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veiller à ce que les enfants des Premières Nations bénéficient de services équitables par l’entremise du Principe de Jordan Sans déni, délai ou interruption : P-772-33

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veiller à ce que les enfants des Premières Nations bénéficient de services équitables par l’entremise du Principe de Jordan

Jordan'sprinciple

Sans déni, délai ou interruption :

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Jordan'sPrinciple

Le Groupe de travail sur le

Principe de Jordan

Stephanie O’BrienAssemblée des Premières Nations

Doug MaynardAssociation canadienne des centres de santé pédiatriques

Elizabeth MoreauSociété canadienne de pédiatrie

Marvin BernsteinUNICEF Canada

Lisa WolffUNICEF Canada

©Assemblée des Premières Nations, 2015Citation recommandée : Le Groupe de travail sur le Principe de Jordan (2015) – Sans déni, délai ou interruption : veiller à ce que les enfants des Premières Nations bénéficient de services équitables par l’entremise du Principe de Jordan. Ottawa (Ontario) : Assemblée des Premières Nations.

Membres de l’équipe de recherche

Vandna SinhaUniversité McGill

Molly ChurchillUniversité McGill

Anne BlumenthalUniversité du Michigan

Lucyna LachUniversité McGill

Josée G. LavoieUniversité du Manitoba

Nico TrocméUniversité McGill

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Table des matières

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. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

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. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106

Remerciements

Résumé analytique Le Groupe de travail sur le Principe de Jordan

Chapitre 1 : Un appel à l’action du Groupe de travail sur le Principe de Jordan Le Groupe de travail sur le Principe de Jordan

Recherche sur le Principe de JordanChapitre 2 : La réponse actuelle du gouvernement au Principe de Jordan

Sinha, V., Blumenthal, A., Churchill, M., Trocmé, N., Lach, L., Lavoie, J.G.

Chapitre 3 : Le contexte des cas relevant du Principe de Jordan au sein des services de santé et de protection de l’enfance

Sinha, V., Churchill, M., Lach, L., Blumenthal, A., Lavoie, J.G., Trocmé, N.

Annexe 1 : Organisations représentées au sein du Groupe de travail sur le Principe de Jordan

Annexe 2 : Documents relatifs au Principe de Jordan examinés dans le cadre du chapitre 2

Annexe 3 : Ambigüités en matière de compétence relevées précédemment en Saskatchewan et au Manitoba

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Le présent rapport met principalement l’accent sur la description et l’analyse des politiques et des processus administratifs du gouvernement, mais ce travail de politique est motivé par les véritables défis auxquels sont confrontés les enfants des Premières Nations, les injustices dont ils ont été et continuent d’être victimes, et le courage extraordinaire avec lequel ces enfants, leur familles et leur communautés ont répondu. Nous souhaitons remercier Jordan River Anderson et la famille Anderson, Maurina Beadle et Jeremy Meawasige, Dewey et Harriet Sumner-Pruden, ainsi que tous les autres enfants et toutes les autres familles des Premières Nations dont les luttes pour pouvoir bénéficier de services ont été rendues publiques. Les rapports dont ces cas ont fait l’objet, accessibles au public, apportent un nouvel éclairage sur la façon dont les enfants des Premières Nations sont systématiquement désavantagés par la structure actuelle des services et par la réponse actuelle du gouvernement au Principe de Jordan. Nous souhaitons aussi remercier l’ensemble des enfants, des familles, des communautés et des prestataires de services qui n’ont pas été cités, mais dont les expériences sont abordées dans le présent rapport. Nous espérons que, en faisant un parallèle entre ces récits et les preuves recueillies à propos des inégalités dont sont victimes les enfants des Premières Nations en matière de services, nous pourrons attirer encore plus l’attention sur la nécessité de mettre en œuvre des politiques pour mieux nous assurer que les enfants des Premières Nations bénéficient de services équitables. Nous devons beaucoup aux professionnels de la santé et de la protection de l’enfance, qui ont consacré du temps et partagé leurs compétences dans le cadre des entrevues sur lesquelles repose notre rapport. Nous faisons également part de notre reconnaissance aux représentants des multiples organisations provinciales, territoriales et des Premières Nations, qui nous ont aidés à obtenir des documents, à recruter des participants pour les entrevues, et à vérifier la pertinence des informations recueillies. Le présent rapport est le fruit d’une collaboration de plusieurs années et, en sus des auteurs cités, Lauren Kolyn, Anna Kozlowski et Ashleigh Delaye ont contribué aux recherches et à la rédaction. Les recherches exposées dans notre rapport ont été financièrement appuyées dans le cadre d’un projet du Conseil de recherches en sciences humaines, «Développement de capacités de recherche avec les Premières Nations et les services de protection de la jeunesse au Québec ».

Remerciements

3Remerciements

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Le Principe de Jordan est un principe de priorité à l’enfant, dont l’objectif est de faire en sorte que les enfants des Premières Nations ne soient confrontés à aucun déni, délai ou interruption de services habituellement offerts aux autres enfants en raison de conflits d’interprétation des compétences gouvernementales quant à la prestation et au financement des services (“conflits de compétence”). Le Principe de Jordan est ainsi nommé en hommage à Jordan River Anderson, un jeune garçon de la nation crie de Norway House au Manitoba. Jordan a dû faire face, en matière de services, à des délais qui se sont avérés tragiques à la suite de conflits de compétence entre gouvernements qui l’ont privé de la possibilité de vivre en milieu familial plutôt qu’à l’hôpital avant son décès en 2005. Le Principe de Jordan est une réponse aux systèmes complexes de financement et de prestation de services, en vertu desquels les enfants des Premières Nations possédant le statut d’Indien inscrit sont traités différemment des autres enfants au Canada. La responsabilité de dispenser des services aux enfants des Premières Nations est souvent partagée par les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et des Premières Nations, alors que le financement et la prestation de ces mêmes services pour la plupart des autres enfants au Canada relèvent uniquement de la compétence provinciale ou territoriale. Par conséquent, les enfants des Premières Nations sont confrontés à des défis qui leur sont propres en matière d’accès à des services, et le Principe de Jordan est un mécanisme essentiel pour que soient respectés leurs droits constitutionnels, droits issus de traités et droits de la personne.

Le Principe de Jordan stipule que, dans les cas où un conflit de compétence survient, le gouvernement ou le ministère de première ligne devrait financer les services qui seraient habituellement offerts aux autres enfants au Canada, le conflit découlant du financement des services pouvant être résolu par la suite. Les défenseurs des Premières Nations ont formulé le Principe de Jordan et ont mené la campagne en vue de sa mise en œuvre. Le Principe de Jordan est maintenant appuyé officiellement par des milliers d’intervenants et d’observateurs. Une motion en faveur du Principe de Jordan a été adoptée à l’unanimité par la Chambre des communes en 2007. Le gouvernement fédéral a, par la suite, élaboré une

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réponse gouvernementale au Principe de Jordan, en facilitant la mise en place de politiques et de procédures fédérales, provinciales et territoriales pour déterminer les cas relevant de ce principe et résoudre les conflits de compétence relatifs au financement et à la prestation de services individuels aux enfants des Premières Nations.

La réponse du gouvernement au Principe de Jordan ne reflète pas la vision préconisée par les Premières Nations et endossée par la Chambre des communes. Des analyses entreprises par la Société canadienne de pédiatrie et UNICEF Canada ont souligné dans lacunes dans la réponse du gouvernement au Principe de Jordan. L’Assemblée des Premières Nations a adopté à l’unanimité une résolution condamnant le caractère étroit de la définition retenue par le gouvernement fédéral en matière d’application pratique du Principe de Jordan, et le gouvernement fédéral lui-même a reconnu le mécontentement généralisé découlant de sa réponse à ce principe. En 2013, une cour fédérale a rendu une décision critiquant l’interprétation et l’application étroites du Principe de Jordan par le gouvernement fédéral et a de ce fait créé une jurisprudence, à savoir que le Principe de Jordan devrait être mis en œuvre de façon à faire en sorte que les enfants des Premières Nations bénéficient de services correspondant aux pratiques normalisées des provinces et(ou) des territoires et conformes aux lois en vigueur. De plus, l’élaboration et la mise en œuvre d’une réponse du gouvernement reflétant la vision du Principe de Jordan sont au nombre des mesures correctives visées dans la cause Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada c. le Procureur général du Canada. Une décision du Tribunal canadien des droits de la personne est attendue dans cette cause en 2015.

Bien que les commentaires selon lesquels la réponse gouvernementale au Principe de Jordan ne reflète pas la vision originale préconisée par les Premières Nations et endossée par la Chambre

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des communes soient généralisés, il s’est avéré difficile d’obtenir de la part du gouvernement des détails relatifs à son élaboration, une élaboration qui a relevé de processus internes. Même les détails les plus fondamentaux ont été soustraits au domaine public. Par conséquent, il n’y a eu que peu de recherches systématiques pour encadrer les changements de politique nécessaires pour refléter la vision originale du Principe de Jordan. Le présent rapport a pour objet de combler cette lacune. Il est le fruit des travaux entrepris par le Groupe de travail sur le Principe de Jordan, auquel ont collaboré l’Assemblée des Premières Nations, la Société canadienne de pédiatrie, UNICEF Canada, ainsi qu’une équipe de chercheurs de l’université McGill, de l’université du Michigan et de l’université du Manitoba.

Le présent rapport contient les résultats de deux études menées par l’équipe de chercheurs du Groupe de travail sur le Principe de Jordan. La première étude a consisté à passer en revue plus de 300 documents relatifs au Principe de Jordan afin de détailler la réponse du gouvernement à ce principe. Elle révèle que cette réponse est bien loin de concrétiser la vision du Principe de Jordan préconisée par les Premières Nations et endossée par la Chambre des communes. L’étude décrit également comment le gouvernement a limité le nombre de bénéficiaires du Principe ainsi que l’éventail des conflits de compétence qui s’inscrivent sous le Principe. L’étude rapporte aussi que le gouvernement a institué des barrières à une application rapide du Principe, et a fortement restreint l’obligation de reddition de compte, la transparence, ainsi que la participation des intervenants. Finalement, cette étude énumère les modifications à apporter à la réponse du gouvernement pour s’assurer que les enfants des Premières Nations bénéficient de services équitables, sans déni, délais ou interruption.

La deuxième étude présente un compte rendu de 25 entretiens exploratoires avec des professionnels des services de santé et de protection de l’enfance dans l’ensemble du Canada, et incorpore les données relatives à ces entretiens à un examen de la pertinence de la documentation existante concernant les services de santé et de protection de l’enfance dispensés aux enfants des Premières Nations. Elle décrit les ambigüités qui prévalent en matière de compétence ainsi que le sous-financement dont découlent les cas relevant du Principe de Jordan, examine les procédures auxquelles sont soumis les conflits de compétence dans le cadre de la réponse actuelle du gouvernement, et décrit les problèmes systémiques qui doivent être résolus pour que des services équitables soient dispensés aux enfants des Premières Nations. Cette étude illustre la nécessité d’une réponse gouvernementale qui reflète la vision du Principe de Jordan préconisée par les Premières Nations et endossée par la Chambre des communes, une vision ayant pour but de prévenir le déni, les délais et l’interruption de services dans les cas relevant de ce principe. Elle illustre également le besoin de mettre en place des mesures additionnelles pour remédier systématiquement aux ambigüités en matière de compétence et au sous-financement dont découlent ces cas.

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Considérant les éléments mis en lumière par ces deux études, l’Assemblée des Premières Nations, la Société canadienne de pédiatrie et UNICEF Canada appellent les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à travailler sans délai avec les Premières Nations afin de parvenir à :

Élaborer et mettre en œuvre une réponse gouvernementale conforme à la vision du Principe de Jordan préconisée par les Premières Nations et endossée par la Chambre des communes.

Déterminer systématiquement et s’attaquer aux ambiguïtés en matière de compétence et le sous-financement dont découle chaque cas relevant du Principe de Jordan. En clarifiant les responsabilités en matière de compétence et en remédiant au sous-financement déterminé dans chaque cas, les gouvernements peuvent prévenir les dénis, les délais et les interruptions de services pour d’autres enfants dans des circonstances semblables. Par conséquent, ils peuvent mieux s’acquitter de leur responsabilité de garantir un traitement équitable aux enfants des Premières Nations, telle que stipulée dans la Convention relative aux droits de l’enfant, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi canadienne sur les droits de la personne, et autres lois et ententes fédérales, provinciales, territoriales et des Premières Nations.

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Chapitre 1:Un appel à l’action du Groupe de travail sur le

Principe de Jordan

Stephanie O’BrienAssemblée des Premières Nations

Doug MaynardAssociation canadienne des centres de santé pédiatriques

Elizabeth MoreauSociété canadienne de pédiatrie

Marvin BernsteinUNICEF Canada

Lisa WolffUNICEF Canada

Membres de l’équipe de recherche

Vandna SinhaUniversité McGill

Molly ChurchillUniversité McGill

Anne BlumenthalUniversité du Michigan

Lucyna LachUniversité McGill

Josée G. LavoieUniversité du Manitoba

Nico TrocméUniversité McGill

Citation recommandée : Le Groupe de travail sur le Principe de Jordan (2015), chapitre 1: Un appel à l’action du Groupe de travail sur le principe de Jordan. Dans Sans déni, délai ou interruption : veiller à ce que les enfants des Premières Nations bénéficient de services équitables par l’entremise du Principe de Jordan. Ottawa (Ontario) : Assemblée des Premières Nations.

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Lorsque qu’un conflit de compétence surgit entre deux ordres de gouvernement (provincial/territorial ou fédéral), ou entre deux ministères d’un même gouvernement, à propos du paiement de services dispensés à un enfant possédant le statut d’Indien inscrit, services qui sont par ailleurs dispensés à tous les autres enfants canadiens, le gouvernement ou ministère de première ligne doit assumer les coûts des services sans délai ni interruption. Ce même gouvernement ou ministère peut ensuite recourir à des mécanismes de règlement des litiges. Ainsi, les besoins de l’enfant peuvent être satisfaits en priorité, tout en permettant ensuite le règlement d’un conflit de compétence.

Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations (2011)

Le gouvernement devrait adopter immédiatement un principe de priorité à l’enfant, sur la base du Principe de Jordan, afin de régler les litiges relatifs aux soins dispensés aux enfants des Premières Nations.

Motion unanime d’initiative parlementaire (M-296)Chambre des communes du Canada (2007)

Le Principe de Jordan est un principe de priorité à l’enfant qui a pour but de veiller à ce que les enfants des Premières Nations ne soient pas confrontés à des dénis, des délais ou des interruptions de services en raison de litiges relatifs à la prestation ou au paiement de services. Il a été ainsi désigné en hommage à Jordan River Anderson, un jeune garçon de la nation crie de Norway House au Manitoba. Jordan a dû faire face, en matière de services, à des délais qui se sont avérés tragiques à la suite de conflits entre gouvernements, qui l’ont privé de la possibilité de vivre en milieu familial plutôt qu’à l’hôpital avant son décès en 2005. Le Principe de Jordan a été élaboré pour pallier les obstacles de systèmes complexes de financement et de prestation de services dans le cadre desquels les enfants des Premières Nations sont traités différemment des autres enfants au Canada. Alors que les gouvernements provinciaux et territoriaux financent et dispensent directement des services sociaux et de santé à la plupart des autres enfants canadiens, les services dispensés aux enfants des Premières Nations possédant le statut d’Indien inscrit et vivant dans les réserves sont habituellement financés par le gouvernement fédéral, quoique règlementés par des lois et des normes provinciales ou territoriales, et peuvent être dispensés par l’entremise de systèmes provinciaux, territoriaux, fédéraux ou des Premières Nations. De plus, le gouvernement fédéral finance certains services de santé dispensés aux enfants des Premières Nations possédant

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le statut d’Indien inscrit et vivant à l’extérieur des réserves. Une telle situation fait que les enfants des Premières Nations sont confrontés à des difficultés qui leur sont propres en matière d’accès à des services, lesquels peuvent leur être refusés ou être soumis à des délais ou à des interruptions en raison de conflits entre gouvernements ou ministères à propos de la responsabilité de les financer ou de les dispenser. Par conséquent, le Principe de Jordan est un mécanisme essentiel pour l’exercice des droits constitutionnels, de la personne ou issus de traités des enfants des Premières Nations.

Le Principe de Jordan est ainsi nommé en hommage à Jordan River Anderson, un enfant des Premières Nations de la nation crie de Norway House qui est né avec une maladie neuromusculaire rare. Compte tenu de la complexité des soins requis, Jordan a été transféré à un hôpital de Winnipeg, loin de sa communauté et du domicile familial. En 2001, une équipe de cet hôpital a décidé que Jordan bénéficierait de meilleurs soins dans un foyer d’accueil spécialisé situé plus près de sa communauté d’origine. Toutefois, les gouvernements fédéral et provincial ne sont pas parvenus à s’entendre au sujet de la responsabilité financière relative aux services à domicile proposés. Des conflits ont surgi tant à propos du financement des soins en foyer d’accueil que du paiement d’articles aussi mineurs qu’une pomme de douche. Pendant que ces conflits s’éternisaient, Jordan est demeuré confiné à l’hôpital pendant plus de deux ans, bien que cela ne soit pas nécessaire sur le plan médical. En 2005, à l’âge de cinq ans, Jordan est décédé à l’hôpital, sans jamais avoir eu la chance de vivre dans une famille. 1

Une motion en faveur du Principe de Jordan a été adoptée à l’unanimité par la Chambre des communes en 2007 et publiquement soutenue par des milliers de citoyens des Premières Nations, d’intervenants et observateurs, tant à l’échelle provinciale et territoriale que nationale et internationale. En décembre 2014, plus de 8 800 personnes et organisations avaient souscrit à la campagne en faveur du Principe de Jordan menée par la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations.1 Les partisans du Principe de Jordan comprennent les Premières Nations, des députés, l’Association médicale canadienne, les agences de services à l’enfance et à la famille, l’Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada, des professeurs d’université de tout le pays, les agences de protection de l’enfance, le Conseil canadien des organismes de défense des droits des enfants et des jeunes, ainsi que des groupes confessionnels tels que KAIROS Canada, le Forum international pour la protection de l’enfance et des organismes à but non lucratif dont l’Association des femmes autochtones du Canada et la Croix-Rouge canadienne.2 À la suite de l’adoption de la motion par la Chambre des communes, le gouvernement fédéral a élaboré une réponse gouvernementale au Principe de Jordan, en facilitant la mise en place de politiques et de procédures fédérales, provinciales et territoriales pour déterminer les cas relevant de ce principe et résoudre les conflits d’interprétation des

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compétences gouvernementales quant à la prestation et au financement des services (“conflits de compétence”) relatifs au financement et à la prestation de services individuels aux enfants des Premières Nations.

Mandat pour une réponse gouvernementale reflétant la vision du Principe de Jordan En dépit de l’adoption unanime en 2007 de la motion présentée à la Chambre des communes et le large soutien de divers intervenants et de partisans de cette initiative, il est de plus en plus observé que la réponse du gouvernement au Principe de Jordan ne reflète pas la vision qui a été proposée par les Premières Nations et appuyée par la Chambre des communes.

La décision en 2013 d’une cour fédérale, • Conseil de bande de Pictou Landing et Maurina Beadle c. Procureur général du Canada (CBPL c. Canada), a notamment illustré certaines des lacunes de la réponse au Principe de Jordan actuellement mise en œuvre par le gouvernement fédéral. Cette cause traitait de la prestation de services de relève dont avait besoin un membre d’une communauté des Premières Nations en Nouvelle-Écosse. Cette décision3 a défini les cas dans lesquels l’application du Principe de Jordan devait être envisagée et a établi un précédent en stipulant que la réponse du gouvernement au Principe de Jordan devait faire en sorte que les enfants des Premières Nations bénéficient de services conformes aux normes de pratique provinciales/territoriales et aux normes découlant de la législation. Le Canada a tout d’abord fait appel de cette décision pour divers motifs, avant de mettre un terme à cette procédure en juillet 2014.4

Le Tribunal canadien des droits de la personne est actuellement saisi d’une deuxième • contestation judiciaire, Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et Assemblée des Premières Nations c. Procureur général du Canada (Société de soutien c. Canada), dont les répercussions sont importantes pour le Principe de Jordan. Déposée en 2007, la plainte allègue que le refus du gouvernement fédéral de mettre en œuvre le Principe de Jordan ainsi que son approche inadéquate et inéquitable envers le programme de protection des enfants des Premières Nations font preuve de discrimination raciale et ethnique en vertu de la Loi canadienne des droits de la personne. Si le Tribunal devait statuer que cette plainte est fondée, il pourrait ordonner l’application des mesures réclamées par les plaignants, à savoir que le gouvernement fédéral développe et mette en œuvre une réponse au Principe de Jordan, tel que ce dernier a été « élaboré en vue de faire en sorte que les enfants des Premières Nations ne soient pas privés de services publics essentiels ».5 Une décision dans cette cause est attendue en 2015. 6

Plusieurs observateurs et intervenants ont critiqué la réponse actuelle du gouvernement au

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Principe de Jordan et ont réclamé sa mise en œuvre intégrale :

• En 2008, dans le cadre d’une Assemblée extraordinaire des Chefs de l’Assemblée des Premières Nations, les Chefs-en-assemblée ont adopté par consensus une résolution condamnant le caractère étroit de la définition pratique préconisée par le gouvernement fédéral.7

• Une mise en œuvre intégrale du Principe de Jordan par tous les ordres de gouvernement a aussi constitué l’une des 15 recommandations que comportait une étude de 2009 sur les programmes de santé infantile et maternelle des Autochtones dans les réserves, publiée par le Prairie Women’s Health Centre of Excellence et le British Columbia Centre of Excellence for Women’s Health.8

Dewey Pruden, de la Première Nation de Pinaymootang au Manitoba, est né avec une déficience congénitale entraînant des crises de convulsion, une paralysie partielle, de l’autisme et du glaucome. Il a dû subir une opération au cerveau pour prévenir les crises de convulsion. Dewey a besoin de soins 24 heures sur 24 et doit en permanence porter une couche. Ses parents sont les seuls à prendre soin de lui. En avril 2010, sa mère, Harriet Sumner-Pruden, a déposé une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne au motif que son fils ne bénéficie pas du même soutien professionnel que celui offert aux enfants non autochtones à l’extérieur des réserves. En raison d’un plafond sur le financement fédéral des aidants aux personnes avec des besoins spéciaux, un service dont Dewey aurait besoin, il ne peut fréquenter l’école que deux heures et demie par jour, selon Mme Sumner-Pruden. En plus de ne pas pouvoir bénéficier des services éducatifs nécessaires, les soins de physiothérapie, d’ergothérapie et d’orthophonie doivent être assurés par la mère de Dewey elle-même plutôt que par des professionnels. Aux alentours de Noël 2013, Harriet Sumner-Pruden a reçu une lettre de David Langtry, commissaire en Chef par intérim, indiquant que selon la Commission, une enquête était justifiée afin de déterminer toute discrimination éventuelle. Dans sa lettre, M. Langtry a précisé ce qui suit : « Des informations tendent à démontrer que les enfants souffrant de handicaps et vivant dans les réserves se voient refuser des services ou sont traités différemment en ce qui concerne la prestation de services en raison de leur origine ethnique. Ces types de services destinés aux enfants souffrant de handicaps et vivant dans les réserves ne sont pas dispensés d’une façon raisonnablement comparable à ceux dispensés par les provinces. » Le Tribunal canadien des droits de la personne, dont le mandat est de déterminer s’il y a eu violation des droits de la personne, est maintenant saisi du cas de Dewey.

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• Des études publiées par la Société canadienne de pédiatrie en 2009 et 2012 ont déterminé

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que le Principe de Jordan n’était que rarement appliqué dans la plupart des provinces et des territoires et conclu que les enfants des Premières Nations continuaient d’être les victimes d’impasses administratives.9 La Société canadienne de pédiatrie a qualifié la mise en œuvre intégrale du Principe de Jordan de mécanisme essentiel pour garantir la santé, la sûreté et le bien-être des enfants et des jeunes.10

• En 2011, le Conseil canadien des organismes de défense des droits des enfants et des jeunes a appelé à « une mise en œuvre et une surveillance approfondies » du Principe de Jordan en tant que moyen de garantir un « financement équitable » dans des domaines tels que la protection de l’enfance, la santé et les services éducatifs.11

• En 2012, dans ses observations finales à l’intention du Canada, le Comité des Nation Unies sur les droits de l’enfant a exprimé ses préoccupations tant à propos du « manque d’action à la suite de la conclusion du vérificateur général selon laquelle moins de ressources financières étaient consacrées aux services de protection de l’enfance au sein des Premières Nations qu’aux services dispensés aux enfants non autochtones » que « de l’importance de la surreprésentation des enfants autochtones et afro-canadiens au sein des systèmes de justice criminelle et de soins en dehors du milieu familial ».12 Le Comité a ensuite recommandé au Canada « de prendre des mesures immédiates pour veiller à ce que, en vertu de ses lois et pratiques, les enfants autochtones aient pleinement accès à tous les services gouvernementaux et que des ressources leur soient allouées sans discrimination » et aussi « de prendre des mesures urgentes pour remédier à la surreprésentation des enfants autochtones et afro-canadiens au sein des systèmes de justice criminelle et de soins en dehors du milieu familial ».13

Un nourrisson des Premières Nations non allaité souffre d’allergies aux protéines de soja et d’origine bovine. Parce que son organisme ne peut tolérer les préparations ordinaires pour nourrissons, il a besoin d’une préparation diététique spéciale. Sa famille a été informée que Santé Canada n’assumerait pas le coût de cette préparation spéciale, car sa politique stipule que les suppléments considérés comme de la « nourriture » ne sont pas couverts. Résolu à faire en sorte que cette famille puisse disposer des éléments nutritifs nécessaires à son bébé, le nutritionniste lui étant assigné a communiqué avec la société qui produit cette préparation spéciale et a pu obtenir des échantillons gratuits. Bien que la documentation relative à ce cas ayant été soumise au Tribunal canadien des droits de la personne ne comporte aucune indication de date, le coût de la préparation spéciale dont le nourrisson a besoin peut être actuellement assumé par l’assurance santé provinciale en vigueur dans la juridiction concernée.

3

• En 2012, dans une étude soulignant les éléments manquants dans la réponse du

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gouvernement au Principe de Jordan, UNICEF Canada a fait part de ses préoccupations quant à la portée de cette réponse et a appelé à une mise en œuvre intégrale du Principe de Jordan. 14

• Dans ses recommandations en matière de protection de l’enfance en 2014, l’Assemblée des Premières Nations a appelé « tous les premiers ministres à soutenir un processus tripartite auquel participeraient directement des représentants des Premières Nations en vue d’élaborer une méthode juste et transparente pour véritablement mettre en œuvre le Principe de Jordan ».15

Historique et objectifs du Groupe de travail sur le Principe de JordanBien que les observations selon lesquelles la réponse actuelle du gouvernement au Principe de Jordan ne reflète pas la vision proposée par les Premières Nations et appuyée par la Chambre des communes soient largement répandues, les détails la concernant sont difficiles à cerner. Lors de témoignages devant le Tribunal canadien des droits de la personne, des fonctionnaires fédéraux ont confirmé que son élaboration et sa mise en œuvre avaient été définies dans le cadre de processus gouvernementaux internes, sans consulter d’experts ou d’autres intervenants.16 Bien que l’évaluation de la mise en œuvre de la réponse fédérale au Principe de Jordan ait fait l’objet de discussions dans certaines provinces, rien ne laisse penser qu’une telle évaluation ait été entreprise.17 Alors que le gouvernement fédéral affirme qu’il n’y avait aucun cas relevant du Principe de Jordan connu au Canada,18 les éléments déposés en preuve dans Société de soutien c. Canada comportent 27 documents fédéraux relatifs à des cas « relevant du Principe de Jordan », ne comportent aucune indication ayant trait à la démarche administrative nécessaire, ni au calendrier ou à la durée des processus de concertation (ou dans certains cas à leurs résultats).19 Aucune autre information relative à la réponse du gouvernement fédéral dans des cas relevant du Principe de Jordan n’a été obtenue. Le manque de transparence qui l’entoure a compliqué les efforts déployés pour évaluer la réponse du gouvernement au Principe de Jordan et pour proposer des recommandations précises et détaillées à propos des modifications à y apporter pour concrétiser la vision préconisée par les Premières Nations et endossée par la Chambre des communes.

Le Groupe de travail sur le Principe de Jordan a tenté de combler cette lacune. Ce groupe est le fruit d’une collaboration entre l’Assemblée des Premières Nations, la Société canadienne de pédiatrie, UNICEF Canada et une équipe de chercheurs répartis entre l’université McGill, l’université du Michigan et l’université du Manitoba (voir une brève description des organisations représentées au sein du Groupe de travail à l’annexe 1). Son objectif initial était de comprendre comment le gouvernement du Canada20 pouvait affirmer qu’aucun cas ne correspond au Principe de Jordan au Canada , en dépit des nombreuses preuves recueillies selon lesquelles de tels cas sont fréquents et communs. Les efforts déployés pour disséquer la réponse complexe du gouvernement au Principe de Jordan ont conduit l’équipe de recherche à entreprendre deux études21, qui ont étayé

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les conclusions unanimes et les appels à l’action contenus dans le présent chapitre. Nos efforts ont pour but de fournir aux Premières Nations, aux décideurs politiques, aux prestataires de services, aux défenseurs du Principe de Jordan et à d’autres intervenants des détails précis à propos de la réponse du gouvernement fédéral et de déterminer comment l’améliorer afin de mieux protéger les enfants des Premières Nations confrontés à divers dénis, délais et interruptions de services.

Les approches entourant le Principe de Jordan et la fourniture aux enfants des Premières Nations de services équitables sont des objectifs en constante évolution; cette évolution va se poursuivre et nécessitera des adaptations au fur et à mesure des modifications apportées aux politiques et de la disponibilité de nouvelles informations pertinentes. Il sera notamment important de redéfinir les conclusions et les recommandations présentées dans le présent rapport quand le Tribunal canadien des droits de la personne aura rendu sa décision dans l’affaire Société de soutien c. Canada.

Une jeune enfant des Premières Nations habitant dans une réserve souffre de troubles neurologiques et de problèmes de mobilité. Ses pédiatres ont recommandé l’installation à son domicile d’un lit d’hôpital muni de montants afin qu’elle puisse dormir chez elle. Santé Canada a indiqué ne pas couvrir le coût d’un tel lit par l’entremise des services de santé non assurés, et la bande ne disposait pas de suffisamment de fonds pour assumer une dépense de plus de 9000 dollars. Le directeur des services à l’enfance et à la famille dans la communauté, qui connaissait le Principe de Jordan, a soumis ce cas en vertu de ce principe. Une conférence de cas a eu lieu, et le ministère provincial de la santé a indiqué qu’il fournirait un tel lit à un enfant habitant à l’extérieur d’une réserve. Au cours d’une conférence téléphonique, des fonctionnaires provinciaux de la santé ont réclamé à leurs homologues fédéraux un engagement ferme en vue d’un financement. Ces derniers ont répondu ne pas pouvoir prendre un tel engagement sans l’autorisation du sous-ministre adjoint. Jugeant inacceptable de retarder cette prestation de service pendant que les fonctionnaires fédéraux tentaient d’obtenir les fonds nécessaires, le gouvernement provincial a fourni le lit, mais en soulignant que, selon lui, cela ne relevait pas de sa responsabilité en matière de financement.

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Les recherches sur lesquelles repose l’appel à l’action du Groupe de travail sur le Principe de Jordan Les conclusions et les recommandations proposées dans le présent document reposent sur deux études entreprises par l’équipe de recherche participant aux travaux du Groupe de travail sur le

15Chapitre 1: Un appel à l’action du Groupe de travail sur le Principe de Jordan

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Principe de Jordan.

La réponse du gouvernement au Principe de Jordan

La première étude entreprise par les membres de l’équipe de recherche a été une analyse approfondie de la réponse du gouvernement au Principe de Jordan, en fonction de la documentation et des informations disponibles avant le mois d’octobre 2014.22 L’équipe de recherche a passé en revue plus de 300 documents afin de détailler la réponse du gouvernement et la comparer à la vision du Principe de Jordan préconisée par les Premières Nations et endossée par la Chambre des communes. L’analyse a porté sur des mémoires et des décisions rendues dans le cadre des affaires CBPL c. Canada et Société de soutien c. Canada, ainsi que sur des documents relatifs au Principe de Jordan, accessibles au public ou obtenus en vertu de demandes d’accès à l’information.

L’équipe de recherche a déterminé que la réponse du gouvernement était loin de concrétiser la vision du Principe de Jordan préconisée par les Premières Nations et endossée par la Chambre des communes. Les protections découlant de ce principe sont limitées aux enfants Indiens inscrits ou admissibles au statut d’Indien inscrit et vivant dans les réserves, diagnostiqués par des professionnels de la santé comme atteints de handicaps multiples nécessitant l’intervention de multiples prestataires de services. Elle restreint aussi la définition pratique des conflits de compétence en excluant les litiges intra-gouvernementaux, tels que ceux qui surviennent entre deux ministères fédéraux, ce qui réduit d’autant le nombre de cas admissibles à l’application du Principe de Jordan. De plus, l’existence d’un litige avéré en matière de paiement étant traitée comme l’indicateur d’un conflit de compétence, la réponse du gouvernement exclut même de l’application du principe de Jordan des cas comportant des lacunes de services clairement identifiées et amplement documentées.

La famille d’un enfant des Premières Nations souffrant d’une perte auditive permanente a consulté un médecin, qui a recommandé le port d’une prothèse pour améliorer son audition. Cette prothèse n’était pas inscrite sur la liste des fournitures médicales et de l’équipement médical pré-approuvés du gouvernement fédéral. Parce que l’enfant vit dans une réserve, la famille n’était pas admissible au financement provincial qui aurait pu couvrir en partie le coût de l’appareil. Déterminée à venir en aide à son patient, le médecin a communiqué directement avec le manufacturier et a obtenu une réduction du coût de la prothèse.

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Les conclusions de l’étude révèlent que, en vertu de la réponse du gouvernement, l’application

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du Principe de Jordan se heurte à de nombreux obstacles. La famille d’un enfant des Premières Nations doit savoir, ou à tout le moins présumer, que lui sont refusés des services habituellement offerts aux autres enfants canadiens. Cette famille doit persévérer et se soumettre à un processus local de concertation, puis faire part de sa situation à un employé du gouvernement chargé de superviser les cas relevant du Principe de Jordan. Elle doit ensuite poursuivre ce processus officiel de concertation à plusieurs volets, généralement très long. Ce n’est que lorsque les normes provinciales et(ou) territoriales ont été évaluées et qu’un conflit de compétence a été confirmé, tant par le gouvernement fédéral que par le gouvernement provincial ou territorial, que le coût des services sera couvert. Dans l’intervalle, il se peut que l’enfant soit privé des services dont il a besoin. Au niveau systémique, il manque, à la réponse du gouvernement, un mécanisme cohérent de remboursement des frais encourus par les organismes qui dispensent des services temporaires dans les cas relevant du Principe de Jordan. L’affaire CBPL c. Canada a illustré comment l’absence d’un mécanisme cohérent de remboursement est particulièrement problématique pour les prestataires des Premières Nations qui assument le coût des services pendant les processus de concertation et de résolution des conflits.

Dans son témoignage devant le Tribunal des droits de la personne, le directeur d’une agence de protection de l’enfance des Premières Nations a cité un cas dans lequel le personnel de l’agence a mené une campagne communautaire afin de recueillir des fonds pour financer l’achat d’un fauteuil roulant pour un enfant paraplégique. Santé Canada avait refusé la demande de financement pour cet achat. La procédure d’appel de cette décision promettant d’être longue en raison de trois paliers de révision, l’agence a déterminé qu’une levée de fonds était la seule option possible pour combler les besoins de l’enfant.

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En dernier lieu, d’importantes restrictions au niveau de l’obligation de rendre compte, de la transparence et de la participation des intervenants ont été documentées par l’équipe de recherche, c’est-à-dire en ce qui concerne des éléments qui sont largement reconnus comme indissociables d’une gouvernance démocratique et de la protection des droits de la personne.23 Les Premières Nations ont été complètement exclues de l’élaboration et de la mise en œuvre de la réponse du gouvernement au Principe de Jordan dans plusieurs juridictions, et nombre de questions ont été soulevées à propos de la portée de leur inclusion dans d’autres juridictions. Les possibilités d’accès aux protections offertes par le Principe de Jordan ont été très peu publicisées et il n’existe aucun mécanisme, autre que la contestation judiciaire, pour en appeler des décisions prises dans les cas relevant du Principe de Jordan. Au niveau systémique, la documentation relative aux procédures et aux ententes dans le cadre du Principe de Jordan n’est pas accessible au public et aucun mécanisme n’est en place pour la production de rapports sur les processus

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découlant de ce principe ou sur les résultats obtenus.

Maurina Beadle, une résidente de la communauté Mi’kmaq de Pictou Landing en Nouvelle- Écosse, est une mère célibataire qui prenait elle-même soin de son fils, Jeremy Meawasige. Jeremy souffre d’hydrocéphalie, de paralysie cérébrale, d’une déformation rachidienne et d’autisme. Il a besoins de soins complexes, et peut faire preuve d’un comportement autodestructeur lorsque séparé de sa mère. En mai 2010, Mme Beadle a été victime d’un accident vasculaire cérébral et a été hospitalisée. Elle a ensuite demandé de l’aide pour subvenir à ses propres besoins et est devenue incapable de dispenser à Jeremy les soins requis par son état. Le centre de santé de la Premiere Nation Pictou Landing, financé par le gouvernement fédéral, a fourni des services d’aide à domicile et, conformément au Principe de Jordan, a demandé au gouvernement fédéral d’assumer le coût de ces services. Dans une récente décision, la Cour suprême de Nouvelle-Écosse a statué que la disponibilité de tels services était obligatoire. Néanmoins, le gouvernement fédéral a refusé d’assumer le coût des soins à domicile de Jeremy, en précisant qu’il pourrait assumer le coût plus élevé des soins dispensés dans une institution. Le centre de santé de la bande de Pictou Landing a continué de fournir les soins, mais Mme Beadle et le conseil de bande ont dû entreprendre une longue bataille judiciaire de trois ans pour obliger le gouvernement fédéral à en assumer le coût.

