grand T - 84, rue du général Buat - BP 30111 - 44000 Nantes

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EN TOURNÉE

MARS LU 21 13:00 et 16:00 LYCÉE NELSON MANDELA

MA 22 13:00 et 16:00 LYCÉE LES BOURDONNIÈRES

JE 24 13:00 et 16:00 LYCÉE LES BOURDONNIÈRES

VE 25 13:00 et 16:00 LYCÉE ALBERT CAMUS

INFORMATIONS PRATIQUES

TARIF : 9€ OU UN PASS SPECTACLE

À PARTIR DE 15 ANS / 1H30

ORESTE AIME HERMIONE QUI AIME PYRRHUS QUI AIME

ANDROMAQUE QUI AIME HECTOR QUI EST MORT...

SOMMAIRE

Présentation 3

Adaptation et note d’intention 4

Le collectif de création 6

Jean Racine (1639-1699) 7

La pièce de Racine 8

Andromaque : histoire de son interprétation 9

« Andromaque, je pense à vous ! » 11

En images 14

La presse en parle 15

Page 3: Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime ANDROMAQUE

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PRÉSENTATION

D’après Andromaque de Jean Racine

Mise en scène Néry

Avec Nelson-Rafaell Madel et Paul Nguyen

Musique originale Nicolas Cloche

En collaboration artistique avec Claudie Kermarrec, Loïc Constantin, Julien Bony, Edith Christophe, Damien Richard

et Claire Dereeper

Production Collectif La Palmera

En collaboration avec Comme-Néry et La Compagnie Théâtre Des Deux

Page 4: Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime ANDROMAQUE

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ADAPTATION ET NOTE D’INTENTION

« Mon Dieu, des vers

s’agitent devant vous et

vous menacent : faut-il

s’en débarrasser et par

quel bout les prendre ?

Ne prenez pas peur,

Madame, restez-là,

Monsieur et n’en faites pas

une tragédie. Laissez-nous

faire !

Deux comédiens, pas plus

c’est promis, se chargent

de vous guider dans votre

nouveau théâtre tout frais

et tout neuf. La visite en

vaut la chandelle et les

coulisses regorgent de

surprises.

Partagez un vers avec

Oreste, Hermione,

Pyrrhus, Andromaque

qui ont accepté de vous

recevoir dans l’intimité de

leur être, nus comme des

alexandrins. »

TRAGÉDIE ET FAUX-SEMBLANTS

« Pour un spectateur, assister à une tragédie classique au

théâtre peut rapidement être synonyme d’appréhension et

d’ennui : la langue lui paraît une barrière infranchissable, il

craint de ne pas tout comprendre et d’être perdu au bout

de la première scène ; de plus, les personnages et les

drames qu’ils traversent lui semblent trop éloignés de son

quotidien.

C’est partant de ce constat que nous avons décidé de

monter Andromaque de Racine. Mus par le désir de

partager et de rendre concret un texte d’une grande

richesse en cherchant les ponts qui relient notre quotidien

à celui de ce monde en apparence si éloigné de nos codes

et de nos valeurs, veillant toujours à conserver l’intensité de

la langue portée par les alexandrins.

Nous avons donc exploré la pièce en l’éclairant de multiples

façons pour finalement créer un spectacle original destiné

au public averti comme moins préparé.

Jouer ce texte à deux comédiens fait aussi parti de l’enjeu,

afin que le spectacle, léger dans sa forme, puisse se jouer

– presque – partout et investir des lieux où une tragédie

n’aurait pas nécessairement sa place.

DE LA DISTANCIATION À LA CATHARSIS

L’adaptation du texte s’articule autour des deux premiers

actes, afin de coller au plus près à l’histoire et faire

progressivement entrer le spectateur dans les situations

qui vont donner naissance à la tragédie.

Dès les premiers mots, les comédiens, en véritables guides

tragédie, exposent au public le contexte précédant le

début de l’histoire : les rapports entre les personnages,

leurs passions, leurs dilemmes, leurs devoirs. Comme des

fenêtres s’ouvrant sur la pièce, les alexandrins surgissent

dans l’exposé, préparant et habituant le spectateur à

recevoir une langue qu’il n’a pas l’habitude d’entendre.

À VOIR ET À ÉCOUTER

TEASER

https ://www.youtube.com/watch?v=hTdzPiguvzQ&list=UUA2X7Ow-u_LZ4IKEylC-bTw

INTERVIEW DE NÉRY

https ://www.youtube.com/watch?v=C2gixQ7UpKQ

INTERVIEW NELSON-RAFAELL MADEL ET PAUL NGUYEN

http://www.franceculture.fr/emission-le-choix-de-joelle-gayot-oreste-aime-hermione-qui-aime-pyrrhus-qui-aime-an-dromaque-qui-aime

Page 5: Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime ANDROMAQUE

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Aux actes I et II, les guides s’immiscent dans le cours

de l’histoire, esquissent chaque protagoniste, et jaugent

l’attention du public tout en précisant les enjeux de la

pièce. Les comédiens usent de nombreux stratagèmes

pour permettre aux spectateurs de comprendre les tenants

et les aboutissants de chaque situation.

À l’acte III, une rupture se produit, car les personnages,

dévorés par leur passion, n’ont plus qu’une obsession :

satisfaire leur désir par tous les moyens. La tragédie

peut alors se nouer. Cette rupture marque également le

jeu des acteurs : quittant leur rôle de guide, ils deviennent

l’incarnation de chaque personnage. Les mécanismes

tragiques en place, le public suit alors le chemin tracé

jusqu’à la folie finale.

UNE SCÉNOGRAPHIE ÉPURÉE

La scène symbolise une salle du palais où vont se nouer

les intrigues. Les interprètes se servent d’accessoires pour

illustrer le début de la pièce : les personnages, auxquels

ont été attribué un code de couleur, sont matérialisés dans

l’espace par des seaux, des ballons et des tissus ; plus tard,

des parures plus élaborées permettent d’incarner tour à

tour chaque protagoniste.

La musique et les lumières très épurées mais présentes,

suivent pas à pas le chemin emprunté par les guides-

comédiens.

