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1er J LJ I N 9 3 3

N° 6 MENSUEL . .

Prix : Un franc r ~ .

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PROLETARIAT. - REVUE . DES REVUES

~a Tragédie du Prolétariat Allemand

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BULLETIN MENSUEL D'INFORMATION DES GROUPES D'ÉTUDES

• ADMINISTRATION:

23, rue Mouffetard_ PARtsW

MASSES Sociologie-Économie Poli tique , Littérature aArch i tee tu re _ Arts=

Directeur: René LEFEUVRE

Abonnements pour 12 n ° • : France 10 fr., Etranger 13 fr. Abonnement de soutien : 50 fr. ; de propagande : 20 fr. Adressez correspondance et mandats à J. Lefeuvre, 23, rue

Mouffetard, Paris (5°). En nous envoyant votre abonnement, n'oubliez pas de nous

indiquer la date de départ.

Prime aux abonnés Chaque abonné peut choisir un des livres

suivants: Le Matériali3me Militant : PLEKHANOV. Ludwig Feuerbach : ENGELS. Les hommes du 1905 russe: MICHEL MATVEEV. Ça, c'est du cinéma: GEORGES ALTMAN. Le Nuage dans le pantalon : WLADIMIR MAIA-

KOWSKI. La Ruelle de Moscou : IL Y A EHRENBOURG. Lenine à Paris : ALINE. Copains : CHPILEWSKI. Paradis américain : EGON ERW,IN KISQ-1. Le Rosier : HERMYNIA ZUR MULHEN. Un Notaire Espagnol en Russie: DIEGO HIDALGO.

FAITES-NOUS DES ABONNÉS Vous pourrez choisir entre I livre pour 5 abonnés, 6 numé­

ros de la Revue Marxiste pour 12 abonnés, les 5 volumes de !'Histoire des luttes des Classes, de Max Beer pour 30 abon- nés. ·

==-====-====-====-========-========-========-====-== Dans notre prochain numéro, qui paraîtra le 15 Juin, nous

parlerons de \' exposition de la mission Dakar-Djibouti, au Musée du Trocadéro, et fixerons une date pour une visite collective. = :-: == :-: == :-: == :-: == :-: == :-: == :-: == :-: == :-: ==:: ==:: = NOTRE REPAS MENSUEL Notre troisième repas mensuel aura l'ieu le 18 juin. Nous

avons décidé de nous rendre à Chatenay, chez nos amis de fa u Cité Nouvelle», 44, av. J'ean-Jaurès. Deux rendez-vous sont fixés à la Porte d'Orléans au départ de l'autobus F-0 (descendre av. Jean-Jaurès à Châtenay),. Le premier à 8 h. 30, le second à 11 h. 30. Nous demandons à nos cama­ rades de s'inscrire pour permettre l'approvisionnement. Le prix net du repas est de 9 francs. Les camarades qu:i le désirent pourront rester diner. x==x==:-:==x==x=::-:=::-:==:-:==x==:-:==x=

LEÇONS D'ALLEMAND L'n de nos camarades réfugié désire donner des

lecons d'allemand. Prix modérés. S'adresser à lai Renie.

Nos Groupes ,

d'Etudes Tous nos cours ont lieu dans le local des Groupes, 23, rue

Moufletard (V"). Métro : Monge et Cardinal Lemoine. Autobus : S-Coptrescarpe et K-Rue des Ecoles.

ECONOMIE POLITIQUE Les crises, d'après Karl Marx, le lundi à 20 h. 45.

ETUDES SOCIALES I. Méthodes et matériaux de sociologie :

La sociologie marxiste ; Il. - Enquêtes sur les conditions de vie des travailleurs et

leurs réactions psychologiques et politiques. Le jeudi à 20 h. 45.

CERCLE D'ETUDES ARCHITECTURALES

Le lundi à 20 h. 45 Etude de !'Histoire de l'Urbanisme et de l'évolution de

l'habitation du xvnr siècle à nos jours.

NOS CONSULTATIONS JURIDIQUES GRATUI"mS Tous les jeudis de 20 h. 30 à 22 heures, consultations

gratuites aux amis de « Masses 11 : Droit civil et commer­ cial, loyers, droit ouvrier, assurances sociales.

--= === :-: :=:::-: ===-= == :: =::-: ==:: == :-: == :: ===·= == :: _ Dictature en Yougo-Slavle La situation en Yougoslavie est fort inquiétante, et de ce côté

nous pouvons nous attendre à de graves événements. L'Idée yougoslave, vieille d'une centaine d'années, a été détruite : par la déclaration de Corfou en 1917, par 11 années de parlemen­ tarisme démocratique odieux et :Je coups de grâce lui a été donné par l'instauration de la dictature du 6 janvier 11!29. Ainsi nous pouvons affirmer que la nation Yougoslave n'existe pas. Il existe 3 peuples, les Serbes, les Croates et Slovènes, divisés par l'évolution historique différente, par la culture même, par le caractère psychique, et unis seulement dans la haine contre la dictature. Ainsi le roi, pour imposer l'unité, a obéit à des intérêts dictés par la bourgeoisie grande-Serbe et la clique des généraux aventuriers. Le peuple qui supporte les frais monstrueux de l'entretien de tous ces parasites, est privé du nécessaire. Il se débat dans une misère noire, aggra­ vée par la crise économique et excédé : désire ardemment la révolution, qui le débarassera de ces oppresseurs et lui per­ mettra enfin de s'organiser et de s'administrer lui-même dans une union des peuples Sud-Slaves. Le capitalisme français appuie et défend le centralisme et la dictature yougoslave ; car celà lui procure des bénéfices appréciables. (Le plus grand nombre de mines et d'industries sont aux mains des capita­ listes français). La politique française croit trouver dans la Yougoslavie centraliste et militariste un éventuel appui pour sa politique extérieure. Il serait curieux de savoir ce que pense l'Etat-major français sur les forces militaires Yougoslaves. Nous sommes persuadé que la Yougoslavie ne présente pas une armée unie et forte, car des émeutes se sont déjà produites (garnison de Maribor). D'autre part, tous Ies officiers (sauf la camarilla des généraux) sont fort mécontents de ce régime qui depuis 3 ans a arrêté tout avancement et a diminué leurs traitements. Sous aucun aspect la dictature Yougoslave ne présente un

intérêt pour la France ; tout au contraire celle-ci se fait haïr du peuple Yougoslave en subventionnant la dictature.

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MASSES

DOSSIER DES TRAHISONS BOURGEOISES

.MESSIEURS LES M. Daniel-Rops, entreprenant de définir en quoi con­

siste l'attitude révolutionnaire non-marxiste de la jeunesse française d'aujourd'hui ( 1) affecte de croire - ce qui est grave - ou croit sans affectation - ce qui est encore "plus grave - que la révolution marxiste ne prêche que la vio­ lence matérielle. C'est tellement faux, et même tellement impudent, qu'il faudrait avoir vraiment du temps à perdre pour entreprendre de lui démontrer l'évidence; car s'il est de mauvaise foi, c'est triste, et s'il est de bonne foi, alors, c'est alarmant.

Combien de fois faudra-t-il répéter aux actuels champions de l'Esprit que nous avons, non pas autant qu'eux, mais

· plus qu'eux, horreur de la _violence, car entre la révolution qui est dans la logique de· notre marxisme et la guerre qui

·, est - dût cette affirmation leur faire supérieurement haus­ ser .les épaules - dans la logique de leur spiritualisme nous préférons choisir de ces deux violences vers lesquelles le malheur des temps nous accule, la moins infiniment bru­ tale et la moins inutilement barbare. Nous avons horreur ·ç1u sang versé, et si l'on voulait établir avec objectivité les­ quels, des matérialistes et des spiritualistes, ont le" plus ensanglanté l'histoire, c'est du côté de ces derniers que le plateau de la balance retomberait lourdement. Il existe une culture prolétarienne en formation, laquelle

'consiste èn un humanisme· intégral, débarrassé des sophis­ . mes des maîtres. La vérité aujourd'hui est prolétarienne ; nous disons bien « prolétarienne • et nous précisons « au­ jourdhui •, car dussent messieurs les spritualistes en voir leurs cheveux se dresser sur la tête, la vérité change tous les jours et la seule classe qui la défend est toujours celle qui, n'ayant aucun privilège à sauvegarder, n'a acuun inté­ rêt à la déformer. Que messieurs les spiritualistes veuillent bien ne pas

· s'en vexer. Si hautes que soient les cimes où ils se sont réfugiés, ils sont un produit de la crise. Depuis la crise, les coiffeùrs sont devenus accueillants, les restaurateurs affables, les marchands de nouveautés souriants, et les jeu­ nes bourgeois spiritualistes.

. Souvenez-vous un peu de la belle époque des années 1920 à 1930. Sodome et Gomorrhe qui s'étaient attiré le feu du ciel à force de jouissance et de cupidité, eussent fait figure auprès de Paris d'une sorte de pensionnat pour demoisel­ les. Paris était devenu une Babylone arrogante, une Ninive sensuelle et cynique. Je n'exagère rien : nous avons vu des grand'-mères de soixante ans, la robe et le cheveu courts, -Ia dent longue, s'abîmer dans les bras de petits ratés Sans vergogne. Nous avons connu des petits saligauds de dix­ huit ans, sans foi, ni loi, ni éducation, ni rien, gagner à boursicoter des huit et des dix mille francs par mois. Le

· petit cabriolet huit chevaux et la gomina argentine étaient devenus, avec le cocktail, la poule, l'insolence et le dur égoïsme, les seuls attributs distinctifs d'une jeunesse avide et sans scrupules. . Puis, ce fut le feu du ciel. .. je veux dire : la crise. Alors,

l'es jeunes gens se mettent à nous parler de l'individu, du marxisme, du prolétariat, de Paul Valéry et de Gœthe. Je vous demande un peu : Gœthe ! Est-ce qu'on en parlait de Gœthe, à l'époque où l'on allait à Nice aussi facilement que l'on va aujourd'hui à· Clamart. Est-ce qu'on en parlait du prolétariat, « qui gagnait tout ce qu'il voulait • ? (Pen­ sez donc : des quarante, cinquante et jusqu'à soixante francs par jour). A cette époque, quiconque ne parlait pas d'actri­ ces, de flirts et des derniers perfectionnements des moteurs Farman· passait pour un doux piqué, et si l'on en voyait

(1) La Revue Française, mai 1933.

SPI RITUALISTES· un s'évertuer à évoquer un poète, un philosophe, un artiste, toute la galerie « à la page » s'en tapait bruyamment sur les cuisses. Les temps ont changé. La jeunesse, ou plutôt une certaine jeunesse d'aujour­

d'hui se pose en révolutionnaire. Elle se prétend ni plus ni moins qu'anti-capitaliste. C'est ce qui s'appelle ne pas avoir la reconnaissance du ventre. Que le prolétaire s'achar­ ne après le capitalisme pour saper l'immense force inter­ nationale qui l'asservit, c'est dans la règle. Mais que les jeunes bourgeois, cossus naguère, le prennent maintenant à partie, sans pitié pour sa pauvre figure calamiteuse et son anémie chronique, ça a quelqueque chose du coup de pied de l'âne. La-jeunesse d'à présent me fait l'effet d'une petite gourgandine qui aimait son amant à l'époque où il était tout capitonné de florins et de dollars, et qui le laisse absolument choir sous prétexte que sans argent, il est devenu vraiment trop vilain à regarder. Naguère encore, elle défendait à la fois le Coupon de

rente et la Morale. Aujourd'hui, les destins de la Morale et du Coupon de rente sont disjoints. Le capitalisme étant devenu torchon, il convient de ne plus le mélanger avec les serviettes. • Mais attention, si ces jeunes bourgeois sont des révolu­

tionnaires, ils n'en sont pas pour cela des révoltés. C'est M. Alexis Redier, leur éditeur lui-même, qui nous l'affirme. Ils sont, au contraire, de « splendides continuateurs »; ils veulent restaurer les « cultes séculaires •, ils sont les « fils aimants de la France éternelle. » · Tout cela est grand, sublime et beau, mais qu'est-cc que

cela signifie exactement ? · CELA SIGNIFIE TRES EXACTEMENT QUE NOUS

AVONS AFFAIRE A DES FASCISTES, ET A DES FAS­ CISTES A PE.INE DEGUISES, (r) Le Capitalisme fait faillite, s'écroule de toutes parts. Alors que faire ? Recons­ truire ? Non pas : réagir, purifier, régénérer. Hitler, lui aussi, régénère, purifie. Il parle, frappe, proscrit, boycotte, brûle, assomme, lui aussi, au nom de l'Allemagne éter­ nelle. Le spectre du Passé rôde encore, et se propose comme idole ...

Mais le Passé ne donnera pas à manger à cent millions de chômeurs qui geignent dans l'enfer du monde. M. Da­ niel-Rops nous accuse de faire de la surenchère démagogi­ que lorsque nous dénonçons que la prétendue révolution "spir ituelle n'est qu'un masque pour la réaction, décidée. à éviter à tout prix la révolution matérielle inévitable. M. Daniel-Rops, lui, fait de la surenchère spiritualiste. Et s'il y en a une qui soit hors de saison, c'est bien cette suren­ chère-là. li faut cependant remarquer ceci : Le « révolutionnaris­

me » de M. Daniel-Rops et de sa petite troupe de « purs esprits » de la Revue française diffère essentiellement, à le bien considérer, de celui de cet autre révolutionnaire • par en haut », M. Julien Benda. Ce dernier se réfugie dans l'intemporel et l'éternel, pleure prophétiquement sur les nations qui mourront de leurs « différences » et de leurs « distinctions », rêve d'une Europe unifiée à condition, bien entendu, de ne pas s'occuper de la situation économique; parce que ce n'est ni éternel, ni distingué. Le point de vue de nos jeunes messies de l'esprit relève bien plutôt du mysticisme nationaliste <le Barrès et rejoint par le fond

( 1) La Revue française donne asile aux articles de l'un des principaux théoriciens de l'hitlérisme : M. Moeücr Van Den Bruck.

