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01 / ORTHOGRAPHE, CLASSES SOCIALES ET ECOLE. BIBLIOGRAPHIE : C.BRISSAUD ; J.P. JAFFRE ; J.C. PELLAT (eds) (2008) : Nouvelles recherches en orthographe (Lambert Lucas, Limoges) A. CHERVEL (2006) : Histoire de l'enseignement du français du XVIIè au XXè siècie (Retz). A. CHERVEL (2008) : L'orthographe en crise en France (Retz). F. DE CLOSETS (2009) : Zéro faute. L'orthographe une passion française (Mille et une nuits). R. HONVAULT-DUCROCQ (dir.) (2006) : L'orthographe en question (P. U. de Rouen et du Havre). D. MANESSE ; D. COGIS (2007) : L'orthographe, à qui la faute ? (ESF). Cahiers Pédagogiques, 440, fév. 2006 : Orthographe. Introduction : D. MANESSE et D. COGIS ont enregistré, dans une étude faite en 2005, une forte baisse du niveau de l'orthographe. Cette baisse est particulièrement sensible en ZEP. Comment expliquer cette forte différence de performances entre élèves en orthographe ? L'histoire de l'orthographe et son fonctionnement ont été peu étudiés or il y a là des explications possibles. 1) Histoire de l'orthographe : Les premiers écrits en langue française datent du 8è siècle ; il a fallu écrire du français avec un alphabet latin. Ce sont des écrits religieux, politiques et juridiques... Le latin a joué un rôle important dans l'apprentissage du français ; les lettrés ont longtemps gardé le goût des citations latines ; le français conserve beaucoup de formules latines : sine die, a priori, statu quo, ex aequo, curriculum vitae, terminus. Pour écrire en français, on a « naturellement » utilisé l'alphabet latin qui convient mal au français qui a plus de phonèmes que n'existent de lettres latines (ex. an, on...). Pour A. CHERVEL, l'orthographe française s'est construite en deux temps : une orthographe passive pour apprendre la lire (i 650 - 1835) et une orthographe active pour apprendre à écrire. L'orthographe pour apprendre à lire : Les premiers textes imprimés n'avaient pas d'orthographe bien fixée et les mots comprenaient beaucoup de lettres inutiles : besoing, nopces... voir textes joints cités par CHERVEL, qui sont illisibles. Pour rendre les textes lisibles, on a fortement simplifié l'orthographe : suppression des lettres inutiles, des y en fin de mots... mais on a maintenu des écriture comme doigt, corps, temps... on crée même parent ; les enseignants étaient latinistes. Avec la création de l'imprimerie, il a fallu créer de nouvelles normes notamment pour éviter des confusions (il n'y avait pas de distinction entre u et v, ou i et j : vjtre pouvait signifier huitre : d'où l'introduction du h devant de nombreux mots commençant par u, comme huit, huis... C'est l'apparition du h en français). Avec la lecture scolaire, on crée donc de nouvelles lettres : le j et le v. C'est donc l'école qui fixe, selon CHERVEL, les premières règles orthographiques. Enfin, l'Académie Française s'empare du problème de l'orthographe. L'orthographe a été conçue par des érudits et n'a pas sur s »adapter à tout un peuple. Voir texte joint. L'un des buts de l'orthographe a été de séparer le lettré .de l'inculte (et des femmes qui ne savaient pas de latin). On confirme les références latines (temps et non tems ; doigt mais avec

ORTHOGRAPHE, CLASSES SOCIALES ET ECOLE. … · L'orthographe pour apprendre à lire : ... (orthographe et grammaire notamment) indépendant du savoir savant. Voir en conclusion :

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ORTHOGRAPHE, CLASSES SOCIALES ET ECOLE.

BIBLIOGRAPHIE :C.BRISSAUD ; J.P. JAFFRE ; J.C. PELLAT (eds) (2008) : Nouvelles recherches enorthographe (Lambert Lucas, Limoges)A. CHERVEL (2006) : Histoire de l'enseignement du français du XVIIè au XXè siècie (Retz).A. CHERVEL (2008) : L'orthographe en crise en France (Retz).F. DE CLOSETS (2009) : Zéro faute. L'orthographe une passion française (Mille et unenuits).R. HONVAULT-DUCROCQ (dir.) (2006) : L'orthographe en question (P. U. de Rouen et duHavre).D. MANESSE ; D. COGIS (2007) : L'orthographe, à qui la faute ? (ESF).Cahiers Pédagogiques, n° 440, fév. 2006 : Orthographe.

Introduction :D. MANESSE et D. COGIS ont enregistré, dans une étude faite en 2005, une forte baisse duniveau de l'orthographe. Cette baisse est particulièrement sensible en ZEP. Commentexpliquer cette forte différence de performances entre élèves en orthographe ?L'histoire de l'orthographe et son fonctionnement ont été peu étudiés or il y a là desexplications possibles.

1) Histoire de l'orthographe :Les premiers écrits en langue française datent du 8è siècle ; il a fallu écrire du français avecun alphabet latin. Ce sont des écrits religieux, politiques et juridiques...Le latin a joué un rôle important dans l'apprentissage du français ; les lettrés ont longtempsgardé le goût des citations latines ; le français conserve beaucoup de formules latines : sinedie, a priori, statu quo, ex aequo, curriculum vitae, terminus.Pour écrire en français, on a « naturellement » utilisé l'alphabet latin qui convient mal aufrançais qui a plus de phonèmes que n'existent de lettres latines (ex. an, on...).Pour A. CHERVEL, l'orthographe française s'est construite en deux temps : une orthographepassive pour apprendre la lire (i 650 - 1835) et une orthographe active pour apprendre à écrire.

