Upload
others
View
20
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
PARTIE II : LITTERATURE
CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE
Etude du roman Le Pleurer-Rire de Henri LOPES
I/ Cadre théorique
II/ L'étude du roman
Etape 1: contexte du roman
1- Moment historique et social (époque; histoire littéraire)
2- Biographie et bibliographie
a) l'auteur
b) l'œuvre
Etape 2: présentation du roman
1- Paratexte: couverture; titre; préface; avant-propos; avertissement
2- Structure du roman
a) Structure textuelle: chapitre; paragraphe; parties du récit
b) Structure narrative
3- Genre et registre
4- Résumé du roman
Etape 3: modalité de la narration
1- le narrateur
2- les points de vue ou la focalisation
3- Les composantes de l'histoire
a) l’action romanesque: le cadre de l'histoire; l’épisode; les événements récents
b) l’espace et le temps: les fonctions des lieux; les repères relatifs et absolus
c) les personnages: le statut; les caractéristiques; l’évolution; la situation; la relation entre les
personnages.
d) l’ordre et le rythme de la narration
e) le mode de narration.
Etape 4: étude des passages choisis
1- incipit
2- Intrigue
3- la caractérisation du personnage: l’identité; le portrait
4- la narration: le texte narratif; le texte descriptif
5- les thèmes du roman
6- les choix stylistiques.
Etape 5: étude des thèmes
Etape 6: apports des figures de style
Etape 7: sujets de dissertation littéraire et de commentaire littéraire
********
I- Cadre théorique
L’étude d'une œuvre tire son fondement pédagogique et didactique (théorie des textes
littéraires) du programme de français au Lycée qui précise les instructions officielles: "Le
français est perçu comme un instrument pour aborder la littérature." Or la littérature permet
par ses formes de rendre compte d'une expérience historique concrète. Pour ce FAIRE les jeunes
âmes doivent lire les œuvres choisies pour l'étude avec l'aide du professeur pour atteindre un
objectif: "comprendre une œuvre; c'est saisir sa signification plurielle car elle peut être
romanesque, théâtrale; poétique ou même avoir la valeur d'un essai. L'apprenant doit pouvoir
lire l'œuvre littéraire en donnant un sens aux signes du code écrit, lire, interpréter. Pour
comprendre l'œuvre littéraire l'apprenant doit se familiariser avec les différentes difficultés
qu'elle présente: genre, type, courant littéraire. Ainsi par le présent objectif, l'enseignant doit
donner à l'apprenant les capacités pour pouvoir saisir le sens global de l'œuvre. Etudier une
œuvre, c'est insister sur sa structure, dégager le thème principal en mettant en relief les
caractéristiques des personnages, des lieux dans lesquels ils évoluent, l'importance des figures
de style et leurs effets dans le fonctionnement de l'œuvre".
La didactique du français prépare les élèves à l'appropriation d'un patrimoine culturel par
l'étude des grands romans francophones, plus particulièrement ceux qui ont marqué de leur
empreinte la littérature africaine et congolaise. Ainsi, le roman Le Pleurer-Rire de l'homme
politique, historien et écrivain congolais Henri Lopes a été inscrit au programme officiel de
Français depuis plus d'une décennie. Ce roman est capable de susciter chez l'élève le goût de la
lecture individuelle; d'apprécier les conditions de production et de réception; d'expliquer
l'œuvre et de la mettre en relation avec d'autres et cela à partir d'une démarche en plusieurs
étapes pendant la lecture ou l'écriture. Pour enseigner la lecture de ce roman, le professeur de
français développe un savoir-faire que nous présentons dans ce fascicule.
II/ L'étude du roman
Etape 1: Contexte du roman Le Pleurer-Rire
1- Moment historique et social
Le moment historique et social de l'œuvre ne peut être occulté quand on veut comprendre une
œuvre, car on ne peut la sortir de son contexte. Un roman est lié à une histoire, à des faits
sociaux, à un courant littéraire. La littérature est comme les saisons et les écrivains sont capables
d'éprouver leur temps, de traduire l'évolution de celui-ci. Le livre paraît pour un but. "Si l'on ne
s'en souvient plus la lecture finie, c'est sans doute qu'il a été manqué" écrit Charles Nodier.
Aussi à propos du roman, Hubert Hyssen affirme: "le signe du chef-d’œuvre, c'est le sens que
lui confère le temps. «L’œuvre littéraire est fille de son temps et son époque" ajoute Jean Paul
SARTRE dans Qu'est-ce que la littérature? Ou comme le dit Hyppolite Taine dans Essais de
critique et d'Histoire: "Pour comprendre une œuvre d'art, un artiste, un groupe d'artistes, il faut
se présenter avec exactitude l'état général de l'esprit des mœurs du temps auquel ils
appartenaient." Tous ces auteurs semblent s'intéresser aux circonstances de l'émergence des
œuvres ou courants culturels. Le professeur de français doit montrer aux apprenants la marque
des événements historiques, politiques et sociaux de l'auteur qui est perceptible dans le roman
Le Pleurer-Rire. Sans doute, le contexte imprègne l'œuvre, la façonne.
Le Pleurer-Rire trouve sa place dans un contexte politique et socio-économique malaisé
comme le montre Henri Lopes lui-même: "Dans mon cas: je suis un Africain. Le fils d'un
continent qui a été asservi politiquement ... humilié intellectuellement et esthétiquement. Le
nègre ne devait pas être libre ... à la lisière de l'animalité."
Les écrivains africains traduisent dans leurs ouvrage la lutte anticoloniale pour
l'indépendance, la volonté de bâtir de nouvelles républiques, de prendre en main leur propre
destin. Alors les mœurs politiques et sociales de leur temps se retrouvent dans le roman africain.
Chez Ahmadou Kourouma, Les soleils des indépendances, chez Alioum Fantouré, Le cercle
des tropiques autant que chez Henri Lopes, Le Pleurer-Rire par exemple, les indépendances
désenchantent à cause des difficultés économiques de certains pays africains et des régimes
politiques militaires qui plongent les peuples dans la dictature, la misère, la corruption,
l'arbitraire et les inégalités sociales. Donc, la critique des problèmes socio-politiques, "la
politique, c'est la réalité, la tension quotidienne" dit Henri Lopes, et l'ère des dictateurs
imprègnent Le Pleurer-Rire. C'est ce contexte d'une Afrique noire post indépendante dirigée
par les Africains eux-mêmes autour des années 70 qu'on retrouve dans Le Pleurer-Rire publié
pour la première fois en 1982. En effet, en 1970 le Congo adopte le socialisme scientifique et
connait plusieurs coups d'Etat militaires comme c'est maintenant le mode en Afrique avec pour
corollaire la dictature, le monopartisme, le culte de la personnalité, le clivage ethno-tribal
exacerbés, la mauvaise gouvernance et les assassinats crapuleux qui caractérisent la plupart des
pouvoirs africains.
En montrant les relations qu'on trouve entre l'œuvre et son contexte, on comprend qu'on ne
peut séparer l'œuvre de l'histoire.
« Comprendre un texte, c'est saisir les liens qui les rattachent à la condition de sa production,
conditions qui peuvent déterminer son genre, son registre, son appartenance à un courant... »
Par ailleurs, la littérature congolaise n'a pas connu d'école littéraire comme celle de la
Négritude. « Chacun fait selon son inspiration" admet Henri Lopes, mais elle connaît des
générations d'écrivains et des tendances, comme le réalisme critique dans lequel s'inscrit Le
Pleurer-Rire. « Le roman, c'est la fiction même quand il se veut réaliste ».
Le pleurer-rire se donne la tâche de dénoncer les abus du pouvoir de Tonton Bwakamabé
Na SAKKADE. De même la question de la langue n'est pas une difficulté, car le français est
une langue congolaise, une langue d'expression littéraire: "l'écrivain n'est pas un grammairien:
quand il écrit en langue française, il est à la fois dépaysé et en pays de connaissance" reconnait
Henri Lopes. C'est pourquoi l'écriture du roman Le Pleurer-Rire laisse paraître plusieurs
emprunts faits à la langue parlée issue des langues congolaises " notamment le Lingala et le
kituba.
Enfin, Le Pleurer-Rire paraît dans un contexte où le roman devient une réflexion sur le statut
des personnages et sur la construction de la fiction. Déjà au XVIIIe s, Diderot dans Jacques le
fataliste met en évidence l'arbitraire du récit et le pouvoir du narrateur avec le désir de
renouveler la construction du récit en remettant en cause l'unité psychologique des personnages
qui voit avec "le nouveau roman" au XXe ou avec le mélange des genres qui brise les barrières
qui séparent les genres, en faisant passer le spectateur du rire aux larmes, « le sublime et le
grotesque » se mêlent selon la formule célèbre de Victor Hugo au XIXe siècle.
2- Biographie et Bibliographie
a- L'auteur
Selon la critique dogmatique, le moment de la carrière de l'écrivain pendant lequel il vit et
écrit son œuvre peut apporter un éclairage à certains aspects de l'histoire ou des événements
relatés dans le roman. Apprendre l'élève à fouiller dans la vie de l'écrivain aidera à comprendre
certaines choses, à faire la fiche auteur: date de naissance, carrière, œuvre.
L'auteur du roman Le Pleurer-Rire, Henri Lopes est né le 12 septembre 1937, à Léopoldville
devenu, Kinshasa.
- Fait ses études primaires à Brazzaville et Bangui.
- Etudes secondaires et supérieures en France (à Nantes puis à paris).
- Historien
Soutien un DES d'histoire en 1963 à la Sorbonne
Professeur d'histoire au Lycée Clémenceau et Henri IV avant de rentrer au Congo
enseigner l'histoire à l'Ecole Normale Supérieure de l'Afrique Centrale (E.N.S.A.C) du
Congo Brazzaville.
