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Partie III. Les sanctions La procédure de redressement ou de liquidation judiciaire peut avoir une incidence sur la situation des dirigeants lorsqu'ils ont commis des fautes. Sont susceptibles d’encourir des sanctions tous les dirigeants de droit (il s'agit des organes légaux de gestion : président du conseil d'administration, administrateurs, membres du directoire...) ou de fait de la personne morale (la notion de dirigeant de fait concerne toute personne qui directement ou par personne interposée exerce une activité de gestion au sein de la personne morale à la place des dirigeants légaux. La direction de fait est une immixtion dans la gestion de droit. Elle repose sur des actes de gestion effectués en toute indépendance). En relèvent également, bien sûr, les débiteurs, personnes physiques qui exercent une activité commerciale ou artisanale, les agriculteurs et les personnes qui exercent une activité indépendante. Ces sanctions peuvent être civiles, ou pénales, pour les actes les plus graves (articles 702 à 727). Section I. Les sanctions civiles Elles peuvent être patrimoniales ou personnelles. PARAG I. LES SANCTIONS PATRIMONIALES 1

Partie iii les sanctions

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Partie III. Les sanctions

La procédure de redressement ou de liquidation judiciaire peut avoir une incidence sur la

situation des dirigeants lorsqu'ils ont commis des fautes.

Sont susceptibles d’encourir des sanctions tous les dirigeants de droit (il s'agit des organes

légaux de gestion : président du conseil d'administration, administrateurs, membres du

directoire...) ou de fait de la personne morale (la notion de dirigeant de fait concerne toute

personne qui directement ou par personne interposée exerce une activité de gestion au sein de

la personne morale à la place des dirigeants légaux. La direction de fait est une immixtion

dans la gestion de droit. Elle repose sur des actes de gestion effectués en toute indépendance).

En relèvent également, bien sûr, les débiteurs, personnes physiques qui exercent une

activité commerciale ou artisanale, les agriculteurs et les personnes qui exercent une

activité indépendante.

Ces sanctions peuvent être civiles, ou pénales, pour les actes les plus graves (articles 702 à

727).

Section I. Les sanctions civiles

Elles peuvent être patrimoniales ou personnelles.

PARAG I. LES SANCTIONS PATRIMONIALES

Le titre V du code de commerce est déclaré applicable aux dirigeants de l’entreprise

individuelle ou à forme sociale ayant fait l’objet d’une procédure qu’ils soient de droit

de fait

Les dirigeants de droit sont les gérants des sociétés à responsabilité limitée et dans les sociétés

anonymes, soit le président, le directeur général et les membres du conseil d’administration

soit les membres du directoire. La notion de dirigeant de fait vise toute personne, même non

associée, qui directement ou par personne interposée, exerce en fait l’administration d’une

société, sous le couvert ou à lieu et place de ses représentants légaux : soit celui qui manipule

un dirigeant légalement investi, soit celui qui gère en fait, en l’absence d’administration

juridiquement organisée.

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Dans les sociétés en commandite et les sociétés en nom collectif, la liquidation judiciaire de la

personne morale entraine nécessairement la liquidation judiciaire des gérants associés.

En vertu de l’article 650 cc, les dirigeants de droit ou de fait, rémunérés ou non, ne peuvent, à

peine de nullité, céder les parts sociales, actions ou certificats d'investissement ou de droit de

vote représentant leurs droits sociaux dans la société qui a fait l'objet du jugement d'ouverture

que dans les conditions fixées par le tribunal. En cas de faute de gestion, les dirigeants

peuvent être condamnés à supporter tout ou partie des dettes sociales. Ils peuvent également,

s’ils ont commis certains agissements caractérisés d’utilisation abusive de la personne morale

dans leur intérêt personnel, se voir ouvrir à leur encontre une procédure.

1. Contribution des dirigeants au paiement du passif de la société

L’article 704 cc prévoit une action en contribution des dirigeants au paiement du passif

social. Lorsque la procédure concernant une société commerciale fait apparaître une

insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette

insuffisance d'actif, décider que cette dernière sera supportée, en tout ou en partie, avec ou

sans solidarité, par tous ses dirigeants ou seulement certains d'entre eux.

