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Elle peut, comme celle d'athéisme, conduire le « coupable » à l'exil spirituel ou à la mort. En fait, ces deux accusations sont liées. Les uns tiennent par exemple le mystique Angelus Silesius pour un athée, en raison de la parfaite identité qu'il établissait entre l'âme individuelle et la divinité, mais les autres le tiennent pour un panthéiste en raison de l'immanence de Dieu au tout de l'être, immanence établie en ce poème passionné qu'est le Pèlerin chérubinique . Mais, athée ou panthéiste, le crime est le même aux yeux de l'orthodoxie puisque ce qui est totalement renversé, c'est la transcendance de Dieu et le dualisme de l'être : fondements mêmes de la religion. Les stoïciens Le stoïcisme antique, avec Zénon de Citium, est la première doctrine qui affirme clairement que le monde est Dieu. Le monde comme totalité est un être raisonnable et sage, et c'est en cela qu'il est divin. Derrière cette métaphysique se trouve certes une physique, puisque l'être du monde et le fondement de la nature sont constitués par un feu ; mais la métaphysique redevient le vrai sens de la philosophie de la nature lorsque ce feu est conçu comme un « feu artiste » qui informe rationnellement la nature par méthode et réflexion. Cette métaphysique stoïcienne de l'unité de la nature opérée par le principe igné se donne en même temps comme une esthétique : descriptions de Cicéron ( De la nature des dieux ) et de Diogène Laërce (Vies et opinions des philosophes ), par lesquelles est connu l'ancien stoïcisme de Cléanthe et de Zénon. C'est l'admiration envers le monde, sa beauté et son harmonie, qui est l'attitude philosophique la plus révélatrice de l'essence divine des choses. C'est cette admiration devant l'ordre qui sert, en outre, de propédeutique à une philosophie du destin, puisque celui-ci n'est que l'unité et la rationalité suprême de tous les événements qui se produisent dans la belle nature. La pensée du destin et de la nécessité ultime des causes et de leur enchaînement n'est à la limite qu'une adhésion entière à l'ordre du monde, et peut-être une espèce d'amour envers ce « vivant raisonnable » que constitue le monde et qui vaut comme Dieu. Il y a dans cette adhésion à l'être, issue du sentiment admiratif de l'unité et de la rationalité de la nature, des éléments pour une éthique non tragique, qu'on trouve développée chez les moralistes du stoïcisme romain sous la forme d'une philosophie de la liberté et, notamment chez Épictète, sous la forme d'une doctrine de l'identité fondamentale du sage, libre absolument, et de Dieu, maître et raison de toutes choses. Le mouvement essentiel qui va de l'affirmation de l'unité du monde à l'affirmation de l'identité entre le sage et l'essence de l'être est ainsi amorcé chez les stoïciens. Mais c'est avec Plotin, le philosophe d'Alexandrie, au IIIe siècle après Jésus-Christ, que l'on accède à la plus haute conscience de ce lien ontologique qui existe entre l'âme humaine portée à l'extrême d'elle-même et la substance une et ultime du tout de l'être. Plotin Importance du néo-platonisme de Plotin dans la formation des grands courants de pensée mystique et moniste du Moyen Âge juif et arabe et de la Renaissance, et, par conséquent, dans la constitution des métaphysiques de la Nature, de Boehme et Spinoza jusqu'à Schelling = place privilégiée de l'inspiration « panthéiste » dans la formation de la conscience philosophique moderne. Le système plotinien, issu d'une méditation sur le platonisme et de son dépassement en intériorité, est un système émanationniste. L'idée centrale, développée sous tous ses aspects dans les cinquante-quatre traités qui constituent, par groupes de neuf, les six Ennéades  (dans le découpage de Porphyre), consiste dans la description de l'univers selon deux registres. D'une part, Plotin maintient la hiérarchie verticale dans l'opposition d'un univers intelligible, seul monde réel, et d'un univers sensible, simple copie du premier, ombre et reflet des choses de « là-bas ». Mais, d'autre part, d'une manière parfaitement neuve, Plotin construit un système des « hypostases », niveaux de la réalité intelligible universelle et une, réalité qui intègre le monde sensible comme un reflet d'elle-même à l'intérieur d'elle-même. Cette réalité véritable est constituée par trois hypostases, c'est-à-dire par trois aspects ou manifestations du même être unique et global, par trois « différenciations immanentes » du même être total et actif. Grand élucidaire >>> Philosophie Imprimer la fiche

