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Parce que nous considérons que l’émancipation de toutes et tous passe par l’égalité, nous nous rassemblons, femmes et hommes, militantes et militants aux expériences diverses, pour prendre part au combat féministe. Violences, discriminations, dominations, oppressions, nous en avons assez. Nous affirmons les valeurs universelles portées par le féminisme, combat progressiste pour l’égalité et la laïcité. Le 8 mars prochain, c’est la journée mondiale des droits des femmes. On peut s’étonner de l’exis- tence d’une seule et unique journée, étrangement consacrée à la moitié de l’huma- nité. Et les 364 jours restants ? Lancée par Clara Zetkin en 1917, cette journée est toutefois re- connue à présent dans le monde entier et médiatisée, elle permet donc d’être un porte-voix pour les revendications féministes. A condition que cette journée ne soit pas vidée de son sens… Devenue « journée de la galante- rie », avec roses et autres bijoux offerts en cadeau ! Appelée trop souvent journée de « LA » femme, ma- nière de réduire les femmes à un prétendu éternel féminin. Comme s’il existait « UNE » femme, sorte de modèle auquel chacune d’entre nous devrait se conformer.Il s’agit bien d’une journée mondiale des droits des femmes, les mots comptent. Le 8 mars, c’est l’occasion de faire le bilan : après avoir été l’objet d’une « Grande cause nationale » en 2010, on apprend que, la même année, les agressions contre les femmes sur la voie publique augmentent de 13%. En 2011, on observe encore des inégalités de salaire de 27% entre femmes et hommes, une répartition des tâches ménagères qui pèse à 80% sur les femmes, une répartition du pouvoir largement inégalitaire avec à peine 19% des femmes à l’Assemblée Nationale. Le 8 mars, c’est l’occasion de rappeler ces chiffres et d’interpeller les pouvoirs publics pour leur dire : il faut que ça change ! http://www.osezlefeminisme.fr - n°12 - février 2011 ISSN 2107-0202 - [email protected] - www.osezlefeminisme.fr Les militantes d’Osez le féminisme ! lors de la manifestation du 8 mars 2010. QUI SOMMES NOUS ? LE 8 MARS, POUR LES DROITS DES FEMMES ! AGENDA aFormation par le CNDF : Mardi 1 er mars à Paris de 19h à 21h La formation « Avortement : 35 ans après la loi dite Veil, le droit à l’avortement est-il encore un combat ? » a lieu à la Bourse du travail, 3 rue du Château d’Eau. aManifestation pour la journée mondiale des droits des femmes Samedi 5 mars à Paris A l’appel du CNDF, manifestation à Paris et dans de nombreuses villes de France. aRéunion mensuelle d’OLF Mercredi 16 mars à Paris à 19h30 Pour échanger sur les droits des femmes et préparer les prochaines actions d’OLF. Retrouvez sur le site internet d’Osez le fémi- nisme l’agenda féministe complet (rencon- tres, manifestations, débat, réunions d’OLF) EDITO

Osez le féminisme n°12

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journal militant anti-sexiste

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Parce que nous considérons que l’émancipation de toutes et tous passe par l’égalité, nous nous

rassemblons, femmes et hommes, militantes et militants aux expériences diverses, pour prendre

part au combat féministe. Violences, discriminations, dominations, oppressions, nous en avons

assez. Nous affirmons les valeurs universelles portées par le féminisme, combat progressiste pour

l’égalité et la laïcité.

Le 8 mars prochain, c’est la journée mondiale des droits des femmes. On peut s’étonner de l’exis-tence d’une seule et unique journée, étrangement

consacrée à la moitié de l’huma-nité. Et les 364 jours restants ?

Lancée par Clara Zetkin en 1917, cette journée est toutefois re-connue à présent dans le monde entier et médiatisée, elle permet donc d’être un porte-voix pour les revendications féministes. A condition que cette journée ne soit pas vidée de son sens… Devenue « journée de la galante-

rie », avec roses et autres bijoux offerts en cadeau ! Appelée trop souvent journée de « LA » femme, ma-nière de réduire les femmes à un prétendu éternel

féminin. Comme s’il existait « UNE » femme, sorte de modèle auquel chacune d’entre nous devrait se conformer.Il s’agit bien d’une journée mondiale des droits des femmes, les mots comptent. Le 8 mars, c’est l’occasion de faire le bilan : après avoir été l’objet d’une « Grande cause nationale » en 2010, on apprend que, la même année, les agressions contre les femmes sur la voie publique augmentent de 13%. En 2011, on observe encore des inégalités de salaire de 27% entre femmes et hommes, une répartition des tâches ménagères qui pèse à 80% sur les femmes, une répartition du pouvoir largement inégalitaire avec à peine 19% des femmes à l’Assemblée Nationale.