Nery, le metteur en scène, explique : « Adapter Andromaque

de Jean Racine est une vraie gageure, car cela sous-

entend de rendre accessible un texte dense et profond,

mais sans jamais en trahir le sens et la portée, risquant

à tout instant de tomber dans la caricature grossière ou

anecdotique. Nous avons donc décortiqué et étiré la pièce

dans toutes ses limites pour en faire un spectacle destiné

à tous les publics. Le spectateur est invité à (re) découvrir

et à (ré) entendre cette tragédie avec la promesse qu’il ne

sera jamais assommé, ni dérouté, ni égaré par la difficulté

de la langue. »

La Nouvelle République.fr, 5 décembre 2012

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LE COLLECTIF DE CRÉATION

LE COLLECTIF LA PALMERA

La Palmera est un collectif de création à l’initiative d’un

petit cercle : comédiens, chanteurs, musiciens, metteurs

en scène, attaché culturel, réalisateurs, tous désireux de

mettre en commun leur savoir-faire afin que naissent des

projets artis¬tiques originaux.

L’idée de constituer La Palmera part donc d’envies fortes :

fédérer des expériences, réaliser des projets d’envergure

par une émulation de groupe, partager un travail avec

des populations de tous horizons, permettant à chacun

de se découvrir et de dépasser ses limites. En 2010,

La Palmera investit un lieu : une maison attenante à une

grange dans la ville de Coussay-Les-Bois (86), qui devient

à la fois un carrefour, un foyer et un vivier du collectif. En

2011, le collectif participe aux journées du patrimoine

en collaboration avec les Archives de l’armement de

Châtellerault. Un clip de Chloé Lacan a été tourné à La

distillerie à Saint-Pierre de Maillé. En collaboration avec

« Les Vacances de Monsieur Haydn » à La Roche Posay,

et à l’occasion de l’édition 2011 du festival, Néry écrit, met

en scène et interprète avec des enfants du collège de La-

Roche-Posay, un conte intitulé Les Errances de Monsieur

Eden.

La création d’Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui

aime Andromaque qui aime Hector qui est mort, d’après

Andromaque de Racine créée dans la salle mise en état

par le collectif à Coussay-les-bois, se joue depuis 2012

au Théâtre Monfort à Paris, et en tournée. Récemment, la

pièce Le Dragon d’Evguéni Schwartz, mise en scène par

Néry a été créée en co-production avec le Théâtre Accord

à Châtellerault. De même, la pièce P’tite Souillure de Koffi

Kwahulé, mise en scène par Damien Dutrait et Nelson-

Rafaell Madel, a été créée en Martinique en février 2013

au théâtre de Fort-de-France, et a été jouée au Festival Off

d’Avignon 2013, à la Chapelle du Verbe Incarné.

NÉRY, METTEUR EN SCÈNE

Auteur, comédien, chanteur, metteur en scène, Néry a un

parcours atypique. Formé à l’école CFT des Gobelins, il

s’oriente vers la scène et l’image. Il suit les cours de théâtre

d’Yves Pignot et fait un stage déterminant avec Philippe

Hottier. En 1982, il créé le collectif « Super Trollop » avec

lequel il réalise plusieurs courts-métrages, dont Massacre

à la Poinçonneuse et Le Travail du fer, nommé aux Césars

(1987), et primé à plusieurs festivals. Il mène parallèlement

une carrière de chanteur-compositeur avec « les Nonnes

Troppo » puis « les VRP », qui le mène aux quatre coins

du monde. En 1997, il entame une carrière solo et sort

trois albums, La Vie c’est de la viande qui pense, prix de

l’académie Charles Cros, Vol Libre, et Belgistan, réalisé par

Matthieu Chedid. Tous ces albums font l’objet de tournées

en France, en Europe et en Chine. Il écrit et met en scène

Règlement de contes, joué en Suisse (1995). Il réalise de

nombreux clips pour plusieurs groupes : la Mano Negra,

les Yeux Noirs, les Satellites, Michaël Clément, les Nonnes

Troppo et les VRP. Il accompagne dans leur travail de

scène des chanteurs comme Olivia Ruiz, Romain Didier,

Daniel Lavoie, Les Blérots de Ravel. Avec son complice

Polo, il conçoit et met en scène Nous sommes tous Claude

François aux « Francofolies » de La Rochelle et de Spa

(2008), avec Arthur H, Kent, Adrienne Pauly, Christophe

Mali, Clarika. Son travail de metteur en scène le conduit

à travailler une nouvelle fois avec la chanteuse Enzo Enzo

dans le spectacle musical, Clap (2008). Il réitère l’expérience

à deux reprises, pour Khalid K. (Khalidoscope - 2009) et

pour Jean Guidoni, qu’il met en scène avec Kên Higelin

dans le spectacle Le Déséquilibriste (2009). Parallèlement,

il assume régulièrement un travail d’intervenant scénique

auprès de la jeune scène musicale française dans le cadre

du « Chantier des Francos », à La Rochelle.

En 2013-2014, il travaille avec le collectif Io sur une

reprise, La Petite Marchande d’Allumettes, à l’Opéra de

Reims, et sur un projet autour de Salvador Dali.

Page 7: Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime ANDROMAQUE

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JEAN RACINE (1639-1699)

Rival de Corneille, de son temps comme dans les esprits

du public d’aujourd’hui, Jean Racine reste le maître de la

tragédie classique française. Ses pièces campent, dans un

décor antique, des héros intemporels, victimes sublimes

de leurs passions incontrôlables. Le héros racinien aime

quelqu’un qui en aime un autre, dans une succession

terrible à l’issue fatale.

Jeune homme pauvre qui parvint à la faveur du roi Louis

XIV, Racine connut une promotion sociale considérable. Sa

religion, empreinte de la morale austère du jansénisme de

Port-Royal, fut l’autre grande affaire de sa vie.

Racine est l’un des plus grands poètes européens de

langue française. Peu d’auteurs donnent, comme Racine,

un sentiment aussi évident d’incommensurable entre une

vie d’homme et l’œuvre d’un poète.

Ami de Boileau et de Molière, il fut l’un des chefs des

Anciens et combattit les Modernes par ses épigrammes.

Racine fut l’un des six premiers académiciens admis aux

spectacles de la Cour.

Extrait d’Histoire du théâtre dessinée, André Degaine

Page 8: Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime ANDROMAQUE

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LA PIÈCE DE RACINE

Après la prise de Troie, Andromaque, veuve d’Hector, et son

fils Astyanax sont échus en partage à Pyrrhus, roi d’Épire.