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PANTHÉISME > STOÏCIENS, PLOTIN, BRUNO, SPINOZA, SCHELLING,HEGEL, HENRY MILLER, POWYS

Présentation ()

PANTHÉISME

Plotin, Giordano Bruno, Spinoza : le panthéisme est une philosophie subversive, les philosophes panthéistesmettent en cause tout le système dogmatique élaboré par la métaphysique d'origine aristotélicienne => la religiontraditionnelle qui est mis en danger par le panthéisme, crime d'hérésie, l'accusation de panthéisme étant

socialement et politiquement très grave. Elle peut, comme celle d'athéisme, conduire le « coupable » à l'exilspirituel ou à la mort. En fait, ces deux accusations sont liées. Les uns tiennent par exemple le mystique AngelusSilesius pour un athée, en raison de la parfaite identité qu'il établissait entre l'âme individuelle et la divinité, maisles autres le tiennent pour un panthéiste en raison de l'immanence de Dieu au tout de l'être, immanence établieen ce poème passionné qu'est le Pèlerin chérubinique . Mais, athée ou panthéiste, le crime est le même aux yeuxde l'orthodoxie puisque ce qui est totalement renversé, c'est la transcendance de Dieu et le dualisme de l'être :fondements mêmes de la religion.

Les stoïciensLe stoïcisme antique, avec Zénon de Citium, est la première doctrine qui affirme clairement que le monde estDieu. Le monde comme totalité est un être raisonnable et sage, et c'est en cela qu'il est divin. Derrière cettemétaphysique se trouve certes une physique, puisque l'être du monde et le fondement de la nature sontconstitués par un feu ; mais la métaphysique redevient le vrai sens de la philosophie de la nature lorsque ce feu

est conçu comme un « feu artiste » qui informe rationnellement la nature par méthode et réflexion.Cette métaphysique stoïcienne de l'unité de la nature opérée par le principe igné se donne en même tempscomme une esthétique : descriptions de Cicéron (De la nature des dieux ) et de Diogène Laërce (Vies et opinions des philosophes ), par lesquelles est connu l'ancien stoïcisme de Cléanthe et de Zénon.C'est l'admiration envers le monde, sa beauté et son harmonie, qui est l'attitude philosophique la plus révélatricede l'essence divine des choses. C'est cette admiration devant l'ordre qui sert, en outre, de propédeutique à unephilosophie du destin, puisque celui-ci n'est que l'unité et la rationalité suprême de tous les événements qui seproduisent dans la belle nature. La pensée du destin et de la nécessité ultime des causes et de leurenchaînement n'est à la limite qu'une adhésion entière à l'ordre du monde, et peut-être une espèce d'amourenvers ce « vivant raisonnable » que constitue le monde et qui vaut comme Dieu.Il y a dans cette adhésion à l'être, issue du sentiment admiratif de l'unité et de la rationalité de la nature, deséléments pour une éthique non tragique, qu'on trouve développée chez les moralistes du stoïcisme romain sousla forme d'une philosophie de la liberté et, notamment chez Épictète, sous la forme d'une doctrine de l'identité

fondamentale du sage, libre absolument, et de Dieu, maître et raison de toutes choses.Le mouvement essentiel qui va de l'affirmation de l'unité du monde à l'affirmation de l'identité entre le sage etl'essence de l'être est ainsi amorcé chez les stoïciens. Mais c'est avec Plotin, le philosophe d'Alexandrie, au IIIesiècle après Jésus-Christ, que l'on accède à la plus haute conscience de ce lien ontologique qui existe entrel'âme humaine portée à l'extrême d'elle-même et la substance une et ultime du tout de l'être.

