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IUFM de l’académie de Créteil
Master « Education et métiers de l’enseignement du premier degré »
Option de recherche n°10
Orthographe, à qui la faute ?
La prise en compte des erreurs orthographiques et
leur remédiation
________________________
Directeur de recherche :
J.-C. PETTIER
Année universitaire 2010-2011 PIRAUX Amandine
1
Table des matières
Introduction .......................................................................................................... 3
I. D’où proviennent les difficultés relatives à l’orthographe ? ....................... 5
a) Le système orthographique français est-il trop complexe ? ....................... 5
b) Est-il nécessaire de réformer l’orthographe française ? ........................... 6
c) Comment s’acquiert l’orthographe ? ......................................................... 8
1. Le système orthographique français fonctionne par sous-systèmes .......... 8
1.1. Les phonogrammes ..................................................................................... 8
1.2. Les morphogrammes ................................................................................... 9
1.3. Les logogrammes ........................................................................................ 9
2. L’acquisition de l’orthographe .................................................................... 10
2.1. Le domaine logographique ........................................................................ 10
2.2. Le domaine phonogrammique ................................................................... 11
2.3. Le domaine morphologique ...................................................................... 12
II. Comment prendre en compte les erreurs orthographiques et comment
les réinvestir ? ..................................................................................................... 14
a) L’erreur peut-elle rendre service à la pédagogie ?.................................. 14
1. L’erreur : une conception qui a évolué ....................................................... 14
2. L’erreur comme outil de différenciation .................................................... 15
b) La classification des erreurs orthographiques de Nina Catach ............... 16
1. Présentation ................................................................................................... 16
2. Un essai de validation de la grille de Nina Catach sur une dictée en classe
17
III. Par quels moyens remédier aux erreurs orthographiques ? .................. 20
2
a) La dictée : une visée évaluative ou un outil d’apprentissage ? ................ 21
1. Polémique autour de la dictée ...................................................................... 21
2. Dictées ou tâches-problèmes ? ..................................................................... 22
b) La dictée « sans faute » peut-elle s’avérer être une tâche-problème et
ainsi permettre la progression des élèves en orthographe ? .................................... 23
1. La métacognition au service de l’apprentissage ........................................ 24
2. Le socioconstructivisme ou l’importance des interactions langagières
dans les apprentissages .................................................................................................. 24
3. Mise en place de la dictée « sans faute » ..................................................... 26
3.1. Principes de base ....................................................................................... 26
3.2. Dispositif ................................................................................................... 27
3.3. Outils envisagés ........................................................................................ 28
3.4. Evaluation et vérification .......................................................................... 29
c) La dictée « à trous » peut-elle être un outil de différenciation
pédagogique efficace ? .............................................................................................. 30
1. La pédagogie différenciée ............................................................................ 30
2. Mise en place de la dictée « à trous » ou à « choix multiples » ................. 31
2.1. Dispositif ................................................................................................... 31
2.2. Outils envisagés ........................................................................................ 31
2.3. Evaluation et vérification .......................................................................... 32
d) Méthodologie de recherche à appliquer l’an prochain ............................ 32
Conclusion .......................................................................................................... 35
Bibliographie ...................................................................................................... 36
3
Introduction
« Orthographe : manière d’écrire les sons ou les mots d’une langue, en conformité ,
d’une part avec le système de transcription graphique adopté à une époque donnée, d’autre
part suivant certains rapports établis avec les autres sous-systèmes de la langue
(morphologie, syntaxe, lexique). Plus ces rapports secondaires sont complexes, plus le rôle de
l’orthographe grandit, car un tissu d’antagonismes se créé entre les relations-phonies
graphie et les autres considérations entrant en ligne de compte. L’orthographe est un choix
entre ces diverses considérations, plus ou moins réglé par des lois ou des conventions
diverses.1 »
Selon l’Observatoire National de la Lecture (ONL), 8%2 de la population de sixième se
caractérise par des difficultés concernant l’orthographe ; l’entrée en sixième étant d’autant
plus difficile que les bases orthographiques censées avoir été acquises à l’école primaire ne le
sont pas.
D’autre part, des études montrent que les élèves des années vingt présentaient une bien
meilleure orthographe que ceux du vingt-et-unième siècle. Pour preuve, le Ministère de
l’Education Nationale livre, dans une note d’information3, les éléments suivants concernant la
différence entre les élèves des années vingt et ceux d’aujourd’hui. « Les candidats au CEP
[certificat d’études primaire] sont environ cinq fois plus nombreux (24 %) que les élèves
d’aujourd’hui appartenant à la meilleure moitié (5 %) à maîtriser l’orthographe de façon très
satisfaisante (0 ou 1 faute). Dans les années 20, 34 % des élèves faisaient 5 fautes et plus, ils
sont aujourd’hui plus du double (74 %) ; les élèves de la meilleure moitié de 1995 sont encore
39 % à faire 10 fautes et plus, contre 6 % seulement des candidats au CEP. »
Les programmes de l’école élémentaire, présentés dans le Bulletin Officiel n°3 du 19
Juin 2008 accordent une place importante à l’orthographe dans la maîtrise de la langue
française. En effet, dans la présentation, il est possible de lire que « si l’élève s’exprime, lit et
écrit en français dans toutes les disciplines, il n’en est pas moins nécessaire de réserver un
1 Nina Catach, L’orthographe française. Traité théorique et pratique, Nathan, 1986, Paris, p.17 2 Bruno Germain, Isabelle Mazel (coord.), Le lecture au début du collège, Observatoire National de la Lecture, Octobre 2007, p. 17 3 < http://educ-eval.education.fr/pdf/ni9619.pdf >, consulté le 27 Avril 2011
4
horaire spécifique à l’apprentissage structuré et explicite du vocabulaire, de la grammaire et
de l’orthographe.4 ».
D’autre part, dans le socle commun de connaissances et de compétences, et dans le
pilier n°1, intitulé « La maîtrise de la langue française », il est annoncé qu’ « il est nécessaire
d'atteindre une maîtrise correcte de l'orthographe, dans les écrits spontanés des élèves, dès la
fin de l'école primaire. Le perfectionnement de l'orthographe jusqu'à la fin de la scolarité
obligatoire est cependant une nécessité. Pour cela, la dictée est un outil indispensable
d'apprentissage et d'évaluation, mais c'est par une vigilance particulière dans toutes les
situations d'enseignement que cette maîtrise pourra être acquise.
Les élèves devront connaître les principales règles d'orthographe lexicale et
grammaticale (mots invariables, règles d'accord, orthographe des formes verbales et des
pluriels).5 »
Ces informations sur les difficultés des élèves en matière d’orthographe, et l’importance
que le ministère de l’Education Nationale accorde à l’apprentissage de cette discipline nous
amènent à nous interroger sur la complexité de ce système et sur les obstacles relatifs à
l’orthographe que peuvent rencontrer les apprenants. Dans le contexte actuel, les
professionnels, qu’ils soient spécialistes en la matière ou non, se questionnent toujours à
propos de l’orthographe et des erreurs qui en résultent. Notre problématique de recherche
portera donc sur la prise en compte des difficultés des élèves par l’enseignant ainsi que sur la
mise en œuvre des moyens qui pourrait pallier ces difficultés. Nous tenterons de répondre à
l’interrogation suivante :
Par quels moyens l’enseignant peut-il prendre en compte les erreurs orthographiques
des élèves de sa classe pour tenter d’y remédier ensuite ?
4 Bulletin Officiel du Ministère de l’Education Nationale et du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche n°3 du 18 Juin 2008, p. 11 5 < http://media.education.gouv.fr/file/51/3/3513.pdf >, consulté le 28 Avril 2011
5
I. D’où proviennent les difficultés relatives à l’orthographe ?
a) Le système orthographique français est-il trop complexe ?
Dans son article6, Causes des fautes d’orthographe, Edmond Jung en 1973, dénonce la
complexité du système orthographique français. Il commence par annoncer que, pendant
longtemps, l’orthographe a été considérée comme une discipline d’autorité dans laquelle on
ne trouvait aucune logique. Cependant, l’auteur affirme qu’une logique est présente puisque la
graphie est une application de phonèmes dans des graphèmes. Il atteste également que « les
écarts à partir de ce principe constituent proprement la pathologie de l’orthographe7 ». Nous
tenterons, lors de notre recherche de faire acquérir aux élèves cette logique dont E. Jung
certifie l’existence, à travers des exercices d’imprégnation et de compréhension, que nous
présenterons dans la troisième partie de cette note de recherche.
Pour l’auteur, la langue française comporte de nombreuses difficultés telles que
beaucoup de digrammes pour écrire des phonèmes simples, une seule lettre pour représenter
plusieurs articulations et beaucoup de lettres muettes. Ce constat nourrit la réflexion autour de
notre problématique, car il permet de cerner l’origine des erreurs d’orthographe, ce qui nous
aide à de les prendre en compte et à y remédier. Face à ce constat, nous nous efforcerons de
faire porter nos expériences avec les élèves sur la remédiation des difficultés liées aux
digrammes, trigrammes ou lettres muettes, complexités emblématiques de notre système
orthographique.