L'orthographe pour apprendre à lire :Les premiers textes imprimés n'avaient pas d'orthographe bien fixée et les mots comprenaientbeaucoup de lettres inutiles : besoing, nopces... voir textes joints cités par CHERVEL, quisont illisibles. Pour rendre les textes lisibles, on a fortement simplifié l'orthographe :suppression des lettres inutiles, des y en fin de mots... mais on a maintenu des écriturecomme doigt, corps, temps... on crée même parent ; les enseignants étaient latinistes.Avec la création de l'imprimerie, il a fallu créer de nouvelles normes notamment pour éviterdes confusions (il n'y avait pas de distinction entre u et v, ou i et j : vjtre pouvait signifierhuitre : d'où l'introduction du h devant de nombreux mots commençant par u, comme huit,huis... C'est l'apparition du h en français). Avec la lecture scolaire, on crée donc de nouvelleslettres : le j et le v.C'est donc l'école qui fixe, selon CHERVEL, les premières règles orthographiques.Enfin, l'Académie Française s'empare du problème de l'orthographe. L'orthographe a étéconçue par des érudits et n'a pas sur s »adapter à tout un peuple. Voir texte joint.L'un des buts de l'orthographe a été de séparer le lettré .de l'inculte (et des femmes qui nesavaient pas de latin). On confirme les références latines (temps et non tems ; doigt mais avec

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des irrégularités : vingt mais pas trengte) ; puis on crée des références grecques : les ph, th, y,z ( horizon, et le h à cause de l'esprit rude en grec)... Jusqu'à créer nénuphar qui n'a aucuneorigine grecque.CHERVEL pense que l'école crée son propre savoir (orthographe et grammaire notamment)indépendant du savoir savant. Voir en conclusion : qui crée l'orthographe : l'école,l'Académie, les dictionnaires...

L'orthographe activeGUIZOT (1833) introduit la dictée en primaire, épreuve qui va devenir emblématique del'école primaire, avec des normes qui défavorisaient le public populaire et non lettré.L'orthographe est donc au départ un outil de classement social. Elle est fondée sur une forteculture classique : le latin et le grec.C'est un changement de statut de l'écrit. La lecture passive était surtout religieuse. L'écritureactive devient profane et professionnelle. L'écriture active a connu une évolution. Il s'agissaitd'abord de calligraphier et de copier. Après l'écriture servile du copiste, il y a la dictée de lasecrétaire ou l'employé qui écrit une lettre dictée par son patron. L'orthographe active est liéeà la modernisation sociale et économique du pays. La société réclame une bonne orthographe :notaires, secrétaires...L'importance de F orthographe active culminera au 19è. Dès 1851, unedictée quotidienne est obligatoire. Le poids de la dictée va devenir monstrueux ; c'est souventla dictée qui détermine la réussite ou l'échec à un concours (instituteur ou téléphoniste) ou àun examen (CEP).Le poids de GUIZOT est important : ce n'est plus l'usage qui va guider l'orthographe mais lesnormes académiques. Les instituteurs vont être recrutés à partir de leur niveau orthographique.C'est à partir de ce moment que l'orthographe sera marqueur social. La forme va l'emportersur le fond.J. FERRY contestera ce poids de la dictée, apprentissage serviîe pour favoriser la productiond'écrit par la rédaction. C'est l'entrée de la littérature à l'école. Ce progrès de l'écriturespontanée se traduira par le grand nombre de lettres écrites en 14-18.On est passé des dictées « pièges » : « une petite rivière dont ils n'ont pas trouvé le gué, ce quin'est pas gai, car les ennemis faisaient le guet »(1845, cité par CHERVEL, Histoire.. .p.324) àdes dictées « littéraires » : J. SIMON, 1871, : « les dictées.,. devront être empruntées à nosmeilleurs auteurs ». Ce sera la dictée de BEUVAIN.FERRY a voulu réduire le poids de l'orthographe : il introduit au CEP une épreuve derédaction et une épreuve orale de lecture expliquée. Les activités de français sont devenuesplus enrichissantes. Mais les enseignants se sont opposés à toute réforme de l'orthographe.Dès J. FERRY, on voit les oppositions à toute réforme de l'orthographe.

2) Comment l'enfant apprend-il l'orthographe ?Quand un enfant apprend à lire et à écrire, il réfléchit sur les régularités de la langue (lirecoucouville ; écrire morose...). Voir texte 2.J.P. JAFFRE a fait un travail sur la compréhension du code orthographique auprès d'enfantsdu primaire. Il leur a fait écrire des mots inconnus (pseudo-mots ou mots rares). Il joue sur lese muets, sur les archigraphèmes. Il constate une évolution : en CP -CEI, l'enfant associe demanière rigide graphème et phonème ; puis en cycle 3, il sait qu' un même phonème peutavoir des écritures diverses (o, au, eau) ; enfin, fin de l'école primaire et début du collège, il ya les problèmes d'étymologie : th, y, ph... Voir texte joint 3On a aussi fait écrire à des enfants de CEI - CE2 le phonème (o) en précisant qu'il était endébut de mot ou en fin de mot. Les réponses pour le début de mot : hau, ho... : pour le fin demot : ot, aut.. .Cela montre que l'enfant a repéré des régularités dans l'écrit (il n'y a pas de finde mot auh). Cela permet de joindre orthographe du lecteur et celle de l'écrivain.