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sinon par la forme, qui est en général sobre et sévère les épilepsies d'un Charles Péguy.

Enraciner de nouveau dans sa terre l'homme que la cor­ ruption internationaliste a sourdement travaillé, renouer les entraves sacrées qui l'enchaînent à sa région, à ses croyances, à ses intérêts, à ses morts, on reconnaît là un programme vieux comme Barrès et Paul Déroulède, mais remis au goût du jour, avec une amertume de crise, c'est­ à-dire avec force· anathèmes contre le capitalisme. Aussi n'est-ce pas tellement des spiritualistes que les jeunes membres de ces groupes voudraient se nommer., que des Personnalistes. · L'attitude révolutionnaire dite « personnaliste • con­

siste à se placer « au-delà du marxisme ,. Rien ne semble plus pitoyable à des « personnalistes » que « cette schéma­ tisation à laquelle aboutit le marxisme », schématisation qui, selon eux, brime l'individu et le réduit à n'être qu'un rouage de l'immense machine socialiste. Que proposent­

.ils, par contre : de cultiver les différenciations et les dis- tinctions qui sont, depuis toujours, la source de toutes les guerres. Le moins que l'on puisse dire de tous ces points de vue, c'est qu'ils ne brillent pas précisément par la nou­ veauté.

Mais quels admirables poètes, quel détachement des contingences, quel dédain de nos misérables disputes. " Pour eux, il y a des questions qui ne se posent plus : le cléricalisme, le parlementarisme, le militarisme, de même qu'ils considèrent comme vain de s'intéresser à l'organisa­ tion de la production, en dehors de toutes questions spiri­ tuelles. » 0 merveille : avant la crise, ces questions ne se posaient pas encore, et depuis, elles ne se posent plus. Mé­ fions-nous des bons apôtres, le mysticisme et l'escamotage des questions urgentes font chez eux trop bon ménage en­

·semble. Pour moi, dont l'imagination me fait voir drôlement les

choses, voici comment je me représente la « révolution » personnaliste : une pure madone aux mains de porcelaine, au visage florentin, les yeux levés vers le sommet vaporeux du, firmament, mais chaussée de lourds godillots à gen­ darmes dont elle administre un coup formidable à ceux qui cherchent le moyen de ne plus mourir de faim. Pour un Jean de Fabresègues, la Sagesse a fait fail lite,

la Sagesse, c'est-à-dire un certain ascétisme intellectùel et moral par lequel l'homme essaie de s'abstraire des contin­ gences matérielles et des liens charnels qui le retiennent aux. étroites particularités de sa vie, afin d'aller à la ren­ contre de l'Homme intégral, de- l'Humanité universelle. Le socialisme en ce sens, est une sagesse, et même une sa­ gesse supérieure, par ceci qu'elle est d'abord bien p.lantée dans le réel. Nos jeunes aristocrates n'en veulent à aucun prix. Leur modèle n'est point Platon ni Kant, mais Gœthc - Gœthe dont le spiritualisme fut une véritable concupis­ cence, épousant les formes du monde, cherchant à jouir des moindres parcelles de la Vie· qui éclate en bourgeons, en fleurs, en astres, en poèmes; un orgueil aussi, proclamant qu' « il n'est de destin que pour les êtres d'élite, car ils sont les seuls à pouvoir assumer cette richesse du monde qui nous élève hors des bornes habituelles de l'homme. » Egoïsme qui, pour prendre des formes sublimes, n'en

est pas moins insupportable et attristant : « entre lui et les autres hommes Gœthe veut creuser un fossé ». Toute la révolution « personnaliste » essaie de se raconter en cette formuîe, avec l'œuvre de Gœthe pour tabernacle. Toute une classe de jeunes bourgeois inquiets et hautains, pour éviter que la majorité des hommes ne réalisent leur vrai destin, ont décidé, eux, de/ se donner le destin de Gœ­ the. La question est de savoir si l'on peut, par décret, et en petit comité de rédaction, se donner le génie de Gœthe et son destin, et si la masse des humains permettra que du· rent longtemps toutes ces singeries qui tiennent (en trans­ posant dans le spirituel) du Donquichottisme et de la Tar­ tarinade.

MASSES

Les « révolutionnaires » de la Revue Française prêchent la révolution aristocratique, laquelle constitue le corollaire· de droite d'un anti-démocratisme sans merci. « Nous assis­ tons, écrit M. Thierry-Maulnier, sans aucun doute, à la fin d'une certaine démocratie, celle dont l'agonie se prolonge aujourd'hui en France ; celle du bulletin de vot«, du règne des orateurs, des crises ministérielles, des comices électo­ raux. » Surtout, il s'agit d'éviter de tomber dans la médio­ crité des hommes quelconques, c'est-à-dire de presque tous les hommes, de ne point se laisser embrigader pour une participation aux cultes qu'on leur propose, et qui sont collectifs, donc « à la mesure du type humain moyen. » Ils revendiquent l'autonomie de leur personnalité, comme un refus de se plier à la loi des fatalités collectives. Il ne s'agit point pour eux de subir le Destin, mais de le faire. Subir le Destin relève d'un mysticisme de la communauté, mais le faire, voilà qui est aristocratique.

Quel est le pays où la révolution aristocrat ique a le plus de chance de naître et de triompher ? La France. Ainsi, notre jeunesse spiritualiste porte avec elle son messianisme national. Le peuple d'Israël s'était déjà considéré comme , l'élu de Dieu, Rome comme l'institutrice et la maîtresse du monde, la France comme la fille aînée de l'Eglise. C'est . une question de mission à remplir. Il paraît que la mission. actuelle de la France est d'ordre aristocratique. Pourtant, la France fut aussi le « flambeau de la démocratie ». Alors ? N'y a-t-il pas là une contradiction ? Pour M. Thier­ ry-Maulnier, pas du tout. « Plus anciennement démocratisés que d'autres peuples, nous sommes pourtant .moins démo­ crates qu'eux ». La France ne doit plus être ·« la seconde patrie de tous les adorateurs de la masse », la France doit redevenir la France d'avant 1789.

Bref, il faut que la France clame sa « différence » d'avec le reste du nionde », que quelques individus d'élite pro, clament leur « différences » d'avec le reste de la masse, et qu'un numéro spécial de la Revue Française déclame sur toutes les différences possibles et imaginables, afin de creuser des fossés, d'entr'ouvrir des abîmes et d'empêcher la banale Unité âe s'emparer d'un monde en grisaille.

Différencier - au sens le plus fort de ce mot, au sens aristocratique, traditionnali ste et séculaire - 'différencier le travail et les méfiers, différencier les groupements, diffé­ rencier les institutions et les fonctions, différencier les formes de pensée, différencier les esprits, les âmes, les amours, les haines, semble être l'idéal de cette « jeunesse " qui n'a de jeunesse que le nom, que le Passé obsed., que l'Avenir hante et que les masses horripilent.

La monotonie leur fait peur, car la monotonie,' c'est pour 'ev.x l'accession du genre humain à un destin plus équita­ ble, la participation 'proche ou lointaine de tous les hom­ mes à cette dignité· véritablement « humaine » · qu'ils nf,' veulent garder que pour eux, comme ils ne voulaient gar­ der que pour eux, aussi, les coupons de rente, du temps où il pouvait encore en être question.

Mais de même qu'il existe une fausse et malveillante compréhension du marxisme, et qui consiste à le montrer comme la haine et l'envie se déchaînant par le monde sous l'étendard de la violence, de même il existe une simpliste acception de I'intemationafisme, laquelle prétend nous faire apparaître un monde uniforme, incolore, sans relief, d'une extrêmité de la planète à l'autre; alors que l'inter­ nationalisme véritable, celui qui tient compte non seule­ ment des faits, mais aussi des destins individuels, laisse au monde sa couleur, sa diversité, etmême ses oppositions, et fait de ces oppositions non pas une source de guerres,', de mépris aristocratiques et de rancœurs roturières, mais · les éléments destinés à être fondus, sans rien perdre pour. cela de leur personnalité, dans une harmonie dante, libre et universelle.

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:.MASSES

VERS UN THÉATRE OUVRIER

la Qualification Nous avons dit que la combinaison du choeur parlé et de la

scène chorale permettrait des spectacles parfaitement équilibrés, ni indigestes, ni sombres . Nous ajouterons que ces spectacles - quand notre mouve­

ment. sera bien outillé avec. ses propres éléments et ses propres · possibilités - seront les plus efficaces en profondeur, et les · .plus facilement réalisables.

Une bonne pièce d'esprit révolutionnaire, à forme individua­ liste, ne sera pas une véritable pièce d'action. Car l'action révo­ . lutionnaire est avant tout collective. Elle pourra suggérer la

· pensée révolutionnaire, mais elle ne dégagera pas cette atmos­ sphère socialiste vivante, elle n'agira pas aussi directement, elle Jt'elltraînera pas avec la force enveloppante d'un spectacle tantôt vif, tantôt lourd, multicolore et multiforme, où la vie même sera

, substituée au personnage, la collectivité à l'individu . . C'est-à-dire qu'elle remplira strictement son rôle, sans pou­

voir s'élever jusqu'à cette manifestation idéale que seule la forme collective permettra au théâtre révolutionnaire. Et, nécessitant cependant une plus grande aptitude indivi­

duelle, elle sera toujours plus difficile à réaliser qu'un spectacle ·,basé, non sur l'effet et la perfection personnels, mais sur la combinaison chorale, qui elle peut s'accommoder de 'la capacité

· relative des interprètes. · · Ce qu'une troupe d'acteurs aptes à satisfaire aux nécessités · d'une interprétation individuelle pourrait réaliser de puissance et d'action révolutloanaires avec une bonne pièce chorale, l'expé­ rience nous le démontrera à la première occasion,

Enfin, rappellerons-nous que le théâtre, d'abord collectif, ne perdit entièrement son caractère initial que sous l'influence signl­ .ficative de la Renaissance, qui marque une date dans l'évolu­ tion économique de la société ? ... Le rôle historique du théâtre n'est pas mystérieux. La forme

individualiste, propre à la société individualiste disparaîtra. La .forme collective propre à une société collective réapparaî­ tra. Que la classe qui, aujourd'hui lutte avec l'esprit collectif et , demain réalisera la vie collective même adapte déjà son théâtre .. àcette loi essentielle, ce n'est pas seulement normal, c'est né­ cessaire, et d'une prévoyance élémentaire. . L'indigence notoire du répertoire est un fait normal. Il

. convient moins de s'en lamenter, que de lutter contre son orien­ . tatwn technique.

Sau:f gymnastique peu commune, et en somme, peu souhaita­ ble, une œuvre dramatique réussie, conçue dans la tradition in­ dividualiste restera inutilisable par un ensemble. On ne pourra

· · .. artificiellement la détourner de sa véritable destination, quelle · que soit la qualité de sa construction et la 'sûreté de son inspi­

, ,' ration. · t:·,, Tandis qu'une œuvre ratée, mais conçue dans l'esprit collée­

, tif, peut facilement être redressée et adaptée aux nécessités cho­ 'rales, même si son auteur ignore lesdites nécessités techniques. L'essor du théâtre révolutionnaire vers sa forme idéale ne

dépend donc pas d'abord de l'éducation technique des auteurs ··, .prolëtartens - éducation, qu'il est sage de prévoir lente. Il dépend ... plutôt de l'orientation de leur pensée et de leur adaptation, parai­ t .lèlement à la compréhension et au travail même des acteurs­ \,ouvriers. La méconnaissance actuelle de la. technique chorale, ne ,;.:,semble donc pas compromettre l'avenir immédiat du théâtre \./révolutionnaire. Mais si l'on s'habitue à ce pêché d'abstention, !f ~i l'on ne s'avise pas d'orienter résolument Je répertoire vers .. la technique collective, on rendra de plus en plus difficile la ,:. tâche prochaine, et sans heurt, sans s'en apercevoir, on anémiera '> lentement notre théâtre, ce qui est plus grave que de l'exposer 'fi,~ux intempéries brutales. \, , Nous n'avons pas de << préjÙgé )) contre la forme individua­ {liste. Nous pensons qu'elle doit disparaître au plus tôt, et que

"'us. µe faisoris .pas ce qu'il faut pour la rengainer à tout [a-

mais ... C'est une aversion froide et raisonnée, exempte de tout sentimentalisme.

Mais à défaut d'aliment sain pour nos acteurs-collectifs, ou à défaut d'acteurs-collectifs quand on a la chance de posséder l'ali­ ment sain, nous ne répugnons pas à jouer une bonne comédie - style théâtre bourgeois - qui fouaillera-le capitalisme et contri­ buera à éveiller dans le prolétariat le sentiment de sa force et de son devenir. A défaut de mieux. Car si on n'atteint pas, ce faisant, la 'puissance d'impression et d'évocation chorales, au moins fait-on quand même œuvre active, vers le mieux néces-

. saire. (Si nous ne pouvions toucher le prolétariat qu'à la messe, nous

irions à la messe. Et s'Il fallait chanter nous mêmes des litanies, nous le ferions... en ayant soin d'y glisser la dose convenable de contre-poison ... )

Mais cela ne doit pas nous faire oublier la partie constructive de notre tâche, partie difficile mais décisive. Et nous ne nous laisserons pas circonvenir par les pis-aller aimables, les oppor­ tunités les plus séduisantes.

Le théâtre révolutionnaire, nouveau-né en France, est déjà inquiet, comme pris de vertiges infantiles. Déçu par le biberon choral trop amer, dégoûté par le biberon individuel trop sucré, et ne sachant comment patienter avec l'un ou se contenter de l'autre, il s'accroche à l'un et à l'autre, et ne trouve que la fadeur d'un mélange hybride. Il ne se nourrit pas : il absorbe. Il ne nourrit pas : il bourre. Le moment est venu de passer la manne et le séné ...