D’autre part, l’auteur nous apprend que les particularités de la graphie française existent
sur deux points, l’orthographe grammaticale et l’orthographe lexicale, que nous nous
efforcerons de prendre en compte et de différencier dès la mise en place d’activités, et ce afin
de répondre aux hypothèses que nous exposerons ultérieurement.
Selon lui, l’orthographe grammaticale souffre d’une homonymie trop importante
(homme au singulier est l’homonyme d’hommes au pluriel par exemple), ce qui cause
beaucoup d’erreurs. Ce problème d’homonymie ne tend pas à s’arranger puisqu’E. Jung
déclare que nous effectuons des « abrègements vocaliques », ce qui n’aide pas à connaître les
terminaisons des mots. Il ajoute que l’une des caractéristiques du phonétisme français est
6 Edmond Jung, 1973, Causes des fautes d’orthographe, In : Langue française, N°20, pp. 97-110. 7 Edmond Jung, 1973, Causes des fautes d’orthographe, In : Langue française, N°20, p. 97
6
l’instabilité du mot phonétique. En effet, selon le contexte, il existe des liaisons, des élisions,
des « e » prononcés ou non. Il s’agira donc de s’efforcer, afin de tenter de pallier les
difficultés orthographiques des élèves, de prononcer entièrement les mots, et de les faire
répéter aux élèves, si besoin est. Nous nous efforcerons également de faire porter les exercices
que nous proposerons sur les homonymes, qui posent d’importants problèmes aux élèves,
comme nous l’observerons dans la partie suivante de notre note de recherche, à travers
l’analyse d’une dictée proposée à une classe de sixième.
E. Jung annonce donc que le système est trop compliqué et trop instable pour être
changé et que le meilleure solution est le maintien du statut quo.
Lorsqu’il étudie l’orthographe lexicale, l’auteur nous apprend qu’elle est moins
pénalisée que l’orthographe grammaticale. D’autre part, il affirme que le décalage entre
graphie et phonie entraine un découragement chez les scripteurs, qualifié de « chaos
orthographique » par les linguistes. Rappelons que notre recherche portera sur la prise en
compte des erreurs des élèves, qu’elles soient relatives à l’orthographe grammaticale ou
lexicale, et sur leur remédiation. Il faudra donc organiser des activités d’apprentissage autour
de ces deux formes d’orthographes, sans privilégier l’une ou l’autre.
Selon l’auteur de l’article que nous avons exposé, il faudrait réformer l’orthographe.
b) Est-il nécessaire de réformer l’orthographe française ?
Le système orthographique français étant complexe, et les élèves présentant de grandes
difficultés en la matière comme le présentent différentes études, il semblerait utile de le
simplifier. Cependant, il faut s’interroger sur le fait même d’une réforme de l’orthographe. En
effet, simplifier cette dernière permettrait-il aux élèves d’avoir moins de difficultés et
d’apprendre plus facilement ?
Quoi qu’il en soit, face à la baisse générale du niveau en orthographe, différentes
réformes tentant de simplifier cette dernière ont eu lieu. La réforme la plus importante reste
celle de 1990. En octobre 1989, Michel Rocard, alors Premier ministre de la France, met en
place le Conseil supérieur de la langue française à Paris. Il charge alors des experts, parmi
lesquels sont présents des linguistes, des représentants de l'Académie française et des grands
fabricants de dictionnaires, de proposer des régularisations sur quelques points (le trait
d'union, le pluriel des mots composés, l'accent circonflexe, le participe passé, diverses
anomalies). Il est important de noter que des efforts ont été fournis pour tenter d’améliorer les
7
performances orthographiques des élèves. Cela traduit la nécessité de prendre en charge leurs
erreurs et de s’interroger sur une possible remédiation par rapport à ces dernières.
La réforme orthographique, selon l’Académie Française, a pour « but de résoudre les
problèmes graphiques importants, d’éliminer les incertitudes ou les incohérences et de
permettre la formation correcte des mots nouveaux qu’appelle le développement des sciences
et des techniques. Elle rendra de surcroît l’apprentissage du français plus aisé et plus sûr8 ».
Les programmes de l’école élémentaire, appuient le fait que « L’orthographe révisée est
la référence9 » pour l’enseignement de cette discipline.
Jean-Pierre Jaffré, dans une interview10, à la question « Que faudrait-il réformer de
l’orthographe ?» répond qu’ « on pourrait d’abord réintroduire l’idée de tolérance, comme on
le faisait jadis. On en est malheureusement très loin, comme le montre le maintien de l’accent
aigu sur le second 'é' de « événement » ou la présence du 's' final de « relais »… au singulier
! [...] Il faudrait que la société, et aussi les enseignants, soient moins rigides, moins
convaincus de l’omnipotence d’une norme unique. Ensuite, il faudrait veiller à ce que
l’orthographe soit plus cohérente, notamment quand les graphies ne correspondent à aucune
phonie. [...] Pourquoi ne pas se contenter par exemple d’une seule marque du pluriel, le 's'
supplantant le 'x' ? Serait-il si aberrant d’écrire « chevaus » au lieu de «chevaux » ? Les
règles d’accord du participe passé pourraient également être allégées, notamment avec
l’auxiliaire « avoir ».
Ici, Jean-Pierre Jaffré met l’accent sur un aspect de la prise en compte des erreurs des
élèves, trop « sévère ». Afin de répondre à notre problématique, nous étudierons que l’erreur
de l’élève n’est pas à sanctionner mais plutôt à envisager comme un outil d’apprentissage,
utile lors de la différenciation pédagogique, que nous expérimenterons l’an prochain, en
adéquation avec les exercices que nous proposerons lors de la troisième partie de notre note
de recherche.
Malgré la simplification de certaines règles, il est intéressant de noter qu’une réforme de
l’orthographe peut ne pas servir aux élèves dans la mesure où leurs parents, élèves de l’école
d’avant 1990, ne sont sûrement pas au fait de la nouvelle orthographe préconisée. Si les
8 < http://www.academie-francaise.fr/langue/questions.html#rectifaf >, consulté le 27 Avril 2010 9 Bulletin Officiel du Ministère de l’Education Nationale et du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche n°3 du 18 Juin 2008, p. 37 10< http://www.crdp.ac-creteil.fr/langages/rubriques/pdf/contributions_reflexion/dictee.pdf >, consulté le 30 Avril 2011
8
parents d’élèves, partenaires éducatifs, aident les enfants dans leurs leçons, en corrigeant leurs
erreurs orthographiques dans les productions écrites par exemple, et en leur dictant une
orthographe différente que celle donnée à l’école, cela peut mettre en péril la cohérence de
l’élève en matière d’orthographe. En effet, le décalage entre les notions apprises en classe et
celles données par les parents peut faire se perdre l’enfant quant à la véracité des informations
reçues.
c) Comment s’acquiert l’orthographe ?
Afin de pouvoir apprécier les erreurs orthographiques et proposer des solutions pour les
résoudre, il est important de se questionner sur la formation du système orthographique
français et sur la façon dont s’acquiert l’orthographe.
1. Le système orthographique français fonctionne par sous-systèmes
Afin de présenter l’acquisition de l’orthographe, il convient de mettre en exergue les
différentes composantes du système orthographique français et la façon dont l’orthographe
s’acquiert. Cette présentation nous permettra de prendre en compte les erreurs des élèves et
d’évaluer l’origine de leurs difficultés, en tentant de les situer dans le « domaine »
orthographique dans lequel ils se placent, et ainsi orienter nos activités en fonction.
Notre système orthographique s’articule autour de trois concepts clefs que sont les
phonogrammes, les morphogrammes et les logogrammes.
1.1. Les phonogrammes
Les phonogrammes sont des graphèmes qui correspondent directement aux phonèmes,
et qui réalisent, « à la lettre », le principe phonographique de représentation écrite des unités
sonores. En allant de l’écrit vers l’oral, on dresse, selon les correspondances directes
graphèmes – phonèmes, la liste des phonogrammes, qui sont de plusieurs sortes :
- Lettres simples : une lettre correspond à un phonème
- Lettres simples à signes auxiliaires
• Accent et trémas suscrits
• Cédille suscrite à c
- Digrammes : groupe de deux lettres correspondant à un phonème
- Trigramme : groupe de trois lettres correspondant à un phonème
9
Comme nous l’avons déjà précisé précédemment, les digrammes et trigrammes
représentent une des nombreuses difficultés de l’orthographe française qu’il conviendra
d’exploiter au cours de nos expérimentations pour tenter de faire progresser les élèves avec
lesquels nous travaillerons l’an prochain.
