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Papillon de jour / Papillon de nuit - Le Proscenium · Papillon de jour / Papillon de nuit Papillon de jour / Papillon de nuit Intro : Les marionnettes Un drap repose sur le dossier

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Ce texte fait partie du répertoire de la SACD (www.sacd.fr) et ne peut être joué sans autorisation - Page 2 -

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Histoire : Inci Stuck & Thierry François Ecriture dramatique : Thierry François Chorégraphie : Inci Stuck

Durée

Ce spectacle a été écrit à l’origine pour la compagnie « Papillon » qui allie le théâtre à la danse orientale. Mais il peut facilement être repris par une troupe purement théâtrale. La durée du spectacle Théâtre + Danse est évaluée à 90 minutes – Sans danse, la pièce est d’environ 45 minutes.

Distribution Cette pièce peut être interprétée par :

- 6 enfants qui jouent tous les rôles - 12 enfants (6 qui jouent les personnages du présent et 6 qui jouent les

personnages du conte) - 5 enfants (les marionnettistes) et 7 adultes (1h+7f : la vieille femme et les

personnages du conte) Le conte se déroule en Turquie. Pour donner un éclairage supplémentaire aux personnages, voici la signification et la prononciation de leurs noms :

- La princesse gentille : Gün « jour » (prononcer « gune ») - La méchante princesse : Gece « nuit » (prononcer « guédgé ») - La princesse puérile : Zaza « zinzin » (prononcer « zaza ») - Le prince charmant : Bulut « nuage » (prononcer « boulout ») - La servante de Gün : Beyaz « blanche » (prononcer « beillaze ») - La servante de Gece : Akşam « soir » (prononcer « ak-cham »)

Bonne lectureBonne lectureBonne lectureBonne lecture !!!!

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Intro : Les marionnettes

Un drap repose sur le dossier de deux chaises écartées, formant le paravent d’un théâtre de

marionnettes. Un petit ruban est tendu en haut, entre le dossier des 2 chaises.

Invisibles derrière ce paravent de fortune, quatre enfants sont cachés avec chacun une

marionnette :

- Enfant 1 : Marionnette de prince

- Enfant 2 : Marionnette de princesse

- Enfant 3 : Marionnette de magicien

- Enfant 4 : Marionnette indéfinie (un animal, un monstre ?)

- Enfant 5 : Marionnette de princesse 2

A l’écart de cette scène, une vieille femme est assise. Elle consulte avec nostalgie un album de

photos.

La marionnette du prince apparaît à l’envers, dos au public. Il porte une grosse paire de ciseaux

en plastique transparent.

- PRINCE : Bonjour ! Je suis le prince. Je suis un gentil. J’attends ma princesse.

Aujourd’hui, c’est mon mariage… La marionnette du prince disparaît, puis réapparaît à l’endroit.

…Aujourd’hui, c’est mon mariage. J’ai un super-cadeau pour ma

princesse : un palais où que personne est jamais rentré.

La marionnette de la princesse apparaît.

- LA PRINCESSE : Bonjour, je suis la princesse. Je viens pour le mariage… c’est ici ?

- LE PRINCE : Euh… (Il hésite.) Oui, oui, c’est ici. D’ailleurs c’est moi le prince, en

plus. Ca tombe bien.

- LA PRINCESSE : Tu as prévu un cadeau pour le mariage ?

- LE PRINCE : Bien sûr. Tiens, prends ces ciseaux de verre.

- LA PRINCESSE : Pour que je te fabrique un nouvel habit de prince ?

- LE PRINCE : Ben non. C’est pour couper le ruban, là. Pour entrer dans ton palais tout

neuf.

Le prince remet les ciseaux à la princesse qui fait mine de couper le ruban.

- LA PRINCESSE : Oh, c’est merveilleux ! C’est mon premier palais !

La marionnette du magicien apparaît (imaginer un bruitage à la portée des enfants).

- LE MAGICIEN : Arrêtez ! Je suis le méchant magicien Souloud Mouchir ! Je suis venu

enlever la princesse. (Le prince disparaît.) Viens ici, toi ! Je t’enlève !

Scène de combat brève entre la princesse et le magicien. Quelques cris. La princesse est enlevée.

Le magicien et la princesse disparaissent.

Le prince réapparaît.

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- LE PRINCE : Quel malheur ! La princesse est enlevée juste le jour de mon mariage.

Je dois la retrouver… Où est-elle ? Où est-elle ?

La marionnette indéfinie apparaît dans le dos du prince – je l’appellerai : l’animal.

La princesse 2 apparaît aussi.

Le prince se retourne et voit l’animal.

- LE PRINCE : Bonjour !

- PRINCESSE 2 : Bonjour !

- LE PRINCE : (A la princesse 2.) Mais non, je te dis rien à toi. (A l’animal.) Bonjour. Est-ce

que tu as vu la princesse ?

- L’ANIMAL : Non.

- PRINCESSE 2 : Moi, je l’ai vue.

- LE PRINCE, impatient : Mais si, tu l’as vue !

- L’ANIMAL, imperturbable : Non.

- PRINCESSE 2 : Moi, je l’ai vue ! (Personne ne prête attention à cette remarque.)

- LE PRINCE, en colère : Tu l’as vue, j’te dis !

- L’ANIMAL : Non !

- LE PRINCE (voix de l’Enfant 1 hors de son rôle) : Il est bête celui-là !

- PRINCESSE 2 : Mais MOI, je l’ai vue ! (Personne ne prête attention à cette remarque.)

La princesse et le magicien réapparaissent (bruitage).

