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TRIMESTRIEL N°64 – AVRIL/MAI/JUIN 2015 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130 palestine BULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL 15 mai 1948, la Nakba, la catastrophe en arabe Les historiens israéliens ont longtemps nié l’expulsion forcée des autochtones palestiniens et les massacres qui l’ont accompagnée. Mais rejoignant en cela les narrations qu’en faisaient les historiens palestiniens, de « nouveaux » historiens israéliens reconnaissent aujourd’hui le plan d’expulsion et les violences qui ont sous-tendu la création de l’État d’Israël et jeté 750 000 Palestiniens sur les routes de l’exil. La Nakba, c’est aussi le fait que ces Palestiniens exilés aient été systématiquement empêchés par Israël de revenir dans leurs foyers une fois la guerre de 1948 terminée. Les réfugiés attendent toujours de pouvoir revenir dans leur pays. Pour tous les Palestiniens, de l’intérieur comme de la diaspora, la Nakba représente le début de d’une longue série de catastrophes : déplacements forcés, exil, occupation, colonisation, arrestations, assassinats, destructions… SOMMAIRE DOSSIER RÉFUGIÉS > 03 Racisme en Israël > 08 Un « nouveau » Moyen-Orient > 10 Élections israéliennes > 12 Nouvelles du BDS > 18 / 19 / 20 © Eldan David

Palestine n°64

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Trimestriel de l'Association belgo-palestinienne avril-mai-juin 2015

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TRIMESTRIEL N°64 – AVRIL/MAI/JUIN 2015 – DÉPÔT BRUXELLES X – AGRÉATION P401130

palestineBULLETIN DE L’ASSOCIATION BELGO-PALESTINIENNE / WALLONIE-BRUXELLES ASBL

15 mai 1948, la Nakba, la catastrophe en arabeLes historiens israéliens ont longtemps nié l’expulsion forcée des autochtones palestiniens et les massacres qui l’ont accompagnée. Mais rejoignant en cela les narrations qu’en faisaient les historiens palestiniens, de «nouveaux» historiensisraéliens reconnaissent aujourd’hui le plan d’expulsion et les violences qui ont sous-tendu la création de l’État d’Israël et jeté 750000 Palestiniens sur les routes de l’exil. La Nakba, c’est aussi le fait que ces Palestiniens exilés aient été systématiquement empêchés par Israël de revenir dans leurs foyers une fois la guerre de 1948 terminée. Les réfugiés attendent toujours de pouvoir revenir dans leur pays. Pour tous les Palestiniens, de l’intérieur comme de la diaspora, la Nakba représente le début de d’une longue série de catastrophes: déplacements forcés, exil, occupation, colonisation,arrestations, assassinats, destructions…

SOMMAIREDOSSIER RÉFUGIÉS > 03Racisme en Israël > 08Un «nouveau» Moyen-Orient > 10Élections israéliennes > 12Nouvelles du BDS > 18 / 19 / 20

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Depuis 1948, le sort de la majorité des Pa-lestiniens est d’être réfugiés ou prisonniersdans des geôles israéliennes. Gaza est le plusgrand des camps de réfugiés palestiniens. L’en-clave est sous blocus depuis 2007, après avoir étébouclée sporadiquement dès 1991, ce qui empêchaitles entrées et sorties de Palestiniens. Gaza est ainsi devenue une prison à ciel ouvert sous la menace permanented’une offensive de l’armée israélienne, comme ce fut le casil y aura un an en ce mois de juillet.

Malgré la mobilisation et la condamnation unanime de tous les défenseurs des droits humains, les Nations unies font montre d’unefaiblesse et d’une réserve coupables. Les populations de Gaza attendent – avec le sentiment d’avoir été dupés – l’arrivée de l’aidepromise à la suite de l’opération Bordure protectrice ainsi que celledes experts onusiens chargés d’enquêter sur les crimes de guerreet crimes contre l’humanité commis voici près d’un an.

Entretemps, des dizaines de milliers de Palestiniens, dont desmilliers d’enfants, ont été pris au piège dans le camp de réfugiéspalestiniens de Yarmouk en Syrie où ils vivaient sous la protection del’UNRWA. Depuis deux ans, ils y étaient enfermés du fait de la guerrecivile en Syrie. La plupart d’entre eux ont réussi à fuir sans assistanceni lieu alternatif de refuge. Au début avril, restaient néanmoins encorepiégés quelque 18 000 Palestiniens, dont de nombreux enfants, sanseau, sans nourriture ni aide médicale. Des dizaines d’entre eux sontmorts de faim. La situation est critique à de nombreux égards carles réfugiés sont pris en tenaille entre l’armée syrienne et les différentsgroupes militaires qui tentent de s’imposer dans cette région prochede la capitale syrienne.

Ce qui arrive à Yarmouk, après les multiples massacres commis depuis 1948 sur des réfugiés palestiniens, doit nous mobiliser. Lerisque est trop grave de voir se reproduire le même scénario quecelui de Gaza en 2014 et celui de Yarmouk en ce début de 2015dans les autres grands camps de réfugiés palestiniens de la région.En effet, s’il s’agit très clairement d’un désastre humanitaire dansles deux cas, c’est aussi un désastre politique. Chacun, un tant soitpeu au fait de la question palestinienne, peut comprendre que laquestion des réfugiés palestiniens est au cœur du problème etdonc de la solution et de la reconnaissance de la Palestine.

Le processus de paix qui n’existe plus, pour autant qu’il ait un jourréellement existé, ne pourra servir aux Palestiniens que s’il met enavant quatre conditions préalables pour le règlement de la questionisraélo-palestinienne: 1. Le retrait immédiat des troupes d’occupation et des colonsisraéliens ;

2. Le droit au retour pour tous les réfugiés ;3. La libération de tous les prisonniers poli-

tiques ;4. L’indemnisation des victimes palestiniennes de

l’occupation ainsi que pour les destructions et spo-liations des biens matériels et immatériels palestiniens.

Certes, cela demandera un réel courage politique, celui quimanque cruellement aujourd’hui aux gouvernants, tant aux

États-Unis qu’en Europe ainsi qu’aux responsables onusiens.Confrontés à des dirigeants israéliens élus sur la base de leurs

exactions armées contre les Palestiniens et sur la peur irrationnelleentretenue vis-à-vis de leurs voisins, les responsables européens,américains et l’ONU accepteront-ils plus longtemps sans réagir lesbrutalités, les crimes et le racisme permanent à l’égard des Pales-tiniens victimes des guerres multiples qui sévissent dans la région?

Entretemps, que reste-t-il aux Palestiniens du rêve et de l’ambitionde construire un État de Palestine dans leur pays, dans les fron-tières de 1967 ? Toutes les tentatives du terrorisme d’État israélienvisant à briser toute résistance palestinienne ne sont pas parve-nues à la réduire. Elle survit, créative et multiforme ; tous ceux qui ont décidé d’aller en Palestine lors des missions civiles ont pus’en rendre compte : la résistance est politique, militaire, sociale,économique et culturelle. À leurs côtés, avec les Israéliens antico-lonialistes et contre la guerre, nous devons plus que jamais sou-tenir les initiatives de l’ABP car elles sont l’expression la plus noblede notre solidarité indéfectible avec un peuple exemplaire de cou-rage et de détermination pour le triomphe de sa juste cause.

palestine no 64Comité de rédaction Marianne Blume, Ouardia Derriche,Nadia Farkh, Pierre Galand, Katarzyna Lemanska, Julien Masri,Christiane Schomblond, Gabrielle Lefèvre, Simon Moutquinet Nathalie Janne d’Othée / A contribué Hamdan Al Damiri Relecture Ouardia DerricheAssociation belgo-palestinienne Wallonie-Bruxelles asblSiège social rue Stévin 115 à 1000 Bruxelles Secrétariat quai du Commerce 9 à 1000 Bruxelles tél. 02 223 07 56 / fax 02 250 12 63 / [email protected] IBAN BE30 0012 6039 9711 / Tout don de plus de 40 euros vousdonnera droit à une exonération fiscale. Graphisme Dominique Hambye & Élise DebounyAvec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles

LE SORT TRAGIQUE

des réfugiéspar Pierre Galand, Président

palestine 02 ÉDITO

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palestine 03 DOSSIER RÉFUGIÉS

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La situation du camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk, proche de Damas, occupé depuis

le 1er avril par l’État islamique, rappelle aux yeux du monde la longue et pénible attente des réfugiés

palestiniens (voir article d’Anne Bernas, pages 4 et 5). La situation de Yarmouk est la plus dramatique, étant donné que

la plupart des réfugiés qui ont pu quitter le camp connaissent aujourd’hui leur deuxième et parfois leur troisième déplacement. Les

camps de réfugiés souffrent tous d’un statut et d’un environnement conçuspour être temporaires, evenus aujourd’hui permanents. La situation politique

chaotique et la guerre dans la région ne font qu’empirer leur situation déjà précaire.Cependant, le droit au retour, pourtant ancré dans le droit international par la résolution

194 de l’Assemblée générale des Nations unies, est de plus en plus mis en danger, que cesoit par le recul de son ordre de préséance dans les négociations, la perte de poids de l’OLP ou

l’augmentation du nombre de réfugiés palestiniens (voir article d’Hamdan Al Damiri, pages 6 et 7).

DOSSIER LA LONGUE

ATTENTE DES

réfugiés palestiniens

LIBAN

SYRIE

JORDANIE

PALESTINE

ISRAËL

Tripoli

Beyrouth

Saïda

Tyr

Damas

AmmanTel-Aviv

Jénine

Naplouse

Ramallah

JérusalemBethléem

Hébron

Jéricho

BANDE DE GAZA

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C’est à l’été 2012 que la population commence à se soulever contrele régime après les bombardements du quartier mixte de Tadamoun,voisin de Yarmouk. Dès lors, les frappes du régime pleuvent sur lecamp et entraînent un nouvel exode massif des habitants du camp.Demeurent malgré elles environ 40000 personnes, pour la pluparttrop pauvres pour partir.

Depuis plus d’un an et demi et jusqu’au début de ce mois d’avril, Yarmouk était assiégé par l’armée syrienne. Bombardé constamment,il ne reste aujourd’hui du camp qu’à peine la moitié. Pour mieux materla révolte de quelques-uns, le régime de Bachar el-Assad impose unblocus sévère à l’ensemble de la population. Tous les produits qui yentrent et qui en sortent sont strictement contrôlés. L’année 2013marque un tournant radical dans la stratégie du régime syrien,puisqu’il devient tout simplement interdit de quitter la zone.

La famine s’empare alors de Yarmouk. Des femmes, des enfants etdes personnes âgées meurent. Les images d’horreur de corps dé-charnés circulent dans le plus grand silence. Près de 200 personnesperdent la vie à cause de malnutrition, les autres s’accrochent avecà peine 400 calories par jour (alors qu’il en faudrait au moins 2000).Le prix du kilo de riz peut atteindre 100 dollars. «La tragédie à Yar-mouk a commencé avec le blocus du régime syrien qui a empêchétous les produits du quotidien de parvenir dans le camp. Des genssont morts de faim. Et personne n’en a parlé… Il a fallu attendre queDaesh arrive pour que les médias parlent du drame qui se dérouledans le camp», raconte Mohammed Sha’ban, un jeune réfugié de 28 ans, visiblement bouleversé. Et le mot est faible.

LE GROUPE EI OU LE RÈGNE D’UN CHAOS PERPÉTUELL’assaut du groupe État islamique finit d’achever Yarmouk. Le 1er

avril, après d’intenses combats meurtriers avec des milices, dontcelle d’Aknaf Baït Al-Makdis, un groupe de combattants anti-Assad,et des Palestiniens, les terroristes de l’organisation État islamiquepénètrent dans ce qui reste du camp et en prennent 90%. Le lieu est

YarmoukLES DAMNÉS DE LA TERREpar Anne Bernas

Yarmouk est un petit bout de Palestine, toutes les rues portent desnoms qui lui sont liés. Une Palestine si proche –à peine 200 kilomè-tres séparent le camp de Ramallah– et pourtant si loin. Inaccessible.Le camp de Yarmouk, créé en 1957 suite à la guerre de 1948, est,selon l’UNRWA (l’Office de secours et de travaux des Nations uniespour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient), un camp«non officiel». D’ailleurs, Yarmouk n’a rien d’un camp. Yarmouk esten réalité une ville à part entière, avec ses écoles, ses hôpitaux, sescommerces, ses parcs. Une ville qui s’étend sur deux kilomètres carrés, à seulement sept kilomètres au sud de Damas. Yarmouk,c’est un dédale de ruelles aux immeubles grimpant toujours plus haut.

