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PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE Etude du roman Le Pleurer-Rire de Henri LOPES I/ Cadre théorique II/ L'étude du roman Etape 1: contexte du roman 1- Moment historique et social (époque; histoire littéraire) 2- Biographie et bibliographie a) l'auteur b) l'œuvre Etape 2: présentation du roman 1- Paratexte: couverture; titre; préface; avant-propos; avertissement 2- Structure du roman a) Structure textuelle: chapitre; paragraphe; parties du récit b) Structure narrative 3- Genre et registre 4- Résumé du roman Etape 3: modalité de la narration 1- le narrateur 2- les points de vue ou la focalisation 3- Les composantes de l'histoire a) l’action romanesque: le cadre de l'histoire; l’épisode; les événements récents b) l’espace et le temps: les fonctions des lieux; les repères relatifs et absolus c) les personnages: le statut; les caractéristiques; l’évolution; la situation; la relation entre les personnages. d) l’ordre et le rythme de la narration e) le mode de narration. Etape 4: étude des passages choisis 1- incipit 2- Intrigue 3- la caractérisation du personnage: l’identité; le portrait 4- la narration: le texte narratif; le texte descriptif 5- les thèmes du roman

PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

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PARTIE II : LITTERATURE

CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

Etude du roman Le Pleurer-Rire de Henri LOPES

I/ Cadre théorique

II/ L'étude du roman

Etape 1: contexte du roman

1- Moment historique et social (époque; histoire littéraire)

2- Biographie et bibliographie

a) l'auteur

b) l'œuvre

Etape 2: présentation du roman

1- Paratexte: couverture; titre; préface; avant-propos; avertissement

2- Structure du roman

a) Structure textuelle: chapitre; paragraphe; parties du récit

b) Structure narrative

3- Genre et registre

4- Résumé du roman

Etape 3: modalité de la narration

1- le narrateur

2- les points de vue ou la focalisation

3- Les composantes de l'histoire

a) l’action romanesque: le cadre de l'histoire; l’épisode; les événements récents

b) l’espace et le temps: les fonctions des lieux; les repères relatifs et absolus

c) les personnages: le statut; les caractéristiques; l’évolution; la situation; la relation entre les

personnages.

d) l’ordre et le rythme de la narration

e) le mode de narration.

Etape 4: étude des passages choisis

1- incipit

2- Intrigue

3- la caractérisation du personnage: l’identité; le portrait

4- la narration: le texte narratif; le texte descriptif

5- les thèmes du roman

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6- les choix stylistiques.

Etape 5: étude des thèmes

Etape 6: apports des figures de style

Etape 7: sujets de dissertation littéraire et de commentaire littéraire

********

I- Cadre théorique

L’étude d'une œuvre tire son fondement pédagogique et didactique (théorie des textes

littéraires) du programme de français au Lycée qui précise les instructions officielles: "Le

français est perçu comme un instrument pour aborder la littérature." Or la littérature permet

par ses formes de rendre compte d'une expérience historique concrète. Pour ce FAIRE les jeunes

âmes doivent lire les œuvres choisies pour l'étude avec l'aide du professeur pour atteindre un

objectif: "comprendre une œuvre; c'est saisir sa signification plurielle car elle peut être

romanesque, théâtrale; poétique ou même avoir la valeur d'un essai. L'apprenant doit pouvoir

lire l'œuvre littéraire en donnant un sens aux signes du code écrit, lire, interpréter. Pour

comprendre l'œuvre littéraire l'apprenant doit se familiariser avec les différentes difficultés

qu'elle présente: genre, type, courant littéraire. Ainsi par le présent objectif, l'enseignant doit

donner à l'apprenant les capacités pour pouvoir saisir le sens global de l'œuvre. Etudier une

œuvre, c'est insister sur sa structure, dégager le thème principal en mettant en relief les

caractéristiques des personnages, des lieux dans lesquels ils évoluent, l'importance des figures

de style et leurs effets dans le fonctionnement de l'œuvre".

La didactique du français prépare les élèves à l'appropriation d'un patrimoine culturel par

l'étude des grands romans francophones, plus particulièrement ceux qui ont marqué de leur

empreinte la littérature africaine et congolaise. Ainsi, le roman Le Pleurer-Rire de l'homme

politique, historien et écrivain congolais Henri Lopes a été inscrit au programme officiel de

Français depuis plus d'une décennie. Ce roman est capable de susciter chez l'élève le goût de la

lecture individuelle; d'apprécier les conditions de production et de réception; d'expliquer

l'œuvre et de la mettre en relation avec d'autres et cela à partir d'une démarche en plusieurs

étapes pendant la lecture ou l'écriture. Pour enseigner la lecture de ce roman, le professeur de

français développe un savoir-faire que nous présentons dans ce fascicule.

II/ L'étude du roman

Etape 1: Contexte du roman Le Pleurer-Rire

1- Moment historique et social

Le moment historique et social de l'œuvre ne peut être occulté quand on veut comprendre une

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œuvre, car on ne peut la sortir de son contexte. Un roman est lié à une histoire, à des faits

sociaux, à un courant littéraire. La littérature est comme les saisons et les écrivains sont capables

d'éprouver leur temps, de traduire l'évolution de celui-ci. Le livre paraît pour un but. "Si l'on ne

s'en souvient plus la lecture finie, c'est sans doute qu'il a été manqué" écrit Charles Nodier.

Aussi à propos du roman, Hubert Hyssen affirme: "le signe du chef-d’œuvre, c'est le sens que

lui confère le temps. «L’œuvre littéraire est fille de son temps et son époque" ajoute Jean Paul

SARTRE dans Qu'est-ce que la littérature? Ou comme le dit Hyppolite Taine dans Essais de

critique et d'Histoire: "Pour comprendre une œuvre d'art, un artiste, un groupe d'artistes, il faut

se présenter avec exactitude l'état général de l'esprit des mœurs du temps auquel ils

appartenaient." Tous ces auteurs semblent s'intéresser aux circonstances de l'émergence des

œuvres ou courants culturels. Le professeur de français doit montrer aux apprenants la marque

des événements historiques, politiques et sociaux de l'auteur qui est perceptible dans le roman

Le Pleurer-Rire. Sans doute, le contexte imprègne l'œuvre, la façonne.

Le Pleurer-Rire trouve sa place dans un contexte politique et socio-économique malaisé

comme le montre Henri Lopes lui-même: "Dans mon cas: je suis un Africain. Le fils d'un

continent qui a été asservi politiquement ... humilié intellectuellement et esthétiquement. Le

nègre ne devait pas être libre ... à la lisière de l'animalité."

Les écrivains africains traduisent dans leurs ouvrage la lutte anticoloniale pour

l'indépendance, la volonté de bâtir de nouvelles républiques, de prendre en main leur propre

destin. Alors les mœurs politiques et sociales de leur temps se retrouvent dans le roman africain.

Chez Ahmadou Kourouma, Les soleils des indépendances, chez Alioum Fantouré, Le cercle

des tropiques autant que chez Henri Lopes, Le Pleurer-Rire par exemple, les indépendances

désenchantent à cause des difficultés économiques de certains pays africains et des régimes

politiques militaires qui plongent les peuples dans la dictature, la misère, la corruption,

l'arbitraire et les inégalités sociales. Donc, la critique des problèmes socio-politiques, "la

politique, c'est la réalité, la tension quotidienne" dit Henri Lopes, et l'ère des dictateurs

imprègnent Le Pleurer-Rire. C'est ce contexte d'une Afrique noire post indépendante dirigée

par les Africains eux-mêmes autour des années 70 qu'on retrouve dans Le Pleurer-Rire publié

pour la première fois en 1982. En effet, en 1970 le Congo adopte le socialisme scientifique et

connait plusieurs coups d'Etat militaires comme c'est maintenant le mode en Afrique avec pour

corollaire la dictature, le monopartisme, le culte de la personnalité, le clivage ethno-tribal

exacerbés, la mauvaise gouvernance et les assassinats crapuleux qui caractérisent la plupart des

pouvoirs africains.

En montrant les relations qu'on trouve entre l'œuvre et son contexte, on comprend qu'on ne

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peut séparer l'œuvre de l'histoire.

« Comprendre un texte, c'est saisir les liens qui les rattachent à la condition de sa production,

conditions qui peuvent déterminer son genre, son registre, son appartenance à un courant... »

Par ailleurs, la littérature congolaise n'a pas connu d'école littéraire comme celle de la

Négritude. « Chacun fait selon son inspiration" admet Henri Lopes, mais elle connaît des

générations d'écrivains et des tendances, comme le réalisme critique dans lequel s'inscrit Le

Pleurer-Rire. « Le roman, c'est la fiction même quand il se veut réaliste ».

Le pleurer-rire se donne la tâche de dénoncer les abus du pouvoir de Tonton Bwakamabé

Na SAKKADE. De même la question de la langue n'est pas une difficulté, car le français est

une langue congolaise, une langue d'expression littéraire: "l'écrivain n'est pas un grammairien:

quand il écrit en langue française, il est à la fois dépaysé et en pays de connaissance" reconnait

Henri Lopes. C'est pourquoi l'écriture du roman Le Pleurer-Rire laisse paraître plusieurs

emprunts faits à la langue parlée issue des langues congolaises " notamment le Lingala et le

kituba.

Enfin, Le Pleurer-Rire paraît dans un contexte où le roman devient une réflexion sur le statut

des personnages et sur la construction de la fiction. Déjà au XVIIIe s, Diderot dans Jacques le

fataliste met en évidence l'arbitraire du récit et le pouvoir du narrateur avec le désir de

renouveler la construction du récit en remettant en cause l'unité psychologique des personnages

qui voit avec "le nouveau roman" au XXe ou avec le mélange des genres qui brise les barrières

qui séparent les genres, en faisant passer le spectateur du rire aux larmes, « le sublime et le

grotesque » se mêlent selon la formule célèbre de Victor Hugo au XIXe siècle.

2- Biographie et Bibliographie

a- L'auteur

Selon la critique dogmatique, le moment de la carrière de l'écrivain pendant lequel il vit et

écrit son œuvre peut apporter un éclairage à certains aspects de l'histoire ou des événements

relatés dans le roman. Apprendre l'élève à fouiller dans la vie de l'écrivain aidera à comprendre

certaines choses, à faire la fiche auteur: date de naissance, carrière, œuvre.

L'auteur du roman Le Pleurer-Rire, Henri Lopes est né le 12 septembre 1937, à Léopoldville

devenu, Kinshasa.

