3
© 2013 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2013) 5, 228-230 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A.-T. Dinh-Xuan). Actualités Maladies Respiratoires Revue des Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française Congrès annuel de l’American Thoracic Society Philadelphie, États-Unis – 17-22 mai 2013 Mission ATS 2013 2013 4 A.-T. Dinh-Xuan Service de physiologie-explorations fonctionnelles, Hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques - 75014 Paris ; Université Paris Descartes PHYSIOPATHOLOGIE RESPIRATOIRE Parité des sexes et maladies respiratoires Gender equality and respiratory disease À l’heure où la parité homme-femme devient la règle dans de nombreux domaines sociétaux (de la com- position gouvernementale [1] aux grilles salariales des cadres du secteur privé), les pneumologues ont pu (re)découvrir au Congrès de l’ATS cette année [2] le rôle fondamental des hormones sexuelles en physiologie respi- ratoire et les différences de prévalence et de sévérité de certaines maladies respiratoires en fonction du sexe des malades [3]. Ainsi, toutes choses étant égales, l’asthme, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l’hypertension pulmonaire n’ont ni la même présentation clinique, ni le même proÀl évolutif selon que le malade est un homme ou une femme. Cette parité homme-femme est non seulement due aux caractéristiques anatomiques (taille des poumons) et/ou physiologiques (calibre bronchique) des patients, mais elle est surtout liée au statut hormo- nal et aux effets cellulaires des androgènes et des œstro- gènes dont les effets biologiques sur les différents types de cellules (épithélium, endothélium, muscle lisse bron- chique et pulmonaire, Àbroblastes, inÁammatoires, can- céreuses) sont loin d’être univoques. Nous allons passer en revue certaines maladies affectant différemment l’homme et la femme dans ce bref compte-rendu des sessions scien- tiÀques du dernier Congrès de Philadelphie [2]. Structures pulmonaires et fonctions respiratoires chez l’homme et la femme Les différences portant sur la fonction respiratoire entre l’homme et la femme ont été décrites dès le milieu du XIX e siècle [4]. En dehors des spéciÀcités morphologiques (taille des poumons plus grande chez l’homme que chez la femme) rapportées dès les premières publications [4,5], les différences portant sur la fonction respiratoire de l’homme et la femme sont, de toute évidence, liées aux effets physio- logiques pulmonaires des androgènes et des œstrogènes. Mais ces particularités biologiques n’ont été réellement étudiées que bien plus tard, dans les années 1980 [6-8]. Ces études ont notamment porté sur les différences observées entre les 2 sexes concernant le développement pulmonaire [6], la maturation tissulaire [7] et la production du surfactant [8]. Les chemins reliant les différences « physiologiques » de la fonction respiratoire aux mécanismes physiopathologiques des maladies respiratoires chez l’homme et la femme sont pour l’instant imparfaitement connus. Pourtant, les disparités portant sur la prévalence, l’incidence, la gravité de l’atteinte respiratoire des maladies comme l’asthme, la bronchopneumopathie chronique obstructive et l’hyper- tension pulmonaire sont indéniables (Tableau 1).

Parité des sexes et maladies respiratoires

  • Upload
    a-t

  • View
    215

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Parité des sexes et maladies respiratoires

© 2013 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2013) 5, 228-230

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

Auteur correspondant. Adresse e- mail : anh- tuan.dinh- [email protected] (A.- T. Dinh- Xuan).