Ce Yarmouk-là, il n’existe plus depuis 2011. Aujourd’hui, sur les250000 habitants du camp –150000 Palestiniens mais aussi desSyriens et des réfugiés irakiens arrivés après l’invasion américaine–il ne reste qu’environ 16 000 âmes. Les gens meurent par manquede soins et de nourriture et l’électricité est une denrée rare. Lesécoles et les hôpitaux, les commerces, tout est à terre.

YARMOUK, ENTRÉ MALGRÉ LUI DANS LA GUERRE SYRIENNEDepuis Ramallah il y a quelques jours, le président palestinienMahmoud Abbas a déploré le fait que « les Palestiniens paient leprix de guerres et d’agressions qui ne sont pas les leurs», appelantà « trouver une solution pour protéger les habitants de Yarmouk quin’ont rien fait pour mériter cela». En effet, c’est, selon les mots duporte-parole de l’UNRWA le 8 avril, un «massacre d’innocents » quise prépare. «Les habitants de Yarmouk, dont 3500 enfants, a affirméBan Ki-moon, sont transformés en boucliers humains. Ce camp deréfugiés commence à ressembler à un camp de la mort», comparantYarmouk au «dernier cercle de l’enfer ». Une extermination qui adébuté à Yarmouk et dans toute la Syrie en 2011.

Au début de la guerre, Yarmouk accueille de nombreux Syriens quifuient les zones sous les bombes mais le camp ne s’implique pasdans le conflit et tente de rester neutre, tout au moins politiquement.

palestine 04 DOSSIER RÉFUGIÉS

Yarmouk est à l’agonie. Après la famine « organisée » par le régime syrien, le plus grand camp de réfugiés palestiniens du Proche-Orient est envahi par la terreur jihadiste depuis le 1er avril dernier. À Yarmouk, aux portes de Damas, les Palestiniens survivent tandis que la communauté internationale peine à réagir.

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frappes à coups de barils d’explosifs sur Yarmouk pour en délogerles terroristes.

Ce 6 avril, tandis qu’un dirigeant palestinien annonçait être en routepour Damas pour tenter d’y faire cesser les violences meurtrières,le Conseil de sécurité a appelé « à protéger les civils et à assurer unaccès humanitaire au camp pour fournir une aide vitale aux habi-tants». Un message qui trouve difficilement écho dans le désastregigantesque et la tragédie incessante.

Yarmouk est devenu un symbole de souffrances, de privations.Bachar el-Assad avait-il prévu ce scénario? «En tout cas, on parlede Daesh en ce moment, mais voilà plus de quatre ans qu’on vitdans la répression, sous la menace de torture, dans l’horreur la plustotale, s’emballe Mohammed, ses grands yeux noirs perdus dansses pensées les plus violentes. Plus de 200000 hommes, femmes etenfants ont été massacrés en Syrie. Il était évident que la politiquedu régime de Bachar el-Assad allait engendrer une entité telle queDaesh». La stratégie du chaos en différents points du pays et l’im-plication des Palestiniens dans la guerre, marchent à plein régime.«Assad est dans une stratégie d’anéantissement», soupire Moham-med. « Il y a eu Sabra et Chatila, Nahr el-Bared, [camps de réfugiéspalestiniens où ont été perpétrés des massacres, NDLR] Yarmoukc’est pire encore», conclut Mohammed, visiblement exténué.

Sur la page Facebook du camp de Yarmouk, nombre de messagesse concluent de la même manière: «Yarmouk ne tombera pas». Maispour Mohammed, c’est le règne du désespoir qui l’a emporté et iln’arrive pas à imaginer un avenir meilleur. «Quand le régime a sou-mis le camp à un blocus, on s’est dit que rien ne pouvait être pireque de mourir de faim. Quand Daesh est arrivé, on s’est dit, là encore,que rien ne pouvait être pire. Aujourd’hui, je me dis que le pire estpeut-être encore à venir, mais je n’ose pas l’imaginer», confie-t-il,empli de douleur et de désespoir. Yarmouk, c’est sa Palestine à lui.

Article initialement publié sur RFI, 10 avril 2015.

stratégique puisque Yarmouk est aux portes de la capitale syrienneet le groupe EI n’en a jamais été aussi proche.

En dix jours, au moins 38 personnes –huit civils et trente combat-tants– seraient mortes selon l’OSDH (Observatoire syrien des droitsde l’Homme). Parmi eux, sept membres du principal groupe pales-tinien combattant l’EI, Aknaf Baït Al-Makdis (affilié au mouvementHamas), ont été exécutés, dont deux décapités par l’EI. Les rarestémoignages qui parviennent du camp sortent tout droit de l’enfer.«Depuis dix jours, je passe des nuits entières sur Skype avec eux,les activistes, mes amis, mes voisins. Certains sont morts de faimencore hier. Ils vivent l’horreur, raconte Mohammed, basé en ce mo-ment à Paris, la voix éraillée par un manque de sommeil. Pour allerchercher de l’eau au puits, les habitants de Yarmouk doivent sortirde chez eux, sous les tirs. Alors ils n’y vont pas».

Pour les activistes locaux de l’intérieur, l’espoir n’existe plus. «Jecrains bien qu’aujourd’hui nous n’ayons le choix qu’entre la mort etla mort. La mort entre les mains du régime, la mort entre celles de l’EI, ou encore mourir de faim ou de soif », témoigne l’un d’eux.Et Mohammed d’aller dans le même sens, expliquant que certainsactivistes sont aussi bien dans la ligne de tirs et de torture de Daeshque de l’armée du régime. « Ces gens-là sont tout simplementbloqués dans le camp, ils n’ont plus d’issue. Juste mourir».

THÉÂTRE DU DÉSESPOIRAvec l’arrivée du groupe EI, la distribution d’aide alimentaire –quiétait déjà très aléatoire – est interrompue. L’hôpital a été frappé par des obus. Et Chris Gunness, porte-parole de l’UNRWA, pousseun cri de détresse: «La situation à Yarmouk est un affront à notre humanité à tous, une source de honte universelle. Yarmouk est untest, un défi pour la communauté internationale. Nous ne devonspas échouer. La crédibilité du système international lui-même esten jeu». Depuis l’arrivée des jihadistes, près de 500 familles seraientparvenues à quitter le camp pour un quartier contrôlé par le régimesyrien. Un régime qui n’a de cesse, lui aussi, de poursuivre ses

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Depuis soixante-sept ans, les cinq millions de réfugiés palestiniens sont toujours victimes de l'inertie de la communauté internationale et de l'impuissance de ses institutions. La naissance par la force et par la violence de l’État d’Israël en 1948 a entraîné plusieurs conséquences catastrophiques pour le peuple palestinien, dont les trois suivantes:

Les réfugiés palestiniens ont un statut particulier reconnu par l’ONUdans le cadre de l’UNRWA. Ce statut englobe les Palestiniens quiont dû quitter leur région en Palestine entre juin 1946 et mai 1948,ce statut tient évidemment compte de leurs descendants.

L’UNRWA offre ses services dans 59 camps de réfugiés palesti-niens répartis entre :– la Palestine : 19 camps en Cisjordanie et 8 camps à Gaza;– la Jordanie : 10 camps;– le Liban : 13 camps;– la Syrie : 9 camps.

Le nombre de réfugiés est en augmentation, les derniers chiffresfont état en 2012 de l’existence de 5 271 893 réfugiés palestiniensidentifiés par l’UNRWA. À l’évidence, sans la prise en charge et lerèglement de cette problématique centrale qu’est la question desréfugiés, une solution pacifique au conflit israélo-palestinien paraîtd’autant plus illusoire.

LA QUESTION DES RÉFUGIÉS PALESTINIENS EST UNE QUESTION POLITIQUEDepuis sa création en 1964, l’OLP a considéré, sur la base de la résolution de l’ONU 194, le droit au retour des réfugiés palestinienscomme une constante dans le combat national du peuple palesti-nien. Ce droit est d’abord individuel et personnel ; il est lié à chacundes réfugiés, c’est pourquoi aucune autorité politique ne peut leconcéder ou y renoncer, il fonde également une revendication politique nationale sur laquelle les composantes du mouvementnational palestinien sont unanimes ; enfin il est juridiquement

la disparition de la Palestine comme pays de la carte, son territoireétant partagé entre Israël, la Jordanie et l’Égypte au lendemain du 15mai 1948;

la création du drame des réfugiés, près de 800000 Palestiniensayant été contraints de prendre le chemin de l’exil vers d’autrespays voisins, ou à l’intérieur de la Palestine historique, dans les ter-ritoires non contrôlés par Israël comme la Cisjordanie ou la bandede Gaza;

la disparition totale d’un interlocuteur politique palestinien sur lascène internationale pour défendre les intérêts du peuple palestinien.Il a fallu attendre 1974 avec la décision du sommet arabe de Rabatau Maroc, qui a intronisé l’OLP (Organisation de libération de laPalestine) comme l’unique représentant du peuple palestinien, cequi a permis un début de reconnaissance de l’OLP sur la scènepolitique et institutionnelle internationale.

LES RÉFUGIÉS PALESTINIENS ET L’ONUAprès la guerre de 1948, les Nations unies, lors de l’assemblée générale du 8 décembre 1949, ont décidé de mettre en place unorganisme international temporaire pour s’occuper des réfugiéspalestiniens, c’est l’Office de secours et de travaux des Nationsunies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (enanglais UNRWA). Cet organisme dont le mandat est régulière-ment renouvelé devait offrir des services gratuits aux réfugiéspalestiniens dans les domaines de la santé, de l’éducation (les9 premières années d’études obligatoires et les formations pro-fessionnelles) et de l’aide humanitaire.

LES RÉFUGIÉS PALESTINIENS ATTENDENT TOUJOURS

une solution par Hamdan Al Damiri, coordinateur de l’ABP Liège

palestine 06 DOSSIER RÉFUGIÉS

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Sur le plan intra-palestinien même, la question des réfugiés est deplus en plus marginalisée dans le chef des institutions représen-tatives palestiniennes comme l’Autorité palestinienne ou l’OLP.Trouver à tout prix une solution au conflit israélo-palestinienconduit certains dirigeants palestiniens à perdre de leur fermetédans la défense de ce droit ; certains d’entre eux ont proposéqu’une partie des réfugiés se trouvant dans des pays arabes depuis 1948 puissent intégrer le territoire du futur État palestinienau lieu de retourner dans leurs régions natales.

Enfin, l’état de guerre dans certains pays arabes, comme la Syrie,la Libye ou l’Irak, pousse des réfugiés palestiniens à les quitter endemandant l’asile dans d’autres pays. En Syrie par exemple, descamps sont même détruits et des centaines de milliers de réfugiéssont déplacés par la force. Or la présence physique des campsdes réfugiés est importante, elle constitue une preuve matériellede l’existence de la question des réfugiés et rappelle de manièrelancinante la nécessité d’y trouver une solution.

Au lendemain de la création de l’État d’Israël en 1948, David BenGourion, Premier ministre israélien de 1948 à 1953, avait fait une déclaration devenue célèbre et dévoilant sa vision de la ques-tion des réfugiés palestiniens : « les vieux mourront et les jeunesoublieront ».

La majorité des réfugiés palestiniens aujourd’hui n’ont pas oublié, ilscontinuent à réclamer fermement et avec force leur droit au retour.

fondé car relevant du droit international, la résolution des Nationsunies 194 de 1949 accordant aux réfugiés palestiniens et à leursdescendants le droit de retour et d’indemnisation pour ceux qui nedésireraient pas en user.

LE DROIT AU RETOUR DES RÉFUGIÉS PALESTINIENS EN DANGERDepuis plusieurs années, la question des réfugiés fait l’objet denombreuses attaques en règle, l’objectif principal en étant de l’af-faiblir jusqu’à son effacement de l’agenda politique international.