1.2.Les morphogrammes
Les morphogrammes sont les marques morphologiques. Ce sont, pour l’essentiel, des
marques finales écrites, qui ne sont pas nécessairement prononcées. Il existe deux types de
morphogrammes.
- Les morphogrammes grammaticaux sont des indicateurs de catégorie grammaticale. Ce
sont des désinences qui s’ajoutent aux mots pour apporter, selon leur classe
grammaticale, des indications de genre, de nombre, de personne, etc.
- Les morphogrammes lexicaux sont des indicateurs de série lexicale. Ce sont des
marques internes ou finales fixes, intégrées au mot, qui servent essentiellement à relier
un radical à ses dérivés. Ils maintiennent l’unité des familles de mots et constituent des
marques graphiques de sens.
Les morphogrammes sont construits en fonction de la sémantique d’une phrase et
nécessitent donc une certaine logique et une compréhension globale de la phrase dans laquelle
ils s’inscrivent. La dictée, sur laquelle nous travaillerons ultérieurement, semble être un bon
outil de travail pour tenter d’améliorer l’acquisition des morphogrammes puisque plusieurs
phrases sont reliées et que les mots ne sont pas isolés.
1.3.Les logogrammes
Les logogrammes constituent des « figures de mots » dans lesquelles la graphie ne fait
qu’un avec le mot, qui s’inscrit globalement, avec son image, dans la mémoire visuelle du
locuteur. Suivant le principe idéographique, les logogrammes jouent un rôle sémantique, en
permettant la distinction des homophones11.
La perception des logogrammes est détachée de toute la logique qui fonde le système
graphique français selon E. Jung, dont nous avons présenté la pensée auparavant. Encore une
fois, la dictée semble être un bon outil pour l’assimilation de la logique du système
11 Martin Riegel, Jean-Christophe Pellat, René Rioul, Grammaire méthodique du français, Presses Universitaires de France, 1994, Paris, p. 68
10
orthographique et pour l’acquisition de la compréhension globale de la logique inhérente à
une phrase, afin d’orthographier les termes qui la composent correctement.
2. L’acquisition de l’orthographe
L’apprentissage de l’orthographe ne consiste aucunement en une mémorisation
mécanique mais il passe par l’observation et la réflexion.
Cet apprentissage nécessite donc une activité mentale et des processus cognitifs très
développés, notamment au niveau organisationnel.
Nina Catach explique que le système graphique français repose sur un ensemble de
principes comme, pour n’en citer que quelques uns, la relation à la phonologie, à la
morphologie ou encore la distinction des homophones. Ces principes sont à la base de
l’acquisition de l’orthographe. Ces éléments sont parfois très problématiques pour les élèves
et nous nous proposons de nous pencher dessus lors des activités que nous mettrons en place
pour vérifier nos hypothèses de recherche, que nous présenterons ultérieurement.
Les linguistes proposent une conception hautement systématisée de l’orthographe et
proposent trois domaines principaux dans son acquisition.
2.1.Le domaine logographique
Dans ce domaine, une place prépondérante est accordée à l’aspect sémantique des
graphies et des mots.
Selon André Angoujard12, la logographie désigne « un mode global de perception des
mots attachés à la reconnaissance d’un tout plutôt qu’à celle de ses éléments ».
Le domaine logographique comporte une grande part d’imprécision qui évolue avec le
niveau de compétence des usagers. Il apparait donc nécessaire de faire se préciser la
perception des élèves à travers des phrases liées entre elles par le sens et la graphie, ce que
nous tenterons de mettre en place grâce aux dictées que nous avons choisi d’exploiter et que
nous présenterons dans la suite de cette note de recherche.
Pour développer la procédure logographique, les scripteurs prennent deux voies
majeures, celle de la copie des mots et de l’invention graphique.
12 André Angoujard, Savoir orthographier, Hachette éducation, 2007, Paris, p.102
11
La première « étape » de l’acquisition de l’orthographe est donc cette procédure,
qu’emploient les proto-scripteurs, et qui, selon certaines études, permet à l’enfant d’entrer
progressivement dans la maîtrise de l’orthographe. En effet, selon André Angoujard13, « les
enfants qui écrivent librement, sans systématiquement recourir à la copie, mettent en œuvre
des compétences originales qui les conduisent progressivement à la maîtrise des bases de
l’orthographe ».
La copie semble, selon cette citation, ne pas favoriser l’acquisition de l’orthographe.
Une première limite se pose ici puisque, lors de l’évaluation formative que nous effectuerons
sur les dictées proposées (présentées dans la suite de notre note de recherche), il est probable
que, lors de la discussion avec leurs camarades, certains élèves « copient » sur leur voisin,
n’étant pas sûrs d’eux. L’analyse de notre corpus de dictées en vue de l’acquisition et de la
progression en orthographe pourra donc s’en trouver faussée.
Les procédures logographiques développent la maîtrise des lettres mais permettent
surtout un rapport entre une séquence graphique et sa signification.
Le domaine logographique peut faire l’objet d’activités spécifiques pour développer la
fonction sémantique de l’écrit. Nous proposerons donc deux formes de dictées, que nous
détaillerons plus tard, afin de tenter d’impulser une dynamique sémantique à l’orthographe
avec les élèves dont nous aurons la charge l’an prochain.
2.2.Le domaine phonogrammique
Suite à la phase logographique, le scripteur passe par un second type de procédure,
complètement différent, fondé sur les relations entre formes phoniques et formes graphiques.
Bien souvent, afin de développer cette procédure, les enseignants utilisent la notation
syllabique et l’épellation. Une des formes de dictées que nous suggérerons, la dictée « sans
faute » permet de développer le domaine phonogrammique dans la mesure où les élèves
doivent « décortiquer » les mots afin d’en trouver la complexité et expliquer leur formation.
Pour André Angoujard14, « on trouve très tôt des enfants capables de sélectionner les
syllabes d’un message oralisé et de les représenter, en partie au moins, avec des lettres. »
13 André Angoujard, Savoir orthographier, Hachette éducation, 2007, Paris, p.103 14 André Angoujard, Savoir orthographier, Hachette éducation, 2007, Paris, p.105
12
Les premières découvertes phonographiques ne valent pas ce qu’elles annoncent. En
effet, et comme nous le précisions auparavant, le système orthographique français est fort
complexe. La diversité graphique s’articule autour d’une unité phonique que Nina Catach
appelle archigraphème, qui est définie de la façon suivante : « super-unité qui regroupe les
graphèmes correspondant à un même phonème. L’archigraphème O permet, par exemple, de
regrouper o, au, et eau15 ».
Une fois l’organisation acquise par les élèves, une difficulté supplémentaire apparait,
comment choisir les bons graphèmes ?
Les outils que nous développerons en troisième partie de ce mémoire et qui seront
appliqués l’an prochain permettront de faciliter le choix des élèves quant aux graphèmes à
utiliser puisque nous procéderons à des exercices d’imprégnation de l’orthographe avec eux.
2.3.Le domaine morphologique
Avec le troisième domaine, l’acquisition de l’orthographe ne dépend plus des
procédures logographiques ou phonogrammiques, mais de procédures morphologiques. Les
mots appartiennent à des classes qui déterminent leurs variations.
Ainsi, le scripteur prend conscience que le mot n’est pas une forme figée mais qu’il peut
varier en fonction du contexte.
Prenons ici l’exemple des verbes conjugués ou des adjectifs qui s’accordent avec le nom
qu’ils qualifient, en genre et en nombre.
André Angoujard propose une progression dans l’acquisition morphologique. La
première phase serait de faire se rendre compte aux enfants que les mots ne sont pas des
normes fixes et qu’ils peuvent varier. Ensuite, il faudrait qu’ils prennent conscience que les
variations d’un mot dépendent de sa classe morphologique d’origine. Puis, les enfants
devraient connaitre les catégories en fonction desquelles un mot peut varier (genre, nombre,
temps, personne, etc.). Enfin, il faudrait faire comprendre aux élèves que les mots peuvent
subir plusieurs principes de variation, comme un accord en genre et en nombre simultanément
par exemple.
Les dictées que nous proposerons l’an prochain aux élèves sont en prolongement avec le
domaine morphologique. En effet, la dictée permet d’établir une relation sémantique entre les
15 André Angoujard, Savoir orthographier, Hachette éducation, 2007, Paris, p.106
13
différents termes d’une phrase et entre plusieurs phrases qui constituent un système cohérent.
Dans les dictées « sans fautes », les élèves devront analyser les différents termes et en
remarquer les similarités. Ils devront, en outre, examiner leur formation, en expliquant la
présence de certains morphogrammes, marquant le pluriel par exemple.
Les diverses origines des difficultés quant à l’orthographe étant cernées et son
acquisition étant présentée, nous pouvons dès à présent nous intéresser à la première partie de
notre problématique, c'est-à-dire à la façon de prendre en compte les erreurs des élèves, pour
ensuite pouvoir y remédier.