PlotinImportance du néo-platonisme de Plotin dans la formation des grands courants de pensée mystique et monistedu Moyen Âge juif et arabe et de la Renaissance, et, par conséquent, dans la constitution des métaphysiques dela Nature, de Boehme et Spinoza jusqu'à Schelling = place privilégiée de l'inspiration « panthéiste » dans laformation de la conscience philosophique moderne.Le système plotinien, issu d'une méditation sur le platonisme et de son dépassement en intériorité, est unsystème émanationniste. L'idée centrale, développée sous tous ses aspects dans les cinquante-quatre traités qui

constituent, par groupes de neuf, les six Ennéades  (dans le découpage de Porphyre), consiste dans ladescription de l'univers selon deux registres. D'une part, Plotin maintient la hiérarchie verticale dans l'oppositiond'un univers intelligible, seul monde réel, et d'un univers sensible, simple copie du premier, ombre et reflet deschoses de « là-bas ». Mais, d'autre part, d'une manière parfaitement neuve, Plotin construit un système des «hypostases », niveaux de la réalité intelligible universelle et une, réalité qui intègre le monde sensible comme unreflet d'elle-même à l'intérieur d'elle-même. Cette réalité véritable est constituée par trois hypostases, c'est-à-direpar trois aspects ou manifestations du même être unique et global, par trois « différenciations immanentes » dumême être total et actif.

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L'Un qui est l'être, et qui est le Bien en tant précisément qu'il est sans détermination et qu'il « demeure auprès delui-même » sans manquer de rien, on conçoit donc que cette première hypostase qui est « le Premier » et qui est« au-delà de l'essence » ait valeur à la fois de commencement absolu et de fin suprême : « On commence parl'un, et l'on tend vers l'un ».Par les trois niveaux intelligibles de l'être, l'Un, l'Intelligence et l'Âme, on peut passer sans discontinuité de l'Un aumultiple, de l'absolu au temporel, de l'universel au singulier, grâce au double principe de l'émanation (qui rendcompte de la procession des hypostases) et de la participation (qui rend compte de l'unité de l'univers).Ainsi est conservée l'inspiration platonicienne, puisqu'on rend compte de l'aspiration de tous les êtres vers l'Un,qui est le suprême désirable et qui habite tous les êtres ; ainsi se trouvent en même temps résolues les difficultésplatoniciennes d'un dualisme qui ne pouvait pas rendre compte de la relation entre le monde concret et le mondede « là-bas », ou de l'ailleurs.

Giordano BrunoC'est cette solution néo-platonicienne au problème de la transcendance de l'être qui sera adoptée par certainesphilosophies médiévales, arabes, juives, ou chrétiennes. Elles constituent la charnière qui relie Plotin à laRenaissance par Giordano Bruno. Ce que Bruno retient essentiellement chez David de Dinant et chez IbnGabirol, c'est l'affirmation de la divinité de la matière. À partir de ce point de départ, il retrouve l'inspirationessentielle du panthéisme jusqu'au cœur du Moyen Âge : Dieu est infini, et la nature matérielle qui est divine faitpartie intégrante de cet infini. Le monde, dès lors, est réunifié et l'on peut affirmer valablement et que Dieu estl'infini et que Dieu est Un.C'est cette inspiration qu'on retrouvera chez Giordano Bruno. Reconnaissant, à la façon de Plotin, que « toute laphilosophie est une recherche sur le premier principe », Bruno doit élaborer son système avec les conceptsaristotéliciens de forme et de matière, de substance et d'accident, de cause et de principe, mais en se dressantcontre ces concepts, et en leur attribuant un sens parfaitement neuf et subversif.La doctrine centrale de Bruno consiste dans l'affirmation d'un monisme infiniste absolu. Dieu n'est pas distinct de