D’abord l’organisme des Nations unies concerné (l’UNRWA) a vudiminuer ses moyens financiers, cela a réduit en quantité et enqualité les services rendus au bénéfice des réfugiés palestiniens.Cette réalité conduit beaucoup de jeunes Palestiniens à tenterl’exil vers des pays lointains. Ainsi, le nombre de Palestiniens arri-vés dans les pays européens depuis une dizaine d’années repré-sente une réalité nouvelle à étudier. Sans aucun doute, la situationsocio-économique bloquée dans le pays est la raison principalede leur départ.

Ensuite, des initiatives politiques ont été prises en vue de trouverune alternative à la résolution 194 des Nations unies, c’est le cas àmon sens de l’initiative de paix arabe lancée lors du sommet arabede Beyrouth en 2002. Cette initiative avance d’autres solutions que celle du droit de retour, prônant par exemple la propositiond’installer des réfugiés palestiniens dans des pays tiers comme lespays européens, le Canada, les États unis ou des pays arabes quiles accepteraient.

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demandant «Pourquoi les habitants de Gaza ne se révoltent-ils pascontre le Hamas, qui les a placés dans une situation aussi inextri-cable?». Sa position est claire : « Nous avons d’autres choses àfaire que combattre l’occupation et la discrimination (…)» (NathalieHamou, Lucy Aharish, l’Arabe israélienne qui défraye la chronique,CCLJ, 21/04/2015).

Le choix de cette Palestinienne israélienne pour une cérémonie quisignifie pour les Palestiniens la Nakba démontre ce qu’Israël consi-dère comme un Arabe acceptable : «Le deal est évident. Si vousvous comportez comme un Juif, parlez comme eux, vous serezconsidéré comme de bons Arabes et peut-être même comme desIsraéliens». (Gideon Levy)

COMMENT LE RACISME PERD SES PLUMES17 août 2014. Morel Malka et Mahmoud Mansour. Il est Palestinienisraélien de Jaffa, ville «mixte» ; elle est juive et s’est convertie àl’islam. Ils publient sur Facebook leur faire-part de mariage etaussitôt la machine raciste s’emballe. Lehava, groupe d’extrême-droite qui milite contre « l’assimilation des Juifs et les mariagesmixtes», appelle à une manifestation. Rien que de normal pour un tel groupe. Ce qui l’est moins, c’est qu’alors que le futur mariédemande l’interdiction de cette manifestation, le juge l’autorise àcondition que les manifestants se tiennent à 200 m de la salle demariage. Les mariés sont alors obligés de recruter des gardes ducorps pour fouiller les invités et vérifier les listes tandis qu’une cen-taine de policiers tentent d’éviter les bagarres. Quant aux invités, ilsont dû se frayer un passage sous les cris de « Mort aux Arabes » et« Arabes, faites gaffe, ma sœur n’est pas un bien public. » et autresslogans racistes, y compris contre Haneen Zoabi et Ahmed Tibi(deux députés arabes à la Knesset). Le père de la mariée n’est pasvenu puisque sa fille épousait un Arabe.

En permettant cette manifestation, la cour a donné une tribune àune organisation raciste et même si le président Reuvlin a félicité lecouple, il n’a pas appelé à interdire Lehava ou à modifier les lois

LA DÉMOCRATIE ISRAÉLIENNE RACISTE ?Les élections israéliennes ont donné lieu à un florilège de déclara-tions racistes ou à la limite du racisme. Il y a eu Netanyahou qui aappelé à aller voter car «Le gouvernement de droite est en danger.Les Arabes (des citoyens israéliens!) arrivent en masse aux urnes».Puis on a entendu Lieberman, dont on connaît déjà la délicatesse,déclarer très simplement qu’il fallait décapiter à la hache ceux qui ne sont pas loyaux envers Israël, soit les Arabes. Puis encoreNaftali Bennett, ministre de l’Éducation et des Affaires liées à la Diaspora dans le nouveau gouvernement, l’homme qui n’a aucunproblème à tuer des Palestiniens, et qui sous-entend clairement queles citoyens arabes sont des voleurs de voitures. Quant au prési-dent du parti travailliste, Isaac Herzog, accusé par ses opposants den’être pas un leader assez fort, son parti l’a défendu en diffusant unevidéo où ses camarades d’armée expliquent qu’il comprend la men-talité des Arabes et qu’il les a vus dans toutes sortes de situations,y compris à travers le viseur de son fusil… Que dire alors de AyeletShaked, actuelle ministre de la Justice, qui appelait notamment àtuer les mères des « terroristes».

COMMENT LE RACISME SE PARE DES PLUMES DU PAON 2015. Lucy Aharish, une Palestinienne d’Israël, présentatrice vedettede l’édition anglophone de la chaîne d’infos i24news, a eu l’honneurd’être choisie pour allumer un des flambeaux sur le Mont Herzel,au Jour de l’Indépendance. Présentée officiellement comme l’exem-ple des Arabes israéliens qui « promeuvent le pluralisme social et lacoexistence », elle est, comme le dit Gideon Levy, une bonne Arabe(Gideon Levy, In Israel, a good Arab is an invisible Arab, Haaretz,12/05/2015). Elle n’a pas l’air arabe, elle ne s’habille pas commeune Arabe et elle n’a pas l’accent arabe.

Elle est si bien intégrée qu’à l’égal du dernier des nationalistes juifs,elle décrie Haneen Zoabi (députée Balad qui défend avec force lesPalestiniens d’Israël) et va jusqu’à se prononcer pour l’exclusion decelle-ci des élections à la Knesset. La même bonne Arabe avait, enpleine agression contre Gaza, fait une sortie contre le Hamas en

« EN ISRAËL,

un bon Arabe est un Arabe invisible »… ET UN BON AFRICAIN EST BLANC. »par Marianne Blume

palestine 08 RACISME

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un racisme patent. On lui a suggéré que les femmes éthiopiennesdevaient être traitées non de manière individuelle mais « commeun groupe dont la reproduction nécessitait un contrôle». (Jona-than Cook, Israel’s treatment of Ethiopians “racist”, sur son sitehttp://www.jonathan-cook.net )

Sait-on, par ailleurs, que les nouveaux immigrants ne sont pasconsidérés comme juifs et ne bénéficient pas de la loi du retour? Ils n’obtiennent la citoyenneté israélienne qu’après avoir été placésdans des centres d’absorption où on les fait passer par un proces-sus de conversion au judaïsme orthodoxe et où, le plus souvent,on a changé leur nom pour les judaïser.

Mais le racisme anti-noir n’est pas qu’institutionnel. Bien que citoyensd’Israël, bien que juifs, les Falashas (2% de la population israé-lienne, 135000 personnes) sont en butte aux discriminations à tousles niveaux : deux fois plus nombreux en chômage, quatre fois plus nombreux en prison. Des villes et des propriétaires refusent deles loger, des écoles refusent leurs enfants, la police les harcèle etl’armée ne les traite pas mieux. Plus d’un tiers des familles (38,5%)vivent sous le seuil de pauvreté, contre 14,3% dans l’ensemble dela population juive, et la plupart d’entre eux habitent des ghettos,des quartiers à l’allure de bidonville.

Rien d’étonnant dès lors que, suite à la publication d’une vidéomontrant un soldat falasha agressé, battu et emprisonné par despoliciers, la communauté falasha se soit mobilisée en mai et aitmanifesté en masse à Jérusalem et Tel Aviv. Des manifestations réprimées avec une brutalité inhabituelle vis-à-vis de Juifs. Un ma-nifestant brandissait une pancarte explicite : «En Europe, on tuedes juifs parce qu’ils sont juifs et en Israël on tue des juifs parcequ’ils sont noirs ». Le racisme est une manière de tuer en effet.

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discriminatoires envers les Palestiniens israéliens. Il semble bien,comme le dit Mairav Zonszein, que ce genre d’organisation serveIsraël dans sa volonté de préserver la souveraineté juive contre la«menace palestinienne» (Fighting for Israeli democracy atop a wed-ding cake, 27 août 2014). Pour Zvi Barel, le slogan «Arabes, faitesgaffe, ma sœur n’est pas un bien public» résume parfaitement « lesvaleurs d’un État juif antidémocratique, chauvin, ultranationaliste etraciste». Ce n’est pas le musulman qui est visé mais bien l’Arabe,ennemi national. (Arabs watch out (for Israeli racism), Haaretz,20/08/2014)

À signaler tout de même qu’une dizaine de contre-manifestantsjuifs étaient présents avec des fleurs et que le groupe Lehava lesa copieusement vilipendés.

COMMENT LE RACISME N’A PLUS DE PLUMESL’Arabe n’est pas juif. Le Falasha (Juif éthiopien), lui, l’est. Est-ilsauvé du racisme pour autant? En réalité, il a une tare: il n’est pasun juif comme les autres, il est noir. C’est ainsi qu’une députée juived’origine éthiopienne qui voulait participer à une collecte de sang àla Knesset en 2013 s’est vu répondre que « selon les directives du ministère de la Santé, il n’est pas possible d’accepter le sangspécial d’origine juive éthiopienne». Rien d’étonnant puisque déjàen 1996, les dons de sang de cette communauté avaient été pure-ment et simplement jetés à la poubelle. Le prétexte: risque de SIDA.Netanyahou s’en est ému et a déclaré vouloir revoir les directives…Rien n’a changé jusqu’à présent.

Toujours en 2013, le gouvernement israélien reconnaît avoir procédéà des injections de Depo-Provera (un contraceptif) à des femmesd’origine éthiopienne, à leur insu et parfois de force. Pour HedvaEyal, membre de l’organisation féministe Woman to Woman, il estclair qu’il s’agit de réduire la population noire. Au cours de sa recherche, interrogeant les officiels sur le nombre anormalementélevé de femmes falashas utilisant le Depo-Provera – par ailleurs dangereux pour la santé –, leurs quelques réponses manifestent

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Rappelons quelles considérations ont poussé Obama à se rappro-cher, au moins dès 2013, de l’Iran2. Un rapprochement qui apparaîtcomme corollaire à la décision de réorienter la politique US en direction de l’Asie-Pacifique. Et qui offre certaines perspectives :ainsi, l’on peut supposer que Washington a voulu tirer parti de divergences, qui ne datent pas d’hier, entre l’Iran et son allié syrien3.Obama a aussi dû faire le constat de l’émergence d’un nouveaudanger : quoique financés par ses limited partners 4 – l’Arabie saou-dite et le Qatar–, les jihadistes sunnites sont incontestablement –etn’en déplaise à certains obsédés du complotisme– des ennemisrésolus de l’Oncle Sam. Ainsi que d’Israël. Et leur projet stratégique(du moins pour Daesh) d’une extension du jihad à l’ensemble duProche-Orient, voire à l’ensemble du monde arabo-musulman, estplus qu’inquiétant. Pire encore est la perspective que cet interna-tionalisme jihadiste s’autonomise de ses bailleurs de fonds. Commel’observait il y a peu le journal turc Hurriyet (13 avril/Courrier inter-national, 23.04-06.05.15), aucun des alliés arabes sunnites deWashington n’a pu faire preuve de stabilité, que ce soit face aux«printemps arabes» ou face aux jihadistes.

«ÉQUILIBRE DES POUVOIRS»Tout cela signifie-t-il que nous assistons à une «volte-face» specta-culaire de la part des États-Unis? Il serait plus réaliste de parler de«réajustements», dans le sens où Washington chercherait non pasà mettre fin à son alliance avec l’«axe sunnite», mais surtout à pren-dre ses marques et à garder également au feu le « fer chiite». Plusqu’un revirement, Obama souhaiterait plutôt établir dans la région«un équilibre des pouvoirs où l’Iran jouerait un rôle important»5. Cequi n’empêche pas Washington de mettre en garde l’Iran contreune ingérence accrue au Yémen tout en ne soutenant que très mol-lement l’alliance anti-houthiste mise sur pied par l’Arabie saoudite.Et en faisant la sourde oreille aux demandes de Riyad de pousserle Pakistan à rejoindre la coalition6.

