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PARTIE 1 : QUESTIONS SPECIALES D’IMPOT DES PERSONNES PHYSIQUES PIERRE FRANCOIS COPPENS DIRECTEUR FISCAL (ASSOCIATION BDO ATRIO - DFSA) CHARGE DE COURS A LA CHAMBRE BELGE DES COMPTABLES ET AUX FUCAM FEVRIER 2009

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PARTIE 1 : QUESTIONS SPECIALES D’IMPOT DES PERSONNES PHYSIQUES

PIERRE FRANCOIS COPPENS

D I R E C T E U R F I S C A L ( A S S O C I A T I O N B D O A T R I O - DFSA)

C H A R G E D E C O U R S A L A C H A M B R E B E L G E D E S C O M P T A B L E S E T A U X F U C AM

FEVRIER 2009

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THEME N° 1 : CALCUL DE L’IMPOT DES PERSONNES PHYSIQUES ET REDUCTIONS D’IMPOT

QUELQUES NOUVEAUTES POUR LES EXERCICES D’IMPOSITION 2009 ET 2010 (LOI-PROGRAMME DU 8 JUIN 2008). La loi-programme du 8 juin 2008 (M.B., 16 juin 2008) comprend diverses mesures modifiant le Code des impôts sur les revenus et qui seront applicables pour les exercices d’imposition 2009 ou 2010. Bien que fort timides au regard des promesses politiques affichées, ces nouvelles dispositions se doivent d’être exposées. Augmentation (dérisoire…) de la quotité exemptée d’impôts pour les contribuables à bas revenus (modification de l’art. 131, al. 1er C.I.R.). – Pour l’exercice d’imposition 2009, la quotité exemptée d’impôt est fixée à 6.150 EUR. Toutefois, pour les bas revenus, c’est-à-dire les revenus imposables globalement (revenus bruts) inférieurs ou égaux à 22.870 EUR (montant indexé), la quotité exemptée passera de 6.150 EUR à 6.400 EUR. Cette augmentation de 250 EUR n’est guère de nature à compenser la perte du pouvoir d’achat subie par les personnes visées, lorsqu’on sait qu’une telle augmentation de quotité exemptée d’impôt ne donne lieu, en pratique qu’une à une maigre réduction d’impôt de 62,50 EUR/an.

En outre, pour les revenus supérieurs, à 22.870 EUR, il est instauré une règle de palier. Les contribuables qui ont des revenus qui se situent entre 22.870 EUR et 23.120 EUR, subiront une diminution de la quotité exemptée (6.400 EUR) d’un montant égal à la différence entre leur revenu imposable et 22.870 EUR. L’exposé des motifs de la loi nous donne un exemple : un contribuable qui a un revenu imposable globalement de 23.000 EUR aura une quotité exemptée de 6.400 – (23.000 – 22.870), soit 6.270 EUR. Pour les contribuables qui gagnent plus de 23.120 EUR, aucune augmentation de quotité exemptée n’est prévue. La loi-programme précise par ailleurs que les personnes qui bénéficient de revenus de remplacement (pensions, allocations de chômage, indemnités légales d’assurance en cas de maladie ou d’invalidité) d’un montant inférieur à 22.870 EUR et qui, à ce titre ont droit aux réductions d’impôt liées à ces revenus de remplacement, auront certes droit à l’augmentation de la quotité exemptée instaurée par la loi-programme, mais, en contrepartie, l’économie d’impôt pour revenus de remplacement se verra amputée d’un montant égal à cette augmentation de quotité exemptée. Ainsi, par exemple, une personne qui a une pension de 15.000 EUR aura droit à l’augmentation de la quotité exemptée mais sa réduction d’impôt pour revenus de remplacement (égale à 1.781,29 EUR) sera diminuée de 62,50 EUR. Cette « amputation » s’explique par le souhait du législateur de n’accorder cette augmentation de quotité exemptée qu’aux personnes à revenus modestes mais qui exercent une activité professionnelle. La mesure se veut en effet incitative à l’emploi.

- Augmentation de la réduction d’impôt pour les dépenses exposées par des personnes physiques en vue de sécuriser leur habitation contre le vol ou l’incendie (modification de l’art. 145/31 C.I.R.). – La loi-programme augmente la réduction d’impôt qui était limitée à 130 EUR (non indexé) pour la porter à 500 EUR. Cette augmentation est applicable à partie de l’exercice d’imposition 2010.

- Exonération pour personnel supplémentaire : permanente (art. 67ter C.I.R.). –

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Les entreprises qui occupaient moins de onze travailleurs bénéficiaient d’une exonération de 3.270 EUR (montant à indexer) pour chaque nouvelle personne supplémentaire qui était engagée. Cette exonération était censée être accordée pour la dernière fois pour l’année 200 La loi-programme vise à rendre permanente cette exonération. Le nouvel article 67ter qui instaure cette exonération permanente entre en vigueur le 1er janvier 2008.

- Majoration de la dispense de versement du précompte professionnel de l’article 275/3 du C.I.R. – En vue de soutenir la recherche scientifique, l’article 275/3 du C.I.R. a prévu une dispense de versement du précompte professionnel pour les rémunérations payées aux chercheurs ou au personnel scientifique. La loi-programme porte le pourcentage de la dispense à 65 % pour les rémunérations payées à partir du 1er juillet 2008 par les universités, les hautes écoles, et les entreprises visées par l’article 275/3 du C.I.R.

- Titres-services : conversion de la réduction d’impôt en crédit d’impôt (nouvel art. 156bis C.I.R.). – Les personnes qui font usage de titres-services sont en général des personnes âgées ou à mobilité réduite qui disposent quelquefois de revenus fort modestes. Il s’ensuit que, ne payant pas ou ne payant que peu d’impôt, elles ne bénéficient, dans les faits, d’aucune réduction d’impôt liée à ces titres-services. Très logiquement, la loi-programme prévoit de convertir en conséquence la réduction d’impôt en un crédit d’impôt remboursable. Il s’agit à notre sens de la mesure la plus pertinente de la loi-programme.

- Déduction à concurrence de 120 % pour les frais de sécurisation et les frais de transport collectif des membres du personnel (nouvel art. 64ter C.I.R.). – L’article 64ter inséré dans le C.I.R. prévoit d’abord une déduction des frais supportés ou payés par un employeur lorsque celui-ci organise, seul ou conjointement avec d’autres employeurs, le transport collectif des membres du personnel entre le domicile et le lieu de travail. La déduction majorée ne s’applique qu’aux frais concernant des minibus, autocars et autobus. Les amortissements sont également majorés de 20 %. De tels amortissements majorés n’entrent toutefois pas en considération pour le calcul des plus-values ou moins-values ultérieures en cas de réalisation éventuelle de ces véhicules. L’artic le 64ter prévoir ensuite une déduction de 120 % de certains frais en matière de « sécurisation ». Il s’agit en pratique des :

o frais d’abonnement pour le raccordement à une centrale d’alarme autorisée pour la gestion d’alarmes qui proviennent de systèmes installés dans des biens immobiliers afin de prévenir ou de combattre les délits contre les personnes ou les biens ;

o frais en cas de recours à une entreprise de gardiennage autorisée pour effectuer du transport protégé de billets ;

o frais en cas de recours collectif par un groupe d’entreprises à une entrepris de gardiennage autorisée pour l’exécution de missions de gardiennage relatives à la surveillance et à la protection de biens mobiliers ou immobiliers. L’exposé des motifs de la loi-programme donne l’exemple suivant : un groupe de commerçants dans une rue commerçante font ensemble appel à une entreprise de gardiennage pendant les périodes fort actives.

La déduction majorée des frais de sécurisation s’applique tant pour les personnes physiques que pour les sociétés, ces dernières devant toutefois être qualifiées de P.M.E. au sens de l’article 201, alinéa 1er, 1° du C.I.R.

Le nouveau régime mis en place par l’article 64ter du C.I.R. s’applique à partir du 1er

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janvier 2009. LA REDUCTION D’IMPOT POUR CERTAINES DEPENSES FAITES EN VUE D’ECONOMISER L’ENERGIE (ART. 145/24). Introduite par la loi du 10 août 2001 portant réforme de l’impôt des personnes physiques et applicable à partir de l’exercice d’imposition 2004, une réduction d’impôt est accordée pour les dépenses réalisées à la maison d’habitation par le contribuable qui est propriétaire, emphytéote, superficiaire, usufruitier, mais aussi (depuis l’exercice d’imposition 2005) qui est locataire de celle-ci. Sont visées les dépenses suivantes : − le remplacement ou l’entretien de chaudières ; − l’installation d’un système de chauffage de l’eau par le recours à l’énergie solaire ; − les dépenses pour l’installation de panneaux photovoltaïques ; − l’installation de tous autres dispositifs de production d’énergie géothermique ; − l’installation de double vitrage, pour l’isolation du toit (y compris châssis et porte-

fenêtre) ; − l’isolation du toit ; − le placement d’une régulation d’une installation de chauffage central au moyen de vannes

thermostatiques ou d’un thermostat d’ambiance à horloge (et éventuellement une sonde extérieure) ;

− les dépenses pour un audit énergétique. En ce qui concerne les chaudières, les nouvelles chaudières doivent être du type chaudière à condensation, au bois, installations de pompes à chaleur ou de systèmes de micro-cogénération. Les dépenses qui se rapportent à la partie professionnelle de l’immeuble sont exclues du bénéfice dans la mesure où elles sont prises en considération à titre de frais professionnels. La réduction est égale à 40 % des dépenses. Une circulaire du 20 février 2003 (Ci.RH.331/554.678) rédigée par l’AFER précise les conditions d’application de cette réduction d’impôt. La loi-programme du 27 décembre 2006 est venue porter le montant maximum de la réduction d’impôt à 2.000 EUR (2.600 EUR/an pour l’exercice d’imposition 2008 et 2.650 EUR pour l’exercice d’imposition 2009) par période imposable et par habitation. Ce montant est encore majoré de 780 EUR pour autant que cette augmentation porte exclusivement sur :

- l’installation d’un système de chauffage à l’eau au moyen de l’énergie solaire ; - l’installation de panneaux photovoltaïques.

Il convient de préciser à cet égard que l’année de déduction correspond à l’année du paiement et non de la facture. En vue de maximiser les avantages fiscaux offerts par cette réduction d’impôt, il est donc conseillé d’étaler le paiement de ces dépenses dans le temps, dès l’instant où le montant de la facture globale excède la limite légale. Cette « optimalisation fiscale » a d’ailleurs été parfaitement admise tant par le ministre des Finances que par le Service des

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décisions anticipées1.

Plusieurs circulaires, dont celles du 19 mai 2004 et du 14 avril 2005, apportent des précisions quant à la nature des travaux envisagés et quant aux bénéficiaires visés

2.

Lorsqu’une imposition commune est établie, la réduction d’impôt est répartie proportionnellement en fonction de la quotité de chaque conjoint dans lesdits droits qui concernent l’habitation dans laquelle les travaux sont effectués. Un exemple permet de bien comprendre le calcul de cette réduction : Monsieur et Madame, mariés depuis dix ans, sont propriétaires d’un immeuble (immeuble 1) à concurrence de 50 % chacun, dans lequel ils ont choisi de réaliser en 2007 des investissements en double vitrage pour 10.000 EUR. De tels investissements donnent en outre droit à des subsides de la Région wallonne d’un montant de 4.400 EUR. Madame est également propriétaire à 100 % d’une villa (immeuble 2) dans laquelle elle a choisi de remplacer l’ancienne chaudière par une chaudière à condensation neuve d’un coût de 4.000 EUR. Enfin, Monsieur est aussi usufruitier d’un immeuble (immeuble 3) sur le toit duquel il a installé des panneaux photovoltaïques pour un montant de 10.000 EUR Calcul de la

réduction d’impôt Réduction chez Monsieur

Réduction chez Madame

Immeuble 1 10.000 x 40 % = 4.000, à limiter à 2.600

1.300 1.300

Immeuble 2 4.000 x 40 % = 1.600 0 1.600 Immeuble 3 10.000 x 40 % =

4.000, à limiter à 3.380 EUR

3.380 0

TOTAL : 4.680 TOTAL : 2.900 - Dans sa déclaration fiscale, Monsieur complétera le code 1363 en indiquant le montant suivant : 3.380 car le montant total de 4.680 EUR dépasse le montant maximum autorisé qui est de 3.380 EUR, soit 2.600 (montant de base) + 780 (pour installation de panneaux photovoltaïques). - Dans sa déclaration fiscale, Madame complétera le code 2363 de la manière suivante (code 2363) : 1.300 + 1.600 = 2.900 (montant inférieur au plafond de 3.380 EUR). En ce qui concerne les formalités à accomplir pour bénéficier de la réduction, il conviendra de joindre à la déclaration :

- les factures relatives (ou des copies certifiées conformes de celles-ci) des travaux réalisés par l’entrepreneur (qui doit être un entrepreneur enregistré au moment de la conclusion de la convention pour les travaux, ce qui signifie que la perte par la suite de ce statut ne fait pas perdre le bénéfice de la réduction

1 Lire à ce propos Fiscologue n° 1119, p. 13. 2 Ci.RH.331/554.678 (AFER 2/2003) et Ci.RH.331/569.666 (AFER 16/2005).

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d’impôt pour le contribuable) ; - la preuve du paiement des sommes figurant sur les factures.

Si le contribuable choisit d’acheter lui-même les matériaux ou les appareils et les fait placer par un entrepreneur enregistré, seules les dépenses liées au placement entreront en ligne de compte pour la réduction d’impôt. Le Service des décisions anticipées a admis qu’un contribuable qui installe des panneaux photovoltaïques sur son habitation propre et unique et qui, à cette fin, contracte un emprunt hypothécaire, pouvait bénéficier à la fois de la réduction d’impôt pour investissement économiseur d’énergie et de la déduction pour habitation unique3. On signalera enfin que le SPF Finances a publié récemment une liste de « Questions fréquemment posées » (FAQ) à propos de cette réduction d’impôt. On la consultera sur ce site : http://www.fiscus.fgov.be/interfaoiffr/Vragen/energysaving/index.htm. LA LOI PORTANT DISPOSITIONS DIVERSES DU 22 DECEMBRE 2008 (MB 29 DECEMBRE 2008) Section 1re. - Modifications de certaines dispositions fiscales en matière de contrats d'assurance-vie Section 2. - Modifications diverses en matière d'impôt des personnes physiques et de précompte professionnel Section 3. - Dispositions diverses LOI-PROGRAMME DU 22 DECEMBRE 2008

Le Moniteur du 29 décembre 2008 a aussi publié une loi-programme du 22.12.2008 qui contient des modifications fiscales:

Section 1 : Déplacement du domicile au lieu de travail

art.38 : 24° à concurrence d’un montant annuel n’excédant pas le plafond prévu à l’article 38, § 3novies, maximum de la loi du 29 juin 1981 établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés, 2200 euros par année civile, les avantages non récurrents liés aux résultats, payés ou attribués en application du chapitre II de la loi du 21 décembre 2007 relative à l’exécution de l’accord interprofessionnel 2007-2008 ainsi que du Titre XIII, Chapitre unique « Mise en place d’un système d’avantages non récurrents liés aux résultats pour les entreprises publiques autonomes » de la loi du 24 juillet 2008 portant des dispositions diverses (I) et qui sont effectivement soumis à la cotisation spéciale prévue au même article à l’article 38, § 3novies, de la loi du 29 juin 1981 précitée. Établissant les principes généraux de la sécurité sociale des travailleurs salariés.

3 Décision anticipée n° 700.514 du 15 janvier 2008, disponible sur www.fisconet.be.

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Section 2 : Lutte contre la fraude fiscale

art.315

Quiconque est passible de l’impôt des personnes physiques, de l’impôt des sociétés, de l’impôt des personnes morales ou de l’impôt des non-résidents, a l’obligation, lorsqu’il en est requis par l’administration, de lui communiquer, sans déplacement, en vue de leur vérification, tous les livres et documents nécessaires à la détermination du montant de ses revenus imposables.

L’obligation de communication:

1° comprend en ce qui concerne les concerne les habitants du Royaume, les livres et documents relatifs aux comptes visés à l’article 307, § 1’`’, alinéa 2;

2° s’étend en ce qui concerne les concerne les sociétés, aux registres des actions et obligations nominatives, ainsi qu’aux feuilles de présence aux assemblées générales.

Sauf lorsqu’ils sont saisis par la justice, ou sauf dérogation accordée par l’administration, les livres et documents de nature à permettre la détermination du montant des revenus imposables doivent être conservés à la disposition de l’administration, dans le bureau, l’agence, la succursale ou tout autre local professionnel ou privé du contribuable où ces livres et documents ont été tenus, établis ou adressés, jusqu’à l’expiration de la cinquième septième année ou du cinquième septième exercice comptable qui suit la période imposable.

art.333

Sans préjudice des pouvoirs conférés a l’administration par les articles 351 à 354, celle-ci peut procéder aux investigations visées au présent chapitre et à l’établissement éventuel d’impôts ou de suppléments d’impôts, même lorsque la déclaration du contribuable a déjà été admise et que les impôts y afférents ont été payés.

Les investigations susvisées peuvent être effectuées sans préavis, dans le courant de la période imposable ainsi que dans le délai prévu à l’article 354, alinéa 1er et dans le délai prévu à l’article 354, alinéa 4..

Elles peuvent en outre être exercées pendant le délai supplémentaire de quatre ans prévu à l’article 354, alinéa 2, à condition que l’administration ait notifié préalablement au contribuable, par écrit et de manière précise, les indices de fraude fiscale qui existent, en ce qui le concerne, pour la période considérée. Cette notification préalable est prescrite à peine de nullité de l’imposition.

art.354

En cas d’absence de déclaration, de remise tardive de celle-ci ou lorsque l’impôt dû est supérieur à celui qui se rapporte aux revenus imposables et aux autres éléments mentionnés sous les rubriques à ce destinées d’une formule de déclaration répondant aux conditions de forme et de délais prévues aux articles 307 à 311, l’impôt ou le supplément d’impôt peut, par

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dérogation à l’article 359 être établi pendant trois ans à partir du 1er janvier de l’année qui désigne l’exercice d’imposition pour lequel l’impôt est dû. Lorsque, pour l’application de l’impôt des sociétés et de l’impôt des non-résidents qui est établi conformément aux articles 233 et 248, le contribuable tient une comptabilité autrement que par année civile, le délai de trois ans est prolongé d’une période égale à celle qui s’étend entre le 1er janvier de l’année dont le millésime désigne l’exercice d’imposition et la date de clôture des écritures de l’exercice comptable au cours de cette même année. Ce délai est prolongé de quatre ans en cas d’infraction aux dispositions du présent Code ou des arrêtés pris pour son exécution, commise dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire. Le précompte immobilier, l’amende administrative, et, dans la mesure où ils ne sont pas payés dans le délai prévu à l’article 412, le précompte mobilier et le précompte professionnel peuvent également être établis dans le délai fixé aux deux alinéas qui précèdent. Lorsque le contribuable ou le conjoint sur les biens duquel l’imposition est mise en recouvrement, a introduit une réclamation conformément aux articles 366 et 371 dans le délai prévu à l’alinéa 1er, ce délai est prolongé d’une période égale à celle qui s’étend entre la date de l’introduction de la réclamation et celle de la décision du directeur ou du fonctionnaire délégué (du fonctionnaire désigné par le Gouvernement flamand ou du fonctionnaire délégué - pour la Région Flamande, ndlr) sans que cette prolongation puisse être supérieure à six mois.

art.376

Le directeur des contributions ou le fonctionnaire délégué par lui, accorde d’office le dégrèvement des surtaxes résultant d’erreurs matérielles, de doubles emplois, ainsi que de celles qui apparaîtraient à la lumière de documents ou faits nouveaux probants, dont la production ou l’allégation tardive par le redevable est justifiée par de justes motifs, à condition que :

1° ces surtaxes aient été constatées par l’administration ou signalées à celle-ci par le redevable ou par son conjoint sur les biens duquel l’imposition est mise en recouvrement, dans les trois les cinq ans à partir du 1er janvier de l’année au cours de laquelle l’impôt a été établi;

Meilleure perception

Toute somme à restituer ou à payer à une personne, soit dans le cadre de l’application des lois d’impôts qui relèvent de la compétence du Service public fédéral Finances ou pour lesquelles la perception et le recouvrement sont assurés par ce Service public fédéral, soit en vertu des dispositions du droit civil relatives à la répétition de l’indu, peut être affectée sans formalités et au choix du fonctionnaire compétent, au paiement des sommes dues par cette personne en application des lois d’impôts concernées ou au règlement de créances fiscales ou non-fiscales dont la perception et le recouvrement sont assurés par le Service public fédéral Finances par ou en vertu d’une disposition ayant force de loi. Cette affectation est limitée à la partie non contestée des créances à l’égard de cette personne.

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THEME N° 3 : REVENUS IMMOBILIERS

REGIME FISCAL DES BIENS IMMOBILIERS A L’ETRANGER ET PROBLEMATIQUE DE L’ECHANGE INTERNATIONAL DE RENSEIGNEMENTS 1. Principes – La réserve de progressivité. – Bien des contribuables belges sont propriétaires d’une résidence à l’étranger, qu’ils occupent durant les vacances et qu’ils donnent que lquefois en location une autre partie de l’année. Bien qu’en vertu des conventions préventives de double imposition, les revenus de tels immeubles soient imposés dans le pays où ils sont situés et sont donc exonérés en Belgique, ceux-ci doivent néanmoins être déclarés en Belgique. Car ces revenus étrangers interviennent pour déterminer la base imposable du contribuable et pour fixer le taux moyen d’imposition qui s’appliquera aux revenus de source belge, c’est-à-dire à tous les autres revenus que ces revenus immobiliers exonérés. C’est ce qu’on appelle la réserve de progressivité. L’incidence fiscale de la réserve de progressivité n’est pas neutre. Prenons un exemple : Monsieur Durand, célibataire, a perçu en 2007 des revenus imposables en Belgique de 25.000 EUR et des revenus immobiliers de 5.000 EUR taxables à l’étranger (dans un pays avec convention préventive).

EXERCICE D’IMPOSITION 2008

Sans les revenus immobiliers étrangers

Avec les revenus immobiliers étrangers

Revenu imposable 25.000 EUR 30.000 EUR Impôt dû (hors cent imes additionnels)

431,50 EUR 8.781,504 EUR

Impôt exonéré sur revenus à l’étranger

0 8.781,50 x 3.0005

/28.000 = 940,88 EUR Impôt final (avant additionnels)

431,50 EUR 840,62 EUR

On perçoit clairement que l’impact fiscal de cette réserve de progressivité est loin d’être négligeable puisque l’impôt qui frappe les revenus de source belge est majoré de 409,12 EUR, à la suite de l’application de cette réserve de progressivité. Ne pas déclarer de tels revenus constitue dès lors une tentation bien grande pour nos concitoyens, sans compter que l’existence de tels biens à l’étranger est susceptible de constituer pour l’administration l’indication que, dans le passé, tous les revenus n’ont pas été déclarés (en tant qu’élément de la taxation sur la base de signes et indices par l’administration). En tous les cas, une vérification du taux marginal applicable doit être opérée par le contribuable. En effet, en supposant que les revenus antérieurs aient bien été déclarés (et en 4 Impôt à répartir (c’est-à-dire l’impôt avant la réduction pour revenus étrangers). 5 60 % x 5.000.

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supposant que l’immeuble soit sis dans un pays avec convention), il est préférable de déclarer les revenus à l’étranger si le taux marginal applicable aux revenus de source belge est déjà le taux marginal maximum. En ce cas, l’incidence fiscale d’une déclaration de revenus immobiliers étrangers est nulle. En ce qui concerne les délais dont dispose l’administration pour taxer de tels revenus, il faut préciser que le délai spécial de taxation stipulé à l’article 358 du C.I.R. ne porte pas préjudice aux autres délais de taxation qui figurent à l’article 354 du même Code. Par conséquent, l’administration dispose toujours d’un délai de trois ans à partir du 1er janvier de l’exercice d’imposition pour lequel l’impôt est dû. Ce délai est porté à cinq ans en cas d’infractions commises avec intention frauduleuse ou en vue de nuire. 2. Que faut-il entendre par « valeur locative » d’un immeuble à l'étranger ? – Le contribuable respectueux de ses obligations fiscales se trouve rapidement confronté à un problème pratique. Que doit-il déclarer dès lors qu’il possède un immeuble à l’étranger ? Lorsque l’immeuble à l’étranger est donné en location, il lui faudra déclarer les loyers perçus à l’étranger, sous déduction de l’impôt étranger. Ces revenus bénéficient en outre d’un abattement fiscal en Belgique de 40 %. Mais que doit déclarer le contribuable lorsque l’immeuble n’est pas donné en location ? Il ne peut être question de revenu cadastral, cette expression étant une spécificité nationale. L’article 7, § 1er du C.I.R. stipule qu’il faut déclarer la « valeur locative » de l’immeuble. Cette notion est loin d’être évidente à interpréter. Le Commentaire administratif précise à ce propos que « la valeur locative représente le loyer brut moyen annuel qui, en cas de location, aurait pu être recueilli au cours de la période imposable […], le tout suivant les usages du pays de la situation des biens » (Com. I.R., 13/8). C’est ainsi que certains fonctionnaires particulièrement zélés, se basant sur des attestations de valeur locative annuelle fixées par des agences immobilières locales, ont crû bon de déterminer la valeur locative en multipliant les loyers proposés à des locataires potentiels par le nombre de semaines de location possibles. La cour d’appel de Bruxelles a heureusement tempéré de telles ardeurs administratives

6,

refusant de suivre un raisonnement aussi arbitraire. Il n’empêche qu’une telle valeur locative peut dans certains cas s’avérer très élevée. D’aucuns suggèrent d’affecter une partie de l’immeuble à des fins professionnelles, ce qui dispense le contribuable d’avoir à déclarer la valeur locative à concurrence de cette partie professionnelle. On rappellera aussi que pour les emprunts antérieurs à 2005 ou qui ne bénéficient pas de la déduction unique et destinés à acquérir des immeubles à l’étranger, les intérêts sont déductibles des revenus immobiliers. Avec toutefois l’inconvénient corrélatif de perdre le bénéfice de la déduction complémentaire des intérêts d’un emprunt destiné à acquérir l’habitation en Belgique, celle-ci n’étant plus unique. 6 Bruxelles, 27 novembre 1998, F.J.F., 2000, p. 35.