A l'issue d'une présentation de théâtre révolutionnaire à forme collective (1) un homme de théâtre fort connu s'étonnait devant nous que cette formule n'ait pas fait « l'effet d'un coup de tonnerre dans les milieux révolutionnaires ». C'est probable­ ment parce que la décharge électrique dont nous avons vu la lueur, il y a trois ans, s'est produite au loin, et qu'il faut laisser au bruit de tonnerre le temps de venir jusqu'à nous- .. Mais ne fermons pas nos oreilles ... Dans cette situation embrouillée, dont la « qualification i> est

le nœud, essayons donc de voir clair, et prêtons une oreille atten­ tive. Les troupes d'acteurs-ouvriers, en général, ne sont pas équi­

pées pour satisfaire aux besoins d'une soirée dite artistique : ou bien elles se rassemblent à plusieurs, ou bien elles assurent seulement une partie du programme, ou encore elles complè­ tent l'horaire avec des matériaux de fortune, générale­ ment mauvais.· Et comme elles . n'ont encore, en dépit de certaines apparences, qu'un sens très vague de la technique collective, l'unité nécessaire d'un spectacle n'est ja­ mais réalisée - ni près de l'être. En outre, l'utilité de la multi­ plication des groupes entretient le préjugé contre la troupe nom­ breuse, qui permettrait, par la division du travail, l'élaboration d'un tout unifié. Enfin, même fortes numériquement, les troupes non seulement ne sont pas encore armées pour un travail spé­ cifiquement collectif, mais elles n'inclinent pas vers ce travail. (On a mis le chœur en faillite, sans lui consentir un concordat ... ) Alors, on tourne la difficulté (2) en prônant la « saynète i>, par exemple - forme plus facile en apparence, et dont la tendance revuiste constitue la plus claire qualité. Longtemps, les enchaînements resteront les fissures de tous

les spectacles. 'Les interprètes étant le plus souvent tous occu­ pés en scène, le passage d'une pièce à.l'autre, d'un sujet à l'au­ tre, et la mise en état scénique sont fatalement laborieux. ------

(1) Le 25 février, par le groupe « Masses » à l'Atelier. (Ma­ nifestation du Comité d'Olympiade.)

(2) L'aisance avec laquelle on tourne toutes les difficultés force notre respect. ·

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6 MASSES

(S'Imaglne-t-on à quel point les ruptures de rythme d'un specta­ cle nuisent à son . influence ?) Et voilà la grande question : celle du temps à consacrer à la

préparation d'un programme, C'est elle qui détermine toute l'orientation de notre théâtre révolutionnaire, et dont dépend et sa structure; et son influence. Elle a pris un tel poids dans le débat, que des énergies parfaitement unies idéologiquement, peuvent· d'un coup se séparer en adversaires irréductibles, et par là même dévier les unes et les autres. Nous devrons donc l'exa­ miner avec soin, mais sans aucune réticence de pensée.

Si l'on excepte des groupes de la füdération du théâtre ou­ vrier (3) « Octobre » et « Masses » (Prémices) - dont nous examinerons plus loin les contradictions - on n'en trouve guè­ re qui se présentent en public généralement à point. Par contre, les troupes-jamais-prêtes se produisent à tour de gueule. On les voit toujours sur la brèche. C'est à coup sûr un titre de gloire qui leur appartient en propre. Mais elles ressemblent assez à ces soldats .de la classe 14 qui, dit-on, se firent tout bonnement débiter en quartiers, pour la civilisation antérieure et posté­ rieure, grâce à leur héroïque impréparation. Le seul avantage de cette méthode néo-malthusienne fut, paraît-il, d'aguerrir les survivants en moins de deux... C'est une conception. Il y en a une autre.

Si l'on écrivait l'histoire du théâtre révolutionnaire en France, on dirait en passant que le groupe « Prémices l> se prépara pendant dix-huit mois avant d'aborder le public prolétarien. Et ce fût une victoire. Une victoire telle que le théâtre révolution­ naire naquit dans notre pays, au surlendemain de cette séance où, d'un coup s'étaient imposés, et le chœur parlé - ignoré la veille - et là nécessité d'une qualification - non moins igno­ rée. Et ne mourut que ce qui devait mourir : la médiocrité en tant que principe. Aucune force vive ne fut atteinte, elles furent toutes régénérées. Bien sûr, on ne pourrait pas soutenir que les troupes d 'ac­

teurs-ouvriers doivent toutes et toujours s'imposer une telle préparation. Parce que le mouvement est lancé. Mais on doit retenir de cette expérience qu'il est indispensable de se prépa­ rer, et inévitable de le faire dans le temps, quelles que soient les impatiences. On peut espérer, aujourd'hui, que tout le monde est d'accord

sur l'obligation de qualifier notre théâtre. Or, à moins d'être convaincu qu'on « crée l> des puces en jetant de l'acide sulfu­ rique sur la sciure de bois, à moins de croire à la génération spontanée, il ne faut pas attendre que la qualification surgisse de notre fortin d'ignorance, simplement parce qu'elle est désor­ mais inscrite à l'ordre du jour ... (Notre mauvais génie nous souf­ fle qu'alors elle est bien près de la tombe. Il n'en faut rien croire. Mais le moment est venu d'ouvrir l'œil.) Le chœur parlé-nouveauté ne qualifia pas automatiquement le

théâtre ouvrier. Toute autre forme chorale ne le qualifiera pas davantage, non plus que ces autres « nouveautés » que sont la saynète, le sketch, la revue, la nature-morte-à-prétentions­ grouillantes, etc... Il faut qualifier le chœur comme la saynète (si l'on tient tellement à celle-ci.) Sinon, on continuera la série des abandons où l'une après l'autre disparaîtront successivement toutes les « formes » théâtrales adoptées comme des panacées miraculeuses.

La vie révolutionnaire, spécifiquement mobile, est faite de continuelles recherches, de continuelles expériences. En particu­ lier, le théâtre ouvrier qui n'a aucune racine, et pas encore de tradition, ne peut germer que sur la poussière d'innombrables expériences. Gardons-nous pourtant de la manie de l'expérience pour l'expérience, qui elle, constitue la plus grave perte de temps.

On accorde à la qualité et à l'abondance du répertoire une importance décis-ive dans la qualification de notre travail. Cela ressemble au coup de pouce du boucher sur la balance, vu de loin ...

Que l'importance du répertoire soit grande, nous ne l'ignorons pas. Nous croyons même avoir été des premiers à le dire. Mais il nous paraît assez dangereux de publier avec autorité que la crise de qualité n'est que la crise du·répertoire. Car ainsi, on ---~ (3) Nous voudrions bien connaître les autres.

fait passer « en douce » l'originalité, la paresse ou la simple erreur de ne pas vouloir apprendre un peu son métier. Nous chercherons plus loin les raisons de cette obstination. En atten­ dant, permettons-nous un coup d'œil sur quelques faits. Par exemple : nous avons pu voir représenter une pièce d'origine soviétique « La rupture » par les « Blouses bleues de Bobi­ gny ». Cette troupe, dont nous estimons les mérites et qui ioue . dans le mouvement un rôle important, nous permettra de dire que ce spectacle ne constitue en rien une qualification de notre théâtre. Et ce n'est pas à cause de la qualité du répertoire, mais à cause de la qualité du travail même. Cette pièce, sans repré­ senter le type parfait du théâtre à recommander, est d'assez bonne qualité dramatique et politique. Malgré quelques impro­ priétés scéniques de la traduction, ses possibilités spectaculaires· sont incontestables, et elle est digne du répertoire du théâtre . ouvrier. Et pourtant, le résultat est nettement inférieur à ce que les interprètes eux-mêmes en attendaient sans doute... La qualité de l'œuvre n'a pu remplacer la qualité du travail, en dé­ pit de l'effort impuissant des camarades qui la servent. Là, il n'y a pas de mystère ... Par contre, des réalisations dont les textes sont uniformément

médiocres, comme « Camelot », sketch joué par Pomiès, - « Çà, c'est du théâtre », saynète représentée par Octobre, - , ' « Prospérité », chœur monté par « Masses », etc ... , ces réali- ". sations constituent des exemples éloquents de qualification. Le travail, l'adresse scénique, ont pu faire oublier la maladresse ou la pauvreté de l'écriture. Quant à l'abondance du répertoire, non seulemént elle ne ré­

soudrait rien en soi, mais elle aurait, venant trop tôt, l'incon­ vénient d'inciter un peu plus à la négligence de la préparation.; de déterminer une fièvre de production qui irait, aujourd'hui, à l'encontre de la qualification. · Qu'on ne nous fasse dire que ce que nous disons ... Cet aperçu

ne prétend qu'à mettre en garde contre l'empressement à ré· soudre en un tournemain le problème ardu de la qualification. Nous pensons que l'importance du travail prime l'importance du texte, et qu'il est urgent de le dire. C'est tout. Fin page 20. Roger LECRIS.

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MASSES 7

PERSPECTIVES· CAPITALISTES Ill

LA BOURGEOISIE FAIT.« SA» REVOLUTION De 18f5 à 1870, la grande bourgeoisie industrielle naissante

procéda à la capitalisation de l'Europe. Durant un premier cycle, de 1815 à 1848, le jeune capitalisme qui aspire au pou­ voir, engage une lutte incessante contre l'aristocratie, la prë­ traille et les propriétaires fonciers, Ces derniers, en mainte­ nant un régime quasi féodal, constituent une entrave au li­

. bre développement des forces productives qui prennent un essor chaque jour grandissant. Les inventions de la machine à vapeur, de l'acier fondu et du laminoir font entrevoir aux « industrieux " de larges possibilités d'expansion et de profits. De plus la mise au point de la locomotive et la construction des premières lignes de chemin de fer va permettre d'ouvrir de nouveaux débouchés à la production industrielle. Dès lors, le chemin de fer devient le véritable missionnaire du système de production capitaliste à travers l'Europe en premier lieu et le monde par la suite. Mais pour cela, la bourgeoisie doit exiger l'abolition du

monopole féodal avec ses douanes et ses taxes à chaque carrefour économique du pays. Tout le mouvement pour la conquête de la liberté qui a caractérisé la fin du 18• siècle ne fut en réalité, oomme l'a montré Marx, que le reflet idéo­ logique des revendications du capitalisme naissant pour la liberté du commerce. Les entraves corporatives ne correspon­ daient plus aux besoins de main-d'œuvre des nouvelles · ma­ nufactures et la production de ces . dernières débordait les besoins - capables de payer bien entendu - d'une seule. province. Cette « liberté », la bourgeoisie l'exigea par tous les moyens. 1789, 1815. 1830, :1.848, nous ont donné l'exem­ ple du seul moyen historique de libération d'une classe opprimée du joug de ses exploiteurs.

1815-1848 fut la Sturm und Drang Periode du capitalisme. D'abord en Angleterre, puis en Allemagne et en Autriche,

le capitalisme industriel l'emporte définitivement sur la classe des propriétaires fonciers, La liberté du commerce se réalise. Un traité entre l' Angleterrii et la France inaugure le règne du libre-échangisme et apporte la clause de la nation la plus favorisée. A ce moment commence le deuxième cycle de la capitalisation de l'Europé. A la suite de la guerre de Crimée de 1854-:1.860, la bourgeoi-

sie industrielle russe s'imposa comme nouveau facteur écono­ . mique et exigea même du tsar l'abolition du servage. Durant · ce même cycle de 1848 à :1.870, la bourgeoisie réalisa son unité douanière en Italie .et ën Allemagne. Grâce au triomphe de la plupart de. ses revendications, le capitalisme impétueux transforma le monde à son image. En vingt ans, de 1840 à 1860, le réseau ferroviaire mondial

passa de 7.680 klm. à 1.08.000 klm. ; de 1850 à 1.870, la pro­ duction du fer s'éleva de 4,7 millions de tonnes ;\ 12 millions; le commerce global du Royaume-Uni augmenta de 82 % en l'espace de H ans, de f854 à 1865 et de 1846 à f866, le chiffre des exportations fut trtplé ! · Le développement des communications maritimes permit

au capital industriel l'ouverture de nouveaux débouchés en Afrique, en Orient, en Bxtrême-Orient, et surtout en Améri­ que du Nord où les émigrés européens, débarquant en nom­ bre croissant, contribuèrent à ériger une nouvelle nation bourgeoise à l'image dé l'Europe. Bref, vers f870, le marché mondial était pleinement consti­

tué.

LA GUERRE DE LA LIBRE-CONCURRENCE EST ENGAGEE ...

Avec I'étahlissement du marché mondial commence la deu­ xième période du système capitaliste qui va de f870 à 1895. <;'est l'époque à propo~. de laquelle il a été don!lé les appré­ ciations les plus fantaisistes et les plus contradictoires. Tous les économistes bourgeois modernes auxquels se rattachent en l'occurrence les économistes réformistes et révisionnistes du marxisme voient dans les années qui vont du lendemain de la fameuse crise de 1873 à 1895 une période de dépression ou de stagnation. Or, une telle appréciation est en contradiction

flagrante avec les statistiques les plus élémentaires telles que sur le volume de la production, sur le volume et la valeur globale des échanges internationaux, sur le nombr~ des ou­ vriers- occupés, ainsi que sur le mouvement des salaires réels. Tous ces économistes, Wagemann, Sombart, Aftalion, etc., ont basé leur · analyse sur l'unique courbe décroissante des prix, sans toutefois en donner l'explication exacte. Jusqu'en 1870, l'Angleterre détenait le quasi monopole de la

production industrielle et était ainsi la maîtresse du marché mondial. Mais à partir de ce moment surgirent de nouvelles puissances industrielles, l'Amérique, l'Allemagne et la Fran­ ce. Une lutte 'Intense s'engagea alors entre ces pays et l'An­ gleterre pour la domination du marché .mondial, D'autre part, l'Europe occidentale agricole qui occupait dans l'agrjculture la même place prépondérante que l'Angleterre dans l'indus­ trie commenca à subir les effets désastreux de la concurrence russe et américaine.

Cette double transformation de l'aspect du marché mondial contribua tout d'abord à déclencher la formidable crise éco­ nomique mondiale de :1.873, puis à déterminer la courbe des­ cendante des prix mentionnée précédemment. La libre-con­ currence ne commença en effet à influencer le mouvement des prix que lorsque se présentèrent de multiples concurrents de force sensiblement égale . sur le marché mondial - ce qui n'avait pas été le cas auparavant. Jusque là l'Angleterre avait pu. se faire le champion du libre-échange pour la bonne .rai­ son qu'elle n'avait pas de concurrents redoutables. En fait de dépression, le monde capitaliste de 1870 à 1895

(à l'exceptfon de quelques années, principalement les 5 der­ nières) connut un réel essor que quelques chiffres suffiront à prouver.