14
II. Comment prendre en compte les erreurs orthographiques
et comment les réinvestir ?
a) L’erreur peut-elle rendre service à la pédagogie ?
Le statut de l’erreur a beaucoup évolué dans l’histoire des théories de l’apprentissage.
En effet, ce dernier s’est transformé. De quelque chose d’impardonnable, l’erreur est devenue
un élément positif du point de vue pédagogique. Après avoir fait un rapide tour d’horizon des
deux principales conceptions de l’erreur, nous démontrerons en quoi cette dernière est
indispensable à la remédiation des problèmes orthographiques, utile dans la conception de
notre recherche à venir, et indispensable dans les outils de recherche que nous construirons
ultérieurement.
1. L’erreur : une conception qui a évolué
Dans la revue Langue Française16, on peut lire que la « faute d’orthographe » est
sanctionnée puisqu’elle est considérée comme un échec dans la transcription de la langue,
objet enseigné à l’école.
Selon Jean-Pierre Jaffré17, « le terme [de faute d’orthographe] est un peu fort car il a
une connotation morale quelque peu inadaptée. Celui d’ “erreur" est sans doute préférable. »
Nous pouvons observer que, dans un article et une interview, l’erreur n’a pas la même
valeur. Observons les deux principales conceptions de cette dernière.
Dans toutes les conceptions inspirées du béhaviorisme, l'enseignement est fondé sur le
découpage des connaissances. L'élève progresse pas à pas, l'apprentissage étant renforcé
par des constats de réussite. L'erreur est donc à éviter. Si, toutefois elle survenait, c'est que
l'élève n'aurait pas maîtrisé certains pré-requis indispensables. Au contraire des théories
béhavioristes, nous espérons que les élèves produiront des erreurs dans les exercices que nous
leur donneront afin de pouvoir les utiliser comme base et ainsi établir une progression.
Dans les conceptions constructivistes de l'apprentissage, l'erreur est le résultat de
processus cognitifs sensés. Il n'est plus question d'y faire barrage, mais, au contraire,
elle apparaît comme normale à l'apprentissage. Elle est un ensemble de conceptions
16 Dubois Jean, Sumpf Joseph, Meyrat Michèle, 1970, L’orthographe. In : Langue française. N°5, pp. 100-117. 17 < http://www.crdp.ac-creteil.fr/langages/rubriques/pdf/contributions_reflexion/dictee.pdf >, consulté le 30 Avril 2011
15
intégrées dans un réseau cohérent de représentations cognitives, qui se dressent en
obstacles à l'acquisition et à la maîtrise de nouveaux concepts. Le franchissement de ces
obstacles devient alors le projet de l'acte d'enseignement et l'erreur un épisode dans la
restructuration et l'élargissement des connaissances. Nous nous baserons sur la conception
constructiviste afin de réaliser nos outils de recherche à mettre en place l’an prochain. En
effet, comme nous le préciserons plus tard, les erreurs des élèves nous permettront, après des
évaluations diagnostiques, de construire des exercices afin d’aider ces derniers à progresser
sur le domaine dans lequel leurs erreurs initiales s’inscrivaient.
2. L’erreur comme outil de différenciation
D’après Louis Legrand18 le terme de pédagogie différenciée désigne « un effort de
diversification méthodologique susceptible de répondre à la diversité des élèves ».
En utilisant l’erreur comme outil, il est possible d’améliorer les erreurs de chacun des
élèves en prenant en compte leur spécificité. Les élèves ayant tous des profils cognitifs
différents, il est important de prendre en compte la singularité de chaque élève et d’adapter les
outils proposés par l’enseignant à ses capacités. Nous nous efforcerons, l’an prochain, de
mettre en place des situations d’apprentissage dans lesquelles chaque élève trouvera une tâche
à sa portée.
A travers une évaluation diagnostique, l’enseignant repère les erreurs de chaque élève et
élabore des outils pour travailler avec lui sur ses difficultés. Nous présenterons, dans la
troisième partie de cette note de recherche, les évaluations diagnostiques que nous mettrons
en place afin de définir le niveau de compétence en matière d’orthographe de chaque élève et
ainsi adapter nos exercices à ces dernières.
Selon le Ministère de l’Education Nationale19, l’évaluation diagnostique se définit
comme une « Évaluation intervenant au début, voire au cours d’un apprentissage ou d’une
formation, qui permet de repérer et d’identifier les difficultés rencontrées par l’élève ou
l’étudiant afin d’y apporter des réponses pédagogiques adaptées. »
Lors de notre recherche, nous préciserons les activités à mettre en place pour évaluer de
façon diagnostique les élèves, et ainsi, en fonction de leurs difficultés, élaborer des tâches
différenciées et adaptées à chacun.
18 Louis Legrand, Les différenciations de la pédagogie, Presses Universitaires de France, 1995, Paris, p.9 19 < http://www.education.gouv.fr/bo/2007/33/CTNX0710380K.htm >, consulté le 3 Mai 2011
16
b) La classification des erreurs orthographiques de Nina Catach
1. Présentation
Suite à la présentation des différents domaines d’acquisition de l’orthographe que nous
avons énoncés auparavant, et des sous-systèmes présents dans l’orthographe française, nous
avons choisi, dans un souci de cohérence, d’analyser les erreurs d’orthographe avec la grille
de classification des erreurs proposée par Nina Catach.
Cette grille reprend les domaines logographique, phonogrammique et morphologique,
par lesquels le scripteur passe nécessairement dans l’acquisition de l’orthographe.
Le tableau ci-dessous représente la grille de classification des erreurs que nous nous
proposons d’utiliser afin de prendre en compte les erreurs des élèves, de les analyser, de
constituer un corpus et de concevoir, à partir de ce dernier, des solutions pour y remédier.
Catégories d’erreurs Remarques Exemples
ERREURS EXTRAGRAPHIQUES
0. Erreurs à dominante
calligraphique Ajout ou absence de jambage, etc. Mid (nid)
0 bis. Reconnaissance et
coupure des mots
Peut se retrouver dans toutes les
catégories suivantes Le lévier (l’évier)
1. Erreurs à dominante
extragraphique
- Omission ou adjonction de
phonèmes
- Confusion de consonnes
- Confusion de voyelles
ex. [ ɔ ]/ [ ə ]
- Maitenant (maintenant)
- Suchoter (ch/s)
- Moner (mener)
ERREURS GRAPHIQUES PROPREMENT DITES
2. Erreurs à dominante
phonogrammique (règles
fondamentales de transcription
et de position)
- Altérant la valeur phonique
- N’altérant pas la valeur
phonique
- Merite (mérite)
- Briler (briller)
- Recu (reçu)
- Binètte (binette)
- Pingoin (pingouin)
- Guorille (gorille)
3. Erreurs à dominante
morphogrammique
a) Morphogrammes
- Confusion de nature de
catégorie, de genre, de nombre,
de forme verbale, etc.
17
grammaticaux - Omission ou adjonction
erronée d’accords étroits
- Omission ou adjonction
erronée d’accords larges
- Chevaus (chevaux)
- Les rue (les rues)
- Ceux que les enfants
ont vu (ont vus)
b) Morphogrammes lexicaux - Marques du radical
- Marques préfixes / suffixes
- Canart (canard)
- Anterrement (enterrement)
- Annui (ennui)
4. Erreurs à dominante
logogrammique
- Logogrammes lexicaux
- Logogrammes grammaticaux
- J’ai pris du vain (vin)
- Ils ce sont dit (se)
5. Erreurs à dominante
idéogrammique
- Majuscules
- Ponctuation
- Apostrophe
- Trait d’union
- L’état (l’Etat)
- Et, lui (et lui)
- Létat (l’Etat)
- Mot-composé (mot composé)
6. Erreurs à dominante non
fonctionnelle
- Lettres étymologiques
- Consonnes simples ou doubles
non fonctionnelles
Sculteur, rume (sculpteur, rhume)
- Boursouffler (boursoufler)
2. Un essai de validation de la grille de Nina Catach sur une dictée en classe
Lors d’une intervention dans un collège, j’ai dicté à des élèves de sixième un court
passage d’Alice au pays des Merveilles de Lewis Caroll et constitué un corpus que j’ai décidé
d’analyser et de classer à l’aide de la grille de classification des erreurs de Nina Catach, que
nous avons présentée précédemment, pour mettre en exergue les différences de compétences
orthographiques des élèves, savoir dans quels domaines les difficultés prédominaient et mettre
en avant la nécessité de la différenciation pédagogique.
Commençons par écrire le texte de référence en soulignant les termes auxquels nous
nous intéresserons.
« C’était le lapin blanc qui revenait en trottant avec lenteur et en jetant autour de lui
des regards inquiets comme s’il avait perdu quelque chose.