- Homme politique
ministre de l'éducation nationale 1965
Ministre des affaires étrangères 1967
Premier ministre 1973
Ministre des finances 1977 à 1980
- Journaliste et écrivain
Rédacteur en chef du journal ETumba (le combat)
Directeur du journal Mweti
Œuvres littéraires
1971: Tribaliques
1976: La Nouvelle romance
1977: Sans Tam Tam
1982: Le Pleurer-Rire
1989: Chercheur d'Afriques
1992: Sur l'autre rive
1997: Le lys et le flamboyant
2000: Dossiers classés
2003: Ma grande mère Bantoue mes ancêtres les Gaulois
2011: Une enfant de Poto-Poto
1998-2015 : Ambassadeur du Congo en France
- Les idées d'Henri Lopes:
Ce qu'il défend
L'émancipation et la libération de la femme
La morale politique
La Croyance à l'évolution des sociétés africaines indépendantes
Le rôle des intellectuels africains
La quête de l'identité et l’écriture libre, engagée.
Ce qu'il rejette
le tribalisme et le racisme
Le totalitarisme
Les idéologies imposées.
Le registre de ses œuvres
Le rire, de la farce à l'humour, au service de la critique politique
La langue politique et l'art du conteur, la beauté artistique
Une littérature qui parle au monde.
Récompenses
Prix littéraire
Grand prix littéraire des écrivains africains de langue française en 1972 et 1990
Grand prix de la francophonie décerné par l'académie française.
Etape 2 : Présentation du roman Le Pleurer-Rire
1- Le paratexte
a- La couverture
La production éditoriale combine valeur esthétique du livre et valeur marchande pour bien
vendre le livre. Selon la maison d'édition, la couverture du roman est conçue en fonction d'une
stratégie éditoriale d'après laquelle on vise la littérature populaire, le best Seller, la forme et le
succès médiatique.
Le livre qui est devenu un produit de consommation de masse a bénéficié des progrès
technologiques de l'audiovisuel, de l'informatique et des contraintes éditoriales, commerciales.
La couverture du roman va donc changer selon l'édition et créer un horizon d'attente, en
cherchant à susciter l'intérêt du lecteur. Comment la couverture donne une idée du contenu?
Quelle couleur? Quel format? Quelle image ou photographie l'éditeur va-t-il adopter? Quel effet
du nom de l'auteur? Quel genre littéraire? Quel nom d'éditeur? Quel type de public visé?
Pour le formateur un livre est avant tout un texte à lire malgré qu'il soit aussi un produit à
acheter. Ainsi, à partir de ces questions il détient les techniques pour donner les informations
nécessaires à l'apprenant en activité de lecture.
La couverture comprend la première page de couverture ou « côté face » qui contiennent les
données suivantes:
- le nom de l'auteur: Henri LOPES, pour le Pleurer-Rire
- le titre : Le Pleurer-Rire, en noir
- L'édition : présence africaine, collection écrite
- Illustration : une main tachetée comme le pelage du léopard, un animal carnetier d'Afrique.
- Couleur : Jaune orangé, couleur mêlé: jaune et rouge, rire et violence.
Il y a sur le marché une nouvelle édition révisée de ce roman publié en 2003 avec une couverture
noire, le titre en jaune, une illustration: un masque songye. Et la 4e page de couverture contient
le résumé du livre proposé par les éditeurs.
b- Le titre
Le titre joue un rôle important dans la compréhension de l'intrigue du roman. Certains
auteurs comme Tchicaya U'Tamsi et Henri Lopes n'essaient pas d'écrire des romans à clefs ou
à énigme; mais le titre de leur roman est la clé même qui ouvre la porte de leur message qu'ils
veulent transmettre. C'est très fondamental d'adopter une démarche pédagogique qui explique
à l'apprenant la signification du titre.
Les fonctions du titre
- Donner une information
- inciter à la lecture
- Emouvoir le lecteur
- Faire la publicité du roman
- Résumer le contenu du roman (thème)
- Nature du titre:
- Titre éponyme (un nom, surnom) du personnage
- Un groupe nominal
- un groupe verbal.
Bref, le titre désigne l'œuvre.
Signification du titre
- Sens apparent
-Signification symbolique.
Appliquons au roman Le Pleurer-Rire
Fonctions
Le titre de Pleurer-Rire remplit notamment les fonctions suivantes:
1- Fonction d'incitation: ce titre pousse l'apprenant à lire ce roman dont le titre paraît vraiment
curieux.
2- Donner une information: il porte à notre connaissance le nom que Henri LOPES vient de
donner à son quatrième livre et qui désigne ce roman.
3- Résumer le contenu: ce titre résume l'histoire qu'on va lire dans ce roman, le thème dominant
à savoir comment Tonton Hannibal Ideloy Bwakamabé Na Sakkadé qui a perpétré un coup
d'Etat militaire sanglant en renversant PoléPolé et en le poussant à l'exil, instaure une dictature
totalitaire au pays dont le côté irrationnel, truculent suscite le rire, le ridicule qui fait rire aux
dépens de ceux que l'on dénonce par l'ironie et la dérision. C'est le lieu de la satire politique, du
pouvoir tout court.
Nature du titre et signification
Le Pleurer-Rire est composé d'un groupe verbal, une phase verbale construite sur une
opposition nette de deux verbes: « pleurer et rire ». Ce qui donne à lire une figure de style
d'opposition appelée l'oxymore mettant en relief deux réalités abstraites antithétiques,
contraires, avec un effet inattendu possible: mettre ensemble ce qui est opposé, ce qui gêne et
ce qui fait plaisir.
Les pleurs renvoient à l'idée de l'horreur, de la cruauté, de la souffrance, de la douleur, du
deuil, de la mort, de la tristesse.
Les rires quant à eux sont liés à la gaieté, la joie, l'humour: "voyant le deuil qui vous mire et
vous consume: mieux, est le risque de larmes". Ainsi dans ce roman de Henri LOPES se
mélangent ou cohabitent le tragique et le comique, la tristesse et la gaieté, la satire et l’humour,
le burlesque et la raillerie. Ce caractère foncièrement antithétique décrit le ridicule de la
démesure, de la tyrannie de Tonton, car le rire s'accompagne toujours d'expirations saccadées,
propose comme projet de société au peuple.
De toute évidence, ce titre a le projet de mêler deux genres, deux registres pour relever le
drame africain où tout se passe comme dans une tragi-comédie. Donc le tragique du destin des
Africains entre les mains des despotes, le tragique de la cruauté d'un personnage cynique, bête
et ubuesque qu’est Bwakamabé, d'une part, de l'autre le marasme économique, la désillusion
qui frappent le pays de Tonton crée un malaise dont les fruits ne sont que les pleurs, le désespoir.
L’horreur et l’hilarité qui voltigent autour du gouffre. Peut-être que pour Henri LOPES, pleurer
sur le destin spolié de l'Afrique, des démocraties africaines soulage le mal, le sort que connaît
l'Afrique. La dictature militaire n'est qu'un masque qui cache mal le visage d'une Afrique dont
la condition dénoncée provoque le rire, puisque la douleur cohabite avec le rire. De même, les
mésaventures politiques du tyran Bwakamabé autant que les aventures amoureuses du maître
d'hôtel qu'on découvre dans ce roman ne manquent pas de comique. A la vérité leurs situations
nous conduisent au drame: « Les vrais Africains sauront rire et d'ailleurs comme il convient de
l'invraisemblance des personnages et des situations ».
Enfin, l'auteur emploie l'article défini « le ». Ce qui substantive ce titre au point de donner
une nouvelle dimension générique au roman. Nous allons donc lire un roman tragi-comique, et
rire aux larmes. C'est ce que veut dire ce roman chargé d'émotions uniques qui décrivent
l'expérience humaine. Ce titre va se mettre en relation avec le thème développé dans le roman
et plusieurs facettes du roman.
Ce titre Le pleurer-Rire cristallise une dualité propre à la vie de l’Homme : les moments de
joie côtoient sans cesse les moments de malheur. Cette ambivalence de la vie de l’homme est
résumée dans la 3eme épigraphe du roman en ces termes : « j’ai beau pleurer, il faut toujours que
le rire s’échappe par quelque coin ».
c- L'avertissement
Faute de préfacer son roman, c'est par un avertissement que Henri LOPES défend le projet
d'écriture du roman Le Pleurer-Rire. Dans le « sérieux avertissement » l’auteur annonce que ce
roman fait « offense au bon goût » et qu'il est « fruit d'une imagination ». Ce n’est nullement
une littérature d'évasion, mais un livre de dénonciation morale ou sociale qu'on trouve dans la
littérature engagée. « Un fils véritable de l'Afrique ne décrirait pas avec autant de détachement
son milieu et son époque ». En fait le texte est une satire que l’auteur contre la censure et vise
à s’en prémunir.
2- Structure du roman
a- Structure textuelle
Un roman a une structure. Il faut demander aux élèves de donner une subdivision ou
composition du roman et proposer des titres à celles-ci. Le savoir-faire de l’encadreur
demandera de la souplesse, car il doit accompagner les démarches des élèves et adapter sa
stratégie à leurs réactions. La lecture du roman demande un temps important de la lecture,
véritable selon le nombre de pages et le rythme de lecture des élèves. L'étude de la structure du
roman insiste sur: la structure de l'œuvre; l'agencement de l'intrigue, les personnages, la part du
récit du discours, de la narration et de la description. L'enseignement met en place un dispositif
pédagogique pertinent et efficace (exposé) ou lecture silencieuse en classe accompagnée des
questions de vérification:
- Nombre de chapitres ou de parties
- Nombre de pages du roman
- moments forts du roman.
Le Pleurer-Rire compte 78 chapitres avec 2 histoires: Le règne de Bwakamabé et la
romance de maître d'hôtel.
Le Pleurer-Rire est un roman de 315 pages.
Moments forts:
1- Déclaration des putschistes à la radio (chap. 3 p.16)
2- Exil de PoléPolé (chap. 5 p.23)
3- Portrait et Biographie de Bwakamabé Na Sakkadé (chap. 6 p.26)
4- Investiture du président putschiste (chap. 11 p.44)
5- Récits des voyages officiels (chap. 15, 16 p 61-70, 258)
6- Conférence des chefs d'Etat (chap. 20, 22 p.79-90)
7- Conseils des ministres (chap. 24, 26 p.94, 101)
8- L'affaire Spinoza (chap. 29 p.110)
9- Mouvements des protestants contre un dictateur (chap. 34, 36, 40, 42, 44 p.128, 156)
10- Quand la presse s'en mêle (chap. 54, 57 p.214, 218, 281)
11- Politique diplomatique de Bwakamabé (chap. 58, 60, 68 p.254, 234, 274)
12- L'ère du complot (chap. 66, 72 p.268, 291)
13- Maladie de Tonton et la mort de Yabaka (chap. 66, 74 p.268)
14- L'exil de maître d'hôtel (chap. 61 p.243)
Intertexte, collage:
Le Pleurer-Rire donne une large place aux réflexions du jeune compatriote directeur du cabinet.