Établir ne fût-ce qu’un modus vivendi avec Téhéran ne pourraitqu’aider Washington à se concentrer plus facilement sur l’Asieorientale. Alors même que le Moyen-Orient perd de son impor-

Guerre civile en Syrie et en Irak. «Arc chiite» contre «bloc sunnite».Rapprochement entre Washington et Téhéran. Renforcement du« camp conservateur » au sein de la maison royale saoudienne.Dictature du maréchal Al-Sissi en Égypte. Victoire électorale deNetanyahou. Fractures inter-palestiniennes persistantes. Quel avenirdans tout ça pour la cause palestinienne?

«ARC CHIITE» VS «BLOC SUNNITE»Lancée par Abdallah II de Jordanie en 2004, la vision d’un «arcchiite» menaçant la majorité sunnite au Proche-Orient a été repriseau vol par les Saoudiens au moment des «printemps arabes». Elleest surtout, dit Clément Therme1, un «slogan politique» des régimessunnites autoritaires, en riposte au concept d’«axe de la résistance»des Iraniens ; un «outil diplomatique» contre ces derniers et un«vecteur de stabilisation politique interne». L’on a en effet tendanceà oublier que ce sont les «printemps arabes» qui ont mené enbonne partie à la situation actuelle. Et que l’un de ces premiers«printemps» à avoir été durement réprimé l’a été au Bahreïn pardes contingents saoudiens et du Conseil de coopération du Golfe(CCG). Les pétro-monarques ont eux aussi senti le sol tremblersous leurs pieds.

Une idée simple, même fausse, dit-on, passe plus facilementqu’une idée complexe et reflétant donc mieux les réalités. Riyad aréussi le tour de force de transformer aux yeux du monde desconflits avant tout politiques et sociaux en guerre confessionnelle.Le mythe d’une guerre fondamentale entre sunnites et chiites nerésiste, en effet, pas à l’examen. Comment expliquerait-il en effet –simples exemples– l’aura dont bénéficiait encore tout récemment leHezbollah chiite dans l’ensemble du monde arabo-musulman? Ou,jusqu’il y a peu, le soutien iranien au Hamas sunnite?

WASHINGTON-TÉHÉRAN: BACK TO 1978?L’on sait combien la Révolution islamique fut un coup dur pourWashington. Khomeiny laissait en effet le «Grand Satan» sans alliésérieux dans la région. En dehors, bien sûr, d’un Israël souvent récalcitrant et source de difficultés sans fin avec les alliés arabes.

Un «nouveau Moyen-Orient» semble se mettre en place. Ce ne sera pas celui rêvé par George Bush junior, mais rien n’indique qu'il sera

meilleur pour les peuples de la région. Ni pour le peuple palestinien.

UN «NOUVEAU»

Moyen-Orientpar Paul Delmotteprofesseur retraité de politique internationale à l’IHECS

palestine 10 ANALYSE GÉOPOLITIQUE

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« diplomatie champignon », c’est-à-dire « de l’ombre », précise Le Monde (28.10.14). Il est clair que la réélection de Bibi fait l’affairedes dirigeants arabes: contre l’Iran, le Premier ministre est un alliépugnace.

Enfin, l’attaque, le 18 janvier, d’un convoi du Hezbollah à la fron-tière du Golan par la chasse israélienne, dans laquelle ont péri unhaut responsable hezbollahi, Jihad Mughniyeh, et un général desPasdaran iraniens, est vue par certains9 comme marquant la fin de « l’attentisme» israélien à l’égard de Damas. Face à la présencede forces iraniennes aux limites du Golan ainsi qu’en Syrie du Sud,les Israéliens verraient désormais des attaques directes contre laSyrie comme un moyen de pression sur l’Iran. Alors même queWashington aurait fait savoir aux Iraniens qu’elle s’abstiendrait désormais de cibler le régime de Bachar Al-Assad. Un substitut, enplus modeste (et plus acceptable, diplomatiquement parlant), à lamenace de frappes israéliennes directes sur l’Iran?

À suivre: «Nouveau Moyen-Orient : et la Palestine?»

1/ Diplomatie, n° 16, août-septembre 20132/ L’un des premiers signes concrets de ce changement de cap fut la livraison, endécembre dernier, d’armes «sophistiquées» (missiles et drones de surveillance) augouvernement irakien de Nouri Al-Maliki, l’un des maillons de « l’arc chiite ».3/ En septembre 2014, le président iranien, Hassan Rohani, exprimait au Washing-ton Post sa «désolation» de voir la Syrie devenue « le théâtre d’une violence déchi-rante, incluant des attaques à l’arme chimique». Début décembre, il disait souhaiterque Genève-2 mène à des «élections absolument libres et sans préconditions».Comment Damas a-t-il dû comprendre ces propos ?4/ Dans le jargon stratégique américain, les limited partners sont des alliés auxquelson ne peut faire totalement confiance.5/ Michael Young, The Daily Star, 19 mars (Courrier international, 26 mars-1er avril)6/ Le Monde diplomatique, mai 20157/ Selon LM (07.05.15), l’Iran pourrait récupérer 150 milliards de $ d’avoirs gelés encas d’accord sur le nucléaire d’où les craintes du CCG de ce qu’un accord avecl’Iran permette à celui-ci d’augmenter son aide militaire à la Syrie, au Hezbollah etaux milices chiites d’Irak.8/ Selon Marianne (23-29.11.13), le prince Bandar Al-Sultan avait rencontré en Jor-danie le chef du Mossad en vue d’une autorisation de survol du territoire saoudienpar des avions israéliens pour une éventuelle action contre l’Iran.9/ Now, 20 février, in Courrier international, 5-11 mars 2015

tance, gaz de schiste oblige. Face à un Pakistan devenu un parte-naire si « limité » que l’administration Obama l’a fondu dans unAfPak (Afghanistan-Pakistan) plus qu’inquiétant – et à la veille dudésengagement US d’Afghanistan, l’Iran serait le bienvenu à unposte de «vigile» bien rémunéré. On en reviendrait ainsi, pour l’es-sentiel, à la situation de l’Iran au temps du Chah.

Plus: une telle perspective, écrit Young, ne doit pas être perçuecomme relevant d’une éphémère administration Obama, mais risqued’être adoptée «par beaucoup de futurs dirigeants» américains.

À l’opposé, pour Téhéran, une telle évolution pourrait s’avérer une«garantie» face aux velléités d’attaques israéliennes. Tandis qu’unrèglement en Syrie lui permettrait d’économiser le coût pharamineuxde son engagement aux côtés de Damas7 et d’échapper au moinspartiellement aux sanctions. Tout en conservant, grâce au maintiend’un régime «ami» à Damas, des liens directs avec le Hezbollah.

ALLIANCES, COOPÉRATIONS ET RETOURNEMENTS «CONTRE-NATURE»«Nouveau» ou pas, le Moyen-Orient restera «compliqué». Les «al-liances contre-nature», loin d’y être récentes, semblent connaîtreune vigueur nouvelle. Comme le montrent la situation en Syrie oucelle au Yémen.

Illustration de cette stratégie de l’«équilibre des pouvoirs»? Il estpresque cocasse, en effet, de voir au Yémen les États-Unis se re-trouver en quelque sorte et nolens, volens, du même côté queDaesh qu’il combat en Irak et en Syrie. Contre les houthistes, contreAl-Qaïda dans la péninsule Arabique (AQPA) et contre l’Iran... dontil cherche à se rapprocher.

Plus étonnant encore, en décembre 2012, Netanyahou déclarait publiquement que l’Arabie saoudite avait «des intérêts et des opi-nions communs» avec Israël 8. Et, en août dernier, il annonçaitl’émergence d’un «nouvel horizon diplomatique»: un renforcementdes relations avec l’Arabie saoudite et le CCG dans le cadre d’une

En décembre 2012, Netanyahou déclarait publiquement que l’Arabie saoudite avait

des « intérêts et des opinionscommuns » avec Israël.

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En analysant la répartition des portefeuilles, on peut donc prédiredes années difficiles aux Palestiniens, qu’ils soient d’un côté ou del’autre de la Ligne verte. Uri Ariel du Foyer Juif sera le prochain mi-nistre de l’Agriculture, en charge entre autres de la question desBédouins. Le Plan Prawer-Begin de déplacement forcé des Bédouinsdans le Néguev ne pouvait tomber en de pires mains. Le Foyer Juifobtient aussi un vice-ministre de la Défense qui sera en charge de l’Administration civile, qui porte mal son nom puisqu’il s’agit del’administration (militaire) des territoires occupés et de leurs habitantsisraéliens (colons) et palestiniens. Cette charge sera confiée à RabbiBen-Dahan, raciste notoire, ayant déjà déclaré que les Palestiniensn’étaient pas des humains, mais plutôt des animaux. (“Next head of‘Civil Administration’ said Palestinians are sub-human”, +972Mag, 8 mai 2015). Naftali Bennett – Monsieur «J’ai tué beaucoup d’Arabesdans ma vie. Et il n’y a aucun problème avec ça » – sera quant à lui en charge des Affaires de la Diaspora et de l’Éducation. Pour cedernier portefeuille, il entend se focaliser sur «la promotion de l’amourde la terre et du peuple juif ». Tout un programme…

Moshe Kahlon a quant à lui négocié les ministères des Finances, dela Construction et de la Protection environnementale pour son partiKulanu dont le programme est centré sur la situation économiqueet sociale du pays. Le parti orthodoxe-séfarade Shass obtient deson côté le ministère des Cultes ainsi que l’Économie et le Déve-loppement de la Galilée et du Néguev. Le parti Judaïsme unifié dela Torah obtient enfin le ministère de la Santé.

Le Likoud garde pour lui les autres portefeuilles, dont l’Intérieur, laDéfense et les Affaires étrangères. Netanyahou espère encore per-suader l’Union sioniste d’Isaac Herzog et Tzipi LIvni de rejoindre lacoalition gouvernementale. Certains portefeuilles clés pourraientalors leur revenir, dont sans doute les Affaires étrangères. En endonnant une image plus favorable à l’étranger, ce renfort parachè-verait le tableau de ce gouvernement de tous les dangers.

IN EXTREMIS

entre extrémistes !par Nathalie Janne d’Othée

La concession du ministère de la Justice au parti ultra-nationalisteFoyer Juif (Habayit Hayehudi) manifeste la position de force que ceparti acquiert dans la future coalition. Ce poste ira à la seule femmeet la seule non-orthodoxe siégeant pour la formation à la Knesset,Ayelet Shaked. Sous ses dehors de jolie brune et de bonne mère defamille, Shaked s’est distinguée l’été dernier en relayant les proposdu leader colon Uri Elitzur : « Ils sont tous des combattants enne-mis, et leur sang devrait être sur toutes leurs têtes. Et cela inclutaussi les mères des martyrs, qui les envoient en enfer avec desfleurs et des baisers. Elles devraient suivre leurs fils, rien ne pourraitêtre plus juste. Elles devraient s’en aller, tout comme les maisonsdans lesquelles elles ont élevé les serpents. Autrement, d’autrespetits serpents y seront élevés» (“What does Israel’s new justice minister really think about Arabs?”, Haaretz, 11 mai 2015).

En tant que ministre de la Justice, Shaked obtient aussi le contrôledu Comité ministériel pour la législation qui détermine quels sont les projets de loi que la coalition fera avancer et ceux qui serontbloqués. Le Foyer Juif obtient aussi la présidence de la Commissionlégislative et constitutionnelle à la Knesset, lui concédant donc uncontrôle inédit sur le système législatif israélien. Hayelet Shakedétait une des plus ferventes défenseuses du projet de loi sur le ren-forcement du caractère juif de l’État d’Israël. Celui-ci sera doncsans doute parmi les premiers à être soumis au vote à la Knesset.La coalition gouvernementale s’est aussi engagée à présenter unprojet de loi qui obligera toutes les ONG bénéficiant de contributionsde l’étranger à requérir une approbation ministérielle et celle de la Knesset. Bref, sale temps pour les ONG de défense des droits de l’Homme et des Palestiniens qui n’obtiennent de soutien quede l’extérieur.

palestine 12 ÉLECTIONS

Le 7 mai dernier, Benjamin Netanyahou a conclu un accord de coalition rassemblant une courte majorité à la Knesset. Cet accord est intervenu in extremis comme l’ont soulignéde nombreux organes de presse. S’il a été effectivement annoncé juste à temps pour que le Likoud garde la main sur les négociations gouvernementales, il jette les basesd’une coalition menée par l’extrême droite. Le Likoud de Netanyahou s’allie en effetavec le Foyer Juif de Naftali Bennett, ainsi qu’avec Kulanu de Moshe Kahlon et deux partis ultra-orthodoxes, le Shass et le Judaïsme unifié de laTorah. Il obtient ainsi une courte majorité de 61 sièges sur 120 à la Knesset.