Donc certaines fautes sont tardives et témoignent, paradoxalement, d'une réflexion sur lalangue (maurose en CEI, phylosophie ou language au bac). Il y a donc des fautes« intelligentes », comme sous-terrain dans la dictée de FENELON. Il y a aussi des fautesdues à des « sur-normes » : réunmes, cannaux... Voir texte joint 4.Dictée faite à l'U.P.V. de Metz en 2008 en SHA . Ex. du mot « ébahi » : le tout n'est pas deconstater une faute, il convient de l'expliquer. Plus, importance sociale de l'orthographe pourles « cadres ».Ce texte montre aussi que l'orthographe peut varier selon la situation d'écriture (quand va-t-

on vérifier dans le dictionnaire ?).Savoir l'orthographe nécessite d'être lecteur (marqué socialement) et de réfléchir sur lalangue. Or cette réflexion sur les incohérences de la langue est liée à une pédagogie« démocratique », selon l'expression de LAUTREY. Ecrire provoque des perturbations, maison peut discuter et expliquer. Même s'il y a des règles à apprendre (bijou, genou, pou.,.. etaujourd'hui ripou).

3) L'évolution de la maîtrise de l'orthographe chez les maîtres et chez les élèves (1829 -2005): ' " .

Une première enquête, en 1829, porte sur le niveau orthographique des maîtres ; 69% desmaîtres ignorent 1*orthographe. C'est à partir de cette enquête, faite par des notables, que seracréé le corps des inspecteurs primaires. Le niveau des institutrices est pire : 92% ignorentl'orthographe.Les écoles normales sont créées et le niveau de l'orthographe sera mesuré par la réussite auBrevet Supérieur ; le niveau orthographique des maîtres augmente alors fortement ; celui desmaîtresses dépassera celui des maîtres en 1864.

Pour les élèves, les enquêtes sont nombreuses : BEUVAIN (1873-1877) ; BINET (1909) avecsa fameuse phrase type : « Les jolies petites filles étudient les plantes qu'elles ont ramasséeshier ». On a aussi comparé des copies de certificat d'études (1923-25) et des copies de 1995 :les élèves de 12-14 ans en 1995, font deux fois et demi plus de fautes qu'en 1925, mais ilssont bien meilleurs en rédaction.La dictée de BEUVAIN a été refaite en 1986 - 87 puis en 2005. Il y a un important progrèsentre 1877 et 1987 mais une baisse importante en 2005.En gros, le niveau orthographique semble monter en 1870 et 1920 et baisser depuis même sile niveau des élèves actuels est bien supérieur à celui des élèves de BEUVAIN.Et il faut analyser les fautes quantitativement et qualitativement.

4) Les réformes :L'idée de réformer l'orthographe est ancienne (J. FERRY en pariait déjà mais il s'est opposéaux instituteurs pour qui la dictée était l'exercice à ne pas modifier : les fameuses cinq fautesà la dictée).En 1990, une réforme a été proposée. Voir texte sur ces propositions parues au J.O. 100 del'année 1990, Documents administratifs, Les rectifications de l'orthographe.Ce texte a provoqué une forte polémique car on touchait à des habitudes, à la langue française,à ses racines...Des élèves de CM2, des professeurs en poste, des professeurs stagiaires ont été testés surl'acceptabilité des rectifications proposées. Voir texte 7. On peut accepter les deux écritures,comme pour clé ou clef. D'ailleurs les deux écritures sont tolérées. On voit les réticences.Comment les expliquer ? Cela contredit un savoir durement acquis ? Et pourtant, cela corrigebien des aberrations (cure dent mais coupe ongles ; charrette, charrue mais chariot.. .et mêmenénuphar).

0'-'

Mais il y a eu un grand accord sur les homophones (port, porc, pore ; maire, mère, mer...). Ily aussi le problème du sens : vingt-et-un tiers (21/3) n'est pas vingt et un tiers (20 et 1/3).Voir aussi le texte de publicité belge (texte 5) qui respecte les rectifications et qui est bienaccepté par le public (malgré ognon). La réforme a été mieux accueillie en Belgique et auQuébec. En France, les dictionnaires s'y mettent peu à peu : Hachette : 100% ; Petit Larousse :39%. Pour F E.N., un B.O. est paru en 2008 demandant de respecter la nouvelle orthographe !Les projets de réformes ont aussi été tentés à l'étranger avec aussi de forte résistance(Allemagne). Le conservatisme orthographique n'est pas propre à la France. Mais en France,une erreur d'ortho graphe est une faute.Mais l'entrée dans les mœurs de ces rectifications demande une information du public ; uneformation des enseignants ; une rectification des dictionnaires (qui varient fortement de l'un àl'autre sur ce point). Et aujourd'hui des correcteurs orthographiques (qui posent aussi d'autresproblèmes, notamment les homonymes ; le problème du sens si un mot écrit existe (congrespour congrès)...Le livre : L'orthographe en question, a été écrit avec l'orthographe officielle, J.O. n° 100 du 6décembre 1990, sans que cela choque le lecteur.Enfin, A.CHERVEL estime que les enseignants sont face à l'orthographe active dans la mêmesituation que les pédagogues du XVIIè face à l'orthographe passive. Si on laisse les choses enl'état, l'orthographe sera un savoir de luxe réservé à une petite élite cultivée et elle deviendraun moyen d'assurer un privilège social fort sur le marché du travail.Sur le marché du travail, la lettre de C.V. est importante. Pour des postes de cadres ou desecrétariat, on demande une présentation et une orthographe impeccable. On est plusconciliant pour les techniciens. D'où des cours d'orthographe en entreprise...L'enquête de MANESSE et COGIS en 2005 a montré un grand déficit orthographique en ZEP.Le niveau orthographique des ZEP en 2005 (sur la dictée de FENELON) correspond à unniveau orthographique d'élève « normal » en 1987. Or les élèves de ZEP connaissentl'importance de l'orthographe et du lexique pour le marché du travail. L'orthographe est leurpremier souci (non la construction du discours). Or ils ont parfois un français précaire et lesaides scolaires familiales sont aléatoires. De plus, comme dans une classe ZEP, le niveau desélèves est complètement hétérogène (un élève à l'orthographe correcte à côté d'un autre àl'orthographe fortement déficitaire), les maîtres abandonnent souvent l'orthographe où lapédagogie devient difficile (faire de la pédagogie de groupe) pour des activités possibles avecle groupe classe (ex. de l'oral : faire un débat réglé).Il propose une réforme importante : tous les pluriels en s ; suppression des consonnes doublessauf si ce doublement correspond à un phonème (terre, passer...).!! propose aussi quel'orthographe redevienne une discipline à part entière.J.P. JAFFRE fait des propositions assez proches : il convient de simplifier l'orthographe pourles jeunes générations (tous les pluriels en s). Il faut être vigilants quant aux homophones(mots - maux). Les lettres doubles, les lettres grecques (question : hippopotame versipopotame).Tous les projets de réformes de l'orthographe ont échoué malgré les demandes de l'Académiedes Sciences : la difficulté du français freine son essor international. Même desrecommandations du ministère de l'E.N. sont restées lettre morte : ne pas sanctionner lors desexamens les fautes sur les consonnes doubles, les accents circonflexes, les traits d'union(HABY, 1976). Les reformes sont techniquement pensables mais socioiogiquementirréalisables.Finalement, on reste attaché à l'orthographe à cause de ses difficultés (les ph, les y...) mais legoût des gens de lettres pour la complication pénalise la population.Une mauvaise orthographe n'est pas grave intellectuellement ; c'est grave socialement.