- Les écrits du maître d'hôtel et de Soukali
- Un extrait de Jacques le Fataliste et son Maître, un roman de Diderot à récit sans cesse
interrompu des amours de Jacques le valet avec Denise courtisée jadis par le maître sans succès.
b- Structure narrative
Souvent, l'auteur d'un roman choisit de faire raconter l'histoire de son roman par un des
personnages ou par un narrateur qui développe l'intrigue en exposant au lecteur le déroulement
des événements. Ainsi la structure narrative comprend:
- Le narrateur
- L'intrigue
- L'espace et le temps
- Les personnages.
Dans Le Pleurer-Rire, l'histoire est racontée par un narrateur-personnage: maître d'hôtel.
Mais on note plusieurs autres voix à travers les récits de certaines séquences qu'on trouve dans
le roman. Par exemple le récit de la vie amoureuse de maître d'hôtel, les écrits de Soukali, le
récit de Jacques (p 255), les colonnes des articles de journaux (p 271-272). Les événements se
succèdent sans chronologie dans le roman et de façon discontinue pour donner au roman
Pleurer-Rire une allure saccadée.
Aussi, l'intrigue qui est l'enchaînement des faits et des actions qui forment l'histoire racontée
dans Le Pleurer-Rire présente deux qualités: intrigue simple et intrigue complexe.
Dans le premier cas, c'est-à-dire l'intrigue simple, la situation initiale présente les lieux,
l'époque et la situation des personnages du roman. Dans Le Pleurer-Rire, Henri LOPES choisit
comme cadre de l'histoire le Pays (p 58), un pays qui n'est pas sur la carte et qui a existé à
l'époque des oncles (époque coloniale) dont la capitale avait deux quartiers: Moundié et le
quartier du plateau (p 55, 57) traversé par le fleuve Kounawa. Les personnages comme
Bwakamabé, Maître d'hôtel, Elengui, Soukali, Kaputula, Yabaka, Tiya traversent chacune des
situations spéciales, dramatiques. Ils partent des situations socio-professionnelles moyennes à
une situation plus enviable. Par exemple Bwakamabé commence petit soldat pour atteindre les
sommets du pouvoir et jouir du pouvoir en instaurant un règne de violence sans limite. Le roman
montre à ses débuts que Bwakamabé prend le pouvoir à la suite d’un coup d'Etat (p 30) et avec
l'aide des mercenaires américains, cubains, guinéens et katangais organisés en commando venu
destituer Polé Polé dans la nuit (p 35, 37). Maître d'hôtel quant à lui d’abord maître d'hôtel à
l’hôtel aéricus qui va occuper le poste prestigieux de fonctionnaire du palais de Tonton
Bwakamabé. Sa fonction est comme celle d'un Directeur de cabinet (p 35). Mais tous ces
personnages connaîtront une fin tragique: Bwakamabé qui est devenu le nouvel homme fort du
pays « Mais c'est moi le patron du pays, maintenant ... » P32 veut changer les choses et susciter
l'espoir pour sortir le pays du chaos ou les politiciens l'ont plongé. « Les politicards ont conduit
le pays au bord de la ruine » « Avec moi ça ne sera pas comme avant, avec moi, plus de Bla
Bla Bla. De l'action, de l'action et toujours de l'action ... y aura la stabilité politique, plus
d'opposition. » (p35). En fait le pays sombre dans le désespoir et la misère car le règne de
BWAKAMABE est celui de la destruction.
Donc l'ambition va être concrétisée à travers sa politique de développement fait de projets
non rentables (p57-58): construction des buildings, des palais, des hôtels, des statues et des
ponts: « devant ce spectacle de gratte-ciel et de béton, le citoyen de Moundié déclare que le
Tonton-là, vraiment, il travaille et qu'il a bien mérité de la patrie » (p58).
Mais la désillusion est perceptible dans le pays: « Lui ou un autre, pour nous c'était toujours
la même vie. Hier, nos misères provenaient du blanc qu'il fallait chasser ... Aujourd'hui les
Oncles sont partis et la misère est toujours là » (p23). Le pays était devenu fermé, corrompu:
« Mais Bwakamabé a compliqué l'entrée et la sortie de la terre natale ... » (p53) et " Tonton
décida d'interdire l'entrée de la presse des Oncles ... » (p61) « Mais si vous connaissez l'art de
glisser avec discrétion quelques dollars dans une main ... » (p55).
Mais très vite, le régime de Bwakamabé se heurte à une opposition militante. Son régime va
être qualifié de putschiste (p24): « Une déclaration faite à l'étranger par laquelle les nouveaux
chefs du pays étaient baptisés de putschistes ».
« Une compagne sur le nouveau régime semblait avoir de l'effet sur les autres chefs d'Etat
... » (p63). Bwakamabé tente de faire reconnaître son régime par les présidents de l'OUA et par
l'ancienne métropole: voyage au sommet de l'OUA (p61, 60), voyage en France (p258-268).
Mais il doit faire face à une opposition grandissante au pays. L'affaire Spinoza et la bande des
vingt (p271-273), viol de Za Hélène (p124-126), massacre du palais de compagne (p134-149),
le groupe terroriste Téléma (p271-273), complot du colonel Katapula (p291-293), autant de
péripéties qui animent l'action.
Bwakamabé tombe malade, des boutons apparaissent mystérieusement sur le visage et se
révèlent incurables. Le capitaine Yabaka est lâchement exécuté. C'est ainsi que s’achève le
roman. La situation de Bwakamabé n'a fait que se dégrader. Même celle de maître d'hôtel
comme on le voit dans le récit de ses amours. En effet, dans Le Pleurer-Rire, de Henri LOPES
a souvent utilisé l'enchaînement c'est-à-dire un texte cadre met en place des personnages qui
racontent eux-mêmes leur histoire comme une intrigue secondaire enchâssée dans l'intrigue
principale.
Par ailleurs dans Le Pleurer-Rire on découvre plusieurs descriptions qui situent les lieux de
l'action, dresse le décor et créent une atmosphère PRESQUE R2ELLE. Elles sont structurées
par des indicateurs de lieu, l'imparfait descriptif. A la page 13 le narrateur-personnage présent
(p58) présente l'agitation qui gagne Elengui quand elle apprend la nouvelle du coup d'Etat de
Bwakamabé. Elle se trouve au domicile conjugal, pendant que son époux est absent. Il rentre
« ce matin-là » (p13) dans: » la parcelle », « notre chambre », « véranda », »salle de séjour».
Perception des personnages, des paysages ou objets:
« C’était le vieux Tiya ... » emploi du présentatif 'c'était' (p15)
« C’était toute la tribu des Djabotama ... » (p44)
« Elengui ... plus possessive qu'une armée de femmes instruites ... » (p19)
« Soukali, une grande Dame, un membre de la haute société. » (p20)
Portrait de Bwakamabé: « un mètre soixante-dix, soixante-quinze kilos, le visage impassible
cerné d'un bracelet de poids cerclant des lèvres épaisses ... » (p25)
« Salle d'attente surpeuplée" »du bureau du président Bwakamabé
Les cours du palais: « dans la cour du palais, une paillotte circulaire ... » (p38). « Je vis les yeux
de Tonton s'arrondir aussitôt » (p39)
Enfin, sur le plan narratif, le roman peut raconter une histoire en présentant les événements
soit dans l'ordre chronologique, soit en désordre grâce à des retours en arrière qui rapportent
des événements du passé. L'auteur peut aussi annoncer les événements futurs, en faisant des
anticipations (prolepses).
Dans Le Pleurer-Rire, Henri LOPES relève d'emblée la situation socio-politique qui vient de
se produire au pays et qui amène Bwakamabé à la tête de l'Etat, lui le petit militaire devenu
président, s'y accroche en éliminant tous ses opposants: le coup d'Etat de Bwakamabé, sa
maladie. Le narrateur revient donc sur les événements qui ont précédé le coup d'Etat: « En ce
temps-là, il existait encore de nombreux régimes civils sur le continent. » (p61) « Pour bien
faire revivre les séances du conseil des ministres ... » (p97)
L'affaire Yabaka, dans laquelle il est exécuté, accusé de chercher à renverser Bwakamabé,
n'a pas encore lieu telle qu'on le raconte à la page 24, mais plutôt plus tard vers la fin du roman.
La vie de Bwakamabé présentée dans l'éditorial de « la croix du sud » est un retour en arrière.
3 - Genre et registre
Le genre romanesque est un genre avec les caractéristiques propres à connaître pour l'étude.
C'est souvent une fiction avec un nombre de personnages dont la présence attestée est
développée par des procédés narratifs. Et ceux-ci évoluent dans le temps et l'espace, dans un
cadre de vie et une époque que le narrateur décrit, explique. Connaître le genre, le registre est
nécessaire à la compréhension de l'œuvre. Aussi, les descriptions mêlées des événements
racontés dans le roman ont généralement une dimension documentaire, symbolique, réaliste et
suscitent diverses émotions. Sans oublier que le roman peut avoir plusieurs fonctions
(didactique, esthétique, engage). Les romans ne sont pas pareils. Il y en a plusieurs types selon
les sujets qu'ils traitent: roman historique, roman à thèse, roman d'amour, roman d'intrigue ou
d'aventure, roman épistolaire, roman policier, roman de science-fiction, roman
autobiographique, roman réaliste, roman naturaliste, journal intime, roman à l’eau de rose.
Le Pleurer-Rire est un roman réaliste, politique. Il dénonce les travers et les abus de l'Homme
politique et de la société avec l'humour, la dérision et la violence. La verve lopesienne se veut
caricaturale et invite le lecteur à la réflexion devant la misère, la spoliation la dictature, la
violence et les injustices sans limites au sein de certaines sociétés et institutions. C'est pourquoi
le registre le roman Le Pleurer-Rire varie entre la satire et le comique, le tragique et le comique,
le comique et le réaliste.