- LA PRINCESSE : Je suis là ! Au secours ! Le méchant Chouchou Moulir veut me tuer !

- PRINCESSE 2 : Moi, je l’ai vue ! (Personne ne prête attention à cette remarque.)

- LE MAGICIEN : Souloud Mouchir, pas Chouchou J’sais-pas-quoi !

- LA PRINCESSE : C’est pareil.

- LE PRINCE : Je vais te tuer, méchant magicien ! On s’en fout de ton nom, en plus.

- LE MAGICIEN : Souloud Mouchir !

Scène de lutte entre le prince et le magicien. Des cris.

- LE PRINCE : Tiens !… Tiens !

- LE MAGICIEN : Argh !

L’animal revient.

- L’ANIMAL : Ca y est ! Je sais où elle est, la princesse. Elle est là !

- LE PRINCE (voix de l’Enfant 1 hors de son rôle) : Tais-toi ! T’as rien compris, toi.

- PRINCESSE 2 : Moi aussi, je l’ai vue !

L’enfant 4 qui animait l’animal se relève avec sa marionnette en main et regarde vers ses

camarades toujours cachés derrière le drap.

- L’ENFANT 4 : Pourquoi c’est moi qu’a rien compris, d’abord ?

Les Enfants 1 et 2 se lèvent à leur tour.

- L’ENFANT 2 : D’abord, c’est notre histoire, pas la tienne.

- L’ENFANT 1 : Toi, t’as rien compris.

La marionnette du magicien réapparaît (bruitage).

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- LE MAGICIEN : C’est moi, Souloud Mouchir, le magicien ! Et je suis même pas mort.

Ah, ah, ah !

Avec sa marionnette, l’Enfant 2 agrippe celle du magicien, l’arrache et la lance vers la vieille

femme.

- L’ENFANT 2 : Tiens ! Fous le camp, Chouchou !

- L’ENFANT 3, toujours caché : Souloud, reviens !

- L’ENFANT 4 : Elle est nulle notre histoire.

- L’ENFANT 2 : C’est notre histoire, pas la tienne !

- ENFANT 5 : De toutes façons, c’est moi la plus belle ! (Personne ne fait attention à ce

qu’elle dit.)

La vieille femme repose son album de photos, ramasse la marionnette du magicien et s’avance

vers les enfants.

- L’ENFANT 4, furieux : Voilà ce que j’en fais de votre histoire débile !

Il arrache le drap, le met en boule et le jette au loin. L’Enfant 3 est alors découvert. Il pleure.

La vieille dame tend la marionnette à l’Enfant 3. Il se précipite pour la reprendre et la caresse

tendrement

- L’ENFANT 3 : Souloud ! Ça va Souloud ? Tu t’es pas fait mal ?

- LA VIEILLE : Allons, les enfants. Que se passe-t-il ?

- L’ENFANT 1, accusant l’Enfant 4 : Il comprend rien à notre histoire de princesse.

- L’ENFANT 2 : Et il arrête pas de dire qu’elle est nulle.

- L’ENFANT 4 : Leur histoire de princesse, elle est même pas vraie.

- L’ENFANT 5 : Je vous l’ai dit, c’est moi la princesse et c’est moi la plus belle ! - LA VIEILLE : Moi, j’ai très bien connu une princesse…

Un instant, les enfants restent muets, émerveillés.

- L’ENFANT 3 : C’est vrai ?

- LA VIEILLE : Lorsque j’étais jeune, j’étais servante dans un palais.

- L’ENFANT 3 : C’est vraiment vrai ?

- LA VIEILLE : Vérifiez vous-même. (Indiquant l’album.) J’ai des photos là-bas.

Les Enfants 1 et 2 courent chercher l’album. Ils l’ouvrent. Les cinq enfants regardent à l’intérieur

et s’exclament, émerveillés : « Oh ! »

- LA VIEILLE : Le palais était magnifique, plein d’or et de couleurs…

Les lumières baissent. Des douches de couleur s’allument. Des pinceaux multicolores balaient la

scène. Discrètement, les enfants quittent la scène.

- LA VIEILLE : Tout le monde y était heureux. Il n’y avait que fêtes, joie et danses !

Noir.

La dernière réplique tourne encore, comme un écho : « Que fête, joie et danse… »

Danse d’intro

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La lumière revient sur une scène vide… Puis Papillon danse la fête et la joie au palais.

(Chorégraphie : Inci Stuck).

Noir.

Scène 1

Les danseuses se sont retirées.

Dans le noir, à nouveau on entend la voix de la vieille femme : « Que fête, joie et

danse…Que fête, joie et danse… » Puis, la voix disparaît et revient, très claire.

- LA VIEILLE, off : Approchez les enfants ; regardez bien cette photo. Observez-la

attentivement…

La lumière se fait d’un seul coup. Les comédiens sont figés, comme sur une photo.

- LA VIEILLE, off : Voici trois vraies princesses au palais du sultan Murad-le-Magnifique.

Elles sont superbes, non ? Qu’en pensez-vous ? Regardez, tout à gauche, dans sa splendide

robe verte, vous avez la princesse Gece, mais dans la rue les gens l’appelaient « Papillon de

Nuit » ; c’est Akşam qui la coiffe, sa servante… Au milieu, dans son bel habit rose comme la

plus fine des nacres, c’est ma maîtresse, la princesse Gün, mais en parlant d’elle les sujets du

royaume disaient plutôt « Papillon de jour »… A droite, celle qui mange, c’est la plus jeune,

la princesse Zaza... Et moi, eh bien on ne me voit pas bien sur cette photo, mais je suis là.