Celui-ci, déjà fiancé avec Hermione, fille de Ménélas, dif-

fère de jour en jour son mariage parce qu’il est épris de

sa captive. Mais Pyrrhus n’a pas compté avec la haine des

Grecs contre la race d’Hector. Irrités d’apprendre que le roi

d’Épire songe à épouser Andromaque, ils envoient Oreste

auprès de lui pour le sommer de leur livrer le jeune Astya-

nax qu’Andromaque a dérobé à la mort en lui substituant un

autre enfant. Oreste, qui aime Hermione malgré les dédains

dont elle a payé son amour, a accepté cette mission dans

l’espoir de vaincre sa résistance. Pyrrhus refuse d’accéder à

la demande des Grecs mais, irrité du refus qu’Andromaque

oppose à ses vœux pour rester fidèle au souvenir de son

époux, il la menace de livrer Astyanax à ses mortels enne-

mis. C’est en vain que la veuve d’Hector le supplie en pleu-

rant en faveur de son fils et lui reproche sa cruelle rigueur.

Pyrrhus reste inflexible. Andromaque se dévouera donc,

mais pour rester fidèle à la mémoire d’Hector, elle est déci-

dée à mourir après la cérémonie nuptiale. À la nouvelle du

mariage de Pyrrhus avec sa captive, la fureur d’Hermione

ne connaît plus de bornes. Elle ordonne à Oreste d’immoler

Pyrrhus devant l’autel et lui promet de l’épouser à ce prix.

Oreste y consent et assassine Pyrrhus ; mais à peine Her-

mione a-t-elle appris la consommation du crime, qu’épou-

vantée, elle repousse le meurtrier avec horreur, l’accable de

malédictions et court se tuer sur le cadavre de celui qu’elle

aimait. Oreste éperdu, se sent en proie à son tour à toutes

les furies vengeresses.

Sources : http://salon-litteraire.com/fr/jean-racine/content/1830783-an-

dromaque-de-racine-resume

À ÉCOUTER

« C’est aujourd’hui d’Andromaque que nous parlons, en com-pagnie d’Alain Viala la première tragédie de Racine à être acclamée en 1667 et qui met en scène le conflit mortifère et tragique entre folie passionnelle et la rigidité de la loi. »

http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chem ins -de - l a - conna i ss ance - r ac i ne -24 -and ro -maque-2012-10-02

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ANDROMAQUE : HISTOIRE DE SON INTERPRÉTATIONPar Agathe Sanjuan, conservateur-archiviste de la Comédie-Française

UNE CRÉATION ORAGEUSE

Cette tragédie fit le même bruit à peu près que Le Cid

lorsqu’il fut représenté. (Perrault, Hommes illustres, t. II)

Le 17 novembre 1667, Racine présente à la Cour sa nou-

velle pièce Andromaque. Âgé de 28 ans, il est déjà l’auteur

de deux tragédies La Thébaïde et Alexandre le Grand, mais

c’est avec Andromaque qu’il impose un nouveau système

dramaturgique, réussissant à combiner les deux modèles

dominants de la tragédie : la tragédie cornélienne, faite

d’évènements « hors de l’ordre commun », et la tragédie

romanesque dominée par la passion amoureuse et ses re-

bondissements, celle de Thomas Corneille ou de Quinault.

Immédiatement reprise à l’Hôtel de Bourgogne, la pièce

obtient un grand succès public, et est, immanquablement,

à l’origine d’une querelle théâtrale à la hauteur de la révo-

lution esthétique qu’elle impose.

La critique est double et contradictoire : d’une part, on re-

proche à Racine d’être tombé dans le travers de la tragédie

galante en faisant de Pyrrhus un personnage trop amou-

reux, d’autre part, on ne supporte pas le chantage sur la

vie d’Astyanax, car la bienséance voudrait que Pyrrhus ne

soit pas un héros sanglant, rôle réservé aux tyrans et scé-

lérats. Cette dernière critique se double d’un reproche sur

l’infidélité de la version de Racine par rapport aux sources

de la tragédie.

La riposte de Racine à ces critiques est immédiate, divul-

guant deux épigrammes anonymes et cinglantes contre

les seigneurs qui s’opposent à sa pièce, dont voici un

extrait : « Créqui dit que Pyrrhus aime trop sa maîtresse

D’Olonne, qu’Andromaque aime trop son mari ».

Puis, il concentre sa contre-attaque sur la conformité de sa

pièce par rapport aux règles classiques. Dans l’édition de la

pièce, il se place sous la protection d’Henriette d’Angleterre

qui a su verser des larmes à sa création. Il ironise, dans

la préface de 1668, sur la supposée trop grande violence

de Pyrrhus vis-à-vis du fils d’Andromaque : « encore s’est-il

trouvé des gens qui se sont plaints qu’il s’emportât contre

Andromaque, et qu’il voulût épouser une captive à quelque

prix que ce fût. J’avoue qu’il n’est pas assez résigné à la

volonté de sa maîtresse et que Céladon a mieux connu

que lui le parfait amour ». À nouveau en 1676, dans une

seconde préface, il justifie ses écarts par rapport aux

sources, en assurant qu’il présente des héros conformes

au goût du public contemporain : « Andromaque, dans Euri-

pide, craint pour la vie de Molossus, qui est un fils qu’elle

a eu de Pyrrhus et qu’Hermione veut faire mourir avec sa

mère. Mais ici, il ne s’agit point de Molossus : Andromaque

ne connaît point d’autre mari qu’Hector, ni d’autre fils qu’As-

tyanax. J’ai cru en cela me conformer à l’idée que nous

avons maintenant de cette princesse. »

Ultime et vaine attaque de ses détracteurs : Subligny ras-

semble les critiques adressées à Racine et en fait une

comédie, La Folle Querelle ou la Critique d’Andromaque.

Molière, qui n’a pas oublié la querelle d’Alexandre, tragé-

die que Racine avait reprise à sa troupe pour la porter à

l’Hôtel de Bourgogne sous le prétexte qu’elle la desservait,

s’empare du texte de Subligny le 25 mai 1668 mais ne

remporte pas le succès qu’il attendait.