Durant cette période, la valeur du commerce mondial total augmenta de 61 % ; la production industrielle fut quintuplée aux Etats-Unis, plus que doublée en Allemagne ; en Angle­ terre la progression industrielle . fut naturellement ralentie par suite de la concurrence croissante, néanmoins la pro­ duction augmenta de moitié ; le nombre des ouvriers em­ ployés doubla en Allemagne et il n'est pas jusqu'aux salaires réels qui ne suivirent cette progression générale dans tous les pays capitalistes. Les particularités de cette période ont contribué> à trans­

former d'une manière essentielle la forme de la production capitaliste. Ce phénomène. est de la plus grande importance pour l'analyse exacte de la période suivante de l'histoire de la production capltaüste. Le développement considérable de la production et de

l'échange durant cette période provoqua le développement du crédit et amena une concentrati_on des grandes entreprises entre les mains d'un nombre de plus en plus petit de capita­ listes. De nombreuses sociétés par actions se formèrent. se substituant aux entreprises privées. La rapide constitution de ces sociétés aux capitaux énormes engendra leur concentra­ tion sur un plan encore plus élevé. Les trusts et les cartels. les monopoles artificiels s'opposèrent chaque jour davantage au système de la libre-concurrence dont ils étaient sortis. Vers 1890, à l'exception de l'Angleterre qui possédait déjà

un vaste empire, c'blonial, les grandes puissances capitalistes s'entourèrent de barrières protectionnistes et introduisirent tout un système de taxes protectrices, de tarifs maxima et minima pour lutter contre la libre-concurrence. Il en résulta une double conséquence : • D'une part, la concurrence prit un caractère d'acuité jus­

qu'alors inconnu. mais sur un plan supérieur. Elle s'exerça non plus entre de petites entreprises Individuelles mais entre des trusts et des cartels nationaux et internationaux. D'autre part, le champ de bataille économique des puissances

capitalistes fut transporté hors d'Europe. En effet celle-ci hé. rissée de barrières douanières rendait de plus eii. plus diffi­ ciles les échanges des pays capitalistes entre eux. Nous avons là la cause de la dépression qui termina cette période ascen­ tionnelle du capitalisme. Cette double conséquence mit les différentes puissances ca­

pitalistes devant, la nécessité -d'une nouvelle orientaUon tll

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d'une nouvelle organisation. Il s'agit d'entreprendre d'une façon systématique la conquête de nouveaux débouchés, de pays « neufs " où ne domine pas encore le système capita­ liste de production. Cet.te orientation exige l'organisation d'expéditions militaires à la fols pour faire comprendre aux « sauvages " non capitalistes les beautés de la civilisation bourgeoise et pour se défendre éventuellement contre les am­ bitions des concurrents, bref c'est la course aux armements qui s'organise - les budgets de guerre s'enflent démesurément. Nous abordons ainsi la troisième grande période du déve­ loppement du capitalisme, eelle que l'on a surnommée l'im­ périalisme.

... ET ABOUTIT A LA GUERRE IMPERIALISTD Darrs cette période nous pouvons distinguer deux phases :

l'une allant de 1895 à 1913-1.4 et la seconde inaugurée par la guerre mondiale et dont nous vivons les dernières années. D'après l'analyse de la période précédente, nous pouvons

donner les caractéristiques suivantes de la première phase de l'impérialisme : · i. - .. Le système de la libre-concurrence se transforme dé­

finitiv.ement en son contraire, la concurrence entre les mono­ poles internationaux et nationaux . 2. - Le eapltal industriel fusionne avec le capital bancaire

et .. crée une nouvelle oligarchie capitaliste : le capital finan­ cier.

3. - Conquête par les puissances capitalistes des débouchés extra-capitalistes sttués en dehors des pays où domine déjà la production capitaliste. L'expansion impérialiste s'effectua tout d'abord en Afrfque

dont le partage fut réalisé de 1.880 à 1902. Ensuite ce fut Je tour de la Chine où les puissances capitalistes possédaient déjà de fortes bases militaires et navales. La Corée et For­ mose passent entre les mains du lapon, celui-ci et le tsar se partagent la Mandchourie, etc., bref, en 1900 il ne reste plus un seul port de la côte chinoise où la Chine puisse abriter ses propres bateaux sans le consentement des puissances ca­ pitalistes ! Les Etats-Unis deviennent les maîtres de la ma- jeure partie de la Polynésie après 1898. · Le pourcentage ,des exportations vers ces pays « neufs "

s'accroît continuellement alors que le commerce entre les pays capitalistes proprement dits diminue relativement. Mais cette expansion ne s'est pas effectuée d'une façon égale. Si nous comparons la richesse nationale des quatre grandes puissances capitalistes Btats-Unis, Grande-Bretagne, Alle­ magne et France, entre 1890 et 1912, puis avec 1870, nous avons le tableau suivant (en milliards de dollars}

Etats-Unis . Grande-Bretagne . Aliemague . France .

1.870

30 40 38 33·

1.890

65 53 49 43

1912

1.~ 79 77 57

Nous constatons en premier lieu que dès f.870,. l'Angleterre est · rattrapée par trois autres pays capitalistes et ainsi le partage de l'Europe se jouera désormais à quatre. Au cours de cette compétition, _les Etats-Unis prennent la tête, bien que suivis de près par ses trois partenaires. de la libre-con­ currence. Mais durant la première manche (si l'on peut dire) ascendante de l'impérialisme, les Etats-Unis prennent une avance considérable : sa fortune nationale à elle seule dé­ passe celles réunies de ses trois concurrents ! Néanmotns l'extension yankee ne constitue pas encore une entrave à l'expansion · des autres impérialismes, pour cette raison que Ia lutte ne se déroule pas sur le même terrain. Les Etats­ Unis possèdent sur leur propre territoire de vastes débouchés et des réserves quasi inépuisables. Ce qui est plus important et plus grave pour deux d'entre les trois puissances, c'est que l'Allemagne devient une menace grandissante pour l'in­ dustrie anglaise. Celle-ci prévoit le moment où elle ne pourra plus soutenir la concurrence allemande : d'autre part, la France qui se trouve maintenant très distancée craint pour ses colonies. Ainsi s'effectuera, suivant une norme économi­ que, un rapprochement entre la France et la Grande-Breta­ gne afin d'opposer à l'Allemagne un bloc plus fort. Vers i9f.2, on peut affirmer que le marché mondial est

conquis. définitivement et que le partage du monde est effec­ tué e.ntre les différentes puissances capitalistes. La conséquen­ ce ilµmédia~e de. ce!te situatJ,on es~ que lea 00.D,Fadic!ions in-

AUJOURD'HUI BOURGEOISIE GUERRE

MASSES

ternes du régime de production capitaliste ne peuvent plus être résolues par l'extension du champ extérieur de la pro­ duction. A ces contradictions internes s'ajoutent «ipso facto ,. les· antagonismes croissants qui surgissent entre les diverses puissances, entre les différents impérialismes. L'antagonisme économique sur le champ extérieur aboutit inévitablement à la lutte politique. sur le champ intérieur. Le monde étant com­ plètement partagé, une puissance ne peut étendre son domai­ ne sans empiéter sur celui d'un autre. D'autre part, chaque puissance tendant à instituer un monopole colonial pour pré­ server ses colonies de la concurrence étrangère, il est clair que seule la force armée pourra modifier un tel état de fait, c'est· à-dire la répartition existante des débouchés. La guerre des Balkans est comme le prélude du conflit de

grande envergure qui, ne peut plus manquer d'éclater entre les impérialismes. Puis avec le rétrécissement du champ exté­ rieur de la production diminuent également les intervalles qui séparent les crises cycliques de surproduction relative. Cinq années seulement après la crise de f.90i-i902, qui n'eut qu'une faible répercussion en Europe, se déclencha une crise écono­ mique mondiale. De i907 à i.909, la valeur du commerce mon­ dial tomba de 7 %- Une nouvelle crise se préparait déjà qua­ tre ans après quand éclata la guerre mondiale qui allait du­ rer de f.9:14 à 1918. Le but de cette guerre ressort de ce qui précède. C'était l'unique moyen pour un groupe d'impéria­ lismes de détruire des concurrents menaçants et la seule fa­ çon pour ces derniers de s'emparer des débouchés détenus par les premiers. La nécessité de cette guerre ainsi établie pi,ur les uns et .pour les autres rend ridicule toute rechee-' che de responsabilités particulières nationales.

Cette guerre marquera la fin de la période ascendante p.e l'impérialisme et aussi l'apogée du système de production capitaliste tout entier. Par contre elle inaugurera la phase dernière de ce système, celle de la crise générale.

CHOMAGE, FAMINE,

Quelle solution la guerre a-t-elle apporté à la contradiction fondamentale du capitalisme entre l'extension de la produc­ tion, Je développement inouï des forces productives et le continuel rétrécissement relatif des débouchés, · du marché mondial ? On a prétendu d'autre part que la guerre a détrompé les

capitalistes, qu'elle ne leur a servi en rien, qu'elle ne leur fut pas profitable. Qu'en est-il au juste ? Les capitalistes au­ raient-ils vraiment déclanché cette guerre si elle ne devait pas apporter une solution capitaliste quelconque à la catas­ trophe imminente qui les menaçait -dès 1913-14 ? Quelle fut donc la solution capitaliste apportée par la

guerre ? Nous savons que le système capitaliste de production a pu

surmonter ses crises cycliques de deux façons, utilisant tan­ tôt les deux à la fois, tantôt l'une, ou seulement l'autre sui­ vant les cas. Ces deux grands moyens généraux, Marx nous les indique déjà dans son " IYianifeste communiste » de- f.847 : " · Comment la bourgeoisie surmonte-t-elle ses crises ? D'un " côté par la destruction forcée d'une masse de forces pro­ " ductives ; de l'autre par la conquête de nouveaux marchés " et l'exploitation plus approfondie des anciens. » La guerre de f9U-f.8 a-t-elle permis aux capitalistes de con­

quérir de nouveaux débouchés ? Non ! au contraire. Le mon­ de était déjà avant le déclanchement de cette guerre prati­ quement et complètement partagé entre les· diverses puissan­ ces capitalistes. Il ne se produisit qu'un déplacement des for­ ces en présence. Quelques parts s'accrurent mais uniquement au détriment des autres. Les vainqueurs arrondirent leur bu­ tin aux dépens de celui détenu par les vaincus, car le gâteau lui-même n'était pas devenu plus ·grand. En outre, les nécessités techniques de la guerre provoquè­

rent l'industrialisation de toute une série de petits pays de l'E'Urope centrale (fologne, Roumanie, Autriche, Serbie, etc), p~is de certaines sphères Iirmtées de production dans les colonies et semi-colonies (Indes, etc.}, et enfin du Japon. Or, dans les années qui suivirent la guerre tous ces pays ou nou­ velles sphères de production industrialisés s'affirmèrent com­ me de nouveaux concurrents au lieu d'acheteurs qu'ils étaient auparavant. Il y avait donc maintenant un nombre accru de prétendants au partage d'un marché mondial ré­ tréci ! D'autre part, la guerre mondiale servit de catalyseur aux

forces ré,rolutionn~res de la Russie tsariste. Celles-ci com-

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MASSES 9

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mencèrent par renverser le tsar en février i9i7, puis remirent progressivement tout le pouvoir entre les: mains de la . classe ouvrière russe, en octobre de la même année. La création ré­ volutionnaire d'un premier. état prolétarien dans un pays tel que la Russie, ouvrant 1/6 du globe, contribua également quelque peu ( ! ) à rétrécir le marché mondial, par le fait de l'Instltutlon du monopole du commerce extérieur. De même l'apparition. d'un monde socialiste s'opposant irréductiblement au vieux monde capitaliste eut pour autre conséquence d'a«i centuer les contradiètions spécifiques du système . capltaliste, Ainsi en ce, qui concerne l'extension éventuelle du marché

mondial, la guerre s'est démontrée inopérante, de plus elle n'a fait' dans ce domaine qu'augmenter les antagonismes exis­

.' tant déjà, et en créer de nouveaux. Examinons maintenant l'autre solution, la voie destructive.