Alice l’entendit murmurer : « La Duchesse ! La Duchesse ! Oh mes pauvres petites
pattes ! Oh ma fourrure et mes moustaches ! Elle va me faire exécuter aussi sûr que les furets
sont des furets ! Où Diable ai-je pu les laisser tomber ? »
• ERREURS EXTRAGRAPHIQUES
- Reconnaissance et coupure des mots :
18
� Comme s’il avait perdu
o Comme si il avait : 10 élèves sur 18
o Comme ci/si/çi l’avait : 7 élèves sur 18
o Comme s’il avait : 1 élève sur 18
• ERREURS GRAPHIQUES PROPREMENT DITES
- Erreurs à dominante phonogrammique n’altérant pas la valeur phonique
� Lenteur
o Lenteur : 8 élèves sur 18
o Lanteur : 5 élèves sur 18
o L’enteur : 2 élèves sur 18
o Lentere : 1 élève sur 18
- Erreurs à dominante phonogrammique altérant la valeur phonique
� Lenteur
o Lonteur : 1 élève sur 18
o Lenterre : 1 élève sur 18
- Erreurs à dominante logogrammique : logogrammes grammaticaux
� Mes pauvres petites pattes
o Mes : 12 élèves sur 18
o Mais : 5 élèves sur 18
o Met : 1 élève sur 18
- Erreurs à dominante logogrammique : logogrammes lexicaux
� Aussi sûr
o Sûr : 3 élèves sur 18
o Sur : 15 élèves sur 18
Dans cette analyse des différentes erreurs des élèves à la dictée d’un texte, nous nous
rendons compte de la nécessité de remédier aux difficultés de ces derniers. En effet, dans le
premier exemple, portant sur « comme s’il avait », 5,5% des élèves ont une orthographe
correcte tandis que les autres souffrent de problèmes de segmentation des mots. 44,4% des
élèves parviennent à orthographier correctement le mot « lenteur ». Les homonymes
(mais/mes/met et « sur/sûr) semblent également poser des problèmes aux élèves en question
puisque seulement 66,6% d’entre eux choisissent la bonne formule pour écrire « mes pauvres
petites pattes » et 16,6% orthographient correctement « aussi sûr ».
19
La grille que propose Nina Catach comporte des limites. En effet, l’analyse des erreurs
orthographiques des élèves ne porte que sur l’aspect quantitatif de ces dernières. Il n’est donc
pas possible de classer toutes les erreurs des élèves à l’aide de cette grille. Nous nous basons
néanmoins sur cette dernière pour élaborer nos outils cette année, mais nous changerons peut-
être de méthode d’analyse pour l’an prochain.
La tentative d’analyse des dictées que nous venons de présenter peut servir à élaborer
quelques hypothèses de remédiation aux erreurs des élèves en difficulté au niveau
orthographique.
20
III. Par quels moyens remédier aux erreurs orthographiques ?
Rappelons que nous nous intéressons à la prise en compte des erreurs d’orthographe des
élèves par l’enseignant et à leur remédiation.
Dans cette partie de notre exposé, nous proposerons une hypothèse de recherche, puis
nous tenterons d’élaborer une méthodologie et des outils de recherche afin de vérifier cette
dernière. Le travail dans des classes l’an prochain nous permettra d’établir d’autres
hypothèses, mais, durant cette première année, nous nous en tiendrons à une seule, subdivisée
en deux parties.
L’idéal, afin de mettre en place les outils de recherche que nous créerons et d’évaluer la
progression des élèves en difficultés, serait de pouvoir intervenir, l’an prochain, dans une
classe de cycle 2 ou 3 tout au long de l’année. L’évaluation de la progression des élèves sera
réalisée à partir d’un corpus de production écrites d’élèves, que nous analyserons et
classerons.
Si intervenir en continu dans une classe n’est pas possible, nous envisagerons de réaliser
des entretiens avec un enseignant dont la classe aura pu être soumise à nos travaux, avec la
limite suivante : les enseignants peuvent affirmer des faits sans pour autant les mettre en
place.
L’hypothèse que nous posons est que la dictée, sous différentes formes, pourrait
permettre aux élèves présentant des difficultés en orthographe de s’améliorer dans ce
domaine. Les outils que nous proposerons dans cette partie concernent les dictées « sans
fautes » et les dictées à trous ou à choix multiples.
Afin d’introduire les outils de recherche que nous avons construits, nous nous
proposons de préciser le rôle des dictées que nous utiliserons, la dictée « traditionnelle » étant
source de débats.
21
a) La dictée : une visée évaluative ou un outil d’apprentissage ?
1. Polémique autour de la dictée
Le Ministère de l’Education Nationale annonce, dans les programmes, que « la dictée
est un outil indispensable d'apprentissage et d'évaluation.20 »
Ici, la dictée est définie comme une manière d’acquérir l’orthographe, mais de
nombreux débats sont soulevés par cet exercice.
En effet, selon Linda Allal21, « La dictée d’un texte composé d’une suite de phrases est
utilisée depuis plus d’un siècle comme exercice d’apprentissage de l’orthographe et/ou
comme moyen de contrôle des connaissances. [...] La dictée comporte un avantage reconnu :
elle exige la mise en relation de tous les aspects de l’orthographe dans un cadre textuel
entrainant une réflexion non seulement entre les constituants mais aussi sur les relations
entre phrases. »
Selon l’auteure, la dictée est bénéfique dans le sens où elle oblige l’élève à mobiliser
tous ses acquis orthographiques, tant en orthographe grammaticale qu’en orthographe
lexicale, pour établir une cohérence entre les différentes phrases composant la dictée. Nous
avons observé que la dictée est utile lors de l’acquisition des morphogrammes puisque ces
derniers sont fortement mobilisés lors de cet exercice, les phrases ayant un lien sémantique les
unes avec les autres.
Cependant, il est à noter que, dans ce qu’annonce Linda Allal, les domaines
logographiques et phonogrammiques sont supposés acquis, puisque les élèves doivent déjà
faire des liens entre les différents constituants de la dictée afin de leur apposer leur
morphologie finale. Ici, l’auteure ne prend pas en compte les élèves dont les deux premiers
domaines ne seraient pas encore établis.
Contrairement à Linda Allal, Jean-Pierre Jaffré, dans une interview annonce que « la
dictée est un bon outil d’évaluation mais elle ne permet pas vraiment d’apprendre
l’orthographe. De plus, elle n’évalue qu’une compétence très particulière. Au cours d’une
dictée, un élève doit en effet transformer un matériau phonique en un matériau graphique,
c’est-à-dire faire correspondre des sons et des lettres. Il s’agit d’un exercice très spécifique
20 < http://media.education.gouv.fr/file/51/3/3513.pdf >, consulté le 30 Avril 2011 21 L. Rieben, M. Fayol, C. A. Perfetti, Des orthographes et leur acquisition, Delachaux et Niestlé, 1997, Lausanne, p. 190
22
qui n’aide pas un scripteur à maitriser l’orthographe quand il est en situation de production.
Dans ce cas, il s’agit en effet de mettre des idées – et non des sons – en lettres. »
Ici, nous observons que, selon Jean-Pierre Jaffré22, la dictée ne peut pas être un outil
d’apprentissage puisque le but de cette dernière est de transformer des sons en lettres plutôt
que des idées en lettres, comme l’élève le ferait dans une production écrite.
Contrairement à Linda Allal, Jean-Pierre Jaffré critique la dictée sous son aspect de
contrôle du domaine phonogrammique. Selon lui, l’exercice de la dictée insiste trop sur cet
aspect et pas sur la dimension morphologique, dans ce qu’elle implique de relationnel entre
les mots et les phrases. Cependant, nous supposons que la dictée est nécessaire à l’acquisition
de certaines données orthographiques qui pourront être réinvestie lors de productions écrites
« libres » des élèves.
Face au débat que suscite la dictée « traditionnelle », « exercice au cours duquel les
élèves doivent produire, en l’absence de toute aide extérieure, les formes graphiques
correspondant à un texte choisi et lu par le maître23 », nous avons choisi de nous intéresser à
d’autres sortes de dictées, sous forme de tâches-problèmes, comme le préconise André
Angoujard.
2. Dictées ou tâches-problèmes ?
Selon André Angoujard24, il faut « transformer l’exercice traditionnel de dictée en
tâche-problème » puisque, « dans sa visée évaluative, la dictée constitue un instrument
atypique et peu fiable ».
Le terme « atypique » renvoie au fait que, lors de l’évaluation d’une dictée, seules les
erreurs sont prises en compte. Comme nous l’étudiions précédemment, l’erreur ne doit en
aucun cas être sanctionnée mais elle doit devenir un outil, tant pour l’élève que pour
l’enseignant. Nous nous appuierons donc sur les erreurs des élèves pour élaborer des
exercices qui les feront progresser.