- Fait ses études primaires à Brazzaville et Bangui.

- Etudes secondaires et supérieures en France (à Nantes puis à paris).

- Historien

Soutien un DES d'histoire en 1963 à la Sorbonne

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Professeur d'histoire au Lycée Clémenceau et Henri IV avant de rentrer au Congo

enseigner l'histoire à l'Ecole Normale Supérieure de l'Afrique Centrale (E.N.S.A.C) du

Congo Brazzaville.

- Homme politique

ministre de l'éducation nationale 1965

Ministre des affaires étrangères 1967

Premier ministre 1973

Ministre des finances 1977 à 1980

- Journaliste et écrivain

Rédacteur en chef du journal ETumba (le combat)

Directeur du journal Mweti

Œuvres littéraires

1971: Tribaliques

1976: La Nouvelle romance

1977: Sans Tam Tam

1982: Le Pleurer-Rire

1989: Chercheur d'Afriques

1992: Sur l'autre rive

1997: Le lys et le flamboyant

2000: Dossiers classés

2003: Ma grande mère Bantoue mes ancêtres les Gaulois

2011: Une enfant de Poto-Poto

1998-2015 : Ambassadeur du Congo en France

- Les idées d'Henri Lopes:

Ce qu'il défend

L'émancipation et la libération de la femme

La morale politique

La Croyance à l'évolution des sociétés africaines indépendantes

Le rôle des intellectuels africains

La quête de l'identité et l’écriture libre, engagée.

Ce qu'il rejette

le tribalisme et le racisme

Le totalitarisme

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Les idéologies imposées.

Le registre de ses œuvres

Le rire, de la farce à l'humour, au service de la critique politique

La langue politique et l'art du conteur, la beauté artistique

Une littérature qui parle au monde.

Récompenses

Prix littéraire

Grand prix littéraire des écrivains africains de langue française en 1972 et 1990

Grand prix de la francophonie décerné par l'académie française.

Etape 2 : Présentation du roman Le Pleurer-Rire

1- Le paratexte

a- La couverture

La production éditoriale combine valeur esthétique du livre et valeur marchande pour bien

vendre le livre. Selon la maison d'édition, la couverture du roman est conçue en fonction d'une

stratégie éditoriale d'après laquelle on vise la littérature populaire, le best Seller, la forme et le

succès médiatique.

Le livre qui est devenu un produit de consommation de masse a bénéficié des progrès

technologiques de l'audiovisuel, de l'informatique et des contraintes éditoriales, commerciales.

La couverture du roman va donc changer selon l'édition et créer un horizon d'attente, en

cherchant à susciter l'intérêt du lecteur. Comment la couverture donne une idée du contenu?

Quelle couleur? Quel format? Quelle image ou photographie l'éditeur va-t-il adopter? Quel effet

du nom de l'auteur? Quel genre littéraire? Quel nom d'éditeur? Quel type de public visé?

Pour le formateur un livre est avant tout un texte à lire malgré qu'il soit aussi un produit à

acheter. Ainsi, à partir de ces questions il détient les techniques pour donner les informations

nécessaires à l'apprenant en activité de lecture.

La couverture comprend la première page de couverture ou « côté face » qui contiennent les

données suivantes:

- le nom de l'auteur: Henri LOPES, pour le Pleurer-Rire

- le titre : Le Pleurer-Rire, en noir

- L'édition : présence africaine, collection écrite

- Illustration : une main tachetée comme le pelage du léopard, un animal carnetier d'Afrique.

- Couleur : Jaune orangé, couleur mêlé: jaune et rouge, rire et violence.

Page 7: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

Il y a sur le marché une nouvelle édition révisée de ce roman publié en 2003 avec une couverture

noire, le titre en jaune, une illustration: un masque songye. Et la 4e page de couverture contient

le résumé du livre proposé par les éditeurs.

b- Le titre

Le titre joue un rôle important dans la compréhension de l'intrigue du roman. Certains

auteurs comme Tchicaya U'Tamsi et Henri Lopes n'essaient pas d'écrire des romans à clefs ou

à énigme; mais le titre de leur roman est la clé même qui ouvre la porte de leur message qu'ils

veulent transmettre. C'est très fondamental d'adopter une démarche pédagogique qui explique

à l'apprenant la signification du titre.

Les fonctions du titre

- Donner une information

- inciter à la lecture

- Emouvoir le lecteur

- Faire la publicité du roman

- Résumer le contenu du roman (thème)

- Nature du titre:

- Titre éponyme (un nom, surnom) du personnage

- Un groupe nominal

- un groupe verbal.

Bref, le titre désigne l'œuvre.

Signification du titre

- Sens apparent

-Signification symbolique.

Appliquons au roman Le Pleurer-Rire

Fonctions

Le titre de Pleurer-Rire remplit notamment les fonctions suivantes:

1- Fonction d'incitation: ce titre pousse l'apprenant à lire ce roman dont le titre paraît vraiment

curieux.

2- Donner une information: il porte à notre connaissance le nom que Henri LOPES vient de

donner à son quatrième livre et qui désigne ce roman.

3- Résumer le contenu: ce titre résume l'histoire qu'on va lire dans ce roman, le thème dominant

à savoir comment Tonton Hannibal Ideloy Bwakamabé Na Sakkadé qui a perpétré un coup

d'Etat militaire sanglant en renversant PoléPolé et en le poussant à l'exil, instaure une dictature

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totalitaire au pays dont le côté irrationnel, truculent suscite le rire, le ridicule qui fait rire aux

dépens de ceux que l'on dénonce par l'ironie et la dérision. C'est le lieu de la satire politique, du

pouvoir tout court.

Nature du titre et signification

Le Pleurer-Rire est composé d'un groupe verbal, une phase verbale construite sur une

opposition nette de deux verbes: « pleurer et rire ». Ce qui donne à lire une figure de style

d'opposition appelée l'oxymore mettant en relief deux réalités abstraites antithétiques,

contraires, avec un effet inattendu possible: mettre ensemble ce qui est opposé, ce qui gêne et

ce qui fait plaisir.

Les pleurs renvoient à l'idée de l'horreur, de la cruauté, de la souffrance, de la douleur, du

deuil, de la mort, de la tristesse.

Les rires quant à eux sont liés à la gaieté, la joie, l'humour: "voyant le deuil qui vous mire et

vous consume: mieux, est le risque de larmes". Ainsi dans ce roman de Henri LOPES se

mélangent ou cohabitent le tragique et le comique, la tristesse et la gaieté, la satire et l’humour,

le burlesque et la raillerie. Ce caractère foncièrement antithétique décrit le ridicule de la

démesure, de la tyrannie de Tonton, car le rire s'accompagne toujours d'expirations saccadées,

propose comme projet de société au peuple.

De toute évidence, ce titre a le projet de mêler deux genres, deux registres pour relever le

drame africain où tout se passe comme dans une tragi-comédie. Donc le tragique du destin des

Africains entre les mains des despotes, le tragique de la cruauté d'un personnage cynique, bête

et ubuesque qu’est Bwakamabé, d'une part, de l'autre le marasme économique, la désillusion

qui frappent le pays de Tonton crée un malaise dont les fruits ne sont que les pleurs, le désespoir.

L’horreur et l’hilarité qui voltigent autour du gouffre. Peut-être que pour Henri LOPES, pleurer

sur le destin spolié de l'Afrique, des démocraties africaines soulage le mal, le sort que connaît

l'Afrique. La dictature militaire n'est qu'un masque qui cache mal le visage d'une Afrique dont

la condition dénoncée provoque le rire, puisque la douleur cohabite avec le rire. De même, les

mésaventures politiques du tyran Bwakamabé autant que les aventures amoureuses du maître

d'hôtel qu'on découvre dans ce roman ne manquent pas de comique. A la vérité leurs situations

nous conduisent au drame: « Les vrais Africains sauront rire et d'ailleurs comme il convient de

l'invraisemblance des personnages et des situations ».

Enfin, l'auteur emploie l'article défini « le ». Ce qui substantive ce titre au point de donner

une nouvelle dimension générique au roman. Nous allons donc lire un roman tragi-comique, et

rire aux larmes. C'est ce que veut dire ce roman chargé d'émotions uniques qui décrivent

l'expérience humaine. Ce titre va se mettre en relation avec le thème développé dans le roman

Page 9: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

et plusieurs facettes du roman.

Ce titre Le pleurer-Rire cristallise une dualité propre à la vie de l’Homme : les moments de

joie côtoient sans cesse les moments de malheur. Cette ambivalence de la vie de l’homme est

résumée dans la 3eme épigraphe du roman en ces termes : « j’ai beau pleurer, il faut toujours que

le rire s’échappe par quelque coin ».

c- L'avertissement

Faute de préfacer son roman, c'est par un avertissement que Henri LOPES défend le projet

d'écriture du roman Le Pleurer-Rire. Dans le « sérieux avertissement » l’auteur annonce que ce

roman fait « offense au bon goût » et qu'il est « fruit d'une imagination ». Ce n’est nullement

une littérature d'évasion, mais un livre de dénonciation morale ou sociale qu'on trouve dans la

littérature engagée. « Un fils véritable de l'Afrique ne décrirait pas avec autant de détachement

son milieu et son époque ». En fait le texte est une satire que l’auteur contre la censure et vise

à s’en prémunir.

2- Structure du roman

a- Structure textuelle

Un roman a une structure. Il faut demander aux élèves de donner une subdivision ou

composition du roman et proposer des titres à celles-ci. Le savoir-faire de l’encadreur

demandera de la souplesse, car il doit accompagner les démarches des élèves et adapter sa

stratégie à leurs réactions. La lecture du roman demande un temps important de la lecture,

véritable selon le nombre de pages et le rythme de lecture des élèves. L'étude de la structure du

roman insiste sur: la structure de l'œuvre; l'agencement de l'intrigue, les personnages, la part du

récit du discours, de la narration et de la description. L'enseignement met en place un dispositif

pédagogique pertinent et efficace (exposé) ou lecture silencieuse en classe accompagnée des

questions de vérification:

- Nombre de chapitres ou de parties

- Nombre de pages du roman

- moments forts du roman.

Le Pleurer-Rire compte 78 chapitres avec 2 histoires: Le règne de Bwakamabé et la

romance de maître d'hôtel.

Le Pleurer-Rire est un roman de 315 pages.