Là, la guerre a pleinement réussi. C'était en effet la seule issue qui s'offrait encore aux capitalistes dès 1912-13 ; c'était uniquement en détruisant une quantité colossale de moyens de production et de forces de travail, en un mot de forces productives que le système capitaliste pouvait non pas échap-

. per définitivement à la catastrophe, mais du moins la retar­

.. der. L'antagonisme fondamental entre la production devenue ' sociale et l'appropriation demeurée privée ne pouvait plus être atténué par un élargissement de la consommation, de l'appropriation, mais uniquement par la destruction d'une

· .grande partie de la production sociale. Mais cela signifie aussi que ce système est devenu incapable de développer parallèle­ ment la production et la consommation de la société, par conséquent de développer et amplifier ses propres moyens d'existence : production progressive de plus-value par l'exploitation accrue de la force de travail de l'ouvrier pro­ duisant une quantité croissante de marchandises. Cela si­ gnifie que la bourgeoisie II ne ,peut plus régner, parce qu'elle ne peut plus assurer à son esclave même une existence com­ patible avec son esclavage, parce qu'elle est obligée de lei laisser déchoir au point de devoir le nourrir au lieu de se faire nourrir par lui. La société ne peut plus vivre sous sa domination, ce qui revient à dire _que l'existence de la bour­ geoisie est désormais inoompatible avec celle de la société. >, (Manifeste). Tels sont les nouveaux phénomènes économiques qui cons­

tituent la base matérielle de la crjse générale de tout le sys­ téme capitaliste et la guerre mondiale de 1914-fS en a donc été la première manifestation. Nous abordons maintenant la deuxième phase de I'Impéria-

· lisme, celle de la crise générale du capitalisme. Comment · cette crise va-t-elle se développer ? Quelle sera son, inflttence sur la marche générale de la production ? La fin de la guerre posa le problème du réajustement de la

production . à de nouveaux besoins un peu moins meurtriers et destructifs. Les gros magnats purent réadapter assez facile­ ment leurs moyens de production et surtout très rapidemertt tandis que l'ensemble de la production, petite et moyenne dont l'existence avait été uniquement assurée par les besoins de la guerre, était précipitée dans une crise retentissante, Celle-ci s'étendit au .monds entier et dura plus d'un an, de 1921 à 1922. Une fofs cette adaptation violemment rétablie, le capita­ lisme songea à reconstruire ce qu'il avait anéanti aux frais bien entendu des larges masses qui payèrent de leur argent et de leur peau. Ce fut la période de « stabilisation relative n, de t922· à 1929, coupée à des moments différents suivant les

. ·pays par des crises monétaires plus ou moins profondes : telle .Ia fame'use période d'Intlation en Allemagne, celle qui se termina par le franc à quatre sous en France, etc., jusqu'à celle. qui déclancha le krach de Wall Street en automne 1929 et qui inaugura la crise économique mondiale actuelle. Le pronostic de Marit se vérifie une fois de plus; il ajoutait après la première citation que nous avons donné du · Manifeste : ," A quoi cela aboutit-il ? A préparer des crises plus générales et plus formidab_les et à diminuer les moyens de les préve­ nir. » La crise qui se déclancha en automne t929 devint en effet rapidement -mondlale et prit un caractère inédit de gra­ vité. C'est à peine si· aujourd'hui, après 45 mois de crise il· est question d'en avoir atteint le plafond 1 '

LE PROLETARIAT DOIT FAIBE « SA " REVOLU110N · . Toute notre analyse précédente doit nous permettre de trou-

ver les raisons principales de la gravité exceptionnelle de cette . czise . et ses causes. Nous. pouvons établir trois catégories de · faits principaux : .

1. ...... Situation de crise générale du système de production - , capi~allste ; · - ·

2. - Modificatjons essentielles apportées par la guerre dans la répartition et le rapport des forces économiques ; 3. - Causes générales des crises de surproduction relative

dans la phase impérialiste' du capitalisme. t. - L'existence de la crise générale du capitalisme confère

un caractère particulier à la période de prospérité relatjve qui a précédé la crise actuelle. Cette période de prospérité ne s'apparente en aucune .façon à celles qui ont existé aupara­ vant ; elle ne fut pas le résultat d'un· nouveau progrès du développement de la production capitaliste. La prospérité re­ lative de 1922-1929 fut créée artificiellement, elle fut rendue possible grâce à la destruction systématique et massive d'une quantité formidable de forces productives durant quatre an­ nées de guerre. Inévitablement le même problème devait se reposer au bout

d'un laps de temps plus ou moins long ; les mêmes contra­ dictions devaient surgir à nouveau, et prendre un caractère encore plus aigu. 2. - La guerre a eu pour effet d'accélérer l'industrialisa­

tion d'un certain nombre de pays qui ne figuraient pas com­ me concurrents importants avant la guerre_ De ce fait la concurrence est devenue encore plus âpre et la surproduction relative des marchandises s'est affirmée plus colossale et plus rapidement que dans les étapes précédentes. Il en a été de même pour la production agricole ; à la faveur de la guerre les pays agricoles de l'Europe centrale avaient pu développer indéfiniment leur production sans craindre la concurœnce américaine. Au lendemain de la guerre, ces pays se trouvè­ rent en état de ravitailler toute l'Europe principalement en blé, mais la concurrence américaine se fit immédiatement sen­ tir ; la lutte s'engagea entre les pays agricoles de l'Europe centrale et l'Amérique du nord. Le résultat fut désastreux pour les premiers : les prix dégringolèrent d'une façon ver­ tigineuse, la surproduction s'établit d'une manière chronique. Il y a quelque temps, le blé était vendu moins cher que la sciure de 'bols ! 3. - Outre ces raisons fondamentales et occasionnelles, la

crise cyclique actuelle a été provoquée par les causes géné­ rales des crises de surproduction relative à l'époque Impéria­ liste. Ces causes sont déterminées par la contradictiori nou­ velle entre une forme de production généralisée, sociale et un mode d'appropriation privée, antagoniste. Toutes ces expé­ riences de cartels, de trusts, en un mot de direction de la production « ne sont possibles · que si la situation .économique est relativement favorable. La première perturbation les ré­ duira à néant et démontera que, bien que la production ait besoin d'être réglementée, ce n'est assurément pas la classe capitaliste qui est appelée à le faire ». (Engels, note au Capi­ tal, tome IX, p. 205.) Nous pouvons donc constater que la crise générale du sys­

tème capitallste ne se déroule pas suivant· une courbe des­ cendante continue; elle est au contraire coupée de hauts et de bas. De même que le développement du capitalisme ne s'était pas effectué d'une façon égale, son déclin s'~ffectue iné­ galement suivant les différents pays impérialistes. La question nouvelle qui se pose est celle-ci : quelle peut-être l'issue de la · crise cyclique actuelle dans cette période de crise générale du capitalisme ? II est permis d'affirmer, qu'elle ne saurait céder la place à une nouvelle ère de prospérité même relative comme celle de i922-t928-29. Nous avons déjà montré que la seule solution capitaliste possible dans la dernière phase du capitalisme ne pouvait être qu'une solution négative, c'est-à­ dire destructive. Or la destruction des forces productives réa­ lisée durant la dernière crise dont nous ne connaissons pas encore la fin, si grande soit-elle ne saurait être comparée à celle produite par la dernière guerre mondiale; elle ne pourra donc pas donner lieu à la même reprise relative. C'est pourquoi nous affirmons que la seule issue capitaliste à la crise actuelle est à nouveau la guerre impérialiste. Le même problème. encore plus contradictoire, plus difficile à résoudre qu'en t9i4, se pose au monde capitaliste. Vis-à-vis d'une surproduction chronique les impérialistes ne disposent que d'un marché mondial toujours plus restreint, pour s'en sortir, pour ac­ croître son marché, il n'est d'autre moyen pour chaque im­ périalisme que la guerre, la guerre impérialiste. Une autre constàtation s'impose également à nous à pro­

pos de la crise générale du capitalisme : le capitalisme ne saurait disparaître de lui-même. Si la bourgeoisie· a e.ffective­ ment « forgé les armes qui la mettront à mort », ce n'est assurément pas elle qui les maniera contre elle-même; là ré­ side' précisément le rôle révolutionnaire du prolétariat, car ce sont les prolétaires qui sont appelés à retourner ces armes contre la bourgeoisie.

· LEON- LDION.

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10

Nous sommes arrivés à Berlin, le premier jour de novembre. - Il faut habiter le u Westen », c'est le quartier le plus

agréable pour les étrangers, nous disaient, à Paris, quelques connaisseurs de Berlin. Mais nous choisîmes la u Alexander Platz li, centre de vie bouillante, chauffée par l'angoisse des jeunes chômeurs berlmois. Les rues sont pleines. Pleines de cris, pleines de monde.

Première surprise: sur le trottoir, des jeunes gens ou des jeunes filles agitent de grosses tirelires en tôle, faisant danser les sous dedans. - Donnez pour la campagne électorale du u Parti uommu­

nlste li, •• Et, tout de suite, une autre voix à côté : - Donnez pour la campagne électorale du " Parti National

Socialiste li... (nazi). Nous restons un long moment à les regarder. Il est certain que les quêteurs ne sont pas seuls, · Il est cer­

tain que chacun se sent protégé par quelques copains. Mais ça ne se voit pas. On ne voit que cette chose extraordinaire : l'un à côté de l'autre, l'un en face de l'autre, militants commu­ nistes et hommes d'assaut nazis quêtent pour leur parti, se regardant parfois avec haine, mais sans se quereller. Nous sommes sous la trêve politique. Cette discipline allemande !. .• Les élections ont été fixées pour le 6 et Berlin pavoise. On

accroche sur sa fenêtre, avec le drapeau, son opinion politique. Dans les quartiers bourgeois domine le noir-blanc-rouge de l'Allemagne impériale, et domine même sur la croix gammée des nazis. Dans les quartiers ouvriers, les drapeaux forment une ligne rouge homogène . sur les façades !Fises. Rouge est le drapeau des trois partis qui se disputent la classe ouvrière allemande. Le cercle blanc avec la noire croix gammée au centre dit, sur la toile rouge, qu'il appartient aux hitlériens et porte le numéro « f ». Le parti nazi est le premier parti d'Alle­ magne par le nombre de ses voix. Les trois flèches du « Front de· Fer J) et le numéro " 2 JJ sont marqués sur le drapeau rouge des social-démocrates. La faucille et le marteau et le « 3 » signalent les fenêtres communistes. Les mocs : " Votez pour la liste « i li... « Votez pour la liste " 3 »... inscrits sur les drapeaux lancent le;.ur appel aux passants. La passion politique domine la rue. Partout, on cause. Des

petits groupes se forment dans tous les coins. Les cyclistes arrêtent leurs vélos. Des femmes, jeunes et vieilles, se mêlent aux discussions. Chacun porte, à la boutonnière, le signe dis­ tinctif de son parti. On tâche de convaincre, on apporte des arguments, on a des accusations pour les chefs, on ménage la masse. Le ton monte, tous veulent, à la fois, dire les mille choses qu'ils savent du parti contraire, les mots deviennent durs, mais il n'y a pas de bagarres. On vit la trêve politique. Toute altération de l'ordre est sévèrement punie. On serre les poings dans les poches, on discute. L'arrivée du schupo met fin à la réunion. · La grève des transports a éclaté à Berlin. Tous les moyens

de communication appartenant à la B. F. G. sont arrêtés. Les trams, les autobus, le métro restent dans leurs gares'. La grève a été décidée par une grande majorité du personnel. Mais il manquait environ cent cinquante voix .pour atteindre les trois· quarts qu'exige la loi avant de considérer une grève comme légale. Alors, les syndicats réformistes n'ont pas ap­ prouvé la grève ... Nous demandons à un social-démocrate: - Comment se fait-il que la direction de vos syndicats n'ap­

prouve pas une grève décidée par une si écrasante majorité du personnel ?· Environ f6.000 ouvriers sur 22.000 ont voté pour elle ? " - Vous ne pouvez pas comprendre, parce que vous ne con­

naissez pas les lois allemandes. Ici, en Allemagne, nous avons une loi qui permet au gouvernement de saisir la caisse syn­ dicale quand une grève n'est pas strictement approuvée par les trois quarts des voix. Il faut les trois quarts, juste les trois quarts, pas une voix ne doit manquer ... Vous savez, nous avons une loi...

. Mais le Berlin ouvrier a aussi une loi, la solidarité proléta­ rienne. Les .stations du métro restent fermées, pas un tram, pas un

autobus ne sort dans la rue le premier jour. Les vélos sont par milliers sur le pavé. La grève est unsnime. Un jour, deux jours, trois ... Les syndicats réformistes pas­

sifs sabotent le mouvement. Les élections déjà passées, les cbefa nazis commencent à négocier et lâchent la grève. Il faut rentrer .. Et on rentre. -Deux mille ouvriers, les plus actifs, les plus conscients sont congédiés. La Compagnie ne veut plus d,'eux. Mais la grève a semé la peur dans· les rangs de la bourgeoisie. La classe oùvrière allemande parait reprendre sa

V~OJJ.!é ~- !U!tf,, ..

TRIBUNE :: LIBRE ::

LA TRAGÉDIE ALL:E:1

.c •• ,, ...

Jour des élections. Nous le passerons dans les quartiers ou­ vriers. Le matin à Wedding. C'est la première fois que nous. allons à Wedding. On s'attendait à voir des ruelles étroites; nous trouvons de larges avenues asphaltées, beaucoup de . balcons, des petits jardins devant les grandes maisons à qua­ tre et cinq étages. Wedding est pourtant le quartier des barri­ cades. Wedding est la ferteresse ocmmuniste, à Berlin. De ces gentils petits balcons, les nazis ont reçu des fleurs. (Très souvent - dit-on - les fleurs étaient accompagnées des lourds pots où elles poussaient, et les nazis se fâchaient ... ). A Wed­ ding, ceux-ci ne l'avaient pas facile. Les drapeaux sont rouges. Dans le nouveau Wedding plein

de claires maisons modernes on voit des croix gammées. Ce sont des maisons habitées par des employés, par des petits . , bourgeois. Dans le vieux Wedding dominent la faucille et le - · . marteau .. Parfois, au milieu d'une façade ou d'une rue qui ne porte

que des croix gammées, se détache le numéro « 3 li de la liste communiste. Parfois, ce sont les tr<>is flèches. Ailleurs, c'est une croix gammée qui ose vivre entre les drapeaux commu­ nistes.

Comment s'expliquer ce spec­ tacle dans une atmosphère. Est­ ce que ces militants, communis­ tes, socialistes ou nazis, ont une valeur personnelle si extraordi­ naire ? Nous croyons qu'il y avait là quelque chose de 'plu!" profond. Nous croyons que, li 6 novembre, existait en Allema­ gne un équilibre de forces et que chaque militant le sentait ainsi. On avait un fort parti derrière soi et la victoire n' ap­ partenait définitivement à per­ sonne. L'avenir était pour cha­ cun. A la porte des brasseries où

l'on vote se tiennent, vivantes colonnes d'affiches, des hom­ mes portant une pancarte sur la poitrine : « Liste 3 » .•. « Liste 5 » ... " Liste f "··· Les votants arrivent, passent

par le local où l'on boit de la bière et vont déposer leur vote dans la chambre à côté. La tranquillité est parfaite.

On ne voit pas beaucoup de nazis à Wedding. Un groupe de six, portant l'uniforme, passe près d'un local « Reichsban­ ner " (Bannière d'Empire). Les jeunes reichsbanner, aussi en uniforme, qui sont à la porte, taquinent les hitlériens : - Eh !. .. les héros, faut pas

courir comme ça. C'est votre chef qui vous attend ? ... Venez donc... on a quelque chose pour vous: ..