Le langue inconnue, « le kibotama » qui est mêlée au français, le niveau de langue familier
chez le maître d'hôtel et le président Bwakamabé montrent des personnages ordinaires, banals,
lubriques, burlesques et incultes.
4 - Résumé du roman
Il permet de pousser les élèves à lire intégralement le roman, à saisir l'enchaînement des actions
de l'histoire racontée. L'enseignant demandera à l'élève de monter une fiche résumé dans
laquelle il indiquera:
En haut: l'auteur, le titre, l'éditeur, la date de parution
Résumer le contenu en respectant l'ordre du texte. Préciser les références essentielles
(pages, chapitres) et bien marquer la succession des séquences.
Le cas du roman Le Pleurer-rire
Le pays a accédé à l'indépendance en chassant « les Oncles ». PoléPolé devient le premier
président démocratiquement élu après les indépendances « mais nous sommes indépendants »
(p18, 133) « Aujourd'hui les oncles sont partis et la misère est toujours là ».
PoléPolé maintient les relations diplomatiques et économiques avec l'ancienne métropole,
la France sans chercher à rompre le cordon ombilical, créant alors « un environnement
néocolonial » (p18). Ce climat exaspère les intellectuels et les militaires d'autant plus qu'il
plonge le pays dans la crise socio-politique « les politicards ont conduit le pays au bord de la
ruine » (p34). Les militaires prennent l'initiative de renverser du pouvoir par un coup d'Etat.
Polé Polé avec le soutien du peuple « les gens disaient que c'était bien fait pour Polé Polé »
Bwakamabé qui est à la tête de ce coup d'Etat s'autoproclame président de la république,
contraint Polé Polé à aller en exil. Dans l'exercice de son pouvoir, il tombe dans la dérive en
instaurant un régime dictatorial, totalitaire monopartite: arrestations arbitraires, exécutions
sommaires, confiscation des libertés multiformes, torture, culte de la personnalité et gabegie
caractérisent ce régime fasciste. Bwakamabé pris de vertige s'octroie tous les titres: président
de la république, chef de l'Etat, président du conseil des ministres, président du conseil de la
résurrection nationale, maréchal, guide éclairé, père recréateur du pays (p87). Son parcours
d'ancien combattant peu instruit trahit vite son incapacité à bien diriger le pays. C'est un homme
grossier et vulgaire ayant l'injure facile. Il met en place une machine du pouvoir qui repose sur
sa tribu Djabotama « là où je suis, doit être entouré des miens, rien que des miens » (p34)
« toutes les convives ... étaient les Djabotama ... les membres de la famille de Tonton ... » (p44)
Il va donc devenir impopulaire. D'où la succession d'une série d'actions qui va miner le
régime de Bwakamabé pour lutter contre ce tyran: « opération de subversion de la Bande des
vingt » (p123), Coup d'Etat contre sa personne à son palais de compagne mené par Haraka qui
réussit à s'enfouir, car Haraka était déçu par la politique du « maréchal » (p179). Maître d'hôtel
et ses amis sont faits otages, le colonel Haraka est réfugié à l’ambassade de l’Ouganda est trahi,
en compagnie des nombreux membres de sa tribu : les Djassékini. Mais la gestion gabégique
de Bwakamabé continue de plonger le pays dans le chaos économique, asséchant ainsi les
caisses de l'Etat.
A côté de l'histoire de Bwakamabé il y a le récit des aventures amoureuses de Maître d'hôtel.
Ce dernier est entré au palais de Bwakamabé pas grâce au mérite professionnel mais simplement
parce qu'il appartient à la même tribu Djabotama que Tonton. Marié à Elengui, il mène une vie
extraconjugale avec plusieurs femmes du roman comme Soukali la femme de M. l'inspecteur
de Douanes Adolphe, Mme Berger, Ma Mireille la femme de Bwakamabé, et Cécile. Mais
c'est sa relation avec Ma Mireille qui va le mettre en danger et le contraindre à l'exil à N ... avec
l'aide de Ma Mireille qui lui a procuré de faux papiers et de l'argent. Son privilège d'être à côté
de Tonton lui permet d'être un narrateur. Témoin de la vie de ce dernier qu'il sert avec
dévouement. Finalement à l'exil et à l'opposition contre le régime de Tonton, il ne vit plus qu'à
travers le souvenir du pays dont il suit de près l'actualité à travers les journaux.
La presse encense et caricature Tonton qui vient de déjouer un nouveau complot ourdi contre
son pouvoir, lequel complot finit par l'arrestation de plusieurs militaires comme le colonel
Katapula, chef d'Etat-major et le capitaine Yabaka faussement impliqué dans le coup. Il est
arrêté, torturé par Bwakamabé en personne et mis au poteau. Entre temps faussement Soukali a
trempé radicalement dans le terrorisme au sein du groupe terroriste Téléma. Elle est
emprisonnée puis relâchée, M. l'inspecteur a divorcé avec elle ... Les tortionnaires de Yabaka
deviennent fous alors que la santé de Bwakamabé ne fait que se dégrader. Il est atteint d'une
maladie incurable: des boutons au visage signe annonciateur de la fin d'un règne dictatorial
barbare.
« Tonton sortit un miroir de sa poche et examina son visage, de nombreux boutons avaient
poussé » (p310).
« Tonton va plusieurs fois par an se faire traiter ses boutons par un spécialiste suisse de
réputation mondiale. Là-bas, ils disparaissent effectivement. Deux jours après son retour au
pays, ils resurgissent » (p311).
Etape 3: Modalité de la narration
La construction d'un roman dépend de la diversité des modes de narration et de l'alternance
des points de vue narratifs que le romancier adopte pour que le lecteur prenne connaissance de
l'histoire racontée. Bien entendu l'intrigue du roman est complexe, mais elle peut être linéaire
ou enchevêtrée. Il est important de déterminer les choix narratifs effectués par l'auteur : savoir
d'emblée distinguer la voix du narrateur, des événements de l'intrigue qui peuvent s'enchaîner,
s'enchâsser ou s'alterner entre épisodes des différents personnages et le moment de l'action ou
de l'histoire.
Depuis le Moyen Age jusqu'au XXe siècle le roman a évolué et les romanciers ont inventé
de nouvelles formes, de nouveaux langages. Par définition le roman raconte une histoire par le
biais d'un narrateur. Pour Bikoi le mode de narration: « c'est la manière dont les événements
sont racontés par le narrateur. La narration est le fait d'un narrateur, un être fictif qui se
différencie de l'auteur ».
L'auteur c'est la personne réelle qui produit le texte, délègue à un narrateur le soin de raconter
l'histoire selon un mode de narration particulier. Ainsi la première bonne question à poser pour
lire un roman est : « Qui parle? Et de quelle façon? ».
1 - Le narrateur
Le narrateur c'est la personne de papier qui prend en charge la narration, qui organise le récit
en ayant un statut: personnage de l'histoire quand le récit est à la 1e personne ou absent de
l'histoire, le récit est à la 3e personne. Le narrateur peut intervenir de façon explicite par des
commentaires.
Sur le plan pédagogique, la lecture n'a un grand intérêt que si l'objectif de l'enseignement est
de faire découvrir à l'apprenant le statut du narrateur et les points de vue qu'il adopte pour
développer le récit.
a – Le Statut du narrateur
A quelle personne le récit est-il mené? Le narrateur est-il absent de l'histoire racontée?
Quelle est son identité? Est-il personnage de l'histoire racontée?
Ces questions démêlent les rapports qui existent entre l'auteur, le narrateur, le personnage et
conduisent à trouver le statut du narrateur, ses fonctions et les points de vue qu'il adopte.
Le narrateur-personnage
Le romancier peut choisir de faire raconter l'histoire par un personnage. Alors le récit est
assumé par un narrateur dit intra diégétique, présent dans l'histoire qu'il raconte en étant lui-
même héros de son propre histoire. C'est le cas des romans à la 1e personne et des romans
autobiographiques. Par exemple: Les Mots de Sartre; René de François René de
CHATEAUBRIAND.
Mais si l'auteur peut jouer avec le "je", le narrateur qui dit "je" ne suis pas toujours concerné
par l'histoire. Il peut être témoin de l'histoire en étant un personnage secondaire qui raconte
simplement les aventures vécues par le personnage principal dont il a été le témoin privilégié,
le confident ou le valet. C'est ce qui se passe dans Le Pleurer-Rire. Henri LOPES fait raconter
la chronique du règne du tyran Bwakamabé par ‘Le Maître d'hôtel’, un des personnages du
roman, valet du précédent. Maître d'hôtel devient narrateur-témoin des moments forts du
pouvoir de Bwakamabé grâce à la fonction de maître d'hôtel qu'il va occuper au palais du tyran
qui mène une vie de grande mondanité : réceptions des hôtes, banquets, garden- party,
anniversaires, voyages, conseils des ministres, fêtes et meetings excentriques. Les actions
cruelles de Tonton sont racontés et observés par ce narrateur-personnage et témoin : Le Maître
d'hôtel. Aussi il raconte lui-même l'histoire de ses amours avec Soukali.
Les différentes fonctions du narrateur
Dans le roman, le narrateur joue un rôle capital dans l'organisation du récit. Ce rôle conduit à
diversifier les fonctions du narrateur dont les principales sont:
a) La fonction narrative. Le discours du narrateur est essentiellement narratif. Le narrateur
est occupé à raconter l'histoire en brodant les événements les uns après les autres,
simultanément ou par l'enchaînement, campant les personnages (portrait, description, décor) et
les situations. Le Maître d'hôtel dans un récit in medias montre la situation d'Elengui, dès
l'ouverture du roman, prise de panique suite au coup d'Etat de Bwakamabé (p13). Plus loin
Maître d'hôtel dit: « je n'ai pas raconté tous les voyages de Tonton » (p198), « je ne raconterai
pas la cérémonie de prestation de serment » (p43).