22 < http://www.crdp.ac-creteil.fr/langages/rubriques/pdf/contributions_reflexion/dictee.pdf >, consulté le 30 Avril 2011 23 André Angoujard, Savoir orthographier, Hachette éducation, 2007, Paris, p.74 24 André Angoujard, Savoir orthographier, Hachette éducation, 2007, Paris, p.74
23
D’autre part, la dictée, stigmatise les élèves et leur fait avoir une image négative de
l’orthographe, ce que nous ne souhaitons pas ici, car nous souhaitons motiver les élèves à
apprendre cette discipline.
André Angoujard rejoint la position de Jean-Pierre Jaffré, que nous avons énoncée lors
des polémiques sur la dictée, dans la mesure où, pour lui, la dictée est peu fiable.
Le fait que la dictée en tant qu’évaluation soit peu fiable relève du fait que les élèves se
concentrent uniquement sur la gestion des formes graphiques, sans se préoccuper des autres
processus cognitifs activés lors de la production de textes.
Il s’agit de transformer la dictée en tâche-problème, de faire en sorte qu’elle devienne
un moment d’apprentissage parmi d’autres et qu’elle concoure ainsi à donner une image plus
juste de l’orthographe aux élèves, mais aussi des opérations nécessaires à sa mise en œuvre.
Il sera donc essentiel de rendre les élèves plus actifs, de leur permettre de s’approprier
les notions orthographiques au travers de tâtonnements et d’expérimentations, de leur
permettre de dépasser leurs représentations en prenant conscience de leurs procédures et
stratégies et de leurs réussites et échecs, de leur permettre de mobiliser leur raisonnement pour
anticiper l’erreur, chercher l’erreur et corriger l’erreur, et ce grâce à une bonne compréhension
de notre système orthographique. Nous mettrons en place des dictées « sans faute » et « à
trous ou à choix multiples » l’an prochain afin d’établir des situations de réflexion pour les
élèves et ainsi transformer l’exercice basique qu’est la dictée en tâche-problème.
b) La dictée « sans faute » peut-elle s’avérer être une tâche-problème et
ainsi permettre la progression des élèves en orthographe ?
Nous posons ici notre première sous-hypothèse, qui consiste à affirmer que la « dictée
sans fautes » peut s’avérer être un outil d’apprentissage et de remédiation à certaines erreurs
orthographiques.
La dictée « sans faute » ne ressemble à la dictée traditionnelle que par son apparence.
Elle est bien, comme la dictée de base, un exercice au cours duquel un texte choisi par le
maître est donné à écrire aux élèves, mais les objectifs et les modalités de mise en œuvre sont
différents.
24
La visée de la dictée « sans faute » est exclusivement basée sur l’apprentissage, met en
œuvre la métacognition et développe les interactions sociales des apprenants, éléments
indispensables à l’apprentissage selon de nombreux auteurs.
1. La métacognition au service de l’apprentissage
Selon Flavell, « la métacognition se rapporte à la connaissance qu´on a de ses propres
processus cognitifs, de leurs produits et de tout ce qui touche, par exemple, les propriétés
pertinentes pour l´apprentissage d´informations et de données... La métacognition se
rapporte entre autre chose, à l´évaluation active, à la régulation et l´organisation de ces
processus en fonction des objets cognitifs ou des données sur lesquelles ils portent,
habituellement pour servir un but ou un objectif concret. »
La métacognition est donc la représentation que l’enfant a de ses connaissances et de la
façon dont il peut les mobiliser.
Selon Philippe Meirieu25, la métacognition est « l’effort pour identifier exactement les
opérations mentales qui permettent au sujet de contrôler ses apprentissages, d’en observer le
parcours et d’en jauger l’efficacité. »
Lors de la dictée « sans faute », l’élève doit analyser la façon dont est orthographié tel
ou tel mot et ensuite expliquer pourquoi il l’a écrit de la sorte. En effet, comme nous
l’étudierons lors de la présentation de la mise en place de l’exercice, l’élève doit non
seulement réfléchir à la façon dont s’écrit un terme mais également l’expliquer à ses
camarades, ce qui le force à pratiquer la métacognition. La métacognition permet, comme
l’annonce Philippe Meirieu, de favoriser les apprentissages, et c’est pour cela, en partie, que
nous avons choisi de travailler sur cet exercice.
2. Le socioconstructivisme ou l’importance des interactions langagières dans les
apprentissages
Lors de l’exercice de la dictée « sans faute », que celui-ci se déroule en groupe ou
collectivement, les enfants sont amenés à parler entre eux, à confronter leurs points de vue et
à justifier leur positionnement.
25 Anne-Marie Doly, Métacognition et médiation, CNDP, 1994, Clermont-Ferrand, p.5
25
Nous nous intéresserons ici à Vygotski afin de prouver l’intérêt des interactions
langagières dans l’apprentissage et par là-même, l’intérêt de la dictée « sans faute » pour
remédier aux erreurs orthographiques des élèves.
La thèse de cet auteur s’organise autour de deux concepts clés, la zone proximale de
développement et la notion d’interaction, dans laquelle le langage joue un rôle fondamental.
Vygotski définit la zone proximale de développement (ZPD) de la façon suivante :
« c’est la distance entre le niveau de développement actuel tel qu’on peut le déterminer à
travers la façon dont l’enfant résout des problèmes seul et le niveau de développement
potentiel tel qu’on peut le déterminer à travers la façon dont l’enfant résout les problèmes
lorsqu’il est assisté par l’adulte ou collabore avec des pairs plus avancés.26 »
En mettant en place la dictée « sans fautes », l’enfant est confronté à une situation qu’il
n’est pas capable de dépasser sans l’aide de l’adulte ou d’un camarade, c'est-à-dire d’un
médiateur. L’aide du médiateur dans l’explicitation des erreurs orthographiques peut faire
progresser l’élève, ce que nous cherchons à réaliser, rappelons-le.
En ce qui concerne la notion d’interaction sociale, Vygotski formule sa conception sous
forme d’une « loi fondamentale du développement des fonctions psychiques humaines qui se
forment au cours du développement de l’humanité 27». L’interaction est effective grâce au
langage, outil et condition de la médiation. Le langage est l’outil privilégié du transfert des
compétences métacognitives et remplit les fonctions de représentation et de communication
selon Bruner.
Ainsi, pour Vygotski et Bruner, il n’y a pas de développement possible s’il n’y a pas
d’interactions avec les autres. On n’apprend jamais seul et le langage a un rôle essentiel. La
dictée « sans faute » est un facteur de développement du langage car les élèves doivent
discuter entre eux de la bonne façon d’orthographier les mots.
Le conflit installé par la situation-problème (tâche-problème ici) devient ainsi un conflit
sociocognitif. L’enfant est confronté à un problème avec d’autres, cela l’oblige à prendre en
compte l’avis des autres. Un premier déséquilibre interindividuel apparaît au sein du groupe
puisque chaque élève est confronté à des points de vue divergents. Il prend ainsi conscience
26 Anne-Marie Doly, Métacognition et médiation, CNDP, 1994, Clermont-Ferrand, p.39 27 Anne-Marie Doly, Métacognition et médiation, CNDP, 1994, Clermont-Ferrand, p.39
26
de sa propre pensée par rapport à celle des autres. Ce qui provoque un deuxième déséquilibre
de nature intra individuelle : l'apprenant est amené à reconsidérer, en même temps, ses
propres représentations et celles des autres pour reconstruire un nouveau savoir. Il faut qu'il y
ait désaccord entre les points de vue (conflit) et que ce désaccord soit dépassé pour aboutir à
une nouvelle réponse qui sera commune.
Pour illustrer notre propos, nous proposons ce schéma de la théorie socioconstructiviste.
Bien évidemment, dans la dictée « sans faute », le langage est fortement mis à
contribution étant donné que tous les élèves, qu’ils soient en groupes ou en classe entière
confrontent leurs points de vue sur les différentes orthographes qu’ils ont attribué à un mot.
3. Mise en place de la dictée « sans faute »
3.1.Principes de base
Prenons deux principes de base afin de justifier le fait que la dictée « sans faute » puisse
être un outil d’apprentissage.
Le souvenir de la constitution d'un mot repose sur l'activation des mémoires visuelle,
auditive, graphique, et articulatoire. Pour que le travail soit fructueux, l'entraînement doit
jouer sur la mobilisation de ces mémoires et sur leur interaction.
Le système d'écriture s'articule autour de l'existence de régularités entre les mots:
Conflit intra-psychique
Nouveau palier Ancien palier
27
- qui sont en lien avec la structure du mot:
� analogie phonologique (les mots partagent un son similaire = dans, éléphant,
penser, etc.)
� analogie morphologique (doublement de consonnes = village, attendre, passer,
etc. ; préfixes et suffixes communs = maisonnette, fillette, dînette, etc.)
� analogie orthographique (lettres finales muettes = trop, grand, voix, etc.)
- qui sont en lien avec les règles grammaticales:
� terminaisons identiques des verbes
� homonymes (mots qui s'entendent de la même façon mais qui s'écrivent
différemment)
� marques du genre (masculin/féminin) et du nombre (singulier/pluriel)
3.2.Dispositif
La dictée « sans faute » peut être mise en place aux cycles 2 et 3.