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Contexte des cas relevant du Principe de Jordan

L’équipe de recherche a aussi examiné le contexte général des cas relevant du Principe de Jordan24, en mettant particulièrement l’accent sur les services de santé et de protection de l’enfance, deux domaines dans lesquels l’application du Principe de Jordan a fait l’objet d’un vaste débat. Elle a tenu 25 entrevues exploratoires avec des professionnels des services de santé et de protection de l’enfance, en plus d’entreprendre une étude sur l’ampleur de la documentation existante sur les services de santé et de protection de l’enfance dispensés aux enfants des Premières Nations. Le point de départ de sa recherche a été une définition des conflits de compétence découlant de l’analyse de la réponse actuelle du gouvernement au Principe de Jordan. Un conflit de compétence survient dans toute situation présentant une ambigüité au niveau de la responsabilité de la prestation ou du financement d’un service dont découle un déni, un délai ou une interruption. Un conflit de compétence survient également lorsque les ressources fournies par un gouvernement ou un ministère sont insuffisantes pour permettre à un autre gouvernement ou ministère de dispenser des services conformes à des pratiques correspondant aux normes prévues par la loi.

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En se fondant sur cette définition, sur les données recueillies lors d’entrevues et sur la documentation existante, l’équipe de recherche a décrit les ambigüités sur le plan de la compétence et le sous-financement qui donnent lieu à des conflits de compétence, examiné les difficultés qui surgissent lorsque les conflits de compétence ne sont pas déclarés liés à des causes relevant du Principe de Jordan, et détaillé les problèmes systémiques qui doivent être résolus pour faire en sorte que des services équitables soient dispensés aux enfants des Premières Nations. Les conclusions de cette étude laissent entendre que les possibilités d’ambigüités sur le plan de la compétence et de sous-financement, susceptibles d’entraîner des conflits de compétence, sont intrinsèques à la structure complexe des services de santé et de protection de l’enfance dispensés aux enfants des Premières Nations. Un examen des documents disponibles et des entrevues réalisées révèle un sous-financement et des ambigüités sur le plan de la compétence à grande échelle et faisant l’objet d’une ample documentation en matière de services de santé et de protection de l’enfance dispensés aux enfants des Premières Nations, ainsi que de fortes probabilités de voir surgir de nouvelles ambigüités sur le plan de la compétence et de nouveaux problèmes de sous-financement en raison de réformes de la politique et autres facteurs externes.

Les conclusions de cette étude indiquent que, en vertu de la réponse du gouvernement, les conflits de compétence peuvent se traduire par des services de portée plus limitée, de moindre qualité et moins ponctuels dispensés aux enfants des Premières Nations par rapport à ceux dispensés aux autres enfants (disparité en matière de services). Ils peuvent aussi se traduire par une absence complète de services (lacune en matière de services) habituellement offerts aux autres enfants. Des différences en matière de normes et(ou) de pratiques surviennent en raison de ces disparités ou lacunes en matière de services, et les enfants des Premières Nations qui sont privés de services équitables peuvent en fin de compte faire l’objet d’interventions plus intensives de la part d’organismes de santé ou de protection de l’enfance. Les familles, les communautés et les prestataires de services ne ménagent pas leurs efforts, dans certains cas, pour s’assurer que chaque enfant des Premières Nations bénéficie des services dont il a besoin; ces efforts imposent un fardeau additionnel aux familles et aux communautés en matière de protection de leurs enfants, ainsi qu’aux prestataires de services qui peuvent déjà être confrontés à manque important de ressources.

Cette étude, qui a porté sur des cas relevant du Principe de Jordan, révèle que les familles des Premières Nations qui souhaitent accéder à des services sont confrontées à des obstacles bien plus importants que les autres familles. Par conséquent, elle illustre la nécessité d’une réponse gouvernementale qui reflète la vision du Principe de Jordan préconisée par les Premières Nations et endossée par la Chambre des communes, une vision qui élimine les dénis, les délais et les interruptions de services découlant des conflits de compétence. Cependant, elle illustre aussi les difficultés inhérentes à la concrétisation de cette vision, ainsi que le besoin de mettre en place des mesures systémiques pour remédier aux ambigüités sur le plan de la compétence et au sous-financement dont découlent les cas relevant du principe de Jordan.

19Chapitre 1: Un appel à l’action du Groupe de travail sur le Principe de Jordan

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ConclusionsEn se basant sur les éléments mis en lumière dans les études résumées ci-dessus, le Groupe de travail sur le Principe de Jordan conclut que neuf conditions doivent être satisfaites pour qu’une réponse du gouvernement fédéral reflète la vision du Principe de Jordan préconisée par les Premières Nations et endossée par la Chambre des communes, et atteigne ses objectifs.

Le principe de Jordan doit s’appliquer à tous les enfants des Premières Nations 1. possédant le statut d’Indien inscrit ou y étant admissibles. La réponse du gouvernement limite son application aux enfants diagnostiqués comme atteints de handicaps multiples nécessitant l’intervention de multiples prestataires de services.

Le Principe de Jordan doit s’appliquer dans tous les litiges inter ou intra-2. gouvernementaux, y compris dans les litiges entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux/territoriaux et(ou) les gouvernements des Premières Nations, ainsi qu’entre les ministères d’un même gouvernement. La réponse du gouvernement restreint l’application du Principe de Jordan aux litiges entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux/territoriaux.

Le Principe de Jordan doit s’appliquer à tous les domaines de services3. . Le gouvernement fédéral soutient que le Principe de Jordan ne s’applique pas à la protection de l’enfance, mais les droits constitutionnels et de la personne des enfants des Premières Nations ne se limitent pas à des domaines de services spécifiques; ils s’étendent à l’éducation, la santé, la protection de l’enfance et à d’autres domaines.

Le critère pour déterminer les cas relevant du Principe de Jordan devrait être axé sur 4. l’existence d’une ambigüité sur le plan de la compétence ou sur le sous-financement empêchant un enfant des Premières Nations de bénéficier de services conformes aux pratiques et aux normes garanties par la loi des provinces/territoires. En vertu de la réponse du gouvernement, le gouvernement fédéral et un gouvernement provincial/territorial doivent officiellement déclarer un conflit relatif au paiement de services pour qu’un cas soit reconnu comme relevant du Principe de Jordan.

Le Principe de Jordan doit s’appliquer comme un véritable principe de priorité 5. à l’enfant. La réponse du gouvernement doit être axée en priorité sur les meilleurs intérêts de l’enfant, en faisant en sorte que des services lui soient dispensés sans délai ou interruption, et mettre en place des mesures de règlement subséquent des conflits en matière de financement de ces services. La réponse du gouvernement impose de multiples étapes administratives et de longs délais avant la prestation et(ou) le paiement des

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services.

Des normes et des procédures précises et cohérentes doivent être mises en place 6. pour indemniser tous les prestataires de services, y compris les prestataires des Premières Nations, en fonction des dépenses encourues pour tous les services relevant du Principe de Jordan. Actuellement, le gouvernement fédéral soutient que le remboursement des coûts assumés par des prestataires de services des Premières Nations nécessite une renégociation des ententes de financement existantes.

Les Premières Nations doivent participer en tant que véritables partenaires à toutes 7. les étapes de l’élaboration et de la mise en œuvre du Principe de Jordan dans chaque province/territoire. À titre d’exemple, l’élaboration d’une réponse du gouvernement au Principe de Jordan devrait être entreprise dans le cadre d’ententes tripartites (entre le gouvernement fédéral, les gouvernements des provinces/territoires et les gouvernements des Premières Nations); les Premières Nations devraient participer aux processus tels que la sélection et la formation du personnel assigné à la supervision des cas relevant du Principe de Jordan, ainsi qu’aux processus continus de supervision et d’évaluation de la réponse du gouvernement au Principe de Jordan. Les Premières Nations ont été exclues des processus d’élaboration et de mise en œuvre de la réponse du gouvernement.

Des mesures d’obligation de rendre compte et de transparence doivent s’appliquer 8. dans chaque cas relevant du Principe de Jordan. Les familles et leurs prestataires de services doivent disposer des informations leur permettant de déterminer les services nécessaires relevant du Principe de Jordan et d’y accéder; ils doivent aussi disposer d’un mécanisme efficace pour faire appel de décisions concernant des cas relevant du Principe de Jordan. La réponse du gouvernement ne comprend pas de telles mesures d’obligation de rendre compte et de transparence.

Des procédures de redevabilité et de transparence doivent être incorporées à la 9. mise en œuvre d’ensemble du Principe de Jordan, afin de garantir la conformité vis-à-vis des obligations envers les enfants des Premières Nations en vertu des lois internationales, nationales, provinciales/territoriales et des ententes avec les Premières Nations. Ces mesures comprennent une supervision indépendante des politiques et procédures relatives au Principe de Jordan, une documentation et une communication précises les concernant. Elles comprennent aussi la communication au public de rapports sur les conclusions du suivi et de l’évaluation des cas, et sur les résultats obtenus. La réponse du gouvernement ne comprend pas de telles mesures d’obligation de rendre compte ou de transparence.

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Le Groupe de travail conclut de plus que l’élaboration et la mise en œuvre d’une réponse du gouvernement reflétant la vision du Principe de Jordan doivent être assorties de mesures systémiques pour remédier aux ambigüités sous-jacentes sur le plan de la compétence et au sous-financement dont découlent les cas relevant du principe de Jordan. Nous concluons ce qui suit :

Toutes les familles ont de la difficulté à s’y retrouver dans les systèmes complexes 1. du gouvernement pour obtenir des services pour leurs enfants, mais les familles des Premières Nations sont confrontées à des difficultés bien plus importantes par rapport aux autres familles du Canada.

La possibilité d’ambigüités sur le plan de la compétence et de sous-financement est 2. intrinsèque aux systèmes complexes de financement et de prestation de services aux enfants des Premières Nations. Les politiques de financement et de prestation de services des divers gouvernements et ministères changent au fil du temps et il en découle de fortes probabilités de voir surgir de nouvelles ambigüités sur le plan de la compétence et de nouveaux problèmes de sous-financement

La mise en œuvre d’une réponse gouvernementale reflétant la vision du Principe 3. de Jordan préconisée par les Premières Nations et endossée par la Chambre des communes est nécessaire pour faire en sorte que les enfants des Premières Nations ne soient pas confrontés à de lacunes ou des disparités en matière de services, ou à des situations dans lesquelles les prestataires de services, les familles et les communautés doivent prendre des mesures extraordinaires pour que des enfants des Premières Nations aient accès à des services.

L’élaboration et la mise en œuvre d’une réponse du gouvernement reflétant la 4. vision du Principe de Jordan préconisée par les Premières Nations et endossée par la Chambre des communes permettront d’éliminer les dénis, les délais et les interruptions de services dans les cas relevant de ce principe. Cependant, elles ne pallieront ni les ambigüités sous-jacentes sur le plan de la compétence ni le sous-financement dont découlent les conflits de compétence dans ces cas. Par conséquent, l’application du Principe de Jordan dans un cas n’empêchera pas d’autres enfants dans des circonstances semblables d’être confrontés à des dénis, des délais et des interruptions de services.

Compte tenu de la complexité des systèmes de financement et de prestation de 5. services aux enfants des Premières Nations, il est peu probable que tous les cas relevant du Principe de Jordan puissent rapidement être reconnus comme tels, même dans le cadre d’une réponse gouvernementale reflétant la vision du Principe de Jordan préconisée par les Premières Nations et adoptée par la Chambre des communes.

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Appel à l’action

L’Assemblée des Premières Nations, la Société canadienne de pédiatrie et UNICEF Canada appellent les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à travailler avec les Premières Nations, sans délai, afin de parvenir à :

Élaborer et mettre en œuvre une réponse gouvernementale conforme à la vision du Principe de Jordan préconisée par les Premières Nations et endossée par la Chambre des communes.

Déterminer systématiquement et s’attaquer aux ambiguïtés sur le plan de la compétence et le sous-financement dont découle chaque cas relevant du Principe de Jordan. En clarifiant les responsabilités en matière de compétence et en remédiant au sous-financement déterminé dans chaque cas, les gouvernements peuvent prévenir les dénis, les délais et les interruptions de services pour d’autres enfants dans des circonstances semblables. Par conséquent, ils peuvent mieux s’acquitter de leur responsabilité de garantir un traitement équitable aux enfants des Premières Nations, telle que stipulée dans la Convention relative aux droits de l’enfant, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi canadienne sur les droits de la personne, et autres lois et ententes fédérales, provinciales, territoriales et des Premières Nations.

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1 Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations. (n.d.). Principe de Jordan - Supporteurs. Extrait le 3 décembre 2014 de : http://www.fncfcs.com/fr/campaignsupporters/jordan2 Ibid. 3 Conseil de bande de Pictou Landing et Maurina Beadle c. Procureur général du Canada, 2013 F.C. 342. Source : http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/Ruling-%20Fed%20Court%20Beadle%20and%20Pictou%20Landing%20FN.pdf4 Procureur général du Canada. (11 juillet 2014). Avis de désistement. Source : http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/2014-07-11%20-%20Letter.from_.Chan_.Encl_.Notice.of_.Discontinuance_0.PDF5 Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord du Canada) (2014), CHRT T1340/7008 (Plaidoirie de la Société de soutien, plaignante, par. 394). Source : http://www.fncaringsociety.ca/sites/default/files/Caring%20Society%20-%20Closing%20Submissions.pdf6 Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations (n.d.) Je suis un témoin. Source : http://www.fncaringsociety.ca/fr/%C3%AAtre-t%C3%A9moin (1er décembre 2014) 7 Résolution 63/2008: Mise en œuvre du Principe de Jordan. Assemblée extraordinaire des Chefs de l’Assemblée des Premières Nations. Source : site Web de l’APN : http://64.26.129.156/article.asp?id=44428 Stout et Harp, Indigena Creative Group. (Avril 2009). Aboriginal maternal and infant health in Canada: Review of on-reserve programming. Prairie Women’s Health Centre of Excellence (PWHCE) and British Columbia Centre of Excellence for Women’s Health (BCCEWH).9 Société canadienne de pédiatrie. (2009). En faisons-nous assez? Un rapport de la situation des politiques publiques canadiennes et de la santé des enfants et des adolescents, édition 2009. Extrait de : http://www.cps.ca/advocacy/RapportSituation2012_.pdf;Société canadienne de pédiatrie. (2012). En faisons-nous assez? Un rapport de la situation des politiques publiques canadiennes et de la santé des enfants et des adolescents. Extrait de : http://www.cps.ca/advocacy/RapportSituation2012_.pdf.10 Société canadienne de pédiatrie. (2012). En faisons-nous assez? Un rapport de la situation des politiques publiques canadiennes et de la santé des enfants et des adolescents. Extrait de : http://www.cps.ca/advocacy/RapportSituation2012_.pdf.11 Canadian Council of Child and Youth Advocates (2011). Aboriginal Children. Canada must do better: Today and tomorrow. Special report submitted to the UN Committee on the Rights of the Child, pg. 20. Retrieved from: http://provincialadvocate.on.ca/documents/en/CCCYA_UN_Report.pdf12 Comité des droits de l’enfant. (2012). Observations finales : Canada. Genève : Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, par. 32. Source : http://www2.ohchr.org/english/bodies/crc/docs/co/CRC-C-CAN-CO-3-4_en.pdf13 Ibid., par. 33.14 UNICEF Canada (2012). Invited Response to Concluding Observations for the United Nations Committee on the Elimination of Racial Discrimination: Canada’s 19th and 20th reports on the International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (CERD) (Mémoire présenté par UNICEF Canada au Programme des droits de la personne, ministère du Patrimoine canadien, gouvernement du Canada), pp. 4-5. Toronto (ON) : UNICEF Canada. Extrait de : http://www.unicef.ca/sites/default/files/imce_uploads/submission_by_unicef_canada_re_cerd_concluding_observations_for_canada_aug_2012_final.pdf15 Assemblée des Premières Nations (2013). Agir ensemble sur des priorités partagées ~ pour l’avenir des peuples autochtones et de tout le Canada. Mémoire au Conseil de la fédération, p. 14. Source : http://www.afn.ca/uploads/files/sub-cof.pdf16 Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord du Canada) (2014), CHRT T1340/7008 (Plaidoirie de la Société de soutien, plaignante, par. 411). Source : http://www.fncaringsociety.ca/sites/default/files/Caring%20Society%20-%20Closing%20Submissions.pdf17 Blumenthal, A., et Sinha, V. (In Press). No Jordan’s Principle cases in Canada? A Review of the Administrative Response to Jordan’s Principle. International Indigenous Policy Journal.18 Neuendorf, K. A. (2002). The content analysis guidebook. Thousand Oaks, CA: SAGE Publications.19 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (n.d.). Document sur l’application du Principe de Jordan. (Publication CAN022748_0053). 20 Sinha, V., Blumenthal, A., Churchill, M., Trocmé, N., Lach, L., Lavoie, J. (2015) La réponse du gouvernement au

24 Chapitre 1: Un appel à l’action du Groupe de travail sur le Principe de Jordan

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Principe de Jordan. Groupe de travail sur le Principe de Jordan (2015) Sans déni, délai ou interruption : veiller à ce que les enfants des Premières Nations bénéficient de services équitables par l’entremise du Principe de Jordan. Ottawa (Ont.) : Assemblée des Premières Nations; Sinha, V., Churchill, M., Lach, L., Blumenthal, A., Trocmé, N., Lavoie, J. (2015) Le contexte du Principe de Jordan au sein des services de santé et de protection de l’enfance. Groupe de travail sur le Principe de Jordan (2015) Sans déni, délai ou interruption : veiller à ce que les enfants des Premières Nations bénéficient de services équitables par l’entremise du Principe de Jordan. Ottawa (Ont.) : Assemblée des Premières Nations.21 Ibid.22 Sinha, V., Blumenthal, A., Churchill, M., Trocmé, N., Lach, L., Lavoie, J. (2015) La réponse du gouvernement au Principe de Jordan. Groupe de travail sur le Principe de Jordan (2015) Sans déni, délai ou interruption : veiller à ce que les enfants des Premières Nations bénéficient de services équitables par l’entremise du Principe de Jordan. Ottawa (Ont.) : Assemblée des Premières Nations.23 Kaufmann, D. (2004). Human rights and governance: The Empirical challenge. Présenté dans le cadre de la conférence Human Rights and Development: Towards Mutual Reinforcement, New York, NY. Extrait de : http://siteresources.worldbank.org/INTWBIGOVANTCOR/Resources/humanrights.pdf; Le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. (n.d.). Questions fréquentes au sujet d’une approche de la coopération pour le développement fondée sur les droits de l’homme (No. HR/PUB/06/8). Genève : Le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.24 Sinha, V., Churchill, M., Lach, L., Blumenthal, A., Trocmé, N., Lavoie, J. (2015) Le contexte du Principe de Jordan au sein des services de santé et de protection de l’enfance. Groupe de travail sur le Principe de Jordan (2015) Sans déni, délai ou interruption : veiller à ce que les enfants des Premières Nations bénéficient de services équitables par l’entremise du Principe de Jordan. Ottawa (Ont.) : Assemblée des Premières Nations.

Références pour les exemples de cas :

Exemple 1 : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations (n.d.). L’histoire de Jordan. 24 mai 2013, source : http://www.fncaringsociety.com/jordans-storyExemple 2 : APTN National News. (2014, January 10). Woman fights for her son’s rights at the Canadian Human Rights Commission. Source : http://aptn.ca/news/2014/01/10/woman-fights-sons-rights-canadian-human-rights-commission/Exemples 3, 4, 5 : Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (n.d.). Document sur l’application du Principe de Jordan. (Publication CAN022748_0053). Exemple 6 : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord du Canada) (2014), CHRT T1340/7008 (Plaidoirie de la Société de soutien, plaignante, par. 411). Source : http://www.fncaringsociety.ca/sites/default/files/Caring%20Society%20-%20Closing%20Submissions.pdfExemple 7 : Sinha, V., et Blumenthal, A. (2014). De la résolution de la Chambre des communes à Conseil de bande de Pictou Landing et Maurina Beadle c. Canada: Le point sur la mise en œuvre du Principe de Jordan. First Peoples Child & Family Review, 9(1). Source : http://journals.sfu.ca/fpcfr/index.php/FPCFR/article/view/232Exemple 8 : Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (n.d.). Document sur l’application du Principe de Jordan. (Publication CAN022748_0053);Santé Canada (14 juin 2005). Procédures d’appels - Santé des Premières Nations et des Inuits - Services de santé non assurés [page d’eccueil]. 12 janvier2015, source : http://www.hc-sc.gc.ca/fniah-spnia/nihb-ssna/benefit-prestation/appe/index-eng.php

25Chapitre 1: Un appel à l’action du Groupe de travail sur le Principe de Jordan

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Jordan'sPrinciple

Chapitre 2:La réponse du gouvernement au

Principe de Jordan

Recherche sur le Principe de Jordan

Membres de l’équipe de recherche

Vandna SinhaUniversité McGill

Anne BlumenthalUniversité du Michigan

Molly ChurchillUniversité McGill

Nico TrocméUniversité McGill

Lucyna LachUniversité McGill

Josée G. LavoieUniversité du Manitoba

Citation recommandée : Sinha, V., Blumenthal, A., Churchill, M., Trocmé, N., Lach, L., Lavoie, J.G. (2015) La réponse du gouvernement au Principe de Jordan. Dans le Groupe de travail sur le Principe de Jordan (2015) Sans déni, délai ou interruption : veiller à ce que les enfants des Premières Nations bénéficient de services équitables par l’entremise du Principe de Jordan. Ottawa (Ontario) : Assemblée des Premières Nations.

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Dans le présent chapitre, nous proposons un examen approfondi de la réponse du gouvernement au Principe de Jordan. Nous décrivons les efforts déployés par le gouvernement fédéral dans le but de développer et de mettre en œuvre des politiques fédérales, provinciales et territoriales pour repérer et résoudre les cas portant sur des conflits en matière de compétence portant sur la prestation et le paiement de services offerts aux enfants des Premières Nations. Nous présentons également deux récentes contestations juridiques concernant la réponse du gouvernement : La Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et l’Assemblée des Premières Nations c. le Procureur général du Canada: (opposant la Société de soutien au gouvernement du Canada) et le Conseil de bande de Pictou Landing et Maurina Beadle c. Canada (opposant le CBPL au gouvernement du Canada). Dans notre analyse, nous dressons une liste des façons dont la réponse du gouvernement au Principe de Jordan restreint, de façon systématique, les catégories d’enfants, les types de contestations juridiques et les domaines de services qui sont considérés admissibles aux protections offertes dans le cadre du Principe de Jordan. Nous décrivons plus en détail la manière dont la réponse gouvernementale, et les processus qui ont mené à son élaboration, contribuent à exclure les Premières Nations et ne satisfont pas aux normes en matière de transparence et de responsabilité reconnues à l’échelle internationale. Finalement, nous identifions les principaux enjeux conceptuels qui font en sorte que la réponse du gouvernement empêche les enfants des Premières Nations d’obtenir des services auxquels ont généralement accès les autres enfants canadiens, sans déni, délai ou interruption de services.

MéthodesCe chapitre présente une compilation des résultats de l’analyse descriptive du contenu1 de plus de 300 documents portant sur le Principe de Jordan. Les documents ont été recueillis au moyen de recherches menées par voie électronique dans des bases de données et des sites Web juridiques et universitaires, de demandes d’accès à l’information présentées à l’échelle fédérale et provinciale, de demandes envoyées directement dans différents ministères du gouvernement, et à la suite de l’examen de documents publiés dans le cadre du processus lié au Tribunal canadien des droits de la personne (consulter l’Annexe 2 pour obtenir une description complète des méthodes utilisées pour l’extraction des documents). Les documents recueillis comprennent des dossiers sur les ententes bilatérales et tripartites liées au Principe de Jordan, conclues dans quatre territoires (au Nouveau-Brunswick, en Saskatchewan, au Manitoba et en Colombie-Britannique), ainsi que les documents à l’appui, à l’échelle provinciale et fédérale. Même si nos recherches ont été exhaustives, l’information concernant le Principe de Jordan a été difficile à obtenir, et il est possible que certains documents pertinents ne figurent pas dans notre examen. Des représentants de l’Assemblée des Premières Nations (APN), de la Société canadienne de pédiatrie (SCP) et d’UNICEF Canada nous ont offert leur soutien durant la compilation et l’analyse des documents.

27Chapitre 2 : La réponse du gouvernement au Principe de Jordan

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Nécessité d’établir un principe qui place les intérêts de l’enfant en prioritéLe Principe de Jordan est un principe de priorité à l’enfant qui a été nommé ainsi en mémoire de Jordan River Anderson. Le Principe de Jordan vise à assurer que les enfants membres des Premières Nations (Indiens inscrits) ne subissent pas de déni, de délai ou d’interruption en matière de services en raison de différends entre les gouvernements.2 Dans le cas de Jordan, un conflit de compétence a donné lieu à des délais tragiques; les ministères des gouvernements fédéral et provincial ne parvenaient pas à s’entendre et à déterminer lequel d’entre eux devait assumer la responsabilité financière pour la prestation des soins à domicile de Jordan. Un tel conflit de compétence peut survenir chaque fois que la compétence de deux gouvernements ou ministères n’est pas clairement établie. Les Autochtones ayant le statut d’Indien inscrit, surtout ceux qui habitent généralement dans une réserve, sont particulièrement vulnérables aux conflits de compétence relatifs aux services. Alors que les gouvernements provinciaux et territoriaux financent et sont directement responsables de la prestation des services sociaux et de santé pour la majorité des autres enfants au Canada, les services destinés aux membres des Premières Nations ayant le statut d’Indien inscrit vivant dans une réserve sont généralement financés par le gouvernement fédéral, mais sont assujettis aux lois et aux normes provinciales et territoriales; ils peuvent aussi être offerts par l’entremise des systèmes de services fédéraux, provinciaux, territoriaux ou des Premières Nations.3 Par ailleurs, le gouvernement fédéral finance certains des services de santé offerts aux enfants autochtones qui n’habitent pas dans une réserve. Par conséquent, les systèmes de financement et de prestation des services destinés aux enfants des Premières Nations sont plus complexes que ceux qui visent les autres enfants canadiens. Le risque que les enfants des Premières Nations soient victimes de conflits de compétence en matière de services est donc plus élevé.

La possibilité de conflits de compétence concernant la prestation de services et la nécessité de mettre en place un processus clair de règlement des conflits étaient bien connues avant le différend sur le financement des soins à domicile de Jordan. Les préoccupations des membres des Premières Nations concernant les conflits de compétence relatifs aux services sont bien documentées et remontent au moins au rapport Hawthorn de 1967.4 Plus récemment, dans une analyse exhaustive du financement des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, l’Examen mixte national de la politique a révélé que les conflits de compétence étaient fréquents.5 L’examen a permis de déterminer que le règlement des conflits au « cas par cas » était la norme, mais que pour les agences des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, la mise en place d’un processus officiel de règlement des conflits, semblable à un tribunal, s’avérait nécessaire.6 À la suite du travail effectué dans le cadre de l’Examen mixte national de la politique, la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations (la Société de soutien) a réalisé des recherches approfondies sur le financement des services offerts aux enfants des Premières Nations dans les réserves.7 Le projet comprenait notamment un sondage mené auprès

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de douze (12) agences des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations qui ont indiqué avoir rencontré 393 conflits de compétence au cours de l’année précédente. Chacun de ces conflits a requis en moyenne 54,25 heures pour être résolu, imposant ainsi aux agences un lourd fardeau en termes de ressources humaines. Les conflits de compétence signalés par les agences peuvent avoir lieu entre deux ministères fédéraux (36 %), entre deux ministères provinciaux (27 %), ainsi qu’entre des ministères fédéraux et provinciaux (14 %).8

Élaboration du Principe de JordanÀ partir de faits suggérant l’existence répandue de conflits de compétence, les organisations des Premières Nations ont commencé à promouvoir un principe qui place l’intérêt de l’enfant en priorité, dans le but de favoriser un règlement efficace.9 Les revendications liées au Principe de Jordan ont été amorcées par la famille de Jordan et ont été poursuivies par Trudy Lavallee, intervenante en faveur des enfants au sein de l’Assemblée des Chefs du Manitoba.10 Cindy Blackstock, directrice exécutive de la Société de soutien, a poursuivi le travail de sensibilisation auprès des dirigeants de la Nation crie de Norway House, de l’Assemblée des Chefs du Manitoba et de l’Assemblée des Premières Nations (APN).11 L’expression « Principe de Jordan » est apparue pour l’une des premières fois dans le rapport de 2005 intitulé Wen:de : Nous voyons poindre la lumière du jour :

Tel qu’indiqué dans la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies, nous recommandons qu’un principe faisant passer l’intérêt de l’enfant en priorité soit adopté dans le cadre de la résolution des conflits de compétence intergouvernementales. Dans cette procédure, le gouvernement (fédéral ou provincial) qui reçoit en premier la demande de paiement de services doit payer les services rendus à un enfant autochtone (Indien inscrit), là où les services sont disponibles aux autres enfants, [. . .] et le gouvernement doit payer sans délai ni interruption. L’agent payeur a dès lors l’option de référer le litige à une table de règlement de conflits de compétence. De cette manière, les droits des enfants passent en priorité et le conflit de compétence peut être résolu par l’entremise d’un mécanisme approprié. En l’honneur et à la mémoire de Jordan, nous recommandons que le principe faisant passer l’intérêt de l’enfant en priorité pour résoudre les conflits de compétence soit appelé « Principe de Jordan » et que ce principe soit mis en œuvre sans délai.12

Le rapport Wen:de aborde également de façon explicite la nécessité de mettre en place un mécanisme visant à prévenir les dénis, les délais et les interruptions de services attribuables à des conflits à l’intérieur des gouvernements (des conflits intra-gouvernementaux entre les ministères). 13 Des versions subséquentes du Principe de Jordan mentionnent de façon explicite

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des situations dans le cadre desquelles « un conflit de compétence survient entre deux parties gouvernementales (provinciales/territoriales ou fédérales) ou entre deux directions ou ministères d’un même gouvernement » au sujet de services normalement offerts à tous les autres enfants.14

Le Principe de Jordan en tant que principe fondamental des droits de la personneLa promotion rapide et le soutien apporté au Principe de Jordan reflètent bien plus que le simple besoin de régler des conflits de compétence; l’objectif fondamental consistait à assurer aux enfants des Premières Nations un traitement plus équitable par rapport à celui des autres enfants canadiens. Le Principe de Jordan a été formulé en tant que mécanisme dans le but d’assurer un meilleur respect des principes décrits dans la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), et dans d’autres lois fédérales, provinciales et territoriales. La CDE est un traité international qui affirme les droits civils, sociaux, politiques, culturels et économiques des enfants; le Canada a ratifié la Convention en 1991 et cette dernière est entrée en vigueur en 1992.16 L’article 23(1) aborde directement certains détails propres au cas de Jordan, en mentionnant que les gouvernements doivent reconnaître que les enfants handicapés « doivent mener une vie pleine et décente, dans des conditions qui garantissent leur dignité, favorisent leur autonomie et facilitent leur participation active à la vie de la collectivité ». À l’article 23(3), il est précisé que les enfants handicapés doivent avoir accès à ces services « de façon propre à assurer une intégration sociale aussi complète que possible et leur épanouissement personnel, y compris dans le domaine culturel et spirituel ». À un niveau plus général, l’article 2(1) indique que les droits énoncés dans la Convention doivent être garantis à tout enfant, « sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, [...] ou de toute autre situation ». L’article 6 reconnaît à chaque enfant le droit inhérent à la vie, à la survie et au développement, ce qui englobe la notion d’un développement optimal au niveau physique, émotionnel et spirituel. L’article 30 de la Convention garantit également que tout enfant autochtone a le droit de recevoir des services dans « sa propre culture » et d’utiliser « sa propre langue ». L’article 3(1) de la Convention est également pertinent et établit une obligation gouvernementale de veiller à ce que « l’intérêt supérieur de l’enfant » soit une considération primordiale dans tous les services qui lui sont offerts. L’application de la Convention en ce qui a trait aux enfants autochtones est décrite plus en détail dans l’Observation générale no 11 du Comité des droits de l’enfant,17 et les droits des enfants autochtones sont décrits de façon plus approfondie dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.18

Ces obligations internationales à l’endroit des enfants sont reprises dans diverses lois nationales. L’article 3(1) de la Convention est réitéré dans les lois sur le mieux-être des enfants de chaque province et territoire canadien, soit la nécessité d’agir dans le meilleur intérêt de l’enfant.19

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Par ailleurs, l’article 2(1) est repris en partie au paragraphe 15(1) de la Charte, qui indique que « la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination ». L’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (1985) lie directement l’interdiction de discrimination à la prestation de services, en indiquant que le « refus de biens, de services, d’installations ou d’hébergement destinés au public constitue un acte discriminatoire s’il est fondé sur un motif de distinction illicite », dans le but : « d’en priver un individu », ou « de le défavoriser à l’occasion de leur fourniture ». Finalement, le Principe de Jordan peut favoriser le respect et la compréhension des droits issus de traités des Premières Nations en ce qui a trait à la clause de la trousse de soins qui a été insérée dans le traité no 6 (et négociée par les Premières Nations signataires des traités no 8 et 11, même si cette disposition n’a pas été incluse dans la version finale de ces traités).20 Les Premières Nations considèrent qu’en vertu de cette disposition, « une gamme complète de services médicaux contemporains » doit être offerte, sans frais, aux Premières Nations21; une décision juridique rendue en 1999 appuie cette interprétation.22

Appui au Principe de JordanLe Principe de Jordan a obtenu l’appui de nombreux gouvernements et organisations nationales et internationales. L’Assemblée des Premières Nations a demandé la mise en œuvre sans délai d’un principe qui place l’intérêt de l’enfant en priorité, en décembre 2005 (résolution 67), et elle a réitéré son soutien à cette initiative en 2007 (résolution 36). Le gouvernement fédéral a signifié son appui lors de l’adoption à l’unanimité par la Chambre des communes d’une motion d’initiative parlementaire (M-296) présentée par la députée Jean Crowder en 2007. Une motion (M-296) selon laquelle « le gouvernement devrait immédiatement adopter le principe de l’enfant d’abord, fondé sur le Principe de Jordan, afin de résoudre les conflits de compétence en matière de services offerts aux enfants des Premières Nations » a été adoptée à l’unanimité par la Chambre des communes en 2007. Le débat sur le principe a surtout porté sur son application, en règle générale. Le député Steven Blaney a exprimé comme suit l’appui du gouvernement au Principe de Jordan :

Autrement dit, lorsqu’un problème concernant un enfant survient dans une communauté, on doit s’assurer que le service lui est donné et, par la suite, on s’occupera de savoir qui paiera la facture. Ainsi, le gouvernement ou le ministère qui a reçu en premier une demande de paiement de services est tenu d’assumer ces frais, sans interruption ni retard, et pourra soumettre l’affaire à l’examen d’un organisme indépendant une fois les soins donnés pour que soit payée la facture. Je suis en faveur de cette motion, comme le sont mes collègues du gouvernement.23

Dans sa description du Principe de Jordan, le député Blaney a mentionné que le principe s’appliquait à « deux gouvernements ou deux ministères ou organismes »,24 indiquant ainsi

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clairement que le Principe de Jordan s’applique aux différends inter et intra-gouvernementaux. Peu de temps après l’adoption par la Chambre des communes de la motion sur le Principe de Jordan, le ministre fédéral de la Santé, ainsi que le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits ont confirmé leur soutien au Principe de Jordan, déclarant que : « Le gouvernement actuel croit que la santé et la sécurité de tous les enfants doivent toujours passer avant toute question de compétence. »25 En décembre 2014, plus de 8 800 personnes et organismes avaient donné leur soutien à la campagne sur le Principe de Jordan mise de l’avant par la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations.26

L’élaboration d’une réponse gouvernementale au Principe de Jordan

Efforts visant à définir et à opérationnaliser le Principe de Jordan

La dénotation du Principe de Jordan dans le rapport Wen:de et l’appui qui lui a été apporté par la Chambre des communes visaient à jeter les bases d’un principe qui place l’intérêt de l’enfant en priorité. Par la suite, dans le cadre de plusieurs efforts législatifs, on a tenté de préciser les mesures requises pour une mise en œuvre efficace du principe de l’enfant d’abord, en ce qui a trait aux services destinés aux enfants des Premières Nations. Des lois liées au Principe de Jordan ont été présentées à l’échelle fédérale, ainsi qu’au Manitoba, au Yukon et au Nouveau-Brunswick. Toutefois, à l’exception de la motion déposée au Nouveau-Brunswick qui confiait à un partenariat tripartite le mandat de développer une entente concernant le Principe de Jordan, ces mesures n’ont pas été adoptées.27

Par conséquent, la réponse au Principe de Jordan a principalement été élaborée dans le cadre d’ententes non législatives. Le ministre de la Santé et le ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord Canada (AADNC)i ont invité les gouvernements provinciaux et territoriaux « à travailler ensemble pour mettre en œuvre le principe de « l’enfant d’abord » afin de résoudre les conflits de compétence en matière de services aux enfants des Premières Nations ».28 Le gouvernement du Manitoba a conclu une entente de principe bilatérale avec le gouvernement fédéral pour mettre en œuvre un processus de règlement des conflits de compétence concernant les enfants des Premières Nations, en 2008.29 La Nouvelle-Écosse, le gouvernement fédéral et les Services à l’enfant et à la famille Mi’kmaw ont également conclu une entente tripartite en 2009.30

i Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC) est le nom actuel du ministère fédéral responsable du financement de la protection de l’enfance, de l’éducation et des autres services sociaux offerts aux enfants des Premières Nations (Indiens inscrits) habitant dans une réserve. Auparavant, ce ministère se nommait Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC); aux fins d’uniformité, nous utilisons AADNC dans le texte du présent rapport.