Le 8 mars, c’est l’occasion de rappeler ces chiffres et d’interpeller les pouvoirs publics pour leur dire : il faut que ça change !

http://www.osezlefeminisme.fr - n°12 - février 2011

ISSN 2107-0202 - [email protected] - www.osezlefeminisme.fr

Les militantes d’Osez le féminisme ! lors de la manifestation du 8 mars 2010.

QuI SommeS NouS ?

Le 8 marS,pour LeS droItS deS femmeS !

ageNda

aformation par le CNdf : Mardi 1er mars à Paris de 19h à 21h La formation « Avortement : 35 ans après la loi dite Veil, le droit à l’avortement est-il encore un combat ? » a lieu à la Bourse du travail, 3 rue du Château d’Eau.

amanifestation pour la journée mondiale des droits des femmes Samedi 5 mars à Paris A l’appel du CNDF, manifestation à Paris et dans de nombreuses villes de France.

aréunion mensuelle d’oLf Mercredi 16 mars à Paris à 19h30 Pour échanger sur les droits des femmes et préparer les prochaines actions d’OLF.

Retrouvez sur le site internet d’Osez le fémi-nisme l’agenda féministe complet (rencon-tres, manifestations, débat, réunions d’OLF)

Edito

www.osezlefeminisme.fr - Février 2011

est bien connu, les femmes auraient le gène du pliage du linge dans le sang. C’est sûr, côté pratique, les femmes ont une longueur

d’avance : elles réalisent 80% des tâches ménagères, y consacrent en moyenne 5h07 par jour. A ce rythme, mieux vaut être rapide et efficace, en effet, pour pouvoir faire autre chose de ses soirées. Côté auto-culpa-bilisation sur la tenue de la maison, les femmes, elles en connaissent un rayon. Seraient-elles donc « naturellement » de meilleures ménagères ? Mystère : l’étude du cerveau ne montre aucune zone préposée au récu-rage. En réalité, ce prétendu « savoir-faire » s’acquiert par imitation et par habitude, lorsqu’on est amenée à faire « comme maman », et ce, dès le plus jeune âge. Faire le ménage, cela s’apprend, que l’on soit femme ou homme. D’ailleurs, les garçons élevés par des parents féministes trouvent cela tout à fait normal de repasser une chemise. Alors.... n’y aurait-il pas une part de mauvaise foi à prôner la supériorité indécrotta-ble du genre féminin en matière de tâches ménagères ? Ne serait-ce pas une façon élégante de se défiler pour se débarrasser des corvées ?

JuliE MurEt

Grande féministe du XIXème siècle, Maria Deraismes (1828-1894) fonde en 1869 l’Association pour le droit des femmes, avec Louise Michel et Léon Richer. Elle se bat pour l’obtention du droit de vote des femmes, pour l’éduca-tion laïque des filles, et pour l’abo-lition de la prostitution. Grande oratrice, républicaine, elle est la première femme initiée dans une loge maçonnique en 1882, et fonde même une nouvelle loge, mixte, le « Droit humain ». Son portrait a été affiché en mars 2008 sur la façade du Panthéon. Y rejoindra-t-elle un jour Marie Curie, seule femme à avoir eu pour l’ins-tant les honneurs d’y entrer – et en-core, aux côtés de son mari !

luciE Groussin

Pour clore l’année 2010, pen-dant laquelle les violences faites aux femmes ont été déclarées « Grande cause nationale », un ouvrage collectif est paru le 25 no-vembre dernier : « Tu me fais peur quand tu cries, sortir des violences conjugales ». Il s’agit d’un livre édi-fiant et incontournable pour com-prendre ce phénomène de société extrêmement grave. Chercheurs et professionnels (justi-ce, services sociaux, associations), traitent des violences conjugales sous les angles historiques, cultu-rels ou encore juridiques. Mais les violences faites aux femmes conti-nuent en 2011. Pour que la « Grandecause » n’ait pas servi à rien, la mo-bilisation doit continuer...