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J’ai été soulagé qu’un gouvernement sioniste libéral n’ait pas été élu. Il aurait permis à la mascarade du « processus de paix » de durer.

DÉCOLONISATION La communauté internationale devrait comprendre que seule la décolonisation peut mener à la réconciliation et ce, par les mêmesmoyens que ceux utilisés contre l’apartheid en Afrique du Sud. Le choix de la campagne BDS n’a jamais paru plus judicieux qu’au-jourd’hui. Les pressions conjointes de l’extérieur et du mouvementde résistance intérieur constituent la seule manière de forcer lesIsraéliens à repenser leurs relations avec les Palestiniens. Dans le cas contraire, nous pouvons nous attendre à ce que le Likoudgagne 40 sièges lors des prochaines élections, à la suite d’un prochain soulèvement palestinien.

Un élément neuf est l’existence de la Liste commune: elle peut stimuler l’imagination d’autres communautés palestiniennes sur lapossibilité d’une unité dans les objectifs. Que les islamistes et lesmarxistes puissent agir ensemble pour un meilleur avenir seraitexemplaire. Mais on peut aussi rêver de solutions alternatives car en dépit de sa cruauté, le projet sioniste n’est pas le pire del’Histoire. Malgré la souffrance qu’il a causée l’été dernier à Gaza,il n’a pas exterminé la population locale et son projet de dépos-session demeure inachevé.

VISION Le souhait des Palestiniens est de vivre une vie normale : sans discriminations en Israël, sans apartheid ni occupation militaire enCisjordanie, sans bouclage de la Bande de Gaza, mais avec undroit au retour pour les réfugiés palestiniens.

La communauté internationale peut jouer un rôle positif en soutenantcette vision si elle adopte comme principes de base que le sionismeest colonialiste et donc que l’antisionisme n’est pas de l’antisémi-tisme et qu’elle renonce au traitement préférentiel accordé à Israël aucours des ans, en particulier dans le domaine des droits humains. Ilest urgent d’abandonner les vieilles formules pour la « paix » quin’ont rien donné et de commencer à chercher des solutions justeset viables.

The Electronic Intifada, 20 mars 2015 (extraits choisis)Traduction : info-Palestine.eu / Naguib

Comme toujours, c’est Benjamin Netanyahou lui-même qui a fournila conclusion en déclarant la fin de la solution de deux États. Lapuissance de cette escroquerie était visible aux yeux de tous quandles médias locaux avaient prévu une victoire pour le sionisme libéral représenté par la liste de l’Union sioniste d’Isaac Herzog etTzipi Livni. Les sondages à la sortie des bureaux de vote réaliséspar ces excellents statisticiens israéliens ont renforcé cette illusion:le fiasco! L’attente du camp « libéral » s’est transformée en conster-nation face au triomphe de Netanyahou.

DÉBÂCLEIl est intéressant d’entamer l’analyse des élections israéliennespar cette débâcle. Beaucoup de ceux qui votent pour le Likoud deNetanyahou sont des Juifs de la 2e génération venus de paysarabes et musulmans. Ils ont été rejoints cette fois par les colonsde Cisjordanie occupée. Les Juifs arabes ont voté plus pour le Likoud que pour Netanyahou. Les colons ont fait de même aux dé-pens du parti La Maison Juive de Naftali Bennett. Résultat catas-trophique pour les sondeurs ! Les seules nouvelles passionnantesconcernaient le succès des citoyens palestiniens d’Israël, unis pourformer la Liste commune, qui ont gagné la troisième place après leLikoud et l’Union sioniste.

LA VICTOIRE DU LIKOUDLes trois résultats (Likoud renforcé, Union sioniste défaite, repré-sentation palestinienne unifiée et renforcée) devraient servir de catalyseur à une nouvelle réflexion sur la question de la Palestine. La victoire du Likoud, en dépit de l’agitation sociale en Israël et dela position de l’État juif dans le monde, indique clairement qu’il n’yaura aucun changement en Israël dans un avenir proche.

Le parti travailliste a fait son maximum et n’est pas susceptible defaire mieux; il n’offre pas d’alternative vers une réconciliation avec lesPalestiniens. Il n’est pas en mesure de concéder à des dirigeantspalestiniens, même modérés, le moindre accord leur permettantd’exercer une véritable souveraineté.

CE QUE DISENT

les élections israéliennespar Ilan Pappé, directeur du Centre européen d’études palestiniennes de l’université d’Exeter

palestine 13 ÉLECTIONS

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manifestation non autorisée». Elle a écopé de 6 mois de prison ainsique de 6000 shekels (1200 euros) d’amende.

Lors de sa comparution devant la cour militaire d’Ofer le 12 janvier,Lina s’est vu refuser sa libération conditionnelle sans aucun motif.Une fois la séance levée, la juge a laissé échapper : «En la regar-dant, je peux distinguer les caractéristiques d’une leader ». Et c’estlà le principal motif de son emprisonnement : Lina Khattab est cha-rismatique. En l’emprisonnant, Israël entend envoyer un messagede dissuasion à tous ceux qui, comme elle, veulent organiser la société palestinienne pour résister à l’occupation. Lina est interditede visites familiales pour un mois parce qu’elle a, comme cinq autresprisonnières palestiniennes enfermées dans la prison d’HaSharon,hissé un drapeau palestinien dans sa cellule le jour de l’indépen-dance d’Israël.

SHIREEN, SAMER ET MEHDAT ISSAWY Parmi les cinq femmes punies pour avoir arboré le drapeau palesti-nien dans leur cellule se trouve également l’avocate Shireen Issawy.Comme Khalida Jarrar, Shireen milite pour les droits des prisonnierspalestiniens. Le 6 mars 2014, Shireen a été arrêtée à son domicilesans mandat. Elle a d’abord été retenue pendant un mois en dé-tention arbitraire à Jérusalem, sans pouvoir recevoir de visites de safamille, avant d’être transférée dans la prison d’HaSharon en Israël.Elle y est retenue depuis dans l’attente de son procès.

Le frère de Shireen, Samer, est lui aussi en prison. Membre du Frontdémocratique de libération de la Palestine (FDLP), Samer avait étéarrêté une première fois en 2002 et condamné à 26 ans de prisonpour appartenance à une organisation illégale, tentative de meurtreet détention d’explosifs. En octobre 2011, Samer a été libéré enmême temps que 1027 autres prisonniers palestiniens dansl’échange négocié par le Hamas pour la libération du soldat israélien

KHALIDA JARRARLa fille de Khalida, Yafa Jarrar, l’explique bien sur le site d’informa-tion Mondoweiss (2 avril 2015) : «Cette occupation est vicieuse etles antécédents montrent que toute personne qui dénonce sonagression est une cible ». Khalida Jarrar ne cesse en effet de dé-noncer les violations des droits de l’Homme commises par Israël.Militante palestinienne de gauche, membre du Front populaire de li-bération de la Palestine (FPLP), elle a été directrice de l’organisationde défense des prisonniers Addameer pendant 12 ans. Elle est parailleurs députée au Conseil législatif palestinien depuis 2006.

La nuit du 1er au 2 avril, 50 à 60 soldats israéliens ont fait irruptionau domicile de Khalida et l’ont emmenée. Le motif d’arrestation :«incitation et participation au terrorisme». Khalida Jarrar a été retenueen détention administrative (sans preuves, ni procès) jusqu’au 5mai. Depuis, Khalida Jarrar est néanmoins maintenue en détentiondans la prison de HaSharon dans l’attente de son procès. Elle com-paraitra devant une cour militaire pour des chefs d’accusation uni-quement politiques : appartenance au FPLP, appel à la libérationdes prisonniers politiques palestiniens, prise de parole dans desévénements publics… Mais Israël n’a rien à craindre, personnene trouvera à y redire. Comme personne ne viendra lui reprocherd’incarcérer Khalida en dehors du territoire occupé, c’est-à-direen totale violation de l’art. 49 § 1 de la IVe Convention de Genève, outout simplement d’arrêter un membre élu du parlement palestinien,empêchant ainsi le fonctionnement démocratique palestinien.

LINA KHATTABLina Khattab est étudiante en première année de communication àl’université de Birzeit, près de Ramallah. Elle est engagée dansl’activité politique étudiante, ainsi que dans la troupe de dansepalestinienne El-Founoun. Le 13 décembre dernier, alors qu’ellemanifestait avec d’autres étudiants près de la prison d’Ofer, LinaKhattab a été arrêtée pour « jet de pierres» et «participation à une

palestine 14 PRISONNIERS

La détentionARME DE CHOIX DU SOCIOCIDE PALESTINIENpar Nathalie Janne d’Othée

Observer de plus près la problématique des prisonniers palestiniens, c’est appréhender le fondement même de l’occupation. Israël utilise l’emprisonnement

pour casser toute volonté de révolte au sein de la population palestinienne. Les mouvements exigeant la libération de tous les prisonniers palestiniens sont de plus

en plus nombreux dans le monde. La mise en avant de certains cas de prisonniers emblématiques sert à attirer l’attention sur les milliers d’autres Palestiniens détenus en Israël.

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procès, alléguant qu’elles aussi avaient reçu des pierres le mêmejour. Netanyahou a lui-même déclaré lors de l’arrestation des gar-çons « on a arrêté les terroristes qui ont fait ça ». Le verdict est doncannoncé depuis longtemps. Ils comparaissent maintenant, deuxans après leur arrestation, en avril et mai 2015, sans grand espoir.L’affaire des garçons d’Hares représente un dangereux précédentqui permettrait à une cour militaire israélienne d’inculper pour ten-tative d’assassinat des enfants palestiniens qui jettent des pierres.

SOCIOCIDECertains des prisonniers sont des leaders charismatiques, maistous ne le sont pas. Certains sont des militants armés, mais certainsne sont même pas militants… Leur point commun: ils sont tous Palestiniens. Femmes, hommes, adultes et enfants, peu importe.Les motifs de la détention sont souvent laissés à l’entière discrétiondes autorités d’occupation israéliennes. La justice militaire israé-lienne – car c’est devant elle que comparaissent également les civils palestiniens – n’observe pas les mêmes règles que la justicecivile. Il arrive aussi souvent qu’elle ne suive même pas ses propresrègles. Cela rend ce système judiciaire à part aléatoire et opaque,en d’autres termes arbitraire, non démocratique.

Israël maintient en permanence 4000 à 6000 Palestiniens dans sesprisons. 20% de la population palestinienne, 40% de la populationmasculine ont déjà fait un séjour plus ou moins long dans les geôlesisraéliennes. Tous les Palestiniens ont un proche, ami ou parent, enprison. Les différents parcours de prisonniers relatés dans cet articledémontrent qu’Israël utilise la détention comme un outil pour détruire la société palestinienne et sa volonté de résistance. Israëlse rend coupable, par ce moyen et par bien d’autres, de sociocideou, en d’autres termes, de la destruction systématique de l’espace,du paysage, des maisons, de la politique, de l’économie, de la forcede résistance mais aussi de la culture palestinienne.

Gilad Shalit. Le 7 juillet 2012, Samer est à nouveau arrêté. D’août2012 à avril 2013, Samer entreprend une grève de la faim pour protester contre sa détention abusive. Il est finalement libéré en décembre 2013… Et réarrêté fin juin 2014 en représailles au meurtredes trois jeunes colons.

Le plus jeune frère de Shireen et Samer, Mehdat, a également étéarrêté le 30 mars 2014 pour avoir participé à des activités de soli-darité avec les prisonniers palestiniens et pour appartenance auFDLP. Leur mère, Leila, a ainsi trois enfants en prison.