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Tableau no 1. Calendrier des réponses au Principe de Jordan (PJ)

FédéralAPN/ Associations

régionales des Premières Nations

Provincial

2005La résolution no 67 appelle la mise en œuvre sans délai du principe de priorité à l’enfant

2006 YK : Avis de motion no 700 pour remédier aux conflits de compétence et aux inégalités

2007Motion 296 unanimement adoptée à la Chambre des communes

La résolution no 36 renouvelle le soutien au principe de priorité à l’enfant

2008

Premières lectures des projets de loi C-563 et C-249

La résolution no 63 appelle la mise en œuvre du Principe de Jordan

C.-B. : Le premier ministre Campbell confirme le plein soutien au PJ, mise sur pied d’un groupe tripartite

Lettres aux ministres provinciaux sollicitant leur collaboration sur le PJ

Man. : Premières lectures des projets de loi 233 et 203

Fonds de 11 millions $ mis en place pour couvrir le coût des soins pendant un conflit

Man. : Annonce d’un accord bipartite

2009

Man. : Première lecture du projet de loi 214Man. : Le groupe de travail bipartite publie un document formulant la définition du PJOnt. : Le gouvernement confirme son engagement envers le PJ, sans annoncer de plan de mise en œuvre Sask. : Élaboration d’un plan tripartite de mise en œuvre provisoire

2010 Déclare qu’il n’y a « pas de cas » donnant lieu à un conflit

N.-B. : La motion 68 demandant un accord sur la mise en œuvre du PJ est adoptée

2011La résolution Jan-11.03 adoptée au Man. appelle la mise en œuvre intégrale du PJ

C.-B. : Signature d’un accord bipartite sur la poursuite de la mise en œuvre du PJN.-B. : Publication d’un accord tripartite final sur la mise en œuvre du PJN.-É : Demande de règlement de conflit relatif au PJ par la directrice de la santé du CBPLN.-É : Le CBPL et Maurina Beadle déposent une requête en cour fédérale

2012

Déclare qu’il n’y a « pas de cas » donnant lieu à un conflit; élimination du fonds de réserve

La résolution no 1(n)/2012 adoptée en C.-B. s’oppose à un processus bipartite de mise en œuvre du PJ en C.-B.

Sask. : La FSIN suspend les négociations sur la mise en œuvre du PJSask. : Signature d’un protocole d’entente bipartite final en matière de règlement de conflit

2013 N.-É : La Cour fédérale statue en faveur du CBPL, le Canada fait appel

2014Des experts témoignent devant le Tribunal des droits de la personne sur le PJ

N.-É : Le gouvernement fédéral abandonne son appel dans la cause CBPL c. Canada

Nota : Aucune information relative à la mise en œuvre du PJ n’a été obtenue de la part de l’Alberta, de Terre-Neuve et du Labrador, de l’Île-du-Prince-Édouard ou du Québec.

33Chapitre 2 : La réponse du gouvernement au Principe de Jordan

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Le gouvernement fédéral, le gouvernement de la Saskatchewan, et la Federation of Saskatchewan Indian Nations (FSIN) ont aussi conclu une entente tripartite préliminaire en 2009.31 En 2012, la FSIN a temporairement suspendu les négociations sur la mise en œuvre en raison de l’approche restreinte du gouvernement fédéral en ce qui a trait au Principe de Jordan.32 Les gouvernements fédéral et provincial ont annoncé par la suite la conclusion d’une entente bilatérale.33 En Colombie-Britannique, un groupe de travail tripartite axé sur le Principe de Jordan, composé notamment de représentants des gouvernements fédéral et provincial, ainsi que de membres de diverses organisations des Premières Nations, a été formé en 2008.34 Trois ans plus tard, alors que les travaux de ce groupe de travail tripartite étaient en cours, le gouvernement fédéral et celui de la Colombie-Britannique ont conclu un entente bilatérale visant la mise en œuvre du Principe de Jordan. Au Nouveau-Brunswick, AADNC, le gouvernement du Nouveau-Brunswick et les Chefs des Premières Nations du Nouveau-Brunswick ont conclu une entente tripartite en 2011.35

Nous n’avons pas réussi à obtenir les ententes sur le Principe de Jordan conclues dans d’autres provinces et territoires. En 2010, un document interne du gouvernement fédéral indiquait que la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard et le Québec n’étaient pas intéressés à explorer avec le gouvernement fédéral la mise en place d’un processus officiel de règlement des conflits.36 Dans le même document, il est indiqué que la province de l’Ontario souhaitait conclure une entente sur le Principe de Jordan. En 2009, dans une déclaration à l’Assemblée législative de l’Ontario, le gouvernement ontarien a annoncé son appui au Principe de Jordan.37 En 2012, le gouvernement fédéral indiquait que toutes les provinces « avaient participé à des discussions et mis en place des processus mixtes » (Gouvernement du Canada, 2012, p. 17).38 La nature, la portée et la qualité de ces processus mixtes demeurent toutefois obscures.

La Société canadienne de pédiatrie a évalué la mise en œuvre du Principe de Jordan dans toutes les provinces et tous les territoires, en 2009 et 201139; la SCP a déterminé si les provinces et territoires avaient signalé l’adoption et la mise en œuvre d’un principe qui place l’intérêt de l’enfant en priorité au moment de la résolution de conflits de compétence, mais elle n’a pas examiné les définitions opérationnelles ou les processus de collaboration sous-jacents à la mise en œuvre. Entre 2009 et 2011, aucun changement n’a été enregistré en ce qui a trait à l’évaluation de la mise en œuvre. Dans huit provinces et territoires, la situation était considérée comme « mauvaise ». La Nouvelle-Écosse est la seule province à avoir obtenu la cote « bonne »; les lacunes du processus appliqué en Nouvelle-Écosse sont décrites plus en détail ci-dessous, dans la discussion sur la contestation juridique CBPL c. Canada.40

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Maurina Beadle, une résidente de la communauté Mi’kmaq de Pictou Landing en Nouvelle-Écosse, est une mère célibataire qui pourvoyait principalement aux soins importants dont a besoin son fils,Jeremy Meawasige. En 2010, Mme Beadle a été victime d’un accident vasculaire cérébral et n’a plus été en mesure de fournir à son fils les soins que nécessite son état. Le Conseil de bande de Pictou Landing (CBPL) a commencé à financer des soins à domicile, dont il a évalué le coût à environ 8200 dollars par mois, une somme équivalant à presque 80 pour cent de son budget pour les services de soins à domicile. En 2011, la directrice de la santé de Pictou Landing a demandé la tenue d’une concertation à propos de ce cas, en précisant que, selon elle, le Principe de Jordan pouvait s’appliquer, et un processus de concertation trilatérale a débuté. Le représentant provincial à ce processus a expliqué qu’un enfant vivant hors réserve nécessitant des soins similaires percevrait un maximum de 2200 dollars par mois pour des services de soutien à domicile. Il a précisé que la province ne pouvait dispenser des soins à domicile au-delà de cette limite, mais que, en vertu des normes provinciales, le coût d’un traitement dans une institution, par la suite évalué à 130 pour cent du coût des soins dispensés à Jeremy à domicile, serait couvert en intégralité.

À peu près au même moment où se tenait ce processus de concertation, la Cour suprême de Nouvelle-Écosse a statué dans une affaire semblable de services de soins à domicile, Nouvelle-Écosse (services communautaires) c. Boudreau. Brian Boudreau était un résident de la Nouvelle-Écosse qui nécessitait des soins 24 heures sur 24 et dont le financement des soins à domicile était limité à 2200 dollars par mois. Dans cette affaire, il était allégué que ce plafond mensuel constituait une violation de la législation prévoyant que le financement standard maximum pouvait être accru en raison de « circonstances exceptionnelles ». En mars 2011, la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a statué que le ministère des Services communautaires de la province était tenu de fournir un financement additionnel pour les soins à domicile de Brian, car l’expression « circonstances exceptionnelles » englobait les situations dans lesquelles « une seule personne a la charge de s’occuper d’un membre de la famille atteint d’un handicap » ou « une personne a besoin de mesures extraordinaires d’aide dans la mesure où ladite personne dépend des autres pour tous les aspects de son soutien ». La Cour a poursuivi en rappelant qu’il incombait de par la loi à la province de « fournir assistance à toute personne dans le besoin » et de dispenser des « soins à domicile », en statuant que les politiques et règlements discrétionnaires du ministère n’avaient pas préséance sur les lois applicables. La directrice de la santé du CBPL, qui avait joint une copie de cette décision à une autre demande adressée aux autorités fédérales en vue de fournir un financement pour les soins à domicile de Jeremy, a obtenu comme réponse que le Principe de Jordan ne pouvait s’appliquer, parce que les gouvernements fédéral et provinciaux s’entendaient toujours sur le fait que le financement ne devait pas excéder 2200 dollars par mois. En juin 2011, le Conseil de bande de Pictou Landing et Maurina Beadle ont demandé à la Cour fédérale d’annuler la décision du coordonnateur fédéral dans le cas de Jeremy, et de déclarer que les agissements du gouvernement fédéral dans cette cause constituaient une violation de la Social Assistance Act de la Nouvelle-Écosse, du Principe de Jordan, et de la Charte. Le Canada a soutenu que le Principe de Jordan ne s’appliquait pas dans ce cas, en précisant que, puisque son gouvernement et celui de la province étaient du même avis, il n’y avait pas de conflit de compétence. Le Canada a, de plus, soutenu que la très récente décision de la Cour suprême, Nouvelle-Écosse (services communautaires) c. Boudreau, n’avait pas encore donné lieu à une modification des pratiques provinciales et que le plafond de 2200 dollars par mois demeurait la norme provinciale en vigueur. En dernier lieu, le Canada a soutenu que le CBPL n’avait pas droit au remboursement du coût des soins de Jeremy, avant de laisser entendre que, si le CBPL ne pouvait assumer ce coût à même son financement actuel, il devrait renégocier son entente de financement.

En 2013, la Cour fédérale a statué en faveur du CBPL et de Maurina Beadle, en déclarant que l’interprétation et l’application par le gouvernement fédéral du Principe de Jordan étaient inadéquates. Le gouvernement fédéral a fait appel de cette décision pour des motifs généraux en 2013, avant de mettre officiellement un terme à cette procédure en juillet 2014.

1

Conseil de bande de Pictou Landing et Maurina Beadle c. Canada

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Conférences de cas et processus de règlement des conflits

Peu de renseignements concernant la nature de la réponse du gouvernement au Principe de Jordan sont accessibles au public. AADNC a présenté certains détails sur la manière dont le Principe de Jordan a été mis en pratique, indiquant que le principe ne s’applique que dans les cas qui répondent aux critères suivants :

Un enfant des Premières Nations qui a le statut d’Indien inscrit ou qui y est admissible; 1. L’enfant vit ordinairement dans une réserve;2. L’enfant a été évalué par des professionnels de la santé et des services sociaux, est 3. polyhandicapé et doit recourir aux services de plusieurs fournisseurs; Il y a un conflit entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial; 4. L’évaluation a été effectuée en fonction des mêmes normes en matière de soins offerts à un 5. enfant aux besoins similaires, dans un emplacement géographique semblable.41

Par ailleurs, AADNC a indiqué que la réponse du gouvernement au Principe de Jordan requiert une approche au cas par cas et le recours à des conférences, insistant sur l’idée que la plupart des cas devraient être résolus de façon informelle, à l’échelle locale; une procédure officielle de conférences de cas ne devrait être utilisée que dans des situations exceptionnelles. Le processus officiel de conférences de cas est facilité par des personnes-relais nommées par le gouvernement, des administrateurs fédéraux ou provinciaux responsables de la collecte des renseignements nécessaires et de l’élaboration d’un règlement proposé dans le cadre d’un processus officiel de conférences de cas.42

Des descriptions approfondies du processus de conférences de cas et du règlement des conflits de compétence sont présentées dans les documents décrivant la mise en œuvre du Principe de Jordan au Nouveau-Brunswick. Les différentes étapes sont résumées dans le Tableau 2. Une fois informé d’un cas pouvant être lié au Principe de Jordan, un agent de coordination doit organiser une conférence de cas dans les 10 jours suivant la réception d’une évaluation de l’enfant faite par un professionnel de la santé ou des services sociaux, de renseignements sur les plans actuels et proposés des services destinés à l’enfant, d’un rapport sur le problème ou le motif du renvoi à l’agent de coordination, et d’un résumé des mesures prises pour régler la situation. La personne-relais doit organiser la conférence de cas dans les 45 jours ouvrables subséquents. Le processus de conférence de cas comprend les étapes suivantes : (1) vérification du diagnostic de l’enfant, (2) examen des biens et services recommandés et actuellement fournis, (3) détermination des besoins en matière de biens et services non satisfaits, (4) clarification des mandats relatifs à la prestation des biens et services requis, et (5) « étude des normes en matière de soins pour bien comprendre les services comparables offerts aux enfants polyhandicapés (ayant des besoins spéciaux) vivant à l’extérieur d’une réserve, dans un emplacement géographique semblable ».43

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Tableau no 2. Processus de conférence de cas et de règlement de conflit stipulés dans l’entente avec le Nouveau-Brunswick relative au Principe de Jordan

CONFÉRENCE DE CAS

Étape no˚ Déroulement du processus Calendrier prévu

1 Règlement atteint dans le cadre d’une conférence de cas à l’échelle locale. Aucun calendrier prévu

2 Renvoi à une personne-relais en cas de non règlement à l’échelle locale. Aucun calendrier prévu

3 Le personne-relais tient une réunion de conférence de cas avec les personnes-relais des autres parties.

Dans les 10 jours suivant la réception des informations nécessaires

4 Règlement au niveau de la personne-relais. Dans les 45 jours ouvrables supplémentaires

5En cas de non règlement au niveau de la personne-relais, le sous-ministre adjoint concerné décide de la nécessité de déclarer un conflit de compétence.

Aucun calendrier prévu

6

Le sous-ministre adjoint concerné avise par écrit son homologue fédéral ou provincial d’un conflit de compétence et demande à participer à un processus de règlement de conflit.

Aucun calendrier prévu

7

L’homologue du sous-ministre adjoint primaire répond à la requête d’entamer un processus de règlement de conflit. Si acceptée, le conflit de compétence relatif au Principe de Jordan est déclaré.

Dans un délai raisonnable

8

Une fois qu’un conflit de compétence relatif au Principe de Jordan est déclaré, et que le service est considéré par la province ou territoire comme une norme standard, le ministère de premier contact assume le coût des services.

Jusqu’à ce que le cas soit résolu

RèGLEMENT DE CONFLITS

Étape no˚ Déroulement du processus Calendrier prévu *

9 Tentative de règlement au niveau du sous-ministre adjoint. Dans les 30 jours

10 Sélection d’un médiateur professionnel en cas de non règlement Dans les 20 jours

11 Facilitation et rapport du médiateur. Dans les 30 jours

12

Si les recommandations du médiateur ne sont pas acceptées, le conflit est soumis aux sous-ministres des ministères concernés en vue de parvenir à un règlement.

Dans les 60 jours

*Le calendrier indiqué pour le processus de règlement de conflit peut être prorogé d’un commun accord.

Si le problème n’est pas résolu à la suite d’une conférence de cas, un confit de compétence fédéral-provincial doit être officiellement déclaré. On présume qu’il y a conflit une fois que ce dernier est déclaré (par écrit) par un sous-ministre adjoint provincial ou fédéral44 et accepté par un sous-ministre adjoint provincial ou fédéral correspondant.45 « Une fois qu’un conflit lié au Principe de

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Jordan est déclaré, et que la province juge que le service contesté respecte la norme provinciale, le coût du service doit être assumé par le « fournisseur de services actuel » ou « en l’absence d’un fournisseur de services, par l’organisme de première ligne » jusqu’au règlement du conflit de compétence ».46 La couverture des coûts liés aux services débute donc à cette étape. Le processus de conférence de cas est suivi d’un processus de règlement des conflits qui se divise en quatre étapes; les échéances pour chacune des étapes peuvent être repoussées si les parties y consentent (voir Tableau 2). Premièrement, une tentative de règlement du conflit doit avoir lieu à l’échelle du sous-ministre adjoint, entre des représentants du gouvernement fédéral et du gouvernement provincial, dans les 30 jours. Si le différend n’est pas réglé à cette étape, les parties ont alors 20 jours pour s’entendre sur le choix d’un médiateur professionnel, qui aura 30 jours pour faciliter le règlement du conflit et soumettre un rapport contenant ses recommandations. Si les parties n’acceptent pas les recommandations, les sous-ministres ont 60 jours supplémentaires pour parvenir à un autre règlement.47

Principales lacunes de la réponse du gouvernement au Principe de JordanLa réponse du gouvernement au Principe de Jordan a évolué de manière itérative. Des variations de la réponse sont apparues à la suite de négociations entre le gouvernement fédéral et les différents gouvernements provinciaux et territoriaux; ces variations ont par la suite été clarifiées pour répondre à certaines contestations, notamment dans le cadre de l’affaire CBPL c. Canada. Notre examen des documents concernant le Principe de Jordan et l’affaire CBPL c. Canada suggère que, dans sa forme actuelle, cette réponse ne reflète pas la vision du Principe de Jordan mise de l’avant par les Premières Nations et adoptée par la Chambre des communes. La réponse :

Restreint la population admissible aux termes du Principe de Jordan, créant ainsi des 1. disparités en ce qui a trait aux protections offertes aux différents groupes d’enfants des Premières Nations. Limite la définition opérationnelle de conflit de compétence pour n’inclure que les conflits 2. intergouvernementaux entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces et des territoires, limitant ainsi encore davantage le nombre de cas devant être pris en considération dans le cadre du Principe de Jordan.Restreint les domaines de services pouvant être pris en considération dans le cadre du 3. Principe de Jordan.Traite l’existence d’une contestation officielle de paiement comme un indicateur de conflit 4. de compétence, évitant ainsi que des cas connus de lacunes ou de disparités en matière de services soient pris en considération dans le cadre du Principe de Jordan.Institutionnalise un long processus de conférence de cas comme précurseur à la déclaration 5. d’un conflit de compétence, ouvrant ainsi la porte à de possibles retards en matière de

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services.Ne propose pas de mécanisme uniforme pour le remboursement des coûts engagés par le 6. gouvernement ou l’organisme ayant fourni les services durant les processus de conférence de cas et de règlement des différends. Exclut les Premières Nations des processus administratifs et de règlement des conflits. 7. Ne prévoit pas de mécanismes favorisant la transparence et la responsabilisation, tant à 8. l’échelle de chaque cas qu’à celle du système, mécanismes qui sont essentiels à la protection des droits de la personne.

Chacun de ces points est discuté plus en détail ci-dessous.

La réponse du gouvernement au Principe de Jordan est aussi au cœur de la plainte dont est saisi le Tribunal canadien des droits de la personne. Cette plainte, déposée en 2007, allègue que le sous-financement par le gouvernement fédéral des services de protection de l’enfance dans les réserves équivaut à de la discrimination pour cause de race et(ou) d’origine ethnique. Les plaignants soutiennent que l’omission du gouvernement fédéral de fournir aux enfants des Premières Nations et aux enfants des familles vivant habituellement dans une réserve un financement et des avantages en matière de protection de l’enfance comparables à ceux dont bénéficient les autres enfants et leurs familles contrevient à la Loi canadienne sur les droits de la personne et au Principe de Jordan. Les plaignants réclament une ordonnance obligeant le gouvernement fédéral à appliquer le Principe de Jordan à ses programmes concernant les enfants, et que des plans de mise en œuvre du Principe de Jordan soient approuvés par la Commission canadienne des droits de la personne. Le gouvernement fédéral a déployé, en vain, des efforts concertés pour que cette plainte soit rejetée pour des motifs de compétence. Le tribunal canadien des droits de la personne a entamé ses audiences dans cette cause le 25 février 2013, et a entendu le dernier témoignage en mai 2014. Dans leur plaidoyer de clôture, les plaignants ont soumis des preuves relatives à la réponse du gouvernement au Principe de Jordan, et soutenu qu’une mise en œuvre intégrale et d’une portée adéquate de ce principe était nécessaire, car « il constitue un moyen de faire en sorte que les enfants des Premières Nations ne se voient pas refuser l’accès à des services publics essentiels ». Une décision dans cette cause est attendue en 2015.

2

Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et l’Assemblée des Premières Nations c. le Procureur général du Canada

Restrictions liées à l’admissibilité

Le Principe de Jordan, mis de l’avant par les Premières Nations et adopté par la Chambre des communes, s’applique à tous les enfants membres des Premières Nations (Indiens inscrits). Par contre, aux termes de la définition opérationnelle proposée par le gouvernement fédéral et acceptée par plusieurs provinces, les mesures de protection établies pour faire passer l’« enfant d’abord » ne s’appliquent qu’aux enfants polyhandicapés ayant le statut d’Indien, ou qui y sont admissibles, qui vivent ordinairement dans une réserve, qui sont assujettis à une évaluation des professionnels de la santé et des services sociaux et qui doivent recourir aux services

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de plusieurs fournisseurs.48 Cette définition opérationnelle empêche l’application du Principe de Jordan aux enfants polyhandicapés des Premières Nations qui n’ont pas été diagnostiqués par des professionnels, ou qui ne doivent pas recourir aux services de plusieurs fournisseurs. De plus, aux termes de cette définition, tous les enfants des Premières Nations qui ne sont pas polyhandicapés ne sont pas couverts par les mesures de protection établies en vertu du Principe de Jordan. Par conséquent, l’application par le gouvernement fédéral pourrait contribuer à créer, pour les enfants des Premières Nations, de nouvelles disparités en matière d’accès aux services. Au cours d’une Assemblée extraordinaire, les Chefs de l’APN ont adopté par consensus une résolution dénonçant l’étroite définition opérationnelle du Principe de Jordan adoptée par le gouvernement fédéral, et indiqué qu’elle ne reflétait pas l’intention de la Chambre des communes et qu’elle était discriminatoire.49

En ce qui concerne la portée du Principe de Jordan, les différences entre les définitions des autorités gouvernementales et celles des Premières Nations étaient évidentes dans les documents examinés provenant de la Colombie-Britannique, du Nouveau-Brunswick et de la Saskatchewan.50 Bien sûr, la preuve déposée dans la cause relative aux droits de la personne opposant la Société de soutien au gouvernement du Canada indique que des fonctionnaires de la Saskatchewan, de la Colombie-Britannique, de l’Île-du-Prince-Édouard et des Territoires du Nord-Ouest ont officiellement exprimé des préoccupations quant à l’étroite définition opérationnelle fédérale dans des lettres envoyées aux ministres fédéraux; un représentant de la Colombie-Britannique a également exprimé de telles préoccupations aux membres du Comité permanent des Affaires autochtones et du Développement du Grand Nord.51 AADNC a lui aussi exprimé son mécontentement face à l’étroite application, déclarant ce qui suit :

Les groupes d’intérêts, les dirigeants des Premières Nations, ainsi que ceux des provinces continuent à critiquer le gouvernement fédéral pour son absence de progrès dans la mise en œuvre du Principe de Jordan et sur l’accent qu’il place sur les enfants polyhandicapés des Premières Nations et les conflits fédéraux/provinciaux. En règle générale, ces groupes aimeraient que le Principe de Jordan s’applique à tous les enfants des Premières Nations et qu’il prenne en compte toutes les lacunes en matière de services, entre tous les paliers de gouvernement.52

L’explication la plus étayée pour justifier les restrictions en matière d’admissibilité trouvée dans les documents que nous avons examinés a été offerte dans une déclaration faite en 2011 devant le Comité permanent de la condition féminine. Une gestionnaire principale d’AADNC a expliqué l’étroite application en ces termes, « Et notre objectif, ce sont les enfants dont la situation est semblable à celle de Jordan — les enfants les plus vulnérables, ceux qui ont de multiples handicaps et ont besoin de multiples services, offerts par plusieurs administrations. »53 D’autres explications ont également mis l’accent sur la vulnérabilité aux conflits de compétence des enfants

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polyhandicapés devant recourir à de nombreux fournisseurs de services.54

Limites des types de conflits de compétence abordés

Le concept de conflit de compétence est au cœur du Principe de Jordan, et l’accent a été mis sur l’existence d’un tel conflit dans toutes les versions du Principe de Jordan que nous avons examinées. Le financement fédéral de la santé et des services sociaux destinés aux membres des Premières Nations (ayant le statut d’Indien inscrit) qui vivent dans des réserves (qui sont en grande partie financés, offerts et régis par les provinces et les territoires hors réserve) est la principale justification d’un principe « visant à placer l’intérêt de l’enfant en priorité » axé principalement sur les enfants des Premières Nations. En effet, la possibilité de conflits de compétence relativement à des services précis destinés aux enfants des Premières Nations pris en charge, ayant des besoins en santé ou handicapés, a été clairement énoncée par certaines administrations.55 La présence d’un conflit de compétence peut donc être considérée comme une caractéristique définissant un cas lié au Principe de Jordan, une caractéristique qui le distingue d’autres cas liés aux droits de la personne où un enfant se voit refuser des protections et traitement équitables que lui garantissent les lois et les ententes provinciales, territoriales, fédérales et internationales.

Malgré le nombre de conflits de compétence liés au Principe de Jordan, ce concept n’a jamais été clairement défini. Les documents recueillis confirment l’existence de conflits de compétence dans des secteurs de chevauchements administratifs, comme celui qui est inhérent aux responsabilités divisées concernant la prestation des services dans les réserves,56 mais aucune norme claire ne permet de déterminer l’existence d’un conflit de compétence. Même si aucune définition explicite de conflit de compétence ne figurait dans les documents sur le Principe de Jordan que nous avons examinés, une définition de facto est devenue évidente. Dans leur ensemble, les documents examinés indiquent que, selon la réponse gouvernementale, la définition opérationnelle d’un « conflit de compétence » correspond à un cas dans le cadre duquel :

il y a désaccord entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial; 1. il y a eu conférence de cas à l’échelle locale, mais la tenue de cette dernière n’a pas permis 2. de régler la situation; un agent de coordination d’AADNC a effectué une évaluation de la prestation inégale des 3. services, en comparant les normes en matière de soins offerts à des enfants aux besoins similaires, dans un emplacement géographique semblable; un agent de coordination d’AADNC a déterminé l’existence d’une contestation officielle 4. de paiement entre le gouvernement fédéral et celui de la province ou du territoire, même après la tenue d’une conférence de cas; et,les sous-ministres adjoints, d’un ministère fédéral et d’un ministère provincial, ont 5. officiellement reconnu l’existence d’un conflit de compétence.

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L’application par le gouvernement fédéral place surtout l’accent sur les différends entre les gouvernements provinciaux/territoriaux et le gouvernement fédéral. Cela s’oppose aux applications plus larges — dont celles décrites dans les discussions qui ont mené à l’adoption du Principe de Jordan par la Chambre des communes,57 et aux descriptions du principe proposées par les groupes des Premières Nations — qui englobent les conflits entre différents ministères d’un même gouvernement. Le nombre limité de preuves disponibles semble indiquer que le fait de restreindre l’application du Principe de Jordan aux seuls cas où il existe un conflit entre le gouvernement fédéral et celui d’une province ou d’un territoire contribuerait à exclure un grand nombre de situations dans le cadre desquelles les enfants des Premières Nations font l’objet de dénis, de délais ou d’interruptions en matière de services. Le rapport Wen:de indique que les différends entre des ministères du gouvernement fédéral représentent la forme la plus fréquente de conflit de compétence; le nombre de différends interministériels à l’échelle fédérale rapportés par les 12 organismes sondés était au moins deux fois plus élevé que le nombre de conflits entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux.58 De plus, à l’échelle fédérale, les conflits interministériels concernent surtout les enfants membres des Premières Nations (Indiens inscrits); il n’y a pratiquement pas de conflits à propos de services offerts aux autres enfants qui sont financés par les provinces ou les territoires. L’étroite application faite par le gouvernement fédéral en ce qui a trait au Principe de Jordan ne couvre toutefois pas de tels conflits.

En effet, en plus de l’inclusion explicite des conflits intra-gouvernementaux, la réponse du gouvernement au Principe de Jordan devrait reconnaître la possibilité que les gouvernements et les fournisseurs de services des Premières Nations aient un rôle à jouer dans le règlement des conflits de compétence. Depuis le transfert de responsabilité à grande échelle des services offerts aux membres des Premières Nations dans les réserves dans des secteurs comme la santé,59 la protection de l’enfance60 et l’éducation,61 les gouvernements et les fournisseurs de services des Premières Nations assument de plus en plus la prestation des services offerts aux enfants des Premières Nations. Tel que démontré dans l’affaire CBPL c. Canada, les Premières Nations jouent un rôle direct en ce qui a trait à la détermination et au règlement des conflits de compétence. En conséquence, les processus liés au Principe de Jordan ont une forte incidence sur les budgets et le fonctionnement des gouvernements et des fournisseurs de services des Premières Nations.

Restriction des domaines de services pris en considération dans le cadre du Principe de Jordan

La dernière prétention du Canada devant le Tribunal canadien des droits de la personne, dans la cause opposant la Société de soutien au gouvernement du Canada, révèle des restrictions dans l’interprétation que fait le gouvernement fédéral des domaines de services auxquels s’applique le Principe de Jordan. La prétention indique ce qui suit :« Le Principe de Jordan ne s’applique dans le contexte de la protection de l’enfance que s’il y a conflit entre le gouvernement fédéral et un gouvernement provincial pour déterminer qui doit assumer les frais d’un service, lorsque l’enfant

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en question est un enfant pris en charge ».62 Les faits invoqués pour affirmer que le Principe de Jordan ne s’appliquerait qu’à un enfant pris en charge ne sont pas clarifiés, et nous n’avons trouvé aucun précédent à une telle restriction dans les documents que nous avons examinés. En fait, cette assertion semble contredire un énoncé fait précédemment, dans le même document, à l’effet que « le Principe de Jordan ne s’applique pas uniquement aux enfants pris en charge, mais à tous les enfants des Premières Nations habitant dans une réserve ».63 Dans la prétention, il est de plus indiqué que « le Principe de Jordan n’est pas un concept lié à la protection de l’enfance et qu’il ne fait pas partie du programme de la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada ».64 Par conséquent, dans ce document, le gouvernement fédéral a avancé un argument à l’effet que l’application du Principe de Jordan se limite à des domaines de services précis, et que la protection de l’enfance ne figure pas au nombre des domaines auxquels il s’applique. Dans la description initiale offerte dans le rapport Wen:de, le Principe de Jordan n’a pas été présenté comme un concept relatif à la protection de l’enfance, à la santé ou à l’éducation. Il a plutôt été présenté comme un principe qui place l’intérêt de l’enfant en priorité, pour s’assurer que les enfants des Premières Nations reçoivent des services équitables, conformément à leurs droits humains et constitutionnels; ces droits ne sont pas limités à des domaines de services précis.65

Déclaration d’une contestation officielle de paiement en tant qu’indicateur de conflit de compétence

La réponse du gouvernement au Principe de Jordan considère une déclaration officielle de contestation de paiement comme un indicateur de conflit de compétence. La possibilité que cette étroite définition opérationnelle permette que le Principe de Jordan ne soit pas appliqué à des cas concernant des enfants des Premières Nations a été exprimée clairement dans la décision rendue dans l’affaire CBPL c. Canada. En examinant l’entente fédérale-provinciale selon laquelle la limite de 2 200 $ par mois pour des services de soins à domicile s’appliquait à la situation de Jeremy Meawasige, la Cour a statué que l’absence d’un différend monétaire ne constituait pas un indicateur valable de l’absence de conflit de compétence si les deux paliers de gouvernement « maintiennent une position erronée sur les services disponibles aux personnes qui en ont besoin ».66 La décision a ainsi mis en évidence la possibilité de collusion intergouvernementale qui est implicite dans la définition opérationnelle de conflit de compétence établie par le gouvernement fédéral. Le Principe de Jordan pourrait ne pas s’appliquer dans des cas où des enfants des Premières Nations font l’objet de dénis, de délais ou d’interruptions pour des services normalement offerts à d’autres enfants si le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux refusent simplement de déclarer officiellement l’existence d’un conflit de compétence.

Les implications systémiques de cette possibilité d’interprétation erronée ou de collusion étaient évidentes dans le rapport du groupe de travail fédéral-provincial sur la mise en œuvre du Principe de Jordan au Manitoba.67 Le rapport dresse une liste des « lacunes et des disparités en matière de services » et de situations dans le cadre desquelles des services offerts dans des réserves et

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financés par le gouvernement fédéral ne correspondaient pas aux services financés à l’échelle provinciale offerts à l’extérieur des réserves.68 En voici quelques exemples : la livraison dans une réserve d’un seul nouvel appareil d’assistance (p. ex., un dispositif élévateur ou un fauteuil roulant) tous les cinq ans, sans aide pour l’installation, alors qu’à l’extérieur des réserves, le financement s’applique à plusieurs appareils et à leur installation; et l’obligation que les traitements de physiothérapie à l’intention des enfants des Premières Nations soient offerts en milieu hospitalier, alors que les enfants vivant à l’extérieur des réserves peuvent recevoir gratuitement des traitements de physiothérapie à la maison ou dans des centres de soins de santé.69 Le rapport suggérait également qu’un placement à l’extérieur du domicile familial, par l’entremise du système d’aide à l’enfance, pourrait permettre aux enfants vivant dans une réserve d’accéder « plus facilement » à des services répondant aux normes provinciales.70 Toutefois, le rapport, rédigé par les membres du groupe de travail, qui comptait notamment des représentants du gouvernement fédéral, insiste sur le fait que « ces exemples de disparités en matière de service ne résultent pas d’un conflit entre les administrations fédérales et provinciales quant à la responsabilité liée à la prestation des services ou à leur financement. À ce titre, ces différences ne sont pas liées au Principe de Jordan, puisqu’il n’y a pas de conflit de compétence ».71 Par conséquent, en limitant la compréhension des conflits de compétence aux seules situations où il existe une contestation officielle de paiement, la réponse gouvernementale impose aux familles et aux communautés des enfants des Premières Nations, ainsi qu’à leurs fournisseurs de services, la responsabilité de transformer même les lacunes et les disparités en matière de services reconnues conjointement par le gouvernement fédéral et les gouvernement provinciaux et territoriaux en situations dans le cadre desquelles le Principe de Jordan s’applique.

L’étroite définition de conflit de compétence et les limites subséquentes imposées à l’application du Principe de Jordan aux termes de la réponse du gouvernement ont été annulées par la Cour fédérale lors de sa décision dans l’affaire CBPL c. Canada.72 Dans ce cas, la Cour fédérale a conclu qu’il existait un conflit de compétence parce que le financement fédéral était insuffisant pour permettre au CBPL de fournir des services conformes aux lois provinciales. Par conséquent, le jugement suggère que le concept de « conflit de compétence » ne peut pas être limité aux situations où il y a contestation de paiement. Le concept doit plutôt englober les situations dans le cadre desquelles les ressources et les services fournis sont insuffisants et ne répondent pas aux exigences établies en vertu des normes et des lois provinciales ou territoriales. De ce point de vue, l’existence en soi d’une disparité ou d’une lacune en matière de service peut provoquer l’application du Principe de Jordan; une déclaration de contestation de paiement n’est donc pas requise. Cette interprétation plus large du « conflit de compétence » correspond davantage à la vision du Principe de Jordan mise de l’avant par les Premières Nations et adoptée par la Chambre des communes, qu’à l’étroite définition exprimée dans la réponse du gouvernement. La possibilité d’une interprétation erronée par des fonctionnaires fédéraux, provinciaux ou territoriaux, d’une déclaration subséquente d’absence de conflit de compétence, a été mise en lumière dans l’affaire CBPL c. Canada. Les événements mentionnés dans cette affaire suggèrent qu’une telle évaluation

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soit effectuée par un organisme indépendant, et qu’un mécanisme devrait être mis en place pour contester l’évaluation.

Introduction des retards en matière de services

Aux termes de la réponse du gouvernement au Principe de Jordan, un cas doit faire l’objet de plusieurs évaluations et conférences de cas avant de pouvoir être considéré comme un « cas lié au Principe de Jordan » et devenir admissible à un remboursement de services. Les documents que nous avons examinés suggèrent qu’un processus officiel de conférences de cas n’est amorcé qu’une fois que les conférences de cas à l’échelle locale, d’une durée indéterminée, sont terminées et que les renseignements sont acheminés à l’agent de coordination. Des documents recueillis au Nouveau-Brunswick indiquent que jusqu’à 55 jours ouvrables peuvent être alloués pour la tenue de conférences de cas officielles animées par l’agent de coordination; le Tableau 2 propose un résumé du processus de conférences de cas.73 Au cours d’un récent témoignage devant le Tribunal canadien des droits de la personne, un haut fonctionnaire d’AADNC a confirmé que le processus pouvait être assez long. Dans son témoignage, le fonctionnaire d’AADNC a expliqué un processus de conférence de cas concernant un enfant vivant dans une réserve qui avait besoin d’un lit d’hôpital, un appareil normalement offert aux enfants qui vivent à l’extérieur d’une réserve, pour éviter une urgence mettant la vie en danger. Plus de six mois se sont écoulés avant que prennent fin les conférences de cas et que le lit soit livré à l’enfant.74

Dès le départ, la prévention des délais et des interruptions en matière de services pour les enfants des Premières Nations a constitué le principal objectif du Principe de Jordan. Toutefois, une norme opérationnelle permettant de définir ce qu’est un retard en matière de service est curieusement absente des documents que nous avons examinés. La réponse du gouvernement semble essentiellement reposer sur l’officialisation du même type de processus de conférences de cas potentiellement long observé dans le cas de Jordan River Anderson. Un autre processus de conférence de cas a été proposé par le groupe de travail fédéral-provincial au Manitoba.75 On suggérait qu’un organisme principal responsable (OPR) soit déterminé et que le paiement des services débute avant la tenue des conférences de cas. Le document n’indiquait toutefois pas par qui l’OPR devait être déterminé. De plus, le processus lié à l’OPR n’était décrit que dans un document provisoire et nous n’avons pas réussi à obtenir les documents concernant les processus qui sont actuellement en place.