On peut trouver dans Le Pleurer-Rire plusieurs autres passages ou le narrateur remplit la
fonction narrative (p83, 97, 123, 290, 294, 296, 313, 315).
b) La fonction de régie. Le narrateur remplit la fonction de régie quand il commente
l'organisation interne du texte. L'articulation de celui-ci parle de discours narratif en intervenant
au sein de l'histoire. Cette fonction se trouve notamment dans Le Pleurer-rire car constamment
le Maître d'hôtel cherche à organiser les différentes parties du récit. On note que les événements
du récit manquent d'enchainement, de chronologie. Donc c'est le narrateur qui essaie de
conduire d'un événement à l'autre. Par exemple les étapes de l'accession de Bwakamabé,
l'exercice du pouvoir, son exécutif (coup d'Etat, exil de Polé Polé, portrait de Bwakamabé,
recrutement de Maître d'hôtel à la présidence), la vie conjugale de Maître d'hôtel, l’intronisation
de Bwakamabé, la modernisation du pays, la réflexion du jeune directeur du cabinet de Tonton,
les conférences des chefs d'Etat, les conseils des ministres, les mouvements d'opposition et de
protestation contre le régime de Bwakamabé, la répression policière, le coup d'Etat manqué
vécu par bwakamabé, l'exil de Maître d'hôtel, la maladie de tonton, la mort de Yabaka et de
Tiya,le divorce de Soukali etc. Toutes ces séquences narratives ne sont pas reliées, mais c'est le
narrateur qui assure le passage d'une séquence à l'autre: « je continue quand même » (p53, 75,
196, 253).
c) La fonction de communication. Elle est orientée vers le lecteur: « en vérité je vous le dis
... allez tourner la page. » (p52) 55, 58). Le narrateur emploie la 1e personne du pluriel "nous",
il interpelle le lecteur en l'expliquant l'emploi de "vous" on note (p 61,62, 92, 182)
« Nous n'avons pas peur de ce qui venait de nous arriver »
« Le lecteur reconnaîtra là » (p81, 85, 112)
On peut trouver ce genre de phrase dans Le Pleurer-Rire, car le narrateur cherche à
communiquer avec ses lecteurs:
« Certains risqueraient de croire que c'est la capitale de leur pays que vit Bwakamabé ... Si vous
tenez à le trouver ... » (p58)
« Non, vous n'entendez pas ces deux variantes ... A moins qu'un interprète courtois ne consente
à vous en traduire la dernière phrase. » (p311), « le lecteur n'a pas à regretter les quelques
chapitres ... » (p294) « Ici finit la relation d'un chapelet de rêves et cauchemars qui se sont
succédé à la cadence d'un feuilleton » (p 315, 91, 274).
d) La fonction idéologique: elle renvoie aux interventions directes ou indirectes du narrateur
prenant la forme d'un commentaire de l’action ou des jugements du narrateur. Ce discours
appelé discourt factoriel, implique la présence de l'auteur, réel ou fictif. Dans Le Pleurer-Rire,
Henri Lopes multiplie ses interventions dans le mode de narration. Par exemple dans l'épisode
ou les jeunes intellectuels débâtaient de la politique internationale avec le vieux Tiya (p17, 18,
51) ; l'attitude pacifique de Polé Polé lors de sa destitution (p23), le commentaire du journal le
‘Monde’ sur l'histoire politique du pays depuis l'indépendance (p29, 30) ; la politique tribale de
Tonton, sa notion de pouvoir (p43, 47, 90, 100) n'échappent pas à la voix actoriale.
En vérité, la voix actoriale intervient chaque fois que l'auteur veut provoquer chez le lecteur
la même réaction que chez le personnage. Dans Le Pleurer-Rire, l'auteur critique la construction
des buildings, des hôtels, les dépaysages de Moundié et les formalités des contrôles policiers à
l'aéroport Hannibal Ideloy Bwakamabé (p54 55), la politique de développement de Tonton et
ses projets pharaoniques (p56, 58, 82, 83), son discours inaugural de la conférence des chefs
d'Etat des pays producteurs d'agrumes (p87, 90), l'arrestation de l'écrivain Matapalé et le sort
du pays (p62, 63, 131, 68), l'engagement du livre africain (p123), le pouvoir du dictateur Tonton
(p128,129), la réflexion sur le coup d'Etat manqué de Haraka et la campagne anti Djassikini
(p189, 190), la coopération avec la Chine (p226, 227), Israël et l'Afrique du Sud. L'auteur
intervient aussi sur la condition de la femme (p230, 231).
L'admiration de Tonton pour Hitler, Staline, Mao, Kim II sung. Son souhait est de voir les
militaires ne plus diriger l'Afrique (p284, 285). Son soit disant souci de démocratie le pousse à
écrire un roman dans lequel il n'a "rien emprunté à la réalité, ni non plus inventé" (p 315) ; le
procès truqué de Yabaka dans l'excipit (p306-310) raconté par le narrateur est un prétexte pour
l'auteur de montrer la cruauté de la dictature, des violations injustes des droits humains les plus
fondamentaux, et partant de moraliser la vie politique arrêter la violence aveugle, critiquer les
intellectuels qui ont travaillé dans les régimes dictatoriaux.
e) La forme testimoniale. Le narrateur atteste la vérité de son histoire, le degré de précision
de sa narration, sa certitude vis-à-vis des événements, ses sources d'information. Dans Le
Pleurer-rire, cette fonction testimoniale est bien prédominante. Dès les premières pages, le
narrateur indique le moyen par lequel on apprend l'événement qui secoue le pays: le coup d'Etat
est relayé par la radio et les journaux: « le transistor gerbait un air de défilé » (p13)
« Le fil de la marche militaire qui, depuis l'heure du réveil ... puis le poste charria la parole dans
tous les foyers ... » (p16, 23, 24)
« Telle est la loi des anciens » (p20)
« Si une belle jeune femme, disent les vieux, n'est pas voleuse, elle est sorcière. Et telle était
Soukali » (p21).
Le portrait de Tonton est dressé par l'éditorialiste de ‘La croix du Sud’ Aziz Sonika ..." (p26,
27, 44, 234)
« Je n'arrive plus à préciser la date exacte, car l'événement n'était pas couvert par la presse, mais
en m'aidant d'un calendrier ... j'en retrouverai aisément le jour » (p44, 50). Cette phrase montre
la précision du narrateur qui nous raconte la cérémonie de prestation de serment de Tonton, la
description de Moundié: « mais j'en ai trop dit ... dans ma description »
Il n'hésite pas à se référer à d'autres personnages comme l'ancien Directeur de cabinet de Tonton
(p51, 123), à radiotrottoir, à la presse nationale et étrangère (la croix du sud). On retrouve même
un extrait de Jacques Le Fataliste de Diderot (p255, 256) et les écrits de Soukali (p313 314). Il
écrit: « de nombreuses tensions sur les derniers moments du capitaine ont été relatées. Je me
limiterai ici à deux variantes, qui sont, l'une et l'autre, les plus diffusées par radiotrottoir... »
(p29). On peut multiplier les exemples à travers les pages suivantes:
- Préparation du voyage d'Adis Abéba (p67 70) et à Paris (p257)
- Délibération pour renouer les relations diplomatiques avec l'Afrique du Sud de l'apartheid
(p274 279): « De mon poste d'observation habituel »
- Interview à Genève (p281)
- La mort de Tiya (p244 248)
- Cérémonie d'ouverture de la conférence des chefs d'Etat (p87 90)
- Sur le massacre des jeunes lycéens (p158 159) raconté par Aziz et radio trottoir.
2 - Les points de vue ou la focalisation
Etudier un roman c'est connaître grâce à un questionnement l'angle de vue selon lequel le
narrateur raconte ou donne à voir les événements à fournir au lecteur.
Les informations sur les personnages, leurs pensées, leur situation, leur passé peuvent se
découvrir grâce à la focalisation. Qui voit? Qui sait? Comment le narrateur présente les
personnages et l'histoire? Quelle est la perspective narrative selon laquelle les faits sont perçus
ou présentes? Où se trouve l'observateur de la scène?
A la page 274 du roman Le Pleurer-Rire le narrateur affirme: « de mon poste d'observation
habituel, ... j'étudiais les visages graves et vénérables des membres des deux instances suprêmes
... ou « ... j'ai pu entendre bien des entretiens à caractère secret d'Etat que j'aurai à lire ici » (p38
39).
On peut dire à première vue que le point de vue du narrateur est externe. En effet, Le maître
d'hôtel est comme un observateur privilégié, ("hypocrite") qui se limite à ce qu'il voit ou entend
(p162). II prend l'habitude de ne rapporter que des faits extérieurs souvent à la 3e personne. Il
emploie "il", "on", "Tonton", "Soukqli", "Elengui", des formules d'énonciation historique: "A
cette époque", "en ce temps-là".
« C'était finalement la relation des faits par Aziz qui assurait les avoirs vécus » (p159) ou aussi
parlait radio trottoir"
« Le souci d'objectivité, en revanche me fait le devoir de révéler que Tonton prenait ses voyages
aux sérieux l'ai-je entendu se plaindre? » (p196).
« Je vois Tonton se pencher à l'oreille du préfet par intérim » (p208)
« Et l'on vit le souverain franchement intronisé s'avancer auprès de Ma Mireille » (p248), « je
le vis donner sous la paillotte, les instructions ... » (p67)
« Je vis les yeux de Tonton s'arrondir aussitôt" (p39) ainsi d'autres pages comme: 274, 279,
297, 265, 261, 260, 259, 247, 240, 238, 214 rapportent les faits extérieurs.
« Je souligne ce détail sans autre intention que de témoigner les hautes performances
amoureuses de Tonton. » (p209). Lisez aussi les pages 32, 46, 49, 71, 94, 97, 116, 124, 139,
200, 206, 207, 257, 263.
Par ailleurs dans Le Pleurer-Rire il y a aussi la focalisation interne. C’est le narrateur qui
entre dans la conscience d'un personnage et limite l'information racontée à ce que voit ou pense
le personnage. Par exemple dans Le Pleurer-Rire, tonton s'admirait, avait des qualités de cœur,
des ambitions politiques démesurées. Le narrateur nous le présente comme un homme colérique
"sa colère surgit, aussi terrible que les orages de la saison des mangues » (p63) « ...Tonton
exprime ses théories du pouvoir ...de se plaindre de l'incompétence de ses collaborateurs ...