La notion de passif exige précision. Le passif comprend outre le passif personnel propre au

dirigeant celui de la société quelle que soit son importance. Par conséquent, la date de

cessation de paiement est celle qui est fixée par le jugement d’ouverture de la procédure

de la société.

L’action en contribution au paiement du passif de la société peut être exercée lorsque la

liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif et

uniquement dans cette hypothèse.

Les conditions d’exercice de l’action en contribution au paiement du passif de la société :

Ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à l’encontre

d’une société commerciale ou artisanale. L’article 704 ne vise que les dirigeants des

sociétés commerciales.

Preuve d’une faute de gestion L'action sanctionne la faute de gestion (erreur de

gestion, négligence dans le recouvrement des créances ; violation des règles légales et

statutaires ; mauvaise tenue de la comptabilité) commise par le dirigeant et suppose

que cette faute soit à l'origine du préjudice subi par les créanciers, c'est-à-dire à

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l'origine de l'insuffisance d'actif ou y a contribué. Elle s'applique à toute faute de

gestion quelle qu'elle soit : investissements excessifs, poursuite d'une activité

déficitaire.

Il n’est pas nécessaire que le montant du passif soit établi, il suffit que l’actif soit inférieur

au passif. La condamnation des dirigeants peut être prononcée avant même la clôture des

opérations s’il est certain que l’actif ne suffira pas à désintéresser les créanciers.

Les sommes versées par le ou les dirigeants fautifs entrent dans le patrimoine de

l’entreprise. En cas de continuation de l’exploitation, elles seront affectées conformément au

plan de continuation. En cas de cession ou de liquidation, le produit de la contribution sera

réparti entre tous es créanciers au prorata de la proportion de leur dû dans l’ensemble du

passif.

L’article 704 al 2 précise que l'action en contribution au paiement du passif de la société se

prescrit par trois ans à compter du jugement qui arrête le plan de redressement ou, à défaut,

de la date du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

2. Redressement ou liquidation judicaire des dirigeants

Il ne s'agit pas de l'extension des procédures exercées à l'encontre de la société dirigée, les

dirigeants sociaux sont soumis aux procédures de traitement des difficultés de façon

individuelle. La société ne sera impliquée que si elle se trouve elle aussi en cessation de

paiement.

Conditions d’application

Il s’agit de la condamnation préalable à la contribution au passif de l’inexécution de cette

condamnation et la commission des fautes précises relevées à la charge des dirigeants.

a) Condamnation préalable au passif

Aux termes de l'article des articles 705 et suivant la procédure doit être ouverte contre les

dirigeants sociaux responsables de certains faits ayant justifié la mise à leur charge de tout ou

partie du passif social et qui ne s'acquittent pas de cette dette. La sanction suppose d’une part

la condamnation à la contribution au passif et d’autre part l’inexécution de cette

condamnation. L’art 706 prévoit une troisième condition en précisant la liste des fautes

constitutives de la responsabilité sanctionnée par la déclaration des dirigeants en état de

redressement ou de liquidation judiciaire.

b) fondement spécifique du redressement ou de liquidation (fautes)

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Pour fonder une application de cette sanction, il faut qu’elle intervienne à l’occasion de

certaines fautes ou de certains comportements de l’intéressé (art 706). Ces faits sont au

nombre de sept que l’on peut ramener à trois principales fautes : l’abus des biens sociaux au

sens large ; l’utilisation de la structure de société pour camoufler des activités personnelles et

l’inobservation correcte des règles comptables.

3. Règles procédurales communes aux sanctions patrimoniales

La condamnation des dirigeants à contribuer au passif de l’entreprise ou à l’ouverture des

procédures de traitement des difficultés doit être demandée au tribunal qui connaît des

procédures exercées contre l’entreprise. Le tribunal peut se saisir d'office ou par le syndic.

Rien n’interdit aux créanciers ou aux tiers de provoquer les poursuites en question.

La demande doit se faire en respectant les règles de prescription. L’art 704 al 2 dispose que

l'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui arrête le plan de continuation ou de

cession ou, à défaut, du jugement qui prononce la liquidation judiciaire. Cela explique

l’objectif de célérité recherchée par le législateur afin d’éviter les risques d’aggravation de la

situation de l’entreprise.