Absence de mécanisme uniforme de remboursement des coûts

La réponse du gouvernement ne prévoit pas de mécanisme officiel pour le remboursement des coûts des services fournis durant le processus de conférence de cas ou de règlement des conflits. AADNC a publiquement indiqué que, dans le cas d’enfants qui reçoivent déjà des services, « [l]e fournisseur de services actuel qui offre des soins à l’enfant continuera de payer pour les services

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nécessaires jusqu’à la résolution du conflit ».76 Au Nouveau-Brunswick, l’entente précise également que, dans un cas où il n’y a pas de fournisseur de services, c’est-à-dire que l’enfant n’a pas encore reçu de services, le gouvernement ou l’organisme de première ligne est responsable du paiement des nouveaux services jusqu’au règlement du conflit de compétence.77 Nous n’avons toutefois trouvé aucune indication quant à une échéance officielle pour le remboursement des coûts engagés par un actuel fournisseur de services ou un gouvernement/organisme de première ligne.

De plus, nous n’avons trouvé aucune indication de source de fonds compensatoires, dans l’éventualité où un agent de coordination déterminerait en bout de ligne que le coût des services dépasse les normes relatives aux soins offerts à des enfants aux besoins similaires, dans un emplacement géographique semblable. Dans le budget fédéral de 2008, un fonds de réserve de 11 millions de dollars, sur une période de quatre ans, était prévu pour appuyer la mise en œuvre du Principe de Jordan.78 Ce fonds visait à « fournir un financement provisoire pour couvrir les coûts des soins offerts à un enfant en cas de conflit de compétence », mais aucun autre renseignement concernant l’utilisation prévue de ces fonds n’était toutefois disponible.79 En 2012, après avoir constaté que personne n’avait accédé au fonds durant ses trois premières années d’existence, le gouvernement fédéral y a mis un terme, un an avant la date d’expiration prévue.80 Rien n’indique que d’autres fonds ont été affectés au remboursement des coûts, dans de tels cas.81 De plus, l’entente établie au Nouveau-Brunswick mentionne de façon précise que « la mise en œuvre du Principe de Jordan ne crée pas un nouveau programme, un nouveau service ou une nouvelle source de financement en soi, mais que des solutions doivent plutôt être trouvées à l’intérieur des ententes de financement, des organismes et des services existants ».82 Le fait qu’aucun financement précis ne soit affecté au remboursement des coûts engagés dans les cas liés au Principe de Jordan a été confirmé récemment dans le cadre d’arguments présentés devant le Tribunal canadien des droits de la personne.83 Par conséquent, aux termes de la réponse du gouvernement, les gouvernements ou les organismes qui respectent le principe qui place l’intérêt de l’enfant en priorité, courent le risque, dans certains cas, de ne pas être remboursés.

La possibilité de remboursement est encore plus faible pour les fournisseurs de services des Premières Nations, qui sont responsables de la prestation d’une proportion importante, et grandissante, des services sociaux et de santé dans les communautés des Premières Nations.84 Dans l’entente établie au Nouveau-Brunswick, il est également indiqué que « dans l’éventualité peu probable où un conflit n’est pas résolu, le gouvernement de première ligne, qui a payé le service durant le processus de règlement de conflit, ne demandera pas à être remboursé par la Première Nation ou l’agence de Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations ».85 Le processus de remboursement est toutefois beaucoup moins clair lorsqu’une Première Nation ou une agence des Premières Nations, à titre d’actuel fournisseur de services ou de gouvernement/organisme de première ligne, assume le coût des services durant le processus de conférence de cas ou de règlement des conflits. Dans le cas de Jeremy Meawasige, le Conseil de bande de Pictou Landing a assumé les coûts des services durant ces processus, c’est-à-dire les services à domicile

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qui ont été offerts à Jeremy de 2010 à 2013. Toutefois, dans l’affaire opposant CBPL c. Canada, le gouvernement fédéral a soutenu que le Conseil de bande de Pictou Landing n’avait pas droit à une indemnisation pour ces coûts, déclarant que, «[s]i le Conseil de bande n’est pas satisfait des montants reçus en vertu des ententes de financement, il doit alors demander au Canada de renégocier et de modifier ces ententes ».86 Les Premières Nations ne sont pas nécessairement en mesure de renégocier les ententes de financement. En 2013, en ce qui a trait à l’aide à l’enfance, par exemple, AADNC a déclaré que « une allocation convenue est attribuée pour une période de cinq ans et aucune modification ou renégociation ne peut avoir lieu durant cette période, même dans le cas des ententes annuelles de financement »; des restrictions semblables s’appliquent à d’autres domaines de services.87 Par conséquent, aux termes de la réponse du gouvernement au Principe de Jordan, il semble que les fournisseurs de services des Premières Nations ne peuvent pas s’attendre à ce que leurs coûts soient remboursés. Lorsque les dépenses engagées dans un cas lié au Principe de Jordan représentent une proportion importante du budget d’un fournisseur de services, les fonds disponibles pour offrir des services à d’autres enfants se voient donc réduits ou épuisés. La réponse du gouvernement au Principe de Jordan peut donc avoir l’effet pervers de créer de nouvelles situations où des fournisseurs de services des Premières Nations ne disposent pas des ressources nécessaires pour offrir aux enfants habitant dans des réserves des services comparables à ceux auxquels ont accès les autres enfants du Canada.

Exclusion des Premières Nations

Le fardeau que la réponse du gouvernement impose aux Premières Nations est particulièrement problématique étant donné que l’on peut dire que la collaboration avec les Premières Nations durant l’élaboration et la mise en œuvre de la réponse a été, pour le moins, mitigée. La Saskatchewan, le Manitoba et la Colombie-Britannique ont conclu des ententes bilatérales,88 sans la participation des Premières Nations. Dans le cadre d’Assemblées extraordinaires de leurs Chefs, l’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique et l’Assemblée des Premières Nations ont adopté les résolutions (1(n)/2012 et 63/2008, respectivement) dénonçant l’exclusion des Premières Nations du processus de définition et de mise en œuvre de la politique sur les cas liés au Principe de Jordan.89 En Colombie-Britannique, un accord bilatéral a été conclu alors qu’un groupe de travail participait à l’élaboration d’une entente tripartite sur le Principe de Jordan.90 En Saskatchewan, des négociations visant à conclure une entente tripartite sur le Principe de Jordan ont abouti à un accord bilatéral, après que la FSIN ait temporairement suspendue les négociations, citant des préoccupations mises en évidence dans l’affaire CBPL c. Canada.91 Il y a aussi des cas d’exclusion des Premières Nations par d’autres administrations. Par exemple, constatant l’existence d’une entente tripartite avec les Services à l’enfant et à la famille Mi’kmaw,92 entente qui comprenait un mécanisme pour le « règlement de problèmes liés au Principe de Jordan »,93 le gouvernement fédéral a conclu que la Nouvelle-Écosse n’avait pas besoin d’une entente encadrant

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le Principe de Jordan. Des notes découlant d’une rencontre exploratoire sur le Principe de Jordan, qui regroupait des représentants du gouvernement fédéral et du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, révèlent toutefois que les Premières Nations n’ont pas participé à cette décision.94

À l’échelle nationale, l’APN a tenté à plusieurs reprises d’obtenir la participation des Premières Nations à la nomination et à la formation des personnes-relais responsables du Principe de Jordan, mais elles n’ont pas été incluses dans ces processus.95 Durant son témoignage devant le Tribunal canadien des droits de la personne, un fonctionnaire d’AADNC a indiqué que la participation de l’APN s’était limitée à « deux ou trois réunions » durant lesquelles le gouvernement fédéral a décrit son approche et les progrès réalisés en ce qui a trait à la mise en œuvre d’une réponse gouvernementale au Principe de Jordan.96 En effet, un témoignage livré dans le cadre de l’affaire Société de soutien c. Canada indique que la détermination du niveau de participation des Premières Nations aux processus concernant le Principe de Jordan a été laissée aux provinces et aux territoires, et que les Premières Nations n’ont pas été invitées à participer à la définition des termes de la réponse gouvernementale.97

Le fait d’avoir exclu les Premières Nations de l’élaboration et de la mise en œuvre d’une réponse gouvernementale est troublant, compte tenu de la genèse du Principe de Jordan : le principe est nommé à la mémoire d’un enfant des Premières Nations, il a été rédigé par des défenseurs des droits des Premières Nations, et des organismes des Premières Nations en ont fait la promotion.98 De plus, il a une incidence directe sur la santé et le bien-être des enfants des Premières Nations, domaines dans lesquels les Premières Nations ont fait valoir leurs droits préexistants et leurs responsabilités. La nécessité pour les Premières Nations de contrôler leurs services sociaux et de santé est reconnue à grande échelle, et les Premières Nations occupent une place de plus en plus importante en ce qui a trait à la prestation des services sociaux et de santé.99 Les gouvernements fédéral et provinciaux ont donc une obligation pratique, morale, éthique et – lorsqu’il existe des traités concernant les services - légale100 de consulter les Premières Nations sur les questions concernant la santé et le mieux-être des enfants des Premières Nations. De telles consultations permettent d’accroître l’efficacité – preuve est faite que la participation de représentants autochtones au niveau de la prestation des services de santé permet d’augmenter de façon significative la participation des communautés des Premières Nations.101 Cela respecte également l’accent universel placé sur la participation des intervenants en ce qui a trait à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques dans le but d’améliorer la gouvernance.102

Absence de mécanismes de transparence et de responsabilisation au niveau des individus et des systèmes

De concert avec la participation des intervenants, la responsabilisation et la transparence sont considérées comme des éléments fondamentaux de la gouvernance démocratique et de la protection des droits de la personne.103 Notre examen de la réponse gouvernementale au

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Principe de Jordan révèle que la responsabilisation et la transparence relatives aux processus et aux résultats liés au Principe de Jordan est particulièrement absente à l’échelle individuelle. Un grand nombre de personnes concernées ignorent l’existence des personnes-relais et les processus permettant d’initier un cas lié au Principe de Jordan. Au cours des recherches menées dans le cadre de cet article, nous avons tenté de repérer des personnes-relais. Nous n’avons trouvé aucune coordonnée sur Internet, mais nous avons réussi à repérer des personnes-relais dans la plupart des régions en communiquant avec les bureaux régionaux d’AADNC et de la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits (DGSPNI). Dans certains cas, les personnes-relais ont été facilement identifiés par les personnes qui ont répondu à nos appels téléphoniques. Toutefois, dans d’autres cas, l’identification n’a été possible qu’après qu’un membre de l’équipe de recherche ait expliqué le Principe de Jordan et le rôle de l’agent de coordination; dans certains cas, plusieurs transferts d’appels et des discussions avec de nombreux fonctionnaires fédéraux ont été nécessaires. Les techniciens en santé de l’APN ont déjà indiqué que, dans de nombreuses régions, les membres des Premières Nations ne savaient pas du tout qui étaient leurs personnes-relais régionales.104 Les personnes-relais ne sont donc pas toujours faciles à identifier. Par ailleurs, le processus permettant d’aborder un cas après avoir communiqué avec la personne-relais n’est pas clair; nous avons été incapables d’obtenir des documents accessibles au public sur les procédures à suivre après avoir porté un cas à l’attention de l’agent de coordination. De plus, tel que démontré dans l’affaire CBPL c. Canada, il n’y a pas de mécanisme de supervision indépendante du processus de conférence de cas, ni de recours, autres que d’onéreuses et longues poursuites juridiques, pour les familles qui voudraient contester le règlement obtenu dans le cadre d’un processus officiel de conférences de cas.

Notre examen a également révélé l’absence de mécanismes de transparence et de responsabilisation à l’échelle du système. Les ententes bilatérales et tripartites sur le Principe de Jordan ne sont pas accessibles au public et nos demandes présentées directement aux ministères de la santé et des services sociaux des provinces ne nous ont pas permis d’obtenir les ententes demandées.ii En effet, durant son témoignage devant le Tribunal canadien des droits de la personne, un fonctionnaire d’AADNC a expliqué que l’élaboration de la réponse fédérale au Principe de Jordan « était un processus propre au gouvernement et que le processus d’élaboration de politiques en cause était secret et assujetti à la confidentialité du Cabinet ».105 L’accès aux documents concernant le Principe de Jordan examinés dans le cadre du présent article a été grandement facilité par la Société de soutien, qui a déployé des efforts considérables pour rendre public les documents liés à l’affaire Société de soutien c. Canada, en partageant des renseignements provenant d’autres organismes et agences de défense des droits autochtones, et en présentant des demandes d’accès à l’information à l’échelle provinciale. La compilation de l’information requise

ii La Colombie-Britannique a été la seule exception, puisque des demandes d’accès à l’information ont automatiquement été déposées en notre nom en réponse aux lettres que nous avons envoyées aux ministères provinciaux dans le but d’obtenir des documents.

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pour décrire les processus servant à mener un cas lié au Principe de Jordan a toutefois exigée beaucoup de temps et s’est avérée difficile.

Il y a également un manque de transparence quant aux résultats et à l’efficacité des politiques relatives au Principe de Jordan. Des représentants du gouvernement fédéral ont déjà déclaré qu’il y avait eu des « conférences de cas » dans de nombreux cas liés au Principe de Jordan, et que tous ces cas avaient été réglés « avant la présentation d’une contestation officielle de paiement ». Ils ont toutefois indiqué que les renseignements concernant ces règlements de cas ne pouvaient pas être rendus publics.106 Récemment, des documents fédéraux concernant 27 cas liés au Principe de Jordan ont été présentés au Tribunal dans le cadre de l’affaire Société de soutien et al. v. Canada, ils ne contenaient toutefois aucune indication quant au moment et à la durée des processus relatifs aux conférences de cas. Les documents révélaient que des processus relatifs aux conférences de cas et au règlement des conflits étaient en cours dans plusieurs cas et que les représentants du gouvernement fédéral ne disposaient pas des renseignements nécessaires pour caractériser la résolution de plusieurs autres cas. Dans les cas restants, les règlements mentionnés comprenaient notamment la prestation de services ponctuels pour des raisons humanitaires, la négociation à la baisse des prix des fabricants par le personnel de première ligne, ainsi que le renvoi à d’autres processus administratifs. Nous n’avons pas réussi à obtenir d’autres documents sur le nombre, la nature, les procédures ou le temps requis pour résoudre des cas liés au Principe de Jordan.

Le manque de transparence entourant la réponse gouvernementale au Principe de Jordan se traduit par une absence de responsabilité gouvernementale. L’information de base requise pour appuyer une évaluation rigoureuse et indépendante des processus relatifs au Principe de Jordan et assurer une réponse gouvernementale conforme aux obligations nationales et internationales du Canada n’est pas disponible à l’heure actuelle. S’inspirant d’un cadre relatif aux droits de la personne, UNICEF Canada a évalué la mise en œuvre du Principe de Jordan et demandé que les éléments suivants soient mis en application pour satisfaire aux « normes relatives aux droits de la personne en matière de transparence et de responsabilité » et, en bout de ligne, veiller à ce que le Principe de Jordan réponde aux besoins des enfants des Premières Nations :

« une définition commune et bien délimitée du Principe de Jordan, y compris les • circonstances et la manière dans le cadre desquelles une revendication peut être assujettie au Principe de Jordan; des normes en matière de temps de réponse; • l’identification claire de la personne-relais chargée d’accueillir les demandes; • un processus transparent et uniforme de règlement des conflits, y compris des méthodes de • comparaison et d’évaluation normalisées; un organisme indépendant de supervision; • un processus d’appel ancré dans l’équité des procédures;• l’attribution de ressources humaines et financières en quantité suffisante pour permettre la •

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mise en œuvre de la politique, y compris un budget (distinct du budget alloué aux services) pour la prise de décisions concernant les revendications;un accès régulier à des séances de formation et de renforcement des capacités pour les • fonctionnaires du gouvernement et les membres d’autres organismes de gouvernance pertinents, comme les organismes des Premières Nations; et un processus de surveillance et d’évaluation, y compris la présentation publique et • régulière de rapports sur les résultats et la gestion des cas. »107

ConclusionLes fonctionnaires fédéraux ont déclaré publiquement qu’ils n’étaient au courant d’aucun cas relatif au Principe de Jordan au Canada.108 Notre analyse suggère que cette assertion fait suite à la réponse gouvernementale qui restreint énormément la population d’enfants et la gamme de conflits de compétence pouvant être pris en considération dans le cadre du Principe de Jordan. La réponse du gouvernement exclut la plupart des enfants des Premières Nations des protections établies en vertu du Principe de Jordan, créant ainsi d’éventuelles disparités entre différents groupes d’enfants des Premières Nations. Par ailleurs, il incombe aux familles des enfants des Premières Nations vulnérables de transformer en conflits de compétence les inégalités connues en matière de services qui sont admissibles aux protections en vertu du Principe de Jordan. La famille d’un enfant des Premières Nations doit savoir, ou du moins se douter, qu’on lui refuse des services qui sont normalement offerts aux autres enfants. Elle doit se soumettre à un processus local de conférence de cas et porter la situation à l’attention d’un agent de coordination. Elle doit également cheminer à travers un long processus officiel de conférences de cas, comptant de nombreuses étapes. Ce n’est qu’après l’évaluation des normes provinciales ou territoriales et la déclaration d’un conflit de compétence, par le gouvernement fédéral et celui de la province ou du territoire, que les coûts des services sont couverts. Et même là, aucun mécanisme uniforme de paiement ou de remboursement n’est en place pour assurer qu’un fournisseur de services qui assume les coûts liés à la prestation d’un service durant le processus de conférences de cas et de règlement des conflits de compétence sera remboursé. Il n’y a pas non plus de supervision indépendante du processus permettant de déterminer les services devant être couverts. Il n’y a aucun recours, autres que d’onéreuses et longues poursuites juridiques, pour les familles qui voudraient contester un règlement obtenu dans le cadre d’un processus officiel de conférences de cas. Par conséquent, la réponse du gouvernement au Principe de Jordan ne correspond pas du tout à la vision du Principe de Jordan mise de l’avant par les Premières Nations et adoptée par la Chambre des communes, un principe qui place l’enfant d’abord en mettant en priorité, de façon systématique, l’intérêt des enfants des Premières Nations afin qu’ils reçoivent des services conformément aux principes liés aux droits de la personne, aux mandats constitutionnels et aux obligations en matière de traités que le Canada doit respecter.

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1 Neuendorf, K. A. (2002). The content analysis guidebook. Thousand Oaks, CA : SAGE Publications. 2 Blackstock, C., Prakash, T., Loxley, J., et Wien, F. (2005). Wen:de : Nous voyons poindre la lumière du jour (Phase II). Ottawa (ON) : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada. Extrait de : http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/docs/WendeReport_f.pdf 3 Voir, par exemple : Quiñonez, C.R. et Lavoie, L.G.. (2009). Existing on a boundary: The delivery of socially uninsured health services to Aboriginal groups in Canada. Humanity & Society, 33 (Feb/May), 35–55; Sinha, V. et Kozlowski, A. (2013). The structure of Aboriginal child welfare. International Indigenous Policy Journal, 4(2), 1–23.4 Cairns, H. A. C., Jaimeson, S. M., Lysyk, K., Tremblay, M.-A., Vallee, F. G., et Ryan, J. (1967). Étude sur les indiens contemporains du Canada : Besoins et mesures d’ordre économique, politique et éducatif ( Volumes I et II). 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Extrait de : http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/docs/WendeReport_f.pdf.14 Voir, par exemple : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations. (2011b). Principe de Jordan : Feuillet d’information. Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations. Extrait de : http://fncaringsociety.com/sites/default/files/jordans-principle/docs/JPfactsheet2011-fr.pdf15 Blackstock, C., Prakash, T., Loxley, J., et Wien, F. (2005). Wen:de : Nous voyons poindre la lumière du jour (Phase II). Ottawa (ON) : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada. Extrait de : http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/docs/WendeReport_f.pdf.16 Comité sénatorial permanent sur les Droits de la personne. (2005). Qui dirige, ici? Mise en œuvre efficace des obligations internationales du Canada relatives aux droits des enfants. Ottawa (ON) : Parlement du Canada. 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crie de Wuskwi Sipihk, la Nation crie de Mathias Colomb, la Nation crie d’Opaskwayak, la Nation crie de Sapotewayek, la Nation crie de Mosakahiken, la Première Nation de Grand Rapids et la Nation crie de Chemawawin, requérants, c. Sa Majesté La Reine du chef du Canada, représentée le Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, intimée [1999] A.C.F. No 82 Numéro de greffe T-383-98 Cour fédérale du Canada - Section de première instance, Manitoba Hargrave, protonotaire 21 janvier 1999, A.C.F. No 82 Numéro de greffe T-383-98 (1999).23 Blaney, S. Affaires émanant des députés (2007). Ottawa (ON) : Parlement du Canada. Extrait de : http://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3179270&Mode=1&Language=F 24 Ibid.25 Affaires indiennes et du Nord Canada. (12 décembre 2007). Déclaration du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits ainsi que du ministre fédéral de la Santé concernant la motion 296, le Principe de Jordan [communiqué de presse]. Extrait de : http://nouvelles.gc.ca/web/article-fr.do?nid=367659 26 Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations. (n.d.). Principe de Jordan - Supporteurs. Extrait le 3 décembre 2014 de : http://www.fncfcs.com/fr/campaignsupporters/jordan 27 Blumenthal, A., & Sinha, V. (In Press). No Jordan’s Principle Cases in Canada? A Review of the Administrative Response to Jordan’s Principle. International Indigenous Policy Journal.28 Ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada et interlocuteur fédéral auprès des Métis et des Indiens non inscrits. (2010). Rapport d’étape sur les initiatives autochtones du gouvernement du Canada (2009-2010). Ottawa : Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, p. 22. Extrait de : https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100014723/1100100014731 29 Ibid.30 Société canadienne de pédiatrie. (2012). En faisons-nous assez? Un rapport de la situation des politiques publiques canadiennes et de la santé des enfants et des adolescents. Extrait de : http://www.cps.ca/advocacy/RapportSituation2012_.pdf 31 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (2011). Document d’information - Mise en œuvre du Principe de Jordan en Saskatchewan. Extrait de : http://www.ainc-inac.gc.ca/ai/mr/nr/s-d2009/bk000000451-fra.asp (Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, 2011a)32 Lerat, E. (25 juin 2012). Objet : Principe de Jordan. Lettre, obtenue sur demande.33 Gouvernement de la Saskatchewan et gouvernement du Canada. (2012). Protocole définitif de règlement de conflit bilatéral (document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information).34 Turpel-Lafond, M.-E. (2008). 2008 Progress Report on the Implementation of Recommendations of the BC Children and Youth Review to the Legislative Assembly. Victoria (C.-B.) : Representative for Children and Youth. Extrait de : http://www.rcybc.ca/sites/default/files/documents/pdf/reports_publications/2008_progress_report.pdf 35 Gouvernement du Canada. (23 avril 2012). Notes pour la période de questions : Conseils au ministre - Premières Nations - Principe de Jordan’ - Financement. Document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.36 Gouvernement du Canada. (24 novembre 2010). Principe de Jordan : Participation fédérale/provinciale sur le Principe de Jordan. Document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Extrait de : http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/jordans-principle/docs/JP_Implementation_chart_INAC_November_24_2010.pdf 37 Garrick, R. (30 avril 2009). Beardy applauds support of Jordan’s Principle. Wawatay News Online. Sioux Lookout (Ontario). Extrait de : http://wawataynews.ca/archive/all/2009/4/30/Beardy-applauds-support-of-Jordans-Principle_16478 38 Ibid., p. 17.39 Société canadienne de pédiatrie. (2009). En faisons-nous assez? Un rapport de la situation des politiques publiques canadiennes et de la santé des enfants et des adolescents, édition 2009. Extrait de : http://www.cps.ca/advocacy/RapportSituation2012_.pdf ; Société canadienne de pédiatrie. (2012). En faisons-nous assez? Un rapport de la situation des politiques publiques canadiennes et de la santé des enfants et des adolescents. Extrait de : http://www.cps.ca/advocacy/RapportSituation2012_.pdf. 40 Ibid.41 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (21 juin 2013). Principe de Jordan. Extrait le 30 juin 2013, de : http://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1334329827982/1334329861879; Federation of Saskatchewan Indian Nations, gouvernement de la Saskatchewan et gouvernement du Canada. (2009). Mise en œuvre provisoire du Principe de Jordan en Saskatchewan; Mandat des représentants du groupe de travail. (2009). Jordan’s Principle dispute resolution preliminary report (Divulgation de CAN022748_0001 à CAN022748_0033).

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42 Robinson, B. J. (5 octobre 2011). Témoignage de Mme Barbara Jean Robinson. Numéro de greffe T-1045-11. Compte rendu textuel.43 Chefs des Premières Nations du Nouveau-Brunswick, gouvernement du Nouveau-Brunswick et gouvernement du Canada. (2011). Déclaration conjointe sur le Principe de Jordan au Nouveau-Brunswick (document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information), p. 11. Fredericton (N.-B.) : Ministère du Développement social.44 Ibid.45 Baggley, C. (2014a). Tribunal canadien des droits de la personne : Témoignage livré le 30 avril 2014. Ottawa (ON) Extrait de : http://www.livestream.com/aptnnationalnews2/video/pla_34b5b4e9-85a8-4fa0-bcf4-634a055f6138 .46 Chefs des Premières Nations du Nouveau-Brunswick, gouvernement du Nouveau-Brunswick et gouvernement du Canada. (2011). Déclaration conjointe sur le Principe de Jordan au Nouveau-Brunswick (document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information), p. 3. Fredericton (N.-B.) : Ministère du Développement social. 47 Ibid.48 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (21 juin 2013). Principe de Jordan. Extrait le 30 juin 2013 de : http://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1334329827982/1334329861879; Affaires indiennes et du Nord Canada. (8 octobre 2010). Jordan’s Principle: Key messages. Document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Extrait de : http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/docs/A201003015_2011.pdf.49 Résolution no 63/2008 : Mise en œuvre du Principe de Jordan. Assemblée extraordinaire des Chefs de l’Assemblée des Premières Nations. Extrait du site de l’APN : http://64.26.129.156/article.asp?id=444250 Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, gouvernement de la Saskatchewan et gouvernement du Canada. (2009). Mise en œuvre provisoire du Principe de Jordan’ en Saskatchewan; Chefs des Premières Nations du Nouveau-Brunswick, gouvernement du Nouveau-Brunswick et gouvernement du Canada. 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Extrait de : http://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=4966741&Mode=1&Parl=40&Ses=3&Language=F 54 Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord du Canada) (2014), CHRT T1340/7008 (Plaidoirie de la Société de soutien, plaignante). Extrait de : http://www.fncaringsociety.ca/sites/default/files/Caring%20Society%20-%20Closing%20Submissions.pdf55 Bourassa, C. (2010). Summary Review of the Manitoba Child Welfare System for the Saskatchewan Child Welfare Review Report (Final Submission to the Saskatchewan Child Welfare Review Panel). Saskatoon (SK) : The Saskatchewan Child Welfare Review. Extrait de : http://saskchildwelfarereview.ca/Review-Manitoba-Child-Welfare-System-CBourassa.pdf; Fédération des Nations indiennes de la Saskatchewan. (2008). Information note. Regina, SK: Federation of Saskatchewan Indian Nations; Woodgate, R. 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Pourquoi l’équité dans le financement des services de santé dans les réserves des Premières nations est importante : constatations de l’évaluation nationale de 2005 de la Politique de transfert des services de santé. Politiques de santé, 2(4), 79–96.60 Sinha, V. et Kozlowski, A. (2013). The structure of Aboriginal child welfare. International Indigenous Policy Journal, 4(2), 1–23.

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61 Simeone, T. (2011). Les Premières Nations : la question de l’éducation. Enjeux courants et émergents – 41e législature Ottawa (ON) : Bibliothèque du Parlement. Extrait de : http://www.parl.gc.ca/Content/LOP/ResearchPublications/cei-12-f.htm 62 Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. v. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord du Canada) (2014), CHRT T1340/7008 (Plaidoirie du répondant), au para. 219. Extrait de : http://www.fncaringsociety.ca/sites/default/files/Federal%20Government%20Closing%20Statements.pdf. 63 Ibid., para. 24.64 Ibid., para. 222.65 Blackstock, C., Prakash, T., Loxley, J., et Wien, F. (2005). Wen:de : Nous voyons poindre la lumière du jour (Phase II). Ottawa (ON) : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada. Extrait de : http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/docs/WendeReport_f.pdf.; Vérificateur général du Canada. (2008). Le programme des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations — Affaires indiennes et du Nord Canada (Rapport de la vérificatrice générale du Canada). Ottawa (ON) : Bureau du vérificateur général du Canada. Extrait de : http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_oag_200805_04_f_30700.html;66 Le Conseil de bande de Pictou Landing et Maurina Beadle c. le Procureur général du Canada, 2013 C.F. 342, au par. 86. Extrait de : http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/Ruling-%20Fed%20Court%20Beadle%20and%20Pictou%20Landing%20FN.pdf 67 Terms of Reference Officials Working Group. (2009). Jordan’s Principle dispute resolution preliminary report (Divulgation de CAN022748_0001 à CAN022748_0033). 68 Ibid., p. 12.69 Ibid., pp. 13-14.70 Ibid., p. 15.71 Ibid.72 Le Conseil de bande de Pictou Landing et Maurina Beadle c. le Procureur général du Canada, 2013 C.F. 342, au par. 86. Extrait de : http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/Ruling-%20Fed%20Court%20Beadle%20and%20Pictou%20Landing%20FN.pdf 73 Chefs des Premières Nations du Nouveau-Brunswick, gouvernement du Nouveau-Brunswick et gouvernement du Canada. (2011). Déclaration conjointe sur le Principe de Jordan au Nouveau-Brunswick (document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information). Fredericton (N.-B.) : Ministère du Développement social.74 Baggley, C. (2014b). Tribunal canadien des droits de la personne : Témoignage livré le 1 mai 2014. Ottawa (ON) Extrait de : http://www.livestream.com/aptnnationalnews2/video/pla_34b5b4e9-85a8-4fa0-bcf4-634a055f6138. 75 Terms of Reference Officials Working Group. (2009). Jordan’s Principle dispute resolution preliminary report (Divulgation de CAN022748_0001 à CAN022748_0033). 76 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (21 juin 2013). Principe de Jordan. Extrait le 30 juin 2013, de : http://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1334329827982/1334329861879.77 Chefs des Premières Nations du Nouveau-Brunswick, gouvernement du Nouveau-Brunswick et gouvernement du Canada. (2011). Déclaration conjointe sur le Principe de Jordan au Nouveau-Brunswick (document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information). Fredericton (N.-B.) : Ministère du Développement social. 78 Gouvernement du Canada. (23 avril 2012). Notes pour la période de questions : Conseils au ministre - Premières Nations - Principe de Jordan’ - Financement. Document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. 79 Ibid.80 Ibid.81 Ibid.82 Chefs des Premières Nations du Nouveau-Brunswick, gouvernement du Nouveau-Brunswick et gouvernement du Canada. (2011). Déclaration conjointe sur le Principe de Jordan au Nouveau-Brunswick (document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information), p. 3. Fredericton (N.-B.) : Ministère du Développement social. 83 Chefs des Premières Nations du Nouveau-Brunswick, gouvernement du Nouveau-Brunswick et gouvernement du Canada. (2011). Déclaration conjointe sur le Principe de Jordan au Nouveau-Brunswick (document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information). Fredericton (N.-B.) : Ministère du Développement social.84 Lavoie, J. G., Forget, E., & O’Neil, J. D. (2007). Pourquoi l’équité dans le financement des services de santé dans les réserves des Premières nations est importante : constatations de l’évaluation nationale de 2005 de la Politique de transfert des services de santé. Politiques de santé, 2(4), 79–96; Sinha, V. et Kozlowski, A. (2013). The structure of

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Aboriginal child welfare. International Indigenous Policy Journal, 4(2), 1–23. 85 Chefs des Premières Nations du Nouveau-Brunswick, gouvernement du Nouveau-Brunswick et gouvernement du Canada. (2011). Déclaration conjointe sur le Principe de Jordan au Nouveau-Brunswick (document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information), p. 5. Fredericton (N.-B.) : Ministère du Développement social. 86 La Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. le Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord du Canada) (2012), CHRT T1340/7008 (Mémoire des faits et du droit à titre d’appelant au par. 68). Extrait de : http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/jordans-principle/docs/Beadle_RespondentFactum.pdf 87 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (21 juin 2013). Principe de Jordan. Extrait le 30 juin 2013, de : http://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1334329827982/1334329861879. 88 Gouvernement du Canada. (23 avril 2012). Notes pour la période de questions : Conseils au ministre - Premières Nations - Principe de Jordan’ - Financement. Document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. 89 Resolution 1(n)/2012: Creation of BC Tripartite Joint Statement on Jordan’s Principle. Assemblée extraordinaire des Chefs de l’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique. Extrait du site Web de l’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique (BCAFN) : http://www.bcafn.ca/files/documents/BCAFNResolution01n.pdf; Resolution 63/2008: Implementation of Jordan’s Principle. Assemblée extraordinaire des Chefs de l’Assemblée des Premières Nations. Extrait du site de l’APN : http://64.26.129.156/article.asp?id=4442. 90 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (2012). 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Présenté à la réunion des techniciens en santé des Premières Nations, Halifax (N.-É.).96 Baggley, 2014, tel que cité dans l’affaire Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord du Canada) (2014), CHRT T1340/7008 (Plaidoirie de la Société de soutien, plaignante). Extrait de : http://www.fncaringsociety.ca/sites/default/files/Caring%20Society%20-%20Closing%20Submissions.pdf97 Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. v. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord du Canada) (2014), CHRT T1340/7008 (Plaidoirie de la Société de soutien, plaignante). Extrait de : http://www.fncaringsociety.ca/sites/default/files/Caring%20Society%20-%20Closing%20Submissions.pdf98 Blackstock, C. (2009). L’histoire de Jordan : Comment un garçon a inspiré de grands changements. Toronto (ON) : UNICEF. Extrait de : http://www.unicef.ca/sites/default/files/imce_uploads/UTILITY%20NAV/MEDIA%20CENTER/PUBLICATIONS/FRENCH/Pour%20tous%20les%20enfants_sans%20exception%2009.pdf.99 Procureur général du Canada. (2008). Le programme des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations — Affaires indiennes et du Nord Canada (Rapport de la vérificatrice générale du Canada). Ottawa (ON) : Bureau du vérificateur général du Canada. Extrait de : http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_oag_200805_04_f_30700.html; Blackstock, C., Cross, T., George, J., Brown, I., et Formsma, J. (2006). Réconciliation en matière de protection de l’enfance : pierres de touche d’un avenir meilleur pour les enfants, les jeunes et les familles autochtones. Ottawa (ON) et Portland (OR) : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et National Indian Child Welfare Association. 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consulter - Mars 2011. Ottawa (ON) : Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Extrait de : http://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100014664/1100100014675; Boyer, Y. (2003). Aboriginal health: A constitutional rights analysis (No. 1). Ottawa (ON) : Organisation nationale de la santé autochtone. Extrait de : http://www.naho.ca/documents/naho/english/publications/DP_crowns_obligation.pdf 101 Santé Canada. (2010). Travailler ensemble pour améliorer l’accès aux services de santé pour les Autochtones (brochure). Extrait de : http://www.hc-sc.gc.ca/fniah-spnia/services/acces/oll-rlr-fra.php.102 La Banque mondiale. (2011). Supporting open and collaborative governance. Washington (D.C.) : La Banque mondiale. Extrait de : http://wbi.worldbank.org/wbi/Data/wbi/wbicms/files/drupal-acquia/wbi/governance2011_nospread.pdf103 Kaufmann, D. (2004). Human rights and governance: The empirical challenge. Présenté dans le cadre de la conférence Human Rights and Development: Towards Mutual Reinforcement, New York, NY. Extrait de : http://siteresources.worldbank.org/INTWBIGOVANTCOR/Resources/humanrights.pdf; Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. (n.d.). Questions fréquentes au sujet d’une approche de la coopération pour le développement fondée sur les droits de l’homme (No. HR/PUB/06/8). Genève : Le Haut Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme.104 Réseau national des techniciens en santé des Premières Nations. (2009). Procès-verbal de la réunion. Présenté à la réunion des techniciens en santé des Premières Nations, à Halifax (N.-É.). 105 Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. v. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord du Canada) (2014), CHRT T1340/7008 (Plaidoirie de la Société de soutien, plaignante, au par. 411). Extrait de : http://www.fncaringsociety.ca/sites/default/files/Caring%20Society%20-%20Closing%20Submissions.pdf106 Affaires indiennes et du Nord Canada. (8 octobre 2010). Jordan’s Principle: Key messages, p. 54. Document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Extrait de : http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/docs/A201003015_2011.pdf; Gouvernement du Canada et gouvernement de la Nouvelle-Écosse. (18 février 2010). Compte rendu de décisions : Réunion exploratoire sur le Principe de Jordan, p. 2. Document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.107 UNICEF Canada (2012). Invited Response to Concluding Observations for the United Nations Committee on the Elimination of Racial Discrimination: Canada’s 19th and 20th reports on the International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (CERD) (Mémoire présenté par UNICEF Canada au Programme des droits de la personne, ministère du Patrimoine canadien, gouvernement du Canada), pp. 4-5. Toronto (ON) : UNICEF Canada. Extrait de : http://www.unicef.ca/sites/default/files/imce_uploads/submission_by_unicef_canada_re_cerd_concluding_observations_for_canada_aug_2012_final.pdf108 Gouvernement du Canada. (23 avril 2012). Notes pour la période de questions : Conseils au ministre - Premières Nations - Principe de Jordan’ - Financement. (Document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information). Affaires indiennes et du Nord Canada. (8 octobre 2010). Jordan’s Principle: Key messages. Document obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Extrait de : http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/docs/A201003015_2011.pdf

Références pour les exemples de cas :

Case 1: Sinha, V., & Blumenthal, A. (2014). From The House Of Commons resolution to Pictou Landing Band Council and Maurina Beadle v. Canada: An update on the implementation of Jordan’s Principle. First Peoples Child & Family Review, 9(1). Retrieved from http://journals.sfu.ca/fpcfr/index.php/FPCFR/article/view/232; First Nations Child &Family Caring Society (n.d.). Jordan’s Principle - Beadle & Pictou Landing v. Canada court case. (n.d.). Retrieved from http://www.fncaringsociety.com/jordans-principle-beadle-pictou-landing-v-canada-court-case

Case 2: First Nations Child and Family Caring Society of Canada et al. v. Attorney General of Canada. (for the Minister of Indian Affairs and Northern Development Canada) (2012), CHRT T1340/7008 (Complainant Caring Society’s Closing Arguments). Retrieved from http://www.fncaringsociety.ca/sites/default/files/Caring%20Society%20-%20Closing%20Submissions.pdf; Assembly of First Nations, & First Nations Child & Family Caring Society. (2007). Human Rights Commission complaint form. Retrieved from http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/Caring%20Society_AFN%20HR%20complaint%202007.pdf

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Jordan'sPrinciple

Chapitre 3 : Les cas liés au Principe de Jordan dans le

contexte des services de santé et de protection de l’enfance

Membres de l’équipe de recherche

Vandna SinhaUniversité McGill

Molly ChurchillUniversité McGill

Lucyna LachUniversité McGill

Anne BlumenthalUniversité du Michigan

Josée G. LavoieUniversité du Manitoba

Nico TrocméUniversité McGill

Citation recommandée : Sinha, V., Churchill, M., Lach, L., Blumenthal, A., Lavoie, J.G., Trocmé ,N. (2015). Chapitre 3 : Les cas liés au Principe de Jordan dans le contexte des services de santé et de protection de l’enfance. Dans Le groupe de travail sur le Principe de Jordan. (2015). Sans déni, délai ou interruption : veiller à ce que les enfants des Premières Nations bénéficient de services équitables par l’entremise du Principe de Jordan. Ottawa (Ontario) : Assemblée des Premières Nations.