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3. Exemple. – Imaginons que Monsieur et Madame Durand, pensionnés, percevant une pension annuelle de 15.000 EUR nets, soient propriétaires, à parts égales, d’un appartement situé à Bray-Dunes. La valeur locative brute retenue par la commune de Bray-Dunes est de 2.925 EUR. Cette commune applique les taxes immobilières suivantes : taxe foncière (475 EUR), taxe d’habitation (720 EUR) et enfin taxe pour l’enlèvement des ordures ménagères (38 EUR). La somme des taxes françaises grevant l’appartement est donc de 1.230 EUR. En Belgique, le montant à déclarer dans la déclaration fiscale (valeur locative moins les impôts étrangers) sera de 2.925 – 1.230, soit 1.695 EUR, à répartir moitié-moitié aux codes 1130 et 2130 de la déclaration. En raison de la faiblesse des revenus imposables en Belgique (pension de 15.000 EUR nets), l’impact de la déclaration de tels revenus étrangers sera nul. Tel ne serait pas le cas si cet appartement était la propriété d’un ménage dont les revenus professionnels seraient par exemple de 75.000 EUR. Pour un tel ménage (avec deux enfants à charge), l’imposition globale (cotisation de sécurité sociale incluse) serait de 29.139 EUR, alors qu’elle eût été de 28.983 EUR en l’absence de déclaration de l’immeuble à l’étranger. La réserve de progressivité accroît donc la charge fiscale du ménage de 156 EUR, et ce, alors que ce ménage a déjà payé 1.230 EUR de taxes en France.

4. Les limites aux pouvoirs d’investigation des agents du fisc belge. – Dans un jugement du 5 décembre 20077, le tribunal de première instance de Hasselt a jugé qu’un contrôleur du fisc ne pouvait aller personnellement sur place à l’étranger collecter de l’info rmation concernant la valeur locative d’un bien immobilier. Vu l’obtention irrégulière de l’information, la cotisation est nulle.

Les faits ayant donné lieu à ce jugement étaient les suivants : un contribuable, décédé en mars 1996, avait transmis son patrimoine mobilier et immobilier. La lecture du testament révélait entre autres qu’avant son décès, il avait également acquis un appartement situé à Nice, pour lequel aucun revenu n’avait jamais été déclaré. Cet appartement fut légué aux héritiers qui, comme le défunt, ne déclarèrent jamais les revenus de cet immeuble à l’étranger.

En 2002, les héritiers reçurent du fisc une demande de renseignements pour les exercices d’imposition de 1996 à 1999 comportant diverses questions relatives à l’existence des comptes étrangers et à l’appartement à l’étranger. En ce qui concernait l’appartement, l’administration voulait obtenir un plan du bien et la valeur locative brute. Les héritiers répondirent que les documents demandés ne pouvaient être fournis car ils avaient été détruits.

Pour établir leur taxation, les agents du fisc décidèrent donc de se rendre eux-mêmes à Nice aux fins de déterminer la valeur locative de l’appartement. Ils interrogèrent les autres habitants de l’immeuble et estimèrent qu’en raison de sa situation (dans l’artère commerciale la plus importante de Nice), cette valeur locative devait être évaluée, si l’on se fiait aux déclarations de ces habitants, à 4.000 FRF par mois. L’administration décida, sur la base de ces renseignements collectés sur place, que la valeur locative s’élevait à 288.000 BEF par an, et ce pour les deux exercices d’imposition. En outre, elle appliqua un accroissement d’impôt de 50 %. 7 Civ. Hasselt 5 décembre 2007, F.J.F., 2008, liv. 4, p. 427 ; Fiscologue, 2008 (reflet CB), liv. 1102, pp. 10 et 12.

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Les héritiers contestèrent la taxation ainsi établie et portèrent l’affaire devant le tribunal de première instance de Hasselt. Ce dernier annula la cotisation. Il considéra en effet que l’avis de rectification adressé aux contribuables révélait de manière explicite que l’agent taxateur avait récolté les renseignements au cours d’une visite sur place à Nice auprès des autres habitants de l’immeuble à appartements. Le tribunal en conclut que les services de taxation avaient excédé leurs pouvoirs légaux d’investigation en collectant des renseignements en personne à l’étranger en vue d’établir les impôts sur les revenus belges. Les renseignements récoltés à Nice avaient été obtenus d’une manière irrégulière, ce qui eut pour conséquence que les impositions fondées sur ceux-ci furent déclarées nulles.

5. Échange international de renseignements. – Toutes les conventions préventives de double imposition comprennent une disposition permettant l’échange d’informations en vue de combattre la fraude fiscale. Cette disposition permet l’échange de renseignements entre États en ce qui concerne l’acquisition et la cession de biens immobiliers

8.

Au rang des pays les plus actifs à collaborer avec la Belgique figurent l’Espagne mais surtout la France. Le fisc belge reçoit depuis de nombreuses années du fisc français des extraits d’actes authentiques impliquant des Belges et concernant l’acquisition de biens immobiliers en France

9.

La Belgique reçoit également un CD-ROM recensant l’ensemble des enregistrements de biens immobiliers détenus par des Belges en France. Pour les années 1999 à 2004, les statistiques révèlent que le fisc belge a reçu 21.057 extraits d’actes. Ceux-ci sont centralisés par l’administration centrale belge qui les transmet ensuite aux bureaux de taxation locaux aux fins de vérification des données au regard des déclarations fiscales. Il n’existe pas actuellement de données chiffrées sur le nombre de personnes qui ont déclaré leurs revenus immobiliers de source française ou qui ont fait l’objet d’une taxation par signes et indices. L’administration a toutefois pris l’engagement de publier des circulaires et instructions insistant fortement sur la manière d’utiliser les renseignements communiqués par les administrations des États partenaires. Des accords d’échange de renseignements internationaux existent également avec les Pays-Bas, l’Italie et l’Ukraine. De tels accords reposent toutefois sur un engagement de réciprocité. Cela implique qu’il n’est possible d’appliquer ces accords que si le fisc belge dispose lui-même de tous les moyens techniques et humains pour satisfaire à l’obligation de réciprocité. Or, la Belgique a toujours rencontré de grandes difficultés à communiquer aux autorités 8 En ce qui concerne les impôts sur les revenus, l’administration belge peut également échanger des renseignements : − avec les autres États membres de l'Union européenne sur la base de la directive 77/799/CEE du 19

décembre 1977 concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs de certains droits d'accises et des taxes sur les primes d'assurance ;

− avec les autres Parties à la Convention multilatérale O.C.D.E./Conseil de l'Europe d'assistance concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale. Outre la Belgique, les pays suivants sont parties à la Convention : l'Azerbaïdjan, le Danemark, la Finlande, la France, l'Islande, l'Italie, les Pays-Bas, la Norvège, la Pologne, la Suède, et les États-Unis.

9 On notera que lorsque l’administration française communique spontanément la fiche d’information à l’administration belge, l’administration n’est pas tenue de notifier les indices de fraude préalable au sens de l’article 333, alinéa 3 du C.I.R. Le contribuable ne peut demander l’annulation de l’imposition établie sur cette base (Gand, 17 janvier 2006, Fiscologue, n° 1030, p. 9).

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administratives de ces États les renseignements sur les biens immobiliers détenus en Belgique par les résidents de ces pays, et ce en raison de la structure fédérale de notre pays. La régionalisation du précompte immobilier et des droits d’enregistrement rend en effet difficile la transmission d’informations des Régions vers le pouvoir fédéral. Le ministre des Finances, conscient du problème, a toutefois demandé en 2006 à ses fonctionnaires que, sur la base de l’article 327 du C.I.R., des contacts soient pris rapidement avec l’administration régionale afin d’obtenir les copies des avertissements-extraits de rôle au précompte immobilier, ce qui devrait garantir à terme le respect de la condition de réciprocité. Plus récemment, le député Van der Maelen interrogea le ministre des Finances sur l’évolution de la situation, et en particulier sur le fonctionnement de la collecte d’informations concernant les propriétaires étrangers de biens immobiliers situés en Belgique et sur la manière dont s’opérait en pratique l’échange vers les administrations de ces pays étrangers (question parlementaire du 31 août 2007). Le ministre lui répondit que les difficultés subsistaient toujours et que divers obstacles (notamment informatiques) se dressaient encore avant de pouvoir procéder à l’échange de renseignements. On ajoutera enfin que divers accords d’échanges fiscaux sont en négociation avec d’autres pays tels que l’Allemagne, l’Espagne, la Russie, le Maroc, la Turquie et la Pologne. 6. Habitation « propre » détenue à l’étranger. – Depuis le 1er janvier 2005, le revenu cadastral de la maison d’habitation en Belgique n’est plus à déclarer par le contribuable et se trouve pleinement exonéré. Depuis l’exercice d’imposition 2007, cette exonération a été étendue aux habitations propres détenues (en qualité de propriétaire, possesseur, emphytéote, superficiaire ou usufruitier) dans un État membre de l’Espace économique européen. L’exonération porte sur la valeur locative de cette habitation, ou sur le montant total du loyer perçu lorsque le contribuable ne peut occuper personnellement l’habitation pour des raisons professionnelles ou sociales. Cette modification législative (nouvel alinéa 6 de l’article 12 du C.I.R. introduit par la loi du 25 avril 2007 modifiant certaines dispositions du Code des impôts sur les revenus 1992 afin de les mettre en conformité avec certains principes du Traité instituant la Communauté européenne et de l'Accord sur l'Espace économique européen, M.B., 10 mai 2007) a entraîné dans la foulée divers changements dans le formulaire de déclaration I.P.P. de l’exercice d’imposition 2008. La raison d’être de cette extension de l’exonération aux habitations propres situées en dehors de la Belgique résulte du souci du législateur de se mettre au diapason de la réglementation européenne, notamment à la suite de diverses critiques émises par la Commission européenne. L’exposé des motifs du projet de loi du 2 mars 2007 modifiant certaines dispositions du Code des impôts sur les revenus 1992 afin de les mettre en conformité avec certains principes du Traité instituant la Communauté européenne et de l’Accord sur l’Espace économique

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européen est on en peut plus explicite10. Il y est écrit que : « La présente loi apporte une réponse à la critique formulée par la Commission européenne dans la mise en demeure n° 2005/5061 du 4 avril 2006 en ce qui concerne le système belge relatif aux avantages fiscaux afférents aux emprunts hypothécaires. Par la mise en demeure n° 2005/5061 du 4 avril 2006, la Commission européenne attire l’attention sur l’incompatibilité de certaines dispositions dans la législation fiscale belge relatives aux avantages fiscaux afférents aux intérêts d’emprunts hypothécaires, à l’amortissement ou à la reconstitution de ces emprunts et aux primes de contrats d’assurance-vie individuelle y afférents, avec le Traité instituant la Communauté européenne (ci-après dénommé Traité CE) et l’Accord sur l’Espace économique européen (ci-après dénommé Accord EEE). La Commission des Communautés européennes arrivait à la conclusion notamment que la Belgique n’a pas respecté ses obligations conformément aux articles 39 (libre circulation des travailleurs), 43 (liberté d’établissement) et 56 (libre circulation des capitaux) du Traité CE et aux articles 28, 31 et 40 (mêmes principes) de l’Accord EEE dans la mesure où il n’est pas octroyé d’avantages fiscaux à des personnes qui habitent dans un autre État membre ou dans un État EEE et y possèdent une maison faisant l’objet d’une hypothèque et que leurs revenus résultent totalement ou presque exclusivement d’une activité exercée en Belgique, en ce qui concerne les dépenses y relatives, comme c’est le cas pour une personne résidant en Belgique. » On observera que la loi du 25 avril 2007 en a profité aussi pour modifier d’autres dispositions relatives aux conditions pour l’octroi de réductions d’impôts en matière d’assurance-vie, d’épargne pension, d’actions acquises de l’employeur, en vue de se conformer à la réglementation européenne. Concrètement, dans quels cas doit-on remplir les codes 1121, 2121, 1133 et 2133 (habitation propre dans l’Espace économique européen) ? Signalons d’emblée qu’une seconde résidence n’est jamais visée par la disposition législative. Les cas d’application sont les suivants : la loi vise, d’une part, l’hypothèse où un résident belge a une habitation propre dans l’Espace économique européen mais ne peut l’occuper pour des raisons sociales ou professionnelles et, d’autre part, l’hypothèse où le résident belge dispose de deux habitations dont l’une est située en Belgique et l’autre dans l’Espace économique européen. Mais dans cette dernière hypothèse, il faudra que le résident belge ait souscrit un emprunt pour acquérir cette habitation et pour autant que cet emprunt ait été conclu :

- avant le 1er janvier 2005 (ou s’il s’agit d’un emprunt de refinancement d’un tel emprunt), à moins que le contribuable ait également souscrit un emprunt à partir du 1er janvier 2005 pour cette habitation et qu’il ait opté pour la déduction pour habitation propre et unique ; - à partir du 1er janvier 2005 alors que le contribuable avait encore un autre emprunt contracté avant le 1er janvier 2005 pour acquérir ou conserver cette même habitation, à moins qu’il n’ait opté pour la déduction pour habitation propre et unique pour l’emprunt contracté à partir du 1er janvier 2005.

10 Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2006-2007, n° 51-2951/001.

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Détention d’un immeuble à l’étranger par le biais d’une société belge : une solution à éviter. – La détention d’un immeuble en France par une société belge est une solution peu optimale. Les raisons en sont multiples. En Belgique, la détention d’un tel immeuble diminuera tout d’abord la déduction des intérêts notionnels puisque l’assiette bénéficiant de cette déduction (les fonds propres) est diminuée de la valeur nette comptable de l’immeuble situé en France (art. 205ter, § 3 C.I.R.). L’instauration d’un boni de liquidation de 10 % constitue un autre inconvénient. La déduction des charges grevant l’immeuble en France risque aussi d’être rejetée par l’administration qui y verra des dépenses liées à une résidence d’agrément (art. 53, 9° C.I.R.) ou qui se fondera sur une jurisprudence de la Cour de cassation (notamment l’arrêt du 18 janvier 2001) selon laquelle des dépenses non spécifiquement liées à l’objet social statutaire principal de la société sont des dépenses non déductibles.

On ajoutera que le nouveau régime d’imposition des plus-values immobilières en France applicable depuis le 1er janvier 2004 n’est guère favorable au recours à la détention d’un immeuble en France par une société belge. Rappelons d’emblée que lorsqu’un immeuble est cédé, la plus-value en résultant est, en application des conventions préventives de double imposition, taxable dans l’État où se trouve l’immeuble (la France).

Le Code général des impôts français établit à cet égard une distinction selon que le vendeur est une société non-résidente ou une personne physique non-résidente En effet, l’article 244bis A, alinéa 1er prévoit une taxation de 33,33 % lorsque la plus-value est réalisée par une société ayant son siège hors de France.

L’article 244bis A, alinéa 2, en revanche, limite cette taxation à 16 % lorsque la plus-value est réalisée par une personne physique résidente d’un État de la Communauté européenne.

La société belge détentrice d’un immeuble en France subit dès lors une imposition deux fois plus lourde qu’un particulier détenteur d’un tel l’immeuble.

8. Revenus provenant d’une société civile immobilière : qualification fiscale. – La « Société civile immobilière » (SCI) est une forme sociétaire très répandue en France ayant pour objet l’acquisition et la détention de biens immobiliers. Cette forme de société française possède la personnalité juridique mais est considérée comme fiscalement transparente pour l’application de l’impôt français sur les revenus. Cela signifie que les actionnaires sont les propriétaires directs des biens immobiliers de la SCI et que les revenus qu’ils en tirent sont qualifiés par le fisc français de revenus immobiliers, et non de dividendes. Les motivations qui président à la constitution d’une SCI, en plus de cette possibilité de bénéficier de la translucidité fiscale, sont multiples : éviter les aléas d’une indivision, assurer la transmission du patrimoine, permettre de partager les risques d’exploitation, permettre la séparation du pouvoir et de la détention, l’absence d’impact de la réserve de progressivité, la possibilité de financement « intra-groupe ». Ce régime n’est en revanche pas une structure à conseiller lorsque l’immeuble est donné en

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location meublée, lorsqu’on veut bénéficier d’une base imposable plus favorable ou lorsqu’on escompte une cession des parts sociales en exonération d’impôt. En Belgique, une longue controverse divisait l’administration fiscale et la doctrine sur la question de la qualification qu’il convenait de donner aux revenus acquis par un actionnaire belge d’une SCI. L’incidence de cette question est loin d’être négligeable puisqu’elle est susceptible d’aboutir à une situation de double imposition. Selon le fisc belge, de tels revenus doivent être qualifiés de dividendes et sont taxables en Belgique en dépit du fait qu’ils soient déjà taxés en France comme revenus immobiliers. Selon la doctrine, il s’agit de revenus immobiliers qui ne sont taxables qu’en France. Dans un premier temps, la jurisprudence a suivi l’administration. Dans un arrêt célèbre (arrêt « Prince de Ligne » du 4 juin 1974

11), la cour d’appel de

Bruxelles considéra que conformément à la « lex societatis », les SCI n’étaient pas transparentes car le droit civil français conférait la personnalité juridique aux SCI. Dès lors, les revenus d’une SCI devaient être qualifiés de dividendes, et imposés en Belgique. Le 2 décembre 2004, la Cour de cassation se prononça à son tour sur la question de la qualification de revenus provenant d’une SCI et cassa un arrêt de la cour d’appel de Bruxelles qui s’était fondé sur la « jurisprudence Prince de Ligne » La Cour de cassation considéra que : - la notion de biens immobiliers doit être déterminée selon le droit français ; - les revenus immobiliers ne sont imposables que dans l’État contractant où sont situés les

biens ; - les revenus de la SCI étant imposés en France comme revenus immobiliers, il convient de

faire application de l’article 19, A, 2 de la convention préventive de double imposition entre la France et la Belgique qui attribue le pouvoir d’imposition exclusif à la France en ce cas. La Belgique doit donc s’abstenir de toute taxation supplémentaire.

Le ministre des Finances refusa de s’incliner face à cette jurisprudence pourtant claire et, dans deux réponses à des questions parlementaires (question n° 660 de M. Van der Maelen du 23 février 2005 et question n° 1067 de M. Van der Maelen du 11 janvier 2006), considéra que la position de la Cour de cassation ne justifiait aucune modification du point de vue de l’administration fiscale. L’administration fiscale persiste donc à dire que les revenus d’actionnaires d’une SCI doivent être considérés comme des dividendes. Toutefois, une décision anticipée rendue le 12 février 2008, dans un contexte certes un peu différent, offre une perspective d’avenir plutôt favorable. Elle accorde une exemption intégrale en Belgique des revenus d’une SCI. La décision vise toutefois le cas très particulier d’une détention d’une participation, par le biais d’une société non française, dans une SCI. Le Service des décisions anticipées considère que les dividendes distribués par une SCI à cette société française intermédiaire et provenant d’une SCI peuvent bénéficier du régime des revenus définitivement taxés (R.D.T.) (déduction à concurrence de 95 %). Sans remettre en cause la position du ministre des Finances, cette décision anticipée est 11 Bruxelles, 4 juin 1974, J.D.F., 1975, p. 82.

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perçue comme une première démarche visant à permettre l’exonération des revenus d’une SCI en Belgique, ce dont on ne peut que se réjouir. 9. Conclusion. – Sans nul doute, le propriétaire d’un immeuble à l’étranger court aujourd’hui un risque de plus en plus grand à ne pas reprendre dans sa déclaration les revenus d’un tel immeuble. En dépit de quelques difficultés d’application pratique toujours bien présentes, l’administration belge et les administrations étrangères ne cessent d’intensifier les échanges d’informations en matière immobilière et les accords de coopération. De mieux en mieux informés sur l’existence des propriétés détenues par des résidents belges à l’étranger et sur l’identité de leurs propriétaires, les agents du fisc n’hésitent plus à procéder à des rectifications fiscales de ces contribuables peu scrupuleux, sous la forme d’une application de la réserve de progressivité, d’un rejet de la déduction pour habitation unique, ou d’un accroissement d’impôt pouvant s’élever jusqu’à 50 %. De tels redressements ne peuvent toutefois s’opérer qu’en respectant les pouvoirs d’investigation qui sont prévus par notre législation fiscale et ne peuvent résulter d’informations recueillies directement à l’étranger par les agents de l’administration fiscale belge. Le contribuable qui choisira de déclarer les revenus de sa propriété à l’étranger sera soucieux de déterminer avec précision la valeur locative de cette propriété, celle-ci étant fixée selon les usages locaux et devant être diminuée de tous impôts fonciers perçus sur place. On se réjouira aussi de ce que les exonérations et déductions fiscales liées à l’habitation « propre » aient été étendues à toute habitation située dans l’Espace économique européen, la Belgique se pliant aux exigences de notre législation européenne. Enfin, on attend un changement d’interprétation de la part de l’administration sur la qualification juridique de revenus d’une société civile immobilière, ce que semble espérer timidement une décision anticipée du 12 février 2008. DEDUCTION POUR HABITATION PROPRE ET UNIQUE

Le Moniteur du 31 décembre 2008 a publié deux lois du 24.12.2008 modifiant le code des impôts sur les revenus 1992, en ce qui concerne l’imputation de la déduction fiscale de l’emprunt hypothécaire de l’habitation unique, et en ce qui concerne la déduction pour habitation propre et unique.

Les articles suivants sont modifiés:

art.105 CIR

art.115 CIR

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THEME N° 3 : REVENUS MOBILIERS

VARIATIONS AUTOUR DE LA LOI SUR LA DISPARITION DES TITRES AU PORTEUR. Depuis le 1er janvier 2008, il n’est plus possible d’émettre de nouveaux titres au porteur. L’émission d’actions de société ne peut se faire que sous la forme d’actions nominatives ou dématérialisées. Cette suppression résulte de la loi « portant suppression des titres au porteur », datée du 14 décembre 2005, qui est publiée dans le Moniteur belge du 23 décembre 200512 (republiée à nouveau intégralement dans le Moniteur du 6 février 2006 en raison d’errata)13. Les titres au porteur appelés à disparaître sont définis par l’article 2, 1° de la loi comme : « – les actions, parts bénéficiaires, obligations, droits de souscription et certificats émis

par des sociétés de droit belge conformément au Code des sociétés ; – les titres de la dette publique tels qu’énumérés à l'article 1er de la loi du 2 janvier 1991

relative au marché des titres de la dette publique et aux instruments de la politique monétaire ;

– tous autres titres émis par un émetteur de droit belge et incorporant une créance financière à l'égard de cet émetteur ou d'un tiers, y compris les titres représentatifs de droits indivis dans un organisme de placement collectif de droit belge revêtant la forme contractuelle ».

La loi du 25 avril 2007 portant des dispositions diverses a étendu le champ d’application des titres au porteur pour y inclure aussi les titres émis par les fonds communs de placement. La loi du 14 décembre 2005 prévoit la suppression de ces titres au porteur en trois étapes. À partir du 1er janvier 2008, plus aucun titre nouveau ne pourra être au porteur. À partir du 31 décembre 2013, tous les titres au porteur existants devront être convertis en titres nominatifs ou dématérialisés. À partir du 1er janvier 2015, les titres au porteur seront vendus sur un marché réglementé. Ces étapes peuvent être détaillées comme suit. 12 M.B., 23 décembre 2005, p. 55.488. Pour un commentaire de la loi : M. DELBOO et D. HERBOSCH. « Afschaffing van de effecten aan toonder : overzicht en eerste analyse », T.F.R., 2006, p. 831; A.-P. ANDRE-DUMONT , « La suppression des titres au porteur », Rec. gén. enr. not., n° 25.847, p. 329 et s. ; P. NICAISE, « La suppression des titres au porteur : la fin d’un mythe ? », in Liber Amicorum Jacques Malherbe, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 807 et s. ; B. FERON et A.-S. PIJCKE, « La dématérialisation des titres cotés et la suppression des titres au porteur », Forum Financier/Droit bancaire et financier, 2006, p. 123 et s. ; X. DIEUX, « La loi du 14 décembre 2005 portant suppression des titres au porteur et le droit des sociétés », Forum Financier/Droit bancaire et financier, 2006, p. 140 et s. ; G. PALMAERS, « De wet van 14 december 2005 houdende afschaffing van de effecten aan toonder », T.R.V., p. 171 et s. ; B. COLMANT , S. DE GEYTER, M. DELBOO et P. LALEMAN, La suppression des titres au porteur, Louvain-la-Neuve, Anthemis, 2007 ; H. BRAECKMANS, « De afschaffing van de effecten aan toonder en andere wijzigingen aan het Wetboek van Vennootschappen door de wetten van 14 december 2005 en 25 april 2007 », R.W., 2007-2008, p. 722 et s. ; C. FISCHER, « Les modifications apportées au Code des sociétés par les lois de décembre 2005 et janvier 2006 », C. & F.P., 2006, p. 149 et s. 13 Divers arrêtés d’exécution ont ensuite été pris : l’arrêté royal du 27 janvier 2004 portant coordination de l’A.R. n° 62 du 10 novembre 1967 favorisant la circulation des instruments financiers ; l’arrêté royal du 3 décembre 2005 déterminant les conditions de forme des titres au porteur admis à la négociation sur un marché réglementé belge et abrogeant l’arrêté royal du 22 décembre 1995 relatif à l’inscription d’instruments financiers au premier marché d’une bourse de valeurs mobilières ; l’arrêté royal du 12 janvier 2006 relatif aux titres dématérialisés de sociétés (adopté en exécution de l’article 468, al. 3 du Code des sociétés) ; et l’arrêté royal du 26 avril 2007 portant application de la loi du 14 décembre 2005 portant suppression des titres au porteur.

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1. Première étape prenant cours le 1er janvier 2008

• Interdiction pour l’émetteur de délivrer des titres au porteur : à partir de cette date, les titres ne peuvent plus être émis par l’émetteur que sous la forme nominative ou dématérialisée (art. 3, § 1er). Cette interdiction porte sur l’émission d’actions au porteur tant en Belgique qu’à l’étranger.

• Interdiction de procéder à une délivrance physique en Belgique des titres au porteur

qui sont inscrits en compte-titres, ainsi que des titres au porteur émis à l’étranger, soumis au droit étranger, ou émis par un émetteur étranger (art. 4, al. 1er).