ISSN 1877-1203

www.splf.org

Actualités

Maladies

RespiratoiresRevue

des

Organe Officiel de la Société de Pneumologie de Langue Française

Congrès annuel de l’American Thoracic Society

Philadelphie, États-Unis – 17-22 mai 2013

Numéro réalisé avec le soutien institutionnel du laboratoire

Coordination de la mission ATS de la SPLF : J.-C. Meurice, A.-T. Dinh-Xuan, A. DidierCoordination du numéro pour le Comité de rédaction : D. Montani

Mission ATS 2013

7041

8

OctobreVol 5 2013 N° 4

A.-T. Dinh- Xuan

Service de physiologie- explorations fonctionnelles, Hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint- Jacques - 75014 Paris ; Université Paris Descartes

PHYSIOPATHOLOGIE RESPIRATOIRE

Parité des sexes et maladies respiratoiresGender equality and respiratory disease

À l’heure où la parité homme- femme devient la règle dans de nombreux domaines sociétaux (de la com-position gouvernementale [1] aux grilles salariales

des cadres du secteur privé), les pneumologues ont pu (re)découvrir au Congrès de l’ATS cette année [2] le rôle fondamental des hormones sexuelles en physiologie respi-ratoire et les différences de prévalence et de sévérité de certaines maladies respiratoires en fonction du sexe des malades [3]. Ainsi, toutes choses étant égales, l’asthme, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l’hyper tension pulmonaire n’ont ni la même présentation clinique, ni le même pro l évolutif selon que le malade est un homme ou une femme. Cette parité homme- femme est non seulement due aux caractéristiques anatomiques (taille des poumons) et/ou physiologiques (calibre bronchique) des patients, mais elle est surtout liée au statut hormo-nal et aux effets cellulaires des androgènes et des œstro-gènes dont les effets biologiques sur les différents types de cellules (épithélium, endothélium, muscle lisse bron-chique et pulmonaire, broblastes, in ammatoires, can-céreuses) sont loin d’être univoques. Nous allons passer en revue certaines maladies affectant différemment l’homme et la femme dans ce bref compte- rendu des sessions scien-ti ques du dernier Congrès de Philadelphie [2].

Structures pulmonaires et fonctions respiratoires chez l’homme et la femme

Les différences portant sur la fonction respiratoire entre l’homme et la femme ont été décrites dès le milieu du XIXe siècle [4]. En dehors des spéci cités morphologiques (taille des poumons plus grande chez l’homme que chez la femme) rapportées dès les premières publications [4,5], les différences portant sur la fonction respiratoire de l’homme et la femme sont, de toute évidence, liées aux effets physio-logiques pulmonaires des androgènes et des œstrogènes. Mais ces particularités biologiques n’ont été réellement étudiées que bien plus tard, dans les années 1980 [6-8]. Ces études ont notamment porté sur les différences observées entre les 2 sexes concernant le développement pulmonaire [6], la maturation tissulaire [7] et la production du surfactant [8]. Les chemins reliant les différences « physiologiques » de la fonction respiratoire aux mécanismes physiopathologiques des maladies respiratoires chez l’homme et la femme sont pour l’instant imparfaitement connus. Pourtant, les disparités portant sur la prévalence, l’incidence, la gravité de l’atteinte respiratoire des maladies comme l’asthme, la bronchopneumopathie chronique obstructive et l’hyper-tension pulmonaire sont indéniables (Tableau 1).

Page 2: Parité des sexes et maladies respiratoires

229 A.-T. Dinh- Xuan

Asthme, BPCO et hypertension pulmonaire chez la femme et l’homme

Dans la petite enfance, l’asthme est plus fréquent chez les garçons que chez les lles [9]. Cette tendance s’inverse dès l’adolescence avec une prédominance féminine de la mala-die qui va persister jusqu’à l’âge adulte [10] (Tableau 1). L’aggravation de l’asthme liée aux cycles menstruels peut survenir chez 40 % de femmes en âge de procréer [11]. Cette prédominance disparaît à la ménopause [12]. En revanche, un asthme à début tardif (survenu chez les personnes de plus de 50 ans) est généralement plus sévère chez la femme que chez l’homme [13]. Si l’in uence du cycle menstruel sur l’asthme est bien connue, les mécanismes physiopathologiques expliquant les modi cations de l’hyperréactivité bronchique par les œstroprogestatifs restent débattus.