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Dans le présent chapitre, nous utilisons l’analyse de la réponse du gouvernement au Principe de Jordan présentée au Chapitre 2, pour décrire le contexte plus large des cas liés au Principe de Jordan. Nous synthétisons l’examen des documents résumés au chapitre 2, une analyse documentaire, et les résultats des entrevues exploratoires menées auprès de professionnels de la santé et de spécialistes de la protection de l’enfance. Nous mettons plus précisément l’accent sur les services de santé et de protection de l’enfance, deux domaines dans le cadre desquels le Principe de Jordan a fait l’objet de nombreuses discussions. Afin de pouvoir examiner le contexte dans lequel surviennent des conflits de compétence, nous devons d’abord analyser la documentation existante pour décrire les structures complexes des services de santé et de protection de l’enfance offerts aux enfants des Premières Nations, et pour présenter un aperçu du sous-financement rampant et bien documenté de ces services. Nous nous fondons ensuite sur la documentation existante et les données tirées des entrevues pour examiner les ambiguïtés en matière de compétence pouvant donner lieu à des conflits. Nous avons constaté que la structure des services destinés aux enfants des Premières Nations pose aux familles des Premières Nations des difficultés uniques en ce qui a trait à l’accès aux services. En continuant à nous fonder sur les données tirées des entrevues et sur la documentation existante, nous examinons les avenues que peuvent suivre les cas liés à des conflits de compétence qui ne sont pas reconnus comme des cas liés au Principe de Jordan aux termes de la réponse du gouvernement. Nous décrivons ensuite les lacunes et les disparités existantes en matière de services, ainsi que les efforts extraordinaires que doivent déployer les familles, les communautés et les fournisseurs de services pour accéder aux services offerts aux enfants des Premières Nations. Dans ce chapitre, nous examinons les différences en matière de normes et de pratiques qui peuvent découler des lacunes et des disparités en matière de services, ainsi que les manières dont le déni de services équitables aux enfants des Premières Nations peut éventuellement mener à des interventions beaucoup plus invasives de la part des systèmes de santé et de protection de l’enfance. Les éléments de preuve présentés ici illustrent la nécessité pour le gouvernement d’offrir une réponse au Principe de Jordan qui reflète la vision mise de l’avant par les Premières Nations et endossée par la Chambre des communes : une vision dans le cadre de laquelle les dénis, délais et interruptions de services offerts aux enfants des Premières Nations, attribuables à des confits de compétence, sont éliminés. Toutefois, les éléments de preuve démontrent également la difficulté qui accompagne la réalisation complète de cette vision. Les systèmes des services de santé et de protection de l’enfance sont à ce point complexes et fragmentés que, même avec une réponse gouvernementale qui reflète cette vision du Principe de Jordan, il est peu probable que tous les cas pouvant être liés au Principe de Jordan puissent être repérés. Tant et aussi longtemps que le sous-financement et les ambiguïtés sous-jacentes en matière de compétence ne seront pas réglés, les enfants dont le cas lié au Principe de Jordan n’est pas reconnu continueront à être victimes de lacunes et de disparités en matière de services, ainsi que de situations exigeant le déploiement d’efforts démesurés pour accéder aux services. Par conséquent, pour mieux assumer leurs responsabilités en vertu des lois et des ententes nationales et internationales, ainsi que leurs obligations découlant de traités, envers les peuples des Premières Nations, le gouvernement

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fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent travailler en partenariat avec les Premières Nations pour corriger, de façon constante et systématique, le sous-financement et les ambiguïtés sous-jacentes en matière de compétence qui sont à la source des cas liés au Principe de Jordan.

MéthodesTel qu’illustré au Tableau 1, l’analyse présentée repose sur trois sources de données : 1) l’examen systématique de documents liés au Principe de Jordan décrits dans le chapitre précédent, 2) un examen de la portée de la documentation universitaire et de la littérature grise portant sur les services de santé et de protection de l’enfance offerts aux enfants des Premières Nations, et 3) vingt-cinq entrevues exploratoires menées auprès d’intervenants clés œuvrant dans les domaines de la santé et de la protection de l’enfance. L’analyse de la réponse du gouvernement au Principe de Jordan qui a été présentée au chapitre 2 sert de cadre à l’analyse offerte dans le présent chapitre, pour nous aider à comprendre les concepts clés examinés et les relations qui existent entre ces concepts et le Principe de Jordan. L’analyse documentaire est à la base de notre description du contexte structurel des conflits de compétence. Tel que décrit ci-dessous, l’information tirée de l’analyse documentaire a également servi à vérifier et à compléter les données tirées des entrevues, qui décrivent les contextes et les avenues actuelles des cas comportant des conflits de compétence.

Vingt-cinq entrevues ont été menées auprès de professionnels de la santé et de spécialistes de la protection de l’enfance qui disposaient d’une expérience directe en matière de prestation et de revendication de services pour les enfants des Premières Nations, ainsi que de l’expérience requise pour comparer les processus d’accès aux services pour les autres enfants. Trois approches ont été adoptées pour recruter les intervenants clés interviewés. Premièrement, des volontaires ont été recrutés par l’entremise d’un webinaire s’adressant à des spécialistes de la santé pédiatrique, organisé par l’Association canadienne des centres de santé pédiatriques. Deuxièmement, les membres de l’équipe de recherche ont repéré et recruté des spécialistes de la protection de l’enfance au moyen de projets de recherche précédents, dont l’Étude canadienne sur l’incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants. Troisièmement, les membres du groupe de travail sur le Principe de Jordan ont également contribué directement au repérage et au recrutement des personnes interviewées. D’autres efforts de recrutement ont aussi été déployés, notamment une technique d’échantillonnage en boule de neige dans le cadre de laquelle on a demandé aux personnes interviewées de proposer les noms d’autres personnes susceptibles de connaître les différences au niveau des processus d’accès aux services destinés aux Premières Nations et aux autres enfants, et qui pouvaient être intéressées à participer à notre étude.

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Tableau 1. Méthodes de collecte des données et types de données analysées Méthode d’identification Types de données identifiées

Examen systématique

de la documentation

relative au Principe de

Jordan

Recherche systématique dans les bases de données universitaires, législatives et du Web

Articles universitaires, rapports publiés par des organisations non gouvernementales, rapports gouvernementaux accessibles au public

Demandes d’accès à l’information et requêtes directes auprès des ministères

Ententes relatives au Principe de Jordan

Autres méthodes de recherche

Rapports d’organisations non gouvernementales, rapports ou notes de service internes du gouvernement, rapports gouvernementaux accessibles au public

Examen exploratoire des services offerts

aux enfants des Premières

Nations

Recherches ciblées sur le Web au sujet des services de santé et de protection de l’enfance pour les enfants des Premières Nations

Articles universitaires, rapports publiés par des organisations non gouvernementales, rapports gouvernementaux accessibles au public

Examen de la bibliographie des documents déjà obtenus

Examen des documents rendus accessibles au public grâce à l’espèce devant le Tribunal canadien des droits de la personne

Rapports ou notes de service internes du gouvernement

Entrevues avec des

informateurs clés

1ère phase de recrutement par l’entremise d’un webinaire de l’Association canadienne des centres de santé pédiatriques

1ère phase de recrutement au moyen des contacts de membres de l’équipe de recherche et du Groupe de travail sur le Principe de Jordan

2ème phase de recrutement par échantillonnage guidé par le répondant

10 intervenants ou administrateurs de la protection de l’enfance, de 7 agences de la protection de l’enfance, dans 4 provinces et(ou) territoires

17 professionnels des soins de santé, de 7 organisations dans 4 provinces et(ou) territoires.

L’échantillon final se composait de 10 intervenants en protection de l’enfance et de 17 intervenants en santé (plusieurs spécialistes en soins de santé ont été interviewés au cours d’une même entrevue), provenant de six provinces. Au nombre des professionnels de la santé interviewés, on retrouvait des pédiatres, une infirmière, des défenseurs des patients, des navigateurs des SSNA, un analyste des politiques en santé et des travailleurs sociaux dans le milieu pédiatrique et médical. Les personnes interrogées ont été recrutées dans des hôpitaux pour enfants, au sein d’organisations provinciales ou régionales de Chefs des Premières Nations, ainsi que dans les réseaux des techniciens en santé des Premières Nations. Elles travaillaient dans quatre provinces et territoires; l’échantillon comprenait au moins deux professionnels de la santé pour

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chacune de ces provinces ou territoires. Les spécialistes de la protection de l’enfance interviewés comprenaient des administrateurs et des travailleurs en protection de l’enfance provenant de sept organismes provinciaux et des Premières Nations de protection de l’enfance dans quatre provinces; l’échantillon comprenait au moins deux spécialistes en protection de l’enfance pour chacune de ces provinces. Les efforts pour recruter des spécialistes en protection de l’enfance ont principalement été menés auprès d’organismes ou bureaux provinciaux, territoriaux et des Premières Nations responsables de la protection de l’enfance qui desservent des populations à l’intérieur comme à l’extérieur des réserves; cinq des organismes ou bureaux responsables de la protection de l’enfance représentés dans l’échantillon se trouvent dans cette catégorie. Toutefois, la délégation rapide aux Premières Nations des services de protection de l’enfance dans les réserves a contribué à réduire de façon significative le nombre d’organismes qui desservent des communautés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des réserves.1 Par conséquent, il était difficile de recruter d’autres personnes provenant d’organismes desservant des communautés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des réserves, et les deux dernières entrevues ont été menées auprès de travailleurs ou d’administrateurs œuvrant dans des organismes qui ne desservaient que des populations vivant dans des réserves.i Les personnes interviewées dans ces deux organismes étaient en mesure de comparer le financement fédéral et les processus administratifs s’appliquant aux enfants des Premières Nations (Indiens inscrits) desservis par leurs organismes au financement et aux processus provinciaux s’appliquant aux enfants ne possédant pas le statut d’Indien desservis par leurs organismes. Par ailleurs, ils sont parvenus, à l’occasion, à établir des comparaisons entre les services offerts à l’intérieur et à l’extérieur des réserves, ou aux membres des Premières Nations et aux non-Autochtones à partir d’expériences antérieures ou de leurs connaissances indirectes d’autres organismes.

Même si les normes en matière de pratiques, les modèles et les approches des organismes et bureaux responsables de la protection de l’enfance peuvent grandement varier, le travail de ces organismes ou bureaux est malgré tout régi par un ensemble relativement uniforme de décisions cliniques; par conséquent, les entrevues relatives à la protection de l’enfance étaient orientées par une fiche de décisions communes prises dans des cas liés à la protection de l’enfance. La fiche, qui a été développée avec l’aide d’un groupe de discussion composé d’anciens spécialistes de la protection de l’enfance provenant de trois provinces, abordait la totalité du cycle de prise de décisions liées à la protection de l’enfance, de la saisie des renseignements et de l’enquête jusqu’aux multiples conclusions possibles des cas. Les personnes interviewées

i Le nombre limité d’organismes ou bureaux responsables de la protection de l’enfance desservant des communautés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des réserves a également influencé nos décisions en ce qui a trait à la présentation des données tirées des entrevues. Dans plusieurs provinces et territoires, au plus trois organismes ou bureaux desservent ces communautés, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des réserves; par conséquent, l’identification de la provenance géographique des personnes interviewées pourrait éventuellement permettre d’identifier les organismes ou bureaux où travaillent les personnes interrogées. Afin de protéger l’anonymat des personnes interviewées, les renseignements se rapportant aux provinces et aux territoires représentés dans l’échantillon ne figurent pas dans le présent chapitre.

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ont été systématiquement guidées à travers les décisions figurant dans cette fiche (p. ex., les décisions liées à la tenue de l’enquête, pour prouver les mauvais traitements, pour demander une ordonnance de la cour, ou pour sortir un enfant de son domicile); on leur a demandé de dresser une liste des différences au niveau des processus de prise de décisions pour les enfants des Premières Nations vivants à l’intérieur et à l’extérieur des réserves, ainsi que les différences en matière de processus concernant un enfant des Premières Nations et un autre enfant vivant dans la même communauté, mais hors réserve.

La gamme des services offerts par les organismes de santé auxquels les personnes du domaine de la santé interviewées appartenaient, ainsi que les rôles que jouaient ces dernières étaient plus diversifiés que ceux des personnes qui œuvraient dans le domaine de la protection de l’enfance. Par conséquent, il n’a pas été possible d’élaborer un schéma des décisions cliniques communes qui aurait permis d’orienter les entrevues des professionnels de la santé. Ces entrevues ont plutôt été axées sur des profils cliniques et des types de services précis. Par exemple, on a demandé aux personnes interviewées de comparer les processus d’accès et de prestation des services, à l’intérieur et à l’extérieur des réserves, offerts aux enfants des Premières Nations présentant des handicaps complexes. On leur a également demandé de comparer l’accès, à l’intérieur et à l’extérieur des réserves, à des types précis de services, notamment : le transport médical, les dispositifs d’aide, la physiothérapie et l’ergothérapie, les soins de relève (répit) et le soutien à domicile. On a aussi demandé aux personnes du domaine de la santé interviewées de comparer les processus relatifs à la prestation de services aux enfants des Premières Nations et aux autres enfants vivant à l’extérieur d’une réserve. Durant les entrevues menées auprès des professionnels de la santé et des spécialistes de la protection de l’enfance, lorsque les personnes interrogées ne possédaient pas d’expérience directe pour effectuer, avec certitude, des comparaisons entre les services offerts à l’intérieur et à l’extérieur des réserves, ou d’autres comparaisons, on leur a demandé de décrire, compte tenu de leurs connaissances, les difficultés liées à l’accès aux services et à la prestation de ces derniers. Les renseignements découlant de ces comparaisons ont été compilés et vérifiés au moyen des méthodes décrites ci-dessous.

Les entrevues ont d’abord fait l’objet d’un enregistrement audio. Des notes sur les différences relatives à l’accès aux services et à leur prestation ont ensuite été compilées à partir des enregistrements. Les exemples de différences de processus figurant dans ces notes ont ensuite été vérifiés au moyen de nombreux processus de comparaison. Les problèmes d’accès aux services pour les enfants des Premières Nations mentionnés par les personnes interrogées étaient parfois liés à des facteurs sociodémographiques, comme la pauvreté et l’éloignement géographique, qui peuvent également avoir une incidence sur l’accès aux services pour d’autres enfants. La première étape de la vérification consistait à examiner les comparaisons faites dans le cadre de chaque entrevue afin de déterminer si la personne interviewée mentionnait une différence de processus qui ne s’appliquait qu’aux enfants des Premières Nations, ou si d’autres enfants pouvaient aussi rencontrer les mêmes problèmes d’accès aux services. Les réponses obtenues dans le cadre de

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chaque entrevue ont aussi été comparées entre elles, afin de repérer les thèmes récurrents dans les différentes entrevues et les domaines de services. Par ailleurs, les réponses fournies dans le cadre des entrevues ont été vérifiées, et une explication des thèmes communs a été fournie, en comparant les réponses obtenues aux documents de politiques accessibles au public et aux documents de recherche existants. Dans ce rapport, nous ne présentons que des exemples d’entrevue qui reflètent des embûches relatives à la prestation de services ayant pu être vérifiées au moyen d’au moins une comparaison et étant liées à la structure des services offerts aux enfants des Premières Nations.

Veuillez noter que l’échantillon d’entrevues était restreint, et que les entrevues elles-mêmes étaient de nature exploratoire. Les résultats présentés ici visent à illustrer les grands défis auxquels sont confrontées les familles des Premières Nations qui veulent obtenir des services pour leurs enfants et à mettre l’accent sur la nécessité pour le gouvernement d’adopter des mesures pour corriger la situation. Les résultats ne proposent pas un survol exhaustif des ambiguïtés en matière de compétence, du sous-financement, des lacunes et des disparités, ou des autres défis liés aux services en matière de santé et de protection de l’enfance pour les enfants des Premières Nations. En fait, compte tenu des variations complexes et des changements continus, en ce qui a trait à la législation, aux normes en matière de pratique, aux ententes de financement et aux systèmes de prestation de services dans les différents domaines de service, ainsi que dans les administrations provinciales, territoriales et des Premières Nations, un examen complet exigerait une collaboration intergouvernementale soutenue, et dépasserait probablement le cadre d’une seule étude.

Le contexte structurel des conflits de compétence Lorsque nous avons examiné les contextes structurels des conflits d’interprétation des compétences gouvernementales quant à la prestation et au paiement des services offerts aux enfants des Premières Nations (“conflits de compétence”), nous nous sommes basés sur la définition opérationnelle de conflit de compétence qui est apparue à la suite de l’analyse de la réponse du gouvernement au Principe de Jordan. Un conflit de compétence existe chaque fois que:

une ambiguïté au sujet de la responsabilité concernant le financement ou la prestation d’un 1. service donne lieu à un déni, un délai ou une interruption de services; ou les ressources fournies par un gouvernement ou un ministère sont insuffisantes pour 2. permettre à un autre gouvernement ou ministère d’assurer la prestation des services conformément à des pratiques correspondant aux normes législatives.2

Lorsque défini de cette manière, un conflit de compétence peut découler de l’une ou l’autre des deux conditions indépendantes suivantes : un sous-financement ou une ambiguïté en matière de compétence. Un sous-financement existe chaque fois que les ressources disponibles sont

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insuffisantes pour permettre la prestation en temps opportun de services équitables. Un conflit de compétence existe chaque fois qu’un sous-financement de la part d’un gouvernement ou d’un ministère empêche la prestation en temps opportun de services équitables par un autre gouvernement ou ministère. Une ambiguïté en matière de compétence existe chaque fois que les rôles et responsabilités de différents gouvernements ou ministères ne sont pas clairement établis. Un conflit de compétence existe chaque fois qu’une ambiguïté en matière de compétence empêche la prestation en temps opportun de services équitables. Il peut y avoir à la fois sous-financement et ambiguïté en matière de compétence, mais l’un d’entre eux peut à lui seul donner lieu à un conflit de compétence. Dans les sections qui suivent, nous examinons la structure des services de santé et de protection de l’enfance offerts aux enfants des Premières Nations, la preuve du sous-financement de ces services, ainsi que la preuve des ambiguïtés en matière de compétence à l’intérieur de ces domaines de services. Pour décrire la structure et le sous-financement des services, nous avons eu recours à la documentation existante; pour décrire les ambiguïtés en matière de compétence, nous avons eu recours à la documentation limitée existante et aux résultats des entrevues que nous avons réalisées auprès des professionnels de la santé et des spécialistes en protection de l’enfance.

La structure des services de protection de l’enfance offerts aux enfants des Premières Nations

Au Canada, les services de protection de l’enfance sont actuellement fournis par l’entremise d’un système décentralisé comptant plus de 330 organismes et bureaux provinciaux et territoriaux responsables de la protection de l’enfance et plus de 100 organismes Métis, des Premières Nations et urbains de services à l’enfance et à la famille.3 Dans certaines provinces et certains territoires, les services de protection de l’enfance offerts aux enfants non autochtones sont fournis par l’entremise d’un système centralisé de bureaux de ministères ou de services provinciaux ou territoriaux; dans d’autres provinces ou territoires, les services de protection de l’enfance offerts aux enfants non autochtones sont fournis par l’entremise d’un système décentralisé d’organismes indépendants ayant comme mandat de fournir des services de protection de l’enfance.4 Les services de protection de l’enfance offerts aux enfants des Premières Nations sont assurés par un mélange d’organismes ou de bureaux provinciaux ou territoriaux, d’organismes des Premières Nations responsables de la protection de l’enfance, et d’organismes autochtones responsables de la protection de l’enfance en milieu urbain. Les premières ententes bilatérales ou tripartites permettant à certaines Premières Nations de fournir une gamme limitée de services de protection de l’enfance sur des réserves ont été signées à la fin des années 1960. Le nombre et la portée des organismes des Premières Nations responsables de la protection de l’enfance ont augmenté de façon importante au cours des années 1990.5 En 2011, 80 organismes des Premières Nations étaient chargés de mener des enquêtes sur la protection de l’enfance dans les réserves. De plus, 24 organismes des Premières Nations fournissaient des services de prévention et/ou des services à la suite des enquêtes, dans les réserves, pour les cas qui leur étaient transférés par les organismes

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ou bureaux provinciaux ou territoriaux qui avaient mené les enquêtes.6 En 2008, le Bureau du vérificateur général du Canada a évalué que les organismes des Premières Nations fournissaient au moins certains services d’aide à l’enfance à environ 442 des 606 Premières Nations du Canada.7 Par ailleurs, certains organismes des Premières Nations fournissent des services hors réserve dans certains secteurs géographiques précis, ou à des populations précises des Premières Nations. Les enfants des Premières Nations qui vivent à l’extérieur d’une réserve peuvent également relever de la compétence d’organismes autochtones en milieu urbain desservant les populations pan-autochtones, notamment à Toronto, Vancouver, Winnipeg, et dans plusieurs autres communautés urbaines de moindre envergure.8

Chaque province ou territoire adopte ses propres lois en matière de protection de l’enfance. Selon les administrations, les lois peuvent inclure un mandat permettant de mener des enquêtes sur des allégations ou des soupçons de mauvais traitement, afin de protéger les enfants de sévices actuels ou éventuels. Au nombre des différences observées au sein de différentes administrations, mentionnons les suivantes : les âges des enfants couverts par les mandats des organismes de protection de l’enfance, la gamme des types de mauvais traitements pouvant faire l’objet d’une enquête ou d’un placement hors du domicile familial, ainsi que la gamme des programmes et services fournis.9 Les variations en termes de lois et de normes sont beaucoup plus prononcées lorsqu’il est question d’enfants des Premières Nations. La plupart des administrations ont maintenant des dispositions qui prévoient des services adaptés à la culture pour les enfants et les familles autochtones. Voici quelques exemples : l’obligation de prendre en considération le patrimoine culturel de l’enfant au moment de la planification des services, l’obligation d’informer les bandes de toute procédure judiciaire et la possibilité pour les organismes de protection de l’enfance des Premières Nations de demander des exemptions à des dispositions précises en matière de protection de l’enfance afin de pouvoir mieux adapter leurs services au contexte des communautés qu’ils desservent.10 D’autres variations pourraient également être apportées au moyen de normes de protection de l’enfance propres aux Autochtones/Premières Nations et de l’adoption de lois et de traditions coutumières des Premières Nations par les organismes des Premières Nations.11

Les provinces et les territoires financent les services de protection de l’enfance offerts aux enfants non autochtones conformément aux lois, aux normes et aux programmes provinciaux et territoriaux. Le financement des services de protection de l’enfance offerts aux enfants des Premières Nations est toutefois plus complexe. Il est fondé sur un cadre s’appuyant sur des traités, ainsi que sur trois grandes dispositions constitutionnelles et législatives. La Loi constitutionnelle de 1867 décrit les responsabilités qui incombent à « l’autorité législative exclusive du Parlement du Canada », y compris « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens ».12 En vertu de ce champ de compétence exclusive, le gouvernement du Canada a adopté la Loi sur les Indiens en 1876, qui décrit notamment les exigences en matière d’admissibilité et d’inscription au statut « d’Indien inscrit », ainsi que les droits et les responsabilités des conseils de bande. Une modification

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apportée en 1951 à la Loi sur les Indiens, qui est toujours en vigueur, stipule que « toutes les lois d’application générale et en vigueur dans une province sont applicables aux Indiens qui s’y trouvent et à leur égard ».13 À partir du cadre établi au moyen de la Loi sur les Indiens et de la Loi constitutionnelle, le gouvernement fédéral a assumé le financement des services de protection de l’enfance offerts aux enfants des Premières Nations (Indiens inscrits) qui résident ordinairement dans une réserve, alors que le financement des services de protection de l’enfance offerts hors réserve et des services à l’intention des membres des Premières Nations non inscrits est assuré par les provinces et les territoires.

La structure des services de santé offerts aux enfants des Premières Nations

Au Canada, les services de santé sont fournis par l’entremise d’un système décentralisé dans le cadre duquel la prestation de services est fragmentée; les fournisseurs de services varient selon le territoire, mais également en fonction du niveau de soins (p. ex., soins primaires, secondaires et tertiaires) et du champ de spécialisation.14 La Cour suprême a déterminé que les provinces avaient la compétence générale en matière de santé.15 Par conséquent, chaque administration possède ses propres lois, politiques, programmes et structures en matière de santé. Toutes les provinces, sauf l’Î.-P.-É. et l’Alberta, fournissent ces services par l’entremise de systèmes de prestation décentralisés dans le cadre desquels le ministère de la Santé délègue aux régies régionales de santé le pouvoir d’établir les priorités et de gérer les ressources en santé. Il incombe donc à ces régies régionales de santé d’établir les priorités et de gérer les ressources en santé dans leurs régions respectives.16 Cependant, contrairement aux services de protection de l’enfance, le gouvernement fédéral joue également un rôle législatif en ce qui a trait aux services de santé. Par exemple, la Loi canadienne sur la santé prescrit que les provinces et les territoires doivent offrir un régime d’assurance public et universel qui couvre les soins hospitaliers nécessaires de l’avis d’un médecin, les services médicaux et les services de chirurgie dentaire des résidents de la province, et fournir une assurance-santé complémentaire minimale. Une province ou un territoire doit assurer la prestation de tels services pour recevoir les subventions fédérales en santé versées dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé.17 Par conséquent, en ce qui concerne la population en général, les provinces et les territoires légifèrent et financent la plupart des services de santé; ils supervisent également la prestation des services, directement ou par l’entremise des régies régionales de santé. Ces services sont toutefois offerts conformément aux grandes lois fédérales.

Les services de santé offerts à tous les enfants des Premières Nations (Indiens inscrits) relèvent des gouvernements provinciaux/territoriaux et du gouvernement fédéral. Même si, pour les Premières Nations, l’admissibilité à la plupart des programmes de santé fédéraux est restreinte aux membres des Premières Nations vivant dans une réserve, le gouvernement fédéral joue également un rôle unique dans le financement des services de santé offerts aux enfants des Premières Nations vivant hors réserve, par l’entremise du Programme des services de santé

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non assurés (SSNA). Par l’entremise des SSNA, le gouvernement fédéral procure aux membres des Premières Nations (Indiens inscrits) et aux Inuits admissibles, qu’ils résident ou non dans une réserve, « des services de santé supplémentaires pour répondre à des besoins médicaux ou dentaires qui ne sont pas couverts par des régimes d’assurance-santé provinciaux ou territoriaux, ou encore par d’autres régimes ».18 Alors que les Premières Nations voient les SSNA comme un droit à la santé issu d’un traité, le gouvernement fédéral considère que les services sont étendus aux Indiens pour des raisons humanitaires.19

Les services de santé offerts aux enfants des Premières Nations qui résident ordinairement dans une réserve sont un mélange compliqué de services financés par le gouvernement fédéral fournis par les communautés des Premières Nation, de services financés et fournis par le gouvernement fédéral, et (dans de rares cas) de services financés et fournis par une province.20 À l’échelle fédérale, alors que les services de protection de l’enfance sur les réserves relèvent d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, les services de santé relèvent de Santé Canada, par l’entremise de sa Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits. Alors qu’en ce qui a trait aux services de protection de l’enfance hors réserve, le rôle du gouvernement fédéral est limité au financement, en ce qui a trait aux services de santé dans les réserves, son rôle inclut parfois la prestation directe de traitements et de services de santé préventifs.21 Ces services incluent notamment des soins infirmiers primaires (dans les communautés plus éloignées), certains services de santé environnementale, et les SSNA. Le gouvernement fédéral remet aussi des fonds aux Premières Nations pour qu’elles puissent offrir elles-mêmes des programmes et des services communautaires de soins préventifs et de promotion de la santé.22 Tout comme dans le cas de la protection de l’enfance, le gouvernement fédéral a systématiquement transféré la responsabilité des services de santé aux communautés des Premières Nations et a officialisé le tout dans la Politique sur le transfert des services de santé de 1989, qui permet aux communautés des Premières Nations établies au sud du soixantième parallèle de contrôler les ressources et les programmes communautaires en santé.23 La portée des responsabilités en matière de prestation de services varie d’une communauté à l’autre, en fonction de l’accord de transfert.24 Depuis 2008, 88 pour cent des communautés des Premières Nations du Canada assument une certaine responsabilité en ce qui concerne la prestation de services de santé dans les réserves.25 Une liste partielle des services de santé dans les réserves financés par le gouvernement fédéral est présentée dans le Tableau 2.

La base de la participation fédérale en ce qui a trait aux services de santé dans les réserves est contesté. Le gouvernement fédéral soutient qu’étant donné que le Transfert fédéral en santé est calculé en fonction du nombre d’habitantsii, les provinces et les territoires ont l’obligation

ii Les résidents qui ne sont pas inclus dans cette condition d’universalité sont le personnel militaire, les personnes incarcérées dans une institution fédérale et ceux qui n’ont pas atteint le critère provincial de durée minimum de résidence, qui ne peut être de plus de trois mois. Les «Indiens» n’apparaissent pas dans cette liste de résidents exclus de la condition d’universalité.

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de fournir les soins de santé définis dans la Loi canadienne sur la santé, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des réserves.26 Le gouvernement fédéral soutient de plus que le financement et la prestation des services de santé dans les réserves sont assurés pour des raisons humanitaires, et nie que la prestation de tels services découle d’une obligation constitutionnelle, juridique ou issue de traités.27 Les Premières Nations sont généralement en désaccord et soutiennent que les services de santé doivent être financés par le gouvernement fédéral en vertu de leurs droits issus de traités28; un jugement de la Cour fédérale rendu en 1999 appuie l’assertion selon laquelle le gouvernement fédéral a une responsabilité envers les Premières Nations en ce qui concerne la prestation de services de santé.29 Les ministères de la santé provinciaux et territoriaux ont interprété de différentes façons leur obligation de fournir des services aux membres des Premières Nations vivant sur une réserve. Dans certaines provinces et certains territoires, les dispositions législatives stipulent que le ministre de la Santé peut choisir de conclure des ententes avec les Premières Nations en ce qui a trait à la prestation de services de santé, clarifiant ainsi le fait que les ministères de la Santé refusent la responsabilité d’étendre aux réserves l’accès aux services de santé financés par les provinces. Dans d’autres provinces ou territoires, les ambiguïtés concernant les responsabilités provinciales dans les réserves demeurent inchangées.30

Le sous-financement des services de santé et de protection de l’enfance offerts aux enfants des Premières Nations

Les résultats de recherche illustrent clairement le sous-financement des services de santé et de protection de l’enfance offerts aux enfants des Premières Nations. Même si les contraintes budgétaires contribuent à restreindre la prestation des services de protection de l’enfance offerts à tous les enfants, les recherches actuelles démontrent que ces contraintes ont une incidence plus grande sur les services de protection de l’enfance offerts dans les réserves. Le financement fédéral des services de protection de l’enfance offerts dans les réserves est actuellement attribué selon trois grands modèles de financement, et le sous-financement a été clairement identifié dans des analyses menées sur chacun d’entre eux. En effet, dans une analyse menée en 2012 par AADNC, dans le cadre de laquelle tous les territoires, provinces et modèles de financement ont été examinés, on a recommandé l’injection d’une somme supplémentaire de 420,6 millions de dollars sur une période de cinq ans et de 99,8 millions de dollars par année de façon récurrente pour

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Tableau 2 : Échantillon des programmes fédéraux de santé (et liés à la santé) destinés aux citoyens des Premières Nations31

Nom du programme Description du programme

Programme d’aide à la vie autonome*

Financement pour appuyer des services non médicaux de soutien social destinés à une population cible, notamment les enfants atteints de handicaps physiques ou mentaux, en vue de promouvoir l’indépendance fonctionnelle.

Grossesse et petite enfance en santé

Lorsque disponible, ce programme met l’accent sur la nutrition prénatale, la santé maternelle et infantile et les TSAF et comprend des visites de personnel infirmier communautaire ou de travailleurs communautaires.

PAPAR

Le programme d’aide préscolaire aux Autochtones dans les réserves finance des stratégies d’intervention pour la petite enfance en vue de favoriser la santé et répondre aux besoins en matière de développement des enfants des Premières Nations entre 0 et 6 ans et de leurs familles.

Initiative en santé buccodentaire pour les

enfants

Les objectifs comprennent : réduction et prévention des maladies buccales au moyen de l’éducation et de la promotion; accès accru aux soins buccaux.Les services comprennent : dépistage, applications topiques de fluorure, placement de scellants dentaires et autres procédures.

Grandir ensemble Objectif : « Améliorer la qualité et la disponibilité de services de prévention communautaires holistiques et culturellement appropriés en matière de santé mentale, de développement de l’enfant et de prévention des blessures. »

SNPSJA Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones. Objectifs : accroître les facteurs de protection et réduire les facteurs de risque en matière de suicide chez les jeunes Autochtones.

Soins cliniques et aux clients

Objectif : permettre aux citoyens des Premières Nations de recevoir les soins cliniques dont ils ont besoin dans la communauté où ils résident.

Soins communautaires et à domicile

Services de soins de santé communautaires et à domicile qui permettent aux citoyens des Premières Nations atteints de handicaps ou de maladies graves ou chroniques de recevoir des soins dans leur communauté et leur domicile. Ces services comprennent des éléments essentiels tels que : évaluation des patients, soins infirmiers à domicile, gestion des cas, aide à domicile (soins personnels et aide ménagère), relève à domicile, liens et références, accès à de l’équipement spécialisé et des fournitures médicales. Des services de soutien peuvent inclure : aide à la réadaptation et autres thérapies, soins en santé mentale à domicile, etc.

Services de santé non assurés

Objet : complément aux autres régimes d’assurance. Tous les citoyens inscrits des Premières Nations peuvent en bénéficier, peu importe leur lieu de résidence. Les prestations couvrent « les médicaments, les soins dentaires, les soins oculaires, l’équipement médical et les fournitures médicales, les interventions à court terme en cas de crise, les services-conseils en santé mentale, ainsi que le transport médical pour l’obtention des services de santé nécessaires non dispensés dans les réserves ou dans la communauté de résidence. »

* Un programme d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Les autres programmes nommés dans le tableau relèvent de Santé Canada.

assurer le financement des services de protection de l’enfance offerts dans les réserves.32 Les services de protection de l’enfance offerts dans les réserves en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, au Québec et en Nouvelle-Écosse sont actuellement financés conformément à l’Approche

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améliorée axée sur la prévention (AAAP), que AADNC a adopté en 2007. Même s’il n’y a aucune documentation systématique sur la comparabilité du financement des services de protection de l’enfance à l’intérieur et à l’extérieur des réserves, le directeur général d’un organisme québécois qui dessert des communautés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des réserves a récemment livré un témoignage devant le Tribunal canadien des droits de la personne au cours duquel il a déclaré que le financement fédéral ne couvrait qu’un quart couvre un quart des coûts nécessaires pour que son organisme puisse fournir des services dans les réserves comparables à ceux qu’il offre hors réserve.33 En 2012, le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord Canada (AADNC) a lui-même évalué à 43 millions de dollars le coût d’assurer la prestation de services comparables à l’intérieur et à l’extérieur des réserves dans les administrations ayant adopté l’AAAP, et a indiqué que les niveaux actuels en vertu de l’AAAP ne soutiennent que « les services de protection de base et quelques activités de prévention à domicile auprès de familles ».34

Le deuxième modèle de financement, appelé Directive 20-1, a été utilisé jusqu’en 2007 pour établir le financement de la plupart des services de protection de l’enfance offerts dans les réserves, et il est toujours en vigueur en Colombie-Britannique, au Yukon, à Terre-Neuve et Labrador et au Nouveau-Brunswick.35 Il comprend uniquement le budget d’exploitation et les dépenses d’entretien admissibles pour les enfants pris en charge en dehors du domicile familial; ce modèle de financement ne prévoit aucune somme pour la prestation de services de prévention ou de soutien aux familles qui conservent la garde de leurs enfants.36 AADNC a même admis que le faible financement de ces services avait sans doute contribué à augmenter le nombre d’enfants des Premières Nations pris en charge.37 Par ailleurs, d’autres recherches suggèrent que les services offerts aux enfants des Premières Nations pris en charge sont également sous-financés. Un examen mené en 2000 a révélé que les fonds fédéraux attribués pour la prise en charge d’un enfant vivant à l’intérieur d’une réserve étaient, en moyenne, 22 % inférieurs aux fonds provinciaux ou territoriaux accordés pour la prise en charge d’un enfant vivant hors réserve.38 Le Bureau du vérificateur général a indiqué qu’aucune modification importante n’avait été apportée à la Directive 20-1 depuis ce temps,39 et des évaluations menées récemment par AADNC (qui prennent en compte l’AAAP et la Directive 20-1) mentionnent de façon explicite le sous-financement continu des coûts de maintien.40

La dernière formule de financement découle d’un accord conclu en Ontario en 1965, dans le cadre duquel la province recevait un remboursement de 0,93 $ pour chaque dollar dépensé pour le maintien et la prestation de services dans les réserves.41 Un examen récent du modèle de financement de la protection de l’enfance en Ontario a permis de conclure que les structures de coûts et les besoins en matière de services des organismes des Premières Nations en Ontario différaient de façon « marquée » de ceux des organismes provinciaux, et de recommander l’élaboration d’une approche distincte en matière de financement.42 AADNC a évalué qu’une somme supplémentaire de cinq millions de dollars par année serait requise pour assurer la mise en œuvre de l’AAAP en Ontario, et que, conséquemment à la conclusion d’AADNC selon laquelle

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le financement en vertu de l’AAAP n’est pas comparable au financement provincial/territorial pour les services fournis hors réserve,43 des fonds supplémentaires étaient requis pour assurer la comparabilité des services offerts à l’intérieur et à l’extérieur des réserves.