Tonton n'aimant pas non plus ces démonstrations de son talent ». (p70)
Tonton nourrit une haine envers les intellectuels parmi lesquels le vieux Tiya, le capitaine
Yabaka, les jeunes intellectuels.
Il pense qu'on ne joue pas avec la sécurité, ni avec le pouvoir et comme maître d'hôtel est
souvent en position de témoin, il ne quittera pas Tonton qu'il campe tout le long du roman.
Voilà pourquoi le récit alterne entre le "je et le il" "mais le jour où je parle, il ne portait pas
encore de vêtement protocolaire". Certaines pages pénètrent sans moi, ses pensées; p41, 42, 45,
55, 87, 89, 99, 179, 182, 228, 234, 265, 274, 275, 308, 257.
Maître d'hôtel utilise aussi le point de vue toujours interne d'Aziz qui rapporte plusieurs faits
dans son éditorial touchant Tonton (p26, 27, 57, 61, 82, 158, 173, 178).
Si Maître d'hôtel a comme un poste d'observation et d'écoute, alors nous pouvons avoir
affaire à un ‘narrateur’ omniscient c'est-à-dire qui sait tout et voit tout. En effet, il donne à
connaître les pensées, les sentiments des personnages comme Tonton, Soukali, Elengui, sur les
lieux et les temps.
‘Maître d'hôtel’ connaît tout de tonton dont il est le confident, le serviteur. D'où le portrait
presque caricatural du règne de Tonton, de son goût du chivas et des femmes, des voyages et
du pouvoir. Sans oublier la manière dont il décrit sa propre vie sentimentale fragmentée.
3 - Les composantes de l'histoire
3.1 – L’action romanesque
3.1.1 Le Cadre de l'histoire dans Le Pleurer-rire
Le pays jadis sous domination des ‘Oncles’ a lutté pour chasser les blancs et obtenir le
"Lipadasse-là" c'est-à-dire l'indépendance pour espérer une meilleure vie, la liberté, la fraternité
entre blancs et nègres et entre les enfants d'un même pays car "au pays avant l'indépendance
blancs et nègres étaient séparés" (p105) et les tribus s'affrontaient souvent. Et après
l'indépendance c'est PoléPolé qui est démocratiquement élu président de la république, il est de
la région de l'Ouest. Mais l'environnement néocolonial dans lequel s'exerce le mandat de 7 ans
de PoléPolé, les problèmes économiques que le jeune pays connaît provoquent vite un malaise,
une agitation politique qui conduit un groupe de militaires « hommes aux bérets » de renverser
PoléPolé à la suite d’un putsch.
« Depuis le coup d'Etat, les gens, pour peu que vous fussiez un de leurs proches, se
hasardaient à exprimer leur opinion, qui pour dire que c'était bien fait pour poléPolé », c'était
même la libération du pays qui avait maintenant un nouveau patron: Bwakamabé chef des
Djabotama qui va « imposer la loi de ceux-ci sur toutes les tribus du nouveau pays, tel
qu'assemblé par les Oncles » (p46) celui-ci rappelle cela à la tribu Tsouka: « vous les Tsoukas,
vous avez toujours méprisé les Djabotama, croyez que ça va continuer comme ça? Zoubliez
maintenant que c'est un Djabotama qui commande » (p64) « un Polé Polé serait resté au pouvoir
un mois de plus que le pays aurait sombré ... » p268.
3.1.2 La Progression de l'intrigue
- Etat initial: les personnages Elengui, Maître d'hôtel, le vieux Tiya, les jeunes intellectuels,
Tonton, Yabaka, la brochette d'officiers, Soukali, Polé Polé (p 13, 24).
L'époque: de la colonisation à l'indépendance (p113)
Les lieux de l’action: le pays, moundié, la maison du maître d'hôtel, 50 logements chez Soukali.
Action: Tonton et un groupe d'officiers djabotama (p74) ont fait un coup d'Etat pour chasser
Polé Polé du pouvoir. Ce dernier n'a pas apparemment résisté et est allé en exil en France.
Elengui la femme du Maître d'hôtel, travailleur du relais aérien, hôtel des Oncles est prise de
panique et s'inquiète de l'avenir du pays, car elle connait la réputation de ce colonel Bwakamabé
désormais chef tandis que son mari passe avec Soukali sa maîtresse au quartier Plateau.
- L’événement perturbateur: la situation socio-politique du pays vient d'être bouleversée par
un coup d'Etat militaire de Bwakamabé. " Nous devions désormais nous mettre en garde à vous,
saluer ..." (p16) plus rien ne serait comme avant: " les politicards ont conduit le pays au bord
de la ruine ... avec moi sera pas comme avant, avec moi plus de Bla Bla Bla. De l'action ... tout
le monde va marcher ... y aura la stabilité politique. Plus d'opposition ... serai jamais un ancien
président ..." (p35)
- Les péripéties :
Maître d'hôtel est nommé fonctionnaire du palais (p34)
Yabaka est accusé déjà de vouloir saboter la politique de développement économique
de tonton
tonton veut faire reconnaître son régime militaire à ses pairs de l'OUA (p63)
tonton complique l'entrée du pays (53)
Tonton interdit l'entrée de la presse des Oncles sur le territoire national
Soukali veut tirer profit de la position de Maître d'hôtel pour s'émanciper (p73)
Tonton doit faire face à ses complices du coup d'Etat et procède au 1er remaniement de
son gouvernement (p76)
tonton met en place un service de sécurité dirigé par Mr Gourdain (p77)
Tonton devient un dictateur adulé par le peuple (p 87, 90, 98, 100)
La bureaucratie ruine l'action de Tonton (p104)
Des voix s'élèvent contre le régime fasciste de Tonton qui bafoue les droits de l'homme
et les libertés (p129, 130, 169)
La violence appelle la violence: Za Hélène est violée (p125 126)
Massacre du palais de campagne (p139, 149)
Répression des Djassikini (p 189, 192).
Le pays connait la crise financière (p234, 236)
mort de Tiya
Maître d'hôtel vit une crise conjugale (p 23à 231)
Fuite de Maître d'hôtel (250)
Voyage officiel à Paris (p 257)
Arrestation de Soukali et divorce avec l'inspecteur (p 295)
Arrestation et fusillade de Yabaka (p 274, 308)
Maladie de Tonton (310 311)
Maître d'hôtel ne vit plus que dans le rêve depuis l'exil (p 304)
3.1 L’espace et le temps
Il faut noter le déroulement du temps (durée de l'histoire) et les déplacements dans l'espace
des personnages. La précision de temps et des lieux peut ancrer l'aventure dans le réel ou donner
l'illusion de la réalité. Mais ils peuvent aussi sortir du réel. Ils ont parfois une valeur symbolique.
Pour le lieu surtout, il peut signifier l'enfermement, la protection quand le bien est fermé ou la
liberté quand il est ouvert. Le temps peut signifier le progrès ou la dégradation.
Dans Le Pleurer-Rire le temps d'abord de la situation du narrateur qui parle : "j'ai quitté le
damuka vers minuit ..." (p12) " en proie ce matin-là ...", "le fil de la manche militaire qui,
depuis l'heure du réveil ..." (p16), "toute la journée" p23 "Dès le lendemain la radio ..." p23 "à
cette époque, aucun Oncle ..." p 43 "en ce temps-là ..." p61
" Le lendemain une vingtaine de tailleurs et quelques chômeurs"
" Il fallait quarante-huit heures dans un pays de l'Etat africain"
"Tonton ce jour-là, avait fait venir dans un salon de la résidence le clairvoyant ..." (p74), (dès
ce matin) p161
"Une histoire qui remontait à deux générations" p75
"Quelques heures après" p 76
Ces repères sont caractérisés de discours, il y a aussi
"Il y a « au début de septembre 19… ça doit être 19. » Cette indication est un repère absolu.
« Le 13 juillet, toute la capitale …. » p128
« … en 1923 année du cochon …. Le 5 août … » p134
« Quelques jours auparavant … » p244
« Le lendemain après-midi juste avant la levée du corps » p247
« Demain » p246
« Le soir, dans les informations générales … » p248
On voit il y a des scènes qui durent une journée, un matin ou un soir et celles qui durent des
années sans aucun progrès.
Le Pleurer-rire raconte les années d'un règne sans fin de Bwakamabé Na Sakkadé.
Par ailleurs les lieux sont divers: le pays, un pays imaginaire d'Afrique ; mais fermé à cause
d'un régime peu démocratique mis en place par Bwakamabé. Le pays est devenu
symboliquement un lieu d'enfermement, un pays fermé, privé de liberté. D'autres lieux comme
le Palais de Bwakamabé, le bureau, la paillote, chez Maître d'hôtel, chez Soukali, chez le vieux
Tiya (p 151, 218) à N ... (p 159) : Lieu d'exil pour Maître d'hôtel, le quartier des évolués (p194)
A Libotama (p 197)
Au stade Ideloy Hamnibal
A l'aéroport HannibaI Ideloy BWAKAMABE Na SAKKADE
Moundié
Sowéto (p 250)
France, Paris, Elysée (p 259), Addis-Abeba.
Ces lieux offrent le cadre où se déroule l'histoire du roman et donnent au roman une
dimension réelle.
c - Les personnages
- Personnage principal:
Bwakamabé Na Sakkadé: militaire au parcours professionnel réel, il passe rapidement général
puis maréchal après son coup d'Etat. Il met fin à toute opposition politique et règne en tyran
dans le pays. il procède par des pratiques inhumaines et cruelles comme la torture,
l'empoisonnement arbitraire, le tribalisme, la gabegie et la confiscation des libertés
multiformes.
Fils de Ngakoro, né en 1914. Il appartient à la tribu Djabotama, époux de Ma Mireille.
portrait (p 25-29)
Arrivée au pouvoir par coup d'Etat (p 23, 24, 34)
Dictateur (p 99, 213)
Tortionnaire barbare (p 298, 303)
- Personnages secondaires:
Maître d'hôtel: fonctionnaire du palais, époux d'Elengui, entretient plusieurs maîtresses.
S'exile à N (p 13, 20, 32, 35, 38, 40, 59, 164, 264, 266, 240, 243).