Le ou les dirigeants mis en cause sont dûment convoqués huit jours au moins avant leur

audition par le secrétariat-greffe du tribunal. Le tribunal statue en audience publique, le juge-

commissaire entendu en son rapport.

PARAG II. SANCTION PROFESSIONNELLE DES CHEFS D’ENTREPRISE : LA

DÉCHÉANCE COMMERCIALE

La déchéance commerciale emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler,

directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, et toute société

commerciale ayant une activité économique. (art 711cc).

A. Définition

Le tribunal doit prononcer la déchéance commerciale du dirigeant de la société qui n'a

pas acquitté l'insuffisance d'actif de celle-ci mise à sa charge. Elle intervient donc

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lorsqu’une sanction préalable n’a pas été exécutée. Le contenu de cette sanction vise

trois volets visant :

l’interdiction d’exercer une activité économique : L’art. 711 cc précise que la

déchéance commerciale emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou

contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, et

toute société commerciale ayant une activité économique. Elle a une nature

professionnelle et non pénale malgré qu’elle se rapproche de la mesure de sûreté

prévue par l’article 87 du Code pénal.

l’incapacité d’exercer une fonction élective : L’art 718 cc prévoit que le jugement qui

prononce la déchéance commerciale emporte l'incapacité d'exercer une fonction

publique élective. Les condamnés à la déchéance perdent le droit de faire partie des

organes représentatifs professionnels et politiques.

la perte des droits sociaux dans les sociétés qu’ils dirigent. Leurs droits de vote dans

les assemblées générales sont exercés par un mandataire désigné par le tribunal à cet

effet. Ce dernier volet de la sanction tend à éloigner les dirigeants de toute possibilité

d’aggraver les difficultés des sociétés qu’ils dirigent.

B. Domaines d’application

Les articles 712 à 714 du Code de commerce déterminent de manière extensive les

circonstances et les faits qui fondent le prononcé de la déchéance commerciale en distinguant

entre les commerçants et artisans, personnes physiques, c’est à dire des professionnels

indépendants, d’une part et les dirigeants des sociétés commerciales d’autre part.

Les professionnels indépendants

Les commerçants et artisans personnes physiques sont passibles de la déchéance pour des

faits prévus à l’article 712 cc. :

1) avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la

cessation des paiements ;

2) avoir omis de tenir une comptabilité conformément aux dispositions légales ou fait

disparaître tout ou partie des documents comptables ;

3) avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté son

passif.

Les dirigeants des sociétés

Les articles 713 et 714 énumèrent les circonstances où le tribunal a la faculté de prononcer la

déchéance commerciale des dirigeants de sociétés commerciales quand l’appréciation des

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faits la justifie. L’article 715 cc décide que le tribunal doit prononcer la déchéance

commerciale du dirigeant de la société qui n'a pas acquitté l'insuffisance d'actif de celle-ci

mise à sa charge.

C. Modalités d’application

Les dispositions du code de commerce insistent sur l’obligation du tribunal de se saisir

d’office à tout moment de la procédure en vue de se prononcer sur l’application de la

déchéance commerciale (arts 712 à 714). Peuvent en faire la demande le syndic ou le

procureur du roi. La durée de cette mesure ne peut inférieure à cinq ans. Elle peut être d’une

durée très longue. Précision faite pour l’incapacité d’exercer une fonction publique élective

qui est toujours fixée à cinq ans. Le condamné pourra se faire réhabilité à tout moment après

l’expiration du minimum de cinq ans. La déchéance cesse de plein droit à l’expiration du délai

fixé par le tribunal et l’intéressé est réhabilité automatiquement sans nul besoin d’un prononcé

de jugement.

Dans tous les cas, l’intéressé peut demander au tribunal de relever la déchéance ainsi que

l’interdiction qui en résulte s’il a apporté une contribution suffisante au paiement du passif. Il

retrouve la faculté et la capacité d’exercer toutes les activités et fonctions dont il était déchu.

Quant à l’exécution du jugement, le tribunal peut ordonner l’exécution provisoire de son

jugement. Toutefois, l’incapacité d’exercer une fonction publique élective prend effet de plein

droit à compter de la notification qui en est faite à l’intéressé par l’autorité compétente. Les

décisions judiciaires intervenues en matière de déchéance sont notifiées aux parties par le

secrétaire greffier. Elles sont mentionnées au registre du commerce, publiées au Bulletin

officiel et dans un journal d’annonces légales, et affichées au panneau réservé à cet effet au

tribunal.