LES GARÇONS D’HARESMohammad Suleiman, Ammar Souf, Mohammed Kleib, Tamer Soufet Ali Shamlawi sont tous du village de Hares, situé près de la Routen°5, dans le gouvernorat de Salfit en Cisjordanie occupée. Lors desfaits, ils avaient tous entre 16 et 17 ans. Le 14 mars 2013, une habi-tante de la colonie israélienne de Yakir rentrait chez elle quand ellea fait un accident sur ladite route. Ses enfants furent blessés, dontun gravement. Elle a attribué la cause de son accident à des jets depierre. La nuit suivante, une cinquantaine de soldats israéliens ontfait irruption dans les maisons du village d’Hares en demandant à voir les adolescents. Plusieurs adolescents furent arrêtés. Les soldatsrevinrent encore quelques fois durant la semaine qui suivit et arrê-tèrent au total 19 adolescents. Ces mineurs furent tous emmenésdans un endroit inconnu de leur famille. Aucun d’eux n’avait unpassé de lanceur de pierres. Après des interrogatoires violents, laplupart d’entre eux furent relâchés sauf cinq, les garçons d’Hares.

Les médias israéliens les avaient déjà tous condamnés avant mêmequ’ils ne « confessent » sous la torture le jet de pierres. Ils ont tousété inculpés pour le chef d’accusation de tentative d’assassinat. Le procureur israélien requiert 20 ans de prison à leur encontre.Plus de 60 personnes sont venues témoigner à charge à leur

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les constructions palestiniennes à Jérusalem ont été maintenuesavec force et ont été suivies par des vagues de démolitions etd’expulsions ; l’éducation pour les Palestiniens reste inéquitable ;les Palestiniens continuent d’affronter des difficultés pour bénéficierdes soins de santé; l’économie de Jérusalem-Est ne montre aucunsigne d’amélioration. De surcroît, Israël a remis en vigueur des me-sures punitives, comme la révocation des droits de résidence et ladémolition des habitations des Palestiniens impliqués dans des attentats.» Les politiques mises en œuvre de longue date par Israëlfont peser un sentiment de « menace existentielle » sur la présencepalestinienne à Jérusalem. La colonisation dans des zones trèssensibles (Har Homa, Givat Hamatos,…) s’est poursuivie, ce quimenace la solution des deux États. Les actes violents commis parIsraéliens et Palestiniens se sont multipliés, ce qui a fait de 2014l’année la plus troublée depuis la seconde Intifada. Les consulsajoutent que «si l'on ne s’attaque pas aux causes profondes de cetteviolence, le résultat probable sera une poursuite de l’escalade, etune aggravation de la division extrême dont la ville a souffert aucours des six derniers mois de 2014». Les mesures prises par Israëlafin de répondre aux troubles ont notamment «perturbé la libertéde mouvement, le commerce et les activités économiques et cultu-relles à Jérusalem-Est ». La montée des tensions autour de l’Espla-nade des Mosquées «menace d’ajouter une composante religieuseau conflit». Le régime de planification urbaine de la municipalité deJérusalem reste une source de préoccupation importante en ce qu’il«soumet à de très sévères restrictions les activités de constructiondes Palestiniens, ce qui crée une grave pénurie de logements etd’infrastructures pour les résidents palestiniens et paralyse le déve-loppement». Les révocations des droits de résidence de Palestiniens

PROCÉDURELa délégation de l’UE auprès de Jérusalem et Ramallah rédige unepremière version du rapport qui est retravaillée par les chefs demission des États membres. La version commune sur laquelle ils sesont accordés est envoyée à Bruxelles. Aux prises avec la réalité deterrain, les diplomates en poste dans la région posent un constat pluslucide et avancent des recommandations plus audacieuses quecelles qui seraient formulées à Bruxelles où le document est fortementédulcoré. Les recommandations sont en effet d’abord discutées ausein du groupe de travail du Conseil de l’Union européenne encharge du dossier, puis par les ambassadeurs des États membres au sein du Comité politique et de sécurité et, enfin, par les ministresdes Affaires étrangères. Des blocages se manifestent tout le long du processus: certains États membres rejettent tout bonnement certaines recommandations et refusent que d’autres soient renduesopérationnelles. In fine, peu, voire aucune, ne sont appliquées.

Les rapports, censés être confidentiels, se retrouvent presquesystématiquement dans la presse. Européens et Israéliens s’enaccusent mutuellement : les premiers voudraient ainsi accroîtrela pression sur Bruxelles afin de s’assurer qu’il y ait des avancées,les seconds voudraient tuer la poule dans l’œuf et empêcher qu’undébat serein puisse avoir lieu sur la question.

PRINCIPAUX CONSTATS DES CHEFS DE MISSION Les chefs de mission estiment que presque toutes les problématiquescouvertes par leur rapport ont connu une détérioration sérieuse en2014 : « l’expansion de la colonisation s’est poursuivie, y comprisdans les zones très sensibles ; des politiques très restrictives sur

palestine 16 JÉRUSALEM-EST

Rapport annuelDES CHEFS DE MISSION DEL’UNION EUROPÉENNE par Katarzyna Lemanska

Chaque année depuis 2005, les diplomates des États membres de l’Union européenne postés à Jérusalemet Ramallah, appelés aussi « chefs de mission », établissent un rapport sur l’évolution (politique,

économique, culturelle, religieuse) de la situation à Jérusalem-Est au cours de l’année écoulée. Le constat dressé, ils formulent des recommandations. Cette base de travail est ensuite transmise

aux ministères des Affaires étrangères des États membres.

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à Jérusalem se poursuivent. La proposition de révoquer le droit derésidence de tout membre de la famille d’un Palestinien qui auraitcommis un acte violent ou qui aurait exprimé son soutien à de telsactes a été soumise à la Knesset.

En conclusion, les consuls soulignent qu’une action urgente est né-cessaire. Sinon, 2014 pourrait s’avérer un tournant dans le processusqui mène à la perte du caractère unique de la ville et des perspec-tives de paix basées sur la solution à deux Etats.

RECOMMANDATIONS Les recommandations des chefs de mission sont regroupées autourde quatre axes: la préservation de la viabilité de Jérusalem commecapitale des deux États, le renforcement de l’identité religieuse etculturelle de Jérusalem, la fin de l’isolement socio-économique deJérusalem et le renforcement du rôle, de la visibilité et des politiquesde l’Union européenne.

Les 40 recommandations n’apportent rien de neuf. Certaines visentà renforcer des politiques déjà existantes (par exemple accentuerles efforts pour attirer l’attention des entreprises européennes sur lesrisques de travailler avec les colonies). D’autres proposent l’adoptionde mesures déjà dans les tiroirs (l’avancement des travaux sur leslignes directrices pour éviter que des opérateurs touristiques ne sou-tiennent des activités économiques dans les colonies et l’adoption demesures supplémentaires afin que les consommateurs européenspuissent exercer leur droit à un choix informé sur les produits descolonies). D’autres encore sont impossibles à mettre en œuvre (no-tamment l’adoption de mesures contre les colons connus comme

© W

ikip

edia

étant violents, ce qui suppose qu’ils soient condamnés – dans les faits ceci n’arrive presque jamais). Fait intéressant et positif, la recommandation sur l’étiquetage des produits provenant des colonies renvoie également à « d’autres mesures possibles », sansstipuler lesquelles. L’interdiction de toute importation des coloniessemble néanmoins la suggestion la plus probable.

En général, les mesures proposées visent à résoudre les problèmesconstatés (par ex. encourager Israël à reconnaitre et respecter ladimension multiculturelle de Jérusalem ou assurer l’intervention del’UE lorsque des Palestiniens sont arrêtés ou intimidés par les auto-rités israéliennes pour des activités non violentes). Aucune d’entreelles ne permet d’agir sur les causes structurelles du problème. Parailleurs, les recommandations sont faibles au regard du constatsans appel qui est posé. De surcroit, les mesures reprises dans lerapport seront probablement réduites à peau de chagrin une foisremontées jusqu’aux ministres des Affaires étrangères, qui ne sepriveront pas d’achever d’anéantir toute action possible.

Jérusalem-Est

Jérusalem-Ouest

Ligne verte de 1949

Vieille ville

Ancienne gare Ottomane

Porte desimmondices

Mont des Oliviers

PROJET DE TÉLÉPHÉRIQUE

PROJET DE TÉLÉPHÉRIQUE La municipalité de Jérusalem a remis sur la table un projet controversé prévoyant la construction d'un téléphérique qui irait de Jérusalem-Ouest vers Jérusalem-Est. Ce projet a pour conséquences de :– renforcer l’annexion illégale israélienne de Jérusalem-Est,– renforcer les colonies illégales par la facilitation de la mobilité entre les colonies israéliennes à Jérusalem-Est occupée et Jérusalem-Ouest,– créer des structures permanentes à Jérusalem-Est occupée mais pas aubénéfice de la population palestinienne locale. Le téléphérique constituera un moyen de transport discriminatoire en faveur de la population israélienneet notamment les colons israéliens et les touristes étrangers depuis Jérusalem-Ouest,– exproprier illégalement des propriétés privées chrétiennes et des propriétésdu «waqf musulman» (biens religieux de mainmorte, immobilisés au profitde fondations pieuses ou d’utilité publique).

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vim, près du township de Rahat, ville de « regroupement » (lisez«de déplacement forcé»), de population bédouine. SodaStreammet ainsi à profit la vision du général Dayan qui expliquait en 1968 « il faudrait que nous transformions les Bédouins en un prolétariaturbain, pour l’industrie, les services publics, la construction etl’agriculture. Le Bédouin ne vivrait plus sur ses terres, mais de-viendrait une personne urbaine (…). Ceci serait une révolution,mais c’est réalisable en deux générations. Et ce phénomène desBédouins disparaitra…».

UNE CAMPAGNE ESTIVALE « BOYCOTT SODASTREAM »Par ailleurs, face aux échecs diplomatiques répétés et à l’impassed’une solution politique, il va de soi que le boycott des produits is-raéliens, en provenance des colonies ou non, est dorénavant la seulealternative citoyenne et pacifique pour contraindre Israël à respecterle droit international. Aujourd’hui, le mouvement BDS continue deprogresser de manière exponentielle à travers le monde, de manièreplus rapide que celui d’hier contre le régime d’apartheid en Afriquedu Sud.

Face à la l’invasion de machine à bulles cet été, ouvrez l’œil et lebon! Scarlett Johansson sera peut-être postée devant votre grandesurface. Elle vous rappellera que, si nos entreprises, voire nos po-litiques, ne sont pas à cheval sur les droits de l’Homme, vous avez,vous, comme consommateurs et citoyens engagés, l’opportunitéd’influencer économiquement cette entreprise afin qu’elle cesse deprofiter de la politique d’occupation israélienne. Dans le meilleurdes cas, on peut espérer que cette entreprise et d’autres fassentpression sur le gouvernement israélien afin qu’il s’engage en faveurd’une solution juste et durable pour les Palestiniens.

L’Association belgo-palestinienne vous invite d’ores et déjà à vousjoindre à notre campagne estivale «Boycott Sodastream». Plusd’informations prochainement sur notre site Internet ou par e-mailà l’adresse [email protected]. Rendez-vous le 20 juin pour le lan-cement de la campagne !

Boycott SODASTREAM !par Simon Moutquin

VICTOIRE DU MOUVEMENT BDS FACE À L’ÉCONOMIE COLONIALE ISRAÉLIENNE ? Oui, en partie car pour la première fois, un mouvement citoyen estparvenu à toucher aux bénéfices nets d’une marque israélienne(moins 0,43 % au second trimestre 2014), mais il a surtout fait subirune chute vertigineuse à l’action SodaStream avec un repli de 44% sur l’année 2014. Sauve-qui-peut général! Les actionnaires de la marque à bulles se sont empressés de pousser la direction àannoncer un retrait des colonies et une nouvelle implantation ausud d’Israël, dans le désert du Néguev. Devant la chute des venteset les pressions du mouvement BDS, l’entreprise israélienne avaiten effet annoncé fin 2013 son intention de quitter la Cisjordanie etde fermer son site dans la colonie de peuplement, illégale du pointde vue du droit international, rappelons-le.

UNE DÉFERLANTE SODASTREAMNous sommes cependant bien loin d’une victoire… Avez-vousremarqué l’invasion de paquets cadeaux SodaStream dans vosgrandes surfaces ? Et les spots publicitaires aux heures de grandeaudience sur une chaine nationale ? Cet été, SodaStream contre-attaque et inonde le marché belge. Pire, nous l’avons appris il y a quelques semaines, à partir de cet été, les SodaStream seront réglables en eco-chèques distribués à 500000 personnes en Bel-gique. Bonne nouvelle, dorénavant, l’occupation israélienne estsubsidiée par la Belgique !