• Conversion de plein droit en titres dématérialisés :

- des titres de la dette publique ; - des titres émis par un émetteur de droit belge et incorporant une créance

financière à l'égard de cet émetteur ou d'un tiers, y compris des titres représentatifs de droits indivis dans un organisme de placement collectif de droit belge revêtant la forme contractuelle ;

- des actions, parts bénéficiaires, obligations, droits de souscription et certificats émis par des sociétés de droit belge conformément au Code des sociétés, qui sont admis à la négociation sur un marché réglementé ;

- s'ils ne sont pas visés ci-avant, des titres au porteur d'un organisme de placement collectif de droit belge.

2. Deuxième étape : période entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2013.

- Obligation, pour leur titulaire, de solliciter la conversion des titres au porteur qui n’ont pas été convertis comme il est dit ci-dessus, au choix, en titres nominatifs ou en titres dématérialisés, dans les limites des dispositions statutaires et du cadre légal et réglementaire de l’émission (art. 7, § 1er).

Que se passe-t- il si les statuts de la société concernée ne prévoient pas la possibilité d’émettre des titres dématérialisés. En ce cas, seule la conversion en titres nominatifs sera possible. La loi ajoute que tout droit attaché à un titre au porteur dont la conversion n’a pas été demandée conformément à ce qui précède est suspendu, jusqu’à ce qu’une personne ayant pu valablement établir sa qualité de titulaire demande et obtienne que les titres soient inscrits à son nom dans le registre des titres nominatifs ou sur son compte-titres tenu par l’émetteur, un teneur de compte agréé ou un organisme de liquidation (art. 10). La « suspension de tout droit » implique évidemment l’impossibilité de voter aux assemblées générales, comme celle de percevoir des dividendes. - Conversion automatique en titres dématérialisés des titres au porteur qui n’ont pas été convertis comme il est dit ci-dessus (sociétés dont les titres ne sont pas cotés sur un marché réglementé) et sont inscrits en compte-titres par l’émetteur à son nom, à partir de la date de conversion mentionnée dans les statuts (art. 7, § 3, al. 2).

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3. Troisième étape prenant cour le 1er janvier 2015

À partir de cette date, les titres au porteur, qu’ils soient ou non cotés sur un marché réglementé, dont le titulaire reste inconnu, seront vendus par l'émetteur sur un marché réglementé (art. 11, §§ 1er et 2).

Les sommes issues de la vente, déduction faite des frais exposés, seront déposées à la Caisse des dépôts et consignations jusqu'à ce qu'une personne ayant pu valablement établir sa qualité de titulaire en demande la restitution (art. 11, §§ 1er et 2).

Les titres qui ne sont pas vendus, comme il est dit ci-avant, au 30 novembre 2015, seront déposés par l'émetteur auprès de la Caisse des dépôts et consignations (art. 11, § 4).

La personne qui demande le paiement des sommes issues de la vente des titres ou la restitution des titres qui ne sont pas vendus au 30 novembre 2015, et qui sont déposés à la Caisse des dépôts et consignations, est redevable d'une amende s’élevant, par année de retard, et à partir du 31 décembre 2015, à 10 % de la somme ou de la contre-valeur des titres qui font l'objet de la demande en restitution (art. 11, § 3). Autrement dit, après dix ans, il ne servira plus à rien d’aller courir à la Caisse de dépôts et consignations pour espérer quelque paiement.

Cette législation, qui s’inscrit notamment dans le cadre de la lutte contre la blanchiment, a pour conséquence évidente de permettre l’identification des titulaires des titres « nominatif » dont le nom, l’adresse et le nombre de titres se trouvent désormais inscrits dans le registre des parts de la société, registre à la disposition de tous et, en particulier du fisc. L’anonymat des titres « dématérialisés » semble, en revanche, garanti. Ces titres échapperont au regard du fisc, l’administration n’étant pas, dans l’état actuel de notre législation, autorisée à recueillir dans les comptes et documents des institutions bancaires des renseignements en vue de l’imposition de leurs clients (art. 318 C.I.R.). D’aucuns s’accordent cependant à penser que la disparition des titres au porteur porte en elle les germes de la disparition du secret bancaire en Belgique, débat animé et important que nous n’alimenterons pas dans le cadre du présent ouvrage. D’autres questions essentielles méritent toutefois d’être soulevées. Tout d’abord, ce mouvement de conversion des titres au porteur en titres nominatifs ou dématérialisés ne risque-t- il pas de modifier fondamentalement le régime de taxation des revenus de l’épargne, l’idée étant souvent véhiculée que les taux de l’épargne bénéficient d’un régime trop favorable et qu’il existe d’importantes divergences entre certains revenus mobiliers (exonération des plus-values sur actions, de certains produits d’assurance ou de certaines SICAV, par rapport à une taxation de 15 % à 25 % des autres revenus mobiliers). D’où le souhait émis par d’aucuns, et à commencer par le Conseil supérieur des Finances dans un avis du mois d’août 2007 intitulé « Taxation du travail, emploi et compétitivité », d’uniformiser le taux de taxation de tels revenus mobiliers et de les taxer tous au taux de

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30 %. Un tel taux appliqué de manière aussi brutale a de quoi heurter les esprits les plus tempérés. On peut s’inquiéter de ce qu’un des rares atouts de notre fiscalité belge pour les particuliers puisse à terme disparaître, d’autant qu’une telle proposition, si elle devait aboutir, ne manquerait pas de modifier les comportements de nos concitoyens, voire de susciter des départs vers d’autres cieux, avec des conséquences fiscalement dommageables qui n’étaient pas escomptées. Une autre question qui ne manquera pas de nous interpeller est l’attitude que l’administration pourrait éventuellement adopter à la suite d’une conversion par un contribuable de titres au porteur en titres nominatifs. Il ne fait guère de doute que la disparition des titres au porteur offre au fisc un moyen supplémentaire pour dresser un cadastre des patrimoines des citoyens, ce qu’elle réalise d’ailleurs déjà par le biais du logiciel PATRIS (Patrimonial Informations System). Ce recensement de nos avoirs et la connaissance que l’administration peut avoir de titres désormais inscrits dans un registre de parts nominatives, ne déboucheront- ils pas à des nombreuses demandes de justifications sur l’origine des fonds avec lesquels le contribuable a acquis ces titres. S’il ne fait aucun doute que le recours à cette procédure et à une éventuelle taxation sur la base des signes et indices telle que prévue à l’article 341 du C.I.R. n’est nullement contestable, il est légitime de se demander si la porte n’est pas ouverte vers d’éventuelles dérives ou vers des investigations trop musclées ou arbitraires. Il est évident qu’en ce domaine, les délais d’investigations de trois ans devront limiter les rectifications opérées. En effet, lorsqu’en 2014, l’administration découvrira l’existence d’actions pour un montant élevé, les investigations du fisc ne pourront porter que sur les années 2011 à 2013 et non au-delà de 2001, sauf à notifier des indices de fraude, ce qu’elle sera difficilement à même faire, la détention de titres n’étant pas en tant que telle un indice de fraude. On comprendra que, dans ce contexte, il est vivement déconseillé d’acheter de nouveaux titres au porteur entre 2001 et 2013. La suppression des titres au porteur soulève enfin une question en matière de droit de succession. L’article 137, 3° du Code des droits de succession dispose qu’il y a « prescription pour la demande […] des droits, intérêts et amendes dus en cas d’absence de déclaration, ou d’omission de biens dans la déclaration, après dix ans à compter du jour où le délai fixé pour le dépôt de la déclaration par l’article 40 est expiré ». Si, par exemple, dans la succession de Monsieur Durand décédé en 2007 ne figurent aucun titre au porteur et qu’en 2014, lors de leur conversion, l’administration découvre que les héritiers de Monsieur Durand en sont propriétaires, il sera difficile pour ces derniers d’invoquer que ces titres proviennent d’une succession ouverte en 2007, le délai de dix ans dont dispose l’administration fiscale n’étant pas expiré. Certes, l’administration fiscale a la charge de la preuve, mais si les héritiers ne roulent pas sur l’or ou sont fort jeunes, l’administration n’aura que peu de peine à prouver que ces titres provenaient de la succession. Ne pas mentionner les titres au porteur dans une déclaration de succession devient dès lors un exercice fort périlleux.

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DROITS D'AUTEURS DESORMAIS SOUMIS AU PRECOMPTE MOBILIER LIBERATOIRE. Une loi du 16 juillet 2008, publiée au Moniteur Belge du 30 juillet 2008, met en place un système de précompte mobilier libératoire sur les droits d'auteurs perçus par des personnes physiques. La loi entre en vigueur le 1er janvier 2008. La proposition de loi prise à l’initiative du sénateur Monfils envisageait au départ de qualifier les droits d'auteur comme revenus divers. Mais la loi les a rangés finalement parmi les revenus mobiliers. La finalité de cette proposition de loi est précisément de mettre un terme aux discussions interminables visant à déterminer la correcte qualification fiscale (revenus mobiliers, professionnels ou divers) qu'il convenait de donner à des droits d'auteur. Ce régime nouveau s'applique aux « cession et concessions de droits d'auteur et de droits voisins visés par la loi du 30 juin 1994 ». Les licences légales et obligatoires sont également visées. Le régime du précompte mobilier libératoire ne s'appliquera toutefois que sur la première tranche des droits d'auteur de 3500 EUR (après indexation : 50.000 EUR pour l'exercice d'imposition 2009). Jusqu'à ce plafond, le précompte mobilier libératoire (qui ne doit donc plus être mentionné dans la déclaration fiscale) sera de 15% Au-delà de ce plafond, le montant des droits d'auteur sera soumis au taux ordinaire de l'impôt des personnes physiques (imposés comme revenus professionnels). La loi en profite aussi pour revoir le forfait pour charges en l'alignant sur celui applicable aux revenus de la location, de l'affermage et de la concession de biens mobiliers. Le montant brut des droits d'auteur sera dès lors diminué des frais réels exposés pour acquérir ou conserver ces revenus. Mais, à défaut de pièces probantes, le forfait pour charges sera de 50% pour la première tranche de revenus de 10.000 EUR et de 25% pour la tranche allant de 10.000 EUR à 20.000 EUR. Au delà de 20.000 EUR, aucune déduction forfaitaire de charges ne sera accordée. Concrètement, grâce au précompte mobilier libératoire de 15% et à ces forfaits de charges, un revenu de 50.000 euros ne donnera lieu qu’à un impôt final de 12,75% tandis que pour un revenu de 10.000 EUR, le taux d’imposition final est de 7,5%. Sur base des informations prises auprès de la SABAM, chaque année, 10.500 personnes touchent des droits d’auteur dont et 90% d’entre elles reçoivent moins de 50.000 EUR de droits d’auteur sur une base annelle. La modification législative a donc été accueillie favorablement. L’exposé des motifs de la loi se livre notamment à une analyse du coût(IPP) de la mesure14 qui est estimé à 2,9 millions d’EUR. Les effets induits par la mesure et les comportements nouveaux des contribuent devraient toutefois ramener assez logiquement le coût de ce nouveau régime à un montant nettement inférieur. En effet, l’on peut s‘attendre à ce que certains bénéficiaires belges restent en Belgique et n’aient plus le souhait de « fuir » notre contrée, et à ce que des belges expatriés (les artistes exilés à Paris, notamment) retournent en Belgique. Par ailleurs, le coût de 2,9 millions suppose un pourcentage de recouvrement de 100% de l’impôt établi en tant eu revenus professionnels, ce qui est évidemment loin d’être le cas. Enfin, la diminution des litiges fiscaux en cette matière ne peut que réduire le coût (administratif) de la gestion du contentieux et comme, le souligne l’exposé des motifs de la loi : « cela libère de facto des fonctionnaires à des tâches plus rentables ». La loi qui met en place ce nouveau régime favorable n’en suscite pas moins quelques interrogations. La première difficulté, qui d’ailleurs avait été soulignée par la ministre des Finances lors des travaux préparatoires, est le risque de sanction suite à un contrôle de la Cour

14 Doc. parl. ; chambre, session 2007-2008, doc.52, pages 11 et 12

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Constitutionnelle. En effet, la loi instaure un mécanisme de requalification entraînant une modification de la catégorie de revenus perçus par une contribuable. Certes, le système de requalification n’a rien de bien novateur dans notre système législatif fiscal (à titre d’exemple nous connaissons la requalification de loyers en revenus professionnels ou la requalification d’intérêts en dividendes), mais la nouveauté réside ici en ce que cette requalification de revenus professionnels (ou divers) en revenus mobiliers est limitée à un certain plafond (3500 EUR non indexé). Cette limite résistera-telle aux analyses juridiques de la Cour constitutionnelle, éventuellement saisie d’un recours basé notamment sur la violation du principe de discrimination ? Le second problème est bien sûr l’effet rétroactif de la mesure. La loi, bien que publiée le 30 juillet 2008, porte ses effets au 1er janvier 2008. Que se passe-t- il pour les revenus d’auteurs qui durant la période du 1er janvier au 30 juillet auraient déjà été perçus sans qu’aucune retenue à la source n’ait été préalablement opérée. Comment régulariser en pratique cette situation ? Interrogé à ce sujet, le cabinet des Finances suggère aux débiteurs de droits d’auteur d’inviter leurs artistes à reprendre les montants perçus (et dont ces artistes auraient eu connaissance par une fiche 281.50 qui leur serait adressée) dans leur propre déclaration fiscale, en tant que revenus mobiliers (code 1157 et 2157 de la déclaration). La solution nous semble cependant quelque peu boiteuse et, en outre, perd de vue que ces revenus mobiliers imposés distinctement au taux de 15% subiront les centimes additionnels communaux, ce qui alourdit quelque peu leur imposition. Pour des centimes additionnels de 8% par exemple, le taux passe de 15% à 16,20% et l’opération n’est donc pas neutre. Un troisième problème évident est de savoir à partir de quand le plafond de 50.000 EUR est franchi. Si un bénéficiaire perçoit de plusieurs débiteurs des droits d’auteur qui, pris isolément n’excèdent pas le plafond mais qui, cumulés, s’élèvent à plus de 50.000 EUR, le précompte mobilier libératoire aura été appliqué de manière indue pour les droits qui excèdent cette limite. Sans compter que la pluralité des sources de revenus entraînera une déduction forfaitaire trop importante. Pour éviter ce problème, le Ministre des Finances suggère la solution suivante : chaque débiteur se verra contraint de transmettre à l’administration fiscale la liste des personnes à qui ils ont attribué des droits d’auteur ou des droits voisins. Cette solution permettra dès lors au fisc de connaître la totalité des revenus perçus par un contribuable, de vérifier si la limite a ou non été dépassée et de faire la rectification fiscale correspondantes. Cette solution devrait être concrétisée par des arrêtés royaux qui doivent encore être pris. Reste que subsiste la question de savoir à quel titre l’administration pourrait être habilitée à rectifier une déclaration fiscale qui a priori est exacte (le précompte mobilier libératoire ayant en outre été retenu de manière tout à fait légale). La jurisprudence n’admet en effet qu’avec réticence que l’administration puisse réclamer un impôt supérieur à celui qui résulte d’une déclaration fiscale qui, par nature n’est entachée d’aucune irrégularité et est exacte. On sent poindre d’éventuelles contestations judicaires en la matière. Affaire à suivre.

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THEME N° 4 : FRAIS PROFESSIONNELS

EXAMEN DES CONDITIONS DE DEDUCTION DES FRAIS PROFESSIONNELS ET PRINCIPALES CHARGES DEDUCTIBLES A LA LUMIERE DE LA JURISPRUDENCE RECENTE

Chapitre 1 : L e s c o n d i t i o n s d e d é d u c t i o n d e s f r a i s p r o f e s s i o n n e l s

Section 1 Première condition : le lien nécessaire avec l’activité professionnelle

Principes. – Les frais professionnels, pour être déductibles, doivent se rattacher à l’exercice de la profession. Sont donc exclues les dépenses à caractère privé. Cette condition implique que les frais mixtes, c’est-à-dire les frais exposés partiellement à des fins professionnelles et partiellement à des fins privées, doivent faire l’objet d’une ventilation suivant des quotités à convenir entre le contribuable et l’administration fiscale

15. Cela vaut notamment pour les

loyers, les charges locatives, les frais de chauffage, d’électricité et d’assurance de biens immobiliers à usage mixte, pour les rémunérations du personnel occupé à la fois à des fins professionnelles et à des fins privées, pour les frais de voiture utilisée pour des déplacements tant privés que professionnels

16, pour les frais de voyage ou de formation.

La jurisprudence est foisonnante en ce qui concerne l’appréciation de cette exigence de lien professionnel.

Un exemple de frais mixtes : les frais de voyage et de séjour. – S’agissant de frais de voyage, signalons cet arrêt de la cour d’appel de Gand : un contribuable fait un voyage au Japon et y visite les installations techniques d’un producteur d’ascenseurs. Durant ce séjour, il reçoit une formation relative à ces installations techniques et aux différentes possibilités de mettre ces ins tallations en œuvre dans de nouvelles constructions à usage d’habitation. Le contribuable est de ce fait resté au courant des tendances les plus récentes de l’architecture moderne afin de pouvoir s’en servir ultérieurement dans des projets futurs. Pareil voyage d’études a dès lors toute son utilité pour l’acquisition ou la conservation de revenus professionnels futurs. Toutefois, il n’est pas davantage contesté que d’autres excursions ont été faites et que des curiosités ont été visitées. La dépense professionnelle avait dès lors un caractère mixte et fut partiellement rejetée

17.

Répondant à une question parlementaire18

, l’administration a émis une circulaire19

qui concerne le traitement des dépenses qui sont exposées notamment par les titulaires d’une profession libérale en vue d’assister à des « séminaires dans des lieux de villégiature exclusifs

15

Com. I.R., 49/2. 16

À ce sujet, le Commentaire administratif précise que si les frais doivent nécessairement se rattacher à l’exercice de l’activité professionnelle pour être déductibles, aucune disposition légale n’exige que de tels frais aient été faits au moyen de fonds déjà affectés à l’exercice de l’activité professionnelle. 17

Gand, 7 février 2000, T.G.R ., 2000, p. 269. 18

Question parlementaire n° 596 du 16 février 2001 du Représentant Y. LETERME. 19

Circulaire AFER n° 4/2002 du 19 février 2002.

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et idylliques ». L’administration y précise que de tels frais doivent êtres soumis à « un examen scrupuleux » par le fonctionnaire taxateur. De tels frais, poursuit la circulaire, ne peuvent être déduits à titre de frais professionnels dans la mesure où :

– ils n’ont pas été faits en vue d’acquérir ou de conserver des revenus imposables ; – ils dépassent de manière déraisonnable les besoins professionnels.

Cela implique notamment que doivent être totalement exclus des frais professionnels déductibles :

– tous les frais relatifs au voyage ou au séjour (y compris les frais d’hôtel et de restaurant) du conjoint du contribuable ;

– tous les frais se rapportant au divertissement, au tourisme et à la gastronomie qui sont combinés avec les activités de formation ;

– tous les frais de voyage et de séjour exagérés et les frais d’hôtel et de restaurant excessifs du contribuable.

Et la circulaire de poursuivre en ces termes : dans la mesure où les frais du contribuable peuvent bien être pris en considération, ils doivent, dans les circonstances envisagées, être limités à 50 % (actuellement 69 %). Cet autre jugement intéressant du tribunal de première instance de Louvain du 8 févr ier 2008

20 admet le caractère mixte de frais de voyage : au cours de l’année 1998, le demandeur

était assistant à la KULeuven et avocat. Il a déclaré ses frais professionnels réels pour sa profession d’avocat. Le demandeur a déduit à 50 % le prix de participation à quelques voyages qui ont été effectués dans le cadre de VRG-Alumni (les juristes de l’association ayant fait leurs études à la KULeuven), à titre de frais de représentation. Le demandeur n’a déduit que le montant des déplacements en ce qui concerne ces voyages, et non les dépenses qui ont été effectuées sur place. Il s’agit de voyages qui ont été organisés par l’association d’anciens étudiants de la faculté de droit de la KULeuven. Seuls des juristes ayant terminé leurs études, avec éventuellement leur partenaire, participent à ces voyages. Le dossier fiscal révèle que le demandeur travaillait majoritairement comme avocat pour d’autres avocats. Les voyages ont dès lors été effectués avec des clients potentiels et le montant de 50 % des déplacements peut être admis à titre de frais professionnels.

Déduction admise sur les biens « offerts ». – Il faut souligner que si une dépense doit nécessairement se rattacher à l’exercice d’une activité professionnelle pour donner lieu à déduction, il n’est nullement requis qu’elle soit faite à l’aide de fonds déjà affectés à l’exercice de l’activité professionnelle. C’est ainsi qu’un contribuable peut pratiquer un amortissement sur une voiture qui aurait été offerte par ses parents

21.

Activités illicites. – Les dépenses exposées dans le cadre d’une activité illicite ne sont pas déductibles. Ainsi, ne peuvent être déduits à titre de frais professionnels, des intérêts bancaires afférents à un crédit, des honoraires d’avocat et des frais de justice, le tout concernant des faits de recel pour lesquels le contribuable, exerçant la profession d’antiquaire, a été condamné pénalement

22.

Frais professionnels des sociétés. – Cette première condition du lien nécessaire avec

20 Civ. Louvain, 8 février 2008, disponible sur le site payant www.fiscalnetfr.be. 21

Bruxelles, 7 janvier 1993, Fiscologue, n° 429, 14 juin 1993, p. 6. 22

Gand, 6 septembre 2001, A.F.T., 2002, p. 35 (voyez également, Bruxelles, 4 février 1993, F.J.F., n° 94/109).

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l’activité professionnelle ne vaut en principe que pour les contribuables soumis à l’impôt des personnes physiques. Une société est un être moral créé exclusivement à des fins lucratives et toutes ses dépenses sont professionnelles. Ce principe doit cependant être nuancé. Ce n’est pas parce qu’une dépense n’a pas un caractère privé qu’elle est forcément exposée dans un but professionnel. La Cour de cassation s’exprime en effet en ces termes : « s’il est entendu que si les activités d’une société ont, par définition, un caractère lucratif, il n’en résulte pas pour autant que toutes les dépenses qu’elle effectue constituent des dépenses professionnelles déductibles »

23. Pour être déductible, la dépense ne peut en réalité avoir le caractère d’une

pure libéralité mais doit, selon l’expression du professeur J. Kirkpatrick, être « intéressée »24

. Depuis quelque temps, la jurisprudence semble même aller plus loin et donne une nouvelle

interprétation à cette première condition : une dépense n’est déductible que si elle est conforme et nécessaire à l’objet social de la société (voir infra).

Le recours par l’administration à la notion de résidence de plaisance ou d’agrément. – L’examen de cette première condition de rattachement de la dépense à l’activité professionnelle a donné lieu de la part de l’administration et de nos tribunaux à l’utilisation d’un nouvel argument : l’argument selon lequel une dépense doit être rejetée car elle doit être qualifiée de « dépense liée à une résidence d’agrément » au sens de l’article 53, 9° du C.I.R. 1992.

Interrogée en 2005 par une société, active dans le domaine informatique, sur la question de savoir si les frais d’un appartement que cette société souhaitait acquérir en vue de le donner en location étaient déductibles, la Commission du ruling (aujourd’hui dénommée : Service des décisions anticipées) a donné une réponse négative, considérant d’une part que de tels frais ne s’inscrivent pas dans la réalisation de l’objet social de la société tel qu’exprimé dans les statuts de la société, et, d’autre part, qu’une telle résidence doit être qualifiée de « résidence de plaisance ou d’agrément »

25. Pour la Commission du ruling, puisque

l’appartement a tous les traits d’une résidence de plaisance, les frais liés à cette résidence doivent être rejetés conformément à l’article 53, 9° du C.I.R. 1992. La Commission s’appuie sur le Commentaire administratif pour définir ce qu’il faut entendre par « résidence de plaisance » : il s’agit de « tout bien immobilier qui n’est ni affecté exclusivement ou principalement à l’exercice de l’activité professionnelle proprement dite, ni mis à disposition, à usage d’habitation principale ou exclusive, des membres du personnel ou des organes de gestion »

26.

Cette position de la Commission du ruling a été vivement critiquée. Jan Van Dyck considère, à juste titre, qu’une telle argumentation est erronée, notamment parce que la référence qui est faite au Commentaire administratif est totalement inappropriée

27. En effet,

selon l’auteur, la Commission utilise une partie du Commentaire et passe sous silence la suite du texte qui définit de manière ampliative les résidences d’agrément : il s’agit « des biens immobiliers dans lesquels peuvent être invités à séjourner du personnel ou des organes de gestion, des représentants, des clients, des fournisseurs, des relations d’affaires, etc., individuellement ou bien en groupe »

28. Et l’auteur de s’interroger à juste titre sur l’analogie

assez incompréhensible que fait la Commission entre un appartement mis en location et un immeuble qui serait destiné à inviter du personnel, des fournisseurs, etc. L’interprétation qui 23

Cass., 9 février 1965, Pas., 1965, I, p. 582 ; Cass., 3 mai 1960, Pas., 1960, I, p. 1205. 24

J. KIRKPATRICK, Le régime fiscal des sociétés en Belgique, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 11 25

Décision n° 500.051 du 14 juillet 2005. 26

Com. I.R., 53/173. 27

« La Commission du ruling utilise le truc des “résidences de plaisance” », Fiscologue, n° 1008, 6 janvier 2006, p. 2. 28

Com. I.R., 53/175.