ANDROMAQUE ET SES INTERPRÈTES

Au-delà de la querelle des débuts, l’excellence de la pièce

se mesure à son succès public, dans la durée. À sa créa-

tion, elle est servie par les meilleurs interprètes du réper-

toire tragique. La Du Parc (34 ans) joue Andromaque : tout

juste débarquée de la troupe de Molière, Racine l’a fait

« réciter comme une écolière » (Boileau). Floridor (59 ans)

joue Pyrrhus, la Des Œillets (46 ans) joue Hermione, et

Montfleury (plus de 60 ans) le « frénétique » Oreste. L’âge

des comédiens peut surprendre aujourd’hui, le caractère le

plus mûr, Andromaque, étant interprété par la comédienne

la plus jeune de la distribution. C’est qu’au XVIIe siècle, l’art

de l’acteur est moins d’incarner un personnage que d’en

exprimer la passion, les sentiments dans une situation don-

née. L’interprétation de Montfleury est restée célèbre dans

les fameuses « fureurs » d’Oreste. Comédien emphatique,

ce « roi d’une vaste circonférence », « entripaillé comme il

faut » (Molière, L’Impromptu de Versailles), aurait interprété

le cinquième acte avec tant de véhémence que les consé-

quences lui auraient été fatales.

À la reprise de 1670, Mlle Dennebaut reprend le rôle d’An-

dromaque, la Des Œillets, souffrante, est remplacée par

une débutante, Marie Desmares, dite la Champmeslé qui

Page 10: Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime ANDROMAQUE

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deviendra bien vite la nouvelle muse de Racine. En 1680,

lorsque Louis XIV crée la troupe unique de la Comédie-

Française, les pièces de Racine, comme celles de Molière

et Corneille rejoignent le répertoire de la nouvelle troupe.

Michel Baron incarne Pyrrhus et le couple Champmeslé

(Marie Desmares et son époux) Hermione et Oreste.

Au sein du répertoire, Andromaque est la pièce de Racine

la plus souvent représentée avec 1536 représentations

jusqu’en 2001, date de la dernière reprise. Pièce de prédi-

lection que les comédiens choisissent pour leurs « débuts »,

on ne peut citer tous les interprètes qui se sont succédés.

Les caractéristiques d’interprétation portent sur la diction

du vers racinien, psalmodié, chanté, ou dit plus sobrement,

sur la régularité de l’interprétation au cours de la pièce ou

au contraire la concentration sur les « morceaux de bra-

voure », notamment pour Oreste et Hermione, enfin sur

l’équilibre entre les personnages au sein de la distribution.

À la mort de la Champmeslé, Mlle Duclos reprend le rôle

d’Hermione et accentue le caractère chanté de la diction.

Elle est très vite éclipsée par Adrienne Lecouvreur qui

l’interprète dans une veine résolument différente et plus

naturelle, parvenant à faire sentir toutes les nuances du

rôle, passant sans difficulté de la tendresse à la fureur. En

1752, Lekain prend la même voie qu’Adrienne Lecouvreur

et abandonne la diction ampoulée et chantée. Le public

est « frappé d’épouvante » au moment des fureurs. Néan-

moins, Lekain n’abandonne pas totalement le maintien tra-

gique, conforme aux canons de l’époque, au contraire de

son célèbre successeur, Talma (1800), qui refuse de se

plier aux exigences de l’alexandrin, prend des libertés avec

le vers classique et accroît le rôle de la pantomime.

La pièce comporte plusieurs morceaux de bravoure, les

« fureurs » d’Oreste ou d’Hermione, moments attendus

par le public. La Dumesnil qui succède à Adrienne Lecou-

vreur dans Hermione, est connue pour se concentrer sur

ces moments d’éclat, « déblayant » le reste de la pièce, au

contraire de sa rivale, Mlle Clairon, réputée pour sa régula-

rité et son étude des rôles. Talma en Oreste, atteint la folie

dans les fureurs, tandis que Mounet-Sully (1872) décrit un

état proche de la transe.

Enfin, l’interprétation a largement changé, suivant l’équi-

libre entre les interprètes au sein de la distribution. Pierre-

Aimé Touchard porte sur la pièce cette réflexion : « On ne

peut dire quel est le rôle central d’Andromaque. Est-ce

Hermione, ou Pyrrhus, ou Oreste, ou Andromaque ? »

Pourtant, sur le plateau, le talent de tel ou tel artiste a sou-

vent fait porter l’attention sur un rôle en particulier. Pendant

le XVIIIe siècle, l’Andromaque de Mlle Gaussin, Garcins et

Vanhove suscite peu de commentaires. Le personnage est

même totalement éclipsé à partir de 1838 par l’Hermione

de Rachel, animée d’une violence intérieure très impres-

sionnante. En revanche, l’Andromaque baroque de Sarah

Bernhardt (1873) triomphe au risque d’éclipser ses par-

tenaires, à la fois coquette et violente. La recherche d’har-

monie, de régularité et de cohérence du personnage appa-

raît plus au début du XXe siècle, avec l’Andromaque de

Julia Bartet (1902). Deux interprétations du personnage

s’opposent alors : les tenants d’une Andromaque coquette

dans la veine de Sarah Bernhardt, et ceux d’une Andro-

maque élégiaque à la grâce triste dans la veine de Julia

Bartet. Aux côtés de cette dernière, Mme Segond-Weber

soutient le rôle d’Hermione, Mounet-Sully joue Oreste, et

Paul Mounet Pyrrhus.

En 1924 pour la première fois, la critique évoque une

« mise en scène », celle de Charles Granval. En 1934, An-

dromaque et Hermione sont interprétées par Mary Marquet

et Mary Bell qui modernisent l’interprétation vers moins

d’emphase et de lyrisme. L’adoption de costumes aux dra-

pés plus souples permet cette mutation. En 1948, Annie

Ducaux reprend le rôle d’Andromaque aux côtés de Véra

Korène, Jean Yonnel en Oreste et Maurice Escande en

Pyrrhus. À nouveau en 1964, un metteur en scène s’attelle

à reprendre le classique, Pierre Dux dirige Louise Conte

(Andromaque), Thérèse Marney (Hermione), André Falcon

(Oreste) et Georges Descrières (Pyrrhus), dans une distri-

bution équilibrée mais qui ne fait pas l’unanimité dans la

critique qui lui reproche un manque d’émotion. En 1968,

Paul-Émile Deiber en donne une nouvelle version, puis en

1974, Jean-Paul Roussillon donne la tragédie dans une

forme réduite aux deux premiers actes au Petit-Odéon. En

1981, une nouvelle mise en scène est confiée à Patrice

Kerbrat qui atténue la tragédie politique au profit du sen-

timent et de l’amour : Geneviève Casile, Béatrice Agenin,

José-Maria Flotats et Jean-Luc Boutté forment le quatuor.

En 1999, Daniel Mesguich célèbre le tricentenaire de la

mort de Racine en présentant au Théâtre du Vieux-Colom-

bier Mithridate et Andromaque, remontée ensuite à Riche-

lieu. Claude Mathieu interprète Andromaque, Véronique

Vella Hermione, Laurent Montel Oreste et Laurent Natrella

Pyrrhus.