Moments forts:

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1- Déclaration des putschistes à la radio (chap. 3 p.16)

2- Exil de PoléPolé (chap. 5 p.23)

3- Portrait et Biographie de Bwakamabé Na Sakkadé (chap. 6 p.26)

4- Investiture du président putschiste (chap. 11 p.44)

5- Récits des voyages officiels (chap. 15, 16 p 61-70, 258)

6- Conférence des chefs d'Etat (chap. 20, 22 p.79-90)

7- Conseils des ministres (chap. 24, 26 p.94, 101)

8- L'affaire Spinoza (chap. 29 p.110)

9- Mouvements des protestants contre un dictateur (chap. 34, 36, 40, 42, 44 p.128, 156)

10- Quand la presse s'en mêle (chap. 54, 57 p.214, 218, 281)

11- Politique diplomatique de Bwakamabé (chap. 58, 60, 68 p.254, 234, 274)

12- L'ère du complot (chap. 66, 72 p.268, 291)

13- Maladie de Tonton et la mort de Yabaka (chap. 66, 74 p.268)

14- L'exil de maître d'hôtel (chap. 61 p.243)

Intertexte, collage:

Le Pleurer-Rire donne une large place aux réflexions du jeune compatriote directeur du cabinet.

- Les écrits du maître d'hôtel et de Soukali

- Un extrait de Jacques le Fataliste et son Maître, un roman de Diderot à récit sans cesse

interrompu des amours de Jacques le valet avec Denise courtisée jadis par le maître sans succès.

b- Structure narrative

Souvent, l'auteur d'un roman choisit de faire raconter l'histoire de son roman par un des

personnages ou par un narrateur qui développe l'intrigue en exposant au lecteur le déroulement

des événements. Ainsi la structure narrative comprend:

- Le narrateur

- L'intrigue

- L'espace et le temps

- Les personnages.

Dans Le Pleurer-Rire, l'histoire est racontée par un narrateur-personnage: maître d'hôtel.

Mais on note plusieurs autres voix à travers les récits de certaines séquences qu'on trouve dans

le roman. Par exemple le récit de la vie amoureuse de maître d'hôtel, les écrits de Soukali, le

récit de Jacques (p 255), les colonnes des articles de journaux (p 271-272). Les événements se

succèdent sans chronologie dans le roman et de façon discontinue pour donner au roman

Pleurer-Rire une allure saccadée.

Page 11: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

Aussi, l'intrigue qui est l'enchaînement des faits et des actions qui forment l'histoire racontée

dans Le Pleurer-Rire présente deux qualités: intrigue simple et intrigue complexe.

Dans le premier cas, c'est-à-dire l'intrigue simple, la situation initiale présente les lieux,

l'époque et la situation des personnages du roman. Dans Le Pleurer-Rire, Henri LOPES choisit

comme cadre de l'histoire le Pays (p 58), un pays qui n'est pas sur la carte et qui a existé à

l'époque des oncles (époque coloniale) dont la capitale avait deux quartiers: Moundié et le

quartier du plateau (p 55, 57) traversé par le fleuve Kounawa. Les personnages comme

Bwakamabé, Maître d'hôtel, Elengui, Soukali, Kaputula, Yabaka, Tiya traversent chacune des

situations spéciales, dramatiques. Ils partent des situations socio-professionnelles moyennes à

une situation plus enviable. Par exemple Bwakamabé commence petit soldat pour atteindre les

sommets du pouvoir et jouir du pouvoir en instaurant un règne de violence sans limite. Le roman

montre à ses débuts que Bwakamabé prend le pouvoir à la suite d’un coup d'Etat (p 30) et avec

l'aide des mercenaires américains, cubains, guinéens et katangais organisés en commando venu

destituer Polé Polé dans la nuit (p 35, 37). Maître d'hôtel quant à lui d’abord maître d'hôtel à

l’hôtel aéricus qui va occuper le poste prestigieux de fonctionnaire du palais de Tonton

Bwakamabé. Sa fonction est comme celle d'un Directeur de cabinet (p 35). Mais tous ces

personnages connaîtront une fin tragique: Bwakamabé qui est devenu le nouvel homme fort du

pays « Mais c'est moi le patron du pays, maintenant ... » P32 veut changer les choses et susciter

l'espoir pour sortir le pays du chaos ou les politiciens l'ont plongé. « Les politicards ont conduit

le pays au bord de la ruine » « Avec moi ça ne sera pas comme avant, avec moi, plus de Bla

Bla Bla. De l'action, de l'action et toujours de l'action ... y aura la stabilité politique, plus

d'opposition. » (p35). En fait le pays sombre dans le désespoir et la misère car le règne de

BWAKAMABE est celui de la destruction.

Donc l'ambition va être concrétisée à travers sa politique de développement fait de projets

non rentables (p57-58): construction des buildings, des palais, des hôtels, des statues et des

ponts: « devant ce spectacle de gratte-ciel et de béton, le citoyen de Moundié déclare que le

Tonton-là, vraiment, il travaille et qu'il a bien mérité de la patrie » (p58).

Mais la désillusion est perceptible dans le pays: « Lui ou un autre, pour nous c'était toujours

la même vie. Hier, nos misères provenaient du blanc qu'il fallait chasser ... Aujourd'hui les

Oncles sont partis et la misère est toujours là » (p23). Le pays était devenu fermé, corrompu:

« Mais Bwakamabé a compliqué l'entrée et la sortie de la terre natale ... » (p53) et " Tonton

décida d'interdire l'entrée de la presse des Oncles ... » (p61) « Mais si vous connaissez l'art de

glisser avec discrétion quelques dollars dans une main ... » (p55).

Mais très vite, le régime de Bwakamabé se heurte à une opposition militante. Son régime va

Page 12: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

être qualifié de putschiste (p24): « Une déclaration faite à l'étranger par laquelle les nouveaux

chefs du pays étaient baptisés de putschistes ».

« Une compagne sur le nouveau régime semblait avoir de l'effet sur les autres chefs d'Etat

... » (p63). Bwakamabé tente de faire reconnaître son régime par les présidents de l'OUA et par

l'ancienne métropole: voyage au sommet de l'OUA (p61, 60), voyage en France (p258-268).

Mais il doit faire face à une opposition grandissante au pays. L'affaire Spinoza et la bande des

vingt (p271-273), viol de Za Hélène (p124-126), massacre du palais de compagne (p134-149),

le groupe terroriste Téléma (p271-273), complot du colonel Katapula (p291-293), autant de

péripéties qui animent l'action.

Bwakamabé tombe malade, des boutons apparaissent mystérieusement sur le visage et se

révèlent incurables. Le capitaine Yabaka est lâchement exécuté. C'est ainsi que s’achève le

roman. La situation de Bwakamabé n'a fait que se dégrader. Même celle de maître d'hôtel

comme on le voit dans le récit de ses amours. En effet, dans Le Pleurer-Rire, de Henri LOPES

a souvent utilisé l'enchaînement c'est-à-dire un texte cadre met en place des personnages qui

racontent eux-mêmes leur histoire comme une intrigue secondaire enchâssée dans l'intrigue

principale.

Par ailleurs dans Le Pleurer-Rire on découvre plusieurs descriptions qui situent les lieux de

l'action, dresse le décor et créent une atmosphère PRESQUE R2ELLE. Elles sont structurées

par des indicateurs de lieu, l'imparfait descriptif. A la page 13 le narrateur-personnage présent

(p58) présente l'agitation qui gagne Elengui quand elle apprend la nouvelle du coup d'Etat de

Bwakamabé. Elle se trouve au domicile conjugal, pendant que son époux est absent. Il rentre

« ce matin-là » (p13) dans: » la parcelle », « notre chambre », « véranda », »salle de séjour».

Perception des personnages, des paysages ou objets:

« C’était le vieux Tiya ... » emploi du présentatif 'c'était' (p15)

« C’était toute la tribu des Djabotama ... » (p44)

« Elengui ... plus possessive qu'une armée de femmes instruites ... » (p19)

« Soukali, une grande Dame, un membre de la haute société. » (p20)

Portrait de Bwakamabé: « un mètre soixante-dix, soixante-quinze kilos, le visage impassible

cerné d'un bracelet de poids cerclant des lèvres épaisses ... » (p25)

« Salle d'attente surpeuplée" »du bureau du président Bwakamabé

Les cours du palais: « dans la cour du palais, une paillotte circulaire ... » (p38). « Je vis les yeux

de Tonton s'arrondir aussitôt » (p39)

Enfin, sur le plan narratif, le roman peut raconter une histoire en présentant les événements

soit dans l'ordre chronologique, soit en désordre grâce à des retours en arrière qui rapportent

Page 13: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

des événements du passé. L'auteur peut aussi annoncer les événements futurs, en faisant des

anticipations (prolepses).

Dans Le Pleurer-Rire, Henri LOPES relève d'emblée la situation socio-politique qui vient de

se produire au pays et qui amène Bwakamabé à la tête de l'Etat, lui le petit militaire devenu

président, s'y accroche en éliminant tous ses opposants: le coup d'Etat de Bwakamabé, sa

maladie. Le narrateur revient donc sur les événements qui ont précédé le coup d'Etat: « En ce

temps-là, il existait encore de nombreux régimes civils sur le continent. » (p61) « Pour bien

faire revivre les séances du conseil des ministres ... » (p97)

L'affaire Yabaka, dans laquelle il est exécuté, accusé de chercher à renverser Bwakamabé,

n'a pas encore lieu telle qu'on le raconte à la page 24, mais plutôt plus tard vers la fin du roman.

La vie de Bwakamabé présentée dans l'éditorial de « la croix du sud » est un retour en arrière.

3 - Genre et registre

Le genre romanesque est un genre avec les caractéristiques propres à connaître pour l'étude.

C'est souvent une fiction avec un nombre de personnages dont la présence attestée est

développée par des procédés narratifs. Et ceux-ci évoluent dans le temps et l'espace, dans un

cadre de vie et une époque que le narrateur décrit, explique. Connaître le genre, le registre est

nécessaire à la compréhension de l'œuvre. Aussi, les descriptions mêlées des événements

racontés dans le roman ont généralement une dimension documentaire, symbolique, réaliste et

suscitent diverses émotions. Sans oublier que le roman peut avoir plusieurs fonctions

(didactique, esthétique, engage). Les romans ne sont pas pareils. Il y en a plusieurs types selon

les sujets qu'ils traitent: roman historique, roman à thèse, roman d'amour, roman d'intrigue ou

d'aventure, roman épistolaire, roman policier, roman de science-fiction, roman

autobiographique, roman réaliste, roman naturaliste, journal intime, roman à l’eau de rose.