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est faite de la notion de résidence d’agrément est donc bien trop large et à ce titre contestable. La jurisprudence est beaucoup plus nuancée en la matière. Le tribunal de première instance

de Mons n’a pas considéré qu’il y avait dépenses liées à des résidences de plaisance dans l’affaire intéressante exposée ci-après

29 : une société anonyme avait opéré la construction

d’un immeuble sur un terrain sis à Belle-Île-en-Mer et appartenant à son administrateur délégué. L’administrateur avait loué le terrain pour un loyer symbolique d’un franc et pour une durée indéterminée. Cette location a été consentie en vue de la construction par la société et à ses frais d’une maison de rapport destinée à être donnée en location à titre de maison de vacances. La convention liant la société et l’administrateur prévoyait que la société permettrait à son administrateur délégué de profiter de cette maison durant au moins un mois d’été pour un loyer fixé à un franc symbolique. L’administration a considéré que cette convention était désavantageuse pour la société (contrat « léonin ») et a refusé les frais exposés par elle à titre de frais liés à une résidence d’agrément (art. 53, 9° C.I.R. 1992). Le tribunal considère que la convention n’est pas désavantageuse pour la société, car celle-ci a pu obtenir la disposition du terrain pour un loyer d’un franc, ce qui lui a permis de construire un immeuble lui apportant un chiffre d’affaires, certes limité à onze mois sur douze, mais sans avoir exposé une véritable charge pour la jouissance du terrain. Et le tribunal d’ajouter que c’est en vain que le taxateur a entendu appliquer l’article 53, 9° du C.I.R. 1992, car les frais exposés pour la construction et l’entretien de l’immeuble, qui sont proportionnellement en rapport avec les droits de l’administrateur délégué d’occuper le bien pendant un mois par an, sont avant tout nécessités par l’activité professionnelle de la société dans le domaine de la location immobilière. Il est intéressant de noter également que le juge a pertinemment considéré que la circonstance que l’opération aurait excédé l’objet social était sans incidence dès lors que les revenus sont soumis à l’impôt et que les charges n’apparaissent pas être exposées dans le cadre de conventions dont la contrariété à l’ordre public pourrait être alléguée.

Dans cette autre affaire dont eut à connaître le tribunal de première instance de Hasselt30

, l’administration estimait que les frais en relation avec un bien immeuble sis à la Côte belge dont dispose le contribuable (à savoir une société dont l’activité consiste entre autres à donner en location des biens immeubles) devaient être rejetés au motif que cet immeuble devait être considéré comme résidence d’agrément, au sens qui est donné par le Commentaire administratif. Le tribunal estime que le contribuable peut déduire les frais, car l’administration reste en défaut de prouver qu’il s’agit d’une résidence d’agrément. En effet, les circonstances que l’habitation n’ait généré de revenus locatifs que durant cinq mois, alors que les charges se sont étendues sur toute l’année et que pendant les périodes au cours desquelles le bien n’était pas donné en location, des communications téléphoniques aient été données, ne forment aucune preuve de l’existence d’une résidence d’agrément.

Mise à disposition d’immeubles ou de parties d’immeubles appartenant à une société pour les besoins privés de son dirigeant : conforme à cette première condition du lien avec l’activité professionnelle ? – Lorsqu’une partie d’un bien immobilier est mise à disposition par une société pour les besoins privés du gérant ou de l’administrateur, l’administration fiscale entend souvent rejeter une quotité des amortissements pratiqués par la société sur l’immeuble, et ce en dépit du fait qu’un avantage en nature ait été retenu et taxé dans le chef du gérant ou de l’administrateur. L’acharnement de l’administration est d’autant plus grand que le contribuable a recours à l’utilisation de droits réels démembrés (usufruit,

29

Trib. Mons, 24 mars 200, F.J.F. , n° 2006/170. 30

Trib. Hasselt, 4 mai 2005, F.J.F., n° 2006/74.

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emphytéose, superficie). Certains taxateurs vont même jusqu’à taxer à titre d’avantage en nature le s amortissements

pratiqués. Deux jugements particulièrement intéressants ont quelque peu « remis les pendules à l’heure » et méritent d’être cités. Le tribunal de première instance de Namur a tout d’abord rappelé que lorsqu’une société, qui est titulaire d’un droit de superficie sur un terrain pour une durée de vingt ans, a érigé une construction sur celui-ci, l’amortissement non seulement peut, mais doit – pour être conforme aux règles du droit comptable – s’étendre sur la même durée que celle du contrat de superficie. Le fait que la majeure partie (77 %) du bâtiment soit affectée à l’usage privé du propriétaire, principal actionnaire de la société, doit demeurer sans incidence, et n’entraîne pas une réduction du taux d’amortissement annuel pratiqué, car il ne change rien au fait que le bâtiment sortira du patrimoine de la société au terme du contrat de superficie. Le juge conclut que les amortissements liés à la quote-part non professionnelle de l’immeuble auraient pu être rejetés comme dépenses non admises, si l’actionnaire n’avait pas été imposé sur l’avantage en nature que constitue pour lui la disposition de cette quotité

31.

Dans le même sens, la cour d’appel d’Anvers a jugé que l’amortissement annuel sur un immeuble doit être déterminé sur la seule base de la durée d’utilisation normale et qu’il fallait entendre par ces termes non une durée d’utilisation in abstracto valant pour tout immeuble mais la durée restante du droit de superficie, puisque le superficiaire ne peut utiliser l’immeuble après l’extinction de son droit

32.

Cet autre litige porté devant le tribunal de première instance de Liège33

concernait le problème d’un rejet par l’administration des amortissements relatifs à la partie (estimée à 60 %) d’un bâtiment érigé par une société et réservée à l’usage d’habitation de ses dirigeants et associés principaux, les époux D et S, détenteurs de 749 parts sur 750. Le taxateur, se basant sur l’article 49 du C.I.R. 1992, considéra qu’à concurrence de 60 % du bâtiment nouvellement construit (une villa), les charges ne revêtaient pas de caractère professionnel.

La taxation est motivée, écrit l’administration dans ses conclusions, en raison des conditions privilégiées établies en faveur des époux D et S, bailleurs emphytéotiques et dirigeants de la société requérante, et par le fait que les recettes et les charges dans le chef de la société emphytéote sont dérisoires, le montant de la valeur d’investissement et des frais d’entretien de cette villa de standing est sans commune mesure par rapport au loyer (correspondant à l’avantage en nature).

Le juge reconnaît tout d’abord qu’il s’agit bien d’un « montage » ou d’une construction juridique permettant aux associés de devenir par le jeu de l’accession et sans indemnité propriétaires d’un bâtiment dont l’acquisition a été financée et prise en charge par la société en tant qu’emphytéote. Il ne suit toutefois pas l’administration et admet la déduction intégrale des amortissements. Les considérations particulièrement pertinentes et novatrices du juge, qui le cas échéant pourraient être utilisées par le lecteur, valent d’être ici résumées :

– il n’appartient pas à l’administration de juger de l’opportunité ou de l’utilité d’une dépense : il ne peut dès lors être reproché à la société de mettre à disposition des dirigeants, pour leurs besoins privés et moyennant un prix relativement modique une partie de l’immeuble, fût- il de standing ;

– la mise à disposition d’un immeuble par un employeur ou une société à un de ses travailleurs ou de ses dirigeants n’a rien d’exceptionnel, et a été envisagée expressément par le législateur, qui a indiqué les règles à suivre pour déterminer la valeur de l’avantage en nature à retenir ;

31

Trib. Namur, 26 octobre 2005, F.J.F., n° 2006/9 32

Anvers, 6 décembre 2005, F.J.F., n° 2006/169. 33

Civ. Liège, 20 septembre 2004, F.J.F., 2006, liv. 1, p. 54.

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29

– une telle mise à disposition peut résulter du souci ou de l’idée de placer son bénéficiaire dans un environnement favorable, de lui réserver des conditions et une situation de nature à le rendre plus disponible et « mieux dispo » à l’égard de son entreprise, bref plus performant, avec la conséquence d’en retirer en définitive un bénéfice ;

– une pareille mise à disposition peut aussi s’analyser comme une autre manière de rémunérer les personnes travaillant dans l’entreprise, avec le bénéfice (moindre coût) que cette autre forme de rémunération peut engendrer ;

– le fait que le bâtiment mis à disposition d’un gérant par la société dans laquelle il travaille appartienne, depuis plus ou moins longtemps, à ce que l’on pourrait appeler un « plein propriétaire » (l’entreprise étant aussi propriétaire du fonds) ou appartienne à un « propriétaire superficiaire » (l’entreprise étant propriétaire du bâtiment en vertu d’un contrat de superficie ou d’un bail emphytéotique) ne peut avoir à cet égard aucune incidence ;

– la prise en charge par la société de la dotation aux amortissements de la dépréciation subie par la partie de l’immeuble en cause constitue une partie de la charge que représente pour elle la mise à disposition de ladite partie du bâtiment à son gérant et à sa famille ;

– en ce qui concerne l’avantage que l’administration considère comme acquis dans le chef des associés en raison du fait qu’ils pourraient sans indemnité devenir propriétaires du bâtiment par le jeu de l’accession, il y a lieu de relever (ainsi que l’avait soulevé dans ses conclusions la requérante) que c’est au moment de l’accession qu’il faudra se placer pour constater et évaluer l’éventuel profit réalisé par lesdits associés (sous la forme d’un éventuel avantage de toute nature imposable à ce moment).

On retiendra de ce jugement que l’administration ne peut, tout au long de la durée du bail emphytéotique, réaliser d’immixtion dans la gestion des affaires, nier les conséquences juridiques attachées au droit réel démembré (sauf le cas éventuel d’une simulation) et faire fi des règles légales déterminant la fixation d’un avantage en nature. Mais à l’issue du bail emphytéotique, c’est-à-dire lors de l’accession, l’administration recouvrera son pouvoir d’appréciation et pourra le cas échéant taxer un éventuel avantage.

Section 2 Deuxième condition : la dépense doit être faite ou supportée pendant la période imposable

Notion de dette certaine et liquide. – Pour être déductible, une dépense doit soit être réellement payée ou supportée, soit avoir acquis le caractère de dette ou perte liquide et avoir été comptabilisée comme telle. Lorsque les frais sont réellement payés, il n’y a pas de difficultés. Les termes « dettes » ou « pertes certaines et liquides » appellent en revanche un commentaire. Ils doivent être interprétés au sens de l’article 1494 du Code judiciaire, à savoir dettes ou pertes « qui existent sûrement et dont le montant est connu à la fin de l’année ou de l’exercice comptable ».

Les dettes ou pertes conditionnelles, c’est-à-dire les dettes ou pertes dont le principe et/ou le montant sont soumis à des conditions non encore réalisées ou qui dépendent d’un jugement, d’une expertise, etc. sont donc en principe exclues.

Précisons que les frais professionnels se distinguent des provisions pour risques et charges visées à l’article 48 du C.I.R. 1992. Les provisions sont constituées parce qu’un événement particulier, qui s’est produit pendant la période imposable, entraînera vraisemblablement à l’avenir une dépense dont le montant n’est pas encore connu avec certitude et n’est donc pas liquide

34.

34

Voir Gand, 18 novembre 1993, R.G.F ., 1994, p. 159 ; Liège, 21 septembre 2000, Fiscologue, n° 773, 27

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Remises de dettes. – Qu’en est- il des remises de dettes et des réductions de valeur sur créances ? Une remise de dette sous condition résolutoire de « retour à meilleure fortune » avant le 31 décembre 1998 n’a pas été considérée par la cour d’appel de Gand comme ayant le caractère de dette certaine et liquide au cours de l’exercice d’imposition 2003

35. Selon la

Cour, on pouvait à ce moment s’attendre tout autant à ce que la condition soit remplie qu’à ce qu’elle ne soit pas remplie. Si elle est remplie, la réalisation de la condition a un effet rétroactif jusqu’au jour où l’engagement conditionnel a été contracté (art. 1179 C. civ.). Si elle n’est pas remplie, la remise de dette persiste. Il n’existe pas de certitude quant à la réalisation ou non de la condition. De plus, dit la cour, on peut supposer qu’il existait une possibilité réelle de retour à une situation meilleure, raison pour laquelle il a été stipulé une telle condition résolutoire, compte tenu également de son intention de s’assurer « de la continuation des activités de la société concernée ».

Il a aussi été jugé par la cour d’appel de Liège que ne répondaient pas à la condition de dette certaine et liquide au sens de l’article 49 du C.I.R. 1992, deux réductions de valeur (l’une de 385.000.000 BEF et l’autre de 76.000.000 BEF) actées par une société sur une créance dont elle était titulaire sur une A.S.B.L. s’occupant d’œuvres sociales dont elle contrôlait en fait l’activité et à qui la requérante avait consenti des avances

36. Les éléments de

fait cités par la cour pour démontrer que les réductions de va leur actées ne sont pas devenues certaines et liquides sont les suivants :

– après la décision d’abandonner la créance, la société continue d’accorder des avances à l’A.S.B.L. ; – l’A.S.B.L. est une émanation directe de la société et est financée de manière continue par

cette dernière ; – la réduction de valeur s’inscrit dans un ensemble plus vaste de moyens mis en œuvre afin

de financer l’A.S.B.L. gérant les œuvres sociales et il n’est nullement démontré que la réduction de valeur est la conséquence de l’insolvabilité de l’A.S.B.L. ;

– le directeur de la requérante a admis devant le taxateur qu’il espérait récupérer la créance ; – enfin, la requérante, après avoir acté une réduction de valeur de 385.000.000 BEF, a

accordé de nouveaux crédits à l’A.S.B.L. pour un montant de 140.000.000 BEF.

La cour en conclut que les abandons de créances sur les avances de fonds consenties constituent un réel mode de financement des activités de l’A.S.B.L. par affectation des bénéfices de la société au détriment du Trésor public.

La question de la déduction des abandons de créances est également analysée par la jurisprudence à la lumière du respect de la troisième condition (conservation et sauvegarde des revenus imposables, voir supra).

La problématique des dépenses exposées après la cessation. – Qu’en est- il des frais exposés après la cessation de l’activité professionnelle ? Jusqu’à la position rendue par la Cour constitutionnelle du 21 juin 2000, la jurisprudence et, en première ligne, la Cour de cassation s’étaient prononcées à plusieurs reprises dans un sens négatif sur la déduction des intérêts payés après la cessation de l’activité sur les emprunts contractés à des fins

octobre 2000, p. 9. 35

Gand, 12 avril 2005, F.J.F. , n° 2006/96. 36

Liège, 4 mai 2005, J.D.F., pp. 272 à 276.

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professionnelles au cours de l’activité professionnelle antérieure. La Cour constitutionnelle a désormais posé le principe d’une déduction des frais nécessités

par l’activité professionnelle antérieure mais supportés postérieurement à la cessation37

. En l’espèce, le requérant avait contesté le refus de l’administration de déduire de sa base imposable les intérêts liés à un emprunt destiné à augmenter le capital de la société, déclarée en faillite depuis lors, dont il était administrateur et dont il tirait ses revenus. La Cour constitutionnelle justifie son arrêt en précisant que : « tant les revenus perçus que les charges exposées après la cessation d’une activité ont en commun, nonobstant cette cessation, d’avoir pour cause l’exercice antérieur de cette activité, en l’absence de laquelle ces revenus n’auraient pas existé. S’il relève du pouvoir d’appréciation du législateur de décider si les effets d’une activité professionnelle qui perdurent au-delà de sa cessation conservent ou non un caractère professionnel, il n’est toutefois pas justifié de prendre en compte, parmi ces effets, les revenus, et de ne pas prendre en compte les charges et dépenses »

38. Selon la Cour,

ne pas accepter cette théorie irait à l’encontre du principe d’égalité garanti par la Constitution. La jurisprudence suit cette interprétation de la Cour d’arbitrage.

Est-ce à dire que tous les intérêts payés après la cessation d’une activité professionnelle sur des emprunts contractés à des fins professionnelles avant cette cessation demeurent déductibles en tant que frais professionnels ? Rien n’est moins sûr. L’enseignement de la Cour constitutionnelle est que la déductibilité n’est admise que si les intérêts payés après la cessation de l’activité professionnelle trouvent leur cause dans cette activité professionnelle. Et tout est cas d’espèce. Supposons qu’un entrepreneur ait emprunté une somme de 250.000 EUR destinée à être affectée à l’activité professionnelle sous forme d’investissements divers. Contraint de cesser ses activités professionnelles d’indépendant, il décide de devenir employé, alors que son emprunt n’est pas totalement remboursé et que ses investissements ont déjà été vendus. Les intérêts qui restent dus doivent être considérés comme déductibles car ils trouvent encore leur cause dans l’activité professionnelle antérieure. Supposons à présent que ce même entrepreneur ait affecté les investissements à des fins privées après la cessation. Par exemple, la maison qu’il avait affectée à des fins professionnelles lui sert désormais d’habitation. Il est en ce cas raisonnable de considérer que les intérêts de l’emprunt contracté au départ à des fins professionnelles et qu’il paie encore après la cessation ne trouvent plus leur cause dans l’activité professionnelle antérieure. Dès lors, ces intérêts perdent leur caractère déductible.

On ajoutera aussi, pour être complet sur cette question de frais exposés après cessation, que le contribuable qui aurait à la fois des revenus de cessation dont la taxation est différente (par exemple des arriérés de profits et une plus-value de cessation), est tenu d’imputer les frais professionnels supportés après cessation proportionnellement sur ses différents types de revenus. C’est ainsi que le tribunal de première instance d’Anvers a refusé à un avocat le droit de déduire de tels frais exclusivement sur les arriérés de profit (taxés plus lourdement) et pas sur la plus-value de cessation39.

Obligation de comptabiliser la dette certaine et liquide ? – La dette ou la perte doit non seulement être certaine et liquide pendant la période imposable, mais, pour le fisc, elle doit aussi avoir été comptabilisée pendant cette période imposable

40.

37

Arrêt du 21 juin 2000, F.J.F., n° 2002/070. 38

Bruxelles, 1er février 2002, Act. fisc., liv. 16, p. 4. 39

Trib. Anvers, 6 septembre 2006, non encore publié. 40

Le mot « comptabilisé » ne signifie pas pour autant qu’il faille tenir une comptabilité complète telle que prévue par la législation comptable. En effet, en matière d’impôt sur les revenus, pour qu’une comptabilité soit admise comme suffisante et régulière, il faut que les livres soient appuyés de documents justificatifs et que l’ensemble puisse être considéré comme étant suffisamment sincère et exact pour déterminer avec précision les

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Une dette certaine et liquide qui n’est donc pas comptabilisée à temps est-elle d’emblée écartée comme non déductible ?

La doctrine a toujours été assez divisée sur la question. D’aucuns considèrent que le contribuable a le choix de comptabiliser la dépense dès l’année où celle-ci est née et de la déduire dès ce moment, ou de ne la comptabiliser et la déduire que l’année du paiement

41.

D’autres, en revanche, considèrent que c’est le principe de réalisation et d’annualité de l’impôt qui prévaut et le contribuable doit comptabiliser les dettes certaines et liquides l’année où elles sont nées et non au cours de l’année de paiement

42.

La cour d’appel de Gand s’est visiblement rangée dans le camp des partisans de la seconde thèse dans les deux affaires suivantes.

Dans la première affaire, une société avait enregistré diverses factures parmi ses dépenses exceptionnelles de l’exercice 1985. L’administration rejette ces factures au motif qu’il s’agit en réalité de factures d’achats relatives à l’année 1982, que la société a oublié d’enregistrer dans sa comptabilité. La Cour donne raison à l’administration

43.

Dans la seconde affaire, les faits dont eut à connaître cette même Cour étaient les suivants : en 1992, une société, en vertu d’une convention conclue avec une personne physique, doit des intérêts pour un montant de 35.572,92 EUR. La société paie et comptabilise les intérêts dans son compte de résultats de l’année 1993. Selon l’administration, la dette étant certaine et liquide en 1992, le contribuable aurait dû comptabiliser une charge dans les comptes de l’année de 1992. L’administration, considérant qu’il y a violation de l’article 49 du C.I.R. 1992 et du principe de l’annualité de l’impôt refuse en conséquence la déduction en 1993 des intérêts payés et comptabilisés en 1993 et qui se rapportent à 1992. Le tribunal de première instance de Bruges ne suit pas la thèse du fisc et la cotisation est annulée. La cour d’appel de Gand

44 réforme ce jugement sur la base du principe de primauté du droit comptable sur le

droit fiscal. Selon la Cour, il est impossible, en se fondant sur les travaux parlementaires se rapportant à l’article 49 du C.I.R. 1992, de présumer que le contribuable disposerait d’une quelconque option de déduire une dépense soit l’année au cours de laquelle cette dépense a acquis le caractère certain et liquide, soit l’année au cours de laquelle une dépense a été payée. En l’absence de prescription du législateur en la matière, ce sont les règles du droit comptable qui doivent être suivies et celles-ci imposent d’enregistrer la dette dans les comptes de l’année où la dette est certaine et liquide.

Avec Olivier Willez45

, nous ne partageons pas cette analyse qui se heurte au texte très clair de l’article 49, alinéa 2 du C.I.R. 1992. Cet alinéa dispose que « sont considérés comme ayant été faits ou supportés pendant la période imposable les frais qui, pendant cette période, sont effectivement payés ou supportés ou qui ont acquis le caractère de dettes certaines et liquides et sont comptabilisés comme telles ». La portée du texte ne laisse guère de place à l’interprétation. Le terme « ou » démontre que le contribuable peut déduire une dépense dans l’une ou l’autre des situations évoquées dans le texte. Selon l’interprétation de la Cour, il serait interdit de déduire la dépense l’année au cours de laquelle elle a été payée. Comme l’écrit O. Willez, « de toute façon, rien ne permet de déduire des travaux parlementaires que

revenus imposables des redevables. Il n’est donc pas nécessaire qu’elle réponde à toutes les prescriptions prévues par la loi du 17 juillet 1975 sur la comptabilité et les comptes annuels des entreprises (Com. I.R., 49/7). 41

J. KIRKPATRICK, « Examen de jurisprudence, 1968-1982 », R.C.J.B., 1985, p. 637 ; J.-P. NEMERY DE

BELLEVAUX, note sous Cass., J.D.F., 1975, p. 28. 42

S. VAN CROMBRUGGE, Fiscologue, n° 679, 16 octobre 1998. 43

Gand, 20 septembre 2000, Act. fisc., n° 2000/40, p. 10. 44

Gand, 5 octobre 2004, T.F.R., 2005, liv. 279, p. 341 et http://tfrnet.larcier.be (28 avril 2005), note I. VAN DE

WOESTEYNE, T.R.V., 2004, liv. 7, p. 690, note S. HUYSMAN. 45

« Moment de la déduction des frais professionnels », Act. fisc., 2005, n° 7, pp. 3 à 6.

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l’intention du législateur ait été de ne permettre la déduction d’une charge que l’année pendant laquelle cette charge a acquis le caractère d’une dette certaine et liquide. Le passage des travaux préparatoires auxquels fait référence l’arrêt de la cour d’appel de Gand fait simplement état de la pratique administrative selon laquelle une dépense pouvait être déduite l’année au cours de laquelle celle-ci avait acquis le caractère de dette certaine et liquide, même si cette dépense n’avait pas été payée au cours de la même année ».

L’administration n’est d’ailleurs pas toujours cohérente à ce propos. À titre de preuve, la cour d’appel de Bruxelles s’est penchée sur une situation inverse à celles exposées ci-avant : la comptabilisation d’une charge réelle, mais dont le paiement est reporté à une période ultérieure. Le cas soumis à la cour était le suivant : une société attribue une rémunération à son gérant, la comptabilise dans ses charges, mais décide d’en reporter, partiellement, le paiement au début des deux années suivantes. Selon l’administration, la charge doit être rejetée fiscalement car l’attribution ne peut acquérir le caractère de dette certaine et liquide qu’au moment où elle est effectivement payée. La cour estime que l’administration opère en l’espèce une confusion entre attribution et paiement : la dette est certaine et liquide au moment de l’attribution même si elle n’est exigible que lors d’une période imposable ultérieure. En soutenant que la dette doit être également exigible pour être déductible, l’administration ajoute une condition non prévue par la loi

46. Le tribunal de première instance

de Hasselt considère également que la décision d’une assemblée générale d’une société d’accorder à l’associé actif un salaire déterminé et déterminable crée un droit dans le chef de l’associé actif à concurrence d’un montant déterminé et déterminable, même si la date d’attribution et/ou d’exigibilité n’est pas déterminée

47. La dette est par conséquent certaine et

liquide dans le chef de la société. Selon le juge, lorsque la comptabilisation par le contribuable manifeste la volonté d’exprimer une dette définitive, il faut considérer qu’il est satisfait à la condition de comptabilisation en tant que dette certaine et liquide au sens de l’article 49 du C.I.R. 1992.

Le droit fiscal face à l’utilisation des comptes de régularisation imposés par le droit comptable. – Que se passe-t- il lorsque le contribuable décide de payer une charge qui a acquis un caractère certain et liquide lors d’une période imposable mais qui se rapporte incontestablement à l’exercice suivant, comme le paiement d’un loyer relatif à 2007 qui serait déjà payé en décembre 2006 ? Le loyer doit- il être pris en charge en 2006 ou en 2007 ?

En droit fiscal, la dépense répond aux conditions de l’article 49 du C.I.R. 1992 et doit, en principe, être comptabilisée comme une charge de 2006 et non de 200 Par ailleurs, le principe de l’annualité de l’impôt (art. 360 C.I.R. 1992) autorise l’administration à ne tenir compte que des événements survenus pendant la période imposable et non des faits concernant des exercices antérieurs ou ultérieurs. Ce qui fait courir le risque pour le contribuable de se voir refuser la déductibilité de la charge s’il attend 2007 pour l’enregistrer.

Le droit comptable, en revanche, applique le « principe de concordance » qui commande, au moment d’établir les comptes, de tenir compte des frais et produits afférents à d’autres exercices, sans considération de la date de leur paiement ou d’encaissement. En pratique, la législation comptable prescrit de reprendre la charge dans la proportion adéquate dans un compte de régularisation d’actif (charge à reporter).

Il existe donc une distorsion entre les obligations comptables et les règles fiscales. En vertu d’un principe général, le droit comptable s’impose au droit fiscal, sauf dérogation expresse du droit fiscal. Or, c’est précisément le cas et le droit fiscal impose théoriquement aux 46

Bruxelles, 18 mars 1999, F.J.F., n° 99/22 47

Trib. Hasselt, 23 novembre 2005, F.J.F. , n° 2006/193.

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contribuables l’obligation d’enregistrer immédiatement en charges la dépense, au risque de se la voir refusée ultérieurement. L’administration, dans son Commentaire administratif, offre cependant une solution apaisante. Elle considère que rien ne s’oppose, dans la mesure où les dépenses se rapportent à une période future, à ce qu’elles soient portées à un compte de régularisation comme « actif provisoire » et que les comptes de charge correspondants ne soient débités que pendant l’exercice comptable auquel lesdites charges se rapportent

48.

En résumé, l’entreprise peut donc choisir soit de prendre en charge intégralement la dépense, soit de recourir aux comptes de régularisation et de reporter la prise en charge de la dépense

49.