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OKTHO

II reste que l'orthographe peut révéler une maîtrise de la langue : « une querelle de brigants ».L'orthographe est aussi un exercice intellectuel sur la langue.

Conclusion :L'orthographe est d'abord une transcription de l'oral. C'est un système compliqué qui a deuxdimensions fortes : le sens et surtout le rapport au son. La sélection des graphies est souventrégie par le sens (délit d'initié/er) ; cela vaut pour les homophones. Mais il y a aussil'importance de l'étymologie : temps, corps... La prononciation est parfois insuffisante poursavoir orthographier : il y a les homophones : date, datte ; chant, champ (et il y a la sérielexicale : chanter, champêtre). La fin des mots pluriels en z a été supprimée sauf pour lesverbes (vous venez). Et l'étymologie est souvent variable : le f/ph (le nénuphar) et les ch :psychiatre, mais mélancolie, colère. L'orthographe oscille donc entre oral et écrit, sens et sonavec un rôle de l'étymologie.Qui détermine l'orthographe aujourd'hui : l'Académie (le lettré) ; les média (les dictionnaires,notamment), le public... Il est intéressant de voir des orthographes imposées « par le bas »(kanak, avec des k contre caldoches avec un c) et les écritures des prénoms (Pol, Karine...).L'orthographe a été pensée pour des lettrés de forte culture classique or cette culture disparaîtaujourd'hui...Que penser des créations orthographiques par SMS ? Mais on accepte : je viens ds 10 mus.Pour revenir à la question de départ au sujet de l'écart de compétences orthographiques selonles classes sociales : il y a des explications. L'orthographe a été créée pour les classescultivées ; les classes aisées sont aussi lectrices ; enfin, il y a la réflexion sur la langue etl'écriture.Voir texte de S. PLANE.

Janvier 2010Paul STOLZE

06 -/!

Pour unifier l'écriture de 'la langue, Richelieu crée l'Académie ' -°- -française en 1635. Elle a pouvoir de juridiction sur la langue et surl'orthographe françaises. Et en 1673, selon Mézeray, elle définit clai-rement le principe qu'elle suivra en matière d'orthographe dans cetteformule devenue célèbre: «La Compagnie déclare qu'elle désiresuiure l'ancienne orthographe qui distingue les gens de lettres d auecles ignorans et les simples femmes »7.

En fait les «ignorants» ne savaient pas écrire, les « simples »femmes non plus. Mais les femmes lettrées ici désignées n' avaient pas

droit au latin dans leurs études, et elles avaient le plus souvent une• orthographe en accord avec les principes de la Renaissance. Depuis la

fm du XVe siècle, beaucoup même parmi les écrivains ne connaissaientpas_leJatin,-par-exeffip!ê-Cea3myBes-e0Bdans cet ouvrage. Mais Pascal, qui connaissait pourtant les languesanciennes, était-il un ignorant ? Et Madame de Sévigné, qui écrivaitorizon pour horizon 1 Elle suivait en cela l'orthographe du Diction- <-'naire de Richelet où l'on trouve ortographe, sistème, batême, tems, '• . 'difïcile, eu, etc. Mais l'Académie n'a malheureusement pas décidé de °ï" '* ' . -suivre le Dictionnaire de Richelet, ce qui aurait eu le mérite de fonder • <p- ^- ' ^une orthographe beaucoup plus satisfaisante, y compris pouf notreépoque, et de ce fait.beaucoup moins de polémiques aujourd'hui.-Non,elle a choisi de suivre les Imprimeurs du roi, attachés aux graphies« anciennes », et ce fut une lourde responsabilité.

C'est donc par décision humaine que les lois graphiques ont étéétablies et non par respect de l'usage, car il suffisait de suivre nos grandsécrivains, Ronsard par exemple, pour .fonder de meilleures bases pourl'orthographe du français. Est-ce à dire que le mal était ou est encoreirréparable ?