Le Pleurer-Rire est un roman réaliste, politique. Il dénonce les travers et les abus de l'Homme

politique et de la société avec l'humour, la dérision et la violence. La verve lopesienne se veut

caricaturale et invite le lecteur à la réflexion devant la misère, la spoliation la dictature, la

violence et les injustices sans limites au sein de certaines sociétés et institutions. C'est pourquoi

le registre le roman Le Pleurer-Rire varie entre la satire et le comique, le tragique et le comique,

le comique et le réaliste.

Le langue inconnue, « le kibotama » qui est mêlée au français, le niveau de langue familier

chez le maître d'hôtel et le président Bwakamabé montrent des personnages ordinaires, banals,

lubriques, burlesques et incultes.

4 - Résumé du roman

Il permet de pousser les élèves à lire intégralement le roman, à saisir l'enchaînement des actions

Page 14: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

de l'histoire racontée. L'enseignant demandera à l'élève de monter une fiche résumé dans

laquelle il indiquera:

En haut: l'auteur, le titre, l'éditeur, la date de parution

Résumer le contenu en respectant l'ordre du texte. Préciser les références essentielles

(pages, chapitres) et bien marquer la succession des séquences.

Le cas du roman Le Pleurer-rire

Le pays a accédé à l'indépendance en chassant « les Oncles ». PoléPolé devient le premier

président démocratiquement élu après les indépendances « mais nous sommes indépendants »

(p18, 133) « Aujourd'hui les oncles sont partis et la misère est toujours là ».

PoléPolé maintient les relations diplomatiques et économiques avec l'ancienne métropole,

la France sans chercher à rompre le cordon ombilical, créant alors « un environnement

néocolonial » (p18). Ce climat exaspère les intellectuels et les militaires d'autant plus qu'il

plonge le pays dans la crise socio-politique « les politicards ont conduit le pays au bord de la

ruine » (p34). Les militaires prennent l'initiative de renverser du pouvoir par un coup d'Etat.

Polé Polé avec le soutien du peuple « les gens disaient que c'était bien fait pour Polé Polé »

Bwakamabé qui est à la tête de ce coup d'Etat s'autoproclame président de la république,

contraint Polé Polé à aller en exil. Dans l'exercice de son pouvoir, il tombe dans la dérive en

instaurant un régime dictatorial, totalitaire monopartite: arrestations arbitraires, exécutions

sommaires, confiscation des libertés multiformes, torture, culte de la personnalité et gabegie

caractérisent ce régime fasciste. Bwakamabé pris de vertige s'octroie tous les titres: président

de la république, chef de l'Etat, président du conseil des ministres, président du conseil de la

résurrection nationale, maréchal, guide éclairé, père recréateur du pays (p87). Son parcours

d'ancien combattant peu instruit trahit vite son incapacité à bien diriger le pays. C'est un homme

grossier et vulgaire ayant l'injure facile. Il met en place une machine du pouvoir qui repose sur

sa tribu Djabotama « là où je suis, doit être entouré des miens, rien que des miens » (p34)

« toutes les convives ... étaient les Djabotama ... les membres de la famille de Tonton ... » (p44)

Il va donc devenir impopulaire. D'où la succession d'une série d'actions qui va miner le

régime de Bwakamabé pour lutter contre ce tyran: « opération de subversion de la Bande des

vingt » (p123), Coup d'Etat contre sa personne à son palais de compagne mené par Haraka qui

réussit à s'enfouir, car Haraka était déçu par la politique du « maréchal » (p179). Maître d'hôtel

et ses amis sont faits otages, le colonel Haraka est réfugié à l’ambassade de l’Ouganda est trahi,

en compagnie des nombreux membres de sa tribu : les Djassékini. Mais la gestion gabégique

de Bwakamabé continue de plonger le pays dans le chaos économique, asséchant ainsi les

caisses de l'Etat.

Page 15: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

A côté de l'histoire de Bwakamabé il y a le récit des aventures amoureuses de Maître d'hôtel.

Ce dernier est entré au palais de Bwakamabé pas grâce au mérite professionnel mais simplement

parce qu'il appartient à la même tribu Djabotama que Tonton. Marié à Elengui, il mène une vie

extraconjugale avec plusieurs femmes du roman comme Soukali la femme de M. l'inspecteur

de Douanes Adolphe, Mme Berger, Ma Mireille la femme de Bwakamabé, et Cécile. Mais

c'est sa relation avec Ma Mireille qui va le mettre en danger et le contraindre à l'exil à N ... avec

l'aide de Ma Mireille qui lui a procuré de faux papiers et de l'argent. Son privilège d'être à côté

de Tonton lui permet d'être un narrateur. Témoin de la vie de ce dernier qu'il sert avec

dévouement. Finalement à l'exil et à l'opposition contre le régime de Tonton, il ne vit plus qu'à

travers le souvenir du pays dont il suit de près l'actualité à travers les journaux.

La presse encense et caricature Tonton qui vient de déjouer un nouveau complot ourdi contre

son pouvoir, lequel complot finit par l'arrestation de plusieurs militaires comme le colonel

Katapula, chef d'Etat-major et le capitaine Yabaka faussement impliqué dans le coup. Il est

arrêté, torturé par Bwakamabé en personne et mis au poteau. Entre temps faussement Soukali a

trempé radicalement dans le terrorisme au sein du groupe terroriste Téléma. Elle est

emprisonnée puis relâchée, M. l'inspecteur a divorcé avec elle ... Les tortionnaires de Yabaka

deviennent fous alors que la santé de Bwakamabé ne fait que se dégrader. Il est atteint d'une

maladie incurable: des boutons au visage signe annonciateur de la fin d'un règne dictatorial

barbare.

« Tonton sortit un miroir de sa poche et examina son visage, de nombreux boutons avaient

poussé » (p310).

« Tonton va plusieurs fois par an se faire traiter ses boutons par un spécialiste suisse de

réputation mondiale. Là-bas, ils disparaissent effectivement. Deux jours après son retour au

pays, ils resurgissent » (p311).

Etape 3: Modalité de la narration

La construction d'un roman dépend de la diversité des modes de narration et de l'alternance

des points de vue narratifs que le romancier adopte pour que le lecteur prenne connaissance de

l'histoire racontée. Bien entendu l'intrigue du roman est complexe, mais elle peut être linéaire

ou enchevêtrée. Il est important de déterminer les choix narratifs effectués par l'auteur : savoir

d'emblée distinguer la voix du narrateur, des événements de l'intrigue qui peuvent s'enchaîner,

s'enchâsser ou s'alterner entre épisodes des différents personnages et le moment de l'action ou

de l'histoire.

Depuis le Moyen Age jusqu'au XXe siècle le roman a évolué et les romanciers ont inventé

Page 16: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

de nouvelles formes, de nouveaux langages. Par définition le roman raconte une histoire par le

biais d'un narrateur. Pour Bikoi le mode de narration: « c'est la manière dont les événements

sont racontés par le narrateur. La narration est le fait d'un narrateur, un être fictif qui se

différencie de l'auteur ».

L'auteur c'est la personne réelle qui produit le texte, délègue à un narrateur le soin de raconter

l'histoire selon un mode de narration particulier. Ainsi la première bonne question à poser pour

lire un roman est : « Qui parle? Et de quelle façon? ».

1 - Le narrateur

Le narrateur c'est la personne de papier qui prend en charge la narration, qui organise le récit

en ayant un statut: personnage de l'histoire quand le récit est à la 1e personne ou absent de

l'histoire, le récit est à la 3e personne. Le narrateur peut intervenir de façon explicite par des

commentaires.

Sur le plan pédagogique, la lecture n'a un grand intérêt que si l'objectif de l'enseignement est

de faire découvrir à l'apprenant le statut du narrateur et les points de vue qu'il adopte pour

développer le récit.

a – Le Statut du narrateur

A quelle personne le récit est-il mené? Le narrateur est-il absent de l'histoire racontée?

Quelle est son identité? Est-il personnage de l'histoire racontée?

Ces questions démêlent les rapports qui existent entre l'auteur, le narrateur, le personnage et

conduisent à trouver le statut du narrateur, ses fonctions et les points de vue qu'il adopte.

Le narrateur-personnage

Le romancier peut choisir de faire raconter l'histoire par un personnage. Alors le récit est

assumé par un narrateur dit intra diégétique, présent dans l'histoire qu'il raconte en étant lui-

même héros de son propre histoire. C'est le cas des romans à la 1e personne et des romans

autobiographiques. Par exemple: Les Mots de Sartre; René de François René de

CHATEAUBRIAND.

Mais si l'auteur peut jouer avec le "je", le narrateur qui dit "je" ne suis pas toujours concerné

par l'histoire. Il peut être témoin de l'histoire en étant un personnage secondaire qui raconte

simplement les aventures vécues par le personnage principal dont il a été le témoin privilégié,

le confident ou le valet. C'est ce qui se passe dans Le Pleurer-Rire. Henri LOPES fait raconter

la chronique du règne du tyran Bwakamabé par ‘Le Maître d'hôtel’, un des personnages du

roman, valet du précédent. Maître d'hôtel devient narrateur-témoin des moments forts du

pouvoir de Bwakamabé grâce à la fonction de maître d'hôtel qu'il va occuper au palais du tyran

qui mène une vie de grande mondanité : réceptions des hôtes, banquets, garden- party,

Page 17: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

anniversaires, voyages, conseils des ministres, fêtes et meetings excentriques. Les actions

cruelles de Tonton sont racontés et observés par ce narrateur-personnage et témoin : Le Maître

d'hôtel. Aussi il raconte lui-même l'histoire de ses amours avec Soukali.

Les différentes fonctions du narrateur

Dans le roman, le narrateur joue un rôle capital dans l'organisation du récit. Ce rôle conduit à

diversifier les fonctions du narrateur dont les principales sont:

a) La fonction narrative. Le discours du narrateur est essentiellement narratif. Le narrateur

est occupé à raconter l'histoire en brodant les événements les uns après les autres,

simultanément ou par l'enchaînement, campant les personnages (portrait, description, décor) et

les situations. Le Maître d'hôtel dans un récit in medias montre la situation d'Elengui, dès

l'ouverture du roman, prise de panique suite au coup d'Etat de Bwakamabé (p13). Plus loin

Maître d'hôtel dit: « je n'ai pas raconté tous les voyages de Tonton » (p198), « je ne raconterai

pas la cérémonie de prestation de serment » (p43).