De nombreux rapports, y compris certains produits par ou pour le gouvernement fédéral, documentent le sous-financement des services paramédicaux et de santé dans les réserves. Une évaluation de la Politique de transfert des services de santé menée en 2005 a révélé que le financement entre les communautés est inéquitable, que le financement per capita ne correspond pas au niveau de responsabilité assumé par une communauté en termes de prestation de services, que la formule de financement est désuète, et que la formule ne prend pas en compte la croissance de la population, ni ses besoins.44 En 2008, une analyse du Programme de soins à domicile et en milieu communautaire des Premières nations et des Inuits (PSDMCPNI) administré par Santé Canada, et du Programme d’aide à la vie autonome administré par AADNC a révélé que « la réadaptation, les activités sociales et récréatives, ainsi que les services d’éducation spécialisée à l’intention des enfants et des jeunes ayant des besoins spéciaux ne disposent pas des ressources dont ils ont besoin ».45 Il a aussi été mentionné que de nombreuses communautés « ne sont pas en mesure de fournir un accès à des éléments de services de soutien nécessaires tels que du répit, des services de réadaptation et des soins palliatifs à domicile ».46 L’analyse présentait trois options qui visaient à combler les principales lacunes en matière de services. Le coût de l’option la moins exhaustive, qui n’abordait pas la comparabilité avec les services financés à l’échelle provinciale ou territoriale et qui laissait « des écarts dans la continuité des soins » a été évalué à 183 millions de dollars; l’option la plus complète était évaluée à 441 millions de dollars.47 Une évaluation subséquente du Programme de soins à domicile et en milieu communautaire des Premières Nations et des Inuits (PSDMCPNI), publiée en 2010, a révélé que les gestionnaires et les principaux intervenants avaient indiqué que le « manque de financement » présentait un obstacle à la mise en œuvre et à la prestation fructueuses du programme.48 Les auteurs ont conclu que la formule de financement devait être revue et prendre davantage en considération les besoins, ainsi que le fardeau de plus en plus lourd que posent les maladies chroniques et les blessures, et inclure des fonds pour la formation continue et les exigences en matière d’infrastructures.49

En plus de la nécessité générale d’accroître le financement, particulièrement dans le domaine des services de prévention, les études en santé et en protection de l’enfance identifient sans cesse d’autres besoins précis en matière de financement,50 dont les suivants :

l’intégration systématique de facteurs d’augmentation des coûts pour tenir compte de • l’inflation, un financement axé sur les besoins et services réellement fournis plutôt que sur des • estimations de la population,la mise à jour régulière de liens clairs entre le financement et les exigences en matière de • services en vertu des normes et des lois provinciales et territoriales,

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le financement accru des coûts d’exploitation des petits organismes, • le financement accru des organismes situés en milieu éloigné, • du financement pour le développement des capacités de recherche et de collecte de • données, etle financement de l’entretien et de l’amélioration des infrastructures.•

Donc, tant dans le domaine de la santé que dans celui de la protection de l’enfance, les recherches actuelles suggèrent un sous-financement chronique. Ce sous-financement pourrait se traduire par des conflits de compétence et empêcher la prestation en temps opportun de services équitables aux enfants des Premières Nations.

Ambiguïtés en matière de compétence au niveau des services de santé et de protection de l’enfance offerts aux enfants des Premières Nations

La documentation existante mentionne l’ambiguïté entourant les rôles et responsabilités des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux en ce qui a trait à la santé et à la protection de l’enfance. Par exemple, dans un rapport du Bureau du vérificateur général publié en 2008, cette ambiguïté en matière de la protection de l’enfance a été mise en évidence; on mentionne que l’on s’attendait à ce que les rôles et les responsabilités soient clarifiés dans les ententes entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux, mais qu’il a été noté avec surprise que de telles ententes n’existaient pas.51 Plus récemment, cette ambigüité de base a été démontrée dans l’affaire La Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et l’Assemblée des Premières Nations c. le Procureur général du Canada (Société de soutien c. Canada). Le gouvernement du Canada a soutenu qu’à titre de fondateur des services de protection de l’enfance dans les réserves, il « ne participe pas à la prise de décisions concernant les programmes et les services offerts, et ne les contrôle pas » et, par conséquent, ne peut pas être tenu responsable des inégalités enregistrées, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des réserves.52 En réponse, la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada a établi le lien étroit qui existe entre le financement et la capacité de fournir des services, citant de nombreux cas dans lesquels l’interdiction de refuser des services sur la base de motifs de discrimination interdits en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne était interprétée de façon libérale; elle a de plus soutenu qu’il incombait au gouvernement fédéral de fournir un financement permettant la prestation de services comparables.53 Dans le domaine de la santé, le contraste qui existe entre l’assertion du gouvernement fédéral selon laquelle sa participation aux services de santé des Premières Nations est un choix politique, et la position, adoptée par bon nombre, selon laquelle il incombe au gouvernement fédéral de fournir des soins de santé aux Premières Nations, illustre bien cette ambiguïté.54 L’existence de dispositions législatives, au Québec et à Terre-Neuve-et-Labrador, clarifiant les rôles et les responsabilités des provinces « en santé dans des domaines liés à l’autonomie gouvernementale »55 , constitue un autre exemple de cette ambiguïté.

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Les données tirées des entrevues sur la santé et la protection de l’enfance révèlent d’autres domaines plus précis d’ambiguïtés en matière de compétence au sujet des critères de base permettant de déterminer la responsabilité fédérale, provinciale ou territoriale du financement des services. Pour dire les choses le plus simplement possible, la responsabilité en matière de compétence est généralement déterminée en fonction du statut de l’enfant (Indien inscrit ou non) et de son lieu de résidence (à l’intérieur ou à l’extérieur d’une réserve). Les personnes interviewées ont mentionné l’ambiguïté qui entoure ces deux grands critères. Il incombe généralement au gouvernement fédéral de financer les services offerts aux enfants des Premières Nations (Indiens inscrits), alors que les provinces et les territoires financent généralement les services offerts aux autres enfants. Toutefois, les professionnels de la santé et les spécialistes de la protection de l’enfance interviewés ont déclaré qu’il pouvait y avoir des ambiguïtés en matière de compétence dans les cas concernant des enfants admissibles au statut d’Indien inscrit : les enfants admissibles au statut d’Indien inscrit pour lesquels le processus d’inscription gouvernemental à ce titre n’a pas été amorcé ou n’est pas terminé. Deux personnes du domaine de la protection de l’enfance interrogées, provenant de différents territoires ou provinces, et une personne du domaine de la santé ont indiqué que le gouvernement fédéral ne finançaient les services offerts aux enfants admissibles au statut d’Indien inscrit que jusqu’à leur premier anniversaire de naissance, et qu’après cela, il arrivait que le gouvernement fédéral et la province refusent de financer les services offerts à des enfants admissibles au statut d’Indien inscrit, mais qui ne sont pas encore inscrits. Une personne du domaine de la protection de l’enfance a discuté des refus du fédéral et des provinces d’assumer, après leur premier anniversaire, les dépenses des enfants admissibles au statut d’Indien inscrit pris en charge. Elle a également mentionné que certaines autres exigences gouvernementales, dont la production d’un numéro de bande ou de traité, viennent accroître les ambiguïtés entourant le paiement ou la prestation des services; il peut être difficile d’accéder à ces numéros, et le gouvernement fédéral peut refuser de payer si les numéros demandés ne sont pas fournis. Une personne du domaine de la santé a apporté un exemple précis concernant la couverture du transport médical, indiquant que, selon son expérience, le programme des SSNA couvre les frais de transport pour accéder aux services médicalement requis par un enfant admissible au statut d’Indien inscrit de moins d’un an, mais que si l’enfant n’est pas inscrit et qu’il a plus d’un an, les SSNA ne couvrira pas ces frais.

Le financement des services offerts aux enfants des Premières Nations (Indiens inscrits) vivant habituellement dans une réserve incombe généralement au gouvernement fédéral, et le financement des services offerts aux autres enfants incombe habituellement aux provinces. Cependant, une personne interrogée du domaine de la santé a indiqué qu’une certaine ambiguïté entourait aussi la définition « résidant ordinairement dans une réserve ». Elle a mentionné que les familles des Premières Nations qui déménagent temporairement à l’extérieur d’une réserve pour accéder à des services de santé peuvent ne pas être considérées comme résidant dans une réserve par le gouvernement fédéral, et ne pas non plus être considérées comme résidant à l’extérieur d’une réserve par le gouvernement provincial. Par conséquent, ces familles peuvent passer entre

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les mailles du filet en termes d’admissibilité, tant pour les programmes provinciaux/territoriaux que pour les programmes financés par le fédéral qui fournissent revenu, logement et d’autres mesures de soutien nécessaires. Les recherches existantes suggèrent que les modifications apportées aux politiques dans le but d’éliminer ce type d’ambiguïtés n’ont jamais été mises en œuvre. Les changements apportés à la définition « résidant ordinairement dans une réserve » qui ont été mentionnés en 2007, et qui sont également apparus dans de récentes publications d’AADNC, indiquent que les personnes qui quittent une réserve pour obtenir des soins ou pour avoir accès à des services sociaux qui ne sont pas offerts dans la réserve doivent être considérés comme résidant ordinairement dans une réserve.56 Par conséquent, les personnes qui déménagent pour avoir accès à des soins ou à des services sociaux devraient demeurer admissibles à l’aide au revenu, ainsi qu’aux services de santé, de protection de l’enfance et d’éducation financés par le fédéral.57 Les conséquences de cette modification de la définition opérationnelle de « résidant ordinairement dans une réserve » n’ont toutefois pas encore été abordées : le gouvernement fédéral n’a pas développé de mécanismes lui permettant de fournir des services hors réserve, et les budgets des communautés des Premières Nations n’ont pas été ajustés pour couvrir les coûts supplémentaires des services offerts à leurs membres résidant à l’extérieur d’une réserve.58

En plus de parler de l’ambiguïté entourant les critères de base permettant de déterminer la responsabilité fédérale, provinciale ou territoriale en matière de financement des services, les personnes interrogées ont également mentionné l’ambiguïté en matière de compétence qui s’ensuit lorsque des familles des Premières Nations sont admissibles à des prestations fédérales et provinciales. Par exemple, une personne du domaine de la santé a offert un exemple lié aux soins dentaires pour illustrer les conséquences perverses de la double admissibilité à laquelle ont droit certains enfants des Premières Nations. Elle a expliqué que, selon son expérience, un enfant des Premières Nations (Indien inscrit) provenant d’une famille à faible revenu est plus susceptible de subir des délais en ce qui a trait à l’accès à des soins dentaires, parce que la province et les SSNA peuvent refuser de couvrir le coût de certains services dentaires. Les SSNA couvrent généralement les soins dentaires, tels que les extractions ou les obturations, pour les enfants des Premières Nations (Indiens inscrits), et la province couvre généralement ceux des familles à faible revenu qui résident hors réserve. Dans le cas de enfants des Premières Nations (Indiens inscrits) qui sont aussi membres d’une famille à faible revenu résidant à l’extérieur d’une réserve, la double admissibilité peut se traduire par des conflits et des délais. La personne interrogée a indiqué que dans un tel cas, la « solution » la plus rapide consiste à faire déménager l’enfant chez ses grands-parents qui habitent dans une réserve, et à recevoir d’un dentiste itinérant des services financés par les SSNA. Une personne du domaine de la protection de l’enfance a également mentionné les problèmes liés à la double admissibilité. Elle a expliqué que, dans son champ de compétence, la couverture provinciale des services de counselling est parfois plus généreuse que celle des SSNA, mais que, selon elle, les fournisseurs de services n’informent même pas les familles des Premières Nations habitant à l’extérieur d’une réserve des avantages provinciaux en matière de counselling parce qu’ils considèrent que les SSNA doivent assumer les coûts.

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Donc, dans le domaine de la santé et de la protection de l’enfance, les personnes interrogées et les résultats de recherche existants suggèrent l’existence d’un réseau complexe d’ambiguïtés en matière de compétence qui pourraient mener à des conflits de compétence et empêcher ainsi la prestation en temps opportun de services équitables aux enfants des Premières Nations. Une liste des ambiguïtés en matière de compétence ayant trait à la santé, à l’éducation et aux services sociaux compilée par la Fédération des Nations indiennes de la Saskatchewan (FSIN) en 200859 et une liste des ambiguïtés en matière de compétence ayant trait aux services de santé compilée par le Conseil intergouvernemental de la santé des Premières Nations du Manitoba en 2005 (voir Annexe 3)60 attestent de la fréquence de ces ambiguïtés. Parmi les exemples d’ambiguïtés en matière de compétence observées au niveau des services offerts dans les réserves, en Saskatchewan, mentionnons les services d’orthophonie, les services de répit, les services de physiothérapie, l’aide à la communication, les appareils et fournitures d’assistance respiratoire, les services de prévention en santé mentale, des foyers d’accueil médicalement compétents, ainsi que des assistants et des professeurs en éducation spécialisée, pour n’en nommer que quelques-uns.61 Les exemples recensés au Manitoba couvrent un large éventail de services professionnels, de soins communautaires et à domicile, de soins de santé mentale, de soins de santé publique, de soins en institution, et bien d’autres services.62

Conflits de compétence en contexte

Les recherches existantes et les données tirées de nos entrevues exploratoires laissent transparaître un grand nombre d’ambiguïtés en matière de compétence et le sous-financement chronique des services de santé et de protection de l’enfance offerts aux enfants des Premières Nations. Les ambiguïtés en matière de compétence et le sous-financement peuvent mener à des conflits de compétence; les personnes interrogées dans le cadre de notre étude ont présenté des exemples clairs de conflits de compétence explicites qui étaient liés à la structure unique des services de santé et de protection de l’enfance offerts aux enfants des Premières Nations. Il peut notamment s’agir de conflits concernant : le paiement des services offerts dans un cadre scolaire à un enfant des Premières Nations vivant dans une réserve qui fréquente une école hors réserve, le paiement des services offerts dans un cadre scolaire à un enfant des Premières Nations pris en charge, le paiement des coûts des soins offerts hors du foyer à des enfants de plus d’un an admissibles au statut d’Indien inscrit, ainsi que le paiement de services offerts hors réserve ordonnés par la cour à un enfant dont la famille habite dans une réserve. Les personnes interviewées ont également mentionné des conflits de compétence dans le domaine des services dentaires, indiquant qu’il peut y avoir des conflits entre le gouvernement fédéral et les provinces, ainsi qu’entre le gouvernement fédéral et les compagnies privées d’assurance dentaire.

Notre examen suggère trois conclusions qui sont essentielles pour bien comprendre la fréquence des conflits de compétence et le contexte structurel des cas liés au Principe de Jordan :

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Les enfants des Premières Nations sont plus susceptibles que les autres enfants de 1. faire l’objet de conflits de compétence lorsqu’ils essaient d’accéder à des services. Les ambiguïtés en matière de compétence et les problèmes de sous-financement repérés dans dans ce chapitre sont propres aux services offerts aux enfants des Premières Nations. Ils découlent de la complexité des systèmes de financement et de prestation de services aux enfants des Premières Nations, complexité qui n’existe pas au niveau des services de santé et de protection de l’enfance offerts aux autres enfants canadiens.

La possibilité accrue de conflits de compétence est intrinsèque à la nature complexe 2. du financement des systèmes de prestation des services de santé et de protection de l’enfance offerts aux enfants des Premières Nations. Les provinces, les territoires, les Premières Nations et le gouvernement fédéral partagent la responsabilité en ce qui a trait au financement et à la prestation des services offerts aux enfants des Premières Nations. Cette responsabilité partagée est propice à d’éventuelles ambiguïtés en matière de compétence. En raison de l’ambiguïté au sujet des critères de base permettant de déterminer la responsabilité fédérale, provinciale ou territoriale du financement des services, des divisions de responsabilité très simples peuvent être contestées, notamment lorsqu’il est question du lieu de résidence, à l’intérieur ou à l’extérieur d’une réserve, ou du statut d’Indien inscrit. Cette ambiguïté peut devenir plus complexe si les enfants appartiennent à plusieurs groupes admissibles à des services (p. ex., provenir d’une famille à faible revenu habitant à l’extérieur d’une réserve et avoir le statut d’Indien inscrit). De la même manière, lorsque les responsabilités partagées font en sorte qu’une entité finance des services devant être fournis conformément à des normes établies par une autre entité, la possibilité de conflits de compétence liés à un sous-financement fait naturellement surface. AADNC a d’ailleurs fait l’objet de critiques pour ne pas avoir mis en œuvre un mécanisme permettant d’établir des comparaisons en ce qui a trait au financement des services de protection de l’enfance offerts à l’intérieur et à l’extérieur des réserves, et pour ne pas avoir lié les niveaux de financement offert dans les réserves aux responsabilités et aux obligations décrites dans les lois et les normes provinciales et territoriales.63 Par ailleurs, dans le cadre d’évaluations menées à l’échelle nationale, Santé Canada a fait l’objet de critiques pour ne pas avoir financé en fonction des besoins les services de santé offerts dans les réserves.64

Les politiques en matière de financement et de prestation de services changent avec 3. le temps, donnant ainsi lieu à de nouveaux problèmes de sous-financement et à de nouvelles ambiguïtés en matière de compétence en ce qui a trait aux services offerts aux enfants des Premières Nations. Les services offerts aux enfants des Premières Nations sont définis par différents gouvernements, ministères et programmes, dont les politiques en matière de financement et de prestation de services évoluent et changent

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de façon indépendante. Les réformes menées au sein d’un gouvernement, d’un ministère ou d’un programme peuvent avoir une incidence sur la délimitation des responsabilités en matière de compétence et les niveaux de financement requis par les autres ministères et programmes, créant ainsi de nouvelles ambiguïtés en matière de compétence et des problèmes de sous-financement qui, à leur tour, peuvent mener à des conflits de compétence. En ce qui a trait à la protection de l’enfance, AADNC a d’ailleurs reconnu cette possibilité. Par exemple, en Nouvelle-Écosse, dans un examen de l’AAAP, on a vanté la souplesse de la formule de financement par rapport à la Directive 20-1 et on a conclu ce qui suit : « On ne sait pas si l’AAAP est suffisamment souple pour s’adapter aux changements de financement à l’échelle provinciale au cours du cycle de financement de cinq ans. »65 De plus, AADNC a déterminé que la difficulté de fournir un financement adéquat dépasse le simple fait de respecter le financement des provinces et des territoires en matière de protection de l’enfance; la réforme des politiques doit également tenir compte des facteurs externes qui influencent les modèles en matière de protection de l’enfance et les changements apportés aux politiques fédérales dans d’autres domaines liés à la protection de l’enfance. Par exemple, en 2012, une évaluation menée par AADNC a révélé que les facteurs suivants ont une incidence sur le non-respect des coûts liés à la protection de l’enfance (liste non exhaustive) : réforme de l’aide au revenu, réforme des SSNA, réformes des « autres programmes sociaux », syndicalisation des familles d’accueil, privatisation des soins, et changements au niveau des types de placements en dehors de la famille requis.66 Dans le domaine de la santé, la possibilité que de nouveaux problèmes de sous-financement et de nouvelles ambiguïtés en matière de compétence se présentent est amplifiée par la complexité accrue des systèmes de financement et de prestation de services. La fragmentation des services en fonction du niveau de soins et du domaine de spécialité augmente le nombre de programmes pouvant apporter aux politiques des changements qui ont une incidence sur la délimitation des responsabilités en matière de compétence.

Avenues possibles pour les cas liés à des conflits de compétence Notre examen de la réponse du gouvernement au Principe de Jordan a révélé qu’elle empêche systématiquement la détermination de conflits de compétence dans des cas liés au Principe de Jordan.67 La réponse limite la désignation du Principe de Jordan aux cas qui concernent à la fois : un conflit en matière de paiement officiellement déclaré entre un gouvernement provincial ou territorial et le gouvernement fédéral et un enfant ayant le statut d’Indien inscrit ou y étant admissible, résidant ordinairement dans une réserve, qui a plusieurs handicaps ayant fait l’objet de diagnostics par des professionnels. L’affaire Le Conseil de bande de Pictou Landing et Maurina Beadle c. le Procureur général du Canada (CBPL c. Canada) démontre à quel point il est difficile de faire en sorte qu’un cas soit déclaré lié au Principe de Jordan en vertu de la réponse

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du gouvernement. Malgré une décision rendue par la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, selon laquelle, pour un résidant de la province habitant hors réserve, le gouvernement provincial doit financer la prestation des types de services demandés par CBPL et Maurina Beadle, le cas n’a pas été considéré comme un cas lié au Principe de Jordan aux termes de la réponse du gouvernement.68 En ce qui concerne les soins de Jeremy, en l’absence des fonds fédéraux pour défrayer les services de répit requis, les « options » ont été décrites dans un courriel acheminé aux employés de Santé Canada. Le courriel indique que le CBPL pourrait :

« (1) continuer à payer les soins 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 à partir de ses propres sources de revenu, » « (2) poursuivre la prestation de services et organiser un placement dans un établissement de soins sur une base temporaire ou de répit, ou à long terme, selon l’évolution des besoins, »« (3) arrêter la prestation des services, obligeant ainsi l’intervention des Services à l’enfance et à la famille (protection) et un placement d’urgence. »69

Maurina Beadle et le CBPL ont choisi une quatrième option : ils ont contesté en cour la décision du gouvernement fédéral de refuser d’accorder un financement supplémentaire pour des services de répit.70

Les avenues possibles dans l’affaire CBPL ressemblent à celles que nous avons repérées dans le cadre de notre examen de la documentation existante et durant les entrevues que nous avons menées auprès de professionnels de la santé et de spécialistes de la protection de l’enfance. Les ambiguïtés en matière de compétence et le sous-financement peuvent mener à des conflits de compétence et, en l’absence d’un accès en temps opportun à des services équitables qui devrait être facilité par le Principe de Jordan, les cas liés à des conflits de compétence peuvent suivre l’une ou l’autre des avenues illustrées à la Figure 1. Les enfants peuvent connaître des disparités en matière de service : des situations dans le cadre desquelles la portée, la qualité ou la rapidité de la prestation des services aux enfants des Premières Nations ne sont pas égales à celles qui sont offertes aux autres enfants. Par exemple, dans l’affaire CBPL, la limite de 2 200 $/mois pour les fonds alloués aux services de répit et l’alternative offerte d’obtenir des soins dans un établissement spécialisé peuvent être considérées comme des disparités en matière de service. Les enfants des Premières Nations peuvent également connaître des lacunes en matière de services : des situations dans le cadre desquelles les services requis ne sont pas offerts aux enfants des Premières Nations, alors qu’ils le sont normalement aux autres enfants. Par conséquent, l’arrêt de la prestation de services de répit, que Santé Canada considérait comme une option possible dans l’affaire CBPL, aurait provoqué une lacune en matière de services. Tel qu’illustré à la Figure 1, les lacunes et les disparités en matière de services peuvent contribuer à l’émergence de différences en matière de normes et de pratiques pour les enfants des Premières Nations par rapport aux autres enfants. Des différences en matière de normes et de pratiques existent lorsque l’absence ou la restriction de services offerts aux enfants des Premières Nations est normalisée, et que les attentes ou les approches concernant les services offerts aux enfants des Premières Nations

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Figure 1 : Cheminement des cas soumis à un conflit de compétence

Ambigüités sur le plan de la compétence et sous-financement

Conflits de compétence

Lacunes et disparités en matière de services

Cas reconnu comme relevant du Principe de Jordan

Efforts extraordinaires pour

accéder à des services

Différences au niveau des normes et des

pratiques

Intervention plus invasive

Facteurs sociodémographiques

diffèrent de celles des autres enfants. De plus, en raison du manque de services appropriés, la situation d’un enfant de Premières Nations peut se détériorer et nécessiter une intervention plus invasive. Par exemple, dans l’affaire CBPL, Santé Canada a indiqué que si la condition de Jeremy

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se détériorait, les services de protection de l’enfance devraient le placer dans un établissement de soins. Par ailleurs, les familles, les communautés et les fournisseurs de services des enfants des Premières Nations peuvent s’engager à déployer des efforts extraordinaires pour accéder aux soins requis ou les fournir. Par exemple, le CBPL a pris le risque énorme de couvrir les coûts des services de répit malgré l’absence d’assurance de remboursement, et Maurina Beadle, appuyée par le CBPL, a pris la mesure extraordinaire d’intenter une poursuite, et de persévérer durant les trois années qui se sont écoulées avant qu’une décision soit rendue, alors qu’elle devait continuer à prendre soin de son fils même si sa propre santé physique était compromise. Ci-dessous, nous avons eu recours aux données tirées des entrevues et des recherches existantes pour discuter plus en détail des autres avenues que peuvent suivre les cas liés à des conflits de compétence.

Lacunes et disparités en matière de services

Les ambigüités sur le plan de la compétence et le sous-financement, détaillées ci-dessus, qui entravent les services de santé et de protection de l’enfance, ont des répercussions évidentes et directes sur la prestation de services aux enfants des Premières Nations. Tant dans les domaines de la santé que de la protection de l’enfance, cela se traduit par des lacunes et des disparités en matière de services. À titre d’exemple, deux intervenants du domaine de la protection de l’enfance dans la même sphère de compétence ont rapporté qu’aucun financement n’est disponible pour les familles habitant une réserve qui doivent se déplacer pour assister à des audiences du tribunal concernant leurs enfants; l’un d’entre eux a précisé que la province prendrait ces frais en charge pour une famille hors réserve. De plus, des intervenants de trois différentes sphères de compétence ont signalé l’absence de soutien dans les réserves pour les jeunes sur le point de quitter leur foyer d’accueil, en faisant remarquer qu’un tel soutien était offert aux jeunes hors réserve par l’entremise de services conjoints dispensés par le gouvernement et des organismes à but non lucratif. D’autres lacunes et disparités en matière de services ont été rapportées dans diverses communautés, alors que les personnes interrogées ont cité tant les services-conseils relatifs à l’abus de drogue et d’alcool que les services de préservation de la famille, les services de médiation familiale, les services-conseils personnalisés et les services de santé mentale comme autant de domaines dans lesquels soit 1) des services ne sont pas disponibles dans les réserves (lacune) ou 2) des services sont disponibles mais dispensés par des prestataires para-professionnels ou généralistes, même si, dans une zone géographiquement semblable mais située à l’extérieur d’une réserve, ces mêmes services seraient dispensés par des professionnels ayant suivi une formation spécialisée (disparité).

La documentation existante relative à la protection de l’enfance souligne également des lacunes et des disparités en matière de services dispensés aux enfants des Premières Nations, mais leur énumération est éclipsée par la question du sous-financement, d’une plus grande portée. De récentes évaluations à l’échelle nationale révèlent d’importantes lacunes et des disparités généralisées sur le plan du financement des services de protection de l’enfance offerts aux enfants

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des Premières Nations, mais sans détailler lesdites lacunes et disparités.71 À l’échelle provinciale/territoriale, certains rapports ne contiennent que des exemples minimes de lacunes et(ou) disparités à titre d’illustrations de déficits plus répandus. Par exemple, le Représentant des enfants et des jeunes en Colombie-Britannique a commenté une discussion sur les lacunes et les disparités généralisées au niveau des services dispensés par des agences des Premières Nations financées par le gouvernement fédéral en déclarant ce qui suit : « Entre autre, ni services ni programmes autochtones distincts ne sont offerts dans les réserves dans les domaines de la santé mentale des enfants et des jeunes ou des enfants et des jeunes avec des besoins spéciaux. »72 Dans d’autres juridictions, des évaluations notent les services qui devraient être dispensés, en laissant sous-entendre que des lacunes et des disparités existent, mais sans explicitement détailler ces lacunes et ces disparités que de nouveaux services pourraient éliminer. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, où le financement de la protection de l’enfance est assuré en vertu de la directive 20-1, aucun financement n’est disponible pour des services de prévention et de soutien à domicile dans les réserves. Une récente étude a recommandé que les services dispensés par des agences et(ou) organisations provinciales et des Premières Nations « mettent l’accent sur des programmes de prévention, tels que des cours et des ateliers culturellement adaptés sur le rôle parental, ainsi que sur des initiatives concernant la petite enfance, les troubles du spectre de l’alcoolisme fœtal (TSAF) et la santé prénatale, les dépendances, les soins dispensés aux adolescents difficiles, mentalement instables ou dépendants, la violence domestique, et l’exposition à ces divers problèmes dans les foyers familiaux ».73

Dans le domaine de la santé, les lacunes et les disparités en matière de services sont clairement identifiées, tant par les personnes interrogées que par la documentation existante. L’une des personnes interrogées a notamment expliqué que les médicaments couverts par la province ou le territoire pour les résidents hors réserve bénéficiant de l’aide sociale ne sont, dans certains cas, pas couverts par l’entremise des SSNA pour les citoyens des Premières Nations dans les réserves. Cette personne a cité en exemple le cas de médicaments prescrits aux enfants atteints de TDAH. Lorsque le Concerta, une version à libération lente du Ritalin présentant moins d’effets secondaires, a été mis sur le marché, les SSNA ont refusé de le couvrir, alors que la province pour laquelle elle travaille avait accepté de le couvrir pour les résidents prestataires de l’aide sociale. Autrement dit, des familles à faible revenu des Premières Nations devaient payer de leur poche un médicament que la province aurait couvert si elles avaient habité à l’extérieur d’une réserve. Deux autres personnes interrogées ont indiqué que, parfois, un médicament prescrit et couvert à l’hôpital n’était plus couvert dès que le patient obtenait son congé et revenait dans sa communauté située dans une réserve.

De plus, les personnes interrogées dans les quatre provinces et(ou) territoires visés par l’étude ont rapporté soit des délais au niveau de l’accès, ou, plus communément, une absence totale de services de relève dans les communautés des Premières Nations. L’une des personnes interrogées a notamment expliqué que la province dans laquelle elle travaille accorde une

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subvention pouvant atteindre 3 500 $ par enfant et par année aux familles hors réserve prenant soin d’un enfant médicalement fragile, ou dépendant d’équipement spécialisé, et nécessitant une surveillance constante, alors qu’un tel financement n’est pas offert aux familles habitant une réserve. Les personnes interrogées dans une autre province ont expliqué que les services de relève ont été identifiés par les conseils de bande comme des services nécessaires non disponibles actuellement dans les réserves, et que les familles habitant dans une réserve avec des enfants atteints notamment d’épilepsie devaient lutter pour obtenir des services de relève et les autres soutiens nécessaires. De même, des personnes interrogées dans trois différentes juridictions ont rapporté des lacunes et des disparités au niveau des services de réadaptation dans les réserves (services d’ergothérapie, de physiothérapie et d’orthophonie), donnant lieu aux obstacles suivants : disponibilité des services dans les réserves, accès à des services de consultation externe dans les communautés situées dans une réserve, accès à des services dispensés par des spécialistes (plutôt que par du personnel infirmier), et de piètres conditions de suivi. Les personnes interrogées dans les quatre provinces et territoires visés ont également soulevé des préoccupations à propos des lacunes et des disparités au niveau de l’accès à des services de diagnostic de qualité pour les enfants des communautés situées dans une réserve. Il en résulte un dépistage et des diagnostics inadéquats relatifs à la santé des enfants par le personnel infirmier (y compris en ce qui concerne le diabète et la pneumonie) et les résidents des réserves éloignées doivent compter sur des médecins itinérants. L’une des personnes interrogées a aussi rapporté des difficultés en matière d’accès à des services de diagnostic dans les domaines de la santé mentale, de l’autisme et des TSAF.

Les lacunes et les disparités mentionnées par les intervenants en santé interrogés correspondent aux conclusions des études entreprises qui citent des besoins non comblés en matière de soins de santé dispensés aux enfants des Premières Nations dans les réserves. En 2007, une étude a notamment identifié des lacunes et des disparités dans les domaines suivants :

services de relève à domicile durant la fin de semaine; accès à des services de physiothérapie, d’ergothérapie et d’orthophonie; services-conseils en psychologie; services-conseils et d’évaluation sur le plan de la nutrition; services de soins par du personnel formé aux besoins des nourrissons et des enfants; transport médical payé vers des centres de soins tertiaires à des fins d’évaluation, de réévaluation et de suivi; soutien à des soins intensifs sur une base d’urgence à court terme; soutien parental et en éducation pour les enfants aux prises avec des anomalies congénitales ou des problèmes de développement; accès à des services de relève pour les enfants avec des besoins médicaux complexes; services spécialisés pour les enfants aux prises avec des problèmes endocriniens ou de cécité; accès à des services de laboratoire; conséquences des questions de pratique visant le personnel infirmier (injections intraveineuses percutanées, cathétérisation); accès

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à des services pour les handicapés mentaux; soutien pour les blessures consécutives à un accident; rénovations pour permettre l’accès aux handicapés; services de transport médical; approvisionnement en temps opportun d’équipement médical et de fournitures médicales; et plusieurs autres.74

Disparités au niveau des normes et des pratiques

Les types de lacunes et de disparités en matière de services façonnent les normes de services et les attentes des familles et des prestataires de services. Les répercussions de ces lacunes et disparités sur les normes applicables aux services dispensés aux familles sont illustrées par les commentaires des personnes interrogées à propos des services de relève. L’une de ces personnes a, par exemple, indiqué que les familles habitant dans une réserve au sein de sa juridiction ne prenaient même plus la peine de réclamer des services de relève, sachant que de tels services ne leur seraient jamais accordés. Une autre personne interrogée a fait la même observation au sujet des services de personnel infirmier 24 h sur 24. Une autre a même affirmé que, selon elle, les seuls services de relève dans les réserves étaient assurés par des soins informels et du soutien essentiellement prodigués par des membres de la famille. Par ailleurs, les lacunes et les disparités en matière de services ont évidemment des répercussions sur les approches relatives aux normes et aux pratiques des prestataires de services chargés d’aider les enfants des Premières Nations. L’accès limité à des services de diagnostic, de soutien et de prévention, tant au niveau de la santé que de la protection de l’enfance, a pour conséquence de créer des différences entre les normes applicables aux services dispensés aux enfants des Premières Nations vivant dans les réserves et celles applicables aux services dispensés aux autres enfants, des différences qui font en sorte de retarder le moment où le prestataire de service prend contact avec un enfant ou sa famille, pose un diagnostic et recommande une démarche.

Sept des intervenants en santé interrogés, représentant les quatre provinces et territoires visés, ont souligné que des différences en matière de normes de service pouvaient aussi se traduire par des différences au niveau des professionnels de la santé disponibles dans les réserves et à l’extérieur de celles-ci, ou par des différences au niveau de la fréquence d’accès à ces professionnels. L’un de ces intervenants a expliqué qu’une communauté située dans une réserve était considérée chanceuse si son équipe médicale comprenait un(e) infirmier(ère) praticien(ne). Une autre personne interrogée a expliqué que le taux de roulement élevé du personnel infirmier dans les réserves, combiné au recours par le gouvernement fédéral à des agences de personnel infirmier (c.-à-d. à des employés temporaires ou à contrat) pour desservir les communautés des Premières Nations, signifie que le suivi n’est pas garanti pour les enfants des Premières Nations dans les réserves. Une autre personne œuvrant dans la même juridiction a précisé que le fait de devoir compter sur des médecins itinérants rendait difficile la continuité des soins et que les professionnels de la santé itinérants pouvaient être moins sensibilisés au besoin de défendre

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les intérêts des patients que s’ils étaient plus permanents. Cette opinion a été corroborée par une autre intervenante en santé d’une autre juridiction, qui a émis des doutes sur la compétence du personnel dans certains postes de soins infirmiers. Elle a fait remarquer que, si les services dispensés par le poste de soins infirmiers ne comblaient pas les besoins d’un enfant de la communauté, du personnel infirmier et médical de qualité déploierait des efforts pour garantir l’accès aux services requis – mais que, d’après son expérience, le personnel médical dans les réserves avait parfois tendance à faire au mieux avec les services disponibles.