Section 3 Troisième condition : dépense consentie en vue d’acquérir ou de conserver des revenus imposables (finalité de la dépense)

Principes. – La dépense ne doit pas seulement avoir un lien avec l’activité professionnelle, elle doit aussi avoir pour finalité l’acquisition ou la conservation de revenus professionnels. La dépense doit être engagée dans un but intéressé et non à fonds perdus.

Les dépenses supportées en vue d’encourager un tiers, sans contrepartie adéquate, ou qui ne correspondent pas (ou pas totalement) à des prestations en faveur de l’entreprise seront considérées comme ne répondant pas au prescrit de l’article 49 du C.I.R. 1992

50. Elles

pourraient aussi être qualifiées d’avantages anormaux ou bénévoles51

. Le Commentaire administratif (Com. I.R. 49/11) fournit une liste d’exemples de frais

destinés à l’acquisition ou la conservation de revenus imposables. Il s’agit par exemple de frais exposés en vue du maintien en bon état d’immeubles exploités, ou pour garantir des actifs affectés à l’exercice de l’activité professionnelle contre l’incendie, le vol ou autres dépravations.

Il importe de souligner que pour être déductibles, les frais ne doivent pas nécessairement avoir été faits ou supportés en vue d’acquérir ou de conserver des revenus de l’année même ou de l’exercice comptable au cours duquel ils ont été faits (Com. I.R. 49/12) : une taxe de circulation payée pour l’année suivante est, par exemple, déductible. Par contre, les dépenses pour une activité future ne sont pas déductibles.

Il ne faut cependant pas confondre activité future et absence momentanée de revenus. Il faut mais il suffit qu’il y ait une activité : « nulle disposition de la loi fiscale ne soumet la déductibilité des charges professionnelles qu’un contribuable a supportées au fait que son activité ait effectivement engendré des revenus taxables »

52. La Cour de cassation a déjà eu

l’occasion de souligner qu’une dépense peut être un acte inutile, comme les frais d’un emprunt obligataire qui avait avorté

53.

48

Com. I.R., 49/14. 49

Choix encore confirmé par la réponse à la question n° 232 du 7 janvier 1993 (Bull. contr., n° 727/5.93, p. 1290). 50

À noter qu’une charge non décaissée, tel un amortissement, peut aussi être rejetée dès qu’elle ne répond pas à cette troisième condition. 51

Il faut savoir cependant qu’en cas de reconnaissance d’un avantage anormal ou bénévole sur la base de l’article 26 du C.I.R., la charge de la preuve incombe à l’administration. Celle -ci préférera donc recourir au rejet de la charge sur la base de l’article 49 du C.I.R. lorsque la charge correspond à un décaissement effectif et que les conditions de déduction ne sont pas réunies. 52

Liège, 25 octobre 1989, R.G.F., 1990, p. 125, note G. JORION. 53

Cass., 27 janvier 1959, Pas., 1959, I, 536.

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35

La cour d’appel de Gand54

n’a pas suivi la position de l’administration qui avait rejeté les dépenses d’un conseiller d’entreprises et médiateur car ces dépenses dépassaient ses revenus et donnaient lieu à un revenu négatif. Le taxateur avait en effet considéré que les charges professionnelles excédaient de façon déraisonnable les nécessités professionnelles et devaient en conséquence être limitées aux commissions et honoraires perçus. La cour rejette catégoriquement cette argumentation et estime que ce n’est pas parce que les revenus sont inférieurs aux prévisions qu’on peut en conclure que les dépenses sont déraisonnables. Selon la cour, il suffit que les frais aient une relation causale avec l’exercice de l’activité professionnelle et aient été supportés pendant la période imposable pour acquérir ou conserver des revenus imposables, ce qui est le cas en l’espèce.

Illustrations jurisprudentielles. – Cette troisième condition, dite de la finalité de la dépense, fait également l’objet d’une abondante jurisprudence. Nous passons en revue les principales hypothèses.

Il a ainsi été jugé :

– à propos d’un mandat gratuit : « En vertu de l’article 49 du C.I.R., les charges professionnelles sont celles qui ont été faites ou supportées en vue d’acquérir ou de conserver les revenus imposables. Par conséquent, dès lors que comme en l’espèce un contribuable exerce un mandat à titre gratuit, il ne peut revendiquer la déduction des dépenses qu’il a consenties dans le cadre dudit mandat même si, au cours d’un exercice précédent, et de manière erronée, l’administration lui avait accordé cette possibilité »

55 ;

– à propos d’une activité accessoire ne générant aucun bénéfice : dans le cadre de sa profession accessoire d’éleveur de chevaux, pour laquelle il ne reçoit aucun revenu, le contribuable entend déduire certains frais à l’impôt des personnes physiques. L’administration refuse la déduction de ces frais au motif que les dépenses n’ont pas été faites afin d’acquérir ou de conserver des revenus imposables et qu’elles excèdent de manière déraisonnable les besoins profe ssionnels. Le contribuable répond que l’administration a admis pour un exercice d’imposition précédent que de tels frais déclarés étaient des frais professionnels et avaient été exposés en vue d’acquérir ou de conserver des revenus imposables. Le tribunal juge toutefois que cela n’implique pas que l’administration se soit également engagée pour les années suivantes, d’autant que l’accord mentionnait expressément que les éléments retenus ne valaient que pour l’exercice d’imposition concerné. Pendant plus de cinq ans, aucun chiffre d’affaires ne fut réalisé. Il n’y a eu que des dépenses. La loi exige que les dépenses soient faites dans l’intention de poursuivre un bénéfice. Dès lors qu’il est constant en l’espèce que le contribuable n’avait pas l’intention de chercher à se procurer un revenu, les frais ne peuvent être portés en déduction

56.

Il arrive parfois que l’administration décide de réduire les frais de la profession accessoire au bénéfice brut de cette activité. Le tribunal de première instance d’Anvers, confronté à cette situation, a jugé la cotisation arbitraire au motif qu’aucune disposition légale ne subordonne le caractère déductible des frais professionnels au fait que l’activité doive rapporter suffisamment de revenus imposables

57 ;

– à propos de l’acquisition d’options et de la volonté de déduire des primes d’options : en l’espèce, la requérante conteste, d’une part, le refus de l’administration de considérer comme frais déductibles les primes d’options, de commissions et de courtages occasionnées

54

Gand, 13 septembre 2005, F.J.F., 2006, liv. 3, p. 253, note ; T.F.R., 2006, liv. 296, p. 157 et http://tfrnet.larcier.be (7 mars 2006), note F. MARCK. 55

Mons, 15 novembre 2002, www.fiscalnet.be. 56

Trib. Louvain, 4 octobre 2002, T.F.R., 2003, liv. 249, p. 902. 57

Trib. Anvers, 4 mai 2005, Cour. fisc., 2005 (reflet W. WILLEMS), liv. 17, p. 595, note W. WILLEMS, R.G.C.F., 2005, liv. 5, 330, note M. MORIS.

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par l’achat concomitant d’options « put » et « call » portant sur les mêmes actions et levées de façon quasi simultanée et, d’autre part, l’accroissement lui ayant été infligé pour fraude. Pour l’administration, en effet, suivant en cela l’avis de la Commission des normes comptables (C.N.C.), la valeur d’acquisition et de revente des titres doit être calculée en considérant le total des sommes décaissées pour les acquérir et les revendre. Or, considérant cela, l’opération de la requérante a non pas abouti à une plus-value comme elle le prétend, mais à une moins-value et n’avait donc pour objectif que de soustraire au fisc une partie de son bénéfice taxable tout en réclamant la déduction de charges qui n’en étaient pas. Pour la requérante, au contraire, l’administration ne peut discuter le caractère professionnel des débours engagés et en aucun cas il ne peut lui être reproché une intention frauduleuse. Après examen, la cour rejette en bloc la position de la requérante, estimant la position de l’administration tout à fait à propos et l’intention de la requérante d’éluder l’impôt incontestable

58 ;

– à propos de frais financiers liés à une opération qui s’est révélée déficitaire : il est un principe qu’il n’y a ni simulation prohibée à l’égard du fisc, ni partant fraude fiscale, lorsque, en vue de bénéficier d’un régime fiscal plus favorable, les parties, usant de la liberté des conventions, sans toutefois violer aucune obligation légale, établissent des actes dont elles acceptent toutes les conséquences, même si ces actes sont accomplis à seule fin de réduire la charge fiscale. En l’espèce, la requérante conteste le rejet par l’administration d’un montant d’intérêts dont elle demandait la déduction, au motif que ceux-ci résultent en fait d’une opération avec des sociétés interdépendantes, opération visant uniquement à éluder l’impôt. Par ailleurs, pour l’administration, une telle déduction ne peut être prise en considération dès lors que le résultat de l’opération précitée s’est avéré déficitaire. Après examen, le tribunal rejette cependant cette argumentation et reçoit le recours. Pour lui, en effet, la déductibilité des dépenses professionnelles n’est pas subordonnée à la réalisation de l’objectif visé, à savoir la réalisation ou la conservation des revenus, mais à la réalité de ce but. De même, pour le tribunal, « il ne peut être question de simulation en l’espèce, dès lors que toutes les parties à la cause ont sans aucun doute accepté toutes les conséquences des actes auxquels elles ont pris part »

59 ;

– à propos d’un surprix payé pour acquérir des actions : le surprix n’est pas déductible en faisant application de l’article 44 du C.I.R. 1964 (art. 49 C.I.R. 1992), au motif que la société ne démontre pas avoir payé ce surprix dans le but d’acquérir ou de conserver des bénéfices. Pour arriver à cette conclusion, la cour se base sur les éléments suivants : – aucune expertise n’a été demandée par la S.P.R.L. pour déterminer la valeur des actions de la S.A. ; – la prétention selon laquelle un autre acheteur potentiel aurait proposé le même prix n’est pas étayée puisque le nom de cet acheteur n’est pas précisé, ni le montant de son offre ; – un surprix de 30.000.000 BEF pour des actions valant 70.000.000 BEF est extravagant ; – les champs d’activités des deux sociétés sont différents et non complémentaires ; – la société ne démontre pas que le surprix aurait été payé pour permettre l’éviction d’un concurrent ou pour s’assurer une position de (quasi-) monopole sur le marché

60 ;

– à propos de frais de sponsoring : les faits concernent un courtier spécialisé dans l’octroi de prêts personnels et hypothécaires, pour lesquels il collabore avec une dizaine d’établissements financiers. Par client apporté, il reçoit une commission de la part des établissements financiers. Le 22 janvier 1996, il a conclu avec une société un accord relatif au sponsoring de l’unique pilote belge de motocross dans le championnat mondial de

58

Bruxelles, 15 février 2002, www.fiscalnetfr.be (Actualités du 5 juin 2002). 59

Trib. Bruxelles, 2 septembre 2002, A.F.T., 2003, liv. 5, p. 270. 60

Bruxelles, 19 janvier 2000, Act. fisc., 2000 (reflet MAGREMANNE), liv. 9, p. 2.

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vitesse de catégorie 500. En échange du sponsoring, le courtier a reçu un espace publicitaire sur la moto et sur la combinaison du pilote concerné. L’administration rejette ces dépenses au motif qu’à propos d’une entreprise ayant un chiffre d’affaires de 10.344.370 BEF et des dépenses de sponsoring de 2.565.000 BEF, il convient de se demander si celles-ci ne dépassent pas de manière déraisonnable les besoins professionnels et ne sont pas plutôt inspirées par l’intention du gérant d’afficher un certain standing ou d’entretenir des relations mondaines d’un certain niveau. Il n’est pas contesté en l’espèce que les frais sont réels, que le montant est justifié par des pièces probantes et que les frais ont été payés ou supportés au cours de la période imposable. Le tribunal doit donc vérifier uniquement si ces frais présentent un caractère professionnel. Il est constant qu’à la suite du sponsoring, le nom du courtier a été apporté au bas de la moto et que pour certaines compétitions sportives, ce dernier a reçu des invitations de VIP qu’il a distribuées à ses relations d’affaires existantes, de sorte qu’il est également prouvé que ces frais présentent un caractère professionnel. Malgré le fait qu’en principe la déduction de ces dépenses doit donc être admise dans son ensemble, l’article 53, 10° du C.I.R. 1992 autorise l’administration à rejeter une partie de ces frais qui excèdent de manière déraisonnable les besoins professionnels. La charge de preuve de la partie déraisonnable des frais professionnels incombe à l’administration, même en cas d’imposition d’office. À défaut de preuve par l’administration de la partie déraisonnable des dépenses de sponsoring, ces frais sont déductibles dans leur ensemble en tant que frais professionnels

61.

Interdiction de contrôler l’opportunité de la dépense. – L’administration peut, certes, apprécier la finalité professionnelle de la dépense, elle ne peut en revanche apprécier l’opportunité ou l’utilité des dépenses qu’il a plu au contribuable d’effectuer. Ce principe est inscrit clairement dans le Commentaire du Code des impôts sur les revenus

62. Il découle de ce

principe qu’il n’appartient pas à l’administration d’imposer à un contribuable l’organisation de son travail

63. L’administration peut toutefois (en vertu de l’art. 53, 10° C.I.R. 1992) écarter

les dépenses qui, selon elle, dépassent de manière déraisonnable les besoins professionnels du contribuable (dépenses somptuaires).

L’arrêt de la cour d’appel d’Anvers rappelle ces principes et a jugé que le fait qu’un volumineux véhicule 4x4 satisfait plus qu’amplement à la nécessité de surmonter les risques et les fosses caractérisant une zone portuaire, n’a pas pour conséquence que ces dépenses excèdent les besoins professionnels de manière désavouable64.

Management fees. – L’interprétation de cette troisième condition relative à la finalité de la dépense a connu un écho jurisprudentiel assez important à propos des « management fees », c’est-à-dire des rétributions faites à une société pour l’exercice d’un mandat d’administrateur

61

Trib. Anvers, 8 novembre 2002, Cour. fisc., 2002, liv. 19-20, p. 602, note. On notera par ailleurs que le Commentaire administratif (Com. I.R., 52/205 et 206) précise que : « Les dépenses que le contribuable consacre à la réclame ou à la publicité pour ses affaires sont déductibles à titre de frais professionnels si elles satisfont aux conditions générales fixées par l’article 49 du C.I.R. 1992. Sauf dérogation, l’indication exacte du nom et du domicile des bénéficiaires ainsi que de la date des paiements doit être fournie. Particulièrement dans les cas où il existe des doutes quant à la question de savoir si les dépenses exposées constituent des frais de publicité plutôt que des libéralités, le fonctionnaire chargé de l’examen de la déclaration aux impôts sur les revenus devra apprécier, à la lumière des données, argumentation et preuves fournies par le contribuable, si les dépenses contribuent à stimuler l’épanouissement de l’entreprise en lui donnant plus de publicité ou en présentant ses activités sous un jour plus favorable auprès du public. À cet égard, les fonctionnaires ne peuvent perdre de vue l’évolution et le rôle de la publicité dans le monde moderne des affaires, notamment via le sponsoring ». 62

Com. I.R., 49/15. 63

Voir à ce propos Anvers, 19 novembre 1992, F.J.F., n° 93/135. 64

Anvers, 21 décembre 1999, F.J.F. , n° 2000/192. Lire aussi Anvers, 30 juin 1998, F.J.F., n° 99/16 ; Mons, 31 janvier 1997, J.D.F., 1997, p. 126.

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ou de gérant d’une autre société ou entreprise. Un grand nombre de dirigeants d’entreprise recourent à l’heure actuelle aux services d’une

société de management. Le schéma type est le suivant : un dirigeant d’entreprise constitue une société de

management qui agit en tant que mandataire, au lieu d’exercer personnellement la fonction de dirigeant au sein de l’entreprise. La société de management devient donc administrateur et est rémunérée en cette qualité. L’avantage principal réside dans la possibilité de transformer des revenus d’indépendants soumis aux cotisations de sécurité sociale et imposés à l’impôt des personnes physiques aux taux progressifs, en bénéfices de la société soumis aux taux souvent plus avantageux de l’impôt des sociétés.

L’administration fiscale recourt de plus en plus souvent à l’article 49 du C.I.R. 1992 pour refuser la déduction de ces sommes dans le chef de la société qui les paie, parce que les conditions mentionnées dans cet article ne sont pas réunies pour assurer leur déductibilité au titre de frais professionnels. Les arguments soulevés par l’administration pour justifier sa position sont quasi toujours les mêmes : absence de preuve des prestations, factures pas assez détaillées, liens familiaux existants entre le bénéficiaire des prestations et le prestataire, nécessité de requalifier les sommes versées en libéralités, etc.

En cette matière, l’administration se fonde par ailleurs sur la position de la Cour de cassation (arrêts du 18 janvier 2001

65 et du 12 décembre 2003

66, voir infra nos 26 à 31) selon

laquelle la circonstance qu’une société est un être moral créé en vue d’une activité lucrative n’implique pas que toutes ses dépenses peuvent être déduites de son bénéfice brut.

La jurisprudence est divisée sur la question des rémunérations versées par des sociétés à d’autres sociétés qui y exercent des fonctions d’administrateur. Relevons l’un ou l’autre arrêt qui requiert que l’on s’y intéresse.

La cour d’appel de Gand, en date du 26 février 200267

, a décidé que, tous les revenus obtenus par une société étant imposables, il est admis que les rémunérations visées ont été faites ou supportées afin d’obtenir ou de conserver des revenus imposables, de sorte qu’il est satisfait à tout point de vue à la condition de l’article 49 du C.I.R. 1992.

D’autres jugements se fondent sur cette jurisprudence et vont même plus loin en considérant qu’en se limitant à n’envisager que les conditions de l’article 49 du C.I.R. 1992, l’administration omet de considérer que la société qui perçoit ces rémunérations doit les reprendre dans sa base imposable. En conséquence, et sur la base de l’article 26 du C.I.R. 1992, il ne peut se créer de double imposition

68 (voir toutefois notre note d’obsarvations,

nos 10.95 à 10.100). Fort intéressant est ce jugement du tribunal de première instance de Bruxelles du 13

décembre 200369

. Les faits étaient les suivants : au cours des exercices d’imposition 1998 et 1999, une société a payé à la S.A. D. les sommes de 884.505 BEF et de 769.835 BEF à titre

65

Cass., 18 janvier 2001, R.G. F.99.0114.F, S.A. Derwa c/ État belge, http://www.cass.be (18 octobre 2001) ; A.F.T., 2001 (reflet K. DE HAEN), p. 294 ; Arr. Cass., 2001, liv. 1, p. 103 ; F.J.F., 2001, p. 644, note ; Fisc. Act., 2001 (reflet K. DE HAEN, F. DEBUSSCHERE), liv. 20, p. 5 ; Cour. fisc., 2001, p. 237, note ; Fiscologue, 2001 (reflet), liv. 792, p. 4 ; J.D.F., 2001, p. 156, note ; J.L.M.B., 2003, liv. 21, p. 896 et http://jlmbi.larcier.be (3 juin 2003) ; Pas., 2001, liv. 1, 106. 66

Cass., 12 décembre 2003, M.F. c/ État belge, http://www.cass.be (30 mai 2004) ; A.F.T ., 2004 (reflet P. BIELEN), liv. 8-9, p. 30, note P. BIELEN ; F.J.F., 2004, liv. 5, p. 425, note. 67

Gand, 26 février 2002, F.J.F. , 2003, liv. 2, p. 171 ; Cour. fisc., 2002 (reflet A. KIEKENS), liv. 8, p. 323, note A. KIEKENS. 68

Tribunaux de première instance de Bruxelles (19 décembre 2003 et 5 janvier 2005), de Gand (19 mai 2005), de Louvain (21 novembre 2003 et 27 février 2004) et de Liège (11 octobre 2004). 69

J.D.F., 2005, pp. 122 à 128.

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de rémunération pour des prestations générales d’assistance et de conseil en matière financière, administrative, informatique et comptable, sur la base du contrat de conseil et d’assistance conclu entre les parties le 1er janvier 199 L’article 2 de cette convention définit comme suit les missions de la S.A. D. au profit de la demanderesse :

« recherche des meilleurs prix d’achat auprès des producteurs de […], recherche des meilleures conditions de paiement et de ristournes d’achat, avec les grossistes répartiteurs ;

– gestion administrative, comptable et financière ; – gestion du personnel ;

et en général toutes prestations de services connexes aux prestations définies ci-dessus ».

La société paie, en contrepartie de ces prestations, une rémunération horaire de 5.000 BEF et le cas échéant, une rémunération complémentaire à convenir entre les parties, en cas de réalisation de vacations supplémentaires.

Par avis de rectification de la déclaration du 18 mars 1999 et du 25 janvier 2000, la déduction des rémunérations payées à la S.A. D. a été rejetée, à défaut pour la demanderesse de rapporter la preuve qu’elles constituent des frais professionnels et en particulier, que le montant de ces rémunérations correspond à des prestations réelles effectuées par la S.A. D. (pièces 37 et 72 du dossier administratif).

Le défendeur soutient dans ses conclusions que la dépense a une contrepartie réelle. Le tribunal considère que la demanderesse n’a rapporté aucun élément concret permettant

de détailler les services qui lui ont été rendus par la S.A. D. pour établir le caractère intéressé de la dépense, et les factures de cette dernière ne précisent ni la nature des prestations fournies, ni la justification du nombre d’heures facturées.

Et le tribunal rappelle que lors d’une visite sur place, les agents de l’AFER de Bruxelles ont fait les constatations suivantes :

« – la société est gérée par Messieurs M. et de D. – le rapport de gestion présenté à l’assemblée générale ordinaire du 28/08/1998 est signé par eux (cf. l-JO J) – lesquels perçoivent des rémunérations de dir igeants d’entreprise en augmentation substantielle en 1997 ;

– la société est effectivement gérée à partir de Liège par Monsieur M., directeur financier à la S.C.R.L. Les Ph (le programme comptable utilisé par la société est en fait le programme cubic des Ph) ;

– la S.C.R.L. F. facture mensuellement des honoraires de comptabilité, suivant explications de Monsieur M., cette société tient la comptabilité ;

– la gestion du personnel est assurée par un secrétariat social liégeois ; – la recherche des meilleurs prix d’achat, conditions de paiement et ristournes d’achat est

assurée par Monsieur M. ; les conditions de prix (remises…) existent depuis plusieurs années. Il est également constaté que la S.A. D. a son siège social à 1180 Bruxelles, mais la comptabilité de cette société n’a pu nous être présentée lors de notre visite sur place du 11 mars 1999 à la S.C.R.L. P., à 1180 Bruxelles ; suivant Monsieur M., la comptabilité de la S.A. D. se trouve à Liège ».

Dès lors, selon le juge qui s’appuie sur ces constatations de l’AFER, il résulte des éléments qui précèdent que les rémunérations versées par la demanderesse à la S.A. D. n’avaient pas de contrepartie réelle, du moins pour partie, parce que la convention du 1er janvier 1997 prévoit une assistance administrative et de conseil en matière financière, comptable et informatique et que ces services de conseil ne sont pas fournis par un autre prestataire.

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Abandon de créance. – Cette matière a également suscité une abondante jurisprudence souvent basée sur l’article 26 du C.I.R.

Appelée à se prononcer sur le caractère déductible d’un abandon de créance fait par une société pour une créance détenue sur sa filiale en difficulté, la cour d’appel d’Anvers, dans son arrêt du 12 octobre 2000

70, a donné tort à l’administration et admis la charge sur la base

des arguments suivants : vu l’importance des dettes de la filiale et le fait que la société mère ne disposait d’aucun privilège, la créance était manifestement irrécouvrable. La cour considéra que l’abandon de créance s’était fait dans le cadre de l’activité professionnelle et visait à acquérir ou à conserver des revenus. En effet, malgré cet abandon de créance, la société avait préservé sa participation, ce qui lui permettait de percevoir ultérieurement des dividendes et éventuellement des plus-values, ainsi que de récupérer ses autres créances et les intérêts sur celles-ci.

Il a également été jugé que la remise d’une dette par un associé actif constitue pour l’associé, pour autant qu’il en démontre le caractère professionnel, une charge déductible de l’exercice au cours duquel la société a intégré cette remise dans ses comptes annuels et non de l’exercice au cours duquel l’assemblée générale a approuvé les comptes annuels. Le caractère professionnel de la remise n’est pas accepté lorsque l’associé actif ne parvient pas à démontrer quelle influence positive cette remise de dette peut avoir sur la conservation ou l’acquisition de ses revenus et que la société, quelques mois après la remise de dette, est tombée en faillite suite à d’importantes pertes

71.

Section 4 Quatrième condition : justification des frais professionnels au moyen d’éléments probants

Notion de documents probants. – Seuls sont déductibles les frais dont le contribuable peut justifier la réalité et le montant au moyen de documents probants

72.

Le contribuable est donc tenu, lorsque la demande lui en est faite, de produire le document probant (facture, reçu, etc.) qui lui a été remis pour acquit de son paiement.

C’est ainsi que la cour d’appel de Bruxelles a donné raison à l’administration dans l’affaire suivante : lors du contrôle des notes de restaurant, il est apparu que des frais de restaurant exposés à Noël, à la Pentecôte et le jour de la Fête nationale ont été déduits. Cette constatation déforce la crédibilité du caractère professionnel des frais de restaurant exposés durant le week-end. Vu ces constatations, il n’est pas étonnant que l’administration ait réclamé des documents attestant le caractère professionnel des frais de restaurant exposés durant le week-end. Le contribuable n’a pu présenter aucune pièce pouvant justifier le caractère professionnel de ces dépenses (comme par exemple des agendas, des déclarations de tiers, etc.), et c’est à juste titre que les services de taxation ont rejeté la déduction des frais de restaurant exposés durant le week-end

73.

On notera toutefois cet arrêt intéressant à propos de documents probants insuffisants : l’administration avait contesté la déduction au titre de charges professionnelles du paiement de commissions à une société étrangère en raison du fait que le contribuable n’avait pas produit, en ce qui concerne ces commissions, de documents probants (absence de contrat ou d’échange de correspondance) en telle sorte qu’il n’est pas établi que ces commissions ont été

70

Anvers, 12 octobre 2000, Act. fisc ., 2001, n° 14/5. 71

Bruxelles, 15 février 2001, T.F.R., 2001, p. 419. 72

Il s’agit donc d’une exception au principe général selon lequel il incombe à l’administration de prouver que la déclaration fiscale du contribuable est erronée. Ici, la preuve incombe au contribuable. 73

Bruxelles, 15 juin 2000, Cour. fisc ., 2000, p. 421, note A. BUGGENHOUT .