On peut trouver dans Le Pleurer-Rire plusieurs autres passages ou le narrateur remplit la

fonction narrative (p83, 97, 123, 290, 294, 296, 313, 315).

b) La fonction de régie. Le narrateur remplit la fonction de régie quand il commente

l'organisation interne du texte. L'articulation de celui-ci parle de discours narratif en intervenant

au sein de l'histoire. Cette fonction se trouve notamment dans Le Pleurer-rire car constamment

le Maître d'hôtel cherche à organiser les différentes parties du récit. On note que les événements

du récit manquent d'enchainement, de chronologie. Donc c'est le narrateur qui essaie de

conduire d'un événement à l'autre. Par exemple les étapes de l'accession de Bwakamabé,

l'exercice du pouvoir, son exécutif (coup d'Etat, exil de Polé Polé, portrait de Bwakamabé,

recrutement de Maître d'hôtel à la présidence), la vie conjugale de Maître d'hôtel, l’intronisation

de Bwakamabé, la modernisation du pays, la réflexion du jeune directeur du cabinet de Tonton,

les conférences des chefs d'Etat, les conseils des ministres, les mouvements d'opposition et de

protestation contre le régime de Bwakamabé, la répression policière, le coup d'Etat manqué

vécu par bwakamabé, l'exil de Maître d'hôtel, la maladie de tonton, la mort de Yabaka et de

Tiya,le divorce de Soukali etc. Toutes ces séquences narratives ne sont pas reliées, mais c'est le

narrateur qui assure le passage d'une séquence à l'autre: « je continue quand même » (p53, 75,

196, 253).

c) La fonction de communication. Elle est orientée vers le lecteur: « en vérité je vous le dis

... allez tourner la page. » (p52) 55, 58). Le narrateur emploie la 1e personne du pluriel "nous",

il interpelle le lecteur en l'expliquant l'emploi de "vous" on note (p 61,62, 92, 182)

« Nous n'avons pas peur de ce qui venait de nous arriver »

Page 18: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

« Le lecteur reconnaîtra là » (p81, 85, 112)

On peut trouver ce genre de phrase dans Le Pleurer-Rire, car le narrateur cherche à

communiquer avec ses lecteurs:

« Certains risqueraient de croire que c'est la capitale de leur pays que vit Bwakamabé ... Si vous

tenez à le trouver ... » (p58)

« Non, vous n'entendez pas ces deux variantes ... A moins qu'un interprète courtois ne consente

à vous en traduire la dernière phrase. » (p311), « le lecteur n'a pas à regretter les quelques

chapitres ... » (p294) « Ici finit la relation d'un chapelet de rêves et cauchemars qui se sont

succédé à la cadence d'un feuilleton » (p 315, 91, 274).

d) La fonction idéologique: elle renvoie aux interventions directes ou indirectes du narrateur

prenant la forme d'un commentaire de l’action ou des jugements du narrateur. Ce discours

appelé discourt factoriel, implique la présence de l'auteur, réel ou fictif. Dans Le Pleurer-Rire,

Henri Lopes multiplie ses interventions dans le mode de narration. Par exemple dans l'épisode

ou les jeunes intellectuels débâtaient de la politique internationale avec le vieux Tiya (p17, 18,

51) ; l'attitude pacifique de Polé Polé lors de sa destitution (p23), le commentaire du journal le

‘Monde’ sur l'histoire politique du pays depuis l'indépendance (p29, 30) ; la politique tribale de

Tonton, sa notion de pouvoir (p43, 47, 90, 100) n'échappent pas à la voix actoriale.

En vérité, la voix actoriale intervient chaque fois que l'auteur veut provoquer chez le lecteur

la même réaction que chez le personnage. Dans Le Pleurer-Rire, l'auteur critique la construction

des buildings, des hôtels, les dépaysages de Moundié et les formalités des contrôles policiers à

l'aéroport Hannibal Ideloy Bwakamabé (p54 55), la politique de développement de Tonton et

ses projets pharaoniques (p56, 58, 82, 83), son discours inaugural de la conférence des chefs

d'Etat des pays producteurs d'agrumes (p87, 90), l'arrestation de l'écrivain Matapalé et le sort

du pays (p62, 63, 131, 68), l'engagement du livre africain (p123), le pouvoir du dictateur Tonton

(p128,129), la réflexion sur le coup d'Etat manqué de Haraka et la campagne anti Djassikini

(p189, 190), la coopération avec la Chine (p226, 227), Israël et l'Afrique du Sud. L'auteur

intervient aussi sur la condition de la femme (p230, 231).

L'admiration de Tonton pour Hitler, Staline, Mao, Kim II sung. Son souhait est de voir les

militaires ne plus diriger l'Afrique (p284, 285). Son soit disant souci de démocratie le pousse à

écrire un roman dans lequel il n'a "rien emprunté à la réalité, ni non plus inventé" (p 315) ; le

procès truqué de Yabaka dans l'excipit (p306-310) raconté par le narrateur est un prétexte pour

l'auteur de montrer la cruauté de la dictature, des violations injustes des droits humains les plus

fondamentaux, et partant de moraliser la vie politique arrêter la violence aveugle, critiquer les

intellectuels qui ont travaillé dans les régimes dictatoriaux.

Page 19: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

e) La forme testimoniale. Le narrateur atteste la vérité de son histoire, le degré de précision

de sa narration, sa certitude vis-à-vis des événements, ses sources d'information. Dans Le

Pleurer-rire, cette fonction testimoniale est bien prédominante. Dès les premières pages, le

narrateur indique le moyen par lequel on apprend l'événement qui secoue le pays: le coup d'Etat

est relayé par la radio et les journaux: « le transistor gerbait un air de défilé » (p13)

« Le fil de la marche militaire qui, depuis l'heure du réveil ... puis le poste charria la parole dans

tous les foyers ... » (p16, 23, 24)

« Telle est la loi des anciens » (p20)

« Si une belle jeune femme, disent les vieux, n'est pas voleuse, elle est sorcière. Et telle était

Soukali » (p21).

Le portrait de Tonton est dressé par l'éditorialiste de ‘La croix du Sud’ Aziz Sonika ..." (p26,

27, 44, 234)

« Je n'arrive plus à préciser la date exacte, car l'événement n'était pas couvert par la presse, mais

en m'aidant d'un calendrier ... j'en retrouverai aisément le jour » (p44, 50). Cette phrase montre

la précision du narrateur qui nous raconte la cérémonie de prestation de serment de Tonton, la

description de Moundié: « mais j'en ai trop dit ... dans ma description »

Il n'hésite pas à se référer à d'autres personnages comme l'ancien Directeur de cabinet de Tonton

(p51, 123), à radiotrottoir, à la presse nationale et étrangère (la croix du sud). On retrouve même

un extrait de Jacques Le Fataliste de Diderot (p255, 256) et les écrits de Soukali (p313 314). Il

écrit: « de nombreuses tensions sur les derniers moments du capitaine ont été relatées. Je me

limiterai ici à deux variantes, qui sont, l'une et l'autre, les plus diffusées par radiotrottoir... »

(p29). On peut multiplier les exemples à travers les pages suivantes:

- Préparation du voyage d'Adis Abéba (p67 70) et à Paris (p257)

- Délibération pour renouer les relations diplomatiques avec l'Afrique du Sud de l'apartheid

(p274 279): « De mon poste d'observation habituel »

- Interview à Genève (p281)

- La mort de Tiya (p244 248)

- Cérémonie d'ouverture de la conférence des chefs d'Etat (p87 90)

- Sur le massacre des jeunes lycéens (p158 159) raconté par Aziz et radio trottoir.

2 - Les points de vue ou la focalisation

Etudier un roman c'est connaître grâce à un questionnement l'angle de vue selon lequel le

narrateur raconte ou donne à voir les événements à fournir au lecteur.

Les informations sur les personnages, leurs pensées, leur situation, leur passé peuvent se

découvrir grâce à la focalisation. Qui voit? Qui sait? Comment le narrateur présente les

Page 20: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

personnages et l'histoire? Quelle est la perspective narrative selon laquelle les faits sont perçus

ou présentes? Où se trouve l'observateur de la scène?

A la page 274 du roman Le Pleurer-Rire le narrateur affirme: « de mon poste d'observation

habituel, ... j'étudiais les visages graves et vénérables des membres des deux instances suprêmes

... ou « ... j'ai pu entendre bien des entretiens à caractère secret d'Etat que j'aurai à lire ici » (p38

39).

On peut dire à première vue que le point de vue du narrateur est externe. En effet, Le maître

d'hôtel est comme un observateur privilégié, ("hypocrite") qui se limite à ce qu'il voit ou entend

(p162). II prend l'habitude de ne rapporter que des faits extérieurs souvent à la 3e personne. Il

emploie "il", "on", "Tonton", "Soukqli", "Elengui", des formules d'énonciation historique: "A

cette époque", "en ce temps-là".

« C'était finalement la relation des faits par Aziz qui assurait les avoirs vécus » (p159) ou aussi

parlait radio trottoir"

« Le souci d'objectivité, en revanche me fait le devoir de révéler que Tonton prenait ses voyages

aux sérieux l'ai-je entendu se plaindre? » (p196).

« Je vois Tonton se pencher à l'oreille du préfet par intérim » (p208)

« Et l'on vit le souverain franchement intronisé s'avancer auprès de Ma Mireille » (p248), « je

le vis donner sous la paillotte, les instructions ... » (p67)

« Je vis les yeux de Tonton s'arrondir aussitôt" (p39) ainsi d'autres pages comme: 274, 279,

297, 265, 261, 260, 259, 247, 240, 238, 214 rapportent les faits extérieurs.

« Je souligne ce détail sans autre intention que de témoigner les hautes performances

amoureuses de Tonton. » (p209). Lisez aussi les pages 32, 46, 49, 71, 94, 97, 116, 124, 139,

200, 206, 207, 257, 263.

Par ailleurs dans Le Pleurer-Rire il y a aussi la focalisation interne. C’est le narrateur qui

entre dans la conscience d'un personnage et limite l'information racontée à ce que voit ou pense

le personnage. Par exemple dans Le Pleurer-Rire, tonton s'admirait, avait des qualités de cœur,

des ambitions politiques démesurées. Le narrateur nous le présente comme un homme colérique

"sa colère surgit, aussi terrible que les orages de la saison des mangues » (p63) « ...Tonton

exprime ses théories du pouvoir ...de se plaindre de l'incompétence de ses collaborateurs ...