•*• Les nazis ne répondent pas. Les communistes gagnent

700.000 voix. Les social-démo­ crates en, perdent 700.000. Les nazis en perdent 2.000.000. Le (( Vorwaerts )) commente

la défaite hitlérienne 1 (< VOILA DIX ANS QUE

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.. ,. :.,·.

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MASSES ------------------:----------..;._---11

Notes rapides d'un témoin

NOUS AVONS PREVU' LA FAILLITE DU NATIONAL-SOCIA­ LISME, NOIR SUR BLANC, NOUS L'AVIONS ECRIT SUR NOTRE JOURNAL !. .. » La « Rote Fahne » fête le triomphe communiste et annonce

que le nazisme commence à se désagréger. « Partout, il y a des S. A. qui désertent les files du hitlérisme et se mettent sous le drapeau communiste. On commence à désavouer Hitler dans son propre mouvement. » Le mécontentement qui se signala dans le Parti communiste

après sa défaite· aux élections présidentielles s'apaisait main­ tenant, à nouveau. Le gouvernement sort complètement vaincu de ces élections.

en ce sens que celles-ci ont montré de nouveau sa très faible base sociale ; et il s'ensuit une longue crise qui finit avec la

· chute de von Papen et l'avènement de Schleicher. La «-Rote Fahne », rappelant _la grève de la B. V. G., inter­

prète comme ceci les faits: « L'OFFENSIVE DU PROLETARIAT FAIT. TOMBER VON PAPEN 1 »

Ce qui n'était pas vrai à deux points de vue : Le Prolétariat, dans son en­

semble, était et resta jusqu'à la fin sur la défensive, quoique la grève du trafic à Berlin ait montré un regain de comhati­ vité. A la faveur de cette passi­

vité générale du prolétariat, les fractions de la bourgeoisie se donnaient. tout leur temps pour se disputer le pouvoir et, avec la montée de Schleicher, la grosse bourgeoisie terrienne était vaincue provisoirement.

* * * On vit encore sous la trêve

politique et la Noël approche. L'ouvrier berlinois ne veut pas avoir faim le jour de Noël, il veut que ses gosses soient gais ce jour-là, il veut avoir son ar­ bre de Noël garni et allumé, et l'arbre doit être un vrai petit sapin. - Notre dîner de Noël ne

sera pas très riche, dit :1rau Müller. J'ai acheté de la viande. On aura un oetit rôti de veau. Mais l'arbre, - oh I l'arbre sera épatant. Le mari de frau Müller chô­

me denuis nlus de deux ans. Ils vivent aveë une allocation de chômage de· 360 francs par mois. Leur nourriture quoti­ dienne est composée de pom­ mes de terre à la margarine, quelques tranches de saucisson et un· peu de légumes secs. L'arbre de Noël n'est plus,

pour frau Müller, affaire de re­ ligion. Il représente dans sa vie, comme dans la vie des mil­ lions de chômeurs allemands, un besoin d'espoir. Il rappelle le " bon vieux temps JJ, quand on travaillait, quand on gagnait un salaire. L'hiver, est là. · Les suicides

augmentent. Le tuyau de gaz résout vite les problèmes.

Les cours se remplissent de chanteurs, de danseurs, d'acro­ bates. Parfois, ce sont des cirques qui viennent : un poney maigre et poilu et quelques chiens, pas trop savants. Les sous tombent, rares. Ce sont presque tous des chômeurs qui habi­ tent sur la cour ... Dans les rues, c'est le petit commerce. On vend des lacets,

des -boutons, des jouets, des bonbons. Dans ce coin deux jeunes chômeurs font admirer une cathédrale, haute de 2 m. 80, qu'ils ont construite en bois. Plus Join, c'est le « Do. X » avion fait avec des allumettes en une année de chômage. Et une petite maison en bois• posée sur deux bicyclettes,

On parle de l'hiver. Le gouvernement ne dit rien encore du secours d'hiver. Le Parti Communiste lance Je mot d'ordre : 1<-,Du charbon et des pommes de terre'. Ouvrez les dépôts, distri­ buez les stocks au peuple », Petites manifestations da,ns les quartiers ouvriers. Le nouvel an commence avec cinq ouvriers assassinés par les

nazis. * * *

Fin de la trêve politique. Le P. C. organise une manifestation pour le 4 janvier au Lust Garten : « Le Berlin rouge viendra en masse le 4 janvier »,

C'est un jour de pluie. Les ouvriers viennent des quartiers les plus éloignés. Des femmes, des enfants, des jeunes, des vieux, ils marchent tous, calmes, sérieux, l'allure décidée. Il pleut. Beaucoup d'entre eux n'ont pas de manteau. Le discours prononcé par Florin est fait selon Je cliché habi­

tuel : « Montrez à Schleicher combien nous sommes. Il veut l'illégalité pour le P.C.A. ?... Le Berlin ouvrier saura lui répon­ dre ... Regardez la Russie ! ... Là-bas, pas de chômage ... etc ... " La masse écoute silencieuse. Elle attend une perspective, un

chemin. Elle est partie les mains vides. • Le 15 janvier le P.C. appelle les ouvriers à la tombe de Rosa

Luxembourg et de Karl Liebknecht. Les· conseillers social­ démocrates de Lichtemberg où se trouve le cimetière, ont fait voter l'interdiction de dénler devant les tombes. Seule une délégation de porte-drapeaux pourrait le faire. Les social-démo­ crates trouvent que la manifestation. devant la tombe de Karl et Rosa dérange les autres visiteurs et lèse leurs droits ... Le P.C. dénonca cette canaillerie, appelie les ouvriers socia­

listes à manifester contre leurs chefs, mais reste comme tou­ jours, seul.

. On décide que les colonnes ,se rassembleront à la Wagner Platz pour écouter les orateurs. Le cortège des porte-drapeaux se formera là même pour aller au cimetière. Le 15 est un jour qlacial. Le thermomètre accuse 16 degrés

sous zéro. Les trottoirs sont pleins de monde. Les colonnes communistes avancent au milieu de la large Francfurter Allee. La discipline est parfaite. Une formation avec ses chefs, avec ses cadres, se. détache comme un coros arclculé parmi la masse qui marche à son côté. Les chansons montent puissan­ tes. Leur rythme lent scande la marche. Elles grimpent vers les fenêtres des maisons prolétariennes et les fenêtres s' ou­ vrent. Toutes les fenêtres sont ouvertes sur la Francfurter Allee. Les refrains s'obstinent dans l'espoir : « Wir siegen trotz hass und verbot ». Le vent froid porte très loin la musique claire des fifres. Les

tambours ouvrent la marche. Les rues sont de plus en plus pleines. On chante la chanson de « Spartacus ,,. Les drapeaux sont comme des voiles rouges. De temps en temps le clairon lance un long appel. Des colonnes, des trottoirs, des fenêtres, vient la réponse : «. Rot Front ! ... », dite par milliers de voix. C'est comme une alerte, comme un serment souligné par ies poings qui se lèvent. Au loin, des ouvriers isolés, hommes et lemmes, répondent aussi « Rot Front ,, !... C'est un peu théâ­ tral, mais c'est fort, impressionnant. Arrivés à la Wagner Platz, les porte-drapeaux et les déléga­

tions commencent à former le cortège. On attend les orateurs. Le froid devient insupportable. On

ne peut pas rester sans bouger. La Croix-Rouge a déjà dû intervenir trois fois. U fait trop roid,f les vêtements sont trop légers, l'allocation de chômage ne permet pas de manger à sa faim, on vient de loin, on est parti avec une tasse d'eau chaude colorée de café et une maigre tartine, De magnifiques garçons tombent par terre évanouis. C'est la faim, c'est le froid, Le cortège des drapeaux part vers le cimetière. Cent, deux

cents, mille drapeaux rouges se gonflent au vent. Vers un hori­ zon rayé de cheminées de fabrique, sur Je pavé de la ville ouvrière, marche, glisse un fleuve de drapeaux rouges, gronde une tempête de chansons rouges.

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12 -:--'----------- ---'---------------- MASSE ,S

La clique chassée par la montée de Schleicher-Papen et ses amis, industrie lourde, bourgeoisie terrienne revient mais cette fois accompagnée d'Hitler et Hugenberg. ' Schleicher a contre Hitler une grosse carte à jouer : le

Reichstag. Si au Reichstag les nazis refusent leur appui au gouvernement, celui-ci appellera à de nouvelles élections. Hiiler craint de nouvelles élections. Il a de sérieuses difficultés au sein de son parti. Strasser vient de l'abandonner, les sec­ tions d'assaut ne sont pas contentes. Le prestige du « Führer » en souffre. Le " Führer » a besoin de rafraîchir ses lauriers et de montrer, face à Schlelcher qui veut s'entendre avec .Leipart, que lui. et lui seul est capable de mater la classe ouvrière révolutionnaire. Leur coup d'Etat nécessite une reconnaissance du terrain : qu'est-ce que répondra Je prolétartat, et jusqu'où ? Et par surcroît s'il y a une réponse sanqlante voilà l'occasion de jeter le Parti communiste dans l'illégalité, de· réaliser la menace de Schleicher. Et un jour, les ouvriers de Berlin lisent sur la première page

des journaux cette chose incroyable : « LES NAZIS SE RAS­ SEMBLERONT A LA BULOW PLATZ ... LES NAZIS MARCHE­ RONT FACE A LA MAISON KARL LIEBKNECHT ... » Personne ne veut le croire. La provocation est tellement claire,

tellement monstmeuse, un dénouement sanglant tellement sûr, qu'on s'attend d'un moment à l'autre à un démenti de la part de la police. Le démenti ne vient pas. Les nazis défileront devant la maison « Karl. Liebknecht ». Avec leurs drapeaux, avec leur musique, avec. leurs chansons ils souilleront les rues du quartier prolétarien. Ils crieront : cc A mort la Commune », face à la citadelle communiste. Ils chanteront : " II faut rougir nos couteaux du sang des youpins >l, dans ce morceau de ghetto qu'est la Bülow Platz. Dans' les fabriques, dans les bureaux de pointage, dans les

rues, .dans les brasseries, les gosses à l'école, les femmes au marché, partout, partout, il n'existe d'autre conversation, que la marche des nazis . le dimanche 22 janvier sur la Bulow Pl;ltz, devant la· maison Karl Liebknecht, centrale du Parti communiste. · , Ouvriers berlino is. crie la cc Rote Fahne », obligez 1e· gou­

:vememeot à reculer, Manifestez dans 1!38 fabriques, daes les

bureaux de pointage. Énvoyez des lettres de protestation 1 ,c Ou­ vriers socialistes : rappelez-vous que les communistes sont accourus à la défense du " Vorwiirts li menacé, c'est votre tour maintenant ! » · Le P.C. fit tout : démarches nour une contre-manifestation

Démarches au Ministère de "l'Intérieur pour arrêter la manifestation nazi. Réunion de la presse allemande et étran­ g.ère pour recevoir de « très importantes i, déclarations de la fraction parlementaire. « Le P.C. rend responsables les auto- ' rités de ce qui se passera à la Bulow Platz et se réserve d'agir en conséquence si l'on verse le sang ouvrier »,., Il. fit tout ; tout ce qui était menace, menace... et les anciens appels à la base par dessus les chefs. Il n'oublia que d'agir. Comme on sentait ces jours-là l'impuissance de cette politique fanfaronne et vide, face à un danger réel. Devant la maison Karl Lieb­ knecht, de petites colonnes emmenées par les groupes commu-. nistes se renouvelaient. Le leader se sénarait et faisait une petite harangue : « Envoyez des lettres - de protestation au Préfet de Police. Causez avec les nrolos nazis dans les usines. lors du pointage ! ». Et ils repartaient formés. Dans des petits groupes on discutait : « Ils n'oseront pas... Je pane qu'au dernier moment la police défendra la manifestation "· Un vieux : « Non, ils la feront. Ils ne peuvent plus reculer. Mais· le sang coulera ·,,. Les autres : « Sûr que le sangi coulera. i, ·

C'était le samedi 21.. Ou'arrivera-t-il le dimanche ? Le Parti social-démocrate, lui, est à cette occasion conséquent jusqu'au bout : « Cette provocation est possible parce que le P.C. main­ tient la classe ouvrière divis_ée )J. Et. dans son appel : ,c Les ouvriers socialistes sont des ouvriers disciplinés et, comme tou­ joui:.s, ne suivent que les directives de leurs chefs : les ouvriers soc!b.listes s'abstiendront de manifester le dimanche 1 " Et par­ dessus le marché, les troupes ·Reichbanner sont appelées, comme par hasard, à réaliser une longue marche d'exercice, lisez « d'éloignement "• ce dimanche, en dehors de Berlin ... La presse libérale bourgeoise parle ouvertement de provoca­

tion, pas seulement au P. C. mais à toute la classe ouvrière. Le « Berliner Tageblatt li conseille à la police de revenir sur ses pas et de refuser aux nazis le droit de manifester le dimanche à la Bülow Platz, de ne pas se, laisser entrainer par de fausses ··, idées d'autorité. La centrale des syndicats réformistes s'adresse au ministère

de l'Intérieur, affirmant « que cette provocation envers la classe ouvrière pourrait avoir les plus graves conséquences ». La presse de droite, alors (la D. A. Z.), organe de l'industrie

lourde, et le gouvernement Schleicher commencent à s'émou­ voir aussi. La D. A. Z. déclare, le 21., « que les décisions rapides ne

sont pas toujours des décisions de bon gouvernement ; que l'actuelle situation économique et sociale de l'Allemagne exige avant tout du calme, de la tranquillité, et que les victimes de la Bülow Platz (on est sûr d'avance qu'il y aura des victomes), ne vont pas, certainement, contribuer à les assurer 11, Mais il ajoute : « Schleicher causera avec le ministre de l'Intérieur, D• Bracht, et s'occupera personnellement de la manüestation de demain. On dit qu'il la défendra. Nous n'observons que ceci : le gouvernement apparaîtra comme reculant devant les mena­ ces communistes. De toute façon, il faut apprendre en des oc­ casions pareilles à bien méditer les résolutions. li Schleicher cause avec son ministre. Celui-ci a besoin d'une

heure pour lui démontrer qu'il n'y aura pas d'incidents: « La police est maîtresse de la situation "• dira aussi expressément le Préfet de Police. · Alors, nouvel argument de la cc Rote Fahne J> : « Pour satis­

faire le désir provocateur des nazis, le 11ouvernement va sou­ mettre les agents de police à une corvee supplémentaire et exposer leur vie ! )>