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payées pour acquérir ou conserver des revenus. La cour décide toutefois que ces commissions sont bien déductibles compte tenu du fait

que :

– l’administration ne conteste pas l’existence de la société étrangère et accepte que celle-ci constitue une entreprise indépendante sans aucun lien avec la société établie en Belgique ; – les paiements des commissions sont prouvés ; – la comptabilité du contribuable est tenue correctement et aucune anomalie n’a été relevée

en telle sorte que la comptabilité est probante ; – l’administration reconnaît que des notes de commission sont parfois établies par ceux qui

sont débiteurs de celles-ci ; – chaque note de commission se réfère expressément à des factures qui sont inscrites et

comptabilisées régulièrement par le contribuable ; – l’émission d’une facture et l’acceptation de celle-ci établissent l’existence d’un contrat

aussi bien que les mentions qui apparaissent sur des factures ; – les commissions ont figuré dans la comptabilité de la société bénéficiaire et ont été

déclarées à l’administration fiscale anglaise74

.

Impossibilité de produire des documents probants. – Lorsqu’il n’est pas possible de produire de telles pièces, l’administration admet que le contribuable puisse apporter la justification requise en ayant recours à d’autres moyens de preuve, y compris la présomption de l’homme mais à l’exclusion du serment. Pour ces frais non justifiés par des documents probants, le contribuable doit pouvoir établir à suffisance de droit

75 qu’il s’agit :

– soit de frais professionnels dont les documents probants ont été détruits, volés ou égarés par inadvertance ; – soit de frais professionnels pour lesquels il n’est pas de pratique courante d’exiger ou

d’obtenir des documents justificatifs76

.

Ainsi, l’administration admet que les documents probants ne sont pas nécessairement requis pour les dépenses suivantes :

– les frais que l’on range traditionnellement dans la catégorie des frais de représentation77

; – certains frais inhérents à l’utilisation d’une voiture automobile à usage mixte (essence,

huile, produits d’entretien, accessoires de faible valeur) ; – les menus frais d’entretien des locaux professionnels (matériels et produits d’entretien…) ; – certains frais de déplacement professionnels occasionnels (transports en commun, taxi,

etc.).

Précisons qu’en dépit de cette tolérance, un contribuable doit toujours apporter la preuve de la réalité de ses frais professionnels. Cette règle est également applicable aux contribuables qui appliquent le forfait de 0,15 EUR/km pour les trajets séparant leur domicile de leur lieu de travail. Un contribuable qui applique ce régime forfaitaire ne peut pas se contenter de

74

Gand, 14 janvier 1999, F.J.F., 1999, p. 62 75

Selon le Commentaire administratif, la preuve doit « emporter la conviction raisonnable » de l’administration (Com. I.R., 49/20). 76

Com. I.R. 49/20. Mais ce même Commentaire d’ajouter (à l’attention des agents taxateurs) : « Cette règle doit absolument être appliquée avec circonspection afin d’éviter que le contribuable ne s’abstienne systématiquement de conserver tout ou partie de ses documents justificatifs ». Il s’ensuit que les dépenses non justifiées resteront soumises à la cotisation spéciale de 300 % (art. 209 C.I.R. 1992). 77

« Les cotisations payées à des organisations professionnelles doivent être considérées non comme des frais professionnels, mais bien comme des charges professionnelles au sens propre du terme. Elles ne peuvent en conséquence être comprises dans les forfaits de frais de représentation » (Bruxe lles, 15 juin 1995, F.J.F., n° 95/178).

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renvoyer à la distance séparant son domicile de son lieu de travail et aux jours de travail qu’il a prestés. Il doit également apporter la preuve de la réalité des kilomètres parcourus. Le contribuable doit donc établir qu’il a effectivement utilisé son véhicule pour effectuer les trajets séparant son domicile de son lieu de travail

78.

Accords collectifs avec l’administration. – Par ailleurs, la loi autorise la pratique des accords collectifs et des accords individuels au sujet de frais professionnels qu’il n’est généralement pas possible de justifier au moyen de documents probants.

Les accords collectifs sont les accords conclus entre l’administration et certains groupements professionnels. Ces accords sont prévus par l’article 342, § 1er, in fine du C.I.R. 1992. Ils ont été conclus pour les avocats, les huissiers de justice et les exploitants d’appareils automatiques de divertissements. Il faut noter que les contribuables intéressés ne sont cependant pas obligés d’accepter ce forfait et peuvent toujours revendiquer la déduction des frais réels, à condition évidemment d’en apporter la preuve.

Le tribunal de première instance de Mons a en effet rappelé qu’un accord collectif ne lie pas et n’entraîne pas l’obligation d’invoquer le forfait convenu lorsque le contribuable peut justifier poste par poste ses dépenses professionnelles

79.

Accords individuels avec l’administration. – Les accords individuels sont ceux que le fonctionnaire taxateur a conclus avec un contribuable et qui portent soit sur un montant de frais, soit sur un pourcentage de frais (par exemple : frais de représentation évalués à 3 % du revenu semi-brut ou un dixième des frais généraux). L’article 50, § 1er du C.I.R. 1992 dispose en effet que les frais professionnels dont le montant n’est pas justifié peuvent être déterminés forfaitairement avec l’administration. La jurisprudence rappelle toutefois à l’administration qu’à défaut d’accord, l’évaluation doit se faire par elle de manière raisonnable. Par évaluation raisonnable, il faut entendre « évaluation réalisée de manière mesurée, équitable »

80.

L’administration ne peut se contenter de rejeter les frais et d’y substituer une évaluation purement forfaitaire

81.

Un accord peut se réaliser tacitement lorsque le fonctionnaire taxateur admet certains frais professionnels après examen. Un accord individuel ne peut être révisé que pour l’avenir et seulement par une dénonciation régulière (par exemple par avis de rectification). Le Commentaire administratif le précise expressément

82. Il a notamment été jugé que « la

rectification des charges professionnelles déclarées opérée en méconnaissance d’un accord entre le contribuable et l’administration ne vaut pas dénonciation régulière de cet accord pour les exercices ultérieurs. La dénonciation régulièrement faite d’un accord par l’administration ne peut, par ailleurs, avoir d’effet qu’à partir de l’année suivante »

83. Toutefois, dans certains

cas, le fisc peut remettre en cause un accord avec effet rétroactif :

– quand le contribuable a obtenu cet accord en fournissant au fisc des données fausses ou volontairement inexactes ; – lorsque, à la suite d’un changement dans les conditions d’exercice de la profession, les

données relatives à une dépense sur laquelle porte un accord se trouvent modifiées dans une

78

Bruxelles, 30 mars 2001, Cour. fisc., 2001, p. 70, note VERTOMMEN. 79

Trib. Mons, 1er juin 2001, TFRnet, 13 janvier 2002. 80

Mons, 17 novembre 2000, F.J.F., 2000, p. 772. 81

À ce propos, Anvers, 10 septembre 2002, F.J.F., n° 2002/248 et Mons, 17 novembre 2000, F.J.F., n° 2000/295. 82

Com. I.R., 50/6. 83

Bruxelles, 8 novembre 1988, F.J.F., n° 89/55.

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43

mesure telle que l’administration est fondée à reconsidérer l’accord84

.

Il est utile de préciser aussi qu’un accord conclu avec une autre administration (par exemple avec l’administration de la T.V.A.) lie l’administration des contributions directes.

Pour les accords relatifs aux frais de voiture, de restaurant ou de réception, il faut tenir compte des limitations légales. Un accord pris en contravention de la loi est nul.

S’agissant des principes de bonne administration, la Cour de cassation85

a rappelé à de nombreuses reprises que « les principes généraux de bonne administration comportent le droit à la sécurité juridique et s’imposent aussi à l’administration des finances ; ce droit implique notamment que le citoyen doit pouvoir faire confiance aux services publics et compter que ceux-ci observent des règles et suivront une politique bien établie qu’il ne saurait concevoir autrement ».

Ce principe a été à de multiples reprises appliqué à des cas dans lesquels l’administration s’écartait d’une telle attitude, notamment dans les cas où elle tentait de remettre en question un accord avec effet rétroactif.

C’est dans cet esprit que la cour d’appel d’Anvers a estimé que le principe de sécurité juridique l’emportait sur le principe de légalité : suivant un accord entre l’administration et le contribuable, qui est un employé, les frais sont évalués à 30 % de la rémunération brute. L’administration dénonce l’accord de manière rétroactive. L’administration décide que l’évaluation forfaitaire des frais professionnels au moyen d’un pourcentage de 30 % sur la rémunération totale brute est contraire à l’article 51 du C.I.R. 1992, qui règle le système du forfait légal en matière de frais professionnels, vu que cet article ne retient que les taux de 20 %, 10 %, 5 % et 3 % par tranche de revenus. Selon la cour d’appel d’Anvers, les principes généraux de bonne administration s’appliquent aussi dans les affaires fiscales, et ils impliquent le droit de sécurité juridique, y compris le principe de confiance. Suivant ce principe, la conclusion d’un accord illégal et son application pendant plusieurs années a convaincu le contribuable que l’accord était légal et qu’il liait l’administration, et que par conséquent il n’était pas tenu, vu cette ligne de conduite constante, de collectionner les documents probants relatifs à ses frais professionnels compte tenu du forfait légal. La dénonciation de l’accord avec effet rétroactif enlevait au contribuable toute possibilité de prouver ces frais. Lorsque le principe de légalité entre en conflit avec le principe de confiance, le principe de la confiance légitime doit l’emporter sur le principe de légalité dès lors que la bonne foi du contribuable n’est pas en cause et qu’il peut supposer, compte tenu de la règle de conduite constante de l’administration fiscale, que son comportement était conforme à la loi

86.

La primauté du principe de sécurité juridique sur le principe de légalité n’est pas partagée par tous les tribunaux. De plus, elle est aujourd’hui fortement invalidée par l’instauration du régime des décisions anticipées. Ce régime prévoit l’annulation d’une décision anticipée qui n’est pas conforme au droit interne ou au droit des traités. L’administration se fonde sur cette 84

Com. I.R., 50/7 et Mons, 17 décembre 1999, Act. fisc., 2000, liv. 9, p. 85

Voir notamment Cass., 13 février 1997, R.G. 96.4F, État belge c/ S.C. Anciens Établissements Pierre Debrus, Act. fisc., 1997 (reflet F. DESTERBECK), liv. 9, p. 1 ; R.W., 1997-1998, p. 400 ; Bull. contr., 1997, p. 2203 ; J.L.M.B., 1998, p. 102 ; T.B.P., 1998 (reflet), p. 370 ; Bull. contr., 1997, p. 223 ; Arr. Cass., 1997, p. 212 ; Cass., 4 juin 1998, R.G. 95.002N, État belge c/ S.A. Investeringsmaatschappij Argenta , R. Cass., 1999, p. 104, note S. WYCKAERT , Fisc. Act., 1998 (reflet F. DESTERBECK), liv. 24, p. 1 ; Anvers, 6 mai 1997, F.J.F. , 1997, p. 453. Cass., 29 mai 1992, R.G. 1950.N, État belge c/ Smet, Cour. fisc., 1992 (reflet), p. 395, note F. DELPORTE ; R.W., 1992-1993, p. 462 ; F.J.F., 1992, p. 273, note ; T. Gem., 1993, p. 173, note ; Bull., 1992, p. 856 ; Arr. Cass., 1991-1992, p. 919 ; Pas., 1992, I, 856 ; Anvers, 11 mars 1997, Act. fisc ., 1997 (reflet), liv. 14, p. 2 ; Anvers, 16 janvier 1995, F.J.F., 1995, p. 323. Mons, 19 janvier 1996, F.J.F., 1996, p. 285 ; J.D.F., 1996, p. 295 ; Liège, 19 mai 1993, F.J.F., 1994, p. 7 ; Gand, 5 mai 1992, Bull. contr., 1993, p. 1240 ; Anvers, 13 mai 1991, F.J.F., 1991, p. 395 ; Anvers, 6 mai 1991, Cour. fisc ., 1992 (reflet), p. 352, note F. DELPORTE. 86

Anvers, 15 février 2000, Act. fisc., 2000, liv. 14, p. 4.

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44

disposition de la loi du 24 décembre 200287

pour soutenir que seul prévaut le principe de légalité.

Le tribunal de première instance de Hasselt a rendu un jugement intéressant à propos d’amortissements pratiqués sur une nue-propriété. Lors de la constitution d’une société, la nue-propriété d’une maison fut apportée à la société pour une valeur de 5.590.000 BEF (138.572,48 EUR). Depuis l’apport en 1987, des amortissements annuels ont été appliqués sur la valeur de la nue-propriété.

Conformément à l’article 61 du C.I.R. 1992, les amortissements sont considérés comme frais professionnels pour autant qu’ils soient appliqués sur la valeur d’acquisition – ou la valeur d’investissement – et pour autant qu’ils soient nécessaires et correspondent à une dépréciation réellement survenue au cours de la période imposable.

Suivant un avis de mars 1991 de la Commission des normes comptables, les sociétés ne peuvent pas pratiquer des amortissements ordinaires sur les biens immeubles apportés ou acquis en nue-propriété, parce que « les amortissements ordinaires sont liés à l’utilisation de l’immobilisation ». Pour les biens immeubles, qui sont détenus en nue-propriété, les amortissements ne peuvent être appliqués qu’à partir du moment où le nu-propriétaire obtient la propriété pleine après l’écoulement de l’usufruit.

Le tribunal se range à ce point de vue. La requérante avait émis l’opinion que l’administration aurait donné son accord implicite,

pendant une période de plus de dix ans, en admettant les amortissements pratiqués sur la nue-propriété des biens immeubles.

Mais selon le juge, l’acceptation pure et simple des déclarations d’impôts des exercices d’imposition antérieurs, sans contrôle des points qui sont actuellement l’objet de la contestation, ne peut faire surgir d’accord tacite de l’administration concernant ces points. Le principe de l’accord tacite cède donc ici le pas face au principe de légalité

88.

En revanche, le jugement du tribunal de première instance de Gand du 22 septembre 2005 (inédit) admet le principe de l’accord tacite dans ce cas d’espèce : les contribuables estiment qu’il existe un accord tacite avec l’administration sur la clef de répartition pour déterminer la partie professionnelle et la partie privée de l’habitation.

L’administration avait accepté cette clef de répartition depuis des années et ne pouvait la rejeter.

L’administration eut beau prétendre que le fait qu’elle accepte cette cond ition depuis des années ne constitue pas un droit acquis dans le chef du contribuable.

Le tribunal constate toutefois que le contribuable utilise cette clef de répartition déjà depuis cinq ans sans changer la situation réelle. Et de surcroît, l’administration avait effectué un contrôle approfondi sans formuler de remarques sur la clef de répartition. Les parties sont donc arrivées à un accord tacite que l’administration se devait de respecter.

87

M.B., 31 décembre 2002. 88

Anvers, 11 mars 1997, Act. fisc., 1997, liv. 14, p. 2.

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Chapitre 2 : examen de quelques charges professionnelles

Section 1 Les frais relatifs aux immeubles affectés à l’exercice de l’activité professionnelle (art. 52, 1° C.I.R.)

§ 1er. Loyers et charges locatives

A. Principes

Principes. – Sont déductibles au titre de frais professionnels, les loyers et les charges locatives payés par un contribuable pour un immeuble ou une partie d’immeuble affecté à l’exercice de l’activité professionnelle. Il s’agit du loyer payé

89 afférent aux biens immobiliers

ou à la partie des biens immobiliers affectés à l’activité professionnelle ainsi que les charges relatives à ces mêmes biens qui incombent normalement au propriétaire mais qui sont assumées par le locataire (par exemple : le précompte immobilier payé par le locataire). La garantie locative n’est évidemment déductible que pour la période imposable au cours de laquelle il est établi qu’elle est acquise au propriétaire en dédommagement des dégâts locatifs ou en récupération des loyers impayés

90.

B. Les loyers

Loyer fictif basé sur la valeur locative. – L’administration fiscale souligne dans son Commentaire administratif que si le contribuable est propriétaire des biens immobiliers affectés à l’exercice de son activité professionnelle, il ne peut déduire ni la valeur locative, ni le revenu cadastral desdits biens immobiliers à titre de frais professionnels

91. Il est en effet

fréquent que certains contribuables tentent de déduire un loyer fictif basé sur la valeur locative du bien immobilier dont ils sont propriétaires et qui est affecté à des fins professionnelles, et ce, afin de compenser la perte de jouissance subie en raison de cette affectation.

Un représentant en papier d’emballage utilisant un bureau installé dans le living de son habitation pour y rédiger le soir ses rapports de visites à la clientèle déduisait à titre de frais professionnels la valeur locative de la partie de l’immeuble affectée à cette activité professionnelle. Amenée à se prononcer sur la question, la cour d’appel de Bruxelles a considéré que « la circonstance qu’(il) est propriétaire de la maison où il habite et que l’installation de son bureau dans le living n’a entraîné aucune dépense de loyer complémentaire, ne permet pas de conclure que les frais de locaux (en l’occurrence un loyer professionnel (“fictif”) de 10.200 BEF), sont inexistants ». La cour a décidé que « dès lors qu’il est établi qu’(il) a affecté un espace dans sa maison d’habitation à un usage professionnel, il est en droit de déduire comme charge professionnelle la valeur locative

89

On ne perdra cependant pas de vue les règles en matière de requalification des loyers pour les dirigeants d’entreprise. 90

Com. I.R., 52/6. 91

Com. I.R., 52/5.

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proportionnelle à l’espace occupé »92

. Saisie du litige par l’administration fiscale, la Cour de cassation a rendu un arrêt en date du

28 juin 1996 cassant la décision de la cour d’appel de Bruxelles. En effet, la Cour suprême a estimé « que lorsqu’un travailleur salarié affecte une partie de l’immeuble qu’il occupe et dont il est propriétaire, à l’exercice de son activité professionnelle, les articles 44 et 45 du Code des impôts sur les revenus (1964) n’interdisent pas la déduction, à titre de charge professionnelle, du montant représentant l’amortissement du coût de cette partie de l’habitation ; qu’ils ne permettent toutefois pas la déduction à titre de charge professionnelle, de la valeur locative proportionnelle à l’espace occupé alors que, par définition, il n’y a pas eu versement de loyer ; Que l’arrêt, qui en décide autrement, ne justifie pas légalement sa décision »

93.

Loyer payé à son conjoint. – Le contribuable qui utilise, pour l’exercice de son activité professionnelle, un bien immobilier appartenant en propre à son conjoint est en droit de déduire de ses bénéfices imposables un loyer normal à titre de frais professionnels, si les trois conditions suivantes sont remplies :

1. le paiement d’un loyer doit être justifié en droit ; 2. ce paiement doit avoir réellement été effectué ; 3. le conjoint propriétaire de l’immeuble ne peut pas avoir, en fait, la qualité de coexploitant.

L’attribution par l’exploitant d’une quote-part de ses bénéfices à son conjoint aidant en application de l’article 86, alinéa 1er du C.I.R. n’implique pas à elle seule que le conjoint a la qualité de coexploitant

94.

Location d’une résidence secondaire proche du lieu de travail. – La déduction du loyer et des charges locatives d’une résidence secondaire à titre de frais professionnels ne sera admise que lorsqu’il ressort des circonstances de fait du cas d’espèce que les frais sont nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle.

L’administration considère que cette nécessité peut notamment être admise lorsque le contribuable démontre : – soit qu’il évite une navette anormalement longue ou singulièrement difficile par la location

d’une habitation secondaire (compte tenu éventuellement de son état de santé et de son âge) ;

– soit qu’il peut toujours être rappelé à l’usine ou au bureau, en dehors des heures de travail, par exemple pour effectuer des réparations urgentes, et qu’il habite trop loin pour pouvoir y donner une suite suffisamment rapide

95.

L'administration considère que le supplément de loyer qui est remboursé par l'employeur doit être considéré comme une rémunération. Le contribuable peut toutefois déduire ce supplément de loyer dans sa déclaration.

La déduction du loyer et des charges locatives d’une résidence secondaire peut être cumulée avec la déduction des frais liés aux déplacements normaux du domicile au lieu de résidence et avec les frais de déplacement journalier du lieu de résidence secondaire au lieu de travail

96.

Cette matière a donné lieu à une jurisprudence très abondante :

92

Bruxelles, 21 avril 1995, Cour. fisc., 1995, n° 350. 93

Cass., 28 juin 1996, Cour. fisc., 1996, n° 558. 94 Com. I.R., 52/16. 95

Com. I.R., 52/21. 96

Com. I.R., 52/28.

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1. Déduction admise sauf en cas d’hébergement de sa famille

Un contribuable domicilié dans la région de Florennes est employé par une société sise à Bruxelles. Jugeant les déplacements quotidiens (plus ou moins 180 km aller-retour) déraisonnables et trop fatigants pour lui, il a décidé de louer un flat à proximité de son lieu de travail pour y vivre en semaine et ne plus rentrer à son domicile que le week-end. Particulièrement sensible aux maux de dos, il a été contraint de subir une intervention chirurgicale en 1987 pour cause de hernie discale. À la suite de cette intervention, les longues stations assises lui sont devenues pénibles. L’administration fiscale a refusé la déduction à titre de frais professionnels des loyers payés pour la location du flat à proximité du lieu de travail.

Le 16 mai 2001, la cour d’appel de Liège a rendu un arrêt favorable au contribuable précisant entre autres que « le caractère professionnel de la dépense résulte des éléments que le requérant invoque et établit, à savoir l’obligation d’effectuer de longs déplacements quotidiens (180 kilomètres) alors que ceux-ci s’avèrent longs et pénibles notamment en raison des embarras de circulation et de son état de santé (maux de dos), le recours aux transports en commun ne présentant, en l’espèce, pas d’alternative satisfaisante ; Attendu qu’il n’apparaît pas non plus que des motifs de convenance personnelle auraient guidé le choix du requérant, puisqu’il s’agit d’un pied-à-terre à la taille et au loyer modestes ».

À la suite de cet arrêt coulé en force de chose jugée, l’administration s’est pliée à la décision et a accepté la déduction des frais de loyer pour les exercices d’imposition 1992, 1993, 1994 et 1995, mais elle s’y est à nouveau opposée pour les exercices 1996, 1997 et 1998. Ce changement de position est justifié par l’administration en raison des éléments suivants :

« 1° le requérant a pris en location à partir du 1er avril 1995 un appartement non meublé sis Rue de Lombaerde à Evere comprenant living, cuisine, une chambre, salle de bains et cave pour un loyer mensuel de 15.000 BEF/mois ;

2° pour passer ensuite à partir du 15 août 1997 à un appartement non meublé sis Chaussée de Louvain à Evere comprenant living, cuisine, deux chambres (naissance d’un enfant en janvier 1998), salle de bain pour un loyer mensuel de 20.000 BEF/mois ;

3° que dès le 27 février 1995, les achats de meubles destinés au nouvel appartement concernent un couple et non plus le contribuable seul (matelas double, lit double, sommier, deux tables de nuit…) ;

4° que l’épouse du requérant (mariage le 6 septembre 1997) s’est domiciliée avec lui en mai 1997 […], 39 à Florennes avec et dans un immeuble appartenant à Madame P., mère du requérant ;

5° que malgré cette domiciliation à Florennes, elle a donné naissance à un petit Nicolas début 1998 à Woluwé Saint Lambert ».

Sur la base de ces éléments, le directeur régional a décidé de limiter les frais déductibles à la moitié des frais de location et d’assurance incendie.

Saisi du litige, le tribunal de première instance de Namur va rejeter le recours du contribuable estimant que les circonstances avancées par l’administration « permettent évidemment de présumer que la location de logements de plus en plus spacieux a trouvé sa cause dans la volonté du demandeur de se donner la possibilité d’héberger d’abord son épouse, puis son épouse et son enfant. Cette présomption est d’autant mieux fondée qu’il a revendiqué l’amortissement d’un mobilier de chambre à coucher pour deux personnes et que ce n’est évidemment pas l’explication qu’il en donne, de la recherche d’un plus grand confort personnel, qui peut lui enlever sa pertinence. Le fait que le demandeur ait continué à rentrer à Florennes les week-ends n’est nullement incompatible avec le fait que son épouse et son

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enfant aient vécu avec lui à Bruxelles toute la semaine »97

.

2. Le centre des intérêts vitaux du contribuable ne peut avoir été déplacé Un militaire de carrière qui était retourné vivre chez ses parents à la suite de son divorce

avec son épouse, a décidé d’acquérir un mobile home en raison de ses nombreux changements de lieu de travail. En effet, entre 1991 et 1996, soit sur une période de cinq ans, il avait été affecté dans six lieux de travail différents sans qu’un logement soit toujours prévu pour l’accueillir : Soest, Weiden, Gand, Bruxelles, Neder-over-Heembeek et Casteau. Le contribuable a déduit les frais d’acquisition de ce mobile home au titre de résidence proche du lieu de travail. Appelé à se prononcer sur la déductibilité de ces frais, le tribunal de première instance d’Anvers a donné raison au contribuable, estimant que les éléments suivants attestaient du caractère professionnel du mobile home :

– il a, comme officier de carrière, travaillé à six endroits différents entre 1991 et 1996 ; – une distance considérable sépare son lieu de travail et son domicile (120 km) ; – il n’y avait, sur le lieu de travail, aucun logement prévu pour les officiers ; – il utilisait quotidiennement le mobile home comme logement au cours de la semaine

98.

Le tribunal a également considéré que le contribuable avait bel et bien conservé le centre de ses intérêts chez ses parents étant donné que sa correspondance, ses comptes financiers et sa mutualité étaient situés dans la commune de son domicile. Il exerçait par ailleurs son droit de visite pour ses enfants dans cette même localité

99.

3. Possibilité de déduire le loyer, mais aussi les frais d’aménagement et d’ameublement ! Une infirmière domiciliée à Anhée et exerçant son activité professionnelle à Bruxelles a

pris en location un studio non meublé situé à Uccle (loyer mensuel indexé de 14.800 BEF) et l’a meublé afin de pouvoir y résider certains jours de la semaine avec un minimum de confort.

L’administration fiscale a admis la déductibilité des loyers afférents au studio ainsi que le précompte immobilier, l’assurance et l’électricité mais a par contre rejeté les postes aménagement, matériel, équipement, décoration et entretien.