Regardez bien, c’est moi, derrière la princesse Gün. (Beyaz et cachée derrière Gün, elle fait bonjour

de la main pour se faire remarquer.) Vous me voyez à présent ? J’était toute jeune à l’époque,

n’est-ce pas ?

Les comédiens s’animent tous ensemble.

Beyaz, au centre, sort de derrière Gün et lui prend la main. Gece est assise, elle tourne le dos à

Gün et Beyaz. Akşam est en train de coiffer sa maîtresse. Assise sur le côté, Zaza est mange de la

graine de couscous.

BEYAZ : Montrez-moi votre main maîtresse que je vous dise ce que vous réserve

l’avenir.

GÜN : Tu peux lire l’avenir dans ma main ?

BEYAZ : J’ai appris cela d’une vieille nomade yörük qui est venue dans mon village

lorsque j’étais enfant.

Gün retire sa main.

GÜN : Non, Beyaz ! Ne me dis rien ; je ne veux rien savoir !

GECE, sèche, à Akşam : Allez ! Dépêche-toi un peu, traînarde ! Je dois être belle pour l’arrivée

du prince Bulut.

BEYAZ : Vous avez peur de l’avenir, princesse Gün ?

GÜN : Pas du tout, je ne le crains pas. Simplement, je ne veux pas le connaître, c’est

tout.

BEYAZ : Allez, donnez votre main. Je vous assure, maîtresse, il n’y a rien à craindre ça

ne fait pas mal.

A cet instant, la princesse Gece pousse un cri.

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GECE : Aïe ! Tu me fais mal, espèce de brute !

AKŞAM : Pardon, maîtresse. Je n’ai pas fait exprès.

GECE : Tu me tires les cheveux, maladroite ! Si tu continues, c’est dix coups de

bâtons !

AKŞAM : Mais, c’est vous qui m’avez dit de me presser, alors…

GECE : Que cela ne t’empêche pas de faire attention. Tu sais comme je suis délicate,

non ?

AKŞAM : Oui, maîtresse. Je fais le plus doucement du monde… Enfin, doucement, mais

vite.

BEYAZ : Allez, donnez-moi votre main ; ma divination est plus douce que la plus douce

des coiffeuse... N’ayez crainte, je sens que je n’aurai que de beaux présages à vous dévoiler.

GECE : Ces servantes sont toutes les mêmes ! Des incapables !

AKŞAM : Je ne le referai plus, maîtresse. D’ailleurs, si vous…

GECE, l’interrompant sèchement : Cesse de bavarder et travaille !

BEYAZ : C’est juste un petit jeu, maîtresse… Donnez votre main…

Gün lui tend la main. Beyaz l’observe en silence quelques instants.

BEYAZ : Hum… Hum… Oh ! Je vous vois, maîtresse !

GÜN : Eh bien oui, puisque je suis là.

BEYAZ : Non, là, dans votre main ! Je vous vois dans votre main… Vous êtes très jolie,

magnifique… Vous êtes allongée dans une superbe robe blanche…

GÜN : Un tissus brodé de pierres précieuses ?

BEYAZ : Non, je ne crois pas.

GÜN : Des perles ?

BEYAZ : Je ne sais pas c’est un peu flou. Mais, vous êtes allongée dans cette robe

blanche et vous vous reposez paisiblement…

GÜN : Je suis seule ?

BEYAZ : Non. Il y a un prince à vos côtés. Est-ce que vous le voyez aussi ?

Gün ferme les yeux.

GÜN : Je le vois, oui. Il est beau… très beau.

BEYAZ : Il est grand, digne, majestueux.

GÜN : Est-ce qu’il m’aime ?

BEYAZ : C’est certain. Il vous aime.

Zaza relève la tête de son assiette de semoule.

ZAZA : Est-ce qu’il aime le couscous, aussi ? Parce que le mien de prince il adorera le

couscous !

GÜN : Que fait-il, mon doux prince ?

ZAZA : Est-ce qu’il mange ?

BEYAZ : Non. Il est à genoux. Il ne bouge pas. Mais vous, maîtresse, vous vous êtes

relevée et vous dansez autour de lui. Vous dansez pour lui.

GÜN, songeuse : Oh oui, Beyaz ! Je ne danse que pour lui à présent ; pour lui, pour l’éternité !

Mon cœur déborde d’un amour qui ne s’épuisera jamais... jamais !

BEYAZ : Vous voulez le prendre dans vos bras, mais vous ne pouvez pas…

GÜN : Tu as raison, je ne peux pas. Ou plutôt, je n’en ai pas le courage...

Beyaz et Gece crient en même temps. Au même instant Zaza s’étouffe avec une cuillère de semoule

elle tousse très fort.

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GECE, criant de douleur : Aïe !

BEYAZ, criant de peur : Attention !

GÜN, inquiète, à Beyaz : Qu’y a-t-il ?

ZAZA : J’ai avalé de travers.

GECE : C’est encore cette idiote d’Akşam qui me martyrise !

BEYAZ, à Gün : Ce n’est rien, maîtresse.

GECE : Comment ça, ce n’est rien ? Cette petite sotte m’arrache la tête ; moi qui suis si

délicate. Elle a bien mérité ses vingt coups de bâton, ce soir.

AKŞAM : Je vous demande pardon, maîtresse.

GECE : Tais-toi ! Trente coups !

GÜN, inquiète : Qu’as-tu vu ? Pourquoi as-tu crié ?

BEYAZ, troublée : Rien. Je ne vois rien… et je... enfin… la liaison a été coupée.

Beyaz rejette la main de Gün.

GÜN : Je t’en prie Beyaz, dis-moi ce que tu vois !