Bien que les différences en ce qui a trait aux professionnels disponibles et à la fréquence d’accès à ces professionnels peuvent être liées à des facteurs sociodémographiques tels que l’éloignement géographique, il semble qu’elles illustrent aussi des disparités en ce qui concerne le financement des services dans les réserves et à l’extérieur de celles-ci. L’une des personnes interrogées a assimilé les préoccupations à propos de la compétence du personnel médical à une disparité flagrante en matière de salaire entre les professionnels de la santé œuvrant dans les réserves et ceux œuvrant à l’extérieur de celles-ci dans le système provincial, en faisant remarquer qu’une telle disparité rendait difficile la rétention de personnel médical dans les réserves. La documentation existante laisse aussi entendre que les différences au niveau de la compétence des professionnels de la santé ou de la fréquence d’accès à leurs services peuvent découler d’un sous-financement, qui rend plus difficile d’attirer et de retenir du personnel qualifié. Les professionnels de la santé qui travaillent avec les communautés des Premières Nations sont souvent moins rémunérés que leurs collègues employés au sein des systèmes de santé provinciaux et territoriaux, et ceci est l’une des explications fournies pour comprendre à quel point il est difficile d’attirer et de retenir les services de professionnels qualifiés dans les communautés des Premières Nations.75

De semblables préoccupations à propos de la difficulté d’attirer et de retenir du personnel qualifié sont soulignées dans la documentation relative à la protection de l’enfance et attribuées, au moins en partie, à l’impossibilité, engendrée par le financement fédéral, d’offrir des salaires et des avantages compétitifs.76 Ces préoccupations ont aussi été soulevées pendant les entrevues. Deux intervenants de la protection de l’enfance œuvrant dans la même juridiction ont, par exemple, fait remarquer que souvent, dans ce domaine, les travailleurs dans les réserves ne satisfaisaient pas aux exigences requises pour travailler à l’extérieur de celles-ci. Cependant, bien que ces deux intervenants se soient entendus sur ce point, leur opinion quant aux raisons de cette situation différait substantiellement. L’un a soulevé des questions à propos des éventuelles répercussions négatives sur les familles, en soulignant que certains travailleurs dans les réserves pouvaient ne pas disposer de la formation et des compétences requises pour soutenir efficacement les familles aux prises avec des besoins complexes. L’autre a insisté sur l’importance d’engager des membres de la communauté ayant des connaissances locales et culturelles approfondies, en laissant entendre que, même si ces travailleurs communautaires ne répondaient pas entièrement aux exigences requises sur le plan des compétences, ils pouvaient établir avec les familles des rapports auxquels ne peuvent prétendre des travailleurs externes. Deux autres intervenants de la

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protection de l’enfance d’une autre juridiction ont aussi indiqué qu’un cas dans une réserve avait plus de chance d’être résolu sans avoir recours à des services externes qu’un cas hors réserve. Bien qu’étant d’accord sur ce point, leurs explications se sont avérées divergentes. L’un a attribué cette situation au manque de services auxquels il est possible d’avoir recours dans les réserves, alors que l’autre a souligné l’existence d’un fort soutien familial et communautaire, en précisant que le recours à des services professionnels pouvait ne pas s’avérer nécessaire si une famille bénéficie d’un soutien informel suffisant.

La complexité des écarts au niveau des normes a peut-être été mieux illustrée dans les discussions à propos des foyers d’accueil dans les réserves. Les personnes interrogées dans trois juridictions différentes ont rapporté un manque de foyer d’accueil dans les réserves. Trois d’entre elles, représentant deux des juridictions visées par l’étude, ont souligné que les normes provinciales et territoriales concernant les foyers d’accueil ne reflétaient pas vraiment les réalités sociodémographiques et culturelles des communautés situées dans les réserves. Elles ont indiqué qu’une combinaison de facteurs, tels que l’accent culturel placé sur les familles élargies qui cohabitent, la surreprésentation persistante des citoyens des Premières Nations au sein des systèmes de protection de l’enfance et de justice criminelle, ainsi que les restrictions en matière de disponibilité et de qualité des logements, crée des situations dans lesquelles les foyers dans les réserves ne sont pas conformes aux normes provinciales et territoriales requises pour être désignés foyers d’accueil. En conséquence, la désignation de foyers d’accueil dans les réserves pourrait s’avérer impossible, compte tenu d’éléments tels que la surpopulation ou la présence de membres de la famille précédemment confrontés à des problèmes relevant de la protection de l’enfance ou de la justice criminelle. Deux d’entre elles ont néanmoins insisté sur l’importance de faire en sorte que les enfants vivant dans les réserves demeurent proches de leur famille, de leur communauté et de leur culture. Elles ont fait état de différences au niveau des normes et des pratiques qui favorisent l’atteinte de cet objectif. L’une d’entre elles a exposé une approche selon laquelle, plutôt que d’officialiser un placement à long terme en foyer d’accueil, un intervenant peut tenter d’obtenir une dispense en vue de prolonger, au-delà de la norme de 60 jours, le séjour d’un enfant dans une famille d’accueil temporaire, soumis à des critères moins stricts. Elle a indiqué qu’une telle solution permettait de réaliser l’objectif important de faire en sorte que les enfants des Premières Nations demeurent dans leur communauté, mais qu’elle avait un prix. Contrairement aux autres catégories de foyers d’accueil, les familles accueillant temporairement un enfant ne perçoivent aucune indemnisation pour les aider à subvenir à ses besoins. L’autre personne interrogée a pour sa part déclaré que des normes d’évaluation et d’approbation différentes de celles employées à l’extérieur des réserves pourraient parfois être appliquées afin de favoriser la désignation de foyers d’accueil dans les réserves.

Dans l’ensemble, la documentation existante et le résultat des entrevues révèlent à la fois l’existence de normes de moindre qualité applicables aux services dispensés dans les réserves et la complexité d’évaluer et de comparer lesdites normes. L’absence de services peut modifier les

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attentes d’une famille, ainsi que les approches des prestataires de services. Ainsi, les différences en matière de normes peuvent refléter une adaptation aux lacunes et aux disparités en matière de services. Toutefois, ces différences peuvent également refléter les réalités sociodémographiques dans les communautés situées dans les réserves, ou les priorités des Premières Nations pour ce qui est de maintenir et renforcer les liens communautaires, les soutiens informels, et les spécificités culturelles.

Intensité d’intervention accrue

Les lacunes et les disparités en matière de services, ainsi que les différences rapportées entre les normes applicables aux services dispensés aux enfants des Premières Nations et celles applicables aux services dispensés aux autres enfants, peuvent donner lieu à des situations dans lesquelles les besoins des enfants des Premières Nations ne sont pas comblés avant que leur condition empire au point où elle nécessite une intervention invasive. Il suffit, par exemple, de rappeler les obstacles énumérés par une intervenante en ce qui a trait à l’accès à des services de diagnostic concernant l’autisme et les TSAF. Il est communément établi que l’autisme devrait être diagnostiqué dès le plus jeune âge, afin de faciliter une intervention précoce77 et nombreuses sont les preuves selon lesquelles un diagnostic précoce de TSAF engendre de meilleurs résultats à long terme.78 Les obstacles à de tels services pour les enfants des Premières Nations peuvent entraîner des délais pour le diagnostic, ce qui fait en sorte que leur condition nécessitera plus tard une intervention plus invasive. Les lacunes et les disparités en ce qui a trait à d’autres services de diagnostic, de prévention, et de soutien peuvent aussi paver la voie à la nécessité d’interventions plus invasives. Une des personnes interrogées a par exemple souligné l’insuffisance des services de prévention du diabète dans les réserves, et une autre a indiqué être informée de cas dans lesquels des enfants vivant dans une réserve devaient suivre des traitements de dialyse faute d’un diagnostic précoce de diabète. Une autre a rappelé les graves conséquences pouvant parfois découler de l’omission du personnel infirmier de faire appel à des services à l’extérieur de la communauté afin d’obtenir un diagnostic adéquat. À titre d’exemple, elle a mentionné des cas de cancer non détectés à temps.

Dans toutes les régions visées par l’étude, les personnes interrogées ont laissé entendre que l’accès inadéquat à des services liés à la santé pour les enfants des Premières Nations vivant dans une réserve pouvait, dans certains cas, entraîner leur placement en institution ou dans des foyers d’accueil, pour qu’ils puissent bénéficier des services nécessaires. L’une d’entre elles a illustré cette situation avec véhémence en soulignant que, à sa connaissance, les seuls services de relève disponibles pour les familles des Premières Nations dans les réserves consistaient en un répit à long terme découlant du placement d’un enfant. Les observations des personnes interrogées à propos du recours au placement en institution et en foyer d’accueil correspondent à ce que l’on retrouve dans la documentation existante. Ainsi, une étude menée en 2005 au Manitoba a révélé ce qui suit :

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[traduction] Dans le nord du Manitoba, en ce qui concerne les enfants des Premières Nations (ainsi que leur famille) aux prises avec des besoins médicaux complexes nécessitant des soins à long terme, dans tous les cas sauf de rares exceptions, ces enfants ont dû quitter leur domicile et leur famille pour vivre dans des foyer d’accueils ou des instituts médicalisés afin de bénéficier des services (primaires, secondaires et tertiaires) dont ils ont besoin pour survivre et se développer.79

En 2008, la vérificatrice générale, dans un rapport à propos du financement de la protection de l’enfance dans les réserves, a détaillé l’inflexibilité caractérisant l’utilisation des fonds en vertu du modèle issu de la directive 20-1 et souligné que « selon les Premières Nations, dans certain cas, les agences sont forcées de placer des enfants afin d’obtenir les fonds pour qu’ils puissent bénéficier des services dont ils ont besoin ». Ce rapport précisait aussi que certains cas particuliers relevant d’une telle situation avaient été documentés.80 Dans un rapport de 2009 sur la mise en œuvre du Principe de Jordan au Manitoba, un groupe de travail fédéral/provincial a souligné que le placement hors de leur foyer constituait pour les enfants des Premières Nations dans les réserves un moyen d’accéder « plus facilement » à des services correspondant aux normes provinciales.81 Dans la même veine, dans le cadre d’une évaluation de son programme d’aide à la vie autonome, AADNC a constaté que, en raison d’un manque de financement et des lacunes en matière de services d’aide à la vie autonome pour les enfants des Premières Nations atteints de handicaps dans les réserves, les parents dont les enfants avaient besoin de tels services se résignaient parfois à confier ces derniers aux soins des services de la protection de l’enfance « afin de leur permettre par ce moyen d’accéder à des services pour handicapés »82 De plus, une évaluation en 2010 du programme de soins à domicile et en milieu communautaire des Premières Nations et des Inuits (PSDMCPNI) a donné lieu aux observations suivantes :

L’absence de services ou des lacunes dans ces derniers ont nécessité le transfert d’enfants vers des institutions en dehors de leur communauté, dans certains cas pour des séjours prolongés. Plusieurs raisons systémiques ont été avancées pour expliquer ces transferts : complexités des soins requis; manque d’accès à des thérapies dans la communauté; exigences relatives aux IV; capacités limitées du PSDMCPNI; politiques des services de santé non assurés (SSNA) en matière de transport; directives en vigueur concernant la fourniture d’équipement.83

La suggestion selon laquelle certains enfants des Premières Nations ont recours à des soins hors domicile en tant que mécanisme pour bénéficier des services dont ils ont besoin est aussi étayée par les circonstances exposées dans la cause CBPL : tant l’institutionnalisation que le placement dans le cadre du système de protection de l’enfance ont été explicitement invoqués par le fonctionnaire de Santé Canada comme des « options » dans le cas de Jeremy.84 Le recours à des

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soins hors domicile en tant que mécanisme pour faciliter l’accès des enfants des Premières Nations aux services dont ils ont besoin est une extension de la pratique historique de retrait des enfants des Premières Nations de leur foyer dans le cadre des systèmes des pensionnats indiens et de protection de l’enfance.85

Efforts extraordinaires pour accéder à des services

Alors que certains enfants des Premières Nations peuvent être confrontés à des lacunes et des disparités en matière de services entraînant des interventions plus invasives sur le plan de la santé ou de la protection de l’enfance, d’autres peuvent bénéficier d’efforts extraordinaires de la part de leur famille, de leur communauté ou de prestataires de services pour faire en sorte que les services dont ils ont besoin leur soient dispensés. Parmis ces efforts, les plus souvent cités par les intervenants en protection de l’enfance interviewés étaient les interventions/mandats non subventionnés. Dans de telles situations, un service est dispensé même en l’absence de ressources pour l’appuyer. L’une des personnes interrogées a par exemple souligné l’existence d’une disposition législative stipulant que les représentants des bandes des Premières Nations soient informés des procédures judiciaires et d’autres éléments entourant des causes concernant des enfants des Premières Nations, ainsi que de normes en vertu desquelles cette exigence s’étend à l’obligation pour ces représentants des bandes des Premières Nations de participer aux procédures judiciaires. Elle a rappelé qu’aucun financement n’est accordé aux représentants des bandes qui doivent se déplacer pour se conformer à cette exigence. Dans un contexte plus large, une autre personne interrogée sur la question de la protection de l’enfance a souligné le défi que constitue l’adaptation aux changements apportés aux politiques provinciales et territoriales, en rappelant que du financement, de la formation et des outils étaient fournis aux agences provinciales et territoriales pour mettre ces changements en œuvre, alors que l’on attend souvent des agences des Premières Nations qu’elles les mettent en pratique sans bénéficier de ressources additionnelles.

La documentation existante vient étayer ces exemples, en citant des situations dans lesquelles des agences de la protection de l’enfance des Premières Nations se sont acquitées de mandats non financés afin d’assumer certaines responsabilités fondamentales. À titre d’exemple, des services de prévention et de soutien doivent obligatoirement être dispensés en vertu de toutes les normes provinciales et territoriales, mais ils ne sont pas financés en vertu de la directive 20-1, et le sont insuffisamment en vertu de l’AAAP.86 AADNC reconnaît que certaines agences des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations (SEFPN) ont néanmoins proposé des services de prévention, et ce même avant la mise en œuvre de l’AAAP.87 De même, AADNC a fait remarquer que certaines familles disposées à offrir un foyer d’accueil à des enfants dans les réserves ne peuvent le faire parce que les deux parents travaillent et que le financement fédéral ne prévoit pas d’indemnité de frais de garde pour les parents adoptifs. À titre d’exemple, dans un rapport daté de 2013, AADNC a cité le cas d’une agence de la Saskatchewan qui offre une indemnité

89Chapitre 3 : Les cas liés au Principe de Jordan dans le contexte des services de santé et de protection de l’enfance

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journalière afin de recruter et retenir des parents adoptifs, bien qu’il ne s’agisse pas d’une dépense remboursable selon les conditions de l’entente de financement de cette agence.88

En ce qui concerne les soins de santé, il existe aussi des exemples amplement documentés de mandats de service pour lesquelles aucun financement n’est accordé. Par exemple, alors que les services aux enfants relèvent du programme d’aide à la vie autonome depuis 2003, aucun financement n’a été prévu pour les soutenir.89 Les catégories de services additionnels qui existent en vertu de divers programmes mais pour lesquelles aucun financement n’est prévu comprennent : les soins infirmiers à domicile 24 h sur 24 (les soins infirmiers à domicile ne sont pas financés les soirs et les fins de semaine), les soins de relève requis pour des périodes prolongées, les services de réadaptation (y compris l’ergothérapie, la thérapie physique et l’orthophonie), la formation des pourvoyeurs de soins familiaux et(ou) informels et leur soutien, les services de santé mentale à domicile pour les patients aux prises avec des troubles psychiatriques à long terme et les patients atteints de pathologies mentales ou émotives, les services directement liés aux soins continus, et les renvois coordonnés.90 La prestation de l’un ou l’autre de ces services s’agit d’un mandant non financé.

Un tableau documentant les informations relatives aux causes « relevant du Principe de Jordan » consignées par le gouvernement fédéral a été présenté à titre de preuve au Tribunal canadien des droits de la personne. Il comporte d’autres exemples des efforts extraordinaires déployés par des prestataires de services pour faire en sorte que des enfants des Premières Nations accèdent aux services et aux soutiens dont ils ont besoin.91 Plusieurs de ces cas sont réputés avoir été résolus pour des motifs humanitaires. Parmi ces cas, notons ceux d’un intervenant qui a négocié un rabais auprès d’un fabricant de préparations pour nourrissons atteints de carences alimentaires, d’un médecin qui a négocié pour un enfant avec une perte d’audition un rabais auprès d’un fabricant de prothèses auditives, et d’un ministère provincial qui a couvert le coût d’un équipement nécessaire à un enfant dans une réserve alors que le gouvernement fédéral tardait à le faire.

Les trois personnes interrogées sur la question des litiges entourant les services dispensés aux enfants admissibles au statut d’Indien inscrit ont aussi souligné les efforts extraordinaires déployés par des prestataires de services pour faire en sorte que des enfants et des familles des Premières Nations disposent de la documentation nécessaire pour s’assurer du paiement de services par le gouvernement fédéral. Par exemple, l’inscription d’un enfant au statut d’Indien requiert la présentation du certificat de naissance de long format, la signature des deux parents, ainsi que le nom et le numéro de la bande dont les parents sont membres.92 Cette obligation pour les deux parents peut s’avérer particulièrement lourde ou compliquée dans les cas de violence familiale ou entre partenaires, ou lorsque l’un des deux parents a acquis ou perdu son statut en raison de changements apportés aux politiques ou à la législation. Les personnes interrogées ont fait remarquer que cette démarche peut prendre de six à douze mois, et que l’obtention d’un certificat de naissance de long format et de la documentation nécessaire entraîne des dépenses

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non couvertes pour les agences de protection de l’enfance.

Les personnes interrogées ont également parlé des mesures extraordinaires prises par les familles pour accéder à des services, notamment en matière de transport médical et de transfert. Tel que mentionné ci-dessus dans la section consacrée à une intensité accrue des interventions, plusieurs de ces personnes ont abordé la question du dépistage inadéquat de la part de personnel infirmier dans les réserves et de l’omission de proposer des services de dépistage ou de diagnostic hors réserve. L’une d’entre elle a expliqué que, si la condition d’un enfant d’une communauté éloignée se détériore pour cause de dépistage ou de diagnostic inadéquat, un membre de la famille peut devoir assumer le coût d’un transport aérien vers la salle d’urgence d’un hôpital. Une autre a décrit les efforts extraordinaires qui sont nécessaires pour accéder à des services pour lesquels les SSNA ne couvrent pas de déplacement. Les SSNA ne couvrant le coût du transport que pour des services « nécessaires sur le plan médical », le coût du transport pour de services de physiothérapie ou d’orthophonie peut ne pas être couvert.93 Les personnes interrogées ont expliqué que, par conséquent, les familles et celles et ceux qui les soutiennent doivent apprendre à coordonner plusieurs rendez-vous médicaux autour d’une visite médicale pour laquelle les SSNA couvriront le coût du transport.

Une autre personne interrogée a cité un exemple encore plus concret des efforts extraordinaires entrepris pour s’assurer qu’un enfant des Premières Nations accède à des services. Elle a expliqué que, si un enfant des Premières Nations a besoin d’une intervention importante, telle qu’une transplantation d’organe, il peut devoir être transféré dans une ville, à l’hôpital ou près d’un hôpital, dans l’attente d’un donneur, puis être opéré, avant de compléter la phase de rémission. Les parents de cet enfant doivent séjourner aussi dans cette ville pour être avec lui pendant cette période – mais cela peut signifier une perte d’emploi dans leur communauté. Parce que ces familles résident habituellement dans une réserve bien qu’elles vivent temporairement à l’extérieur de celle-ci, elles peuvent être confrontées à une ambigüité sur le plan de la compétence en ce qui concerne l’aide au revenu, le logement et autres services. Elles peuvent se voir refuser des services habituellement offerts tant aux citoyens des Premières Nations vivant dans une réserve qu’aux familles à faible revenu vivant hors réserve. La personne interrogée a indiqué que, par conséquent, la famille pourrait devoir compter sur des levées de fonds et sur les ressources de la bande pour son soutien.

Le phénomène des familles et des communautés assumant un service ainsi que les coûts associés à celui-ci est également abordé dans le tableau documentant les informations relatives aux causes « relevant du Principe de Jordan » consignées par le gouvernement fédéral.94 L’un des cas décrits dans ce tableau concerne un adolescent, atteint de paralysie cérébrale, qui avait besoin d’un complément alimentaire : la famille a dû assumer le coût de ce complément en raison d’un conflit de compétence entre la province et les SSNA. De même, le directeur d’une agence de protection de l’enfance des Premières Nations a déclaré devant le Tribunal canadien des droits de la personne

91Chapitre 3 : Les cas liés au Principe de Jordan dans le contexte des services de santé et de protection de l’enfance

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se rappeler d’un cas dans lequel le personnel de son agence a organisé une levée de fonds pour financer l’achat d’un fauteuil roulant destiné à un enfant paraplégique confié à une famille d’accueil. Santé Canada avait rejeté la requête de financement du fauteuil roulant et, comme faire appel de cette décision constituerait un long processus soumis à trois niveaux d’examen, l’agence a estimé qu’une levée de fonds était la seule option raisonnable.95

Tant les entrevues que la documentation existante soulignent les divers, mais extraordinaires, efforts entrepris par les prestataires de services, les familles et les communautés des Premières Nations pour faire en sorte que les enfants des Premières Nations accèdent aux services dont ils ont besoin. Ces mesures extraordinaires constituent un fardeau supplémentaire pour des systèmes de soins de santé déjà aux prises avec des contraintes importantes. Les agences qui acceptent des mandats non financés s’exposent à d’éventuelles accusations de mauvaise gestion financière. Les négociations entourant l’accès à des services ou à du soutien pour des motifs humanitaires, notamment à des familles en attente de l’inscription au statut d’Indien, entraînent du travail additionnel pour du personnel de santé et de protection de l’enfance dont l’effectif est insuffisant. Les communautés et les familles qui couvrent les coûts de services ou de transferts eux-mêmes assument un fardeau financier important en sus de leurs responsabilités préexistantes envers les soins à dispenser aux enfants des Premières Nations.

Perspectives d’élimination des dénis, délais ou interruptions de services pour les enfants des Premières Nations Une mise en œuvre intégrale du Principe de Jordan est indispensable et nécessitera des ressources substantielles et durables

L’analyse contenue dans le présent document suggère que la probabilité de sous-financement et d’ambigüités sur le plan de la compétence, dont peuvent découler des conflits de compétence, est intrinsèque à la structure complexe des services de santé et de protection de l’enfance dispensés aux enfants des Premières Nations. Bien que notre analyse soit exploratoire plutôt qu’exhaustive, elle contient des preuves d’un sous-financement et d’ambigüités sur le plan de la compétence faisant l’objet d’une ample documentation en matière de services de santé et de protection de l’enfance dispensés aux enfants des Premières Nations. Elle expose aussi la probabilité constante de voir émerger de nouvelles ambigüités sur le plan de la compétence et de nouveaux cas de sous-financement découlant de réformes des politiques et de facteurs externes. Tant les ambigüités sur le plan de la compétence que le sous-financement peuvent entraîner des conflits de compétence et donner lieu à des dénis, des délais et des interruptions de services dispensés aux enfants des Premières Nations. Dans le contexte de la réponse du gouvernement au Principe de Jordan, qui a placé la barre tellement haute en ce qui a trait à la déclaration d’un cas relevant de ce principe

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que le gouvernement fédéral a soutenu qu’il n’y avait selon lui aucun cas relevant du Principe de Jordan au Canada,96 ces conflits de compétence ont des conséquences négatives extrêmement graves pour les enfants des Premières Nations. Dans les domaines de la santé et de la protection de l’enfance, les enfants des Premières Nations sont confrontés, en matière de services, à des lacunes et à des disparités qui peuvent entraîner une modification des critères normatifs applicables aux services et nécessiter des interventions plus invasives auprès des enfants des Premières Nations par rapport aux autres enfants. En vertu de la réponse du gouvernement, les familles, les communautés et les prestataires de services souhaitant faire en sorte que les enfants des Premières Nations accèdent aux services dont ils ont besoin peuvent être tenus de prendre des mesures extraordinaires, dont le coût peut être élevé sur les plans personnel, communautaire et organisationnel. Bien que toutes les familles puissent être confrontées à des défis en matière d’accès à des services pour leurs enfants, les preuves contenues dans le présent document indiquent que les défis auxquels sont confrontées les familles des Premières Nations sont bien plus importants que pour les autres familles. Par conséquent, elles illustrent le besoin d’une réponse du gouvernement au Principe de Jordan englobant la vision proposée par les Premières Nations et endossée par la Chambre des communes, une vision avec un champ d’application élargi et ayant pour objectif d’éliminer les dénis, les délais et les interruptions de services qui découlent des conflits de compétence.

La mise en œuvre d’une réponse du gouvernement au Principe de Jordan palliant les limitations de la réponse actuelle97 accentuera les priorités à l’enfant dans le cadre d’un bien plus grand nombre de cas et éliminera plusieurs des obstacles auxquels sont confrontées les familles des Premières Nations invoquant ce principe. En particulier, l’adoption de nouvelles normes d’identification des cas relevant du Principe de Jordan – des normes axées sur l’existence d’ambigüités sur le plan de la compétence ou d’un sous-financement dont découlent des dénis, des délais ou des interruptions de services, plutôt que sur une déclaration officielle d’un litige en matière de paiement – permettra d’élargir l’éventail de cas admissibles à l’application du Principe de Jordan. La mise en œuvre d’un véritable principe de priorité à l’enfant éliminant les dénis, les délais et les interruptions de services allègera les fardeaux administratifs associés à l’identification des cas relevant du Principe de Jordan. Par conséquent, la proportion des circonstances dans lesquelles des conflits de compétence seront reconnus comme relevant du Principe de Jordan devrait augmenter, et le nombre de situations dans lesquelles des enfants des Premières Nations sont confrontés à des lacunes et des disparités en matière de services devrait diminuer, tout comme le besoin de prendre des mesures extraordinaires pour que ces enfants bénéficient des services dont ils ont besoin.

Toutefois, les preuves contenues dans le présent rapport laissent également entendre qu’il sera difficile de parvenir à une mise en œuvre intégrale du Principe de Jordan, « en vertu de laquelle une confusion en matière de compétence n’entraînera jamais un déni, un délai ou l’interruption de la prestation d’un service ».98 La structure des services dispensés aux enfants des Premières Nations est complexe et fragmentée. Par conséquent, les prestataires de services peuvent ne pas

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disposer d’éléments naturels de comparaison entre les critères normatifs applicables aux services dispensés aux enfants des Premières Nations et ceux applicables aux services dispensés aux autres enfants. À titre d’exemple, le responsabilité de la prestation de services de santé et de protection de l’enfance dispensés dans les réserves incombe de plus en plus aux prestataires de services des Premières Nations, qui desservent principalement les enfants dans les réserves; ces prestataires de services peuvent ne pas accéder facilement à des informations relatives aux critères normatifs applicables aux soins ou aux traitements dispensés aux enfants vivant à l’extérieur des réserves. De plus, les critères normatifs applicables aux services dispensés varient selon le contexte, et des différences de standard peuvent évoluer en fonction des lacunes ou des disparités en matière de services et(ou) de facteurs tels que les conditions sociodémographiques ou les priorités culturelles dans les communautés des Premières Nations. Ainsi, le véritable défi sur le plan de la comparaison des critères normatifs se situe au-delà du simple fait de faire en sorte que les enfants des Premières Nations bénéficient de services équivalents à ceux dispensés aux autres enfants. Pour parvenir à des normes équitables en matière de services, nous devons nous assurer que les prestataires de services adoptent des approches correspondant aux priorités et aux réalités des Premières Nations, tout en nous assurant également que les services dispensés aux enfants des Premières Nations ne soient pas soumis à des normes de services ou de soins de moindre qualité. Il s’agit d’un objectif difficile à atteindre et les prestataires de services qui desservent les familles des Premières Nations peuvent ne pas toujours être en mesure de déterminer par eux-mêmes si les normes applicables à ces familles en matière de services sont inéquitables.

Ainsi, la concrétisation de la vision du Principe de Jordan proposée par les Premières Nations et endossée par la Chambre des communes nécessitera plus que la simple élaboration et la simple mise en œuvre de procédures pour traiter équitablement et efficacement les cas relevant de ce principe une fois qu’ils auront été reconnus comme tels. Elle nécessitera aussi l’élaboration d’initiatives éducatives, des ressources afin de déterminer les normes provinciales en matière de services, et des réseaux de partage d’informations pour aider les prestataires de services à déterminer quels sont les cas relevant du Principe de Jordan. Dans tous les domaines de services, l’ensemble des prestataires devra comprendre ce que représente le Principe de Jordan, comment déterminer l’existence d’un conflit de compétence, et comment déclencher l’application du Principe de Jordan une fois que l’existence d’un litige aura été déterminée. Pour atteindre ce but, des efforts durables et concertés devront être déployés par les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et des Premières Nations afin d’inciter les prestataires de services, les organisations professionnelles, les universités et les collèges, ainsi que les autres intervenants à mettre en œuvre le Principe de Jordan. Ces efforts doivent être entrepris pour faire en sorte que les droits de la personne, constitutionnels et issus de traités des enfants des Premières Nations soient respectés.

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Des mécanismes systémiques pour remédier au sous-financement et aux ambigüités sur le plan de la compétence sont aussi nécessaires

Même si les efforts décrits ci-dessus en vue d’une mise en œuvre intégrale du Principe de Jordan sont entrepris, des mécanismes pour prévenir l’émergence de cas relevant du Principe de Jordan doivent également être mis en place. Le gouvernement fédéral n’a pas compris que le Principe de Jordan nécessitait de la part des gouvernements une modification de leurs programmes ou de leurs politiques de financement afin de remédier aux causes sous-jacentes des cas relevant de ce principe, telles que des ambigüités sur le plan de la compétence ou un sous-financement. Dans son plaidoyer de clôture devant le Tribunal canadien des droits de la personne, le gouvernement fédéral a décrit comme suit le Principe de Jordan : « Bien qu’ayant pour objectif de favoriser le règlement de conflits de compétence survenant dans le cadre de certains programmes, le Principe de Jordan n’est pas à même de corriger ou modifier les paramètres du programme mis en cause existant. »99 Par conséquent, même si la situation d’un enfant des Premières Nations présentant un conflit de compétence a déjà été reconnue comme un cas relevant du Principe de Jordan, rien n’empêchera un autre enfant des Premières Nations d’être confronté exactement au même conflit de compétence. Ce deuxième enfant devra lui aussi invoquer l’application du Principe de Jordan afin de bénéficier de services comparables à ceux habituellement dispensés aux autres enfants au Canada.

Compte tenu de la complexité du financement et des systèmes de prestation des services dispensés aux enfants des Premières Nations, de l’ampleur des disparités et des lacunes en matière de services dans les réserves, et du lien complexe entre les lacunes existantes et les critères normatifs des services, il est peu probable que tous les cas présentant un conflit de compétence entraînant un déni, un délai ou une interruption de service pour un enfant des Premières Nations seront reconnus comme des cas relevant du Principe de Jordan. Il pourra continuer d’être difficile pour les prestataires de définir des normes de service pour les enfants des Premières Nations par rapport aux autres enfants. À titre d’exemple, il est possible que les prestataires ne desservant que les enfants des réserves ne soient pas familiers avec les critères normatifs applicables aux services dispensés aux autres enfants; il est donc possible qu’ils ne soient pas en mesure de déterminer qu’un conflit de compétence existe, surtout s’ils sont confrontés à des lacunes en matière de services et notamment à l’absence de services de diagnostic et de prévention. Dans les cas présentant des ambigüités sur le plan de la compétence et un sous-financement qui entravent l’accès initial à des services, les familles ne seront pas nécessairement en relation avec un prestataire de services pouvant faciliter la reconnaissance d’un cas relevant du Principe de Jordan. Elles devront déterminer de façon indépendante l’existence d’un conflit de compétence et insister pour que leur cas soit reconnu comme relevant du Principe de Jordan, tout en prenant soin d’un enfant aux prises avec des besoins pour lesquels des services ne sont pas disponibles. Même s’il devient plus facile de déclencher l’application du Principe de Jordan, il semble possible que les familles de certains enfants y étant admissibles ne décèleront pas de conflit de compétence,

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ou n’insisteront pas pour que leur cas soit reconnu comme relevant de ce principe. Dans les cas non reconnus au niveau officiel comme relevant du Principe de Jordan, les enfants des Premières Nations continueront d’être confrontés à des lacunes et des disparités en matière de services, ainsi qu’à des situations exigeant des efforts extraordinaires pour accéder aux services dont ils ont besoin.

Par conséquent, le Principe de Jordan en lui-même n’est pas suffisant pour faire en sorte que les enfants des Premières Nations bénéficient des services équitables auxquels ils ont droit en vertu des conventions internationales, des lois fédérales, provinciales et territoriales, et des ententes avec les Premières Nations. En plus d’éliminer les dénis, les délais et les interruptions de services pour les enfants des Premières Nations dans les cas reconnus comme relevant du Principe de Jordan, la réponse du gouvernement à ce principe doit également systématiquement faire en sorte de déterminer et résoudre les problèmes sous-jacents d’ambigüités sur le plan de la compétence et de sous-financement dont découlent les conflits de compétence survenant dans tous les cas reconnus comme relevant du Principe de Jordan. Ainsi, à chaque fois qu’un nouveau cas sera reconnu comme relevant du Principe de Jordan, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux devront collaborer avec les Premières Nations afin de clarifier les responsabilités en matière de compétence et éliminer le sous-financement pour prévenir l’émergence de futurs cas semblables.

ConclusionNotre analyse illustre la prévalence d’un sous-financement et d’ambigüités sur le plan de la compétence donnant lieu à des conflits de compétence à la suite desquels les enfants des Premières Nations sont confrontés à des difficultés bien plus grandes que celles auxquelles sont confrontés les autres enfants pour accéder aux services dont ils ont besoin. Sans aucun doute, la documentation existante et nos entrevues exploratoires indiquent que la probabilité de sous-financement et d’ambigüités sur le plan de la compétence est intrinsèque à la complexité du système de financement et de prestation des services dispensés aux enfants des Premières Nations et que, par conséquent, la probabilité de nouveaux conflits de compétence est omniprésente. En raison de ces conflits de compétence, les enfants des Premières Nations sont exposés à des lacunes et des disparités en matière de services, dont peut découler l’élaboration de normes de service différentes et, en fin de compte, le besoin d’interventions d’une intensité accrue. Face à de tels conflits, les familles, les communautés et les prestataires de services peuvent être amenés à entreprendre des efforts extraordinaires pour que les enfants des Premières Nations bénéficient des services dont ils ont besoin, ce qui constitue un fardeau additionnel pour des systèmes déjà aux prises avec des ressources limitées.

L’obligation pour les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de veiller à ce que les enfants des Premières Nations soient traités de façon équitable est stipulée dans la Convention

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des Nations Unies sur les droits de l’enfant, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi canadienne sur les droits de la personne, et dans d’autres lois et ententes fédérales, provinciales, territoriales et des Premières Nations. Lorsque des enfants des Premières Nations sont confrontés à des dénis, des délais ou des interruptions en matière de services en raison de conflits de compétence, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux se soustraient à cette obligation. Par conséquent, l’élaboration d’une réponse du gouvernement au Principe de Jordan reflétant la vision proposée par les Premières Nations et endossée par la Chambre des communes – une vision qui élimine les dénis, les délais et les interruptions de services dans les cas reconnus comme relevant du Principe de Jordan – est un mécanisme nécessaire pour faire en sorte que les droits de la personne, constitutionnels et issus de traités des enfants des Premières Nations soient respectés. Cependant, l’application systématique du principe de priorité à l’enfant dans tous les cas reconnus de conflits de compétence relatifs à des services destinés à un enfant des Premières Nations n’est pas suffisante. La réponse du gouvernement au Principe de Jordan doit également faire en sorte de déterminer et résoudre systématiquement les problèmes sous-jacents d’ambigüités sur le plan de la compétence et de sous-financement dont découlent les cas relevant du Principe de Jordan. À chaque fois qu’un nouveau cas est reconnu comme relevant du Principe de Jordan, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux doivent collaborer avec les Premières Nations afin de clarifier les responsabilités en matière de compétence et éliminer le sous-financement pour prévenir l’émergence de futurs cas semblables. La mise en œuvre d’une réponse gouvernementale qui garantira la prestation en temps opportun de services équitables aux enfants des Premières Nations et préviendra l’émergence de futurs cas semblables nécessitera des efforts durables et concertés de la part des gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et des Premières Nations, ainsi que des prestataires de services, des organisations professionnelles et des institutions d’enseignement.