BasMa Fadhloun

« Tu me fais peur quand tu cries ! Sortir des violences conjugales » / Sous la dir. de Ginette Francequin, Paris : Erès, 2010

En 2006 était promulguée la der-nière loi sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Cette loi prévoyait une obligation pour les entreprises de mettre fin aux écarts de salaires au plus tard en décem-bre 2010. Nous sommes en février 2011 et le salaire moyen des fem-mes est toujours inférieur de 27% à celui des hommes. Résultat, qu’a fait le gouvernement ? Discrètement, dans la loi sur les re-traites, il a glissé un article donnant deux ans de plus aux entreprises pour atteindre l’égalité. Il a dû se dire que, comme les femmes at-tendent déjà depuis 1983, date de la première loi Roudy sur l’égalité professionnelle, elles n’étaient plus à deux ans près !

anGéliquE ProkoP

Le 6 février a eu lieu la journée inter-nationale de lutte contre l’excision. Dans le monde, on estime entre 100 et 140 millions le nombre de femmes ayant subi une ablation du clitoris. Selon l’Ined, elles seraient 50 000 en France. Cette pratique barbare a pour but de contrôler leur sexualité : garantir leur virginité et leur interdire le plaisir sexuel. Le clitoris est en effet le seul organe sexuel servant uniquement au plaisir. L’excision est interdite dans plusieurs pays, mais elle continue de se perpétuer. Le GAMS (Groupe pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles) se bat contre cette pratique.

laurE sydola

www.federationgams.org

brèvEs

« Tu fais ça TellemenT mieux que moi »

2

C’

l’égaliTé salariale, c’esT pour quand ?

Tu me fais peur quand Tu cries !

Tolérance zéro pour les muTilaTions sexuelles

maria deraismes, bienTôT au panThéon ?

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Le projet de loi sur la bioéthique, présentée par Roselyne Bachelot début janvier, est débattu à l’Assemblée Nationale en février. Interdiction des recherches sur l’embryon, impossibilité du recours à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples homosexuels, le pro-jet de loi est en grande partie conservateur. Le maintien de l’interdiction des mères porteuses est toutefois positif, et empêche ainsi une mar-chandisation du corps des femmes.

après le projet de loi, la gestation pour autrui (GPA) reste formellement interdite.

Tant mieux. Pour Osez le féminisme, derrière le débat sur la GPA, c’est la question du statut des femmes qui se pose. Le vote d’une loi en faveur de la GPA serait un recul du droit à disposer librement de son corps.

Dans une société où 80% des tra-vailleurs pauvres sont des femmes, il y a fort à craindre que ce ne soient pas les plus altruistes mais bien les plus pré-caires qui seront ame-nées à s’engager dans cette démarche. Cer-taines ne seront-elles pas contraintes de « louer » leur ven-tre pour gagner ainsi leur vie ?

Sans oublier les difficultés qui persis-tent pour mener de front grossesse et travail : que se passera-il dans la carrière d’une femme pendant qu’el-le attend l’enfant des autres ? Une chose est sûre : partout où la GPA a été autorisée, on a vu se dévelop-per un marché des ventres, profitant des plus pauvres pour satisfaire le désir d’enfant des plus riches. A la clé : une exploitation des femmes qui progresse.

Si, comme l’affirment de nombreux partisans de la GPA, la parentalité

est une affaire sociale, dissocia-ble de la filiation biologique, la so-lution ne serait-elle pas de faciliter les conditions d’accès à l’adoption, notamment pour les homosexuels, ainsi que le don d’ovocytes pour les femmes stériles ?

Le lobbying catholique à l’œuvre

Autre volet du projet de loi, le main-tien de l’interdiction des recherches sur les cellules souches embryon-

naires, auto-risées seule-ment à titre dérogatoire. L’Eglise Ca-tholique est

montée au créneau sur ce sujet : à l’approche du débat parlementaire, les évêques de France n’hésitent pas à parler de « congélation d’êtres humains ».

La commission parlementaire a d’ailleurs adopté des amendements qui vont dans le sens de ce discours, avec une clause de conscience pour les chercheurs refusant de travailler sur des embryons. La religion, au lieu de rester canton-née à l’espace personnel et intime s’occupe donc encore de nos lois. Et quasiment systématiquement, ce n’est pas pour les faire avancer. La recherche sur les cellules souches

actus

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lois bioéThiques : ni marchandisaTion, ni moralisme !

d’

CertaINeS Ne SeroNt-eLLeS paS CoNtraINteS de « Louer » Leur veNtre pour gagNer aINSI Leur vIe ?

permettrait pourtant de trouver des traitements palliant la défaillance de certains organes, ou de soigner des maladies rares. Avec cette interdic-tion, la recherche française risque de prendre du retard.

et les couples homosexuels ?