La princesse lui tend de nouveau la main avec insistance. Dans leur dos, le prince Bulut entre

discrètement.

BEYAZ : Je ne le vois plus, maîtresse. Votre prince a disparu.

GÜN : Mais où est-il ?

BEYAZ : Il n’est pas là !

BULUT : Je suis ici !

GÜN, surprise : Prince b-b-Bulut ? Que… que… mais k-que faites-ici vous ?

BULUT, sèchement : Comment cela, qu’est-ce que je fais ici ? Que je sois ici n’a rien

d’extraordinaire ; nous sommes au palais du sultan Murad-le-Magnifique, et je suis son fils !

GÜN, confuse, embrouillée : Ah… euh…oui… non… mais j-je ne…

Gece repousse sa servante, se lève et va au devant du prince.

GECE, interrompant Gün : Acceptez mes hommages, mon prince et pardonnez à la princesse

Gün sa maladresse ; elle ne réfléchit jamais avant de parler. Que voulez-vous, elle est encore

bien jeune et ne mesure pas tout le respect que l’on doit à votre personne.

BULUT : Princesse Gece, je suis touché par l’estime que vous me portez.

GECE : C’est moi qui en suis honorée, mon prince.

BULUT : Et votre coiffure est ravissante.

GECE, mielleuse : C’est l’œuvre de ma bien-aimée servante, prince Bulut. Lorsque l’on

traite avec gentillesse ses serviteurs, ceux-ci vous le rendent bien.

AKŞAM, à part : Des coups de bâtons si je la coiffe mal, voilà tout ce qu’elle me donne !

BULUT : Vos paroles sont très sensées et toujours si douces à mes oreilles.

GECE : Je suis comme cela ; je laisse mon cœur s’exprimer pour moi.

AKŞAM, à part : Tu parles. Sa main leste ponctue souvent ses phrases !

GÜN, émue et bégayant : Moi… au-aussi, prince B-Bulut, mon k-cœur voudrait p-parler

mais… heu… je n’ose p-pas vous… enfin, je-j…

GECE, l’interrompant : Pardonnez mon audace, prince Bulut ; mais, avez-vous choisi celle qui,

dans six jours, partagera à vos côtés la grande fête que donne le sultan votre père ?

BULUT : J’espérais justement que vous pourriez m’y accompagner.

GECE, feignant la surprise : Moi, mon prince ? C’est trop d’honneur. (A Gün.) Vous entendez

cela, princesse Gün ? Le prince Bulut m’espère à ses côtés lors d’une prochaine fête.

GÜN, résignée : J’en suis heureuse p-pour vous, princesse Gece.

GECE : Alors, souriez !

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ZAZA : Souriez, princesse Gün ! Il y aura plein de couscous à cette fête, et puis de

l’agneau, du bœuf, des gâteaux de potirons aux noix, des dates fourrées de pâte d’amande, des

tartines de pekmez, des figues… mmmh… quelle belle soirée !

BULUT, riant : Je veillerai personnellement à ce que vous soyez bien servie, princesse Zaza.

ZAZA : Hummmm ! Merci, mon prince.

BULUT : Vous viendrez, princesse Gün ? J’y annoncerai officiellement mes fiançailles

avec la princesse Gece.

GECE, stupéfaite : Nos… fiançailles ?… (Elle s’évanouit.) Aaah…

Le prince Bulut et Akşam se précipitent vers la princesse Gece qui est allongée au sol.

BULUT : Que se passe-t-il, ma douce ? Est-ce l’émotion qui vous trouble à ce point ? (A

Akşam.) Aide ta maîtresse à reprendre ses esprits, veux-tu ?

Akşam se met à tapoter les joues de la princesse Gece.

AKŞAM : Princesse ! … Princesse Gece !…

BULUT, à Gün : Quelle plus belle preuve d’amour que de s’évanouir à cette annonce n’est-ce

pas ? Ma future épouse est si sensible… (Il soupire.)

GÜN : Votre… f-f-future… é-p-pouse ?… (Elle réalise et perd elle aussi connaissance.)

Aaah…

BULUT : Eh bien, ces princesses sont décidément bien fragiles.

Beyaz vient auprès de sa maîtresse et lui tapote la joue.

BEYAZ : Mon prince, il y a des mots que l’on ne prononce pas sans précautions en

présence de jeunes filles ; amour et fiançailles, en font partie. (A Gün.) Princesse ! … Princesse

Gün !…

BULUT, à Zaza : Comment vous sentez-vous, princesse Zaza ? Vous n’allez pas perdre

connaissance au moins ?

Zaza relève la tête de son plat de semoule.

ZAZA : Impossible, prince Bulut, je n’ai pas encore terminé mon plat !

Noir.

Danse 1

La lumière revient sur une scène vide… Papillon reprend en danse l’histoire de la scène 1.

(Chorégraphie : Inci Stuck).

Noir.

Scène 2

La musique de la danse précédente continue… la lumière se fait progressivement.

Gece est seule en scène. Elle est assise sur un pouf, devant une table basse sur laquelle est posée

une théière et un verre à thé. Elle boit une gorgée et repose le verre. La musique s’arrête.

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GECE, hystérique : Akşam ! Aaakşaaaam !… (Un instant.) Mais que fait-elle cette fainéante ?

Akşam !

Beyaz entre en scène, rapidement.

BEYAZ : Excusez-moi, princesse Gece, mais Akşam votre servante est souffrante.

GECE : Foutaises ! Elle fait cela pour ne pas accomplir son devoir. Va la chercher.