L’incidence des maladies respiratoires liées au tabac est en augmentation constante chez les femmes [14]. Pourtant, la mortalité des patientes porteuses d’une BPCO est signi cativement plus faible que celle des hommes, à des niveaux de sévérité d’obstruction bronchique et d’index BODE comparables [15-17] (Tableau 1).

Enfin, si la prédominance du sexe féminin sur la prévalence et l’incidence de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) idiopathique existe [18,19], les formes les plus sévères de cette maladie sont masculines [19] (Tableau 1). Pour mieux connaître l’in uence hormonale (notamment celle des gonadostimulines antéhypophysaires) sur l’évolution de la maladie chez l’homme, Yuan et al. ont effectué une étude prospective observationnelle chez 83 hommes atteints d’HTAP idiopathique [20]. Ces auteurs ont trouvé que le taux de survie des malades est d’autant plus bas que la concentration plasmatique de FSH est faible [20] (Fig. 1), suggérant un rôle protecteur de la FSH et des hormones de l’axe hypophyso- gonadique. Le rôle des œstrogènes, dont les effets peuvent être tantôt béné ques tantôt délétères, dans l’aggravation ou l’amélioration de l’HTAP reste débattu. Pour aborder cette question, Mair et al. ont évalué l’effet de l’anastrazole, un inhibiteur de l’aromatase (enzyme synthétisant les œstrogènes), sur de petits animaux de laboratoire (rats et souris) exposés à 14 jours d’hypoxie hypobarique [21]. Ces auteurs ont trouvé que l’anastrazole réduit la vasoconstriction pul-monaire hypoxique et les conséquences de celle- ci sur l’hémo dynamique pulmonaire et le cœur droit, à savoir l’élévation de la pression systolique et l’hypertrophie du ventricule droit [21]. Ces auteurs ont également mis en évidence par immunohistochimie une expression prédo-minante de l’aromatase dans le muscle lisse vasculaire pulmonaire, suggérant une production locale d’œstrogènes et la possibilité d’une action autocrine et/ou paracrine de ces hormones dans la circulation pulmonaire [21].

Conclusion

Comme bon nombre d’autres organes, les poumons sont une cible (peu connue) des hormones sexuelles, dont les effets sont loin d’être univoques. Des liens existent, bien qu’imparfaitement connus, entre les hormones sexuelles, la susceptibilité de développer la maladie et son évolution ulté-rieure vers des formes plus ou moins graves selon le sexe. En attendant de découvrir les mécanismes physiopathologiques expliquant le rôle aggravant et/ou protecteur de telles ou telles hormones sexuelles sur les maladies respiratoires, retenons pour l’instant que l’histoire naturelle de chacune d’entre elles n’est probablement pas la même, selon que le malade est un homme ou une femme.

Tableau 1 Prévalence et sévérité de l’asthme, la BPCO et l’hypertension pulmonaire selon le sexe.

Maladies Prévalence Sévérité

Asthme Garçons > FillesFemmes > Hommes

Femmes > Hommes (asthme à début tardif)

BPCO Hommes > Femmes Hommes > Femmes

Hypertension pulmonaire Femmes > Hommes Hommes > Femmes

0,0

0,2

0,4

0,00

Test logarithmique par rangs p < 0,01

Groupe 1, FSH < 2,705 mlU/ml

Groupe 2, FSH ≥ 2,705 mlU/ml

10,00 20,00 30,00 40,00 50,00

0,6

0,8

1,0

Tau

x d

e su

rvie

Temps (mois)

Figure 1. Taux de survie des hommes porteurs d’une HTAP idiopathique en fonction de leurs concentrations plasmatiques de FSH (d’après Yuan et al. [20]).

Page 3: Parité des sexes et maladies respiratoires

Parité des sexes et maladies respiratoires 230

[12] Bellia V, Augugliaro G. Asthma and menopause. Monaldi Arch Chest Dis 2007;67:125–7.