Tonton n'aimant pas non plus ces démonstrations de son talent ». (p70)

Tonton nourrit une haine envers les intellectuels parmi lesquels le vieux Tiya, le capitaine

Yabaka, les jeunes intellectuels.

Il pense qu'on ne joue pas avec la sécurité, ni avec le pouvoir et comme maître d'hôtel est

souvent en position de témoin, il ne quittera pas Tonton qu'il campe tout le long du roman.

Page 21: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

Voilà pourquoi le récit alterne entre le "je et le il" "mais le jour où je parle, il ne portait pas

encore de vêtement protocolaire". Certaines pages pénètrent sans moi, ses pensées; p41, 42, 45,

55, 87, 89, 99, 179, 182, 228, 234, 265, 274, 275, 308, 257.

Maître d'hôtel utilise aussi le point de vue toujours interne d'Aziz qui rapporte plusieurs faits

dans son éditorial touchant Tonton (p26, 27, 57, 61, 82, 158, 173, 178).

Si Maître d'hôtel a comme un poste d'observation et d'écoute, alors nous pouvons avoir

affaire à un ‘narrateur’ omniscient c'est-à-dire qui sait tout et voit tout. En effet, il donne à

connaître les pensées, les sentiments des personnages comme Tonton, Soukali, Elengui, sur les

lieux et les temps.

‘Maître d'hôtel’ connaît tout de tonton dont il est le confident, le serviteur. D'où le portrait

presque caricatural du règne de Tonton, de son goût du chivas et des femmes, des voyages et

du pouvoir. Sans oublier la manière dont il décrit sa propre vie sentimentale fragmentée.

3 - Les composantes de l'histoire

3.1 – L’action romanesque

3.1.1 Le Cadre de l'histoire dans Le Pleurer-rire

Le pays jadis sous domination des ‘Oncles’ a lutté pour chasser les blancs et obtenir le

"Lipadasse-là" c'est-à-dire l'indépendance pour espérer une meilleure vie, la liberté, la fraternité

entre blancs et nègres et entre les enfants d'un même pays car "au pays avant l'indépendance

blancs et nègres étaient séparés" (p105) et les tribus s'affrontaient souvent. Et après

l'indépendance c'est PoléPolé qui est démocratiquement élu président de la république, il est de

la région de l'Ouest. Mais l'environnement néocolonial dans lequel s'exerce le mandat de 7 ans

de PoléPolé, les problèmes économiques que le jeune pays connaît provoquent vite un malaise,

une agitation politique qui conduit un groupe de militaires « hommes aux bérets » de renverser

PoléPolé à la suite d’un putsch.

« Depuis le coup d'Etat, les gens, pour peu que vous fussiez un de leurs proches, se

hasardaient à exprimer leur opinion, qui pour dire que c'était bien fait pour poléPolé », c'était

même la libération du pays qui avait maintenant un nouveau patron: Bwakamabé chef des

Djabotama qui va « imposer la loi de ceux-ci sur toutes les tribus du nouveau pays, tel

qu'assemblé par les Oncles » (p46) celui-ci rappelle cela à la tribu Tsouka: « vous les Tsoukas,

vous avez toujours méprisé les Djabotama, croyez que ça va continuer comme ça? Zoubliez

maintenant que c'est un Djabotama qui commande » (p64) « un Polé Polé serait resté au pouvoir

un mois de plus que le pays aurait sombré ... » p268.

3.1.2 La Progression de l'intrigue

Page 22: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

- Etat initial: les personnages Elengui, Maître d'hôtel, le vieux Tiya, les jeunes intellectuels,

Tonton, Yabaka, la brochette d'officiers, Soukali, Polé Polé (p 13, 24).

L'époque: de la colonisation à l'indépendance (p113)

Les lieux de l’action: le pays, moundié, la maison du maître d'hôtel, 50 logements chez Soukali.

Action: Tonton et un groupe d'officiers djabotama (p74) ont fait un coup d'Etat pour chasser

Polé Polé du pouvoir. Ce dernier n'a pas apparemment résisté et est allé en exil en France.

Elengui la femme du Maître d'hôtel, travailleur du relais aérien, hôtel des Oncles est prise de

panique et s'inquiète de l'avenir du pays, car elle connait la réputation de ce colonel Bwakamabé

désormais chef tandis que son mari passe avec Soukali sa maîtresse au quartier Plateau.

- L’événement perturbateur: la situation socio-politique du pays vient d'être bouleversée par

un coup d'Etat militaire de Bwakamabé. " Nous devions désormais nous mettre en garde à vous,

saluer ..." (p16) plus rien ne serait comme avant: " les politicards ont conduit le pays au bord

de la ruine ... avec moi sera pas comme avant, avec moi plus de Bla Bla Bla. De l'action ... tout

le monde va marcher ... y aura la stabilité politique. Plus d'opposition ... serai jamais un ancien

président ..." (p35)

- Les péripéties :

Maître d'hôtel est nommé fonctionnaire du palais (p34)

Yabaka est accusé déjà de vouloir saboter la politique de développement économique

de tonton

tonton veut faire reconnaître son régime militaire à ses pairs de l'OUA (p63)

tonton complique l'entrée du pays (53)

Tonton interdit l'entrée de la presse des Oncles sur le territoire national

Soukali veut tirer profit de la position de Maître d'hôtel pour s'émanciper (p73)

Tonton doit faire face à ses complices du coup d'Etat et procède au 1er remaniement de

son gouvernement (p76)

tonton met en place un service de sécurité dirigé par Mr Gourdain (p77)

Tonton devient un dictateur adulé par le peuple (p 87, 90, 98, 100)

La bureaucratie ruine l'action de Tonton (p104)

Des voix s'élèvent contre le régime fasciste de Tonton qui bafoue les droits de l'homme

et les libertés (p129, 130, 169)

La violence appelle la violence: Za Hélène est violée (p125 126)

Massacre du palais de campagne (p139, 149)

Répression des Djassikini (p 189, 192).

Page 23: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

Le pays connait la crise financière (p234, 236)

mort de Tiya

Maître d'hôtel vit une crise conjugale (p 23à 231)

Fuite de Maître d'hôtel (250)

Voyage officiel à Paris (p 257)

Arrestation de Soukali et divorce avec l'inspecteur (p 295)

Arrestation et fusillade de Yabaka (p 274, 308)

Maladie de Tonton (310 311)

Maître d'hôtel ne vit plus que dans le rêve depuis l'exil (p 304)

3.1 L’espace et le temps

Il faut noter le déroulement du temps (durée de l'histoire) et les déplacements dans l'espace

des personnages. La précision de temps et des lieux peut ancrer l'aventure dans le réel ou donner

l'illusion de la réalité. Mais ils peuvent aussi sortir du réel. Ils ont parfois une valeur symbolique.

Pour le lieu surtout, il peut signifier l'enfermement, la protection quand le bien est fermé ou la

liberté quand il est ouvert. Le temps peut signifier le progrès ou la dégradation.

Dans Le Pleurer-Rire le temps d'abord de la situation du narrateur qui parle : "j'ai quitté le

damuka vers minuit ..." (p12) " en proie ce matin-là ...", "le fil de la manche militaire qui,

depuis l'heure du réveil ..." (p16), "toute la journée" p23 "Dès le lendemain la radio ..." p23 "à

cette époque, aucun Oncle ..." p 43 "en ce temps-là ..." p61

" Le lendemain une vingtaine de tailleurs et quelques chômeurs"

" Il fallait quarante-huit heures dans un pays de l'Etat africain"

"Tonton ce jour-là, avait fait venir dans un salon de la résidence le clairvoyant ..." (p74), (dès

ce matin) p161

"Une histoire qui remontait à deux générations" p75

"Quelques heures après" p 76

Ces repères sont caractérisés de discours, il y a aussi

"Il y a « au début de septembre 19… ça doit être 19. » Cette indication est un repère absolu.

« Le 13 juillet, toute la capitale …. » p128

« … en 1923 année du cochon …. Le 5 août … » p134

« Quelques jours auparavant … » p244

« Le lendemain après-midi juste avant la levée du corps » p247

« Demain » p246

Page 24: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

« Le soir, dans les informations générales … » p248

On voit il y a des scènes qui durent une journée, un matin ou un soir et celles qui durent des

années sans aucun progrès.

Le Pleurer-rire raconte les années d'un règne sans fin de Bwakamabé Na Sakkadé.

Par ailleurs les lieux sont divers: le pays, un pays imaginaire d'Afrique ; mais fermé à cause

d'un régime peu démocratique mis en place par Bwakamabé. Le pays est devenu

symboliquement un lieu d'enfermement, un pays fermé, privé de liberté. D'autres lieux comme

le Palais de Bwakamabé, le bureau, la paillote, chez Maître d'hôtel, chez Soukali, chez le vieux

Tiya (p 151, 218) à N ... (p 159) : Lieu d'exil pour Maître d'hôtel, le quartier des évolués (p194)

A Libotama (p 197)

Au stade Ideloy Hamnibal

A l'aéroport HannibaI Ideloy BWAKAMABE Na SAKKADE

Moundié

Sowéto (p 250)

France, Paris, Elysée (p 259), Addis-Abeba.

Ces lieux offrent le cadre où se déroule l'histoire du roman et donnent au roman une

dimension réelle.

c - Les personnages

- Personnage principal:

Bwakamabé Na Sakkadé: militaire au parcours professionnel réel, il passe rapidement général

puis maréchal après son coup d'Etat. Il met fin à toute opposition politique et règne en tyran

dans le pays. il procède par des pratiques inhumaines et cruelles comme la torture,

l'empoisonnement arbitraire, le tribalisme, la gabegie et la confiscation des libertés

multiformes.

Fils de Ngakoro, né en 1914. Il appartient à la tribu Djabotama, époux de Ma Mireille.

portrait (p 25-29)

Arrivée au pouvoir par coup d'Etat (p 23, 24, 34)

Dictateur (p 99, 213)

Tortionnaire barbare (p 298, 303)

- Personnages secondaires:

Maître d'hôtel: fonctionnaire du palais, époux d'Elengui, entretient plusieurs maîtresses.

S'exile à N (p 13, 20, 32, 35, 38, 40, 59, 164, 264, 266, 240, 243).