La préparation de la dictée consiste en une recherche active par l'enfant des pièges
orthographiques et des similitudes observées entre les mots. L'enseignant guide l'enfant et
oriente cette recherche en formant des groupes de mots qui se ressemblent.
Chaque « groupe de mots qui se ressemblent » est associé à une couleur précise et
l’enseignant note les mots relevés par l'enfant en prenant soin de mettre en évidence les lettres
difficiles avec un feutre de couleur.
Si certains mots n’entrent pas dans les catégories, l’enseignant les réunit dans un groupe
« mots difficiles ».
Dès que le premier groupe de mots est constitué, l'enseignant interroge oralement les
enfants sur la difficulté de chaque mot. Il leur demande pourquoi il a mis en évidence
certaines lettres et pourquoi tel ou tel mot s’écrit de cette façon.
En développant la métacognition de l’enfant, c'est-à-dire en le faisant verbaliser autour
de la construction de l’orthographe des mots, on active chez lui des inférences qui le feront
orthographier correctement de manière réfléchie des termes qu’il aura travaillés auparavant en
classe.
L’enseignant procède de la façon décrite ainsi pour toutes les catégories.
28
Une fois que l'inventaire est réalisé, les enfants relisent l'intégralité de la liste et
l’enseignant leur dicte tous les mots dans une nouvelle configuration, en créant un texte
différent de la dictée initiale.
3.3.Outils envisagés
Ici, nous livrons un exemple de dictée avec les différents « groupes » créés en fonction
des mots.
Aujourd’hui, c’est le jour de la fête foraine. Je suis sur la place avec Vincent, mon ami
que je n’ai pas revu depuis très longtemps. Tous les manèges sont installés. Il fait froid mais
Maman nous a préparé de quoi grignoter : quelques pommes, des abricots et des sablés tout
chauds qu’elle a faits le matin même. Comme c’est agréable de regarder le grand carrousel
tourner avec ses jolis chevaux de bois ! Mais arrêtons de regarder, nous aussi nous voulons y
aller !
- Doublement de consonnes
instaLLés, poMMes, eLLe, caRRousel,
aRRêtons, aLLer
- Lettres finales muettes
longtempS, froiD, chauDS
- Le phonème [ ɑ � ]
VincENt, longtEMps, MamAN,
- Le phonème [ o ]
AUjourd’hui, grignOter, abricOts,
chAUds, chevAUx
- Le phonème [ e ]
installEs, préparE, grignotER, sablEs,
agrEable, regardER, tournER, allER
- Les majuscules
Vincent
- Les pluriels
manègeS, pommeS, abricotS,
sabléS, chevauX
- Et / est
C’EST, ET
Quand les enfants ont explicité les formes des mots regroupés et justifié leur
orthographe, en groupe ou collectivement, ils relisent la liste et l’enseignant leur dicte un
texte, différent de l’initial, comportant les mots regroupés.
29
Nous proposons un second texte comportant certains des mots exploités dans la
première phase de la séance.
C’est aujourd’hui que Vincent fête son anniversaire. Dix ans déjà que je suis né, pense-
t-il, je ne pensais pas que cela faisait si longtemps ! Il fait froid mais Maman m’a dit que nous
nous installerions à l’intérieur, cela sera plus agréable que dehors. Dans la cuisine, je
regarde la corbeille de fruits avec les abricots et les pommes et je vois que les sablés que j’ai
préparés sont en train de cuire. Ils seront tout chauds quand mes invités arriveront.
3.4.Evaluation et vérification
Après avoir dicté le texte à ses élèves, l’enseignant récupère les productions, et classe
les erreurs des scripteurs en fonction des différents groupes de mots composés pendant la
première phase de la séance. Le classement peut s’effectuer dans un tableau comme celui-ci :
Nom de l’élève :
ERREURS A DOMINANTE NON FONCTIONNELLE
Consonnes simples ou doubles non fonctionnelles
Doublement de consonnes
Installer Oui / Non
Arriver Oui / Non
Pommes Oui / Non
ERREURS A DOMINANTE MORPHOGRAMMIQUE
Morphogrammes grammaticaux
Omission ou adjonction erronée d’accords étroits
Pommes Oui / Non
Abricots Oui / Non
Sablés Oui / Non
ERREURS A DOMINANTE IDEOGRAMMIQUE
Majuscules
Vincent Oui / Non
ERREURS A DOMINANTE LOGOGRAMMIQUE
Logogrammes grammaticaux Est Oui / Non
Et Oui / Non
30
Après l’analyse des erreurs des différents enfants, l’enseignant peut les regrouper en
fonction de leurs compétences et différencier sa pédagogie en adaptant les exercices à chaque
difficulté.
c) La dictée « à trous » peut-elle être un outil de différenciation
pédagogique efficace ?
Nous posons ici notre seconde sous-hypothèse, qui affirme que la dictée « à trous » ou
« à choix multiples » peut être un outil de différenciation pédagogique et peut permettre aux
élèves de progresser en orthographe.
1. La pédagogie différenciée
La Loi d’orientation sur l’éducation du 9 juillet 1989, dite « loi Jospin » précise dans
son préambule que « mettre l’enfant au centre du système éducatif, c’est d’abord le prendre
tel qu’il est, avec ses acquis et ses faiblesses. C’est donc construire les apprentissages sur les
compétences acquises précédemment : cela suppose de ne pas reprendre, fût-ce pour un
groupe d’élève, des apprentissages déjà maîtrisés. Cela implique aussi que, quelle que soit la
classe, les lacunes éventuelles de certains élèves soient comblées avant qu’ils n’abordent les
apprentissages ultérieur28». D’autre part, elle stipule que « pour assurer l’égalité et la
réussite des élèves l’enseignement est adapté à leur diversité ».
La raison principale de la différenciation pédagogique est l’hétérogénéité due à la
démocratisation de l’éducation.
Sur le plan cognitif, il existe chez les élèves une grande hétérogénéité dans le degré
d’acquisition des connaissances et dans la richesse de leurs processus mentaux.
Sur le plan socioculturel, les élèves ont des valeurs, croyances, habitudes, histoires
familiales, codes de langages et types de socialisation différents.
Enfin, sur le plan psychologique et affectif, le vécu, ainsi que la personnalité de chaque
apprenant, influe sur sa motivation, sa volonté, son attention, etc.
Il est donc, au vu, de ces éléments, indispensable de différencier sa pédagogie en
fonction des profils des élèves.
28 < http://dcalin.fr/textoff/loi_1989.html >, consulté le 4 Mai 2011
31
2. Mise en place de la dictée « à trous » ou à « choix multiples »
La mise en place d’une pédagogie différenciée est préparée en amont par une évaluation
diagnostique, comme nous en avons déjà parlé dans la seconde partie de cette note de
recherche.
Basons-nous sur le texte que nous avons construit pour la dictée sans faute et tentons de
mettre en place une dictée à trous ou à choix multiple pour aider les élèves à améliorer leurs
performances orthographiques.
2.1.Dispositif
Rappelons dans un premier temps le texte que nous avons créé et sur lequel s’était basée
notre dictée « sans faute ».
C’est aujourd’hui que Vincent fête son anniversaire. Dix ans déjà que je suis né, pense-
t-il, je ne pensais pas que cela faisait si longtemps ! Il fait froid mais Maman m’a dit que nous
nous installerions à l’intérieur, cela sera plus agréable que dehors. Dans la cuisine, je
regarde la corbeille de fruits avec les abricots et les pommes et je vois que les sablés que j’ai
préparés sont en train de cuire. Ils seront tout chauds quand mes invités arriveront.
Après avoir classé les productions, comme nous le préconisions, et s’en être servi
comme d’une évaluation diagnostique, l’enseignant propose à chaque « groupe de difficulté »
une dictée à trous ou à choix multiples différente.
La dictée se fera en classe entière, chaque groupe possédant une dictée différente, en
fonction de ses besoins.
2.2.Outils envisagés
Imaginons proposer cette dictée à des élèves souffrant d’erreur à dominante
logogrammique portant sur les logogrammes grammaticaux. Pour les plus en difficultés, nous
proposerons une dictée à choix multiples, avec la consigne suivante : « Parmi les mots
soulignés, barre ceux qui ne correspondent pas. »
C’est – Ces – Ses – S’est aujourd’hui que Vincent fête son anniversaire. Dix ans déjà
que je suis né, pense-t-il, je ne pensais pas que cela faisait si longtemps ! Il fait froid mais –
mes – met Maman m’a dit que nous nous installerions à l’intérieur, cela sera plus agréable
que dehors. Dans la cuisine, je regarde la corbeille de fruits avec les abricots et – est les
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pommes et – est je vois que les sablés que j’ai préparés sont en train de cuire. Ils seront tout
chauds quand mes invités arriveront.