Dans un jugement rendu le 27 octobre 2004, le tribunal de première instance de Namur va considérer que les frais d’aménagement du studio peuvent bien entendu également être déduits au titre de frais professionnels. « Il est en effet contradictoire d’admettre que les frais d’un logement secondaire nécessité par l’exercice d’une profession soient déductibles des revenus de celle-ci, mais de limiter cette déductibilité aux seuls loyers et charges et d’en exclure les frais d’aménagement, d’ameublement et d’équipement au motif que ces derniers seraient strictement personnels et sans lien avec la production ou la conservation des revenus concernés. […] Ce qui justifie la déductibilité des frais d’un tel logement, c’est – en réalité – le fait qu’étant exposés pour pallier les inconvénients de l’éloignement du domicile du contribuable par rapport à son lieu de travail, ils entraînent un double emploi avec les frais que l’intéressé continue à supporter pour la conservation de sa résidence principale. Il est évident que ce double emploi s’étend aussi aux frais d’aménagement, d’ameublement et d’équipement. C’est donc l’ensemble des frais du logement secondaire qu’il faut admettre en déduction. »

100

En conséquence de quoi, et pour autant que ces frais ne soient pas somptuaires, l’administration se doit d’accepter en déduction les amortissements normaux de ces frais, à

97

Civ. Namur, 26 octobre 2005, www.fiscalnet.be. 98

Civ. Anvers, 17 avril 2002, F.J.F., 2002, n° 198. 99

Civ. Anvers, 17 avril 2002, F.J.F., 2002, n° 198. 100

Civ. Namur, 27 octobre 2004, www.fiscalnet.be.

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savoir 10 % par an pour les aménagements et 20 % pour l’équipement.

4. La nécessaire preuve du lien entre la location et l’activité professionnelle Un contribuable domicilié à Houthalen et travaillant à Bruxelles a loué depuis 1990 un

studio dont il déduisait les loyers au titre de frais professionnels. Saisie du litige, la cour d’appel d’Anvers a considéré que lesdits loyers ne constituaient pas des frais professionnels et ne pouvaient dès lors pas être déduits pour les raisons suivantes :

– le contribuable n’apporte pas la preuve que la location de ce studio était nécessaire à l’exercice de son activité professionnelle ;

– le contrat de travail du contribuable ne contient aucune clause lui imposant d’habiter à une certaine distance de son lieu de travail ;

– les déplacements entre son domicile officiel et son lieu de travail ne constituent pas un obstacle insurmontable ;

– la location d’un studio à Louvain n’apporte pas de réelle solution étant donné que les problèmes de circulation subsistent, notamment en raison des files aux alentours de Bruxelles

101.

5. Frais de location et contraintes de garde d’un gendarme de la BSR Un gendarme membre de la BSR qui exerce sa profession à Bruxelles, vit avec sa famille à

Soignies. Cette résidence se situe toutefois à 41 km de son lieu de travail. En raison de diverses réglementations spécifiques régissant sa profession et lui imposant de

louer un appartement modeste à proximité de son lieu de travail, le gendarme a décidé de louer un appartement à moins de 25 km de son lieu de travail. S’agissant d’une location nécessitée par son activité professionnelle, le contribuable a déduit à titre de frais professionnels les loyers et les charges locatives payés pour cet appartement. L’administration rejette toutefois la déduction de ces frais.

Dans un arrêt rendu le 22 février 2001, la cour d’appel de Bruxelles va donner raison au contribuable estimant que les frais relatifs à la location d’un appartement proche de son lieu de travail sont nécessités par son activité professionnelle : « Dans le cas d’espèce le requérant démontre, par l’obligation de domiciliation dans un rayon de 25 km de la caserne et par la présence obligatoire dans la demi-heure en période de garde, que les frais relatifs à sa résidence bruxelloise sont à ce point nécessaires pour l’exercice de sa fonction de gendarme affecté à la BSR que le loyer payé et les charges relatifs à cet appartement ne constituent pas une dépense personnelle mais bien une dépense professionnelle au sens de l’article 44 du C.I.R. 1964.

Le fait que le requérant se soit domicilié à cette adresse n’a aucune incidence quant à la raison strictement professionnelle de la location de l’appartement modeste aux alentours de la caserne.

Ces frais imposés par l’obligation de domiciliation et les contraintes des services de garde ne font pas double emploi avec les frais de déplacement exposés pendant les périodes hors garde »

102.

6. Déductibilité des frais de location rendus nécessaires pour conserver une condition physique indispensable

Examinons aussi le cas de ce pilote de chasse habitant chez ses parents dans la région de Termonde et travaillant sur la base aérienne de Beauvechain où il avait pris en location un

101

Anvers, 27 février 2001, disponible sur www.fisconet.be. 102

Bruxelles, 22 février 2001, F.J.F., 2001, n° 159.

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studio de 35 m². La cour d’appel de Gand va considérer que les frais relatifs à la location de ce studio situé près de son lieu de travail sont déductibles. En effet, la cour constate que la vie sociale du contribuable est toujours à Termonde, qu’il est soumis à des horaires de travail irréguliers et que sa profession requiert une grande concentration et une bonne condition physique qui ne sont pas compatibles avec de longs déplacements journaliers

103.

7. Déductibilité des frais de location d’un médecin qui doit rester disponible pour ses patients

La cour d’appel d’Anvers104

a été plus loin en acceptant la déduction par un médecin des frais immobiliers afférents à un tiers de son cabinet qui servait de logement proche du lieu de travail. La position de la cour est principalement basée sur les arguments suivants : le médecin a l’obligation déontologique d’être à bref délai à la disposition de ses patients, il doit également être disponible le week-end ainsi que la nuit et l’espace affecté au logement est des plus réduits. La cour était d’avis que si le contribuable n’avait pas eu cette possibilité de loger à son cabinet, il aurait été contraint de se lever très tôt tout en rentrant très tard, ce qui est déraisonnable et excessivement lourd. Il ne s’agit dès lors pas de frais personnels au sens de l’article 53, 1° du C.I.R.

8. Déductibilité des frais de location d’une chambre proche du lieu de travail et conséquences fiscales pour le bailleur Une enseignante domiciliée à Blankenberge a loué pour les années académiques 1993 à 1997 une chambre à Louvain où elle exerçait son activité professionnelle. S’agissant de la location d’une chambre à proximité du lieu de travail, l’enseignante a porté en déduction à titre de frais professionnels les loyers payés. L’administration fiscale a donc décidé d’imposer le bailleur sur la base du montant total du loyer et des avantages locatifs en application de l’article 7, § 1er, 2°, c du C.I.R. Saisi du litige, le tribunal de première instance de Louvain105 a donné tort à l’administration estimant qu’un bien loué à proximité du lieu de travail avec déduction des loyers y afférents sans qu’aucune activité professionnelle n’y soit exercée n’est pas affecté à l’exercice de l’activité professionnelle du locataire au sens de l’article 7, § 1er, 2° du C.I.R. Le bailleur devait dès lors être imposé non pas sur la base du montant total du loyer et des avantages locatifs, mais bien du revenu cadastral majoré106. Dans un arrêt rendu le 23 mai 2007, la cour d’appel de Bruxelles a confirmé le jugement rendu par le tribunal de première instance de Louvain. La cour souligne que l’administration ne démontre pas que l’habitation est utilisée par la locataire pour son activité professionnelle. Le fait que les dépenses locatives personnelles peuvent être considérées comme des frais professionnels pour la locataire n’empêche pas que le bien immobilier continue en réalité de servir à des fins personnelles de logement107.

Mise à disposition d’une résidence secondaire proche du lieu de travail. – Lorsqu’un employeur met un logement gratuitement à disposition de son employé, ce dernier sera imposé sur la base d’un avantage de toute nature calculé conformément à l’article 18 de l’arrêté royal d’exécution du C.I.R.

103

Gand, 25 juin 2002, Fiscologue, 2002, n° 860. 104

Anvers, 22 octobre 2008. 105 Civ. Louvain, 19 décembre 2008. 106 Pour un développement sur l’imposition des revenus immobiliers, voir infra , nos 8.10 et 8.11. 107 Bruxelles, 23 mai 2007, www.fiscalnet.be.

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S’il ressort des circonstances propres au cas d’espèce que la mise à disposition de ce logement est nécessaire à l’exercice de l’activité professionnelle, le contribuable pourra déduire à titre de frais professionnels le montant de l’avantage de toute nature.

Bureau à domicile. – Il arrive fréquemment qu’une partie de l’habitation privée soit utilisée par un contribuable comme bureau à des fins professionnelles. Dans ce cas, les loyers et charges locatives pourront être portés en déduction à titre de frais professionnels si les conditions énoncées à l’article 49 du C.I.R. sont remplies.

Une institutrice affectant une pièce de son habitation privée à usage de bureau déduisait à titre de frais professionnels la partie du loyer et des charges afférents à ce bureau. L’administration a rejeté cette déduction car le bureau n’était pas affecté exclusivement à l’exercice de l’activité professionnelle alors même qu’elle admettait que « le caractère utile et pratique d’une pièce utilisée pour la correction des devoirs, la préparation des cours etc. ne peut être contesté ». Dans un arrêt rendu le 17 février 1995, la cour d’appel de Mons a donné raison au contribuable estimant « qu’il est raisonnable de fixer la quote-part d’affectation professionnelle de l’habitation à 15 % ; que cette proportion s’applique ensuite à toutes les dépenses relatives à la maison : chauffage, éclairage, entretien, centimes additionnels, assurances, etc. »

108.

Un agent de l’administration des contributions directes déduit comme dépense professionnelle des frais de bureau à domicile. Ni la réalité, ni le montant des frais du bureau ne sont remis en cause par l’administration qui conteste exclusivement le caractère nécessaire de ces dépenses car le fonctionnaire en question dispose au sein de l’administration d’un bureau pour remplir les tâches qui lui sont confiées et prendre connaissance des nouve lles dispositions administratives et légales. Le fonctionnaire récalcitrant soutient « que pour être déductibles il n’est point nécessaire que les dépenses soient nécessaires à l’exercice de la profession ; qu’il suffit d’un lien entre les dépenses et la profession en ce sens que si le contribuable n’avait pas exercé la profession, il n’eût pas dû engager les frais litigieux ». La cour d’appel de Bruxelles va suivre le raisonnement du contribuable et accepter la déduction des frais d’un bureau à domicile

109.

Par contre, comme exposé ci-avant110

, lorsque le contribuable est propriétaire du bien immobilier, il ne peut déduire ni la valeur locative, ni le revenu cadastral.

Comment détermine-t-on la quotité professionnelle d’une habitation ?

Dans son arrêt du 7 mars 2007111, la cour d’appel de Gand a confirmé que la proportion entre la partie professionnelle et la partie privée des frais professionnels d’un bâtiment à usage mixte est toujours une question de fait. Elle suggère à ce propos une clef de répartition entre la quotité professionnelle et la quotité privative en fonction du nombre de locaux, de la situation, de la superficie, de l’utilité d’utilisation et de l’intensité de l’utilisation. Le critère de la superficie est un critère strictement objectif et il doit donc être retenu par préférence. Dans le cas d’espèce soumis à la cour, le pourcentage professionnel retenu par un médecin se fondait sur un calcul établi par l’architecte du bâtiment. L’administration faisait toutefois remarquer que les factures ont été établies par les entrepreneurs suivant la clef de répartition 108

Mons, 17 février 1995, F.J.F., 1995, n° 106. 109

Bruxelles, 22 décembre 1994, F.J.F., 1995, n° 175. 110 Voir supra , n° 8.8. 111 Gand, 7 mars 2007, disponible sur le site payant www.fiscalnetfr.be.

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proposée par l’architecte. La cour considère que le pourcentage que l’architecte fait en fonction de matériaux utilisés ne tient pas la route. De la différence entre le calcul sur base de la superficie et celui sur la base de la valeur du bâtiment, il en ressort donc que l’exécution et la construction des locaux affectés à la profession ont coûté bien plus cher que les parties privatives. Cela n’est pourtant pas étayé de la moindre façon. Au contraire, dit la cour, même le parachèvement de par exemple une cuisine ou une salle de bains s’avère en règle beaucoup plus cher que le parachèvement d’espaces affectés à des bureaux.

La cour se rallie au calcul présenté par l’administration pour ce qui concerne les factures qui concernent l’ensemble du bâtiment. Du fait des factures qui se rapportent spécifiquement au parachèvement des locaux professionnels, il a été tenu compte de la valeur de la partie professionnelle du bâtiment. La cour réforme par conséquent le jugement attaqué du tribunal de première instance de Gand.

Dans la plupart des cas, la jurisprudence choisit de se référer au critère de la superficie 112. Il en va de même pour les espaces qui sont affectés partiellement à l’activité professionnelle, comme la toilette (s’il n’y a pas de toilette distincte réservée pour l’espace professionnel), le grenier ou la cave (pour l’archivage), le couloir, le hall, l’escalier113, le garage. Un plan peut être un excellent moyen de prévenir les litiges relatifs aux superficies114.

En fait, il s’agit de ne pas trop exagérer. C’est ainsi que les juges ont refusé à plusieurs reprises d’accepter le living comme un local affecté à l’activité professionnelle parce qu’il était invraisemblable que les clients ou les patients soient reçus dans le living115.

C.Les charges locatives

Les frais d’entretien et de chauffage. – Les frais mixtes (en partie privés et en partie professionnels) peuvent faire l’objet d’un accord avec l’administration. En ce qui concerne la déduction de frais de locaux professionnels, seule la destination des locaux importe. Il ne faut pas prendre en considération l’importance des locaux considérés par rapport à l’immeuble, ni l’importance dans le temps de l’occupation de ces locaux

116.

Les dépenses d’entretien, de chauffage, d’éclairage, de réparation, d’assurance, de surveillance, d’ameublement et autres se rapportant à l’habitation privée du contribuable ne peuvent donc pas être déduites à titre de frais professionnels

117.

Le précompte immobilier. – Le précompte immobilier (principal et centimes additionnels) est entièrement déductible à l’I. Soc. À l’I.P.P., il est déductible s’il est afférent à la partie professionnelle de l’immeuble occupé par l’exploitant. Les frais et intérêts de retard afférents au précompte immobilier sont également déductibles à titre de frais professionnels

118.

Si l’immeuble ou la partie d’immeuble n’a été affecté à des fins professionnelles que pendant une partie de l’année, le précompte immobilier ne sera déductible qu’à concurrence du nombre de mois correspondant à l’affectation professionnelle.

Cette déduction du précompte immobilier constitue dès lors une exception à l’article 53, 1°

112 Entre autres Bruxelles, 8 février 2007 et Trib. Hasselt, 11 juin 2003, disponibles sur www.fiscalnet.be. 113 S’il y a des espaces professionnels à l’étage : Trib. Louvain, 29 août 2006. 114 Entre autres Gand, 5 janvier 2000, Cour. fisc., 2000 (reflet), p. 179, note. 115 Trib. Louvain, 27 janvier 2006. 116

Bruxelles, 18 février 1999, Act. fisc., 1999, liv. 16, p. 8. 117

Com. I.R., 52/28. 118

Com. I.R., 52/25-4.

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du C.I.R. prévoyant que les impôts ne sont en principe pas déductibles.

Frais d’entretien et d’aménagement des jardins. – Pour de nombreux contribuables exerçant une profession libérale, un jardin attenant à l’habitation dans laquelle est exercée l’activité professionnelle constitue une forme de « carte de visite ». La jurisprudence accepte que les frais d’entretien d’un jardin puissent être déduits en raison du lien causal entre la dépense et la profession119. C’est ainsi qu’un contribuable exerçant la profession d’architecte et urbaniste souhaitait porter en déduction les frais d’entretien et d’aménagement de son jardin. La cour d’appel de Gand va lui donner raison estimant que le milieu de vie et le logement du contribuable constituent effectivement sa meilleure carte de visite. En plus, souligne la cour, il ne s’agissait pas d’un jardin régulier, mais d’une réalisation d’un modèle qui pouvait être un moyen pour attirer des clients potentiels. Le lien causal entre le jardin et l’activité professionnelle du contribuable étant établi, la Cour décide d’accorder la déduction des frais d’entretien mais aussi toutes les modifications du jardin120.

D. Conséquences pour le propriétaire D1. Principes

Imposition des revenus immobiliers. – En principe, les loyers perçus par un propriétaire personne physique pour un bien immobilier bâti et sis en Belgique sont imposés comme suit lorsque le locataire est également une personne physique :

1. sur la base du revenu cadastral majoré de 40 % pour l’immeuble bâti donné en location à une personne physique qui ne l’affecte ni totalement, ni partiellement à l’exercice de son activité professionnelle ; ou

2. sur la base du montant total du loyer et des avantages locatifs, sans pouvoir être inférieur au revenu cadastral majoré de 40 %, pour l’immeuble bâti donné en location à une personne physique qui l’affecte totalement ou partiellement à l’exercice de son activité professionnelle. Il s’agit d’un montant brut qui doit être diminué d’un pourcentage de 40 % pour frais de réparation et d’entretien. Cette déduction ne peut en aucun cas dépasser les deux tiers du revenu cadastral revalorisé en fonction d’un coefficient déterminé chaque année

121. Pour les revenus 2008 (exercice d'imposition 2009), ce coefficient s'élève à 3,75.

En cas d’affectation partielle de l’immeuble bâti à des fins professionnelles par le locataire, la totalité des loyers sera imposée dans le chef du bailleur sauf si « le loyer et les avantages locatifs sont déterminés, dans un contrat de location soumis à la formalité de l’enregistrement, séparément pour la partie qui est affectée à l’exercice de l’activité professionnelle et pour la partie qui est affectée à d’autres fins »

122. Autrement dit, si le bailleur marque son accord

quant à une affectation professionnelle partielle de son immeuble par le locataire, il lui est vivement recommandé de faire enregistrer un bail ventilant clairement la partie du bien utilisée à des fins strictement privées, et celle affectée à des fins professionnelles. Cela permettra au bailleur d’être imposé séparément pour chacune des parties du bien.

Il est bien évidemment beaucoup plus avantageux d’être imposé sur la base du revenu cadastral éventuellement majoré de 40 % que sur la base des loyers réellement perçus.

Prenons l’exemple de Monsieur X, propriétaire d’une maison qu’il donne en location à

119 À ce sujet, voir Gand, 18 janvier 2006, www.fiscalnet.be ; Gand, 22 novembre 2001, F.J.F. , 2002, p. 388. 120 Gand, 18 janvier 2006, www.fiscalnet.be. 121

Article 13 du C.I.R. 122

Article 8 du C.I.R.

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Monsieur Y moyennant un loyer mensuel de 1.600,00 EUR. Le revenu cadastral de la maison s’élève à 4.000,00 EUR. Pour l'année 2007, le revenu cadastral indexé s'élève donc à 5.812,80 EUR

123.

Si Monsieur Y affecte partiellement (sans contrat de bail enregistré ventilant la partie privée et professionnelle) ou totalement la maison pour son activité professionnelle, le bailleur sera imposé sur la base du montant total du loyer et des avantages locatifs diminué d’un forfait de frais de 40 %, soit 14.333,33 EUR (= 19.200,00 EUR – 4.866,67 EUR).

Si Monsieur Y n’affecte ni partiellement, ni totalement la maison à l’exercice de son activité professionnelle, le bailleur sera imposé sur la base du revenu cadastral indexé majoré de 40 %, soit 8138,20 EUR.

Cet exemple montre à suffisance que l’imposition sur la base du revenu cadastral est bien plus intéressante que celle basée sur les revenus locatifs réellement versés. Cela pousse de nombreux propriétaires à prévoir dans le contrat de bail que le bien est loué pour un usage exclusivement privé. Certains propriétaires vont encore plus loin et prévoient que le locataire sera tenu de tous les suppléments d’impôt dus en raison du changement d’affectation dans l’usage du bien loué.

Malheureusement, le contrat de bail n’est en principe pas opposable à l’administration fiscale qui, en cas d’affectation professionnelle d’un bien loué, imposera le bailleur sur la base des loyers réels et non du revenu cadastral. Le bailleur aura toujours la possibilité de se retourner contre son locataire afin d’obtenir le remboursement du supplément d’impôt. Un tel recours contre le locataire semble plus délicat si le contrat de bail ne prévoit pas l’affectation exclusive du bien à des fins privées.

La cour d’appel d’Anvers a cependant admis qu’un contrat de bail était opposable à l’administration fiscale à moins que celle-ci n’apporte la preuve que le propriétaire était au courant de l’affectation réellement donnée par le locataire au bien loué

124. Cette preuve

n’étant pas rapportée, la cour d’appel a confirmé l’imposition du bailleur sur la base du revenu cadastral.

Cette jurisprudence est plutôt minoritaire. C’est ainsi que le tribunal de première instance de Louvain a décidé d’imposer le bailleur sur la base des loyers réels à la suite de l’affectation partielle du bien loué à des fins professionnelles, et cela malgré que le contrat de bail prévoyait explicitement que l’immeuble « est loué pour l’usage suivant : résidence principale »

125. Le fait que le bailleur n’était pas au courant de ce changement d’affectation

n’est pas pertinent en l’espèce. Le tribunal a également décidé que le bailleur ne pouvait pas récupérer le supplément d’impôt auprès du locataire étant donné que le contrat n’interdit pas expressément ni l’usage professionnel du bien, ni la déduction par le locataire des loyers au titre de frais professionnels.

La jurisprudence est donc loin d’être unanime sur le sujet…

D2. Affectation professionnelle

Affectation professionnelle. – Que faut- il entendre par affectation à l’exercice de l’activité professionnelle ? À partir de quand un bailleur risque-t-il de se faire imposer sur la base des revenus réels et non plus du revenu cadastral majoré de 40 % ?

De nombreux contribuables pensent que cette affectation à l’exercice de l’activité professionnelle ne sera retenue par l’administration fiscale que lorsque le locataire déduit tout

123 Pour les revenus 2007 (exercice d'imposition 2008), le coefficient d'indexation visé à l'article 518 du C.I.R. s'élève à 1,4532. Voir la circulaire n° 5/2007 du 26 février 2007. 124

Anvers, 18 octobre 2005, www.fiscalnet.be. 125

Civ. Louvain, 21 octobre 2005, www.fiscalnet.be.

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ou partie du loyer à titre de frais professionnels. Cette interprétation est cependant remise en cause par une certaine jurisprudence qui soutient que seule l’affectation réelle doit être prise en considération

126.

Dans un arrêt rendu le 28 juin 2002, la cour d’appel de Bruxelles a décidé que seule l’utilisation effective de l’immeuble est relevante pour déterminer le régime fiscal applicable

127.

Cette tendance risque d’avoir des conséquences importantes étant entendu que de nombreux locataires travaillent dans une certaine proportion à leur domicile sans y exercer principalement leur activité professionnelle.

La cour d’appel de Bruxelles a encore développé son raisonnement dans un arrêt rendu le 24 mai 2000 où elle se base sur les travaux préparatoires de l’article 7 du Code des impôts sur les revenus qui précisent « le propriétaire qui donne en location un bien immeuble à un locataire, qui utilise le bien en tout ou en partie à des fins professionnelles, est imposé […] sur, outre le revenu cadastral, la partie du loyer net et des charges […] chaque fois que le loyer est ou doit être comptabilisé quelque part (comme charge professionnelle, comme dépense d’une autorité publique, d’une A.S.B.L., etc.) ». Dans le cas d’espèce, un appartement était donné en location à un avocat domicilié à Liège mais effectuant son stage au Barreau de Bruxelles. Le contrat de bail prévoyait que l’appartement devait être affecté exclusivement à l’usage d’habitation. Le locataire n’a pas exercé son activité professionnelle dans cet appartement mais il a néanmoins déduit les loyers au titre de frais professionnels estimant que les conditions d’application de l’article 49 du C.I.R. étaient remplies. Se basant sur les travaux parlementaires susmentionnés, la cour d’appel va décider que l’appartement a été affecté à l’exercice d’une activité professionnelle. En effet, « le locataire de la requérante a, ou a dû comptabiliser, le loyer payé à cette dernière, pour pouvoir le déduire comme charge professionnelle ». Il y a donc lieu de considérer que l’appartement de la requérante a été affecté à l’exercice d’une activité professionnelle au sens de l’article 7, § 1er, 2° C.I.R.

128.

Cet arrêt de la cour d’appel de Bruxelles renvoie très justement aux travaux préparatoires de l’article 7 du C.I.R. mais ne tranche pas la question de l’imposition des revenus immobiliers dans le chef du bailleur lorsque le locataire travaille de temps en temps chez lui mais ne déduit pas les loyers à titre de frais professionnels. Dans un cas similaire, la cour d’appel de Bruxelles a estimé qu’un bien loué par une enseignante à proximité du lieu de travail avec déduction des loyers y afférents sans qu’aucune activité professionnelle n’y soit exercée n’est pas affecté à l’exercice de l’activité professionnelle du locataire au sens de l’article 7, § 1er, 2° du C.I.R. 1198. Le bailleur devait dès lors être imposé non pas sur la base du montant total du loyer et des avantages locatifs, mais bien du revenu cadastral majoré. La jurisprudence est donc loin d’être unanime sur le sujet.

Il est dès lors recommandé aux bailleurs d’insérer dans tout contrat de bail les deux éléments suivants :

1. le bien loué doit être affecté exclusivement à des fins de résidence principale à l’exclusion de toute affectation professionnelle ; et

2. tout supplément d’impôt dû par le bailleur en raison de l’affectation partielle ou totale du

126

Civ. Louvain, 21 octobre 2005, www.fiscalnet.be. 127

Bruxelles, 28 juin 2002, cité par E. MASSET, « Affectation à usage professionnel d’un bien immobilier par le locataire alors que le bail l’interdit », www.fiscalnet.be. 128

Bruxelles, 24 mai 2000, www.fiscalnet.be.

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bien loué à des fins professionnelles sera mis à charge du locataire. La Cour constitutionnelle (arrêt n° 86/2008, M.B., 29 août 2008) a eu à se prononcer

récemment sur la question préjudicielle suivante : le régime de taxation des revenus immobiliers sur la base du montant total des loyers et des avantages locatifs est- il conforme aux articles 10, 11 et 172 de la Constitution si l’on considère qu’il doit s’appliquer de manière identique d’une part au propriétaire qui donne en location son bien en parfaite connaissance du fait que son locataire pourra l’affecter à des fins professionnelles et, d’autre part, au propriétaire qui donne son bien en location en interdisant une affectation professionnelle ou qui donne son bien dans l’ignorance qu’une activité professionnelle pourra y être exercée par le locataire ?