l'Univers, et cet être unique et infini constitue la Substance. Plus précisément, Dieu et Univers sont deux aspects,deux points de vue sur cette réalité véritable qu'est l'« originaire et universelle Substance, identique pour tout »(Cause, principe et unité ). « Dans l'un infini et immobile qui est la Substance, qui est l'être », l'unité n'est pasaffectée par la multiplicité des choses sensibles, qui ne sont que des modes multiformes de cet être unique, oudes apparences fugitives et la « face diverse » d'une même substance.L'identification de Dieu et de la Nature suppose la présence totale de la Substance universelle en chacune desparties de l'univers. Marqué non seulement par Plotin, mais par Nicolas de Cues, Bruno peut affirmer que toutechose est toute chose, et que le minimum est identique au maximum. Les contraires coïncident, mais c'est enraison de la présence universelle totale en chaque partie de l'Être unique qui est Dieu ou Substance, et quipénètre toute la matière. Sur la base de cette Unité absolue, immobile et infinie qui englobe et constitue le tout del'être, il est possible de comprendre l'agencement des concepts de Cause et de Principe, de Matière et de Forme.L'Être originaire et total est Dieu. Mais on peut le considérer du point de vue de la Matière et du point de vue de laForme. La Matière, infinie et intelligible, n'est pas étrangère à Dieu, elle est Dieu même en tant qu'il est

potentialité infinie, c'est-à-dire puissance : s'il est tout, et fait tout, Dieu doit également pouvoir tout.Bruno cependant ne sépare pas forme et matière, à la façon aristotélicienne. La Forme est l'opération de laNature, qui agit dans la matière, et « du dedans » de la matière. Cette Forme, qui est l'autre aspect de Dieu, peutà son tour se distinguer en Intelligence et en Âme (en reprenant les termes platoniciens). Comme Intellect, laForme est « l'œil du monde » (IIe dialogue), son moteur immanent et immobile, son principe constant, la sourceaussi de toutes les déterminations intelligibles du monde réel. C'est un « Intellect artiste », un « artiste interne »,cause du monde à la fois intrinsèque et extrinsèque (IIe dialogue). L'Âme du monde, également immanente à toutle réel, est aussi Principe, en tant qu'elle est source constante de toute vie, source toujours présente à ses effetset active en eux.Âme du monde et Intellect artiste sont donc la Forme qui opère au-dedans de la matière : ils sont à ce titre l'acteabsolu, travaillant cette puissance absolue qu'est la matière. Mais ces distinctions sont logiques : dans l'opérationeffective de la Nature infinie, c'est-à-dire de Dieu, acte et puissance sont une seule et même réalité, un seul etmême Principe, même si Bruno réserve le terme de « Premier » à la Forme qui est acte et fait constamment tout,

en tout. C'est que, chez Bruno, l'immanence est totale, même si l'univers est parfois désigné comme « le grandsimulacre, la grande image, l'ombre du premier acte et de la première puissance » (IIIe dialogue). Il n'y a pascontradiction car le Premier comporte en lui d'une façon « compliquée » ce qui, dans le sensible, existe d'unefaçon « expliquée » ; passant de l'enveloppement au développement, on passe d'un mode d'être à un autre moded'être, mais non pas à un autre être : l'Être, ou Dieu, ou la Nature sont un seul et même être, ou un Être un.