Notre propriétaire, une bonne petite bourgeoise, nous con­ seille de faire provision de vivres : « Le dimanche sera un jour sanglant. Les morts se compteront par dizaines. Il surgira des grèves, peut-être même la grève générale, il. faut toujours se méfier des ouvriers. Suivez mon conseil, achetez des provi­ sions ... "

•*• Dimanche matin. Pas moyen d'arriver jusqu'à la Bülow

Platz. Lès accès sont barrés par la police. La carabine à la main, les agents ferment les rues. Nous parcourons les grou­ pes d'ouvriers qui se tiennent partout, On discute ferme. Qu'est• ce qu'on fera ? Qu(est-ce qü'il aurait fallu faire ? Est-ce qu'on fera quelque chose ? Désorientation profonde. La police parcourt les rues. Une a1:1to blindée fait son appa­

rition à, grand fracas. Les bouches grlBes des quatre miti'éilleu­ ses soilt sa!uées avec méptjs Pal'. Jes ou~iers :

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MASSES

- Il leur faut ce truc-là pour venir chez nous ... - Qu'ils nous laissent manifester devant l' « Angrii » (jour-

. na! fasciste de Goebels). Nous ne demandons pas à être proté­ gés par des autos blindées. - Il ne faudra pas non plus barrer les rues ... . -=- Ni mettre des flics sur les toits ... L'indignation, la rage grondent dans le quartier. Les trois flèches sur quelques boutonnières signalent des

adhérents du " Front de Fer >>. Ce sont des ouvriers socialistes. Ils discutent entourés de communistes. - Une fois encore vos chefs font le jeu des fascistes. Ils vous

ont dit de rester aujourd'hui chez vous. Ils ont éloigné les Reichsbanner. Nous voulons l'unité, nous voulons que vous luttiez avec nous ... Est-ce que vos chefs veulent l'unité ? ... - Nos chefs, nos chefs.... C'est toujours la même chanson.

Est-ce que les vôtres vous dirigjlnt mieux ? ..• Que font aujour­ d'hui vos chefs ? Ils vous ont dit de venir ici crier : " Rot

· · Front )>. Vous criez, vous ne faites que crier ... · Une colonne vient de se former .. Tentative de mani.festation. « A bas le gouvernement I A mort Hitler ! » Les flics accourent. Coups de matraque. Des fenêtres, tom­

bent des huées sur les agents. Les carabines braquées sur les maisons, ceux-ci ordonnent : " Fermez les fenêtres ! Fermez les fenêtres l » .

On cause dans un groupe. Un vieil ouvrier signale les gens qui reviennent pour crier : « Les gosses... ça, ce n'est rien ... On ne fera rien avec des cris. Où sommes-nous les 800.000 qui avons voté communiste ? Descendre de tous les quartiers, tom­ ber sur la place où eux sont massés maintenant et les écraser comme des vers... comme des vers... "· Et ses doigts maigres écrasaient des vers. - Le Parti doit avoir ordonné de se concentrer dans les quar­

tiers, pour empêcher les nazis de partir vers la Bülow Platz ... - Le Parti a dit de se rassembler aux environs de la place

pour manifester. Qu'a-t-il dit réellement le Parti ? Des responsables nous ont

confirmé ce dernier mot d'ordre, Combien étions-nous sur le vaste périmètre qui entoure la

Bülow Platz ? Trente mille,' quarante mille, peut-être soixante mille. Mais on ne voyait que des groupes ; on causait, on criait jusqu'à l'arrivée de la police. Et c'est tout.

, Rien que des groupes, des groupes impuissants. Berlin ou­ vrier n'avait pas répondu à l'appel du Parti Communiste. Dans le danger, le P. C. restait seul, n'avait pas la confiance de la masse. La bourgeoisie venait de le constater d'une façon déci­ sive. Vers cinq heures et demie, tout était fini. Les dernières co­

lonnes nazis, presque invisibles derrfëres les colonnes policiè­ 'res qui les gardaient, abandonnaient le quartier de la Bülow Platz. Mieux qu'une manifestation nazi, on pouvait dire qu'une manifestation de la police, armée de toutes ses armes, avait eu lieu sur la place et ses environs. Dans cette remarque, les mili­ tants, de retour dans leurs maisons, puisaient une pauvre con- solation. ,.

, Six heures du soir. Nous arrivons jusqu'à la maison « Karl · Liebknecht ». Des flics armés· de la' carabine se tiennent encore 'sur le trottoir. Les mains vides, la défaite au cœur, nous par­ tons avec quelques ouvriers. Le cri qui a martelé nos oreilles toute la journée s'accroche encore à nos pas : " Circulez ... cir­ culez... circulez... ». Et encore à !'Alexander Platz, quelques nazis, deux, trois, isolés, qui s'en retournent, eux aussi, après leur « jn'ouesse », passent entre les ouvriers. Ceux-ci les cons­ puent, les sifflent, et c'est tout ...

• •• ' Dans la tragédie allemande, la Bülow Platz fut un point cul­ minant, un moment décisif. Les chefs social-démocrates créeront cette justification scan­

daleuse qu'ils mirent en circulation : « Les communistes nous reprochent d'avoir livré, le 20 juillet, l'Etat de Prusse aans ré­

.sststance, est-ce qu'eux ne se sont pas laissé sortir leur garde · · de la maison Karl Liebknecht par la police, de la même façon,

le 22 janvier ? » . Les événements vont se dérouler maintenant à une vitesse accrue, Le 25, le Parti Communiste « réplique » par une mani­ festation antifasciste qui défile pendant quatre heures devant la .maison Karl Liebknecht. Par un froid glacial, plus de f20.000 .ouvriers sont venus des quartiers les plus éloignés de Berlin. Une jeunesse magnifique forme l_es cadres antifascistes.

13

Un entrain, un enthousiasme, une décision que nous n'avions jamais vus. Organisés par rues, par maisons avec leurs ban­ deroles. passent ces troupes· ouvrières devarit nous. De nou­ veau, quelle impression formidable ! Seulement, cette Bülow Platz... Et c'est l'impression qui nous domnera en entendant les toncüonnaires répéter, à l'arrivée de chaque colonne, face l'estrade où se tenait le C.C. du P.C., le cri : ,, Berlin rouge salue avec un triple Front Rouge le C:.C. du P.C.A, qui a à son sommet le camarade Thaeli:nan 1 ».

•*• Le 25, à Dresde, dans une salle où se tenait une réunion anti­

fasciste convoquée par les communistes, la police tire sur les assistants tuant 9 ouvriers, en blessant i3. Ce fait incroyable est resté sans réponse véritable : on n'a pas pu déclencher la grève générale locale. Schleicher demande à Hindenburg les pouvoirs pour dissou­

dre le Reichstag. Mais son sort était déjà réglé. Hindenburg les lni refuse et appelle von Papen. Commencent des pourparlers avec Hitler, Hugenberg, etc., qui semblent vouloir, comme les autres, traîner en longueur. Le 29, le Parti social-démocrate affirme au Lustgarten de

son côté, " répliquant l> aussi à la provocation du 22 : « Berlin reste rouge l "· " Social-démocrates, gardez votre discipline tra­ ditionnelle. Vous serez peut-être appelés à employer vos der­ nières énergies ». « Social-démocrates, soyez calmes ». Mais, dans cette manifestation, un spectacle nouveau. Le S.

A. P., formé dans une colonne indépendante, arborant le por­ trait de Rosa Luxembourg, appelle, dans un chœur parlé, in­ lassablement répété, au front unique : « S. P. D., K. P., S. A. P. doivent marcher ensemble ».

•*• Et alors, sur l'insouciance de ces partis qui parlent d'un coup

d'Etat sans le croire sérieusement, arrive comme une -toudre, le lundi 30 janvier, la. nouvelle : " Hitler Reichkanzler ! ».

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' .. .._. ~,,:. .. Y··

14 MASSES

'\

Ce même soir nous accourons à la « Masch », l'école mar­ xiste du P. C. L'atmosphère est morne. Nous abordons anxieux les premiers camarades du P. C. « Que va-t-on faire?» - « Que veux-tu qu'on. fasse» - « Est-ce qu'on laissera Hitler s'installer au pouvoir ? » - « Qui peut l'en empêcher ? » - u Mais vous croyez que la classe ouvrière restera ,passive? l> - « Bien sûr ... Peut-être, quelques grèves partielles. » - u Mais le Parti ? » - " Que peut faire le Parti ? » Coup de massue. Mais nous essayons de leur dépeindra

l'espoir immense, l'attente énorme, l'attention suprême avec lesquelles le prolétariat du monde entier suit leur attitude ... Cela les déprime encore. D'autres arrivent. Le cercle s'élargit. Il y a là des ouvriers

de fabriques, des chômeurs, des étudiants. Il y a là, amer­ tume, une rage d'im.puissance atroce. - « NOUS N'AVONS PAS DE PARTI, NOUS N'AVONS

PAS DF.s CHEFS I QUE POUVONS-NOUS ? LE 20 JUILLET, LE PARTI APPELA A LA GREVE GENERALE, EST-CE QUE LES FABRIQUES SE SONT ARRETEES ? NOUS NE DECI­ DONS RIEN ... SANS LES OUVRIERS SOCIALISTES, NOUS NE POUVONS RIEN. « D•'AILLEURS, HITLER S'USERA VITE. IL NE POURRA TENIR SES PROMESSES. » - « HITLER SIGNlFIE LA GUERRE ET LA GUERRE SIGNI­ FIE LA REVOLUTION » - u LES NAZIS N'OSERONT PAS JETER LE P.ARTI DANS L'ILLEGALITE, » -- u IL LE FERA, MAIS ÇA VAUT MIEUX. LE PARTI RESSORTIRA FORT'.l­ FIE. » ~ " LES MASSES ONT BESOIN DE CETTE EXPE­ RŒNCE NAZI. APRES ELLES VIENDRONT A NOUS. » Et l'un d'eux esquisse un fantastique schéma avec les Etats-Unis, la Pologne, la Roumanie ... Non seulement, ils n'ont pas une idée commune, mais chacun d'eux a 4, 5 idées différentes qu'il exprime à tour de rôle .... - « LE PARTI N'A PAS EU D-E POLITIQUE. » - « TOUT ETAIT POUR LUI LE FASCISME. BRUNING C'ETAIT LE FASCISME, LA SOCIAL DEMOCRA­ TIE C'ETAIT LE FASCISME VON PAPEN C'.::TAIT LE FAS­ CISME, SCHLEICHER C'ETÀIT LE FASCISME ... » Un fonc­ tionnaire intervient : « - OUI, CA A ETE LA POLITIQUE DE NEUMAN. ON L'A D'AILLEURS DEJA SEVEREMENT CON­ DAMNEE AU SEIN .DU PARTI. »

Confusion, désàrrot; manque total de confiance dans leur Parti, dans Ieursrèhefs ... Et sous nos yeux fond comme un morceau de sucre dans l'eau le formidable Parti communiste allemand, le premier parti de Berlin, la plus puissante Sec­ tion . de l'i. C.

Dans la rue, ce soir, à !'Alexander Platz nous recevons, des majns de jeunes socialistes, la feuille extraordinaire que venait d'éditer la Social Democratie. En la prenant nous de­ mandons : - Et bien ?-.. - « JETZ. ABWARTEN n. C'est-à­ dire : MAINTENANT ATTENDRE. Leur honteuse formule ! Dans la feuille, nous lisons : « Face au gouvernement de menace de coup d'Etat, la Social Démocratie et tout le Front de Fer se maintiennent AVEC LES DEUX PIEDS, SUR LE TE-RRAIN DE LA CONSTITUTION ET DE LA LEGALITE. LA SOCIAL DEMOCRATIE NE FERA PAS LE PREMIER PAS POUR EN SORTIR. » Les laquais, les fidèles laquais f ••• A l'autre bout de Berlin, les nazis réalisent leur « héroïque »

« marche sur Rome », promise il y a Ionqtemps par leur Führer. Concentrés en hâte au Tier Garten, ils " conquièrent » Berlin, rentrant par la Porte de Bandenbouq. La Rote Fahne du 31 portant un appel à préparer la grève

générale est saisie. Le ,, Vorwaerts » prévient que « Faire la qrève générale maintenant, serait gaspiller les munitions de la classe ouvrière, tirant dans le vide. » Les Svndicats réfor­ mistes prêchent : " Du sang-froid et de la . prudence »,

.Dans tous les quartiers ouvriers de Berlin, et à l'intérieur de l'Allemagne, les communistes organisent des manifestations oui n'ont pas beaucoup d'écho. Des chœurs parlés appellent dans quelques fabriques à préparer la grève. La manifestation que le P. C, convoque pour Je 3 février au Lust Garten, est interdite par la police... ·

B'Jtler fixe les élections au 5 mars. On emprisonne à Lübeck un députe social démocrate. Une

grèvè générale unanime d'une heure est la réponse de la clas­ se ouvrière de Lübeck, La nouvelle a, à Berlin, une répercus­ sion extraordinaire. Les ouvriers puisent dans cette étincelle un regain d'espoir et de confiance. De si peu doit se nourrir cette puissante classe ouvrière allemande f Le 6 février, Je cas se répète à Stassfurt. Le maire social

démocrate de la ville a été tué. Et de nouveau, le jour des obsèques, . une grève unanime ferme les uslnes et les maqa­ sin.s. Lès"· ·O'uvrien · ·oommenteot avidement ce11 deux faits, eo

rappelent 1918-i9, et disent : « TOUT N'EST PAS ENCORE PERDU. LES CHOSES PEUVENT COMMENCER COMME ÇA, PETIT A- PETIT. LES GREVES PEUVENT DEFERLER DE.