BEYAZ : C’est qu’elle est bien malade, princesse Gece, et je ne crois pas que…

GECE, la coupant : Quoi ! Tu veux me désobéir, toi aussi ?

BEYAZ : Non, princesse Gece. Mais…

GECE : Va la chercher ou elle goûtera encore du bâton !

BEYAZ : J’y vais, princesse Gece. J’y vais.

Beyaz se retire prestement à reculons.

GECE : Ce thé est froid ! Comment puis-je accepter, moi, future épouse d’un futur

sultan, de boire du thé froid ? Que dirait-on d’un royaume où le thé serait froid ? Malade ou

pas, cette servante sera punie.

Akşam entre, appuyée sur l’épaule de Beyaz. Elle est faible, elle a du mal à marcher, et même à

parler.

AKŞAM : Vous… ah… (soupir dû à une fatigue extrême.) Vous m’avez appelé, maîtresse ? Me

voici.

GECE, sèche : Enfin.

AKŞAM : Veuillez m’excuser, maîtresse. (Elle tousse.) Comme vous le disait Beyaz, je suis

bien mal en point aujourd’hui et je ne…

GECE, la coupant : Mon thé est froid, Akşam.

Akşam est prise d’une quinte de toux.

GECE : Arrête de jouer ta malade et va me refaire du thé.

BEYAZ : Je peux peut-être le faire à sa place, princesse Gece.

GECE : Et pourquoi donc ?

Le prince Bulut entre.

BULUT : Comment se porte ma bien-aimée princesse aujourd’hui ?

GECE, souriante : Oh, prince Bulut ! A merveille ! Il suffit pour cela que vous soyez à mes

côtés.

Akşam tousse de nouveau.

BULUT : En revanche, votre servante n’a pas l’air au mieux de sa forme.

GECE : Hélas non, cette pauvre petite Akşam est souffrante. Je demandais justement à

Beyaz de la raccompagner à sa chambre.

Gece se lève, va vers sa servante et lui fait une bise sur le front.

GECE : Ne t’en fais pas Akşam, c’est juste une petite fièvre. Allez, va te reposer ma

petite.

AKŞAM : Merci, maîtresse.

BEYAZ : Merci, Prince Bulut.

BULUT : Merci ? Mais de quoi ?

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BEYAZ : De votre présence, mon prince.

Akşam et Beyaz se retirent. En sortant, Beyaz lance un regard sévère à la princesse Gece.

BULUT, à Gece : Vous êtes si prévenante envers vos servantes, princesse Gece ; lorsque vous

serez la première dame du royaume, vos sujets vous adoreront.

GECE : Je ne retire aucune gloire à laisser ma gentillesse s’exprimer. C’est si naturel !

BULUT : Voulez-vous ma bien-aimée, m’accompagner en promenade ?

GECE : Avec grande joie.

BULUT : Nos jardins sont si jolis en cette saison.

GECE : Toutes les fleurs sont ouvertes, comme pour célébrer notre amour.

BULUT : Mais de toutes les fleurs, je ne verrai que vos yeux, vos beaux yeux bleus

comme les eaux de la Mer Noire.

GECE : Vous me faites rougir, prince Bulut…

Le prince et la princesse se retirent, bras-dessus, bras-dessous.

Les princesses Zaza et Gün entrent. Zaza porte une grosse coupe de fruits. Elle va s’asseoir avec

sur le côté et se met à manger des grains de raisin.

ZAZA : Le mariage du prince Bulut avec la princesse Gece sera magnifique, vous

verrez ! Rien que d’y penser cela me donne faim.

Zaza épluche et mange une banane.

GÜN : Tu as de la chance. Moi, cela me coupe l’appétit, au contraire.

ZAZA, la bouche pleine : Mmeu-gneu-turgneu…

GÜN : C’est vrai, tu as raison.

ZAZA, crachant quelques morceaux de banane : Meu-greu-pteu ! re-gneu, pteuh !…

GÜN : Oui, je sais. Je devrais être heureuse pour la princesse Gece mais c’est

impossible, je suis trop triste… trop triste… vraiment.

La princesse Gün se met à pleurer. Zaza reste indifférente, elle continue de manger.

Beyaz revient.

BEYAZ : Vous pleurez, maîtresse ?

GÜN : Ce n’est rien, Beyaz. (Elle étrangle un sanglot.)

BEYAZ : C’est à cause du mariage, n’est-ce pas ?

La princesse Gün acquiesce d’un hochement de tête, et se remet à pleurer de plus belle.

BEYAZ : C’est trop injuste, maîtresse…

GÜN : Mais non. Notre prince a choisi.

BEYAZ : Mais comment notre bon prince peut-il épouser cette horrible princesse Gece ?

Ce vilain papillon de nuit ! Alors que vous, maîtresse… Oh, vous !… vous faites rayonner ce

palais par votre gentillesse et votre gaieté.

GÜN : Tu dis cela parce que tu es à mon service et que tu m’aimes bien, c’est tout.

BEYAZ : Puis-je vous parler franchement, maîtresse ?

GÜN : Tu sais bien que oui.

BEYAZ, fort : Eh bien, la princesse Gece n’est qu’un odieux scorpion !

GÜN, indiquant Zaza : Chut ! On pourrait t’entendre.

BEYAZ : Non, celle-ci est bien trop occupée lorsqu’elle mange… Savez-vous que tout à

l’heure la princesse Gece voulait faire frapper Akşam, simplement parce que son thé s’était

refroidi ? Connaissez-vous un thé qui ne refroidisse pas ?

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GÜN : Elle ne l’aurait pas fait.