Spinoza & l'autosuffisance du mondeLe monisme radical de l'être est retenu par la philosophie française du XVIIIe siècle et la métaphysiqueallemande du XIXe comme le constituant essentiel du spinozisme.Spinoza n'aurait jamais accordé, comme Bruno, que la magie pût avoir une vérité, ou qu'il soit possible de parlerd'une surnature.C'est en toute rigueur que le Dieu de Spinoza, comme Substance, doit être identifié à la Nature. En effet, le lienqui existe entre Dieu et le monde sensible n'est pas le moins du monde un lien d'émanation, comme chez Plotin,

ou de réalisation d'une potentialité, l'acte et la puissance fussent-ils contemporains. Pour Spinoza, la puissancede Dieu, c'est-à-dire de la Substance, c'est-à-dire de la Nature, n'est rien d'autre que son existence même. L'infini est l'être en acte, et celui-ci ne découle d'aucune potentialité ni d'aucun acte de création.Cela signifie en clair que la Substance désigne l'autonomie absolue de la totalité du réel, cette totalité trouvant ensoi seule, et d'une façon éternelle, l'origine immanente de son être et de son actualité.Sans cause, la Substance, c'est-à-dire finalement ce qui est essentiel dans la Nature, est également sans fin. LaSubstance ne saurait tendre à la perfection comme chez Bruno ni s'identifier au Beau, comme chez Plotin, etsusciter l'admiration comme chez les stoïciens. La Substance infinie désigne avec beaucoup plus de

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dépouillement rationnel chez Spinoza l'autosuffisance du monde, son caractère premier parce que éternel, sonautonomie logique et existentielle, son homogénéité ontologique enfin, puisque tout ce qui est et tout ce qui estpensable est et se pense par la même substance, infinie, universelle, une et identique.

La Substance n'est pas produite et ne produit pas au sens strict. Certes, Dieu est cause immanente du monde etdes êtres, mais non pas au sens où cette cause produirait quelque chose hors de soi, par émanation ourayonnement, ou actualisation. Le rapport de la Substance aux « choses singulières », c'est-à-dire au mondesensible, n'est pas le rapport extrinsèque et transcendant d'un être qui produirait (fût-ce en son sein) des êtresdistincts de lui, mais le rapport de l'être à lui-même, lorsqu'on change le point de vue de la connaissance et dulangage qui détermine l'être et les êtres.C'est seulement ainsi qu'on peut comprendre l'apparente hiérarchie constituée par la Substance, les Attributs etles Modes. Il y a là, dans le système de Spinoza, non pas une hiérarchie objective entre des êtres de différentevaleur ontologique, mais une hiérarchie logique des concepts qui permettent d'unifier le réel et de penser lemultiple dans sa diversité et dans son unité. La Substance, qui est l'être même, les Attributs, qui en nombre infinisont les manières dont l'intelligence humaine pense la Substance (elle ne peut en penser que deux : la Pensée etl'Étendue), les Modes infinis (l'Entendement infini et la Face de l'Univers total), les Modes finis (les idées et lescorps), tous ces concepts ne constituent pas une échelle des êtres, mais un système logique des déterminationsqui permettent de penser la Nature, c'est-à-dire la réalité. Tous ces concepts s'imbriquent les uns dans les autrespar une chaîne logique d'immanence, la concatenatio, permettant ainsi de comprendre que, dans la Nature,certaines réalités sont enveloppantes et certaines autres enveloppées. La Substance enveloppe, c'est-à-direcomprend ou implique les Attributs, ceux-ci impliquent les Modes infinis, qui impliquent les Modes finis : on peutainsi rejoindre chaque réalité singulière, la rendre parfaitement intelligible par le système hiérarchisé desconcepts qui en définissent l'essence. Une chose suppose un corps singulier contingent, puis une quantité demouvements et de repos, puis l' attribut nécessaire et infini dans son genre qu'est l'Étendue, puis la Substancetotale et nécessaire, infiniment infinie. On pourrait refaire le chemin dans l'autre sens. Dans les deux cas, une

chose est pensée par tous les concepts qui la précèdent logiquement et jamais par les concepts qu'ellecommande. C'est pourquoi toute chose, c'est-à-dire tout système singulier de modes finis, exprime, dans songenre, l'infini qui le fonde et qui est l'être. Toute chose exprime Dieu, et connaître à fond une chose singulièrec'est connaître Dieu.