Dans les faits présentés à la Cour constitutionnelle, le locataire avait pratiqué une activité professionnelle délictueuse et l’administration avait opéré une déduction sur les revenus de cette activité des loyers comme charges professionnelles.

La Cour constitutionnelle considère qu’en principe l’article 7, § 1er, 2°, c, du C.I.R. ne crée pas de différence de traitement entre contribuables, incompatible avec les articles 11 et 172 de la Constitution.

La Cour constate toutefois que dans l’espèce soumise au juge, c’est l’administration elle-même qui avait déduit les loyers des revenus professionnels du locataire, lequel n’avait pas déclaré ses revenus. Par voie de conséquence, l’administration a imposé avec effet rétroactif le propriétaire sur le montant total du loyer et des avantages locatifs.

Dans ces circonstances, la Cour juge que l’article 7, § 1er, 2°, c, du C.I.R. porte une atteinte disproportionnée au principe selon lequel tout contribuable doit pouvoir déterminer, avec un gré minimal de prévisibilité, la réforme fiscale qui lui sera appliqué.

§ 1. Amortissements129

Amortissement des immeubles bâtis. – Lorsqu’un contribuable est propriétaire d’un immeuble qu’il affecte totalement ou partiellement à l’exercice de son activité professionnelle, il peut déduire à titre de frais professionnels l’amortissement de cet immeuble ou partie d’immeuble.

Le Code des impôts sur les revenus ne fixe pas de durée spécifique d’amortissements quant aux immeubles affectés à l’exercice de l’activité professionnelle. Par contre, le Commentaire dudit Code nous précise le délai en fonction de la nature de l’affectation donnée à l’immeuble :

– les immeubles industriels s’amortissent en principe à raison d’un taux annuel de 5 % dans les secteurs suivants : mines, industries chimiques, cuirs, peaux, chaussures, textile, électricité, métallurgie et sidérurgie

130 ;

– les immeubles à usage de bureau s’amortissent en principe à raison d’un taux annuel de 3 %. Néanmoins, lorsque ces bureaux font partie intégrante d’un immeuble industriel, le taux d’amortissement peut être le même que pour le reste de l’immeuble

131.

Peuvent également être déduits les frais d’acquisition de biens immobiliers tels les frais de notaire, d’architecte, les droits d’enregistrement, la T.V.A. Ces frais peuvent être pris en charge intégralement l’année de leur paiement ou constituer un accessoire à la valeur d’acquisition et donc être amortis au même rythme que celle-ci

132.

129

Pour un développement, voir infra, Chapitre 4. 130

Com. I.R., 61/120. 131

Com. I.R., 61/123. 132

Certains frais d’acquisition peuvent aussi avoir la nature de « sommes affectées à l’extension de l’activité professionnelle ». Ils feront en ce cas donc partie des bénéfices de l’exploitant (Com. I.R., 52/30).

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Amortissement des terrains ? – L’administration fiscale a toujours été d’avis qu’un terrain, qu’il soit ou non bâti, ne pouvait s’amortir étant donné que sa durée d’utilisation n’est pas limitée dans le temps. Dès lors, en cas d’acquisition d’un immeuble bâti, il y aura lieu de ventiler le prix d’acquisition afin de pouvoir déterminer la partie du prix correspondant au terrain qui ne pourra pas être amortie. Cela ne fait cependant pas obstacle à la possibilité de comptabiliser sur certains terrains qui font partie des immobilisations corporelles, des réductions de valeur qui peuvent être admises comme frais professionnels sur le plan fiscal, à condition qu’il soit prouvé qu’elles ont un caractère liquide et certain

133

133

Com. I.R., 61/55.

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THEME N° 5 : LES AMORTISSEMENTS

LA BASE D’AMORTISSEMENT D’UN USUFRUIT SELON LE TRIBUNAL DE PREMIER E INSTANCE DE MONS 1. - La méthode d’évaluation traditionnellement adoptée lors des « constructions usufruit ». – L’estimation correcte de la valeur de l’usufruit est une question essentielle. Notamment parce que cette question est étroitement corrélée à la problématique de l’éventuelle taxation d’un avantage en nature dans le chef du nu-propriétaire, que cette taxation intervienne au cours ou à l’expiration de l’usufruit. La valorisation d’un usufruit ne fait l’objet d’aucune disposition dans le Code des impôts sur les revenus. Les candidats à des telles « constructions usufruit » se tournent généralement vers des modes d’estimation issus d’autres branches du droit fiscal. En pratique, l’évaluation de l’usufruit sur un immeuble se fait sur la base de l’article 47, alinéas 2 et 3 du Code des droits d’enregistrement qui fixe la base imposable pour le calcul des droits d‘enregistrement en cas de cession d’un usufruit temporaire sur un immeuble134. Cette disposition prévoit que « si l'usufruit est établi pour un temps limité, la valeur vénale est représentée par la somme obtenue en capitalisant au taux de 4 % le revenu annuel, compte tenu de la durée assignée à l'usufruit par la convention, mais sans pouvoir excéder soit la valeur déterminée selon l'alinéa précédent, s'il s'agit d'un usufruit constitué au profit d'une personne physique, soit le montant de vingt fois le revenu, si l'usufruit est établi au profit d'une personne morale. En aucun cas, il ne peut être assigné à l'usufruit une valeur vénale supérieure aux quatre cinquièmes de la valeur vénale de la pleine propriété »135. Dans la plupart des cas, les contribuables évaluent l’usufruit à 80 % de la valeur de la pleine propriété de l’immeuble, ce qui constitue le maximum autorisé par l’article 47 du Code des droits d’enregistrement136. 2. – Le point de vue de l’administration. – Cette méthode d’évaluation de l’usufruit prévue dans le Code des droits d’enregistrement est de plus en plus sérieusement remise en cause. Dans une décision anticipée (favorable) du 30 septembre 2003137, l’administration fiscale avait certes admis que la méthode basée sur l’article 47 du Code des droits d’enregistrement pouvait s’appliquer, mais a estimé dans la foulée que « la présente décision ne portait pas préjudice à l’imposition éventuelle dans le chef de M. X d’un avantage de toute nature visé à l’article 32, alinéa 2, 2° du C.I.R. », ce qui, pour le contribuable, ne pouvait que tempérer l’optimisme suscité par l’obtention d’une telle décision favorable. Une entaille plus prononcée à l’utilisation de ce mode d’évaluation est faite par le ministre des Finances à l’occasion d’une réponse à une question parlementaire. Ce dernier y précise que « pour évaluer l’usufruit, le

134 Sur cette question, voyez notamment X, « Ruling nouveau : les premières décisions sont publiées », Fiscologue, 2004, n° 942, p. 3. 135 On observera qu’en matière de droits de succession, une autre évaluation spécifique est réalisée à l’aide de coefficients fixés par l’article 21 du Code des droits de succession. 136 On ajoutera que le tribunal de première instance de Namur (Trib. Namur, 28 juin 2006, inédit, rôle 678-2001) permet aussi l’évaluation de l’usufruit en matière d’impôts sur les revenus sur la base de l’article 21 du Code des droits de succession. 137 Décision anticipée n° 300.081 du 30 septembre 2003, www.fisconet.be. Voyez X, « Ruling nouveau : les premières décisions sont publiées », Fiscologue, 2004, n° 942, p. 3.

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produit actualisé des locations est, le cas échéant, l’un des éléments et qu’en matière d’impôts sur les revenus il ne faut pas nécessairement se référer aux règles mentionnées dans le Code des droits d’enregistrement ou de succession »138. Le 8 février 2007, le service des décisions anticipées a, dans un avis rendus sur la question des « constructions usufruit », précise qu’aucune requalification d’usufruit n’interviendra lorsque les cinq conditions sont réunies : 1) l’usufruit est obtenu d’un tiers ; 2) l’usufruit est constitué pour une période de minimum 20 ans ; 3) une partie importante (± 50%) de l’immeuble est affectée par la société a sa propre activité 4) pour la partie non affectée à l’activité de la société, un loyer correspondant au prix du marché devra être payé sur la base d’un contrat de bail enregistré ; 5) les frais éventuels exposés pour le bien immobilier doivent être reportés entre l’usufruitier et le non propriétaire conformément aux dispositions des articles 605 et 606 du Code civil. L’avis ajoute que la valorisation de l’usufruit doit être effectuée à sa valeur réelle et que, pour l’application des impôts directs, les méthodes de valorisation forfaitaire utilisées en matière de droits d’enregistrement et de droits de succession ne sont pas appropriées. On notera enfin que le nouveau collège pour la lutte contre la fraude fiscale et sociale présidé par Carl Devlies a inséré dans son « plan d’action 2008-2009 » la lutte contre les « constructions usufruit ». Le collège annonce que pour mieux contrôler ces montages, une banque de données sera développée. 3. – Le jugement du 28 février 2005 du tribunal de première instance de Mons. – On observera que cette position reste encore assez nuancée. S’inspirant sans doute d’une telle position mais aussi (et surtout) d’une étude de J. Verhoeye 139 consacrée à la valeur économique d’un usufruit, le tribunal de première instance de Mons rendit en février 2005 un jugement140 rejetant sans détour la valorisation retenue traditionnellement dans le contexte des « constructions usufruit ». Selon le juge, les règles d’évaluation qui figurent dans le Code des droits d’enregistrement ne peuvent tout simplement pas être transposées en matière d’impôts sur les revenus car « ces règles ne visent précisément qu’à déterminer la valeur de l’usufruit et la valeur de la nue-propriété dans le seul cadre des droits d’enregistrement ». Les faits dont eut à connaître la juridiction de Mons méritent d’être exposés. Une société achète en 1998 un usufruit d’une durée de huit ans portant sur un immeuble industriel pour un montant de +/– 664.000 EUR (ce qui représente 80 % du prix total de l’achat qui est de 830.000 EUR), tandis que la nue-propriété est acquise par les deux administrateurs pour 166.000 EUR (20 % du prix de l’achat). L’administration considère toutefois que la valeur de l’usufruit est limitée à 166.000 EUR. Puisque la valeur de la nue-propriété est de 664.000 EUR (soit 830.000 – 166.000), l’administration va imposer au titre d’avantage de toute nature la différence entre sa 138 Question n° 654 du 23 février 2005 de M. VAN DER MAELEN, Bull. Q.R., Ch. repr., sess. ord. 2004-2005, pp. 12.738-12.740. Et le ministre ajoute : « les conséquences fiscales des mécanismes d’usufruit doivent être évaluées sur base des données factuelles et juridiques propres à chaque cas. La valeur de l’usufruit doit être déterminée de cette manière. Le produit actualisé des locations peut constituer, le cas échéant, une de ces données. En matière de contributions directes, il ne faut pas nécessairement se référer aux règles mentionnées dans le Code des droits d’enregistrement ou dans le Code des droits de succession ». 139 J. VERHOEYE, « De turbo vruchtengebruikconstructie », F.E.T., 15 décembre 2000. Le jugement reproduit de larges extraits de l’article de doctrine auquel le Tribunal déclare se rallier pleinement. Voyez également sur cette question K. VERHEYDEN, « Waardering van vruchtengebruik, recht van opstal en erfpacht », Zakelijke rechten en fiscaliteit, Anvers-Apeldoorn, Maklu, 2004, pp. 132 à 135. 140 Civ. Mons, 28 février 2005, Cour. fisc., 2005, n° 386.

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propre valeur de la nue-propriété (664.000 EUR) et le montant convenu par les parties (166.000 EUR), soit 498.000 EUR. Cette taxation se justifie, pour l’administration, par le fait qu’à l’expiration de l’usufruit et « en exemption de tous impôts » les dirigeants deviendront pleins propriétaires indivis d’un immeuble dont la valeur conventionnelle de la nue-propriété a été sensiblement sous-évaluée. Pour couronner le tout, puisque cet avantage de toute nature n’a fait l’objet d’aucune fiche fiscale141, ce montant doit, selon l’agent taxateur, être soumis à la cotisation distincte de 300 % prévue à l’article 219 du C.I.R. 142. Cette position est maintenue par le directeur régional, qui permet toutefois à la société d’étaler la taxation de la cotisation distincte sur la durée de l’usufruit. 4. La valeur économique de l’usufruit (l’actualisation des loyers nets). – Le tribunal va tout d’abord se demander si le prix payé pour l’usufruit est ou non normal. Se basant sur l’analyse de Jan Verhoeye143, le juge considère, comme l’auteur, que la valeur de l’usufruit doit correspondre à la valeur économique de ce droit réel qui doit être déterminée soit sur la base de la valeur locative soit sur la base des revenus locatifs réels. Concrètement, pour calculer la valeur économique d’un usufruit, il convient de partir du produit actualisé du rendement locatif brut pendant la durée de l’usufruit, dont on déduira ensuite les frais estimés que doit supporter l’usufruitier (tels les frais d’entretien et le précompte immobilier144). La valeur de la nue-propriété se calcule alors comme « représentant la valeur du bien en pleine propriété, diminuée de la valeur au comptant du rendement locatif net de l’usufruit »145. Sur la base de cette méthode, le juge considère que le loyer mensuel de l’immeuble en question peut être estimé à 5.000 EUR par mois. Il en déduit, que pour une durée de huit ans, la valeur actualisée de l’ensemble des loyers mensuels est de 480.000 EUR. Cette valeur actualisée correspond dès lors à la valeur que doit avoir l’usufruit de l’immeuble. Par différence, la

141 L’obligation d’établir des fiches fiscales est prévue à l’article 57 du C.I.R. 142 L’article 219 du C.I.R. énonce que : « Une cotisation distincte est établie à raison des dépenses visées à l'article 57, qui ne sont pas justifiées par la production de fiches individuelles et d'un relevé récapitulatif ainsi qu'à raison des bénéfices dissimulés qui ne se retrouvent pas parmi les éléments du patrimoine de la société. Cette cotisation est égale à 300 p.c. de ces dépenses ». 143 Selon l’auteur : « De eerste groep koopt een bestaand huis, maar laat hun vennootschap het vruchtgebruik kopen. Zelf kopen de naakte eigendom van het gebouw. Dus moet de prijs van de volle eigendom uitgesplitst worden tussen vruchtgebruik en naakte eigendom. Om dit te berek enen wordt vaak een beroep gedaan op de formules in het registratie — (artikel 47) of successiewetboek (artikel 21, VI). Maar dat zijn formules om respectievelijk de verschuldigde registratie- of successierechten te berekenen, niet om de economische waarde van het vruchtgebruik te berekenen. Om die waarde te berekenen moet rekening worden gehouden met de te verwachten zuivere opbrengsten van het vruchtgebruik. Die bestaan in wezen uit de bruto huuropbrengst die het pand zal opleveren. Daarvan moeten de geraamde kosten in mindering worden gebracht die de vruchtgebruiker zal moeten betalen. De vruchtgebruiker is bijvoorbeeld verplicht, tenzij conventioneel andere bepalingen zijn aangenomen, de herstellingen tot onderhoud te doen (artikel 605, eerste lid van het B.W). De vruchtgebruiker moet tevens de ontroerende voorheffing betalen (artikel 251 W.I.B. 92). Deze netto baten dienen dan geactualiseerd of afgerent te worden tegen een redelijke interestvoet. Zo kan men de waarde van de naakte eigendom berekenen, als de volle prijs r verminderd met de contante waarde van de netto huuropbrengsten in hoofde van de vruchtgebruiker. In dit verhaal, verrijkt de naakte eigenaar zich niet. Als naakte eigenaar staat hij de toekomstige huuropbrengsten of gebruiksrechten af van het goed waarvan hij enkel de naakte eigendom bedt. Dus is het logisch dat hij enkel het verschil moet betalen tussen volle eigendom en de contante waarde van de afgestane opbrengsten. Op het einde van de vruchtgebruikperiode krijgt hij ook het vruchtgebruik. Vanaf dat ogenblik kan hij het gebruiksrecht of de huuropbrengsten ontvangen. Maar op het ogenblik dat het vruchtgebruik opnieuw verenigd wordt met de naakte eigendom, kan in hoofde van de naakte eigendom geen sprake zijn van een verrijking… » (J. VERHOEYE, « De turbo vruchtengebruikconstructie », F.E.T., 15 décembre 2000). 144 Et ce, conformément à l’article 605 du Code civil. 145 Civ. Mons, 23 juin 2004, Fiscologue, 2004, n° 952, p. 9.

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valeur de la nue-propriété est donc égale à 350.000 EUR (830.000 EUR – 480.000 EUR)146. La valeur de l’usufruit étant pour cette raison surévaluée par rapport à celle de la nue-propriété, le tribuna l en conclut que les administrateurs ont obtenu un avantage de toute nature, car dans une relation avec des tiers, la société, dans des circonstances normales, n’aurait jamais payé un tel prix pour l’usufruit. Le tribunal se prononce aussi sur la question de l’existence d’un avantage de toute nature. Pour qu’un avantage soit imposé au titre d’avantage de toute nature, il faut trois conditions, réunies en l’espèce : un avantage (à savoir l’acquisition de la nue-propriété pour une valeur sous-évaluée compte tenu de sa valeur économique), un avantage de toute nature (qui peut consister, comme en l’espèce, en l’économie d’une dépense), et un avantage obtenu en raison ou à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle (le lien causal entre l’activité professionnelle et l’avantage résultant selon le juge du fait que les dirigeants n’auraient jamais payé un prix si faible, compte tenu de la durée de l’usufruit, pour l’acquisition de la nue-propriété s’ils n’avaient exercé un mandat dans la société). Quant à la taxation de 300 % frappant la société, c’est à bon droit, estime le juge, que l’administration a soumis l’avantage à la taxation d’une cotisation distincte puisque la société n’a pas mentionné cet avantage dans une fiche fiscale. 5. – Observations. – Il faut admettre que la méthode d’évaluation forfaitaire fixée par le Code des droits d’enregistrement (ou par le Code des droits de succession) n’est plus déterminante dès lors qu’il s’agit de déterminer la valeur (temporaire) d’un usufruit en matière d’impôts sur les revenus. Bien qu’il soit trop tôt pour se prononcer sur la question de savoir si ces méthodes sont appelées à disparaître, et si nos cours et tribunaux suivront cette jurisprudence montoise, il apparaît néanmoins qu’aux côtés des valorisations juridiques bien connues, coexiste à présent une valorisation économique de l’usufruit dont il n’est plus permis de faire abstraction. On est en droit de se demander si cette approche économique n’est pas quelque peu réductrice en ce qu’elle limite la valeur d’un droit d’usufruit à la seule perception des revenus d’un immeuble (ius fruendi) sans prendre en compte cette autre composante de l’usufruit qu’est le droit d’usage de l’immeuble par la société (ius utendi), à condition bien sûr que ce droit ne soit pas cédé totalement au nu-propriétaire mais soit nécessaire à la société pour lui permettre d’exercer son activité. Cette valorisation économique, qui consiste à calculer le produit réel actualisé de l’usufruit, peut, en tout cas, réduire substantiellement la valeur d’un usufruit, et par conséquent les avantages fiscaux liés aux « constructions usufruit ». Prenons en effet l’exemple d’un immeuble ayant un revenu brut de 14.000 EUR par an. Les frais et charges annuels incombant à l’usufruitier s’élèvent à 4.000 EUR. Le taux du marché est de 3 %. Si l’on applique la formule retenue par M. Verhoeye ([produit annuel brut – frais] x 1 – 1/[1+i]n / i), la valeur d’un usufruit de vingt ans s’élève à 148.774,75 EUR (10.000 x 1 – 1/ (1,03)20/ 0,03). Si l’usufruit est constitué pour une durée de dix ans, sa valeur descend, sur la base de la formule susmentionnée, à 85.302,03 EUR. 6. Durée l’usufruit.- L’article 61 du C.I.R. dispose que : « Les amortissements sont considérés comme des frais professionnels dans la mesure où ils sont basés sur la valeur d’investissement ou de revient, où ils sont nécessaires et où ils correspondent à une dépréciation réellement survenue pendant la période imposable ». L’administration défend régulièrement l’idée que les investissements immobiliers réalisés par la société usufruitière (ou la société superficaire) doivent être amortis sur la durée d’amortissement qui s’applique généralement aux immeubles (33 ans) et qu’il ne faut pas tenir compte de la durée du droit

146 Valeur qui, au demeurant, est sensiblement moins élevée que celle qui avait été retenue par l’administration.

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réel d’usufruit (ou d’ailleurs de superficie), et ce au motif, généralement avancé, qu’à l’expiration du droit réel, ces investissements ne disparaissent pas147. Cette position se heurte à une jurisprudence majoritaire ainsi qu’à deux avis de la Commission des Normes comptables148. Dans l’affaire soumise au Tribunal de Première Instance d'Anvers149, une société avait acquis l'usufruit sur un building avec un terrain. Elle effectua de grosses réparations assimilables à des investissements. L'administration considéra que les amortissements de ces travaux devaient être liés à la durée d'utilité normale à laquelle on peut s'attendre de ces investissements, alors que la demanderesse considère qu’il faut les répartir sur la durée de son droit réel d'usufruit. Le Tribunal constate que l' article 61 du C.I.R. en tant que disposition fiscale ne donne pas de définition de la base sur laquelle porte l'expression « diminution de valeur » y mentionnée. Et donc, il faut se rapporter à la loi comptable comme droit commun. L'article 12 de l’arrêté royal du 8 octobre 1976 (remplacé depuis lors par l’arrêté royal du 30 janvier 2001 portant exécution du Code des sociétés) définit l'amortissement des immobilisations dont l'utilisation est limitée dans le temps comme une répartition de leur montant sur leur durée d'utilité ou d'utilisation probable. Il est donc fait état de « leur » durée d'utilité ou d'utilisation probables et non d'une limitation subjective dans le temps causée par un droit réel que l'usufruitier (en l'espèce) peut faire valoir sur les actifs et donc de ce fait peut exercer. Ce même tribunal jugea cependant dans une autre affaire que, dans le cadre du contrat de superficie conclu pour une durée inférieure à la durée normale d’amortissement de bâtiments similaires, le superficiaire doit utiliser le même pourcentage d’amortissement que celui qui est appliqué lors de la durée normale d’amortissements de bâtiments similaires150. Ce jugement fut toutefois cassé par la Cour d’appel d’Anvers151 qui a jugé que l’amortissement annuel sur un immeuble doit être déterminé sur la seule base de la durée d’utilisation normale. Pour le juge, il faut entendre par ces termes, non une durée d’utilisation in abstracto valant pour tout immeuble, mais la durée restante du droit de superficie, puisque le superficia ire ne peut utiliser l’immeuble après l’extinction de son droit. Le Tribunal de Première Instance de Namur, dans son jugement du 28 juin 2006152, à propos d’un usufruit d’un immeuble amorti à concurrence de 5 %, estime également que « le bien à amortir est un droit réel lié à la durée de vie de la personne physique qui en a fait l’apport à la société demanderesse et il était donc logique que la demanderesse évalue la durée pendant laquelle elle pourra bénéficier de ce droit par référence à l’âge de la personne qui conditionne son existence ». Le Tribunal considère donc que « la demanderesse a fait preuve de prudence, de sincérité et de bonne foi en étalant l’amortissement de l’usufruit litigieux sur une durée de 20 ans et qu’il n’y a aucune raison de le ré-étaler sur 30 ans ».

147 Sur la question de l’amortissement d’une nue-propriété, on se référera à l’avis de mars 1991 de la Commission des Normes Comptables (Bull. C.N.C., n° 26, mars 1991, p.16), suivant lequel les sociétés ne peuvent pas pratiquer des amortissements ordinaires sur les biens immeubles apportés ou acquis en nue-propriété, parce que « les amortissements ordinaires sont liés à l’utilisation de l’immobilisation. Pour les biens immeubles, qui sont détenus en nue-propriété, les amortissements ne peuvent être appliqués qu’à partir du moment où le nu-propriétaire obtient la propriété pleine après l’écoulement de l’usufruit ». 148 Ci-après « CNC ». 149 Civ. Anvers, 25 juin 2003, F.J.F., 2004, n° 111. 150 Civ. Anvers, 5 mai 2004, Cour. fisc., 2004, n° 525. 151 Anvers, 6 décembre 2005, F.J.F., n° 2006, n° 169. 152 Civ. Namur, inédit, n° rôle 678-2001.

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Ce point de vue de la jurisprudence est conforme à la position de la Commission des Normes comptables. Dans son avis n° 150/3153, la CNC considère que la valeur d’acquisition des bâtiments doit être prise en charge par des amortissements étalés sur la période pendant laquelle ils sont la propriété du superficiaire. Il faut toutefois que le contrat de superficie prévoit que la construction reste la propriété de l’entreprise qui fait ériger la construction sur le terrain d’autrui durant une période qui lui permet d’amortir les frais qu’elle a engagés ou correspondant à la période d’utilisation économique normale du bien. Dans un autre avis qui traite plus spécifiquement du droit d’usufruit154, la CNC dit que le droit d’usufruit doit être amorti sur la durée de l’usufruit ou sur la durée d’utilisation économique du bien immobilier si l’on suppose que cette durée est inférieure à celle de l’usufruit, et ce même si l’usufruit a trait à un bien dont l’usage n’est pas limité dans le temps (tel un terrain). Ces deux avis partent de l’idée que la durée d’utilisation économique des bâtiments érigés est en règle générale plus longue que le droit réel. Dès lors, les amortissements doivent être pratiqués en fonction de la durée de ce droit155.

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153 Avis n° 150/3, Bull. C.N.C., n° 19, juillet 1986, p.20-21. 154 Avis n° 162/2, Bull. C.N.C., n° 26, mars 1991, p.16. 155 Pour une analyse plus détaillée de la question, voyez D. MEULEMANS, Vruchtgebruik, erfpacht en opstal, Antwerpen, Maklu, 1998, p. 88 et 113 ; S. VAN CROMBRUGGE, « Hoe lang duurt de afschrijftermijn van gebouwen in geval van een recht van opstal ? », Fiscologue, n° 480, p. 7 ; S. VAN CROMBRUGGE, « Afschrijvingstermijn van gebouwen bij recht van opstal », Fiscologue, 2002, n° 860, p. 1.