De leurs expériences en lecture et en écriture, les élèves acquièrent40très tôt des savoirs sur les textes et les mots . Ils s'en saisissent non • :

pour mémoriser des formes figées, mais pour interroger l'écrit dans '

ses usages (communiquer à autrui, représenter l'absent, agir sur lesautres...), dans ses diverses composantes (rapport entre phonogrammes,relations des mots au texte, fonction des démarcations graphiques et ' V-des signes de ponctuation...), dans la compréhension de ses méca- 'f^nismes (notation des unités de la langue orale, différenciation morphogra-. .phique, grammatiealisation du nombre, du genre.,.). . ^

.Nos travaux montrent que les productions graphiques des élèves, • Qx.jz.cK Cx^ p.même très Jeunes, révèlent des raisonnements souvent logiques et parfois. • l

".' efficients qui ne peuyent.se réduire à l'enregistrement passif des formes ide l'écrit. Ces expériences individuelles ou collectives, généralement-étayées par l'enseignant, sont à la base du développement d'une com-pétence orthographique qui se manifeste dans les commentaires des ' • •• .- -élèves. C'est ce que nous observons dans les trois séquences suivantes, 'pour lesquelles chaque enfant a écrit un texte dont on a extrait un pro-blème orthographique qui a été ensuite l'objet d'une autoexplicationétayée par l'enseignant41 :

Manon (5,1 ans, en grande section d'école maternelle - GS) vientd'écrire « marion M le hoat », (= Marion aime le chocolat). Aprèsavoir pointé successivement chacune des trois.premières lettres de hoat,elle déclare : « J'ai mis Qb-ko-la] », puis précise : « À' la fin j'ai mis tinT parce qu'il y a toujours une lettre comme ça à la fin des mots ».

David (7,3 ans, en cours préparatoire - CP) a inscrit « Vincent a fé lafauto...» (= Vincent a fait la photo...) qu'il'commente-'ainsi : «J'aiécrit fauto parce que c'est comme faute avec F-A-U ».

Camille (6,11 ans, en.cours élémentaire I — CEI), à partir d'une phrasequ'elle vient d'écrire « 11 feau un rabeau... » explique : « Rabeau ça peutpas s'écrire comme ça parce qu'on peut dire raboter - on entend le T etle T il va avec O pas avec E-A-U ».

Chacun de ces élèves déploie des arguments ajustés à des problèmesorthographiques.souvent considérés comme complexes •parce_g;u^égha,nr_parrfTtoute -règle systemique : une lettre finale muette pour • Marion,une variante phonogrammique pour David et Camille. De ces verbali-sations, nous pouvons extraire des explications en termes' de procé-dures, qu'elles soient liées à des savoirs de type logomorphograrn-mique (le Td& hoat I chocolat) ou phonogrammiques (fauto pour photopar analogie avec faute), ou encore à un principe.de dérivation (rabeau

vs raboter) lié à des connaissances logographiques (o vs eau parceque eaut n'est pas plausible).

Mais que déduire de ces expériences ? Nous dirons que nous avonstout intérêt à développer ces activités conjointes d'écriture et deréflexion, à susciter des échanges sur les caractéristiques de l'écrit, àcomparer des formes - qu'elles soient erronées ou non -pour en com-prendre les fonctionnements qui ne sont ni tout à fait uniformes, nitotalement monovalents.

a) PSEUDOMOTS (niveaus CEI et CM2)FADEN, LJSPE, MJCAL, PAS1OL, SQTR1OL, VINTUR

b) MOTS :b1 ) au niveau CEI :

b2) au niveau CM2 (en plus des'-mots ci-dessus) • 'chlorité (CLORITP)', hypcmérie (IPOMERI). scïihte (SIAFIL).

hysope (J2pP), !ithium

On sait qu'avec la montée du niveau de connaissance, des ques-tions surgissent et provoquent chez l!us.ager des erreurs qui n'avaientpas cours alors que son niveau d'expertise était moindre. Je prends ànouveau le cas de Barbara considérée comme faisant -peu de fautesd'orthographe en fin de primaire. En cinquième aujourd'hui, elle sesent en difficulté. Il semble qu'elle -se. mette à questionner ce .qu'elleappliquait précédemment sans réfléchir. Par exemple, concernant lesformes verbales : elle écrit « les tableaux que je regardes »• avec un •pluriel qu'elle justifie par «les tableaux que j-'ai achetés » ;- et plusloin dans son texte « les champs que nous allons cultivés » sur le mo-dèle «les champs que nous avons cultivés», etc. Au fur et à mesureque s'installe une compétence d'écriture, de nouvelles erreurs d'ortho-graphe apparaissent, car le sujet écrivant s'interroge' de mieux enmieux sur sa pratique qui prend un tournant réflexif et lui fait se poserplus de questions et •surtout 'de bonnes questions. Dans ce cas, il peutarriver que la logique du système ne soit plus à la hauteur des exi-gences de son utilisateur (la grammaire de la langue est loin d'êtretotalement rationnelle, son orthnpnmhp. pnrrM-p nWr,^

D'autres facteurs entrent enjeu dans l'expertise. Dans leur enquêtesur <( F orthographe de tous les jours »17, Vincent Lucci et Agnès Milletanalysent la composante situationnelle de la variation orthographique,essentiellement sous l'angle de la plus ou moins grande surveillanceque le scripteur impose.à son activité. Selon le moment où l'on écrit,la personne à qui on s'adresse, les objectifs visés, etc., l'attention -portée à l'orthographe est plus ou moins,grande et donc l'insécuritéplus ou moins marquée. Des aspects affectifs et psychosociaux fragi-lisent la sécurité : ainsi, souvent, excès d'attention et insécurité sontsource d'erreurs qui n'apparaissent pas dans un autre contexte. On voitl'intérêt qu'il y a à remplacer les notions de nonnes et de fautes parcelles de tolérance et de'variation, la'variété des usages erronés ou nonétant le fait d'un même scripteur dans des circonstances différentes de -production.