Cette expressivité de l'être par les êtres vaut d'une façon spécifique en chaque attribut, et il y a lieu decomprendre chaque être par les modes et l'attribut qui l'enveloppent et non pas par les autres attributs. Un espritsingulier (Spinoza bannit radicalement le mot « âme », chargé de confusions vitalistes et spiritualistes d'origine àla fois platonicienne et aristotélicienne) se comprend par l'Attribut de la Pensée ; une idée se comprend par uneidée, et en aucun cas par un mode de l'Étendue. C'est pourquoi l'on peut dire que, d'un point de vueméthodologique, les Attributs valent comme domaines ontiques distincts et incommunicables : les corpss'expliquent par les corps et les esprits par les esprits. Les chaînes causales sont rigoureuses et nécessaires,mais ne valent que pour leur propre domaine. C'est pourquoi il est aussi absurde de dire du spinozisme qu'il est

un matérialisme que d'en faire un spiritualisme. L'Étendue n'explique pas la Pensée ni la Pensée l'Étendue.

Le Dieu NatureLe Dieu Nature du livre Ier de l'Éthique  est le même que le Dieu du livre V, saisi par la connaissance du troisièmegenre, c'est-à-dire la Science Intuitive. De même qu'il n'y a aucune force émanatrice qui relierait Dieu et leschoses singulières sur un plan vertical, de même aucune dialectique de la Nature, aucune pseudo-histoire dudevenir de Dieu n'est concevable dans le spinozisme. Le Dieu du commencement n'est pas séparé du Dieu de lafin, car il n'y a ni commencement ni fin, Dieu est la perfection et il est Un, sans manquer ni de lui-même nid'aucune valeur. C'est pourquoi il n'y a aucune finalité dans la nature et c'est pourquoi la métaphysique ne sauraitêtre que causale et logiciste, sans jamais être créationniste ni axiologique. L'Être est. Il n'existe donc aucun «bien », c'est-à-dire aucune valeur objective.Ce qui distingue le Dieu Substance du livre Ier et l'expérience intuitive du Dieu Totalité du livre V est donc del'ordre éthique et non pas de l'ordre ontologique. Il n'y a pas de devenir de Dieu ni de dialectique de la Substance,

c'est-à-dire du monde, mais il y a un progrès de la réflexion (Spinoza définit une méthode réflexive) et unmouvement de la connaissance qui conduit le sage, grâce à la connaissance par concepts du deuxième genre,de l'ignorance imaginative du premier genre à la sagesse intuitive du troisième genre, qui est à la fois Béatitudeet Liberté, c'est-à-dire existence adéquate en acte et libre joie.Mais l'existence joyeuse et libérée du sage n'est pas extérieure à la Nature ni par conséquent à Dieu. C'est doncà tort que la métaphysique allemande (Schelling, Hegel, Schopenhauer) reproche au Dieu de Spinoza d'être unesubstance morte, sans mouvement ni désir. C'est le contraire. Dieu, du Ier au Ve livre, est la puissance même dela Nature, c'est-à-dire à la fois son éternité et son effort actuel pour persévérer dans l'être, comme le révèle leconatus  humain qui fait du désir l'essence de l'homme.Non seulement le Dieu Nature est puissance active infinie (manifestée par la Nature et son déploiement), mais ilest encore Pensée et Réflexion : l'« entendement » de Dieu n'est que la totalité des entendements finis et par euxl'Être se pense. C'est pourquoi l'Atour Intellectuel de Dieu comme composante ultime de la sagesse et de laplénitude en acte qu'on appelle perfection est simultanément amour de l'homme pour Dieu, amour de Dieu pour

l'homme, et amour de Dieu pour lui-même. Au plus haut niveau de la réflexion philosophique, quand le sageaccède à l'expérience de sa propre liberté et de sa propre éternité, tout se passe comme si Dieu, éternelpourtant, accédait lui aussi à la béatitude, à la contemplation de soi-même par la médiation de l'homme, c'est-à-dire à la liberté et à la joie.