Le projet de loi reste en retard éga-lement pour la Procréation médicale-ment assistée, (PMA). En restent exclus toutes celles et ceux qui ne répondent pas aux ca-nons traditionnels de la famille (à sa-voir une maman et un papa, mariés ou pacsés). Cette loi assouplit seulement la PMA pour les couples hétérosexuels pac-sés, qui ne devront plus prouver deux ans de vie commune. Les mères célibataires et les couples homosexuels doivent donc atten-dre… en espérant que rapidement, un projet de loi progressiste viendra garantir l’égalité de toutes et tous de-vant la PMA et l’adoption.

On attend donc avec impatience le débat parlementaire à venir qui se-rait l’occasion de faire émerger une nouvelle définition de la parentalité fondée non sur des liens biologiques, mais sur une réalité sociale.

FatiMa-Ezzahra BEn-oMar Et luciE Groussin

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www.osezlefeminisme.fr - Février 2011 4

dossiEr

Le sport au féminin diffère encore sensiblement du sport au masculin : disciplines choisies en fonction du sexe, moins de temps à consacrer à la pratique, moins de visibilité dans la compéti-tion, un milieu encore souvent misogyne. Oui, le sport est aussi un terrain de revendica-tion féministe !

our sa campagne de publi-cité en septembre dernier, une grande enseigne propo-

sait aux internautes de découvrir le sport rêvé de leur enfant. Aux gar-çons le foot, le basket et le rugby, aux filles la gymnastique et la danse. Sports collectifs, virils, versus grâ-ce et douceur. Compétition contre passe-temps. De quoi enfermer chacune et cha-cun dans un rôle bien défini dès le plus jeune âge. Le sport, outil de construction sociale du masculin et du féminin, est un lieu où l’on voudrait - enco-re - nous faire avaler une supposée indéfectible différence des sexes.

Le sport au féminin et au masculin

Historiquement, le sport est un outil de construction sociale du corps « masculin » et de la « masculi-nité » : valorisation de la violence, compétition, résistance physique.En 1972, le secrétaire d’Etat aux Sports indiquait aux préfets : « Le rugby est contre-indiqué pour les jeunes filles et les femmes pour des raisons physiologiques évidentes. Cette pratique présente des dan-gers sur le plan physique et sur le plan moral. » Dépassé ? Pas tant que ça !

Aujourd’hui, les footballeuses re-présentent à peine 2% des licenciés de football en France. En revanche, 80% des licenciés en gymnastique sont des femmes. Un choix libre et « naturel » ? Il s’agit plutôt du résultat d’une construction sociale qui perpétue la division sexuée des rôles. Une jeune femme qui souhaiterait poursuivre

des cours de foot-ball à l’adolescence risque de se voir moquée, traitée de « garçon manqué » pour être remise à sa

« juste » place de fille. Et si elle poursuit quand même, peut-être ne trouvera-t-elle même pas de structures sportives ac-cueillant des filles.

Patinage, gymnastique, danse : voi-là où l’on voudrait cantonner les femmes, car ces sports valorisent la grâce et la douceur. Comme l’ex-plique Catherine Louveau , « Mon-trer ou exercer sa force, se livrer à un combat, porter ou recevoir des coups, […] sont autant d’attributs concrets ou symboliques donnés comme incompatibles avec la fémi-nité. »

avoir le temps de faire du sport

Le choix même de pratiquer une activité sportive n’est pas une évi-

dence, pour les femmes. Car cela demande du temps. Or, elles as-sument encore 80% des tâches domestiques. Cette double journée ne leur permet pas de dégager du temps pour une pratique sportive. A cela s’ajoute une inégalité entre les milieux sociaux. Dans une en-quête réalisée en 2000, on apprend que l’absence totale de pratique sportive concerne 44% des agri-cultrices, 27% des ouvrières, mais seulement 4% des femmes cadres et membres des professions intel-lectuelles supérieures. Cette inégalité entre les milieux so-ciaux est bien plus accrue qu’entre les hommes.

Il y a le temps libre, mais aussi le temps qu’on s’autorise à prendre. Et les femmes ne sont pas toujours incitées socialement à pratiquer des loisirs sportifs.