PoléPolé: ancien président de la république, en France
Monsieur l'inspecteur Adolphe: évolue au service des douanes, consacre son temps au
travail de l'Etat;
Soukali: épouse de monsieur l'inspecteur Adolphe, Maîtresse du Maître d'hôtel (p 19,
20, 161, 187, 188, 280, 289, 294, 296, 304, 305). Elle lutte pour son émancipation, puis
se radicalise en intégrant un groupe terroriste qui combat Bwakamabé.
Yabaka: militaire intègre, il incarne les valeurs démocratiques. Il compose avec le
gouvernement de Bwakamabé. Vu comme potentiel successeur de Bwakamabé, ce
dernier l'implique dans un complot contre son régime. Arrêté, il est exécuté des mains
du tyran lui-même aidé par le commando Bazoka. (p 17, 24, 98, 274, 279, 297, 303,
208, 311).
AZIZ: journaliste de la croix du sud et griot de Tonton.
Monsieur Gourdain: directeur de la sécurité de Tonton. Il passe maître dans la répression
violente et les arrestations arbitraires (p 77, 78).
Ma Mireille: première dame, épouse de Bwakamabé, jeune et belle. Se montre infidèle
en ayant une relation avec Maître, peut- être par pure vengeance.
Elengui: épouse de maître d'hôtel, possessive et jalouse, elle œuvre pour la santé
sexuelle de son mari infidèle.
Za Hélène: Sœur ainée de Tonton bwakamabé
Haraka: militaire, prône une dictature radicale que celle de Tonton. Il est en désaccord
avec la politique de tonton qui fait du PoléPolé sans Polé Polé et tente un coup d'Etat. Il
échoue ,s'enfuit à l'ambassade de l'Ouganda. Il est trahi, livré puis exécuté.
Matapalé: écrivain engagé, subversif emprisonné dès les premières heures du coup
d'Etat de Bwakamabé.
Le jeune compatriote directeur de cabinet de Tonton.
d - Ordre et rythme de la narration
Il s'agit de situer le moment où le narrateur raconte l'histoire par rapport au moment de
l'histoire:
- Narration ultérieure: les événements racontés dans Le Pleurer-Rire sont déjà passés, plus ou
moins éloignés au moment où maître d'hôtel les raconte. C'est sont des analepses:
-accession de Tonton au pouvoir (p 23, 24, 34)
-Fuite de Maître d'hôtel p 240, 243
-Mort de Yabaka p 308, 311
- Narration antérieure: très rare dans Le Pleurer-Rire le cas du procès de Yabaka annoncé à la
page 24.
- Narration intercalée: elle mélange la narration ultérieure et la narration simultanée. On trouve
cela dans Le Pleurer-Rire. Le narrateur raconte ce qui s'est passé" dans la journée et insère les
impressions (p 73-74), (p 128), (p 214), (p 189-193), (p 175-181).
L’ordre des événements du Pleurer-Rire n'est pas chronologique, c'est vraiment saccadé. La
vitesse nous donne le rythme suivant.
1 - Scène: Le Pleurer-Rire est rempli de dialogues (p 15, 18, 31, 32, 35, 40, 41, 63, 65, 67, 73)
2 - Ralenti (p 77, 78, 25, 29, 123), dialogues, effet de réel.
3 - Pause: La description, le portrait se trouve dans Le Pleurer-Rire.
4 - Sommaire: le narrateur résume en quelques lignes (p 128, 130, 131, 159, 175).
e - Mode de narration
Le narrateur rapporte souvent dans le récit les paroles ou les pensées des personnages à
l'intérieur de plusieurs passages du roman. Cela peut être un état intérieur du personnage ou le
narrateur lui a cédé la parole pour qu'il rapporte ses propres propos tels qu'ils ont été prononcés.
Pour reconnaître les paroles rapportées ou le discours il faut voir si le narrateur utilise: les
guillemets, c'est le style direct; les verbes introducteurs; les verbes de parole.
Deux systèmes d'énonciation sont alors en jeu dans les passages narratifs et dans les dialogues
:
- Celui du narrateur
- celui du personnage
Il y a donc alternance des indices de l'énonciation ici: pronoms personnels ("il", "elle" dans la
narration "je", "tu", "vous" dans le dialogue); le système de temps (passé pour le récit et présent
pour le dialogue), adverbes de temps (lendemain, demain; la veille, hier).
Exemple: "je vais, dès demain, elle vit partir Cécile à 9h" est un énoncé du récit du narrateur.
il faut faire la part du discours, c'est-à-dire étudier les dialogues et la part du récit, autrement
dit étudier la narration.
Le dialogue: échange des paroles entre personnages,
Quel personnage parle, Quel style (direct, discours indirect, discours indirect libre), quels sont
les pronoms qui désignent l'interlocuteur, expressions qui fournissent des précisions sur la
manière de parler ou d'écouter, quel est le sujet de la conversation ? Pour quelles raisons le
narrateur utilise-t-il des dialogues? Quel est le rôle des dialogues par rapport aux actions?
- Fonctions du dialogue:
1 - faire avancer l'action
2 - Souligner ou faire évoquer les relations entre les personnages.
- Visée :
Les dialogues ou scènes rendent le récit vivant. C'est par souci d'objectivité que le narrateur
rapporte les paroles des personnages telles quelles sont censées avoir été dites pour créer l'effet
de spontanéité, d'authenticité, restituer le niveau social des personnages (bourgeois, paysans,
nobles) et rendre compte de leurs émotions.
Le narrateur peut intégrer les paroles des personnages à la narration, il utilise un seul
système d'énonciation, celui du narrateur : récit / narration.
Dans le récit le narrateur rapporte les paroles des personnages par le biais d'un verbe
introducteur de parole (dire, répondre) ou une proposition subordonnée conjonctive (que), une
subordonnée interrogative indirecte (si, quel, ou, quand, comment). Mais aussi il peut intégrer
les paroles des personnages dans l'énoncé au style indirect.
Dans le style indirect le narrateur choisit de rapporter les paroles comme il le veut
(reformulation, résumé, déformation) et le texte ne présente pas de rupture, il conserve son unité
de ton.
De même, dans le roman le narrateur rapporte soit sans verbe introducteur en liant au point de
vue interne, le point de vue du personnage. Cela permet de traduire l'état d'âme.
Enfin, les pensées des personnages peuvent être signalées par un narrateur omniscient.
Le discours narratif:
Statut du narrateur
Passages narratifs
Commentaires du narrateur
Adresse au lecteur (quel pronom utilise-t-il?)
Evénement, ancrés dans le temps
Enchaînement des événements
Le discours descriptif:
Description
point de vue
Image donnée
Portrait statique ou en mouvement
Caractéristiques péjoratifs
Couleur, effet sur le narrateur
Image donnée du personnage objective ou subjective.
La Fonction de la description
- Pause dans la narration
- fonction esthétique (rôle d'un personnage dans l'intrigue)
- Fonction explicative
- Susciter chez le lecteur des sentiments (pitié, peur, rire, admiration)
- fonction documentaire
Dans Le Pleurer-rire ; nous trouvons plusieurs paroles rapportées qui sont soit l'état des
personnages, dialogues, pensées des personnages et proverbes de la sagesse africaine ancienne.
On trouve par exemple Elengui et Maître d'hôtel
Maître d'hôtel, les intellectuels et le vieux Tiya
Maître d'hôtel et Tonton
Tonton et ses ministres.
Tiya un nombre élevé de dialogues dans Le Pleurer-Rire. Ce qui fait avancer l'action et met un
accent sur les relations qui existent entre les personnages Tonton et Maître d'hôtel entretiennent
une relation étroite, celle du maître et du confident. Par les paroles de Tonton, nous découvrons
son niveau social: un président avec le niveau de langue des soudards très vulgaire et grossier
qui trahit d'où il vient. C’est un militaire formé au Baroud et qui a gagné ses galons sur le terrain.
D'où son’’ intellophobie’’ et son goût de l'action. De même Maître d'hôtel qui sort des milieux
de l'hôtellerie n'est pas très instruit et est obsédé par la luxure, la mondanité. Son assiduité à lire
les journaux fait de lui un autodidacte. Généralement c'est au style direct que le narrateur du
roman rapporte les paroles des personnages. Mais n'empêche qu'il adopte aussi le point de vue
omniscient pour nous rapporter surtout les pensées et réactions de Tonton.
Le discours descriptif qu'on trouve dans Le Pleurer-Rire donne lieu à des descriptions des lieux
où évoluent les personnages, au portrait physique et moral des personnages qu'il montre. Par
exemple le portrait de Tonton est statique, et se réfère à son passé, à son origine sociale pour
expliquer son comportement alors qu'il exerce le pouvoir politique.
Le portrait de Bwakamabé est celui d'un personnage imaginaire qui vise à faire rire le lecteur,
à critiquer ce prototype de tyran peu aimable, arrogant et cruel.
Etape 4 : Etude des passages choisis
1 - Incipit pp 13 - 22
2 - Intrigue
L'enseignant choisira un passage en suivant les différentes étapes de l'intrigue du roman.
3 - Les personnages
Portrait de Tonton
vie du Maître d'hôtel
4 - Textes narratifs et descriptifs
5 - Sur les thèmes du roman
6 - Sur les choix stylistiques
Etape 5: Etude des thèmes
1. LE POUVOIR
Il est le thème fondamental du roman. En effet, Le Pleurer-rire est un roman engagé dans le
champ politique. Il est donc évident que le pouvoir occupe une place de choix dans l’avalanche
des thèmes évoqués.
Le pouvoir trouve son « incarnation » dans le personnage de Bwakamabé. Ce dernier s’inscrit
dans l’optique d’un pouvoir dictatorial, faussement patriotique. C’est ce qu’affirme l’un de ses
ministres : « N’ayons pas peur des mots, il nous faut une dictature : une dictature dans le sens
des intérêts du peuple. » (p98). Pouvoir dictatorial, le régime de Bwakamabé est opposé au
contre-pouvoir : « Vec moi, pas de crainte. Y aura la stabilité politique. Plus d’opposants »
(p35). C’est pourquoi, les velléités d’opposition sont matées, étouffées dans le sang : assassinats
de HARAKA, de YABAKA, des Djassikini, de la bande des 20… Quand ce n’est pas la mort
qui est servie aux opposants, ce sont des traitements inhumains orchestrés par le commando
Bazooka ou par Tonton lui-même. Des jeunes lycéens les mains nues étaient confrontés à des
boxeurs professionnels et à la garde personnelle de Tonton, des voleurs étaient mis en face
menottés à des militaires casqués YABAKA qui avait subi « le mont Cameroun », s’est vu
l’orifice rectal ouvert par une bouteille, s’est vu la bouche remplie par le « jet de liquide jaune »
(p299) de Tonton…Les prisons, à l’image de la plus luciférique prison de Bangoura sont
bourrées des opposants à oublier.