Le panthéisme après SpinozaIl semble bien que Dieu ne soit plus en réalité qu'un mot ou un système axiomatique de la Nature : en fait, lespinozisme est un athéisme.

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Toutefois, si l'athéisme est la conséquence extrême, nécessairement impliquée par un panthéismerigoureusement immanent, on comprend que les successeurs de Spinoza, moins révolutionnaires que lui, maissubjugués par son intuition moniste, aient tenté une révision du panthéisme : dom Deschamps (bénédictinfrançais du XVIIIe siècle, qui établit la continuité entre Spinoza et Hegel), Schelling, Hegel.Dom Deschamps, opposant « tout » et « le tout », croit pouvoir faire la critique du spinozisme en introduisant larelation du tout à ses parties, et par conséquent l'affirmation qui nie et la négation qui affirme. Il précède en celaHegel, qui, par le mouvement du négatif au cœur de la Nature totale, fait surgir l'Esprit, et, au terme du devenir decet Esprit, au terme de l'histoire de la conscience, instaure la Substance. Comme Concept, celle-ci réside en elle-même, ayant dépassé toute contradiction, et elle intériorise la totalité de l'être et de l'histoire. Cet Esprit final ettotal est l'Humanité même ayant achevé sa propre histoire et ayant réalisé sa propre permanence dans l'EspritObjectif, c'est-à-dire l'État, avec famille et propriété. Le panlogisme de Hegel, forme ultime d'un panthéisme, n'enest qu'une forme dégénérée, puisque l'Esprit, par le peuple, la culture et l'État, rejoint les déterminations et lesexigences traditionnelles de la divinité. Mais Hegel faisait servir son monisme spiritualiste à la conservation de lasociété établie, tandis que Spinoza mettait son monisme radical au service d'une transformation révolutionnairede la société et de la pensée.Pour Schelling, la philosophie de la Nature est une histoire métaphysique des âges du monde et une histoire durôle actif et créateur des Puissances. Du sein d'une Nature aveugle, et selon une tradition issue de Boehme(Mysterium magnum, 1620), un désir d'être surgit, qui, par l'œuvre d'une Puissance, établit une première scissionau sein de la Nature. Les scissions et les créations immanentes se poursuivent par diverses Puissances, jusqu'àrendre compte du monde sensible.S'il s'intéressa à l'unité de la Nature (en constituant une Naturphilosophie ), Schelling n'en aboutit cependant pasmoins à une sorte de doctrine théosophique (Philosophie und Religion , 1804), par laquelle il restaure la religion(ésotérique) dans ses prérogatives traditionnelles et s'en remet aux Saintes Écritures pour résoudre les plusdifficiles problèmes de la métaphysique (origine du mal et de la matière). Finalement, et d'une façon fort explicite(1809, Recherches sur la nature de la liberté humaine ), Schelling s'oppose au « panthéisme » de Spinoza, qu'il

appelle un réalisme, et se réclame de l'idéalisme : dernier stade de sa philosophie, "c'est le vouloir qui est l'êtreoriginel".

L'essence du panthéismeL'affirmation principielle du panthéisme porte sur l'Unité de l'Être, c'est-à-dire sur l'unité homogène et dynamiquede la Totalité. Immanence et totalité se trouvent aussi bien chez Plotin et Bruno que chez Spinoza, Schelling ouHegel.Cette Unité-Totalité est Dieu. Mais, tandis que les stoïciens, Plotin ou Bruno voient en ce Dieu Nature un grandanimal vivant, et Hegel un Esprit aux multiples figures, Spinoza n'affirme rien de cet être, qui est pure autonomieinfinie de la Nature.Bruno, Plotin ou Schelling n'hésitent pas à parler d'ombre et de simulacre à propos du monde sensible, ou mêmede chute (comme Schelling) ou d'aliénation (comme Hegel). Pour Spinoza, la partie n'est pas le tout, mais,éclairée par la connaissance rationnelle, elle peut s'intégrer au tout. Il bannit totalement les idées de chute, de