D'autant plus qu'il fait partie de l'expertise de_rerj£cerJes-zoBes~de~—fIou,j:;eJlej3j2]lJIou.^^ entre plusieurs solu-tions. Par exemple, dans des copies manuscrites d'étudiants, fins de mots,

. lettres doubles, accents, « e » caduques peuvent rester indécidables.Je donne ici deux témoignages dont l'intérêt est de comporter le

terme « net » qui indique la présence chez les deux personnes concer-nées d'un flou orthographique assumé.

Les ordonnances, c'est moi qui les écris / à ma manière, mon écriturequoi / pour les comptes rendus, je me sers du djctaphone / c'est Odile(la secrétaire) qui tape / ça demande plus de soin, mieux écrit, plusnettement orthographié^,

Quand je rends mes travaux, je les tape à l'ordinateur qui corrige / auxexamens-je ne suis pas toujours très sure de l'orthographe /je. lereconnais,-mon écriture est parfois pas bien nette, nette19.

Cette variation ne 'signifie pas forcément méconnaissance de lanorme, mais modulation de l'attention (et la tension) qui conduit à une .application plus ou moins souple en fonction des enjeux, de la dispo-nibilité du moment, des personnes visées, etc. Il y a sans doute unéquilibre à trouver entre'le penchant personnel à orthographier d'unefaçon plutôt que d'une autre et la vigilance à ne pas faire les fautes quisanctionnent. Sur quarante-huit étudiants de licence interrogés, trente--sept me disent mettre ou non, selon un « feeling » propre, un traitd'union dans des formulations du type : « tout à fait, au-delà, c'est-à-dire, au contraire, en deçà, va-et-vient, plus ou moins, pas à pas, par-dessus, tout au moins, vis-à-vis, etc. ». Cela ne les gêne pas d'utiliserleur seule intuition, convaincus qu'ils sont que tout le monde hésite pources formulations. Dans certaines situations cependant, plus formelles,ils se'reportent aux dictionnaires ou aux correcteurs orthographiques...-et ne trouvent pas toujours une seule solution admise...

If; brûlant.

du| Ces graphies ont étonné plus d'un

i c^ipfp de grande distribution Delhaizt . „SSl TJ P*B6 « h°e»Phe recommandée.

de

Tableaux récapitulatifs des,

Tableau I. -Le trait d'union et le nombre

POINTS RÉFORMÉS

SOUDURE ETPLURIEL RÉGULIER

POUR LES NOMSET ADJECTIFS

croque-passe-porte-

tire--tout

contre-___,entre-

exlra-• infra-

întra-

ullra-sitpra-

préf. lot. ougrecs

bas(se)-' mllle-haut(e)-

onomatopées

mots étrangers

DÉJÀJOUVELLES GRAPHIES

un (des)croquemonsieur(s),passepartout(s), etc.

NONCONCERNÉS

passeportortefeuille

faitout :

porternonnaie(s),tirebouchon(s), etc.marigetout(s), etc.

contrepoint— contretemps, etc.s'entrairner | s'eritràider, etc.

xtraordinaire | • extrafort(s),infraroTJge(s),

intraveineux, etc.

ultrachic(s),supranational, etc.

radioactifs), .autoécole(s), etc.

bassecour(s), etc.millefeuille | miliepatte(s), etc.

hautparleur(s), etc.

froufrou | bouiboui(s), etc.

weekend(s),un apriori, etc.

s'entre-haïr

extra-utérin

gréco-romain(n. pr. ou géo.)

TRAIT D'UNIONINTRODUIT DANS

LES NOMBRES

quatre- trente-et-un, mille-centvingt-dix vingt-septièmes (1 100 727)

miile-cent-vingt septièmes(120/7)

Calculés en pourcentage de sujets ayant accepté l'ancienne normeou la nouvelle norme.

P

Libellé

îlle a égaré son porteclé. ' .

'^e nénufar est une plante aquatique.

Le croquemort est un personnage central dans Lucky Luke.

Il a planté des ogiions dans son jardin.

Elle s'est laissé mourir de faim.

Ils se sont laissé glisser dans la tristesse.

II portait une bouteille, il l'a laissé tomber.

L'exéma se traite parfois à la cortisone.

Quarante-et-un c'est \t numéro de mon département.

Dans les cafés, les consoles de jeux ont remplacé les baby-foots.

Les moteurs qui fonctionnent au diesel sont économiques.

Aux heures de pointe, il est difficile de s'assoir dans le bus.

Il s'est arrêté au relai de ia gare.

Boire le contenu du rince-doiet n'est pas sieme de raffinem.-ni

%.AN

97,54 %

94,26 %

92,62 %

92,62 %

90, .16%

89,34 %

86,89 %

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79,5] %

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FTS^TL™KF 77,05 %

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25,4 1 %

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23,77%

(22,95 %

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69,67 %

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52,46%

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L'invention du disaue

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bibliothèquebicyclette

cylindre

chroniquedauphinpharynx

pharmaciephilanthropie

philosophiephlébite

hypertrophie

hypothèsemyope

morphologieophtalmieoxygène

polyarthritepolygamie

rhétoriquerythme

symbole

symétrie

télégraphethérapie

thermomètrethym

italien

bibliotèca •biciclétta

cilïndro

cronacadelfînofarïnge

farmacia

filantropîafilosofia

fleblteipertrofîaipôtesimiope

rnorfoioglaoftalmlaossigeno

poiiartrîtepoligamla

retôrïca

ritmo

sîmfaolo

sirnmetria

telègrafoterapia

termôrnetronmo

espagnol

bibiiotecabicicieta

cilindro

crônicadelfîn

faringefarmacia

filantropîafilosoffa

hipertrofia

hipôtesismiope

morfologîaoftatmîaoxîgeno

poligamiaretôrica

ritmo

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simetrîa

telègrafo

terapia '

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portugais

bibiiotecabicicieta

cilindro

crônïcadelfim

faringefarmacia

filantropiafilosofia

flebite

hipertrofiahipôtese

mfopernorfologia

oftalmia •oxigênio

poligamia

retôricaritmo

sîmbolo

simetria

telègrafo

termôrnetro

timo

roumain

bibiiotecai bicidétà

cilTndru

crônicad-elfîn

farïngefarmacîe

filantropîe

filozofîe

flebîtâ- hipertrofîe

ipotézâmiôp

morfologîe' oftalrnîe

oxigénpolîartrftâ

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cron

daifar

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sim

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terme

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Sylvie Plane

Rôles des prescripteurs et des usagers, poids des insti tutions, tension entre raison et coutume...La constitution et la régulation d'une orthographe sont des phénomènes sociaux.