Agathe Sanjuan, septembre 2010

Sources : https://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/upload/docs/appli-

cation/pdf/2011-10/dossier_andromaque.pdf

Page 11: Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime ANDROMAQUE

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« ANDROMAQUE, JE PENSE À VOUS ! »Baudelaire, Les Fleurs du mal, Tableaux parisiens, « Le Cygne ».

Réception et sources de l’œuvre dans la légende troyenne

« Ce fut Andromaque, qui me fit pleurer plus de six

larmes. » Après avoir écrit La Thébaïde, directement ins-

pirée de Corneille, puis Alexandre, où il mêle héroïsme et

galanterie, Racine s’affranchit de ses modèles pour créer

Andromaque, premier chef-d’œuvre, ultime révolution

dans la conception tragique du héros à l’âge classique. La

pièce est jouée le 17 novembre 1667 dans l’appartement

de la Reine, en présence du Roi et de la Cour. C’est la

comédienne Thérèse du Parc, amante du poète, qui joue

le rôle éponyme. Madame de Sévigné ne cache pas son

plaisir lorsqu’elle confie à sa fille Madame de Grignan : « Je

fus encore à la comédie de Vitré le 12 août 1671. Ce fut

Andromaque, qui me fit pleurer plus de six larmes. » La

pièce connaît un succès considérable, allant même jusqu’à

provoquer la polémique avec la comédie La Folle Querelle

ou la Critique d’Andromaque de Sublimy. Charles Perrault

ne manque pas de reconnaître le bouleversement poétique

opéré par Racine, lui qui note : « Cette tragédie fit le même

bruit à peu près que Le Cid lorsqu’il fut représenté ».

Les sources d’Andromaque

Lorsque l’on pense à Andromaque, il est aisé d’imaginer

une certaine proximité de Racine avec les tragiques grecs,

et notamment avec Euripide qui, au Ve siècle avant Jésus-

Christ, avait écrit une tragédie du même nom. Le tragique

grec avait centré sa pièce Andromaque autour du conflit

entre Hermione, épouse stérile de Néoptolème, et Andro-

maque qui, elle, avait enfanté. On pense également aux

Troyennes du même auteur grec qui évoquaient le sort des

dernières survivantes de Troie après le siège de la ville par

les Grecs. Même si l’œuvre d’Euripide reste une source évi-

dente d’inspiration pour Racine, c’est une influence qui se

cantone à de ponctuels emprunts visibles dans la version

de 1667.

Racine ouvre ses deux préfaces de 1668 et 1676 par une

citation d’une vingtaine de vers empruntée au poète latin

Virgile. Le poète avoue avoir emprunté à Virgile et plus pré-

cisément au livre III de L’Énéide à la fois l’action, le lieu

de l’action, les quatre personnages principaux et leur ca-

ractère. Il cite en latin l’épisode de L’Énéide où se joue la

rencontre entre Andromaque et Énée, tous deux exilés et

orphelins. Il finit par évoquer le crime passionnel d’Oreste :

« Quant à lui-même, Oreste, brûlant d’un immense amour

pour sa fiancée perdue, et poursuivi par les Furies qui tour-

mentent les criminels, l’assassine à l’improviste non loin des

autels consacrés à son père. » Affichant sa filiation avec

Virgile, à qui il attribue « tout le sujet de cette tragédie »,

Racine lui est également redevable pour la veine élégiaque

très prisée dans la seconde moitié du XVIIe siècle par les

spectateurs mondains.

L’inspiration homérique, quant à elle, est manifeste chez le

personnage d’Andromaque, notamment lorsqu’elle évoque,

à l’acte III, scène 8, le fameux épisode des adieux d’Hector

présent dans le VIe chant de L’Iliade.

Ce recours aux Anciens (la tragédie gréco-latine, l’élégie

latine et l’épopée homérique) est également un moyen

pour Racine de faire front à ses détracteurs, et notamment

à Saint-Évremond qui avait clamé dans tout Paris : « l’au-

teur d’Alexandre est “un homme qui a de l’esprit mais qui

n’a pas le goût de l’Antiquité”. »

Réécriture tragique de la guerre de Troie

Racine situe sa tragédie Andromaque sur les ruines de

la guerre de Troie. Le vieux Priam, roi de Troie, capitale

de la Troade, en Phrygie, a parmi ses nombreux fils –

une cinquantaine selon la légende – Hector, futur époux

d’Andromaque et guerrier le plus valeureux de Troie. La

guerre éclate entre les Grecs et les Troyens à la suite de

l’enlèvement d’Hélène, femme du roi Ménélas, par Pâris. Le

siège de Troie dure dix ans, pendant lesquels Hector, grâce

à l’intervention divine d’Apollon, tue Patrocle, le plus fidèle

compagnon d’Achille. Fou de tristesse, celui-ci se venge et

tue Hector. Il attache son cadavre à son char pour l’expo-

ser à Priam et Hécube, ses parents, à Andromaque et aux

habitants de Troie. C’est finalement par la ruse d’Ulysse

avec la création du fameux cheval de Troie que les Grecs

parviennent à assiéger la citadelle. La ville est incendiée,

les habitants massacrés. Les captives sont tirées au sort

entre les vainqueurs grecs. C’est ainsi qu’Andromaque de-

vient captive de Pyrrhus, fils d’Achille et fiancé d’Hermione,

elle-même fille d’Hélène et de Ménélas. Astyanax, fils d’An-

dromaque et d’Hector est tué à la guerre, selon la légende.