Malgré l’annonce d’un départ précipité de la colonie de MishorAdumim, cette nouvelle vague de SodaStream dans nos magasinsprovient bien des territoires occupés et la vente de leurs appareilsconstitue toujours un soutien économique à la politique d’occupa-tion israélienne. En Oregon (USA), les mouvements engagés contrecette politique sont parvenus à faire étiqueter « made in West Bank»ces appareils de provenance illégale afin d’informer les consom-mateurs. Rien de cela chez nous… malgré un avis clair du SPF Éco-nomie à l’égard des détaillants.

DÉPLACER L’EXPLOITATION DE L’AUTRE CÔTÉ DE LA LIGNE VERTEDe plus, si vos appareils SodaStream ne proviendront plus d’uneusine implantée dans une colonie, la marque à bulles prévoit demaintenir des coûts de production très bas en s’installant à Leha-

palestine 18 SODASTREAM

Si la campagne BDS prend de l’ampleur à travers le monde, c’est que la contribution apportéepar l’actrice américaine Scarlett Johansson a été significative. Ambassadrice de la marqueisraélienne SodaStream, auparavant implantée dans la colonie de Mishor Adumin,l’actrice américaine avait bien involontairement offert un surcroît de visibilité au mouvement de boycott, en préférant défendre les machines à soda plutôt que l’ONG Oxfam dont elle était également l’ambassadrice.

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Alors que SodaStream s’apprête à envahir nos grandes surfaces (voir article ci-contre), le mouvement BDS progresse encore à travers

le monde. En Belgique, où des académiciens s’élèvent contrel’injustice, dans le monde culturel, quand des artistes

refusent de se produire à Tel Aviv ou encore à l’autre boutde la terre, lorsque le refus de laisser entrer en Israël

un de ses ministres provoque une vague de BDS en Afrique du Sud. Tour d’horizon des

avancées du BDS.

News du BDS

Belgique ÇA BOUGE DANS LES UNIVERSITÉS BELGES ULB - Pressions israéliennes, liberté d’expression en danger?Largement commentée dans la presse, l’action du Cercle BDS-ULBorganisée dans le cadre de l’Israel Apartheid Week a suscité unevive polémique au sein de l’Université libre de Bruxelles. Montéepar des étudiants du Cercle des étudiants juifs de l’ULB, une vidéotentait d’accréditer l’accusation selon laquelle des propos à caractèreantisémite auraient été tenus lors de l’action. Alors que le recteur del’ULB a démenti toutes ces assertions dans un communiqué depresse commun avec le cercle BDS et les étudiants à l’origine dumontage vidéo, 75 personnalités en lien avec l’ULB ont appelé dansune carte blanche à la suppression du cercle BDS. Préoccupées par cet appel qui relève tout simplement de la cen-sure, deux cents personnes de ou proches de l’université ont,quant à elles, défendu l’existence du Cercle BDS et rappelé le droitde débattre et de critiquer librement Israël, sans être aussitôt taxéd’antisémitisme, ce qui est purement et simplement « un outil d’in-timidation intellectuelle qui n’a pas sa place dans la pratique dulibre examen ». BACBI (Belgian Campaign for an Academic en Cultural Boycottof Israël) – le monde culturel et académique belge se mobiliseen faveur d’un boycott des universités israéliennesPlus de deux cent cinquante universitaires belges ont appelé à unboycott complet et permanent de toutes les institutions culturelleset académiques israéliennes. Les signataires de cet appel de-mandent que cessent les violations continues des droits humainsdes Palestiniens. « Les universités israéliennes sont complices dansles politiques d'occupation et d'apartheid, soit par leur silence soitpar leur coopération active avec l'industrie de l'armement et l'armée.»Il s’agit là d’une des plus importantes initiatives à travers le mondeen faveur d’une rupture des liens avec les universités israéliennes,pour leur complicité dans l’occupation.

Grande-BretagneSOAS REJOINT BDS ! La prestigieuse université londonienne School of Oriental and AfricanStudies rejoint la liste des signataires du BDS. Lors d’un référendum,le corps professoral, les étudiant-e-s et les employé-e-s de l’universitéont voté à 73 % pour la rupture des liens académiques entre Israëlet leur établissement. L’université SOAS, classée parmi les 10 meil-leures universités au monde dans ses domaines de compétences,devient ainsi la première université occidentale à rejoindre le BDS.En Belgique, même si aucune université n’a pour le moment fait legrand saut, rappelons que la Fédération des étudiants franco-phones (FEF) est signataire du BDS.

palestine 19 NEWS DU BDS

USA LAURYN HILL ANNULE SON CONCERT Lauryn Hill, la célèbre chanteuse Rnb, a décidé d’annuler sa venueen Israël dans le cadre d’un concert prévu le 7 mai. «J’aurais beau-coup aimé offrir un concert live dans cette partie du monde, maisaussi être présente pour soutenir la justice et la paix » a déclaré lachanteuse, qui précise qu’elle aurait aimé se produire à Ramallah.

Afrique du SudREFUS D’ENTRÉE EN ISRAËL, BDS S’ENVOLESacré coup de pouce donné à la campagne BDS; Blade Nzimande,le ministre sud-africain de l’Enseignement supérieur s’est vu récem-ment refuser l’entrée sur le territoire israélien. Après avoir déclaré qu’ « Israël essaie de subvertir la liberté académique, ce qui ne peut être toléré », il a aussitôt appelé les institutions académiquessud-africaines à rompre immédiatement tous leurs liens avec Israël.Depuis lors, cinq universités sud-africaines ont rompu leurs liensacadémiques avec Israël et dans la foulée, une vingtaine de grandesentreprises ont résilié leurs contrats avec l’entreprise G4S impliquéedans l’occupation en Palestine.

FranceORANGE COMPLICE DE L’APARTHEID ISRAÉLIENNos voisins français se lancent dans une grande campagne contrel’entreprise de télécoms Orange complice dans les attaques de2014 contre Gaza. En effet, il est dorénavant avéré que l’entreprisefrançaise a fourni une aide matérielle directe aux forces israéliennes.Pire, depuis quelques années déjà, la firme « parraine » égalementdeux unités militaires israéliennes. Lecteurs français… vous voilàprévenus !

Brésil SI TU VAS À RIO… (CE SERA SANS ISDS) Suite aux pressions de plus de 60 organisations de la société ci-vile brésilienne, le gouvernement brésilien a décidé d’annuler soncontrat avec la société israélienne International Security and Defense Systems. Conclu dans le cadre des prochains JO de Rio en 2016,ce sont 2, 2 milliards de dollars d’envolés pour ISDS Company.

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Les parlementaires étatsuniens semblent quelque peu mal à l’aised’endosser aussi ouvertement les thèses de l’AIPAC, car –rapporteMike Coogan sur le site Mondoweiss, à qui nous avons empruntéune bonne partie du contenu de cet article– les tractations poli-tiques autour de ce texte ont été entourées d’un certain secret, etmercredi dernier la commission de la Chambre qui en débattait asoudain déplacé ses travaux dans une toute petite salle, juste avantde passer au vote, de manière à empêcher, faute de place, la pré-sence du public.

Le mouvement Jewish Voice for Peace («Voix juive pour la paix») aprotesté, expliquant que l’amendement en question «encourage laconstruction de colonies illégales et tend à renforcer l’extrême-droite israélienne», et ajoutant qu’il démontre aussi que « le boycottest un moyen de plus en plus puissant pour combattre l’impunitédont bénéficie la violation des droits des Palestiniens par Israël».

Même le mouvement J-Street, qui est hostile au BDS, a déclarécette initiative parlementaire contre-productive, l’adoption de cetexte ne pouvant, selon lui, que renforcer l’influence du BDS en validant «une de ses thèses les plus fallacieuses, à savoir qu’Israëlet les territoires occupés ne forment qu’un seul ensemble».

L’amendement du sénateur Cardin admet implicitement qu’il fautconsidérer « les territoires contrôlés par Israël» comme ne formantqu’un avec Israël,… ce qui à terme ne pourrait permettre qu’un Étatbinational dans lequel les Juifs ne seraient plus majoritaires. J-Streetrappelle aussi que les États-Unis sont toujours officiellement oppo-sés à la colonisation de la Cisjordanie occupée par Israël.

Article publié par la Plateforme Charleroi Palestine (sitewww.pourlapalestine.be) le 6 mai 2015 et inspiré de l’article deMike Coogan sur Mondoweiss.net : « AIPAC-backed legislationtargeting BDS movement advances in Congress », 25 avril 2015.

LE TTIP AU SERVICE D’ISRAËL,

contre BDS ?

Il y a quelques semaines, le sénateur américain Cardin a déposé,avec l’appui du puissant lobby pro-israélien AIPAC, un amendementau projet de loi relatif au commerce entre les États-Unis et l’Europe,à savoir le déjà tristement célèbre Transatlantic Trade and Invest-ment Partnership (TTIP), dans le but de contrer la campagne BDS.Le succès sans cesse grandissant de la campagne BDS dérangeen effet très fort les supporters inconditionnels d’Israël.

L’amendement interdirait au gouvernement étatsunien de conclurele TTIP, ou tout autre accord commercial similaire, avec des parte-naires qui ne s’engageraient pas à prendre toutes les mesures utilespour «décourager toute action visant, pour des motifs politiques, àpromouvoir le boycott, le désinvestissement ou les sanctions visantIsraël et à éliminer toute barrière non tarifaire ayant des motivationspolitiques pouvant entraver le commerce de biens, de services ouautres imposée à l’État d’Israël».

Pour conclure des accords commerciaux avec les États-Unis, lesÉtats européens, ciblés par cet amendement, devront s’engager àinterdire toute forme d’action ayant des motivations politiques visant à «pénaliser ou à limiter de quelque manière que ce soit » le commerce «avec Israël ou des personnes faisant des affaires enIsraël ou dans les territoires contrôlés par Israël ».

Si cette proposition était adoptée, les États-Unis chercheraient doncà imposer à l’Union européenne et à ses États membres l’abandondes mesures telles que l’interdiction récemment adoptée de financerpar des programmes européens des initiatives israéliennes dans lesterritoires palestiniens occupés (les «territoires contrôlés par Israël»)ou l’étiquetage distinctif des produits provenant des entreprises ins-tallées dans les colonies illégales de Cisjordanie.

La proposition Cardin a été adoptée au Sénat en commission par…26 voix contre 0, et celle similaire du représentant Roskamp a pa-reillement été adoptée à la Chambre, où le débat a cependant été vif.

palestine 20 TTIP

Nous vous en parlions dans notre précédent numéro, les mobilisations contre le traité transatlantique (TTIP/TAFTA) et celles pour les droits du peuple palestinien se rencontrent soudainement. Bien entendu, rares sont ceux et celles qui n’étaient pasdéjà présents sur les deux fronts en même temps, mais la menace sur la campagneBDS est désormais inscrite dans le prolongement du traité UE-USA.

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Ce 24 avril, je prends le vol Bruxelles/Tel Aviv, destination l’école de cirque de Ramallah pour un mois d’échange pédagogique.

fuse. La menace, l’insistance, la calomnie seront utilisées tour à tourpour avoir ces noms. Mon refus restera ferme et signera mon retouren Belgique.

Je suis alors considérée comme une personne potentiellement dan-gereuse. Ça devient angoissant, j’ai mal à la tête, je suis fatiguée,j’ai faim. On vient me chercher pour me fouiller.

Seule dans une salle avec 3 agents : l’un m’interroge, l’autre pré-pare la machine à rayons X et le dernier ouvre mes valises…

Balles, massues, diabolo, monocycle, trapèze ! Ils sont déstabilisés.

Les monocycles et leurs tubes métalliques les laissent perplexes.Chaque objet est inspecté, soupesé, soumis aux rayons X, passéau contrôle de présence de poudre d’explosif.

C’est drôle et pathétique à la fois de voir ces gens sérieux, en uni-forme, manipuler des jouets en plastique aux couleurs vives commedes bombes potentielles.