BEYAZ : Elle l’aurait fait, maîtresse ! C’est une vipère, je vous dis. Elle aurait frappé

cette pauvre Akşam qui en plus est toute fiévreuse aujourd’hui.

GÜN : Allons, Beyaz.

BEYAZ : Et vous l’auriez vue lorsque le prince Bulut est arrivé. Elle est soudainement

devenue douce comme le miel.

GÜN : Eh bien, tu vois qu’elle sait être gentille parfois.

BEYAZ : Elle sait surtout être hypocrite, maîtresse. Elle est douce lorsque c’est son

intérêt de l’être, ni plus, ni moins.

GÜN : Il ne faut pas dire cela, Beyaz.

BEYAZ : Si. Il faut le dire justement. Maîtresse, êtes-vous toujours amoureuse du prince

Bulut ?

GÜN : Mais je n’en ai plus le droit.

BEYAZ : Reprenez ce droit, maîtresse ; battez-vous pour ce droit, pour votre bonheur,

mais aussi pour le bonheur de tout le palais, de tout le royaume même !

GÜN : Allons, tu exagères.

BEYAZ : Je vous en prie, maîtresse, parlez au prince ! Dites-lui tout l’amour que vous

ressentez pour lui !

GÜN : Même si je le voulais, je ne le pourrais pas. Devant lui je n’arrive plus à parler.

Mes idées se troublent, mes mots se mélangent et ma langue devient maladroite… De toutes

façons, il est trop tard, maintenant… (Elle soupire.)

BEYAZ : Il n’est jamais trop tard. Tenez, il me vient une idée pour lui ouvrir les yeux.

GÜN : Quelle idée, Beyaz ?

BEYAZ : Je ne peux pas vous la dire, maîtresse ; mais faites-moi confiance, c’est une

grande idée.

Noir.

Danse 2

La lumière revient la scène est vide.

Les danseuses de Papillon reprennent une chorégraphie sur le thème de la scène précédente.

(Chorégraphie : Inci Stuck.)

Noir.

Scène 3

La lumière revient, le prince Bulut est seul en scène.

BULUT : Le temps est clair, l’air est doux, c’est un temps idéal pour m’en aller visiter

mes terres. (Appelant.) Holà ! Que l’on fasse seller mon cheval ! Que l’on apporte mes bottes !

Beyaz entre en portant les bottes du prince.

BEYAZ : Voilà, voilà, mon prince. Voici vos bottes !

BULUT : Mais pourquoi es-tu ici, Beyaz ?

BEYAZ : Eh bien, pour vous apporter vos bottes, prince Bulut. N’est-ce pas ce que vous

souhaitiez ?

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BULUT : Si, bien sûr. Mais pourquoi est-ce toi qui vient ? Où est Osman ? Où est mon

serviteur ? Pourquoi n’est-ce pas lui qui m’apporte ces bottes ?

BEYAZ : Ah… euh… Osman est… (Elle hésite un instant.) souffrant.

BULUT : Et qu’a-t-il donc, au juste ?

BEYAZ : Il a attrapé la… le… enfin, comme Akşam, vous voyez ? C’est ça, c’est Akşam

qui doit être contagieuse et…

BULUT, impatient : Bien. Bien. Qu’il se repose. Quant à toi enfile mes bottes.

BEYAZ : Que j’enfile vos bottes, mon prince ?

BULUT : Oui. Allez !

Beyaz retire une sandale et apporte une botte à son pied.

BULUT, énervé : Enfile-les à mes pieds, pas aux tiens, voyons !

BEYAZ : Ah bon. Je me disais aussi.

Le prince s’assied et tend une jambe pour que Beyaz puisse lui retirer sa chaussure et la

remplacer par une botte. Mais Beyaz n’en fait rien et remet tranquillement sa propre sandale.

BULUT, s’emportant : Allez ! Allez, presse-toi !

BEYAZ : Oh, oh ! Vous êtes trop souvent en compagnie de la Princesse Gece, mon

prince.

BULUT, en colère : De quoi te mêles-tu ? Impertinente !

BEYAZ : Je me permets de dire cela car elle vous rend colérique.

BULUT, très en colère : Je ne suis pas colérique !

BEYAZ : Alors pourquoi criez-vous ainsi ? Vous voyez bien, qu’elle déteint sur vous.

BULUT : Je ne te permets pas ! Qui es-tu pour porter un pareil jugement sur une

princesse qui sera bientôt l’épouse d’un sultan ?

Beyaz lui a retiré une chaussure. Elle s’écarte du prince.

BEYAZ : Du calme, mon prince. Je vous parle comme cela pour vous empêcher de faire

une bêtise.

BULUT : Quelle bêtise ?

Beyaz s’éloigne encore un peu.

BEYAZ : Epouser la princesse Gece.

BULUT : Tu cherches à être punie ?

BEYAZ : Ce n’est pas une bonne épouse pour vous.

Le prince Bulut se relève. Il claudique (il n’a qu’une chaussure) en direction de Beyaz.

BULUT : Rends-moi ma chaussure, peste !

BEYAZ : Elle est méchante !

BULUT : Ma chaussure !

BEYAZ : Odieuse !

BULUT : Ma chaussure !

Beyaz se sauve de l’autre côté de la scène. Prend un petit panier d’osier et le montre.

BULUT : Vous trouvez normal que la meilleure amie de la princesse Gece soit la vipère

qu’elle élève dans ce panier ?

BULUT : Ma chaussure !

BEYAZ : Elle ne vous aime pas !

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BULUT, arrêtant la poursuite : Que dis-tu ?

BEYAZ : Je dis qu’elle ne vous aime pas, et je peux vous le prouver.

BULUT : Ah tiens. Et comment cela ?