[13] Balzano G, Fuschillo S, De Angelis E, Gaudiosi C, Mancini A, Caputi M. Persistent airway in ammation and high exacerba-tion rate in asthma that starts at menopause. Monaldi Arch Chest Dis 2007;67:135-41.

[14] Varkey AB. Chronic obstructive pulmonary disease in women: exploring gender differences. Curr Opin Pulm Med 2004;10:98-103.

[15] Ben- Zaken Cohen S, Paré PD, Man SFP, Sin DD. The growing bur-den of chronic obstructive pulmonary disease and lung cancer in women: examining sex differences in cigarette smoke meta-bolism. Am J Respir Crit Care Med 2007;176:113-20.

[16] Sin DD, Ben- Zaken Cohen S, Day A, Coxson H, Paré PD. Unders-tanding the biological differences in susceptibility to chronic obstructive pulmonary disease between men and women. Proc Am Thorac Soc 2007;4:671-4.

[17] De Torres JP, Cote CG, López MV, Casanova C, Díaz O, Marin JM, et al. Sex differences in mortality in patients with COPD. Eur Respir J 2009;33:528-35.

[18] Badesch DB, Raskob GE, Elliott CG, Krichman AM, Far-ber HW, Frost AE, et al. Pulmonary arterial hypertension: baseline characteristics from the REVEAL Registry. Chest 2010;137:376–87.

[19] Sakao S, Tanabe N, Tatsumi K. The estrogen paradox in pul-monary arterial hypertension. Am J Physiol Lung Cell Mol Phy-siol 2010;299:L435-8.

[20] Yuan P, Gao L, Sun ZC, Liu QQ, Liu D, Zhang R, Jing ZC. Circu-lating follicle- stimulating hormone and mortality in men with idiopathic pulmonary arterial hypertension. Am J Respir Crit Care Med 2013;187:A5737.

[21] Mair KM, Duggan N, Rowlands D, Hussey M, Roberts S, Fullerton J, et al. Bene cial effects of an aromatase inhibitor in two dis-tinct models of established pulmonary arterial hypertension. Am J Respir Crit Care Med 2013;187:A1030.

Liens d’intérêts

L’auteur a déclaré n’avoir aucun lien d’intérêts pour cet article.

Références[1] www.gouvernement.fr/gouvernement/composition- du-

gouvernement [2] www.conference.thoracic.org/2013/ [3] Townsend EA, Miller VM, Prakash YS. Sex differences and sex

steroids in lung health and disease. Endocr Rev 2012;33:1-47.[4] Hutchinson J. On the capacity of the lungs, and on the res-

piratory functions, with a view of establishing a precise and easy method of detecting disease by the spirometer. Med Chir Trans 1846;29:137-252 .

[5] Ott O. Les lois de la périodicité de la fonction physiologique dans l’organisme féminin. N Arch Obstetr Gynécol 1890;502–6.

[6] Merkus PJ, ten Have- Opbroek AA, Quanjer PH. Human lung growth: a review. Pediatr Pulmonol 1996;21:383–97.

[7] Thurlbeck WM. The pathology of small airways in chronic air- ow limitation. Eur J Respir Dis 1982;121(Suppl):9–18.

[8] Torday JS, Nielsen HC. The sex difference in fetal lung surfac-tant production. Exp Lung Res 1987;12:1-19.

[9] Sennhauser FH, Kuehni CE. Prevalence of respiratory symptoms in Swiss children: is bronchial asthma really more prevalent in boys? Pediatr Pulmonol 1995;19:161-6.

[10] Melgert BN, Ray A, Hylkema MN, Timens W, Postma DS. Are there reasons why adult asthma is more common in females? Curr Allergy Asthma Rep 2007;7:143–50.

[11] Farha S, Asosingh K, Laskowski D, Hammel J, Dweik RA, Wie-demann HP, et al. Effects of the menstrual cycle on lung func-tion variables in women with asthma. Am J Respir Crit Care Med 2009;180:304-10.