Racine se réfère à de nombreuses reprises aux événe-

ments qui ont marqué la guerre de Troie, à commencer par

Page 12: Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime ANDROMAQUE

12

les hauts faits d’Hector, l’incendie de la flotte devant Troie

ou bien encore le partage des prisonniers. Ces épisodes

permettent de planter un arrière-plan épique qui s’accorde

à la représentation communément admise de la guerre de

Troie. Pourtant, Racine prend ses distances par rapport à la

légende troyenne qui par définition s’articule autour d’une

structure épique. L’enjeu de Racine est de concentrer, à

partir de cette légende, une histoire tragique mêlant les

thèmes de la passion amoureuse, de la vengeance et de

la cause politique avec la mort d’un prince par un autre

prince dans un premier temps et l’accession d’Andromaque

au pouvoir dans un second temps. « […] Racine est par-

venu, explique Georges Forestier, à créer une logique

destructrice de l’enchaînement passionnel : désastre poli-

tico-humain provoqué par la folie amoureuse d’Oreste et

la passion vengeresse d’Hermione, elle-même provoquée

par la passion de Pyrrhus pour Andromaque. C’est pour-

quoi l’on peut dire qu’Andromaque est la première tragédie

véritablement racinienne : après une première tragédie où

l’amour était dissocié du « tragique » et rejeté au second

plan, après Alexandre où l’amour passait au premier plan

et exténuait le tragique, Andromaque développe une action

dans laquelle le tragique réside dans les conséquences

destructrices de la passion amoureuse. Le « surgissement

des violences au sein des alliances » résulte de la violence

de la passion. » L’originalité d’Andromaque, et les contem-

porains de Racine l’ont immédiatement reconnue, réside

dans cette manière pour le poète d’entremêler l’amour au

tragique. Pour cela, Racine exacerbe le pathétique, et plus

particulièrement deux sentiments fondateurs de son es-

thétique que sont la compassion et la terreur.

« La tragédie d’un lendemain de guerre »

Racine met à mal l’idéal chevaleresque qui jadis avait fait

la gloire de Corneille. Dans Andromaque, l’exaltation des

valeurs guerrières n’a plus lieu d’être. La guerre de Troie

a vu les plus grands soldats s’entretuer, les héros devenir

des barbares. Ce retour de Troade est donc vécu sur un

mode désenchanté, profondément désillusionné. Le poète

démythifie la guerre de Troie, jadis auréolée de ses ba-

tailles légendaires et de ses héros mythiques. À la bouche-

rie des combats succède une « nuit éternelle » à laquelle

sont condamnés Oreste, Hermione, Pyrrhus, Andromaque

et Pylade, complice de toujours d’Oreste. Rétrospective-

ment, les exploits guerriers sont vécus comme des crimes

commis par des barbares sanguinaires. Les valeurs guer-

rières sont inversées : là où l’on voyait force, courage et

grandeur d’âme, le dramaturge n’y voit qu’amour propre,

violence et démence. Andromaque se fait le porte-parole,

légitime, de cette violence guerrière. « Dois-je oublier Hec-

tor privé de funérailles, / Et traîné sans honneur autour de

nos murailles ? / Dois-je oublier son père à mes pieds ren-

versé, / Ensanglantant l’autel qu’il tenait embrassé ? » (vers

993-996). Influencé, en effet, par la pensée augustinienne

fort à la mode dans les années 1660 auprès de penseurs

tels que Pascal et La Rochefoucauld, Racine représente

les héritiers de cette guerre sanguinaire, ou plutôt ses reje-

tons « livrés en aveugle au destin qui [les] entraîne. »

Racine représente ainsi la guerre de Troie comme une pé-

riode marquant une rupture historique, rupture symbolisée,

incarnée par les héros orphelins de la tragédie. En effet,

très souvent désignés par la périphrase « fils de » ou « fille

de » – Oreste, « fils d’Agamemnon » (vers 274), Pyrrhus,

« fils d’Achille » (vers 310), Hermione, « fille d’Hélène »

(vers 342) – ces trois héros sont coupés de leur lignée,

de leurs aïeux victorieux. À la guerre que se sont livrée

leurs parents, succède alors une guerre des sentiments

amoureux, d’autant plus violente qu’elle est irrationnelle,

déraisonnée. Dépossédés de leur passé, à l’exception du

personnage d’Andromaque dont Astyanax incarne la per-

manence de Troie et de l’amour, les personnages de cette

tragédie sont condamnés à régler leurs comptes avec leur

passé, et cela à travers le sentiment amoureux.

Des héros « ni tout à fait bons, ni tout à fait méchants »

Si Andromaque fait scandale au moment de sa création,

en 1667, c’est en grande partie lié à la métamorphose que

Racine opère sur le modèle du héros tragique. En effet,

jusqu’à présent celui-ci se doit de répondre à trois critères

que Georges Forestier rappelle dans l’introduction qu’il

consacre aux Œuvres complètes de Racine en Pléiade :

il doit être tout d’abord « convenable », c’est-à-dire corres-

pondre « au type humain ou social auquel il ressort ». Les

rois, comme Oreste et Pyrrhus, doivent être « généreux ».

Le héros tragique a également un « caractère » conforme

à la représentation que l’histoire et la tradition ont donnée

de lui. Aussi Hermione est-elle animée d’un sentiment de

vengeance inexpugnable. Enfin, il doit avoir un « caractère

constant », égal tout au long de la pièce. Racine fait une

double entorse à ces principes hérités de la théorie aris-

totélicienne de la tragédie. Il fait de la passion amoureuse

l’un des fondements mêmes de la nature humaine. Or chez

le poète, le sentiment est exacerbé, violent, imprévisible. Il

conduit le héros à changer d’avis, de caractère en somme.

Oreste hésite jusqu’au dernier acte à tuer Pyrrhus. Idem

pour Hermione, furieuse et vindicative, qui regrette in fine

la mort du roi d’Épire, et pour Andromaque qui décide d’en-

dosser le statut de reine de l’Épire après l’assassinat de

Page 13: Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime ANDROMAQUE

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Pyrrhus. Le sentiment amoureux, échappant au contrôle

de la raison et de la volonté, conduit le héros tragique à

des actes imprévisibles. La seconde entorse à la loi relève

de la nature criminelle du héros tragique. Contrairement

à la tradition selon laquelle seuls les criminels « paten-

tés » pouvaient tuer, le héros racinien peut être amené à

commettre l’irréparable sans que rien dans son caractère

ne le laisse présager. Il n’est qu’à voir les personnages

d’Andromaque qui par passion pour Hector envisage sa

propre mort, d’Oreste qui fait tuer Pyrrhus et enfin d’Her-

mione, ultime instigatrice de ce meurtre. Andromaque

présente des criminels en puissance, si ce n’est en actes,

parce que dévorés par une passion aveuglante et exacer-

bée.