BEYAZ : Acceptez-vous de faire une simple expérience ?

BULUT : Si cela peut faire éclater la vérité, j’accepte.

BEYAZ : C’est vrai ?

BULUT : Je t’en donne ma parole. Mais si tu avais tors, tu serais battue et chassée du

royaume.

BEYAZ : Et si je disais vrai ?

BULUT : Eh bien… tu ne serais pas punie pour ton impertinence, c’est tout.

BEYAZ : Bon. Voilà ce que vous allez faire : couchez-vous ici et faites le mort. Je ne

vous en demande pas plus.

BULUT : Que je fasse le mort ?

BEYAZ : Vous avez donné votre parole, mon prince !

BULUT : Soit, si tu y tiens.

Le prince se couche, immobile, les yeux fermés.

BEYAZ, criant : Princesse Gece ! Princesse Gece ! Vite !

La princesse Gece entre, elle ne remarque pas le prince au sol.

GECE : Que se passe-t-il ? Pourquoi cries-tu comme une folle ?

BEYAZ, émue : Votre… votre…votre vipère, princesse.

GECE : Quoi ? Il ne lui est rien arrivé, j’espère ?

La princesse Gece se dirige vers le panier. Beyaz l’arrête.

BEYAZ, pleurant : Regardez… là !

Beyaz montre le prince Bulut.

GECE : Oh, mon dieu !

BEYAZ, en larmes : Il est… il… il est mort, princesse ! Votre vipère l’a mordu au pied et...

GECE : Non ! Pas maintenant ! Pas avant le mariage !

BEYAZ : C’est terrible !

GECE : C’est terrible, oui ; je ne suis pas encore sultane. Je vais devoir tout

recommencer à zéro avec son jeune frère, la séduction, les fiançailles, tout !

BEYAZ : Quelle fin tragique !

GECE : Quel imbécile, oui. Quant à toi, Beyaz, pas un mot sur la morsure de vipère ou

je t’arrache les yeux !

BEYAZ : Promis, je ne dirai rien, et jamais vous ne serez accusée.

GECE : Je vais chercher deux fidèles serviteurs ; ils m’aideront à sortir le corps et

trouveront bien à maquiller sa mort contre un peu d’argent.

BEYAZ : Certainement.

Gece s’apprête à sortir, elle se retourne vers Beyaz.

GECE : Et ne laisse personne entrer ici !

BEYAZ : Personne, princesse.

La princesse Gece sort.

Le prince Bulut se relève.

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BEYAZ : Alors ? Que pensez-vous de son amour ? BULUT, bouleversé : Je… Je suis atterré, Beyaz ! J’allais épouser un monstre sans m’en rendre

compte et…

GÜN, appelant de l’extérieur : Beyaz ! Beyaz !

BEYAZ, à Bulut : Couchez-vous et voyez la réaction de ma maîtresse. Allez, couchez-vous,

prince Bulut !

Le prince Bulut refait le mort.

BEYAZ, fort : Ah, Maîtresse ! Je suis là ! Venez vite ! C’est affreux !

La princesse Gün entre, inquiète.

GÜN : Qu’y a-t-il, Beyaz ?

BEYAZ, indiquant le prince : Là, maîtresse… Le prince Bulut… Il est mort.

GÜN : Oh non ! Prince ! Ce n’est pas vrai ? Dis-moi que ce n’est pas vrai, Beyaz !

BEYAZ : Hélas… C’est terrible.

GÜN : Je l’aimais, Beyaz. Je n’ai jamais su le lui dire mais je l’aimais. Lorsque je le

voyais au bras de la princesse Gece, j’avais le cœur torturé mais que pouvais-je faire ? C’était

son choix et je devais l’accepter.

BEYAZ : C’est la vipère de Gece qui l’a mordu. Je n’ai rien pu faire.

GÜN, en colère : Où est-elle ? Où est cette sale bête ?

BEYAZ : Elle est partie chercher ses serviteurs, maîtresse.

GÜN : Je ne parle pas de Gece, mais de sa saleté de vipère.

BEYAZ : J’ai pu la capturer et je l’ai de nouveau enfermée dans son panier.

La princesse Gün se précipite vers le panier.

GÜN, en colère : Je vais la tuer ! Je vais la tuer !

Elle ouvre le couvercle, arme son bras d’un objet métallique, s’apprête à abattre son bras mais

arrête son mouvement.

GÜN : Non, je ne peux pas.

Elle lâche son arme. Sur son visage, sa colère se transforme en désespoir.

GÜN : Non… Aide-moi, vipère. Aide-moi à rejoindre le prince Bulut !

Elle plonge alors son avant-bras dans de panier, pousse un petit cri, titube jusqu’au prince et

tombe à ses côtés. Le prince Bulut se relève à moitié et hurle de douleur.

BULUT : Gün ! Nooon !

Noir.

Danse 3

La lumière revient la scène est vide.

Les danseuses de Papillon reprennent une chorégraphie sur le thème de la scène précédente.

(Chorégraphie : Inci Stuck.)

Noir.

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Scène 4 : Final dramatique

La princesse Gün, vêtue d’une longue robe blanche, repose, allongée sur un plateau. Beyaz est

assise aux côtés du corps. Le prince Bulut et la princesse Gece sont debout en avant-scène.

BULUT, solennel : Je vous écoute, princesse Gece.

GECE : Je ne sais pas quoi dire…

BULUT : En effet. Que pourriez-vous ajouter à ce que vous déclariez lorsque je faisais le

mort ?

GECE : Justement, mon prince, je n’ai jamais cru que vous étiez mort.