Puis, c’est moi, la « terroriste potentielle», qui suis fouillée, des che-veux aux chaussettes.

Bilan : Rien de dangereux ! Ni dans mes valises, ni sur moi ! Éton-nant !

Je termine la nuit en centre de détention, enfermée dans une celluleavant d’être expulsée par le premier vol du matin. Escortée jusqu’àl’avion, je vois mon passeport remis à un steward avec interdictionde me le rendre avant l’arrivée à Bruxelles, où je serai accueillie parla police belge. M’escortant en voiture sécurisée, on contrôlera monidentité avant de me rendre enfin mon passeport et ma liberté.

Face à mes « interrogateurs», j’ai été frappée par le fossé qui noussépare : pour eux, je suis une personne dangereuse; ils pensentque, travaillant avec des Palestiniens, je suis contre Israël.

De mon côté, je voyais des hommes et des femmes victimes d’unepropagande déshumanisant les Palestiniens et tout ce qui est enrapport avec eux.

Face à ce constat, une question s’impose à moi : ne faudrait-il pastravailler avec les Israéliens ? Mais comment ?

Sachant qu’à l’aéroport de Tel Aviv, les douaniers souffrent d’uneallergie à l’évocation de la Palestine, entraînant des comportementssuspicieux voire hostiles vis-à-vis de celui qui a prononcé le mottabou, je prépare un petit scénario dans lequel je deviens une tou-riste en Terre sainte.

Mais cette fois-ci, on ne me croit pas !

Petite note pour comprendre la suite des événements: la premièrefois que je suis allée en Palestine et donc en Israël, c’était en 2007.Pour une raison inexpliquée, la douane m’avait laissée entrer dans lepays sans apposer un visa sur mon passeport. Suite à des soucislors de passages de checkpoints en Palestine, je reçus du consulatde France un document indiquant que j’étais en mission culturelleen Palestine. Ayant utilisé ce document pour quitter Israël, il est évi-dent que celui-ci a été enregistré dans les dossiers de la douane.

Cependant, lors de mes voyages suivants, je taisais ma premièrevenue et me faisais passer pour une touriste. Les douaniers jouaientle même jeu que moi et me laissaient passer. Je pensais utiliser lamême conduite cette fois-ci… Ce fut un mauvais calcul de ma part !

Je suis directement envoyée avec d’autres personnes dans unesalle d’attente. La salle est gardée et, bien sûr, il y a des caméras auplafond.

On nous appelle les uns après les autres à suivre des douaniersdans leur bureau.

De 15h30 à 23h30, je serai successivement interrogée par 4 doua-niers, ces interrogatoires entrecoupés de longues attentes.

L’interrogatoire principal se déroulera avec un homme se présentantà moi comme «agent expert»; s’il m’interroge, c’est parce qu’il en vade la sécurité d’Israël. Il me demande d’être honnête, collaboranteet tout se passera bien.

Durant cet interrogatoire, je m’accrocherai le plus longtemps possi-ble à mon scénario de vacancière mais les nombreux sous-entendusqu’il fera sur mon voyage en 2007, accompagnés d’une menaced’expulsion, me pousseront à dire la vérité.

Comme je m’en doutais, la suspicion s’accentue, on me demandeles noms des Palestiniens avec lesquels je suis en contact. Je re-

Welcome !par Babou

palestine 21 WELCOME

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palestine 22 LIVRES

À 35 ans, Pierre Puchot est journaliste à Mediapart, spécialiste du Maghreb et du Moyen-Orient auxquels il a consacréplusieurs ouvrages.

Fruit de plusieurs années d’enquêtes etde reportages de terrain à Gaza, en Israël,en Cisjordanie et au cœur des colonies israéliennes, conçu comme un outil pédagogique enrichi de cartes, d’une bibliographie et d’une chronologie politique de 1947 à 2015, cet ouvrageplonge le lecteur dans le quotidien desacteurs locaux. Pour qui veut comprendrele conflit au Proche-Orient, il décrypte les enjeux qui dicteront le paysage de demain, de la stratégie politique de ladroite israélienne à celle du Hamas, des efforts stériles d’une diplomatie américaine sans stratégie au soutien obsessionnel de François Hollande augouvernement israélien, de l’isolementd’une Autorité palestinienne délégitimée àl’essor de la campagne de boycott contreIsraël, hier tabou, et qui fait désormaisson chemin, y compris au sein de gouvernements européens.

(Extrait de la 4e de couverture)

livresLA PAIX N’AURAPAS LIEU, DISENT-ILSpar Pierre Puchot, Éditions Don Quichotte – Le Seuil, 2015

Richard Wagman, Juif franco-canadien,pur produit d’une vie familiale juive laïqueprogressiste, il immigre en 1990 enFrance où il fonde l’Union juive françaisepour la paix (UJFP).

La Palestine, c’est la question qui hantetoute la communauté juive, suscitant enson sein des sentiments divers. Tantôt dessentiments de rejet, du déni, du refoule-ment, parfois de la honte, de la culpabilité,induisant haine et violence. Tantôt, laquestion fait naître chez certains Juifsdoute, désarroi, remise en question descertitudes dont ils ont été bercés aupara-vant. Chez d’autres Juifs, elle inspire duregret, la sensation qu’on aurait pu réglerle conflit depuis longtemps, si on l’avaitvoulu. Chez d’autres « Israélites » encore,elle éveille de la compassion, de l’empa-thie, voire de la nostalgie, surtout chez lesJuifs expatriés originaires du Maghreb oudu Machrek, qui se souviennent de la co-existence paisible, agréable, douce, qu’ilsont connue avec leurs voisins musulmanssous les palmiers du monde arabe. Chezd’autres Juifs enfin, la question palesti-nienne encourage la solidarité, la frater-nité, le désir de rapprochement, certainsd’entre eux comparant le sort fait au-jourd’hui aux Palestiniens à celui fait hier àleurs ancêtres dans les ghettos d’Europe.Quoi qu’il en soit, dans la communautéjuive dans son ensemble, la question pa-lestinienne ne laisse personne indifférent.

C.S.

LA PALESTINE,UNE QUESTIONJUIVEpar Richard Wagman, Édilivre, 2014,préface de Michel Warschawski

Thomas Vescovi est étudiant chercheuren histoire contemporaine, diplômé de l’Université Paris VIII.

Pour Thomas Vescovi, l’année 1948 bienplus que 1967 est le cœur du conflit. LaNakba est, de loin, pour les Palestiniens,l’événement historique le plus traumatisant;le 15 mai 1948 est, pour les Juifs israéliens, leur fête nationale, un jour degloire et d’honneur. Depuis mars 2011,une loi israélienne punit les organisationsqui commémorent la Nakba le jour de lafête d’indépendance.

Dans ce livre, l’auteur interroge les Israé-liens sur ce qu’ils savent des événementsde 1948, des réfugiés palestiniens, durécit officiel et des corrections apportéespar les travaux des nouveaux historiensisraéliens. Grâce à ces derniers, on saitque le discours dominant, à savoir que laterre de Palestine était vide et que le Palestinien n’existe pas, ne tient pas. Mais,pour l’auteur, dans le système israélien,l’empathie est inenvisageable : la sociétés’est constituée de communautés unieset cimentées contre un ennemi commun,éprouver ou exprimer de la pitié pour cetennemi reviendrait à trahir le pays. C.S.

LA MÉMOIRE DE LANAKBA EN ISRAËLLE REGARD DE LA SOCIÉTÉISRAÉLIENNE SUR LA TRAGÉDIE PALESTINIENNEpar Thomas Vescovi, Éditions L’Harmattan, collection Comprendre le Moyen Orient dirigée par J.-P. Chagnollaud, 2015, préface de D. Vidal

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COMMENT J’AICESSÉ D’ÊTRE JUIF par Shlomo Sand, Paris, Flammarion,coll. Champs actuels, 2013

Dans ce livre court et de lecture aisée,Shlomo Sand s’interroge une fois de plussur la judaïté. Il reprend l’idée qu’il n’existepas de peuple juif comme d’ailleurs pas deterre revendiquée comme telle avant le 19e s. Il explique qu’en fait, il n’y a pas deculture proprement juive qui puisse rassembler tous les Juifs, ceux des paysarabes et ceux des pays occidentaux, ceuxde France et ceux d’Amérique latine, etc. Il n’y a pas une langue, une cuisine, unemusique juives, etc. Et l’histoire des Juifsn’est pas non plus une. Qu’est-ce quifonde alors l’apparence d’unité ? Les pra-tiques religieuses, qu’elles soient dictéespar la foi ou par la perpétuation de rites,comme la Bar Mitzvah. Dès lors, quand onest athée, où est la judaïté ? Dans lesgènes ? Sûrement pas. En réalité, il y a un peuple israélien avec une culture israé-lienne. Shlomo Sand se sent donc israé-

lien, pas juif. Or Israël ne reconnaît pas denationalité israélienne et inscrit sur lescartes d’identité juif, musulman, druze, etc.Quiconque est reconnu juif peut prétendreà la citoyenneté israélienne tandis qu’unPalestinien né et éduqué en Israël, parlanthébreu, se la voit refuser. C’est cela quecritique entre autres Shlomo Sand.

« Supportant mal que les lois israéliennesm’imposent l’appartenance à une ethniefictive, supportant encore plus mal d’apparaître auprès du reste du mondecomme membre d’un club d’élus, je souhaite démissionner et cesser de meconsidérer comme juif. » Personnellement,cet opuscule m’a beaucoup fait réfléchir etje le conseille vivement à ceux qui veulenten faire autant.

M.B.

LANGUAGE OFWAR, LANGUAGEOF PEACEpar Raja Shehadeh, Profile Books, London 2015.

Raja Shehadeh est un écrivain de renom,avocat, fondateur en 1979 de Al-Haq, l’undes premiers groupes de pression en fa-veur des droits humains du monde arabe.

Ce petit ouvrage est basé sur 2 confé-rences que l’auteur a données, l’une àNew York en 2013, la seconde à Londresle 28 mars 2014, pour le 10e anniversairede la mort d’Edward Said. Les sujets abordés sont les thèmes de prédilectiond’Edward Said, à savoir la culture, le lan-gage et la politique, mais aussi le droit, pargoût personnel de l’auteur. Secoué parune pièce de théâtre vue à Ramallah, celui-ci réalise à quel point le langage utilisépour nommer les Palestiniens a évolué au cours du temps: de « citoyens » dans la Palestine mandataire, ils sont devenus « infiltrés » et « absents » dans la loi israélienne, puis « terroristes ». C’est en allant en auto, de Jérusalem à Jéricho,qu’il prend pleinement conscience de l’absurdité des routes séparées pour Palestiniens et Israéliens et des règles différentes en vigueur sur des terres voisines. Il le savait intimement, mais iln’avait jusque-là pas admis qu’à son corpsdéfendant, il avait adopté le langage del’occupant et abandonné le sien. Dans celivre, il explicite comment les mots de l’occupant ont progressivement intégré lesesprits pour s’imposer dans la vie courantecomme dans les récits historiques et lacouverture de l’actualité. C.S.

Page 24: Palestine n°64

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20 juin Journée d’action contre Sodastream à Bruxelles et en Wallonie.

Contactez-nous pour être mis en contact avecl’équipe la plus proche de chez vous!

8 juillet Actions Stop au blocus de Gaza.Un an depuis la dernière attaque contre Gaza et rien n’a changé:

tout est à reconstruire et le blocus est toujours là !

29-30 août Un espace Palestine à la Fête des solidarités à Namur.Lors de la 3ème édition de ce rassemblement solidaire, l’ABP animera

un bel espace dédié à la Palestine: sensibilisation, jeux, initiations à la culture palestinienne, expositions photos et bien d’autres surprises!

En partenariat avec la Coordination namuroise belgo-palestinienne et Maramiya, centre culturel palestinien. Rejoignez-nous lors de cette fête estivale!

5 septembre Assemblée de rentrée de l’ABP. Journée de rencontre, d’échanges et de planification avec les membres et les régionales.

Pour recevoir par mail l’agenda complet des actions et évènements culturels autour de la Palestine, inscrivez-vous à notre agenda belgo-palestinien sur www.association-belgo-palestinienne.be

l’ABP CET ÉTÉÀ vos agendas, voici quelques rendez-vous à ne pas rater !