Le dilemme tragique

Une veuve devenue la captive de celui qui a tué toute sa

famille peut-elle l’épouser pour sauver son fils de la tue-

rie générale ? La particularité de ce dilemme auquel est

confrontée Andromaque tout au long de la tragédie est

d’enclencher une série de crises toutes plus violentes les

unes que les autres : la fureur et le suicide d’Hermione en-

trecoupés par l’assassinat de Pyrrhus par Oreste. Racine

met en avant cette question d’Andromaque en donnant

vie au personnage d’Astyanax, pourtant mort à la guerre

de Troie dans la légende. Si le poète fait le choix de res-

susciter l’enfant d’Hector, c’est pour mieux justifier l’appa-

rition à la cour d’Oreste et de problématiser les rapports

qu’entretiennent Andromaque et Pyrrhus. Il accentue aussi

le pathétique de cette légende troyenne. Andromaque

s’ouvre ainsi sur le personnage d’Oreste, missionné par les

Grecs pour demander à Pyrrhus la restitution de l’enfant.

À travers la figure du fils, c’est l’image de l’amant, le dé-

funt Hector, que la veuve ne cesse de réactiver. « […] c’est

vraiment, s’étonne Roland Barthes, l’un des paradoxes du

mythe racinien que toute une critique ait pu voir en elle

la figure idéale d’une mère. Le dit-elle assez qu’Astyanax

n’est pour elle que l’image (physique) d’Hector, que même

son amour pour son fils lui a été expressément commandé

par son mari. » Le personnage d’Andromaque, bien que as-

sez court en terme de vers, « 230 vers sur 1648 » comme

le souligne Patrick Dandrey, irradie l’ensemble des prota-

gonistes parce que de lui dépend une série de décisions

qui entraînera leur chute. Subissant tour à tour le chantage

de la mort de l’enfant à l’acte I, l’ultimatum à l’acte III et le

mariage forcé à l’acte V, la veuve attise malgré elle la fureur

d’Hermione, et paradoxalement celle d’Oreste qui tue son

ennemi au moment où il n’y a plus de rivalité entre eux.

« Incapable toujours d’aimer et de haïr » (vers 1439), An-

dromaque tire, malgré elle, les fils de cette tragédie amou-

reuse. C’est Pyrrhus qui se trouve au centre même de cette

tourmente, étant le plus confronté aux trois autres person-

nages, Andromaque, Hermione et Oreste, accompagné par

Pylade, amoureux et complice de toujours.

« Dire Andromaque »

« Tout se passe, affirme Roland Barthes, comme si la dic-

tion racinienne était le résultat bâtard d’un faux conflit

entre deux tyrannies contraires et pourtant illusoires : la

clarté du détail et la musicalité de l’ensemble, le discontinu

psychologique et le continu mélodique ». S’appuyant sur

la tradition du jeu racinien, « de la Comédie-Française au

T.N.P », Barthes condamne une lecture, bourgeoise selon

lui, qui souffrirait, en terme médical, d’une certaine manière

de myopie. Emprunt d’une logique comptable, le comé-

dien ne voit dans le texte qu’une addition de vérités. Véri-

tés multiples, variées, contraires parfois, auxquelles il faut

donner un sens, donc un effet du point de vue du comé-

dien. Il détache un mot, le suspend dans le vide, accélère

le rythme, tels sont les moyens pour faire émerger tous les

sens trouvés du texte. Son but est d’établir une « analogie

entre la substance musicale et le concept psychologique ».

Le texte de Racine, ayant été longtemps perçu comme la

somme d’une infinité de détails, il a été de coutume de

fractionner le vers, notamment par une diction exclamative.

Le texte n’est alors pas dit mais proféré dans un souffle ly-

rique qui n’a pour seul but que d’insuffler au vers de la psy-

chologie. Revenant à Roland Barthes et à son texte W, on

trouve la définition de l’alexandrin en tant que « technique

de distancement, c’est-à-dire de séparation volontaire du

signifiant et du signifié. Par ce qui me semble un véritable

contresens, nos acteurs s’efforcent sans cesse de réduire

cette distance, et de faire de l’alexandrin un langage natu-

rel, soit en le prosaïsant, soit à l’inverse en le musicalisant.

Mais la vérité de l’alexandrin n’est ni de se détruire ni de

se sublimer : elle est dans sa distance. » Le comédien se

doit alors de s’effacer pour accueillir la musique propre au

vers racinien : « Nous tentons, déclare Muriel Mayette, de

ne pas jouer en général, ôtant tout masque tragique […].

Nous devons être des instruments aux gorges profondes,

d’où remontent le lait de l’enfance, les larmes éteintes et

les colères universelles. »

Sources : https ://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/upload/docs/appli-

cation/pdf/2011-10/dossier_andromaque.pdf

Page 14: Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime ANDROMAQUE

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EN IMAGES

© DAMIEN RICHARD

Page 15: Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime ANDROMAQUE

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LA PRESSE EN PARLE

Théâtrorama, le 12 octobre 2013

Page 16: Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime ANDROMAQUE

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Autour de Montparnasse, le 29 octobre 2013

Page 17: Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime ANDROMAQUE

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Andromaque, en cinq actes et en vers, écrite en 1667, est

représentée pour la première fois le 17 novembre de cette

même année. Avec cette tragédie, Racine devient un au-

teur reconnu.

Après la chute de Troie, Pyrrhus a obtenu pour butin An-

dromaque et son fils Astyanax ; de retour en Epire, il reçoit

dans son palais, Hermione, fille de Ménélas, roi de Sparte

et d’Hélène, qu’il doit bientôt épouser. Mais il s’est épris de

sa captive : Andromaque, veuve d’Hector….

Arrive alors Oreste, amoureux d’Hermione, à la cour de

Pyrrhus! En fait, bien souvent, l‘argument de la pièce est

résumé en une phrase : « Oreste aime Hermione qui aime

Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime encore le souvenir

de son mari, Hector, tué pendant la guerre de Troie ».

C’est, cette phrase, à peu de chose près, qui donnera le

titre à cette adaptation d’Andromaque, créée en 2012, et

qui n’a cessé d’évoluer, et toujours avec pertinence. Au

départ, un pari ambitieux, risqué, et loin d’être gagné. Mais

deux autres projets du collectif La Palmera : Le Dragon

d’Evguéni Schwartz, mise en scène par Néryet P’tite Souil-

lure de Koffi Kwahulé, mise en scène par Damien Dutrait

et Nelson Rafaell-Madel, sont en cours de préparation,

et, comme le temps passe, ce dernier et Paul Nguyen, un

autre membre du collectif, décident en parallèle, de monter

un projet « plus simple à mettre en place » et ayant, entre

autres, pour but : « jouer le plus rapidement possible ! ».