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1 Sinha, V., & Kozlowski, A. (2013). The structure of Aboriginal child welfare. International Indigenous Policy Journal, 4(2), 1–23.2 Sinha, V., Blumenthal, A., Churchill, M., Trocmé ,N., Lach, L.,Lavoie, J. (2015). La réponse du gouvernement au Principe de Jordan. Dans Le groupe de travail sur le Principe de Jordan. (2015). Sans déni, délai ou interruption : veiller à ce que les enfants des Premières Nations bénéficient de services équitables par l’entremise du Principe de Jordan. Ottawa (ON) : Assemblée des Premières Nations.3 Trocmé, N. et al. (2010). Étude canadienne sur l’incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants – 2008 : Données principales. Agence de la santé publique du Canada. Extrait de : http://www.phac-aspc.gc.ca/cm-vee/csca-ecve/2008/index-fra.php; Sinha, V., & Kozlowski, A. (2013). The structure of Aboriginal child welfare. International Indigenous Policy Journal, 4(2), 1–23.4 Ibid.5 Sinha, V., Trocmé, N. et al. (2011). Résumé de Kiskisik Awasisak : N’oublions pas les enfants. Comprendre la surreprésentation des enfants des Premières Nations dans le système de protection de l’enfance. Assemblée des Premières Nations. Extrait de : http://cwrp.ca/fr/publications/2686. 6 Sinha, V., & Kozlowski, A. (2013). The structure of Aboriginal child welfare. International Indigenous Policy Journal, 4(2), 1–23.7 Bureau du vérificateur général du Canada. (2008). Le programme des services à l’enfance et à la famille des Premières nations — Affaires indiennes et du Nord Canada (Rapport de la vérificatrice générale du Canada). Ottawa (ON ) : Bureau du vérificateur général du Canada. Extrait de : http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_oag_200805_04_f_30700.html.8 Sinha, V., & Kozlowski, A. (2013). The structure of Aboriginal child welfare. International Indigenous Policy Journal, 4(2), 1–23.9 Trocmé, N. et al. (2010). Étude canadienne sur l’incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants – 2008 : Données principales. Agence de la santé publique du Canada. Extrait de : http://www.phac-aspc.gc.ca/cm-vee/csca-ecve/2008/index-fra.php.10 Sinha, V., Trocmé, N. et al. (2011). Résumé de Kiskisik Awasisak : N’oublions pas les enfants. Comprendre la surreprésentation des enfants des Premières Nations dans le système de protection de l’enfance. Assemblée des Premières Nations. Extrait de : http://cwrp.ca/fr/publications/2686.11 Sinha, V., & Kozlowski, A. (2013). The structure of Aboriginal child welfare. International Indigenous Policy Journal, 4(2), 1–23. 12 La Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict, c 3, art. 91(24).13 Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5, art. 88.14 Santé Canada. (2011). Le système de soins de santé du Canada [publication]. Extrait le 8 décembre 2014, de : http://www.hc-sc.gc.ca/hcs-sss/pubs/system-regime/2011-hcs-sss/index-fra.php.15 Schneider c. La reine, [1982] 2 RCS 112, cité dans MacIntosh, C. (2011). Indigenous peoples and health law and policy: Responsibilities and obligations. Dans J. G. Downie, T. A. Caulfield, & C. M. Flood (Eds.), Canadian health law and policy. Markham, ON & Dayton, OH: LexisNexis Canada, p. 584.16 Lavoie, J. G. (2013). Policy silences: why Canada needs a National First Nations, Inuit and Métis health policy. International Journal of Circumpolar Health, 72, p. 5.17 Jackman. (2000). Constitutional jurisdiction over health in Canada. Health Law Journal, 8, 95–117. 18 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (2008). Vous voulez savoir - Les programmes et les services fédéraux destinés aux Indiens inscrits. Extrait le 8 décembre 2014, de : https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100028564/1100100028566 19 Lavoie, J. G. (2011). À la recherche des Autochtones dans la législation et les politiques sur la santé de 1970 à 2008 : Projet de synthèse des politiques. Prince George (C.-B.) : Centre de collaboration nationale de la santé autochtone. Extrait de http://www.nccah-ccnsa.ca/Publications/Lists/Publications/Attachments/28/Looking%20for%20Aboriginal%20Health%20in%20Legislation%20and%20Polcies%20(French%20-%20Web).pdf 20 Waldram, J. B., Herring, A., & Young, T. K. (1995). Aboriginal health in Canada: historical, cultural, and epidemiological perspectives. Toronto (ON) : University of Toronto Press; Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (2008); Vous voulez savoir - Les programmes et les services fédéraux destinés aux Indiens inscrits. Extrait le 8 décembre 2014, de : https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100028564/1100100028566 21 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (2008). Vous voulez savoir - Les programmes et les services fédéraux destinés aux Indiens inscrits. Extrait le 8 décembre 2014, de : https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100028564/1100100028566

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22 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (2008). Vous voulez savoir - Les programmes et les services fédéraux destinés aux Indiens inscrits. Extrait le 8 décembre 2014, de : https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100028564/1100100028566. 23 Lavoie, J. G., Gervais, L., Toner, J., Bergeron, O., & Thomas, G. (2013). Aboriginal health policies in Canada: The Policy Synthesis Project. Prince George (C.-B.); Lavoie, J. G., Forget, E., & O’Neil, J. D. (2007). Pourquoi l’équité dans le financement des services de santé dans les réserves des Premières nations est importante : constatations de l’évaluation nationale de 2005 de la Politique de transfert des services de santé, Politiques de santé, 79–96.24 Lavoie, J. G., et al. (2005). L’évaluation de la Politique de transfert des services de santé aux Premières nations et aux Inuits (2006). Winnipeg (MB) : First Nations Centre for Aboriginal Research; voir également Lavoie, J. G., Forget, E., & O’Neil, J. D. (2007). Why equity in financing First Nations on-reserve health services matters: Findings from the 2005 National Evaluation of the Health Transfer Policy, [Pourquoi l’équité dans le financement des services de santé dans les réserves des Premières nations est importante : constatations de l’évaluation nationale de 2005 de la Politique de transfert des services de santé], Healthcare Policy, 2(4), 79–96.25 Santé Canada, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits (2008). État des transferts en mars 2008. Ottawa.26 KTA. (2008). Continuing care policy options analysis: Draft. Préparé par KTA Inc en collaboration avec le Joint Working Group (Travail de groupe conjoint). Ottawa (ON).27 Lavoie, J. G., Gervais, L., Toner, J., Bergeron, O., & Thomas, G. (2013). Aboriginal health policies in Canada: The Policy Synthesis Project. Prince George (C.-B.).28 Boyer, Y. (2003). Aboriginal health: A constitutional rights analysis (No. 1). Ottawa (ON) : Organisation nationale de la santé, p. 6. Extrait de : http://www.naho.ca/documents/naho/english/publications/DP_crowns_obligation.pdf29 Nation crie Wuskwi Sipihk c. Canada (Ministre de la santé et du bien-être social), 1999 CanLII 7454 (CF), http://canlii.ca/t/48gm 30 Lavoie, J. G. (2013). Policy silences: why Canada needs a National First Nations, Inuit and Métis health policy. International Journal of Circumpolar Health, 72. doi:10.3402/ijch.v72i0.22690; Lavoie, J. G. (2011). À la recherche des Autochtones dans la législation et les politiques sur la santé de 1970 à 2008. Prince George (C.-B.) : Centre de collaboration nationale de la santé autochtone. Extrait de http://www.nccah-ccnsa.ca/Publications/Lists/Publications/Attachments/28/Looking%20for%20Aboriginal%20Health%20in%20Legislation%20and%20Polcies%20(French%20-%20Web).pdf.31 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (2008). Programme d’aide à la vie autonome. Extrait de https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100035250/1100100035251; Santé Canada. (2011). First Nation and Inuit health program compendium 2011/2012.32 Murphy, S. (Directeur général, Direction générale de la politique sociale et des programmes, AADNC). (2 novembre 2012). Renouvellement du programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations - présentation au Comité des directeurs généraux chargé de l’examen des politiques. (Divulgation CAN055894_0001).33 Plouffe, S. (2013). Témoignage [Transcription], no dossier T1340/7008, vol. 19, aux pp. 22587-2588. Ottawa (ON) : Tribunal canadien des droits de la personne.34 Johnston O. (29 août 2012). Programme des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations (SFEPN) – présentation à Francoise Ducros, ADM, ESDPPS. (Divulgation 140304104145). Vision d’avenir; Murphy, S. (Directeur général, Direction générale de la politique sociale et des programmes, AADNC). (2 novembre 2012). Renouvellement du programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations - présentation au Comité des directeurs généraux chargé de l’examen des politiques. (Divulgation CAN055894_0001).35 Ibid.36 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (2012). Manuel national de programmes sociaux. Ottawa (ON) : Gouvernement du Canada. Extrait de : https://www.aadnc-aandc.gc.ca/DAM/DAM-INTER-HQ-HB/STAGING/texte-text/hb_sp_npm_mnp_1335464147597_fra.pdf37 Affaires indiennes et du Nord Canada. (2007). Évaluation du Programme des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations. Extrait de : https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1332357041519/133235711705138 McDonald, R.-A., & Ladd, P. (2000). Services à l’enfance et à la famille (Version provisoire du rapport final). Ottawa (ON) : Préparé pour l’Assemblée des Premières Nations, des représentants de l’agence des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, en partenariat avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada.39 Bureau du vérificateur général du Canada. (2008). Le programme des services à l’enfance et à la famille des Premières nations — Affaires indiennes et du Nord Canada (Rapport de la vérificatrice générale du Canada). Ottawa

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(ON ) : Bureau du vérificateur général du Canada. Extrait de : http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_oag_200805_04_f_30700.html 40 Johnston O. (29 août 2012). Programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations (SFEPN) – présentation à Francoise Ducros, ADM, ESDPPS. (Divulgation 140304104145). Vision d’avenir; Murphy, S. (Directeur général, Direction générale de la politique sociale et des programmes, AADNC). (2 novembre 2012). Renouvellement du programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations - présentation au Comité des directeurs généraux chargé de l’examen des politiques. (Divulgation CAN055894_0001).41 Loi sur les services sociaux dispensés aux Indiens, L.R.O. 1990, c I.442 Commission de promotion de la viabilité des services de bien-être à l’enfance - Ontario. (2011). Un nouveau mode de financement des services de bien-être de l’enfance en Ontario. Extrait de : http://www.children.gov.on.ca/htdocs/French/documents/topics/childrensaid/commission/2011aug-Funding-FR.pdf 43 Johnston O. (29 août 2012). Programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations (SFEPN) – présentation à Francoise Ducros, ADM, ESDPPS. (Divulgation 140304104145). Vision d’avenir; Murphy, S. (Directeur général, Direction générale de la politique sociale et des programmes, AADNC). (2 novembre 2012). Renouvellement du programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations - présentation au Comité des directeurs généraux chargé de l’examen des politiques. (Divulgation CAN055894_0001).44 Lavoie, J. G., et al. (2005). L’évaluation de la Politique de transfert des services de santé aux Premières nations et aux Inuits. Winnipeg (MB) : First Nations Centre for Aboriginal Research; Lavoie, J. G., Forget, E., & O’Neil, J. D. (2007). Pourquoi l’équité dans le financement des services de santé dans les réserves des Premières nations est importante : constatations de l’évaluation nationale de 2005 de la Politique de transfert des services de santé. Politiques de santé, 2(4), 79–96.45 KTA. (2008). Continuing care policy options analysis: Draft. Préparé par KTA Inc en collaboration avec le Joint Working Group (Travail de groupe conjoint). Ottawa (ON), p. 12.46 Ibid., p. 22.47 Ibid., p. 29.48 Santé Canada. (2010). Évaluation sommative du Programme de soins à domicile et en milieu communautaire des Premières Nations. Gouvernement du Canada. Sommaire. Extrait de : http://www.hc-sc.gc.ca/fniah-spnia/pubs/services/fnihcc-psdmcpni/index-fra.php 49 Santé Canada. (2010). Évaluation sommative du Programme de soins à domicile et en milieu communautaire des Premières Nations. Gouvernement du Canada. Conclusions et recommandations. Extrait de : http://www.hc-sc.gc.ca/fniah-spnia/pubs/services/fnihcc-psdmcpni/index-fra.php.50 McDonald, R.-A., & Ladd, P. (2000). Services à l’enfance et à la famille (Version provisoire du rapport final). Ottawa (ON) : Préparé pour l’Assemblée des Premières Nations, des représentants de l’agence des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, en partenariat avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada.; Blackstock, C., Prakash, T., Loxley, J., & Wien, F. (2005). Wen:de : Nous voyons poindre la lumière du jour (Phase II). Ottawa (ON) : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada. Extrait de : http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/docs/WendeReport_f.pdf ; Bureau du vérificateur général du Canada. (2008). Le programme des services à l’enfance et à la famille des Premières nations — Affaires indiennes et du Nord Canada (Rapport de la vérificatrice générale du Canada). Ottawa (ON ) : Bureau du vérificateur général du Canada. Extrait de : http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_oag_200805_04_f_30700.html; Bureau du vérificateur général du Canada. (2011). Rapport au Parlement - 2011 juin - Rapport Le Point de la vérificatrice générale du Canada. « Chapitre 4 : Les programmes pour les Premières Nations dans les réserves ». Bureau du vérificateur général du Canada. Extrait de : http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_oag_201106_04_f_35372.html ; Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (2012). Rapport d’étape du gouvernement du Canada (2006-2012) - Avec détermination : Renforcer les relations avec les membres et les collectivités des Premières Nations du Canada. Ottawa (ON) : Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. Extrait de : http://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1327173357543/1327173403786. 51 Bureau du vérificateur général du Canada. (2008). 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53 Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord Canada) (2014), CHRT T1340/7008 (Plaidoirie de la Société de soutien, plaignante). Extrait de : http://www.fncaringsociety.ca/sites/default/files/Caring%20Society%20-%20Closing%20Submissions.pdf54 Boyer, Y. (2003). Aboriginal health: A constitutional rights analysis (No. 1). Ottawa (ON) : Organisation nationale de la santé autochtone. Extrait de : http://www.naho.ca/documents/naho/english/publications/DP_crowns_obligation.pdf; Boyer, Y. (2004). First Nations, Métis and Inuit health care: The Crown’s fiduciary obligation (No. 2). Ottawa (ON) : Organisation nationale de la santé autochtone. Extrait de : http://www.naho.ca/documents/naho/english/publications/DP_crowns_obligation.pdf; Romanow, R. J. (2002). Guidé par nos valeurs: l’avenir des soins de santé au Canada – Rapport final. Ottawa (ON) : Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada, dans lequel sont sites l’APN (2002), Ahenakew & Sanderson (2001), l’APNQL (1999) et la CRPA (1996).55 Lavoie, J. G. (2013). Policy silences: why Canada needs a national First Nations, Inuit and Métis health policy. International Journal of Circumpolar Health, 72, p. 4. doi:10.3402/ijch.v72i0.22690.56 Affaires indiennes et du Nord Canada. (2007). Programme d’aide au revenu – Manuel national (pp. 1-66). Ottawa (ON); Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (2012). Manuel national programmes sociaux. Ottawa (ON) : Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. 57 Lavoie, J. G., Kaufert, J., Browne, A., Mah, S., & O’Neil, J. (sous presse). Negotiating barriers, navigating the maze: First Nation peoples’ experience of medical relocation. Administration publique du Canada Administration. 58 Ibid.59 Fédération des Nations indiennes de la Saskatchewan. (2008). Ambiguity issues for Jordan’s Principle. Notes d’information préparées pour la Fédération des Nations indiennes de la Saskatchewan, rencontre sur le Principe de Jordan. Regina (SK) : Fédération des Nations indiennes de la Saskatchewan. 60 Allec, R. (2005). First Nations health and wellness in Manitoba: Overview of gaps in service and issues associated with jurisdictions - Final report. Gouvernement du Manitoba, p. 32. Extrait de : http://www.gov.mb.ca/ana/publications/1st_nations_health_final2005.pdf.61 Fédération des Nations indiennes de la Saskatchewan. (2008). Ambiguity issues for Jordan’s Principle. Notes d’information préparées pour la Fédération des Nations indiennes de la Saskatchewan, rencontre sur le Principe de Jordan. Regina (SK) : Fédération des Nations indiennes de la Saskatchewan.62 Lavoie, J. G., & Forget, E. (2006). A financial analysis of the current and prospective health care expenditures for First Nations in Manitoba. Manitoba.63 Bureau du vérificateur général du Canada. (2008). Le programme des services à l’enfance et à la famille des Premières nations — Affaires indiennes et du Nord Canada (Rapport de la vérificatrice générale du Canada). Ottawa (ON ) : Bureau du vérificateur général du Canada. Extrait de : http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_oag_200805_04_f_30700.html; Bureau du vérificateur général du Canada. (2011). Rapport au Parlement - 2011 juin - Rapport Le Point de la vérificatrice générale du Canada. « Chapitre 4 : Les programmes pour les Premières Nations dans les réserves ». Ottawa (ON) : Bureau du vérificateur général du Canada. Extrait de : http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_oag_201106_04_f_35372.html64 Lavoie, J. G., et al. (2005). L’évaluation de la Politique de transfert des services de santé aux Premières nations et aux Inuits (2006). Winnipeg (MB) : First Nations Centre for Aboriginal Research; Lavoie, J. G., Forget, E., & O’Neil, J. D. (2007). Pourquoi l’équité dans le financement des services de santé dans les réserves des Premières nations est importante : constatations de l’évaluation nationale de 2005 de la Politique de transfert des services de santé, Politiques de santé, 2(4), 79–9665 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (2013, April). Évaluation de la mise en œuvre de l’approche améliorée axée sur la prévention en Saskatchewan et en Nouvelle-Écosse, dans le cadre du programme Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations. Direction générale de l’évaluation, de la mesure du rendement et de l’examen d’AADNC, Secteur de l’évaluation et de la vérification. Extrait de : http://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1382098076520/1382098176246. 66 Murphy, S. (Directeur général, Direction générale de la politique sociale et des programmes, AADNC). (2 novembre 2012). Renouvellement du programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations - présentation au Comité des directeurs généraux chargé de l’examen des politiques. (Divulgation CAN055894_0001).67 Sinha, V., Blumenthal, A., Churchill, M., Trocmé ,N., Lach, L.,Lavoie, J. (2015) La réponse du gouvernement au Principe de Jordan. Dans Le groupe de travail sur le Principe de Jordan. (2015). Sans déni, délai ou interruption : veiller à ce que les enfants des Premières Nations bénéficient de services équitables par l’entremise du Principe de Jordan. Ottawa (ON) : Assemblée des Premières Nations.

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68 Le Conseil de bande de Pictou Landing et Maurina Beadle c. le Procureur général du Canada, 2013 C.F. 342. Extrait de : http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/Ruling-%20Fed%20Court%20Beadle%20and%20Pictou%20Landing%20FN.pdf.69 Were, W. (7 août 2011). Pictou Landing Case. Document interne de Santé Canada. 70 Le Conseil de bande de Pictou Landing et Maurina Beadle c. le Procureur général du Canada, 2013 C.F. 342. Extrait de : http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/Ruling-%20Fed%20Court%20Beadle%20and%20Pictou%20Landing%20FN.pdf.71 Bureau du vérificateur général du Canada. (2008). Le programme des services à l’enfance et à la famille des Premières nations — Affaires indiennes et du Nord Canada (Rapport de la vérificatrice générale du Canada). Ottawa (ON ) : Bureau du vérificateur général du Canada. Extrait de : http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_oag_200805_04_f_30700.html. Bureau du vérificateur général du Canada. (2011). Rapport au Parlement - Juin 2011 - Rapport Le Point de la vérificatrice générale du Canada. « Chapitre 4 : Les programmes pour les Premières Nations dans les réserves ». Ottawa (ON) : Bureau du vérificateur général du Canada. Extrait de : http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_oag_201106_04_f_35372.html; Blackstock, C., Prakash, T., Loxley, J., & Wien, F. (2005). Wen:de : Nous voyons poindre la lumière du jour (Phase II). Ottawa (ON) : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada. Extrait de : http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/docs/WendeReport_f.pdf; Murphy, S. (Directeur général, Direction générale de la politique sociale et des programmes, AADNC). (2 novembre 2012). Renouvellement du programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations - présentation au Comité des directeurs généraux chargé de l’examen des politiques. (Divulgation CAN055894_0001).72 Turpel-Lafond, M.-E. (Novembre 2013). When talk trumped service: A decade of lost opportunity for Aboriginal children and youth in B.C. - A special report. Victoria, B.C.: Representative for Children and Youth, p. 60. Extrait de http://www.rcybc.ca/sites/default/files/documents/pdf/reports_publications/when_talk_trumped_service.pdf 73 Richard, B. et al. (Février 2010). Hand-in-hand: A review of First Nations child welfare in New Brunswick. Fredericton, NB: Office of the Ombudsman and Child and Youth Advocate, p.27. Extrait de http://www.gnb.ca/0073/PDF/handinhand-e.pdf74 Lucarz-Simpson (2007) cité dans Santé Canada. (2010). Évaluation sommaire des soins de santé à domicile et en milieu communautaire des Premières Nations et des Inuits. Gouvernement du Canada. Extrait de http://www.hc-sc.gc.ca/fniah-spnia/pubs/services/fnihcc-psdmcpni/index-eng.php75 Lavoie, J. G., et al. (2005). L’évaluation de la Politique de transfert des services de santé aux Premières nations et aux Inuits. Winnipeg (MB) : First Nations Centre for Aboriginal Research, p. 64; Affaires indiennes et Développement du Nord Canada. (2009). Évaluation de l’incidence des programmes d’aide au revenu, du réinvestissement de la prestation nationale pour enfants et d’aide à la vie autonome : Rapport final, p. 45. Extrait de https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100011747/110010001181476 Bureau du vérificateur général du Canada. (2008). Le programme des services à l’enfance et à la famille des Premières nations — Affaires indiennes et du Nord Canada (Rapport de la vérificatrice générale du Canada). Ottawa (ON ) : Bureau du vérificateur général du Canada. Extrait de : http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_oag_200805_04_f_30700.html77 Fernell, E., Eriksson, M. A., & Gillberg, C. (2013). Early diagnosis of autism and impact on prognosis: a narrative review. Clinical Epidemiology, 5, 33–43. doi:10.2147/CLEP.S4171478 Streissguth A, Barr H, Kogan J, Bookstein F. Primary and secondary disabilities in fetal alcohol syndrome. Dans: Streissguth AP, Kanter J (Eds.). (1997). The challenge of fetal alcohol syndrome: overcoming secondary disabilities. Seattle: University of Washington Press, pp. 25-39.79 Allec, R. (2005). First Nations health and wellness in Manitoba: Overview of gaps in service and issues associated with jurisdictions - Final report. Gouvernement du Manitoba, p. 32. Extrait de : http://www.gov.mb.ca/ana/publications/1st_nations_health_final2005.pdf80 Bureau du vérificateur général du Canada. (2008). Le programme des services à l’enfance et à la famille des Premières nations — Affaires indiennes et du Nord Canada (Rapport de la vérificatrice générale du Canada). Ottawa (ON ) : Bureau du vérificateur général du Canada. Extrait de : http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_oag_200805_04_f_30700.html81 Terms of Reference Working Group (Groupe de travail, modalités). (2009). Rapport préliminaire sur le règlement des conflits liés au Principe de Jordan (Divulgation CAN022748_0001 to CAN022748_0033). 82 Affaires indiennes et Développement du Nord Canada. (2009). Évaluation de l’incidence des programmes d’aide au revenu, du réinvestissement de la prestation nationale pour enfants et d’aide à la vie autonome : Rapport final, p. 45. Extrait de https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100011747/1100100011814.

102 Chapitre 3 : Les cas liés au Principe de Jordan dans le contexte des services de santé et de protection de l’enfance

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83 Lucarz-Simpson (2007) cité dans Santé Canada. (2010). Évaluation sommaire des soins de santé à domicile et en milieu communautaire des Premières Nations et des Inuits. Gouvernement du Canada. Extrait de http://www.hc-sc.gc.ca/fniah-spnia/pubs/services/fnihcc-psdmcpni/index-eng.php84 Were, W. (7 août 2011). Pictou Landing Case. Document interne de Santé Canada.85 Sinha, V., Trocmé, N. et al. (2011). Résumé de Kiskisik Awasisak : N’oublions pas les enfants. Comprendre la surreprésentation des enfants des Premières Nations dans le système de protection de l’enfance. Assemblée des Premières Nations. Extrait de : http://cwrp.ca/fr/publications/2686.86 Johnston O. (29 août 2012). Programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations (SFEPN) – présentation à Francoise Ducros, ADM, ESDPPS. (Divulgation 140304104145). Vision d’avenir; Murphy, S. (Directeur général, Direction générale de la politique sociale et des programmes, AADNC). (2 novembre 2012). Renouvellement du programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations - présentation au Comité des directeurs généraux chargé de l’examen des politiques. (Divulgation CAN055894_0001).87 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (2013, April). Évaluation de la mise en œuvre de l’approche améliorée axée sur la prévention en Saskatchewan et en Nouvelle-Écosse, dans le cadre du programme Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations. Direction générale de l’évaluation, de la mesure du rendement et de l’examen d’AADNC, Secteur de l’évaluation et de la vérification. Extrait de : http://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1382098076520/138209817624688 Ibid.89 Affaires indiennes et Développement du Nord Canada. (2009). Évaluation de l’incidence des programmes d’aide au revenu, du réinvestissement de la prestation nationale pour enfants et d’aide à la vie autonome : Rapport final, p. 45. Extrait de https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1100100011747/110010001181490 KTA. (2008). Continuing care policy options analysis: Draft. Préparé par KTA Inc en collaboration avec le Joint Working Group (Travail de groupe conjoint). Ottawa (ON), « Annexe B. »91 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (n.d.). Document sur la mise en œuvre du Principe de Jordan. (Divulgation CAN022748_0053). 92 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (6 juillet 2011). Demande d’inscription d’un enfant en vertu de la Loi sur les Indiens [demande]. Extrait de https://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1309962245546/1309962379050 93 Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, Santé Canada (2005). Cadre de travail sur le transport pour raison médicale. Extrait de : http://www.hc-sc.gc.ca/fniah-spnia/alt_formats/fnihb-dgspni/pdf/pubs/medtransp/2005_med-transp-frame-cadre-fra.pdf94 Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (n.d.). Document sur la mise en œuvre du Principe de Jordan. (Divulgation CAN022748_0053).95 Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord Canada) (2014), CHRT T1340/7008 (Plaidoirie de la Société de soutien, plaignante). Extrait de : http://www.fncaringsociety.ca/sites/default/files/Caring%20Society%20-%20Closing%20Submissions.pdf96 Gouvernment du Canada. (23 avril 2012). Période des questions : Avis au ministre - Premières Nations - Principe de Jordan - Financement. (Document obtenu par une demande d’accès à l’information). Affaires autochtones et Développement du Nord Canada. (8 octobre 2010). Principe de Jordan : Messages clés. Document obtenu par une demande d’accès à l’information. Extrait de http://www.fncaringsociety.com/sites/default/files/docs/A201003015_2011.pdf97 Sinha, V., Blumenthal, A., Churchill, M., Trocmé ,N., Lach, L.,Lavoie, J. (2015.) La réponse du gouvernement au Principe de Jordan. Dans le groupe de travail sur le Principe de Jordan. (2015). Sans déni, délai ou interruption : veiller à ce que les enfants des Premières Nations bénéficient de services équitables par l’entremise du Principe de Jordan. Ottawa (ON) : Assemblée des Premières Nations.98 Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord Canada) (2014), CHRT T1340/7008 (Plaidoirie de la Société de soutien, plaignante). Extrait de : http://www.fncaringsociety.ca/sites/default/files/Caring%20Society%20-%20Closing%20Submissions.pdf99 Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord Canada) (2014), CHRT T1340/7008 (Plaidoyer final du défendeur). Extrait de : http://www.fncaringsociety.ca/sites/default/files/Caring%20Society%20-%20Closing%20Submissions.pdf.

103Chapitre 3 : Les cas liés au Principe de Jordan dans le contexte des services de santé et de protection de l’enfance

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Annexe 1 : Organisations représentées au sein du Groupe de travail sur le Principe de JordanL’Assemblée des Premières Nations (APN) est une organisation nationale de défense des intérêts qui représente les citoyens des Premières Nations au Canada, soit 900 000 personnes réparties dans 634 communautés des Premières Nations et dans diverses villes et localités du pays. Le rôle du Chef national et de l’APN est de défendre les intérêts des Premières Nations, selon les directives des Chefs en assemblée. Ce rôle comprend la facilitation et la coordination de discussions et de dialogues, tant à l’échelle régionale que nationale, des efforts et des campagnes de sensibilisation, des analyses juridiques et politiques, la communication avec les gouvernements, et notamment la promotion de l’édification de relations entre les Premières Nations et la Couronne, ainsi qu’avec les secteurs publics et privés, et le public en général. Pour de plus amples informations à propos de l’APN, veuillez consulter : http://www.afn.ca/index.php/fr.

La Société canadienne de pédiatrie (SCP) est l’association nationale composée de pédiatres engagés à travailler ensemble et avec d’autres pour faire progresser la santé des enfants et des adolescents en faisant la promotion de l’excellence des soins de santé, de la défense des enfants, de l’éducation, de la recherche et du soutien de ses membres. En sa qualité d’association de professionnels bénévoles, la SCP représente plus de 3 000 pédiatres, pédiatres avec surspécialité, résidents en pédiatrie et autres intervenants qui travaillent avec les enfants et les soignent. Pour de plus amples informations à propos de la SCP, veuillez consulter : http://www.cps.ca.

UNICEF Canada est une association caritative canadienne agréée, un comité national du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). L’UNICEF est présente dans 190 pays, par l’entremise de programmes et de comités nationaux. L’UNICEF dispose d’un mandat de l’Assemblée générale des Nations Unies en vue de défendre les droits des enfants, aider à combler leurs besoins essentiels, et leur donner plus de possibilités d’atteindre leur plein potentiel. L’UNICEF est guidée par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et s’efforce de faire en sorte que les droits des enfants soient considérés comme des principes éthiques durables et des normes internationales de comportement à leur égard. L’UNICEF, entièrement financée par des contributions volontaires, vient à aide à tous les enfants, sans égard à leur origine ethnique, leur religion ou leur opinion politique. Pour plus de renseignements à propos de l’UNICEF, veuillez consulter www.unicef.ca.

104 Annexe 1 : Organisations représentées au sein du Groupe de travail sur le Principe de Jordan

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Annexe 2 : Identification des documents relatifs au Principe de Jordan examinés au chapitre 2

Méthode d’identification Source des documents Types de documents

Recherche électronique

pour le « Principe de

Jordan »

Recherche systématique dans les bases de données universitaires

Scopus, ProQuest, JSTOR, ERIC, et PubMed

Articles universitaires, rapports publiés par des organisations non gouvernementales, rapports gouvernementaux accessibles au public

Recherche systématique dans les bases de données législatives et les sites Web

LEGISinfo et sites Web des Chambres des Parlements des provinces et des territoires

Hansard (Débats), jurisprudence et rapports gouvernementaux accessibles au public

Recherche sur le Web GoogleRapports d’organisations non gouvernementales et rapports gouvernementaux accessibles au public

Demandes d’accès à

l’information

Documents d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada relatifs au « Principe de Jordan »

Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada

Rapports et(ou) notes de service internes du gouvernement

Demandes aux ministères concernés : N.-B., Sask et Man.

Agents d’information Documents internes du gouvernement relatifs à des ententes bi ou trilatérales

Requêtes directes aux ministères

Demande d’accès à des ententes bi/trilatérales aux ministères concernés : N.-B., C.-B., Sask. et Man.

Fonctionnaires du gouvernement provincial Accord de la C.-B.

Appels téléphoniques aux SSNA et à AADNC en région pour des informations sur les employés assignés aux conflits de compétence

Personnel de SC et d’AADNC

Information à propos de l’existence d’employés assignés aux conflits de compétence dans chaque région

Autres méthodes de

recherche

Examen des bibliographies des documents précédemment obtenus

Google, Scopus, ProQuest, JSTOR, ERIC, et PubMed

Articles universitaires, rapports publiés par des organisations non gouvernementales, rapports gouvernementaux accessibles au public

Identification des documents par des membres du comité consultatif

Google

Articles universitaires, rapports publiés par des organisations non gouvernementales, rapports gouvernementaux accessibles au public

Examen des documents rendus accessibles au public grâce à l’espèce devant le Tribunal canadien des droits de la personne

Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada

Rapports et(ou) notes de service internes du gouvernement

105Annexe 2 : Identification des documents relatifs au Principe de Jordan examinés au chapitre 2

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Annexe 3 : Ambigüités sur le plan de la compétenceDomaines de la santé comportant des ambigüités sur le plan de la compétence (Fédération des Nations indiennes de la Saskatchewan, 2008)

Services Professionnels En réserve Hors réserve

Podiatrie/Chiropodie Ambigüité Santé Sask.

Chiropratique Ambigüité Santé Sask.

Optométrie DGSPNI/Santé Sask. Ambigüité

Services communautaires et à domicile

Soins de relève Ambigüité Santé Sask.

Soins palliatifs Ambigüité Santé Sask.

Réadaptation communautaire

Physiothérapie Ambigüité Santé Sask.

Orthophonie Ambigüité Santé Sask.

Audiologie Ambigüité Santé Sask.

Aide aux personnes handicapées

Aides à la communication Ambigüité Ambigüité

Orthodontie/Prothèses Ambigüité Ambigüité

Équipement et fournitures respiratoires Ambigüité Ambigüité

Fauteuil roulant, aides à la mobilité et ergonomie Ambigüité Ambigüité

Équipement médical/Fournitures médicales DGSPNI Santé Sask.

Santé publique

Inspecteur de santé publique et surveillance Ambigüité Santé Sask.

Sécurité des aliments et des médicaments Ambigüité DGSPNI/Santé Sask.

Soins en institution à long terme

Foyers de soins personnels (niveau élevé de soins) Ambigüité Santé Sask.

Foyers de soins personnels (soins de premier niveau) INAC Santé Sask.

Instituts de soins spécialisés Ambigüité Ambigüité

Unités de logement autonome avec services de soutien Ambigüité Ambigüité

Établissements de soins chroniques Ambigüité Ambigüité

Services en santé mentale

Services-conseils en cas de crise DGSPNI Ambigüité

Prévention Ambigüité Santé Sask.

Transport

Transport médical Ambigüité Ambigüité

106 Annexe 3 : Ambigüités sur le plan de la compétence

Page 108: P-772-33 : Sans déni, délai ou interruption: veiller à ce ... · Anne Blumenthal. Université du Michigan. Lucyna Lach. Université McGill. ... Dewey et Harriet Sumner-Pruden,

Services Professionnels En réserve Hors réserve

Services d’ambulance

Ambulance terrestre Ambigüité Santé Sask.

Ambulance aérienne Ambigüité Santé Sask.

Services sociaux :

Adoption assistée Ambigüité MSS Sask.

Planification de la permanence Ambigüité MSS Sask.

Soutien familial à domicile

Assistance à l’autonomie Ambigüité Santé Sask.

Soins à domicile Ambigüité Santé Sask.

Foyers d’accueil avec soins médicaux Ambigüité MSS Sask.

Besoins spéciaux et invalidité entre 18 et 25 ans Ambigüité MSS Sask.

Éducation

Accessibilité Ambigüité Min. de l’Éducation (Sask.)

Assistants/Enseignants (besoins spéciaux) Ambigüité Min. de l’Éducation (Sask.)

Besoins spéciaux / Handicap cognitif Ambigüité Min. de l’Éducation (Sask.)

Aide sociale

18 à 30 ans Ambigüité MSS Sask.

Soins en institution à long terme

Foyers de soins personnels (niveau élevé de soins) Ambigüité Santé Sask.

Instituts de soins spécialisés Ambigüité Ambigüité

Unités de logement autonome avec services de soutien Ambigüité Ambigüité

Établissements de soins chroniques Ambigüité Ambigüité

Services en santé mentale

Services-conseils en cas de crise DGSPNI Ambigüité

Prévention Ambigüité Santé Sask.

Transport

Transport médical Ambigüité Ambigüité

Visites – Services sociaux Ambigüité MSS Sask.

Services sociaux comportant des ambigüités sur le plan de la compétence (Fédération des Nations indiennes de la Saskatchewan, 2008)

Services de santé comportant des ambigüités sur le plan de la compétence au Manitoba, (Allec, 2005)

107Annexe 3 : Ambigüités sur le plan de la compétence

Page 109: P-772-33 : Sans déni, délai ou interruption: veiller à ce ... · Anne Blumenthal. Université du Michigan. Lucyna Lach. Université McGill. ... Dewey et Harriet Sumner-Pruden,

Services professionnels En Réserve Hors réserve

Podiatrie/Chiropodie Ambigüité Santé Manitoba

Chiropratique Ambigüité Santé Manitoba

Optométrie DGSPNI / Santé Manitoba Ambigüité

Services communautaires et à domicile

Soins de relève Ambigüité Santé Manitoba

Soins palliatifs Ambigüité Santé Manitoba

Réadaptation communautaire

Physiothérapie Ambigüité Santé Manitoba

Orthophonie Ambigüité Santé Manitoba

Audiologie Ambigüité Santé Manitoba

Aide aux personnes handicapées

Aides à la communication Ambigüité Ambigüité

Orthodontie/Prothèses Ambigüité Ambigüité

Équipement et fournitures respiratoires Ambigüité Ambigüité

Fauteuil roulant, aides à la mobilité et ergonomie Ambigüité Ambigüité

Équipement médical/Fournitures médicales DGSPNI Santé Manitoba

Santé publique

Inspecteur de santé publique et surveillance Ambigüité Santé Manitoba

Sécurité des aliments et des médicaments Ambigüité Santé Manitoba/Santé Canada

Soins en institution à long terme

Foyers de soins personnels (niveau élevé de soins) Ambigüité Santé Manitoba

Foyers de soins personnels (soins de premier niveau) INAC Santé Manitoba

Instituts de soins spécialisés Ambigüité Ambigüité

Unités de logement autonome avec services de soutien Ambigüité Ambigüité

Établissements de soins chroniques Ambigüité Ambigüité

Services en santé mentale

Services-conseils en cas de crise DGSPNI Ambigüité

Prévention Ambigüité Santé Manitoba

Transport

Transport médical Ambigüité Ambigüité

Services d’ambulance

Ambulance terrestre Ambigüité Santé Manitoba

Ambulance aérienne Ambigüité Santé Manitoba

108 Annexe 3 : Ambigüités sur le plan de la compétence

Page 110: P-772-33 : Sans déni, délai ou interruption: veiller à ce ... · Anne Blumenthal. Université du Michigan. Lucyna Lach. Université McGill. ... Dewey et Harriet Sumner-Pruden,

Services professionnels En Réserve Hors réserve

Source : Les informations présentées ci-dessus proviennent d’entrevues et d’une étude des renseignements fournis par Santé Manitoba, la DGSPNI, AINC, AMC, ou extraits du rapport Romanow et d’une présentation par Josee G. Lavoie dans le cadre de la Conférence sur les soins de santé primaires liés à la santé et au mieux-être des Premières Nations, Winnipeg (mars 2005).

Allec, R. (2005). First Nations health and wellness in Manitoba: Overview of gaps in service and issues associated with jurisdictions - Final report. Government of Manitoba, p. 32. Retrieved from http://www.gov.mb.ca/ana/publications/1st_nations_health_final2005.pdf

109Annexe 3 : Ambigüités sur le plan de la compétence

Page 111: P-772-33 : Sans déni, délai ou interruption: veiller à ce ... · Anne Blumenthal. Université du Michigan. Lucyna Lach. Université McGill. ... Dewey et Harriet Sumner-Pruden,

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Jordan'sprinciple

Le Groupe de travail sur le

Principe de Jordan

©L’Assemblée des Premières Nations, 2015