Section II. Sanctions pénales

Traditionnellement, la procédure collective peut être assortie de sanctions pénales. Il s'agit du

délit de banqueroute, mais d'autres infractions peuvent également être commises par les

organes de la procédure.

PARAG I. LE DÉLIT DE BANQUEROUTE

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Sont coupables de banqueroute les dirigeants de l'entreprise individuelle ou à forme sociale

ayant fait l'objet d'une procédure de redressement ou liquidation contre lesquelles a été relevé

l'un des faits mentionnés à l’article 721 cc.

L’infraction peut être imputée aux commerçants ou artisans personnes physiques et aux

dirigeants des sociétés commerciales. L’infraction suppose une condition préalable qui est

l’ouverture de la procédure de traitement soit contre les intéressés, soit contre l’entreprise.

L’article 721 retient quatre séries d’éléments matériels dont chacune peut constituer

l’infraction. Il s’agit :

1. Transactions à perte

2. Détournement et dissimulation d’actif

3. Augmentation frauduleuse du passif

4. Irrégularité comptable

L’élément moral de l’infraction se constitue par une faute intentionnelle.

S’agissant du délit, le tribunal compétent est le tribunal de droit commun (juridiction pénale)

et non le tribunal de commerce.

Le tribunal est saisi par le procureur du roi ou par le syndic si ce dernier se constitue partie

civile.

Les peines applicables comportent des sanctions principales (emprisonnement d’un à cinq ans

et une amende de dix mille à cent mille dirhams ou l’une de ces peines seulement) et des

sanctions accessoires (déchéance commerciale). En cas de récidive, les peines principales sont

portées au double lorsque le banqueroutier est dirigeant de droit ou de fait d’une société dont

les actions sont cotées à la bourse de valeurs.

L’action publique fondée sur la banqueroute se rescrit de manière plus sévère qu’en droit

commun. Le délai de cinq ans fixé pour l’extinction de l’action et des poursuites commence à

courir du jour du jugement d’ouverture de la procédure de traitement quand les faits

incriminés sont apparus avant cette date. Normalement , le délai de prescription en droit

commun se déclenche à partir du moment de la commission de l’infraction.

PARAG II. LES AUTRES INFRACTIONS ASSIMILÉES À LA BANQUEROUTE

L’article 724 cc aligne un certain nombre de faits sur l’infraction de banqueroute. Le

législateur entend incriminer certains comportements poprtunistes susceptibles d’être

accomplis par des personnes dont les fonctions ou les rapports avec l’entreprise en difficulté

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exposent à des tentations malhonnêtes. Les personnes concernées sont le syndic, les

créanciers et les tiers. Les infractions visées obéissent aux mêmes règles de répression et de

poursuite que la banqueroute.

Le syndic

Est puni des mêmes peines que la banqueroute s’il a commis l’un des faits suivants :

1) a porté sciemment et de mauvaise foi atteinte aux intérêts des créanciers, soit en utilisant à

des fins personnelles les sommes perçues dans l'accomplissement de sa mission, soit en

attribuant à autrui des avantages qu'il savait n'être pas dus

2) a fait illégalement des pouvoirs qui lui sont dûment conférés un usage, autre que celui

auxquels ils sont destinés et contrairement aux intérêts du débiteur ou des créanciers ;

3) a abusé des pouvoirs dont il dispose aux fins d'utiliser ou d'acquérir pour son compte des

biens du débiteur soit personnellement soit par personne interposée.

Les créanciers

L’article 724 dispose : « Est puni également des mêmes peines, le créancier qui, après le

jugement d'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, a passé un

ou plusieurs contrats lui accordant des avantages particuliers au détriment des autres

créanciers. »

Les tiers :

Sont punis des peines de la banqueroute :

1) ceux qui ont, dans l'intérêt des personnes mentionnées à l'article 702, soustrait, recelé ou

dissimulé tout ou partie des biens, meubles ou immeubles de celles-ci ;

2) ceux qui ont frauduleusement déclaré dans la procédure, soit en leur nom, soient par

interposition de personne, des créances fictives.

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