Les enfants qui sont moins en difficultés devront écrire les mêmes termes sous la dictée.
........ aujourd’hui que Vincent fête son anniversaire. Dix ans déjà que je suis né, pense-
t-il, je ne pensais pas que cela faisait si longtemps ! Il fait froid ......... Maman m’a dit que
nous nous installerions à l’intérieur, cela sera plus agréable que dehors. Dans la cuisine, je
regarde la corbeille de fruits avec les abricots ......... les pommes ........ je vois que les sablés
que j’ai préparés sont en train de cuire. Ils seront tout chauds quand mes invités arriveront.
2.3.Evaluation et vérification
Toutes les productions sont ramassées et classées par groupe. Avec la dictée à trous ou à
choix multiples, l’enseignant se rend compte de la difficulté des élèves et peut vérifier si le
regroupement qu’il avait fait de ces derniers était correct.
Si, malgré les dictées qu’il propose, les élèves ne réussissent pas à améliorer leurs
performances orthographiques, l’enseignant peut leur proposer des apprentissages sous forme
de jeux, qui les aideront peut-être à comprendre certaines notions.
d) Méthodologie de recherche à appliquer l’an prochain
Pour appliquer les exercices que nous avons proposés dans nos hypothèses, nous avons
imaginé un protocole de recherche à mettre en place l’an prochain.
L’IUFM propose un master en alternance, auquel j’ai candidaté, et qui consiste à avoir
une classe en responsabilité un jour par semaine. J’espère être reçue dans cette formation afin
de pouvoir mettre en place les situations que je vais décrire maintenant.
Je commencerai par faire effectuer un pré-test aux élèves afin d’évaluer quels sont leurs
besoins spécifiques en matière d’orthographe. Selon les programmes du Ministère de
l’Education Nationale, il revient à l’enseignant « de choisir les méthodes les plus adaptées
aux caractéristiques individuelles et aux besoins spécifiques de ses élèves29 ».
Le pré-test que j’évoque sera réalisé à partir de productions d’écrits des élèves, à savoir
une dictée ou une rédaction avec un nombre de lignes ou un temps limités.
29 Bulletin Officiel du Ministère de l’Education Nationale et du Ministère de l’Enseignement Supérieur et
de la Recherche n°3 du 18 Juin 2008, p. 11
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La seconde partie de mon expérimentation sera la mise en place des exercices que j’ai
proposés dans la partie précédant celle-ci, en fonction des besoins des élèves et du niveau de
la classe dans laquelle j’interviendrai.
Après la phase de remédiation à l’aide des exercices que j’aurais proposé, j’effectuerai
un post-test, c'est-à-dire une dictée comprenant tous les domaines travaillés à l’aide de la
dictée « sans faute » ou « à trous/à choix multiples ».
La population à laquelle je soumettrai les exercices l’an prochain sera constituée de
deux classes équivalentes. La première classe sera témoin et ne participera qu’aux pré et post-
tests. La seconde classe, expérimentale, participera à toutes les étapes que j’ai citées
précédemment et sera la classe sur laquelle j’effectuerai mon protocole de remédiation.
Des questions sont soulevées par le protocole de recherche que j’ai imaginé. Les
activités décrochées, dans lesquelles les exercices sont centrés sur une difficulté en particulier
(les homophones par exemple) seront-elles suffisantes pour remédier aux erreurs
orthographiques des élèves ?
D’autre part, une de mes attentes en particulier est la gestion orthographique dans toutes
les situations de production d’écrits. Les élèves devront donc être en mesure de transférer les
compétences acquises lors des exercices proposés sur toutes les situations de production
d’écrits qui leur seront proposées.
Si les outils que je soumets permettent l’amélioration des compétences orthographiques
et le transfert que je viens d’évoquer, les élèves peuvent parfois se retrouver en situation de
surcharge cognitive. Si nous prenons l’exemple du pluriel, nous pouvons affirmer que les
élèves sont en mesure d’accorder le verbe au sujet, sauf en cas de surcharge cognitive.
En effet, le verbe de la phrase suivante est simple à accorder dans ce cas :
- Les poulets picorent.
Cette phrase peut contenir des erreurs dans le cas où l’on introduit des adjectifs ou des
compléments du nom, comme dans l’exemple suivant :
- Les poulets affamés de Jean picorent.
Selon M. Fayol, les élèves ont tendance à écrire la seconde phrase comme ceci : Les
poulets affamés de Jean picores.
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Nous sommes ici face à un cas de surcharge cognitive qui empêche les élèves
d’orthographier correctement les mots.
Il s’agira donc l’an prochain, de limiter la charge cognitive des élèves afin que ces
derniers puissent progresser comme nous le souhaitons.
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Conclusion
L’erreur a toujours été considérée comme un manque, jusqu’à ce qu’elle devienne un
outil d’apprentissage pour l’élève et l’enseignant. Ainsi avons-nous choisi de nous appuyer
dessus et de l’analyser afin d’y remédier.
L’orthographe est une discipline « diabolisée », dans la mesure où la dictée met en relief
ses difficultés et les erreurs des élèves, qui, bien que mises en avant par les constructivistes,
sont toujours mal perçues par les élèves et les parents. La dictée traditionnelle a longtemps
été le seul outil utilisé, plébiscité, survalorisé pour faire acquérir l’orthographe aux élèves. Or,
tous les chercheurs s’entendent aujourd’hui pour dire que la dictée ne peut être un outil
d’apprentissage que lors de la phase de correction commentée. Pour André Angoujard, la
dictée ne peut avoir une visée d’apprentissage que si l’on transforme l’exercice traditionnel de
dictée en tâche-problème.
Nous avons donc tenté de l’aménager pour qu’elle devienne un outil d’apprentissage de
l’orthographe, en favorisant, chez les élèves, le développement d’une attitude réflexive vis à
vis de l’orthographe, par le biais de différentes formes de dictées, « sans fautes » et « à trous
ou à choix multiples ». Ces dictées privilégient l’analyse, la réflexion, le conflit cognitif et
sociocognitif, à travers la prise en compte des erreurs et le travail en Zone Proximale de
Développement,
Il s’agira, dès l’an prochain, de mettre en place les activités que nous avons imaginées
et d’évaluer les progressions des élèves en matières orthographiques afin de valider ou
d’infirmer nos hypothèses, qui affirment que la dictée « sans faute » est un outil
d’apprentissage de l’orthographe et que la dictée « à trous ou à choix multiples » est une aide
à l’amélioration des compétences orthographiques dans la mesure où elle est un principe de
pédagogie différenciée.
Avec les différents outils proposés, nous espérons répondre à la citation de Danièle
Cogis30, « enseigner l’orthographe n’est plus une tâche ingrate, « basse besogne » avant les «
matières nobles » ; c’est, au contraire, un des premiers terrains où s’éveillent la réflexion et
la curiosité de l’enfant pour les productions de l’esprit. »
30 Danièle Cogis, Pour enseigner et apprendre l’orthographe, Delagrave, 2005, Paris, p. 23
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Bibliographie
- Ouvrages
� André Angoujard, Savoir orthographier, Hachette éducation, 2007, Paris
� Anne-Marie Doly, Métacognition et médiation, CNDP, 1994, Clermont-Ferrand
� Bruno Germain, Isabelle Mazel (coord.), La lecture au début du collège, Observatoire
National de la Lecture, Octobre 2007
� Danièle Cogis, Pour enseigner et apprendre l’orthographe, Delagrave, 2005, Paris � L. Rieben, M. Fayol, C. A. Perfetti, Des orthographes et leur acquisition, Delachaux
et Niestlé, 1997, Lausanne
� Louis Legrand, Les différenciations de la pédagogie, Presses Universitaires de France,
1995
� Nina Catach, L’orthographe française. Traité théorique et pratique, Nathan, 1986,
Paris
� Riegel, Jean-Christophe Pellat, René Rioul, Grammaire méthodique du français,
Presses Universitaires de France, 1994, Paris
- Articles
� Dubois Jean, Sumpf Joseph, Meyrat Michèle, 1970, L’orthographe. In : Langue
française, N°5, pp. 100-117.
� Edmond Jung, 1973, Causes des fautes d’orthographe, In : Langue française, N°20,
pp. 97-110.
- Textes officiels
� Bulletin Officiel du Ministère de l’Education Nationale et du Ministère de
l’Enseignement Supérieur et de la Recherche n°3 du 18 Juin 2008
- Sites internet
� http://dcalin.fr/textoff/loi_1989.html � http://educ-eval.education.fr/pdf/ni9619.pdf
� http://media.education.gouv.fr/file/51/3/3513.pdf
� http://www.academie-francaise.fr/langue/questions.html#rectifaf
� http://www.crdp.accreteil.fr/langages/rubriques/pdf/contributions_reflexion/dictee.pdf
� http://www.education.gouv.fr/bo/2007/33/CTNX0710380K.htm