Le président Bwakamabé est pour un pouvoir à vie : « Moi Bwakamabé
(…) sera jamais un ancien président comme ce lâche de POLEPOLE » (p35). Le président dit
avoir reçu le pouvoir des ancêtres, des dieux : « il était prêt à tuer pour conserver entre ses mains
pieuses le pouvoir reçu de Dieu ». En effet, lors de l’investiture coutumière, Bwakamabé reçoit
le témoignage suivant des ancêtres : « ils avaient choisi Bwakamabé
Na Sakkadé pour diriger tous les Djabotama et imposer la loi de ceux-ci sur toutes les tribus
du nouveau pays, tel qu’assemblé par les Oncles » (p46). En plus du témoignage, il reçoit des
dieux, les attributs du pouvoir : la Litassa, le Tounka, la queue de lion… c’est donc un pouvoir
assis sur l’animisme et qui pose le postulat de la supériorité des Djabotama comme le reconnaît
Tonton : « Quand je te dis un poste politique, veux dire un poste qui sort de la logique. Blague
pas avec les postes politiques »(p35). Il ajoute : « Là où je suis, doit être entouré des miens, rien
que des miens ».
Le médiocre niveau d’instruction de la majorité des dirigeants, ajouté à leur vie
superstition et à leur amateurisme, justifient la débâcle économique. La vie économique est
marquée par la mauvaise gestion : dépenses luxueuses, entretien des petites mamans,
corruption… jusqu’au point où le pays devenu exsangue, Bwakamabé recourt à des entreprises
ignominieuses : paiement des salaires à tour de rôle (pp 235-236), ouverture des relations
diplomatiques avec l’Afrique du sud : « Le peuple avait besoin d’être nourri et qu’en
conséquence il fallait s’allier au diable si nos propres intérêts l’exigeaient » (p277)
Enfin, le régime de Bwakamabé censure toute presse étrangère car critique à son égards
et s’érige contre l’alternance au pouvoir car pour lui : « Depuis que l’Afrique est Afrique, le
chef du village, chez nous n’avait jamais été élu » (p99). I le gouvernement peut briller par
l’instabilité, le chef lui, mérite son culte, plus qu’une excellence, il est le « papa de tout le
monde », il est Tonton.
2. L'ECHEC
Roman de la désespérance et du désarroi, Le Pleurer-Rire est aussi et surtout le roman de
l’échec. Tous les thèmes plus haut ne sont en définitive qu’autant d’expressions de celui-ci.
Echec de l’individu en quête d’un bonheur rendu inaccessible par les conditions de vie
politiques et sociales. Echec des forces successives qui ont tenté de renverser le dictateur
Bwakamabé. Echec du dictateur lui-même qui avait prétendu remédier à la situation
‘désastreuse’ laissée par PoléPolé, mais ‘qui a fait du PoléPolé sans PoléPolé’, peut être pire :
« Maître, si tu savais combien les pressions incessantes de la tribu et l’incompétence d’en bas
m’empêchent de faire de ce pays ce que je voudrais vraiment qu’il soit … » (p 268).
Echec enfin d’une société à la recherche d’une équilibre perdu et dont rien ne semble
présager le rétablissement futur :
« Le pays-là est maudit … » (p153).
A ces thèmes principaux, on pourrait en ajouter d’autres : la corruption, la violence, le
libertinage sexuel, la presse, etc. Mais l’étude de chaque thème principal ou secondaire, conduit
nécessairement à tous les autres, car tous concourent à poser un problème unique, celui de la
dignité et de la survie de l’homme dans la société sans liberté. Le roman nous démontre
qu’aucun homme, qu’aucun groupe d’hommes, ne peut faire le bonheur d’un peuple sans
l’engagement conscient et effectif de celui-ci. C’est pourquoi le vrai malheur de l’Afrique réside
en l’absence de débat politique véritable. Toutefois, bien que profondément pessimiste, Le
Pleurer-Rire comporte, néanmoins une leçon positive : Il n’y a ni liberté, ni dignité en dehors
d’une démocratie bien comprise et bien gérée.
3- LE TRIBALISME
C’est une organisation sociale de type tribal, c’est-à-dire privilégiant la tribu ou l’ethnie.
Dans Le Pleurer-Rire il est perceptible à travers l’opposition de deux ethnies : Le Djabotama
(ethnie du président) et le Djassikini. Dès la page 35 le Maître d’hôtel devient le domestique du
palais parce qu’il est de la même ethnie que le président, Djabotama : « un Maître d’hôtel est
comme un médecin ou un directeur de cabinet, toujours un des vôtres ».
La femme du président et son Directeur de cabinet sont djabotama comme lui. La police
comme les postes juteux ou stratégiques sont réservés aux Djabotama. Les autres tribus comme
les djaassikini, le Tsouka et le Djatékoué seront considérés par le président et les siens comme
des ethnies inférieures devant se soumettre. Le colonel Haraka et le capitaine Yabaka seront
tués entre autre parce que n’étant pas de la même tribu que le président.
4- L’INFIDELITE CONJUGALE
Le thème de l'amour, enrichi par la vie conjugale et le statut sentimental de la femme, constitue
un repère important du roman.
Le Pleurer-Rire nous montre une multitude de personnages infidèles. Le président de la
république lui-même en est un exemple patent. En effet, en dehors de Ma Mireille, il avait
d’autres « petites mamans » dix-huit environ. A la page 106 il invente une visite à la ferme
Kaboula, alors qu’il va à un rendez-vous avec une maîtresse. Des femmes comme Ma Mireille
et Soukali trompent leurs maris en entretenant une relation avec Maître d’hôtel.
Le paroxysme de l’infidélité est atteint par Maître d’hôtel, avec les femmes qui le côtoient :
Ma Mireille, Soukali, Cécile, Madame Berger. Cette infidélité fait de la femme un objet de
plaisir pour l’homme et donne à l’œuvre un caractère pornographique.
5- L’ANIMISME = croyance aux fétichismes, à des forces occultes
C’est une forme de religion ou de croyance attribuant une âme aux animaux, aux
phénomènes et aux objets naturels. C’est aussi la croyance aux forces maléfiques et aux
fétiches. Ce thème est omniprésent dans Le Pleurer-Rire. Le président bwakamabé est très
acquis à l’animisme. Nous le constatons aux pages 46, 47, 48 et 49 ou les anciens de sa tribu
lui donnent le pouvoir « Litassa » lors de la cérémonie traditionnelle de prestation de serment.
A la page 134, il choisit sa date de naissance « sous le signe de lion » suivant l’astrologie
chinoise. C’est ce qui explique sa queue de lion qu’il exhibe à chaque cérémonie et qui devient
par conséquent le symbole du pouvoir. Ses conseillers les plus écoutés sont clairvoyants qui
participent même à la prise des grandes décisions. C’est ainsi que le premier remaniement
ministériel est fait sur conseils du clairvoyant le plus écouté du pays (p 75 75). La croyance aux
fétiches justifie la création du ministère des affaires coutumières. Il organise une conférence
internationale pour trouver la cachette du colonel Haraka. Il disparaît mystérieusement à la
fusillade de la « Garden Party » grâce au Litassa, semble-t-il (p 142-152).
Les pratiques animistes concernent aussi d’autres personnages. Maître consulte aux cauris
si madame berger reviendra. Son épouse Elengui consulte un clairvoyant suite au mauvais rêve
fait par son mari et à la faiblesse sexuelle de ce dernier. Pour renverser Bwakamabé, le capitaine
Yabaka, aurait consulté un clairvoyant.
6- LA CONFISCATION DE LA PRESSE
La presse locale est à la solde du pouvoir à travers l’éditorialiste Aziz Sonika qui fait le culte
de la personnalité du président de la république. La radio et la télévision font des éloges du
pouvoir en diffusant des extraits de meeting de coup d’Etat manqué du colonel Haraka. La
presse locale use de mensonge. La presse étrangère, notamment « Gavroche » subit la censure
du pouvoir et le peuple se nourrit de la rumeur.
7- LA MEGESTION
C’est la mauvaise gestion des affaires politiques. Dès la page 28, nous constatons que les
femmes et les enfants du président sont à la charge de l’Etat. Au mépris du ministre des finances,
Tonton fait construire le complexe de 21 villas (p 80). Le trésorier doit voyager à l’étranger
avec tout l’argent du pays (p 70). Pour les préparatifs de ces voyages, il fait venir de Paris un
couturier et une coiffeuse à la charge de l’Etat (p 68). Les promesses faites au peuple ne sont
pas tenues (p 212). Il jette des billets à la foule lors de son voyage à Libotama (p 213). Les
caisses du trésor sont vides et Tonton publie un décret rationalisant les salaires des
fonctionnaires. Il se fait payer en priorité (p 234). Pour bénéficier de l’aide financière, il signe
des accords avec les pays arabes peu fréquentables et se convertit à l’Islam (p 234).
CONCLUSION
Comme on a pu le constater à travers ces quelques indices ou thèmes, Le Pleurer-Rire est une
œuvre engagée, engagement pouvant se comprendre au travers de la dénonciation des maux
réels qui minent l’Afrique. Henri Lopes fait un véritable réquisitoire contre les dictateurs qui
font pleurer le peuple par leur sadisme et le fait rire par leurs gestes frisant le burlesque. Cette
œuvre devient alors un document nous renseignant sur la dictature des guides providentiels, des
coups d’Etat militaires qui ont plongé l’Afrique dans un engrenage inextricable autour des
années 70. Par ses thèmes et quelques personnages.
Ont contribué au développement de ce contenu :
BAHOUNA Gaétan Rémi, Professeur Certifié des Lycées
BOYAOU Clavère Auguste, Professeur Certifié des Lycées