En France, l 'orthographe fait par-tie de ces sujets de conversationapparemment consensuels qui

permet tent d'engager un dialogue enétanc sûr de trouver un terrain d'ententeavec tout interlocuteur quels que soientla position sociale et les acquis culturelsdes deux partenaires de la discussion.P o u r t a n t , s'il est de bon ton de seplaindre de la baisse du niveau en ortho-graphe et' des dangers que « ia réforme »fait encourir à la langue française, l'or-thographe est un concept moins aisé àcirconscrire q u ' i l n'y paraît au premierabord car on manque de repères sur tesinstances qui ta régulent . -

L'orthographe entre prescripteurset usagers: qui est propriétaire del 'orthographe?

Pour la langue française, plusieurs ins-tances sont en concurrence pour édic-ter les règles de l 'orthographe - avecplus ou moins de légitimité - et cetteconcurrence entre elles explique lesfluctuations dans les pratiques et dans

'les représentations:

• L'Académie française, qui se veut legardien de la belle langue.

• Les dictionnaires et grammaires.

• Les linguistes, qui étudient les fonc-tionnements avérés de la langue,

• Les écr ivains et au t res scripteursexperts, dont ies manières d'écrire ser-vent de référence.

• Les usagers ordinaires de la languequi la font vivre.

• L'enseignement, qui transmet lesrègles, (voir tableau page suivante)

L'orthographe entre raison etcoutume: comment se régulel 'orthographe?

• L'orthographe se t rouvé au centred'un conflit entre normes, conventionset usages:

• Si l'orthographe du français obéissaita des normes, comme on parle dans l'in-dustrie de normes que doivent respec-ter les produits manufacturés, lesgraphies seraient rationalisées. Ainsi une 'norme prescrirait que l'on n'ait qu 'uneseule écriture pour les noms faisant leurplur ie l en -U, soit que l'on adopte le X,

en souvenir du signe abréviatif médié-val mis pour deux lettres, le U-et le S(le pluriel du mot u travail t) a pu s'écrire<i travaus >> en orthographe déployée et« travax » en écriture rapide), soit quel'on généralise le -S : des verrous et deshibous, ou des verroux et des hiboux?• La convention détermine ce qu'onenseigne. Elle se situe du côté de la tra-dition et doit a u t a n t à l 'étymologiequ'aux hasards de l'histoire. Elle stabi-lise des traitements graphiques figés àdifférentes époques, reflétant ainsi desstrates historiques superposées quiexpliquent des différences d'écriture etde prononciation. Ainsi , le double Ndu nom honneur constitue une tracedes transformations phonétiques subiespar le mot latin honor, alors que le verbehonorer a gardé le vocalisme O et le Nsimple du latin. Les règles régissant lesaccords grammaticaux sont aussi liéesaux aléas qui les ont promues. Ainsi lafameuse règle concernant l'accord duparticipe passé employé avec avoir,codifiée par /vlarot puis Vaugelas etMalherbe, doit certains de ses aspectscomplexes au fait que Malherbe, élevéà Caen, a fait ses études dans un entou-rage où les graphies ~é et — ée étaientprononcées différemment: aujourd'huiencore des enquêtes linguistiques prou-vent que certains locuteurs de BasseNormandie entendent la différenceentre je l 'ai aimé et je l'aï airnée, ce quifacilite l'écriture de l'accord.* Les usages majoritaires peuvent êtreen desaccord avec les prescriptions, etavec la norme. Ainsi les grammairiensGrevisse et Hanse notent que les règlesd'accord du par t ic ipe passé .ne sontappliquées ni par les scripteurs ordi-naires, ni par les écrivains. Et les ensei-gnants savent bien qu 'on lit plussouvent merci, processeur, acceuil,interressant, il a décider... que merci,professeur, accueil, intéressant, il adécidé...

Le paradoxe tient à ce qu 'un usagepeut être considéré comme vicieuxalors qu'il est majoritaire. Pourtant,toutes les formes au jourd 'hu i belles etbonnes ont un jour été des anomalies,avant de s'imposer, sans quoi on conti-n u e r a i t a écrire des are'umens, mes

concurrens comme dans l 'édition de. . 1793 des œuvres de Rousseau.

Les insti tutions et l 'orthographe:qui a du poids pour agir surl 'orthographe?