mal, de finitude au sens religieux. L'opposition de la totalité et des parties est simplement objective et rationnelle.Seule l'ignorance de la nécessaire intégration des parties dans leurs totalités respectives et dans le Tout est uneservitude : mais elle est issue de l'imagination humaine, de la passion et de la superstition.Mais, tandis que, à propos de cette nécessité cosmique, les Grecs parlent de providence ou de destin, Bruno desecrets magiques de la Nature, et Schelling de religion ésotérique et de contact avec Dieu, Spinoza seulconsidère en tous les cas cette nécessité comme un principe objectif et rationnel.Pourtant Schelling et Hegel n'ont pas tort de penser que la nécessité au sein de la totalité n'exclut pas lemouvement de l'être vers la liberté. Le panthéisme n'est pas un fatalisme. On le voit bien chez Spinoza, dont ladoctrine, d'une façon apparemment paradoxale, inclut à la fois la nécessité cosmique et psychologique et laliberté humaine. Mais celle-ci n'est pas, comme chez les Allemands, issue de la négativité, elle exprime aucontraire la positivité et la plénitude de l'individu qui, par la réflexion et l'adéquation, parvient à sa propretotalisation et s'intègre à la totalité Une.Le « panthéisme » est toujours une doctrine de la libération intérieure par l'adhésion à l'être et le refus de la

transcendance. Cette implication éthique et existentielle (se prolongeant en cette conséquence politique : ladémocratie) semble avoir été exprimée avec une force particulière par Spinoza. Si Schlegel avait raison de direque la plus haute forme du panthéisme est le spinozisme, Hegel n'avait pas tort non plus de dire que toutphilosophe authentique commence par être spinoziste. La joie n'est-elle pas, comme béatitude, la conscience del'unité du moi, du monde et de Dieu, en même temps que la conscience que la Substance prend d'elle-même parl'homme ?Cette expérience exaltée de l'unité splendide du monde et de la fusion unificatrice avec lui se rencontre aussidans la littérature. Le XVIIIe siècle, tout pénétré de philosophie spinoziste, découvre le sentiment de la nature.Rousseau, qui se convertit au catholicisme ou au protestantisme suivant les circonstances sociales, restethéoriquement déiste ; mais l'expérience qu'il fait sur le lac de Bienne de l'arrêt du temps, de la similitude de sapure conscience d'exister avec l'être même de Dieu et enfin de la plénitude et de la perfection du bonheur qu'iléprouve est une expérience panthéiste dès lors qu'elle est éclairée par la forme particulière de l'exaltation de lanature qu'on trouve aussi bien dans les Rêveries  que dans L'Émile .

Henry Miller : le débordement sexuel y est explicitement présenté comme un hymne à la vie, cette vie étant à lafois cosmique et unifiée, vitale et lyrique, individuelle et totale. C'est le même hymne à la vie qui est chanté par D.H. Lawrence dans Le Serpent à plumes : Quetzalcoatl, le grand dieu solaire des Aztèques, le serpent-oiseau destemples de Teotihuacán, double comme l'opposition du Soleil et de la Terre sombre et mortelle, est pris parl'écrivain comme le symbole même d'une vie sexuellement et spirituellement exaltée, prenant à son compte legrand mouvement cosmique et unifié de la nature délivrée de Dieu.Chez John Cowper Powys, une très haute conscience (mystique) de la beauté secrète de l'univers total et de

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chacun de ses éléments, notamment dans Autobiographie . Les rares méditations explicitement religieuses sontcatholiques, mais le halo général, sécrété par le rythme et le style, est celui d'une admiration passionnée pour lemonde et la vie : expérience essentielle du panthéisme. Poème de la joie : Saint-John Perse, Amers .