Dès le plus jeune âge, cette tendan-ce s’affirme : entre 11 et 18 ans, 1 fille sur 2 pratique une activité phy-sique ou sportive régulièrement en dehors de l’école ; c’est le cas de 3 garçons sur 4.

P

« Le Sport eSt uN outIL de CoNStruCtIoN SoCIaLe du CorpS « maSCuLIN » et de La « maSCuLINIté »

le sporT, Terrain de revendicaTion féminisTe !

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Sport et médias : « Sois belle et tais toi »

« une olympiade femelle serait inesthétique »

C’est dans la compétition que les femmes restent les moins nombreu-ses. En 2009, seul 37 % des spor-tifs de haut niveau étaient des fem-mes. « Ce qui fera bouger les lignes, c’est l’évolution de l’encadrement », affirme au journal « Les Nouvelles News » Dominique Petit, ex-capi-taine et ex-entraîneure nationale de l’équipe de France de volley, et adhérente de « Femix Sports », une association qui a pour but de valori-ser le sport chez les femmes.

De fait, dans les instances dirigean-tes du sport se trouvent très peu de femmes. Une situation dénoncée en 2004 par le rapport de la commis-sion « Femmes et sport », présidée par l’ancienne judokate Brigitte Dey-dier.

Le sport de haut niveau, c’est le résultat d’une longue lutte pour les femmes.

Pierre de Coubertin, fondateur des JO à Athènes en 1896 n’hésitait pas à dire : « Une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et, ne craignons pas d’ajouter, incorrecte. » C’est seulement aux JO de 1928 que des femmes concourent pour la pre-mière fois en athlétisme. En 1996, aux JO d’Atlanta, on ne comptait que 30% de femmes parmi les ath-lètes français.

des femmes « trop viriles »

Quelle visibilité pour ces sportives ? En 2009, quatre joueuses de l’équipe de France de football féminin posent nues pour une campagne intitulée « Faut-il en arriver là pour que vous veniez nous voir jouer ? ». Car c’est surtout par leur physique que l’on entend parler des sportives de haut niveau. Et gare à celles qui s’écarte-raient des normes sexuées. Pensons à Amélie Mauresmo subis-sant des attaques sur sa féminité lorsqu’elle annonça publiquement son homosexualité.

Même si le sport pourrait être un for-midable moyen de questionner le fé-minin et le masculin, il reste un outil de reproduction et d’assignation à son genre, et demeure un lieu de do-mination masculine.Quand en 2008, une marque de chaussures lance la course en talon aiguille, où les participantes (hom-mes interdits) s’élancent sur une piste rose chaussées de talons vertigineux dans l’espoir de gagner 3000 € de chaussures, on se dit que le chemin à parcourir est encore long.

charlottE soulary

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dossiEr

Entrainement identique, titre identique. L’un devient une légende. L’autre se contentera de quelques lignes dans la presse sportive. Mon premier est un homme, mon deuxième est une femme. Ainsi, en septembre 2010, toute la presse parle du français Teddy Riner, champion du monde de judo. La perfor-mance de Lucie Decosse, également championne du monde, reste quant à elle confidentielle. Les médias ne s’intéressent pas à des sports qui ne rapportent pas, notam-ment en matière publicitaire. Cercle vicieux : les sponsors ne se tournent donc pas vers les sportives. De plus, l’image des sportives ne correspond pas aux exigences de la féminité dictée par les magazines féminins.Et quand les sportives sont médiatisées, c’est souvent par ce prisme de la féminité : commentaires sur leur tenue, sur leur corps. Leurs performances sont alors déconsidérées. En témoigne cette citation - édifiante - de Jacques Vendroux, directeur des Sports de Radio France : « Je n’ai rien contre le foot-ball féminin. (…) Je trouve - ça va vous surprendre - que les femmes sont de plus en plus jolies, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années. Je trouve qu’elles sont plus féminines et je trouve que c’est assez beau de regarder le football féminin ». Toutes à vos crampons (pour lui faire un tacle du gauche sévère) !

chcharlottE FErraillE

Qui est capable de citer une joueuse de l’équipe de France de foot-ball féminin, qui s’est qualifiée brillamment pour la Coupe du monde 2011 en Allemagne ? Les Françaises ont remporté les 10 matchs d’éliminatoire, marqué 50 buts et encaissé 0.Un parcours exemplaire !