Au niveau institutionnel, il est possibled'édicter des régies. Encore faut-il avoirles moyens de les faire appliquer. Lesarrêtés de tolérance (arrêté Leygues1901, arrêté Haby 1976) qui offraientun peu de liberté (on peut écrire o lesmusiciens que j'ai entendus jouer u ou« que j 'a i entendu jouer ») sont restéslettre morte: les grammaires les ontignorés, et les enseignants, craignantque leurs élèves soient pénalisés à l'exa-men ont continué a sanctionner desvétilles sans influence sur la l i s ib i l i t édes textes. Il en est de même de l'or-thographe recommandée, promue en1990. Bien que les mesures qu'elle pré-conise soient très discrètes -lorsqu'onlit une revue appliquant ces recom-mandations, on ne s'en aperçoit mêmepas - le tollé qu'elle a déclenché dans lapresse a fait que certains croient encorequ ' i l s'agit d'écrire en phonétique etque l'Académie française ne les aagréées que du bout des lèvres, écrivantà leur sujet : v Ces recommandations ontété acceptées par l'Académie française quiet néanmoins voulu qu'elles soient soumisesà l'épreuve du temps. Elle maintiendradonc les graphies qui figurent dans son dtc~t-ionna ire jusqu'au montent où elle auraconstaté gué ces recommandations sont pas-sées dans l'usage >).

Au-delà des recommandations, ce quiimporte ce sont les pratiques effectivesdes scripteurs. Or on les connaît mal:on a une idée de la maîtrise de l'ortho-graphe par les élèves - c'est-à-dire àun moment où ils sont en si tuationd'apprentissage et donc de maîtriseincomplète- mais on manque de don-nées concernant les adultes. Il seraitjudicieux de faire passer à ceux-ci lestests orthographiques au.nom desquelson porte sans précaution des jugementsdécisifs sur les élèves.

Sylvie Plane,IUFM de Pariset Université de Paris V. '

Instance

Académiefrançaise

Dictionnaires

branimaires

Terminofogues,nguistes

' 'ourriaiisf.es

Usagersordinaires

Puissanced'imposition

Instance deprescription

nstance dedescription etde proposition

caractèred'exemple

Instanced' nnovation etde résistance

Modalités de fondionnemert

Fonctionnement actuelen trois temps:• Une commission delinguistes extérieure àl'Académie analyse des laitsde langues.

partir du travail fait par leslinguistes et émet desprescriptions.- Publication desprescriptions.

Ensemble hétérogène, allantde l'ouvrage de recherche

Répondent en général à unecommande.Analysent lesonctionnementsinguistiques et (ont des

propositions destinées àréguler les usages.

Confusion dans l'opinionentre ('orthographe appliquéepar les auteurs (de qualité1res inégale) et celle donnée àre dans leurs textes, corrigés

par des professionnels.

L'orthographe d'unepopulation est hétérogène:e e comporte des pointsd'accord (y compris sur desormes considérées comme

erronées par les instancesnormatives) et d'importantes

t Légitimité

Historique:institutionfondée pour

assises à lalangue.

Pédagogique

Scientifique etnstitutionnel e

(instruments etméthodesappropriés)

Fondée sur leprestige

légitimitéoff iciel is

Objets ou modes d'action

LexiqueExemple de prescription néga-tive; • C'est une faute qued'écrire ou de prononcerdilemne •.Exemple de prescription •positive: (a graphie « ognon *autorisée uniquement pour les

la 8e édition du dictionnairepeut être désormais employée .(2005) pour la plante culinaire,en concurience avec la graphie• oignon *

Exemple de prise de position :Le verbe étiqueter:- se conjugue comme jeter(Robert 1970, Hachette 1987.Petit Larousse 1989)- se conjugue comme jeter oucomme acheter (Hachette 2005!

S'intéressent aux paradigmes,régularités, et exceptions.

Lexique: néologie, emprunts etc.ex: gazole (pour gas oïl)

Régulation orthographique:ex : normalisation des plurielsdes noms composés, de la

.

Double action;- conservation des traditions lin-guistiques- nnovation linguistique (créa-ion lexicale, usage poétique dea langue, détournement des

(ormes nouvelles. ..)

Visée et/ou effet

• Visée: décréter ce qui esl unbon usage et le prescrire.

• Constitue pour les lexico-graphes une référence parmi

• d'autres/

• Référence mythique pour la

dant ne la consultent jamais.

• Effet infime sur les pratiques.

constituer la référence majeure

d'orthographe,

• Visée.- enseignement ouapprentissage de la langue

Visée;unifier les pratiquesrendre cohérents les fonction-ements graphiques

Recommandations à t'intenlion

t des enseignants.Exemple:- disparition des majus-ules dans les titres (Ministère de

'éducation nationale et nonMinistère de l'Éducation Nationale)

î f fe t : les graphies des ouvragesmprimés servent de référenceiour les dictionnaires.Exemple: réunionite et réunion-

té sont deux graphies enoncurrence dans les écrits jour-

loisissent l'une ou l'autre.

Action puissante sur l'orthographe.Les usagers apportent constamment des modifications à l'ortho-graphe en procédant à :- des analogies: l'adjectif haut, dérivé du latin altus, reçoit un H ini-l a en raison d'un rapprochement indu avec le mot allemand iioch ;verrou double son R en raison lui aussi d'une fausse étymologie Qui lerattache à ia racine ferr- (de fer, ferreux...); savoir s'est écrit sçavoirusqu'au XVIIe siècle en raison d'un rapprochement avec science etc.

- des différenciations: le mot temps, graphie tens jusqu'au xvw*siècle a reçu tardivement les deux consonnes finales destinées à ledistinguer des homonymes tant, iend en signalant le rapprochement

• des simplifications: redingote est l'orthographe francisée de ridingcoat qui a fini par s'imposer après plusieurs variantes.- des complexificstions; Khâgne probablement en lien avec« cagne ». tire la graphie de la syllabe /ka/ d'une volonté esthéti-san e de donner une allure grecque à ce mot,

Enseignement nstance deéguiation et deransmission

'ransmission sociale de'orthographe (fonctionDatrimoniale) apprentissagelonction didactique)

3èdagogique -'enseignement vise a réguler les usages individuels et à les tendreonformes a une norme partagée.I constitue une force de, conservât on de l'orthographe.

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