Il s’agissait donc de créer un spectacle n’exigeant pas trop

d’investissements, facilement transportable et accessible à

un large public. Mais quelle pièce monter ? Le choix est

complexe et Andromaque sera l’heureuse élue! Néry en

fera la mise en scène en étroite collaboration (il s’agit en

effet d’un collectif) avec deux des comédiens, Paul Nguyen

et Nelson Rafaell-Madel. Le spectacle sera donc conçu à

trois, mais il sera fait appel à plusieurs collaborations pour

la lumière, les costumes, la chorégraphie, etc.

Tout paraît alors en place, mais les contraintes, et deux

en particulier, vont surgir ! La première, limiter le nombre

d’acteurs. Solution vite trouvée, Nelson R. Madel et Paul

Nguyen seront les comédiens de la pièce, pour tous les

rôles (huit dans l’œuvre de Racine !) Ils passent donc de

l’un à l’autre, avec une aisance remarquable, et réussissent

pour chacun d’eux à « habiter » avec densité les différents

personnages (féminins ou masculins) et leurs conflits et

destinée tragiques. Cela apporte ainsi au spectacle, une

cadence extrêmement juste et, de façon détournée, une

dimension chorégraphique.

Autre contrainte : la scénographie se devait d’être simple,

maniable, adaptable et permettant de démarquer nettement

les deux parties sur lesquelles se construit l’axe dramatur-

gique de cette adaptation. Pour répondre à ces exigences

intellectuelles et artistiques, le spectacle comportera donc

aussi deux parties distinctes. La première pourrait s’inscrire

tout à la fois dans l’espace de la fête, et du débat, la deu-

xième dans celui du théâtre, de la représentation…

Écrit par les interprètes à la suite d’impros, le texte rend

accessible la tragédie aux lecteurs, comme aux specta-

teurs un peu méfiants, (souvenirs scolaires pas des plus

merveilleux ?)… ou ignorants de ce genre dramatique.

Désir d’une volonté artistique ? Oui ! celle de donner l’envie

de découvrir ou de re-découvrir cet univers de la tragédie

construit selon des règles très précises, œuvre d’art à part

entière, et mise en son par la parole et la voix de l’acteur-

poète. Et la magie opère. Plus la représentation avance,

plus le spectateur glisse dans ce monde poétique et abs-

trait mais tellement vrai de la tragédie. Adieu, l’ennui tant

redouté !

En effet, la difficulté était de garder une envolée poétique,

une théâtralité mais aussi de ne pas tomber dans une expli-

cation dogmatique. Exigence aboutie, grâce à la méthode

très judicieuse pensée par les deux interprètes :

« Remplacer, disent-ils, les deux premiers actes, par l’écri-

ture d’un texte issu de nos impros, nous permettait de

mettre en route un début dans lequel nous commencions à

parler aux gens comme si nous étions là naturellement et

qu’on essayait de se parler, de transmettre, de converser…

ensemble. En fait, tout le travail était de voir jusqu’à quel

point nous pouvions étirer les limites de la tragédie… et

s’en écarter pour ensuite arriver au stade où cela n’était

plus possible. Nous savions qu’à un moment donné du

spectacle, on ne garderait que les vers. Et quand la tra-

gédie serait nouée, on ne s’en écarterait plus… Dans la

seconde partie, il n’y a plus du tout de noms propres, il

y a juste les sentiments de ces quatre personnages qui

perdent pied, et raison ».

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Eh oui, mais cela est loin d’être évident ! Il faut souligner

le talent et l’esprit artistique avec lequel le collectif a su

harmoniser et faire se rencontrer avec autant de précision

intellectuelle et poétique, une dimension esthétique et le

jeu comme la scénographie qui suit (dans la seconde par-

tie) la progression dramatique du texte, ludique, originale,

lyrique, burlesque mais aussi superbement classique .

Dans la première partie, les héros de la pièce sont incarnés

par des ballons gonflables de couleurs différentes. (Par

exemple, blanche pour Astyanax, symbolisant la pureté,

l’innocence de l’enfance… la paix), qui répondent avec

justesse aux tempéraments des personnages et à l’objec-

tif envisagé par les deux comédiens, initiateurs de cette

création, qui souhaitaient « rendre accessible la tragédie,

aujourd’hui ».

Le parti pris esthétique d’un spectacle en deux parties, doit

nous permettre d’en saisir la poétique et la dramaturgie

au plus près, et ce collectif réussit une prouesse : ne point

nous éloigner du texte de Racine et capter avec tension et

sensibilité, la conscience et le plaisir du spectateur.

Grâce à la forte créativité et aux inventions de collectif,

et malgré le temps qui passe, la société et les utopies qui

changent et se perdent, le public reçoit dans toute sa quin-

tessence cette tragédie classique.

Pari difficile… mais gagné ! Andromaque, dans cette expé-

rience artistique et théâtrale, n’a rien perdu de sa dimen-

sion tragique, et de sa langue poétique qui la rend éter-

nelle à ceux qui savent entendre et s’emparer aujourd’hui

de sa musique sans la trahir ! « Il ne faut, disait déjà Racine,

s’amuser à chicaner les poètes pour quelques change-

ments qu’ils ont pu faire dans la fable ; mais (…) il faut

s’attacher à considérer l’excellent usage qu’ils ont fait de

ces changements, et la manière ingénieuse dont ils ont su

accommoder la fable à leur sujet ».

Elisabeth Naud

« Oreste aime Hermione qui Pyrrhus qui aime Andromaque

qui aime Hector qui est mort. Voilà la trame, et voilà aussi le

titre d’une représentation réjouissante qui se donne dans

le « Off » chaque jour à 16h30, et qui est amenée au galop

par deux jeunes acteurs caméléons. Nelson Rafaell-Madel

et Paul Nguyen se partagent tous les rôles de la tragédie

classique, et ils revisitent au pas de charge l’œuvre de Ra-

cine, avec pour seuls accessoires des tentures de couleurs

et des ballons gonflables. En 1h30, ils rejouent la guerre

des Grecs et des Troyens en nous expliquant par le menu

les aléas de ces passions souvent complexes, puis ils se

lancent dans un extrait d’Andromaque, et on croirait voir

surgir devant nous les figures raciniennes. Ce spectacle

joyeux et alerte est une façon de dépoussiérer les clas-

siques sans se prendre au sérieux, et aussi de démontrer

qu’avec très peu d’argent mais beaucoup d’énergie et du

talent, on peut parler l’alexandrin sans faire fuir les spec-

tateurs. »

Joëlle Gayot, France Culture, juillet 2014