Page 25: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

PoléPolé: ancien président de la république, en France

Monsieur l'inspecteur Adolphe: évolue au service des douanes, consacre son temps au

travail de l'Etat;

Soukali: épouse de monsieur l'inspecteur Adolphe, Maîtresse du Maître d'hôtel (p 19,

20, 161, 187, 188, 280, 289, 294, 296, 304, 305). Elle lutte pour son émancipation, puis

se radicalise en intégrant un groupe terroriste qui combat Bwakamabé.

Yabaka: militaire intègre, il incarne les valeurs démocratiques. Il compose avec le

gouvernement de Bwakamabé. Vu comme potentiel successeur de Bwakamabé, ce

dernier l'implique dans un complot contre son régime. Arrêté, il est exécuté des mains

du tyran lui-même aidé par le commando Bazoka. (p 17, 24, 98, 274, 279, 297, 303,

208, 311).

AZIZ: journaliste de la croix du sud et griot de Tonton.

Monsieur Gourdain: directeur de la sécurité de Tonton. Il passe maître dans la répression

violente et les arrestations arbitraires (p 77, 78).

Ma Mireille: première dame, épouse de Bwakamabé, jeune et belle. Se montre infidèle

en ayant une relation avec Maître, peut- être par pure vengeance.

Elengui: épouse de maître d'hôtel, possessive et jalouse, elle œuvre pour la santé

sexuelle de son mari infidèle.

Za Hélène: Sœur ainée de Tonton bwakamabé

Haraka: militaire, prône une dictature radicale que celle de Tonton. Il est en désaccord

avec la politique de tonton qui fait du PoléPolé sans Polé Polé et tente un coup d'Etat. Il

échoue ,s'enfuit à l'ambassade de l'Ouganda. Il est trahi, livré puis exécuté.

Matapalé: écrivain engagé, subversif emprisonné dès les premières heures du coup

d'Etat de Bwakamabé.

Le jeune compatriote directeur de cabinet de Tonton.

d - Ordre et rythme de la narration

Il s'agit de situer le moment où le narrateur raconte l'histoire par rapport au moment de

l'histoire:

- Narration ultérieure: les événements racontés dans Le Pleurer-Rire sont déjà passés, plus ou

moins éloignés au moment où maître d'hôtel les raconte. C'est sont des analepses:

-accession de Tonton au pouvoir (p 23, 24, 34)

-Fuite de Maître d'hôtel p 240, 243

Page 26: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

-Mort de Yabaka p 308, 311

- Narration antérieure: très rare dans Le Pleurer-Rire le cas du procès de Yabaka annoncé à la

page 24.

- Narration intercalée: elle mélange la narration ultérieure et la narration simultanée. On trouve

cela dans Le Pleurer-Rire. Le narrateur raconte ce qui s'est passé" dans la journée et insère les

impressions (p 73-74), (p 128), (p 214), (p 189-193), (p 175-181).

L’ordre des événements du Pleurer-Rire n'est pas chronologique, c'est vraiment saccadé. La

vitesse nous donne le rythme suivant.

1 - Scène: Le Pleurer-Rire est rempli de dialogues (p 15, 18, 31, 32, 35, 40, 41, 63, 65, 67, 73)

2 - Ralenti (p 77, 78, 25, 29, 123), dialogues, effet de réel.

3 - Pause: La description, le portrait se trouve dans Le Pleurer-Rire.

4 - Sommaire: le narrateur résume en quelques lignes (p 128, 130, 131, 159, 175).

e - Mode de narration

Le narrateur rapporte souvent dans le récit les paroles ou les pensées des personnages à

l'intérieur de plusieurs passages du roman. Cela peut être un état intérieur du personnage ou le

narrateur lui a cédé la parole pour qu'il rapporte ses propres propos tels qu'ils ont été prononcés.

Pour reconnaître les paroles rapportées ou le discours il faut voir si le narrateur utilise: les

guillemets, c'est le style direct; les verbes introducteurs; les verbes de parole.

Deux systèmes d'énonciation sont alors en jeu dans les passages narratifs et dans les dialogues

:

- Celui du narrateur

- celui du personnage

Il y a donc alternance des indices de l'énonciation ici: pronoms personnels ("il", "elle" dans la

narration "je", "tu", "vous" dans le dialogue); le système de temps (passé pour le récit et présent

pour le dialogue), adverbes de temps (lendemain, demain; la veille, hier).

Exemple: "je vais, dès demain, elle vit partir Cécile à 9h" est un énoncé du récit du narrateur.

il faut faire la part du discours, c'est-à-dire étudier les dialogues et la part du récit, autrement

dit étudier la narration.

Le dialogue: échange des paroles entre personnages,

Quel personnage parle, Quel style (direct, discours indirect, discours indirect libre), quels sont

les pronoms qui désignent l'interlocuteur, expressions qui fournissent des précisions sur la

manière de parler ou d'écouter, quel est le sujet de la conversation ? Pour quelles raisons le

narrateur utilise-t-il des dialogues? Quel est le rôle des dialogues par rapport aux actions?

- Fonctions du dialogue:

Page 27: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

1 - faire avancer l'action

2 - Souligner ou faire évoquer les relations entre les personnages.

- Visée :

Les dialogues ou scènes rendent le récit vivant. C'est par souci d'objectivité que le narrateur

rapporte les paroles des personnages telles quelles sont censées avoir été dites pour créer l'effet

de spontanéité, d'authenticité, restituer le niveau social des personnages (bourgeois, paysans,

nobles) et rendre compte de leurs émotions.

Le narrateur peut intégrer les paroles des personnages à la narration, il utilise un seul

système d'énonciation, celui du narrateur : récit / narration.

Dans le récit le narrateur rapporte les paroles des personnages par le biais d'un verbe

introducteur de parole (dire, répondre) ou une proposition subordonnée conjonctive (que), une

subordonnée interrogative indirecte (si, quel, ou, quand, comment). Mais aussi il peut intégrer

les paroles des personnages dans l'énoncé au style indirect.

Dans le style indirect le narrateur choisit de rapporter les paroles comme il le veut

(reformulation, résumé, déformation) et le texte ne présente pas de rupture, il conserve son unité

de ton.

De même, dans le roman le narrateur rapporte soit sans verbe introducteur en liant au point de

vue interne, le point de vue du personnage. Cela permet de traduire l'état d'âme.

Enfin, les pensées des personnages peuvent être signalées par un narrateur omniscient.

Le discours narratif:

Statut du narrateur

Passages narratifs

Commentaires du narrateur

Adresse au lecteur (quel pronom utilise-t-il?)

Evénement, ancrés dans le temps

Enchaînement des événements

Le discours descriptif:

Description

point de vue

Image donnée

Portrait statique ou en mouvement

Caractéristiques péjoratifs

Couleur, effet sur le narrateur

Page 28: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

Image donnée du personnage objective ou subjective.

La Fonction de la description

- Pause dans la narration

- fonction esthétique (rôle d'un personnage dans l'intrigue)

- Fonction explicative

- Susciter chez le lecteur des sentiments (pitié, peur, rire, admiration)

- fonction documentaire

Dans Le Pleurer-rire ; nous trouvons plusieurs paroles rapportées qui sont soit l'état des

personnages, dialogues, pensées des personnages et proverbes de la sagesse africaine ancienne.

On trouve par exemple Elengui et Maître d'hôtel

Maître d'hôtel, les intellectuels et le vieux Tiya

Maître d'hôtel et Tonton

Tonton et ses ministres.

Tiya un nombre élevé de dialogues dans Le Pleurer-Rire. Ce qui fait avancer l'action et met un

accent sur les relations qui existent entre les personnages Tonton et Maître d'hôtel entretiennent

une relation étroite, celle du maître et du confident. Par les paroles de Tonton, nous découvrons

son niveau social: un président avec le niveau de langue des soudards très vulgaire et grossier

qui trahit d'où il vient. C’est un militaire formé au Baroud et qui a gagné ses galons sur le terrain.

D'où son’’ intellophobie’’ et son goût de l'action. De même Maître d'hôtel qui sort des milieux

de l'hôtellerie n'est pas très instruit et est obsédé par la luxure, la mondanité. Son assiduité à lire

les journaux fait de lui un autodidacte. Généralement c'est au style direct que le narrateur du

roman rapporte les paroles des personnages. Mais n'empêche qu'il adopte aussi le point de vue

omniscient pour nous rapporter surtout les pensées et réactions de Tonton.

Le discours descriptif qu'on trouve dans Le Pleurer-Rire donne lieu à des descriptions des lieux

où évoluent les personnages, au portrait physique et moral des personnages qu'il montre. Par

exemple le portrait de Tonton est statique, et se réfère à son passé, à son origine sociale pour

expliquer son comportement alors qu'il exerce le pouvoir politique.

Le portrait de Bwakamabé est celui d'un personnage imaginaire qui vise à faire rire le lecteur,

à critiquer ce prototype de tyran peu aimable, arrogant et cruel.

Etape 4 : Etude des passages choisis

1 - Incipit pp 13 - 22

2 - Intrigue

L'enseignant choisira un passage en suivant les différentes étapes de l'intrigue du roman.

3 - Les personnages

Page 29: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

Portrait de Tonton

vie du Maître d'hôtel

4 - Textes narratifs et descriptifs

5 - Sur les thèmes du roman

6 - Sur les choix stylistiques

Etape 5: Etude des thèmes

1. LE POUVOIR

Il est le thème fondamental du roman. En effet, Le Pleurer-rire est un roman engagé dans le

champ politique. Il est donc évident que le pouvoir occupe une place de choix dans l’avalanche

des thèmes évoqués.

Le pouvoir trouve son « incarnation » dans le personnage de Bwakamabé. Ce dernier s’inscrit

dans l’optique d’un pouvoir dictatorial, faussement patriotique. C’est ce qu’affirme l’un de ses

ministres : « N’ayons pas peur des mots, il nous faut une dictature : une dictature dans le sens

des intérêts du peuple. » (p98). Pouvoir dictatorial, le régime de Bwakamabé est opposé au

contre-pouvoir : « Vec moi, pas de crainte. Y aura la stabilité politique. Plus d’opposants »

(p35). C’est pourquoi, les velléités d’opposition sont matées, étouffées dans le sang : assassinats

de HARAKA, de YABAKA, des Djassikini, de la bande des 20… Quand ce n’est pas la mort

qui est servie aux opposants, ce sont des traitements inhumains orchestrés par le commando

Bazooka ou par Tonton lui-même. Des jeunes lycéens les mains nues étaient confrontés à des

boxeurs professionnels et à la garde personnelle de Tonton, des voleurs étaient mis en face

menottés à des militaires casqués YABAKA qui avait subi « le mont Cameroun », s’est vu

l’orifice rectal ouvert par une bouteille, s’est vu la bouche remplie par le « jet de liquide jaune »

(p299) de Tonton…Les prisons, à l’image de la plus luciférique prison de Bangoura sont

bourrées des opposants à oublier.