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En Essonne, ça foot au féminin ! En 2010, la Fédération Française de Football (FFF) fêtait les 40 ans du foot-ball féminin au stade de Bondoufle (Essonne), avec Adriana Karembeu comme marraine de l’événement. Une femme de footballeur, curieuse reconnaissance du talent des joueuses ! Mais choisir l’Essonne était une façon de rappeler que l’un des meilleurs clubs évolue dans ce département. Créée la même année que l’officialisation du football féminin (1971), le Football club féminin de Juvisy évolue en première division depuis près de 25 ans. Six fois Championnes de France, en quart de finale de la Ligue des champions, Juvisy est régulièrement en tête du tableau. Des figures internationales comme Marinette Pichon ont participé aux victoires. Aujourd’hui, Gaëtane Thiney reçoit les éloges du sélectionneur des Bleues. A Juvisy, dans l’administration comme sur le terrain, c’est 100% féminin. Mais le football féminin est loin de jouir du même statut que son équivalent mas-culin, et est déprécié malgré le palmarès de l’équipe nationale. Si la conjonc-ture favorise le développement du sport féminin, en dénonçant l’exclusion des femmes, le monde du football résiste. Le football féminin souffre d’une faible visibilité et draine peu de contrats publicitaires : on comprend le faible intérêt des dirigeants du football à la pratique féminine.

stéPhaniE caradEc, olF 91

bIbLIographIe

Lieu par excellence de construction des identités, l’éducation physique et spor-tive (EPS) à l’école se doit d’être mixte, pour permettre aux filles et aux garçons de se côtoyer dans le sport et de repousser les préjugés.

usqu’à la fin des années 1970, la séparation entre les sexes est la norme en matière d’en-

seignement du sport à l’école. Les instructions officielles de 1967 re-commandent les sports de combat pour les garçons et la danse pour les filles, dans une perspective fran-chement assumée d’affirmer le ca-ractère chez les uns et de travailler l’esthétique chez les autres. Mais les luttes féministes des années 70 vont remettre en cause ces repré-sentations différenciées d’un sport féminin et d’un sport masculin dans l’éducation physique et sportive (EPS). Au milieu des années 1980, l’EPS deviendra enfin mixte, officiel-lement ! La mixité concourt à la construction d’une nouvelle éducation physique. Mais malgré de réelles évolutions, cette dernière n’est, dans les faits,

pas toujours appliquée à l’éco-le. Pourtant, cantonner filles et garçons dans des sports dis-tincts entretient la représen-tation d’une infranchissable différence entre les sexes. Au-delà d’inquiéter les garçons faibles en rugby et les filles désarmées face à la danse, quel intérêt y a-t-il à isoler les deux sexes ? L’argument de la différence de force physique ne tient pas : la lutte, par exemple, s’exerçant selon des catégories de poids, les différences physiques sont maîtrisées. En réhabilitant le corps au cœur de sa pratique, l’EPS a un rôle dans l’incontournable apprentissage de l’autre et de la société mixte dans laquelle les élèves évoluent. Et, au-delà des corps, l’EPS vise, tout comme les autres disciplines scolai-res, à promouvoir la connaissance et le raisonnement des élèves. C’est un véritable lieu de construc-tion des identités individuelles et collectives. Elle favorise notamment l’entraide et le soutien entre les jeu-nes, tout en faisant reculer les sté-réotypes que l’adolescence engen-dre souvent. Cette mixité permet

d’attester et démontrer que des rap-ports de force supposément établis peuvent s’inverser : régulièrement en EPS, des filles enregistrent des meilleures performances que des garçons dans des sports préten-dument masculins, tout comme il est fréquent de voir des garçons exécuter d’impeccables figures de gymnastique.Aujourd’hui, les élèves, filles comme garçons, voient dans la mixité en EPS plus d’atouts que de contrain-tes : 75% affirment que cette mixité apporte une meilleure ambiance dans les cours, 55% avancent le plaisir d’être entre filles et garçons, et 43% soulignent une meilleure connaissance des deux sexes.

MarinE crEuzEt

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dossiEr

J

Annick Davisse, Catherine Louveau, Sports, école, société : la différen-ce des sexes, L’Harmattan, 1998.

Yann Drouet et Catherine Louveau (dir.), Sociologie du sport, débats et critiques, L’Harmattan, 2007.

Marianne amar, Jean-Paul CaLLeDe, Yves Gastaut et Philippe tétart, Histoire du sport en France : du second empire au régime de Vichy, Broché, 2007.