BULUT : Ah bon ?

GECE : J’ai agi ainsi pour vous tester. Je savais que vous simuliez.

BULUT : Quand vous déploriez que je sois décédé avant d’être devenue sultane, vous

mentiez ?

GECE : C’est cela, oui.

BULUT : Quand vous vouliez séduire et épouser mon jeune frère pour achever votre

plan, vous mentiez ?

GECE : Bien entendu.

BULUT : Quand vous menaciez de crever les yeux de Beyaz si elle révélait les causes de

ma mort, vous mentiez encore?

GECE : Evidemment.

BULUT : Vous mentez beaucoup trop, princesse Gece ! Et en ce moment vous continuez

à mentir.

GECE : Mais non, je…

BULUT, l’interrompant : Et quand vous êtes revenue avec vos serviteurs pour enlever mon

corps, eux aussi mentaient ?

GECE : Non, ils… ils m’obéissaient.

BULUT : Ils avaient tors. Une menteuse doit être dépourvue de tout pouvoir, et à l’avenir

je veillerai à ce que personne ne vous obéisse. Jamais. Plus jamais !

GECE : Mais…

BULUT, brusque : Silence ! Je vous laisse le choix, princesse Gece : vous restez au palais

comme esclave dans les écuries, ou vous quittez le royaume sans jamais y revenir !

GECE : Mais, prince Bulut…

BULUT, violent : Et je vous interdis de regarder votre prince dans les yeux !

La princesse Gece se met à genoux devant le prince, tête basse.

GECE : Mon prince, je vous demande…

BULUT : Ca suffit ! cette conversation est indécente au chevet d’une défunte. Partez

avant que je n’appelle ma garde.

La princesse Gece se retire à reculons sans relever les yeux. Le prince Bulut s’en détourne et va

s’asseoir auprès du corps de la princesse Gün.

BULUT : J’espère que vous me pardonnerez, princesse Gün. Je n’ai pas su lire en vous

l’amour que vous me portiez, et lorsque enfin j’en ai pris conscience vous quittiez ce monde

par ma faute…

BEYAZ : Non. C’est MA faute, prince Bulut… Mais pourquoi ai-je eu une idée aussi

stupide ? J’étais fière de moi, je pensais même que c’était une grande idée... Mais quelle

idiote ! Mais quelle incurable idiote je fais !

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BULUT : Allons, vous ne pouviez pas imaginer ce qui s’est produit, Beyaz. C’est le

destin. Un destin tragique mais que l’on doit malheureusement subir… Non, pas subir,

affronter. La vie, c’est affronter le destin, Beyaz.

BEYAZ : Je vous ai sauvé d’une épouse détestable, mais le prix à payer est bien trop

lourd… (Elle pleure.)

BULUT : Bien trop lourd, oui.

Un instant de recueillement.

BULUT : Mon rang, ma destinée de sultan m’obligera un jour à me marier, mais je vous

garderai pour l’éternité une place dans mon cœur, princesse Gün… De là où vous êtes, je suis

certain que vous m’entendez…

BEYAZ : Elle vous entend, prince Bulut, je le sens… Je la sens.

Danse 4 Une danseuse qui joue le rôle de la princesse Gün est allongée, cachée derrière le plateau où gît

le corps. Les lumières baissent. Une musique mélancolique et dépouillée s’élève (genre solo de

flûte). Une poursuite garde le prince dans la lumière.

Beyaz se retire discrètement.

La danseuse se relève comme s’il s’agissait de l’âme de la princesse Gün qui sortait de son corps.

Elle vient danser autour du prince.

Au dessus de la musique, on entend en voix off des répliques de Beyaz et Gün extraites de la scène

1 :

GÜN : Prince Bulut, je ne danse que pour vous à présent ; pour vous, pour l’éternité !

Et grâce à vous mon cœur déborde d’un amour qui ne s’épuisera jamais... jamais !…

Le prince se lève, avance de quelques pas et tombe à genoux devant les spectateurs ; ses mains

viennent couvrir son visage comme s’il pleurait.

BEYAZ : Il est à genoux. Il ne bouge pas. Mais vous, maîtresse, vous vous êtes relevée et

vous dansez autour de lui. Vous dansez pour lui.

GÜN: Oh oui, Beyaz ! Je ne danse que pour lui à présent ; pour lui, pour l’éternité !

Mon cœur déborde d’un amour qui ne s’épuisera jamais... jamais !… Pour lui, pour

l’éternité ! Mon cœur déborde d’un amour qui ne s’épuisera jamais... jamais…

jamais…jamais…

Les danseuses de Papillon viennent retirer le plateau ou repose la princesse Gün avant de venir

compléter la chorégraphie de la princesse/danseuse.

Noir.

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Promis, je vous offre une fin heureuse.

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Dans votre message, pensez à rappeler le titre de l’œuvre qui vous intéresse et à fournir quelques informations sur votre troupe et votre projet : - nom et localisation de votre troupe ou atelier théâtre - nombre (et période) de représentations que vous faites habituellement - adresse internet du site ou blog de votre structure si elle en possède un

À tout de suite !

Thierry François

NB – En demandant la version intégrale de cette comédie, vous reconnaissez être informé que CE TEXTE N’EST PAS LIBRE DE DROITS. Toute représentation est soumise à une demande d’autorisation préalable à la SACD et au paiement de droits d’auteurs - peu importe que la séance soit donnée à titre gratuit ou payant, au profit d’une œuvre caritative, dans un cadre scolaire, pour une kermesse, un spectacle de fin d’année, etc. Les modalités et tarifs d’utilisation sont sur www.sacd.fr.