Le président Bwakamabé est pour un pouvoir à vie : « Moi Bwakamabé

(…) sera jamais un ancien président comme ce lâche de POLEPOLE » (p35). Le président dit

avoir reçu le pouvoir des ancêtres, des dieux : « il était prêt à tuer pour conserver entre ses mains

pieuses le pouvoir reçu de Dieu ». En effet, lors de l’investiture coutumière, Bwakamabé reçoit

le témoignage suivant des ancêtres : « ils avaient choisi Bwakamabé

Na Sakkadé pour diriger tous les Djabotama et imposer la loi de ceux-ci sur toutes les tribus

du nouveau pays, tel qu’assemblé par les Oncles » (p46). En plus du témoignage, il reçoit des

dieux, les attributs du pouvoir : la Litassa, le Tounka, la queue de lion… c’est donc un pouvoir

assis sur l’animisme et qui pose le postulat de la supériorité des Djabotama comme le reconnaît

Page 30: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

Tonton : « Quand je te dis un poste politique, veux dire un poste qui sort de la logique. Blague

pas avec les postes politiques »(p35). Il ajoute : « Là où je suis, doit être entouré des miens, rien

que des miens ».

Le médiocre niveau d’instruction de la majorité des dirigeants, ajouté à leur vie

superstition et à leur amateurisme, justifient la débâcle économique. La vie économique est

marquée par la mauvaise gestion : dépenses luxueuses, entretien des petites mamans,

corruption… jusqu’au point où le pays devenu exsangue, Bwakamabé recourt à des entreprises

ignominieuses : paiement des salaires à tour de rôle (pp 235-236), ouverture des relations

diplomatiques avec l’Afrique du sud : « Le peuple avait besoin d’être nourri et qu’en

conséquence il fallait s’allier au diable si nos propres intérêts l’exigeaient » (p277)

Enfin, le régime de Bwakamabé censure toute presse étrangère car critique à son égards

et s’érige contre l’alternance au pouvoir car pour lui : « Depuis que l’Afrique est Afrique, le

chef du village, chez nous n’avait jamais été élu » (p99). I le gouvernement peut briller par

l’instabilité, le chef lui, mérite son culte, plus qu’une excellence, il est le « papa de tout le

monde », il est Tonton.

2. L'ECHEC

Roman de la désespérance et du désarroi, Le Pleurer-Rire est aussi et surtout le roman de

l’échec. Tous les thèmes plus haut ne sont en définitive qu’autant d’expressions de celui-ci.

Echec de l’individu en quête d’un bonheur rendu inaccessible par les conditions de vie

politiques et sociales. Echec des forces successives qui ont tenté de renverser le dictateur

Bwakamabé. Echec du dictateur lui-même qui avait prétendu remédier à la situation

‘désastreuse’ laissée par PoléPolé, mais ‘qui a fait du PoléPolé sans PoléPolé’, peut être pire :

« Maître, si tu savais combien les pressions incessantes de la tribu et l’incompétence d’en bas

m’empêchent de faire de ce pays ce que je voudrais vraiment qu’il soit … » (p 268).

Echec enfin d’une société à la recherche d’une équilibre perdu et dont rien ne semble

présager le rétablissement futur :

« Le pays-là est maudit … » (p153).

A ces thèmes principaux, on pourrait en ajouter d’autres : la corruption, la violence, le

libertinage sexuel, la presse, etc. Mais l’étude de chaque thème principal ou secondaire, conduit

nécessairement à tous les autres, car tous concourent à poser un problème unique, celui de la

dignité et de la survie de l’homme dans la société sans liberté. Le roman nous démontre

qu’aucun homme, qu’aucun groupe d’hommes, ne peut faire le bonheur d’un peuple sans

l’engagement conscient et effectif de celui-ci. C’est pourquoi le vrai malheur de l’Afrique réside

Page 31: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

en l’absence de débat politique véritable. Toutefois, bien que profondément pessimiste, Le

Pleurer-Rire comporte, néanmoins une leçon positive : Il n’y a ni liberté, ni dignité en dehors

d’une démocratie bien comprise et bien gérée.

3- LE TRIBALISME

C’est une organisation sociale de type tribal, c’est-à-dire privilégiant la tribu ou l’ethnie.

Dans Le Pleurer-Rire il est perceptible à travers l’opposition de deux ethnies : Le Djabotama

(ethnie du président) et le Djassikini. Dès la page 35 le Maître d’hôtel devient le domestique du

palais parce qu’il est de la même ethnie que le président, Djabotama : « un Maître d’hôtel est

comme un médecin ou un directeur de cabinet, toujours un des vôtres ».

La femme du président et son Directeur de cabinet sont djabotama comme lui. La police

comme les postes juteux ou stratégiques sont réservés aux Djabotama. Les autres tribus comme

les djaassikini, le Tsouka et le Djatékoué seront considérés par le président et les siens comme

des ethnies inférieures devant se soumettre. Le colonel Haraka et le capitaine Yabaka seront

tués entre autre parce que n’étant pas de la même tribu que le président.

4- L’INFIDELITE CONJUGALE

Le thème de l'amour, enrichi par la vie conjugale et le statut sentimental de la femme, constitue

un repère important du roman.

Le Pleurer-Rire nous montre une multitude de personnages infidèles. Le président de la

république lui-même en est un exemple patent. En effet, en dehors de Ma Mireille, il avait

d’autres « petites mamans » dix-huit environ. A la page 106 il invente une visite à la ferme

Kaboula, alors qu’il va à un rendez-vous avec une maîtresse. Des femmes comme Ma Mireille

et Soukali trompent leurs maris en entretenant une relation avec Maître d’hôtel.

Le paroxysme de l’infidélité est atteint par Maître d’hôtel, avec les femmes qui le côtoient :

Ma Mireille, Soukali, Cécile, Madame Berger. Cette infidélité fait de la femme un objet de

plaisir pour l’homme et donne à l’œuvre un caractère pornographique.

5- L’ANIMISME = croyance aux fétichismes, à des forces occultes

C’est une forme de religion ou de croyance attribuant une âme aux animaux, aux

phénomènes et aux objets naturels. C’est aussi la croyance aux forces maléfiques et aux

fétiches. Ce thème est omniprésent dans Le Pleurer-Rire. Le président bwakamabé est très

acquis à l’animisme. Nous le constatons aux pages 46, 47, 48 et 49 ou les anciens de sa tribu

lui donnent le pouvoir « Litassa » lors de la cérémonie traditionnelle de prestation de serment.

A la page 134, il choisit sa date de naissance « sous le signe de lion » suivant l’astrologie

Page 32: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

chinoise. C’est ce qui explique sa queue de lion qu’il exhibe à chaque cérémonie et qui devient

par conséquent le symbole du pouvoir. Ses conseillers les plus écoutés sont clairvoyants qui

participent même à la prise des grandes décisions. C’est ainsi que le premier remaniement

ministériel est fait sur conseils du clairvoyant le plus écouté du pays (p 75 75). La croyance aux

fétiches justifie la création du ministère des affaires coutumières. Il organise une conférence

internationale pour trouver la cachette du colonel Haraka. Il disparaît mystérieusement à la

fusillade de la « Garden Party » grâce au Litassa, semble-t-il (p 142-152).

Les pratiques animistes concernent aussi d’autres personnages. Maître consulte aux cauris

si madame berger reviendra. Son épouse Elengui consulte un clairvoyant suite au mauvais rêve

fait par son mari et à la faiblesse sexuelle de ce dernier. Pour renverser Bwakamabé, le capitaine

Yabaka, aurait consulté un clairvoyant.

6- LA CONFISCATION DE LA PRESSE

La presse locale est à la solde du pouvoir à travers l’éditorialiste Aziz Sonika qui fait le culte

de la personnalité du président de la république. La radio et la télévision font des éloges du

pouvoir en diffusant des extraits de meeting de coup d’Etat manqué du colonel Haraka. La

presse locale use de mensonge. La presse étrangère, notamment « Gavroche » subit la censure

du pouvoir et le peuple se nourrit de la rumeur.

7- LA MEGESTION

C’est la mauvaise gestion des affaires politiques. Dès la page 28, nous constatons que les

femmes et les enfants du président sont à la charge de l’Etat. Au mépris du ministre des finances,

Tonton fait construire le complexe de 21 villas (p 80). Le trésorier doit voyager à l’étranger

avec tout l’argent du pays (p 70). Pour les préparatifs de ces voyages, il fait venir de Paris un

couturier et une coiffeuse à la charge de l’Etat (p 68). Les promesses faites au peuple ne sont

pas tenues (p 212). Il jette des billets à la foule lors de son voyage à Libotama (p 213). Les

caisses du trésor sont vides et Tonton publie un décret rationalisant les salaires des

fonctionnaires. Il se fait payer en priorité (p 234). Pour bénéficier de l’aide financière, il signe

des accords avec les pays arabes peu fréquentables et se convertit à l’Islam (p 234).

CONCLUSION

Comme on a pu le constater à travers ces quelques indices ou thèmes, Le Pleurer-Rire est une

œuvre engagée, engagement pouvant se comprendre au travers de la dénonciation des maux

réels qui minent l’Afrique. Henri Lopes fait un véritable réquisitoire contre les dictateurs qui

Page 33: PARTIE II : LITTERATURE CHAPITRE I : LITTERATURE CONGOLAISE

font pleurer le peuple par leur sadisme et le fait rire par leurs gestes frisant le burlesque. Cette

œuvre devient alors un document nous renseignant sur la dictature des guides providentiels, des

coups d’Etat militaires qui ont plongé l’Afrique dans un engrenage inextricable autour des

années 70. Par ses thèmes et quelques personnages.

Ont contribué au développement de ce contenu :

BAHOUNA Gaétan Rémi, Professeur Certifié des Lycées

BOYAOU Clavère Auguste, Professeur Certifié des Lycées