Patrick BeunarD, Réhabiliter la pla-ce du corps et l’identité féminine dans le système éducatif français, Les cahiers EPS, n°33, page 13, janvier 2006.

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de l’imporTance de la mixiTé en cours de sporT !

www.osezlefeminisme.fr - Février 2011

est une belle victoire pour les femmes, les associations et

les élus qui n’ont cessé de se mo-biliser depuis deux ans : le centre d’IVG (interruption volontaire de grossesse) de l’hôpital Tenon (XXème

arrondissement de Paris), fermé en juillet 2009 suite à la réforme de Bachelot de l’hôpital public, devrait rouvrir ses portes.

Avant sa fermeture, le centre effec-tuait en moyenne 500 IVG par an. Comme l’explique au Parisien Ma-rie- Josée Pépin, du collectif de sou-tien à Tenon : « la fermeture du cen-tre a eu des effets catastrophiques.

Les femmes sont actuellement redi-rigées vers Saint-Antoine, où le cen-tre doit aussi fermer, et Trousseau, qui est trop petit. Du coup, les dé-lais deviennent tellement longs que beaucoup se sont présentées à la limite du délai légal ! »

Constituées en collectif, des asso-ciations ont organisé pendant un an et demi de nombreuses manifes-tations et ont fait de Tenon un des symboles de la lutte pour le droit à l’avortement.

Pour l’instant, l’AP-HP n’a pas sou-haité annoncer de date de réouver-ture. La vigilance doit donc rester de mise, d’autant que cette victoire ne masquera pas la tendance gé-nérale à la fermeture des centres IVG, à l’œuvre aujourd’hui dans de nombreuses villes de France. Une dizaine de centres ont déjà fermé, comme ceux de Chalon-sur Saône, Nevers, Thiers, Moissac, et cinq, au total à Paris. Restons mobilisées !

soudEh rad

Peut-on définir les profils sociaux des femmes d’hier et d’aujourd’hui pratiquant un sport ?

i on prend l’exemple de la nata-tion, les quelques centaines de

nageuses répertoriées dans les an-nées 1920 étaient des femmes culti-vées. Elles ne faisaient pas partie des 7 millions de travailleuses (agricultri-ces, ouvrières, petites employées). Aujourd’hui, le capital économique et scolaire est encore souvent diffé-renciateur. Quand elles font du sport, les ouvrières pratiquent souvent la gymnastique d’entretien tandis que les femmes cadres ou enseignantes ont tendance à s’orienter vers des pratiques de nature (randonnée, ski, jogging, voile…).

peut-on dire que les femmes sont encore discriminées dans les pra-tiques sportives, notamment en haut niveau ?

On ne peut pas dire ça de manière générale mais cela reste vrai pour certaines disciplines. Le rugby fémi-nin de haut niveau est très mal ac-cepté, en particulier par les hommes. La médiatisation donne des indices sur l’acceptation sociale de telle ou telle discipline. Il y a celles qu’on ne voit jamais, ou seulement excep-tionnellement au moment des Jeux Olympiques, comme les lutteuses ou les cyclistes sur piste. Tout le monde connait Jeannie Longo, mais derrière elle, il y a tout le peloton inconnu. Le tour de France cycliste féminin qui a existé a maintenant disparu.

Elles sont discriminées dans les ima-ges et les représentations parce que beaucoup d’hommes et aussi de femmes sont dans l’attente du canon de féminité dominant. On discrimine les sportives avec des physiques trop musclés, trop forts considérés comme masculins. Certaines filles disent : « j’ai toujours été un garçon

manqué ». J’ai décidé de ne plus uti-liser cette expression qui a l’air de les valoriser mais les renvoie toujours au masculin. Elles viennent souvent à ces pratiques par leur père ou leur frère, elles sont élevées et socialisées très jeunes comme des garçons.

L’image est sexualisée (les joueuses de beach volley toujours filmées en contre plongée) parce qu’une femme est toujours pensée dans un rapport de séduction par rapport aux hom-mes. Le fait que les sportives prati-quent un sport en particulier parce qu’elles l’ont choisi, ce n’est pas possible dans la tête de beaucoup de gens.

estimez-vous que la politique a permis de rendre le sport plus ac-cessible aux femmes ?

Oui. Marie Georges Buffet, par exem-ple, a œuvré de façon volontariste. Elle avait même fait programmer une finale de rugby féminin un diman-che à la télévision. Treize millions de téléspectateurs étaient au rendez-vous ! Cela a fait mentir le monde médiatique qui soutenait que le sport féminin ne faisait pas vendre.

Propos recueillis par laurélinE lEJEunE

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IntErviEw

InitiativE

Catherine LouveauCatherine Louveau est sociologue, professeure en STAPS à l’Université Paris Sud 11 (Labo Sports, Politique et Transformations Sociales) et membre de l’Institut Émilie Du Châtelet.

cenTre ivg de Tenon : une vicToire féminisTe !

s

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www.osezlefeminisme.fr - Février 2011

Nadia Chaabane est membre du Collectif National pour le Droit des Femmes (CNDF), de l’Association des Tunisiens en France et l’une des premières signataires de la pé-tition de Revendications des fem-mes tunisiennes.

Nadia, parlez-nous de l’implica-tion des femmes dans la révolu-tion tunisienne…Il y avait autant de femmes que d’hommes dans les rues. Les fem-mes étaient au premier rang et pré-sentes dès le départ, toutes généra-tions confondues : les associations de femmes, les inconnues, de tous les villages, toutes les villes. Cette révolution ne s’est pas faite grâce à une catégorie de population ou à une génération, mais parce que

tout le monde était d’accord. Sans cet accord collectif, on n’aurait pas pu aller jusqu’au bout.

Comment sont organisées les femmes en tunisie ?Il y a un mouvement féministe tuni-sien : deux associations de femmes autonomes du pouvoir, qui sont l’ATFD (Association Tunisienne des Femmes Démocrates) et l’AFTURD (Association des Femmes Tunisien-nes pour la Recherche au Dévelop-pement). Les deux gèrent un centre d’écoute des femmes victimes de violences.Les femmes tunisiennes ont des droits, plus que dans le reste des pays arabes et musulmans. C’est un héritage qui vient de la lutte des femmes : les premières associtions

de femmes datent des années 30, le Code du statut personnel des femmes de 1956.

vous avez été à l’initiative d’une pétition qui circule actuellement, pouvez-vous nous en dire plus ?Cette pétition dit qu’on ne veut pas d’une légalisation d’un parti qui se revendiquerait du religieux ou d’une idéologie totalitaire et sectaire, tant qu’il n’y aura pas des garanties constitutionnelles pour les fem-mes, à savoir une stricte séparation du politique et du religieux et l’ob-tention de l’égalité totale entre les femmes et les hommes. Cette révo-lution appartient à tout le peuple et nous les femmes, nous ne voulons pas être les oubliées et les dépos-sédées de cette révolution.

« Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus » croit savoir John Gray, auteur du fameux best-seller. Femmes et hommes seraient complémentaires car leurs cerveaux seraient différents. Des stéréotypes, urgents à déconstruire !

Madame serait « vénusienne » : sen-sible, douce et bavarde. Monsieur, lui serait « martien » : rationnel, conquérant et muet. Madame est moins prompte à se repérer dans l’espace, Monsieur lui, est doté d’un excellent sens de l’orienta-tion. Etrange : dans 80% des cas, il ne sait pourtant pas « trouver le

chemin » des tâches ménagères. Madame, bien que bavarde, obser-vatrice, apte à la communication, n’occupe pourtant que 20% des sièges de l’Assemblée Nationale. Madame serait émotive à cause de ses œstrogènes et Monsieur agres-sif à cause de sa testostérone ? Psy-chologie de comptoir ! Les neuros-ciences prouvent le contraire : les hormones jouent, certes, un rôle dans la formation et le fonctionne-ment des organes sexuels. Mais le cortex, qui détermine, dans le cer-veau, tout le reste (comportement, sensations, compétences) reste coupé des hormones. La connexion

des neurones qui le compose (et de laquelle dépendront vos réactions, vos talents et vos défauts) se fait quasi-exclusivement par l’éduca-tion, la culture, la vie en société… Dès lors, la différence peut être bien plus importante entre deux individus ayant des conditions de vie différentes qu’entre une femme et un homme ayant vécu dans le même environnement ! Dire que les femmes ou les hommes auraient un cerveau plus adapté à certaines tâ-ches légitime un ordre social et une répartition sexuée des tâches. Et maintient la domination masculine.On ne nait pas « vénusienne », on le devient pour se conformer aux rôles que notre société attribue à notre sexe.

aMal J.

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Propos recueillis parnoéMiE oswalt