l,'#Jli:fCn:v~~fü, 0:;G~~~uJi1• L'!:tLf~~E~,; ET , ·,,

Le 7, première et dernière réunion de masses sous Hitler, à Berlin. La Social démocratie manifeste au Lust Garten. Le chef de la fraction communiste au Reichtag, député Torgler, demande l'autorisation de lire devant les masses socialistes un appel de Front unique que leur adresse Je P. C. On le lui refuse, et l'incident, qu'on ;ne connaîtra qu'au lendemain, est clos. Otto Wells défend dans son discours la politique de la social démocratie depuis 1918, et finit disant aux masses : « LE P~UPLE AURA L'OCCASION, LE 5 MARS, DE PREN­ DRE, DE NOUVEAU, SON DESTIN DANS SES MAINS ! » Trois " Freiheit » saluent le discours du chef socialiste. Leur écho n'est pas encore éteint, et de l'autre côté de la place, un puissant « ROT FRONT n, qui, crié par des milliers de voix, éclate comme un tonnerre. Mouveme<Ilt, surprise : - « LES COMMUNISTES SONT LA... n - 11 UNIS... ON MARCHE ENSEMBLE ... » - 11 CES GENS NE VIENNENT QUE POUR FAIRE DU DESORDRE ... » - « NE DIS PAS DE BETISES. » -· « L'UNITE.:. L'UNITE... » - « TOUS LES OUVRIERS COMMUNISTES DEVRAIENT VOTER LA LISTE SOCIAL DEMOCRATE C'EST SUR QUE LEUR PARTI SERA DE­ CLARE ILLEGAL. » Künstler, un des chefs socialistes, dit quelques mots :

« - M~S FRERES. MES SŒURS, N'AFFAIBLISSE/l PAS CETTE MAGNIFIQUE DEMONSTRATION PAR DES INCI­ DENTS. ET SURTOUT, NE VOUS LAISSEZ PAS PROVO­ QUER. LA VIE ET LA SANT'.E I$S OUVRIERS BERLINOIS NOUS SONT TROP CHERES POUR LES METTRE EN .JEU A LA LEGERE. IL FAUT LES GARDER POUR LE JOUR DE LA LUTTE. » Et maintenant chantons notre marche socia- lista : ·

11 Nous ne combattons pas avec les armes des barbares, Nous ne voulons des fusils, nous ne voulons des lances Le drapeau du droit, l'épée spirituelle, Nous conduisent au triomphe. »' La réunion est finie. On commence à se retirer. On entend

encore quelques cris : « FRONT UNIQUE ... " « L'UNITE ... " Un groupe de militants, au cri de : " A MORT, HITLER... n 11 A BAS LE GOUVERNEMENT ... " orend nar la Bruders­ trasse, I1s sont de plus en plus nombreux, Ils- avancent main­ tenant par la large Rosstrasse. Ils ont rempli la rue, ils ont rempli les trottoirs, les gens accourent de tous les côtés, c'est un véritable fleuve qui coule sans arrêt. Les flics les regardent passer sans intervenir. On y voit sur les boutonnières, les trois flèches, la faucille et le marteau : « A BAS LE GOUVERNE­ MENT... » " ROT FRONT... » « FREIHEIT... » « A MORT

··HITLER ... " « BERLIN RESTE ROUGE "· Dans les coins, on commente, surpris : « ILS MARCHENT ENSEMBLE ,,. - « S. P. D. ET K. P. D. SE SONT UNIS. n - « DIEU !SOIT RENI. NOUS· NE CRAIGNONS PAS MAINTENANT AUCUN HITLER. " C'est une petite vieille qui dit ça. Elle lève le poing : « ROT FRONT ». et ses yeux sont pleins de larmes. : Ils avancent toujours. Ils ont pris maintenant la Dresde­

nerstrasse. Devant un · local nazi se tiennent quatre schupos. On voit un amas de· chemises brunes se nressant contre les vitres de la porte fennée. Et on assiste à èette chose extraor­ dinaire : le 7 février, une manifestation illégale, spontanée, dans laquelle marchent ouvriers socialistes et communistes, sous le gouvernement d'Hitler, crie aux oreilles des nazis enfermés dans leur local et gardés par quatre schupos : « A MORT HITLER .. , >> « A BAS LE GOUVERNEMENT FAS­ CISTE,,. »

JUAN RUSTICO.

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.,, ( _/ .

M~SSES

La Commune

;J ..

Le programme de la Commune (Extraits de la proclamation du 17 avri 1 1871) La reconnaissance et la consolidation de la République, seule

forme de gouvernement compatible avec les droits du peuple et le développement régulier et libre de la Société. L'autonomie absolue de la commune étendue à toutes les loca­

lités de France et assurant à chacune l'intégralité de ses droits et à tout Français le plein exercice de ses, facultés et de ses aptitudes, comme homme, citoyen et producteur. L'autonomie de la commune n'aura nour limites que le droit

d'autonomie égal pour toutes les autres communes - adhérentes au contrat, dont l'association doit assurer l'Unité française. Les droits inhérents à la commune sont : Le. droit du budget communal, recettes et dépenses ; la fixa­

tion et la répartition de l'impôt. la direction des services, lo­ eaux, l'organisation de sa magistrature, de la police intérieure et de l'enseignement, l'administration des biens appartenant à la commune ; Le choix par l'élection ou le concours, avec la responsabilité

et le droit permanent de contrôle et de révocation, des magis­ trats on fonctionnaires communaux de tous ordres ; La garantie absolue de la liberté individuelle et de la liberté

de conscience ; L'intervention permanente des citoyens dans les affaires com­

munales par la libre manifestation de leurs idées. la libre dé­ fense de leurs intérêts : garanties données à ces manifestations par la commune, seule chargée de surveiller et d'assurer le libre exercice du droit de réunion et de nublicité ; L'organisation de la défense urbaine et de ia garde nationale,

qui élit ses chefs et veille seule au maintien de· l'ordre dans la cité.

. Paris ne veut rien de plus, à titre de garanties locales, à con­ dition, bien entendu, de retrouver, dans la grande administra­ tion centrale, délégation des commuITTes fédérées, la réalisation et la pratique des mêmes principes.

. i;u'niié, 0

teÜe 'qu.'elie ~o~s ; été imposée jusqu'à 0

ce 0

jo~r 0

pa; l'empire, la monarchie, le parlementarisme. n'est que la centra­ lisation despotique, inintelligente, arbitraire ou onéreuse. L'Unité politique, telle que la veut Patis. c'est l'association

. volontaire de toutes les initiatives locales, le concours spontané et libre de toutes les énergies individuelles . en vue d'un but commun, le bien-être, la liberté. la sécurité de tous. La Révolution communale, commencée par l'initiative popu­

laire le 18 mars, inaugure une ère nouvelle de politique· expéri­ mentale, positive, scientifique.

.•

L'agonie et la

l&

, curee

Nous extrayons du Moniteur des Communes, journal officiel des Versaillais, numéro du 1•r juin 1871, deux des derniers appels adressés au prolétariat parisien par les communards. On appréciera le commentaire versaillais ; il justifie pleinement l'inquiétude et le courage désespéré qu'expriment la deuxième proclamation. On connaît, d'ailleurs, l'horrible et abject bilan de la répression.

Voici la dernière affiche émanant du Comité Central qui a été affichée sur les murs de Paris dans la journée du 24 mai :

COMITE CENTRAL Soldats de l'armée de Versailles, Nous sommes des pères de famille, Nous combattons pour empêcher nos enfants d'être un

· jour comme vous sous le despotisme militaire, Vous serez, un jour, pères de famille. SI -veus tirez sur le

peuple aujourd'hui, vos fils vous maudiront comme nous maudissons les soldats qui ont déchiré les entrailles du peuple en juin 1848 et en décèmbre 1851.

Il y a deux mois, au 18 mars, vos frères de l'armée de Paris, le cœur ulcéré contre les, lâches qui ont vendu la France, ,ont fratemisé avec. le péuple : Imitez-les.

Soldats, nos enfants et nos frires, écoutez bien ceci, et que votre conscience décide. Lorsque la consigne est infâme, la désobéissance est un

devoir ! 3 prairial an 79.

Le Comité central. Ce dernier cri des tigres qui ont brulé Paris mérite d'ètre

recueilli par l'histoire. . Ainsi, ces bandits, ü l'heure même où ils préparaient le

crime épouvantable qui a détr uit la capitale <le la France, se proclumnient pères de famille.

Un odieux mensonge et un appel ü la trahison, c'est ainsi que s~ résument les adieux du Comité central. . . . . . . . . .

Voici une proclamation empruntée nu dernier numéro du Satu; public, l'un des organes les ,plus violents de la Com­ mune, dont le directeur, M. Gustave Maroteau, n'a pas cesse pendant deux mois dt prêcher le meurtre et l'Ince ndie :

Citoyens, La trahison a ouvert les portes à l'ennemi ; il est da01s

Paris ; il nous bombarde, il tue nos femmes et nos enfants. Citoyens, l'heure suprême df! la grande lutte a sonné.

Demain, ce soir, le prolétariat sera retombé sous le joug ou affranchi pour l'éternité. Si Thiers est vainqueur, si· l'As­ semblée triomphe, vous savez la vie qui: vous attend : le travail sans résultat, la misère sans trève. Plus d'avenir ! Plus d'espoir ! Vos enfants que vous aviez rêvés libres res­ teront esclaves ; vos filles, que vous aviez vues belles et chastes, vont rouler flétries dans les bras de ces band'its.

11 Aux armes ! aux armes ! Pas de pitié . 1C Fusillez ceux qui pourraient leur tendre la main 1C Si vous étiez défaits, ils ne vous épargneraient point.

Malheur à ceux qu'on dénoncera comme les soldats du droit ; malheur à ceux qui auront de la poudre aux doigts ou de la fumée sur le visage. Feu,! Feu ! Pressez-vous autour du d:rapeau rouge sur les barrica­

des, autour du Comité de salut public. Il ne vous abandonnera pas. . Nous ne 'vous abandonnerons pas non plus. Nous nous

battrons avec vous jusqu'à la dernière cartouche, derrière le dernier pavé.

« Vive la :République ! Vive la Commune ! vive le Comité de salut publio ! » ••..

Directeur politique : Gustave MAROTEAU.

Les 20.000

soldats fusillèrent personnes (Lissagaray)

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·!>,., M-ASS.ES

Libres ·criti,ques Le Paradis infernal (1)

i'vl. Victcr Dol'el, ancien ministre de l'Agrioulture, est allé eu lU{.S.S. Il en u rapporté une œuvre qu'il a voulu clifférenle des J'é_cits

trop bourrés de « subjectif )> ; pour tout dire, une étude scien­ ti!iqU(), avec tout ce que cet attribut comporte de qual!tés de conscience, de profondeur, d'objeclivité, {le sérieux, d'impar­ tialité et de désintéressement. Ce sont lù les seules caractéristiques que 1'011 puisse exiger

de quelqu'un qui n'est pas des nôtres et, si ces . conditions avaient été réunies par ,, Le Paradis Infernal» (mais comment espérer après un l~l titre ! ?) , nous aurlonarendu grâce à M. V .• Boret de nous avoir procuré l'ineffable joie de rencontrer un haut bourgeois dont le prototype se trouve normalement dans le royaume d'utopie l Mais nous devons nous Iaire une raison, rien ne descendra

. de ce royaume idéal, I'œuvro de ,1\1. Borel ne satisfait pas à ce programme minimum. · L'auteur n'a pas abordé le territoire de l'Union avec cet état

d'esprit salutaire qui consiste à vouloir sincèrement faire table rase de toutes ses habitudes de penser, de sentir et de juger, afin d'adapter une psychologie neuve et un. œil neuf ù un domaine neuf.

Que l'on ne nous rétorque pas que c'est lit une gymnastique impossible pour un bourgeois, les .Jivres de P .. Dominique et de Luc Durtain nous ont, en Jeur temps, abondamment prouvé le contraire. De prime abord, nous sommes d'autant plus auto­ risés à formuler cet important reproche que, dans la préface de son livre, il promet de ne pas avoir à l'encourir. Au Heu de prendre comme attitude directrice cette disposi­

tion rationnelle, logique, objective, scientifique, qui est juste­ ment J'apanage du véritable esprit critique, de libre examen, dont il vante tant verbalement les bienfaits et dont il reven­ dique la possession pour les seuls « peuples éclairés ·des démo­ craties occidentales i>. Au lieu de partir d'un système de juge­ ment pur, puis traverser les couches des réalités de là-bas, pour les critiquer, les approuver ou les sanetionner en Ios confrontant toujours étroitement avec ses idées, ses sentiments, ses coutumes acquises et ses représentations, afin aussi de les critiquer, de Ios éprouver, de les réduire ou de les confirmer et même de les exalter, s'il. le' peut. Au Heu de subordonner le côté passionne! au côté rationnel, il a saisi le problème par le mauvais bout, celui de au coutume, de Ia passion et du préjugé ; et seulement après, il juge et, si cela se peut, ~l tombe juste. Mais, comme l'on pense, eela ne se peut pas souvent et ne

se produit que par pur ricochet et sans que, la plupart du temps, l'auteur l'ait voulu. Ainsi, sou œuvrc ::;o présente sous lu Iorrno {l'une strauücu-

1 ion trouble, ouchevètréc, .,{<\ pr(,jug(,s, de seutiments trudi­ ttonneis, d'adhésions conditionnelles, de reculs, de répulsions, de jugcnwuts unüutéruux et spécieux, de sophismes, de lieux communs, de ruisonucmcnts gratuits, d'aprm;u;; contestables et d,: rouclusious Iucilcs, 11:Jui sont mulheurcuscruent dignes des plus belles sentences de MM. Clemeut Vuutel et Louis Forest, dont elles ont trop souvent la saveur et l'esprit. Le tout alimen­ terait. admirablement un manuel bourgeois do propos pour dîner en ville ; nous connaissons bien ces pensées toutes faites (qui dispensent de penser) sur la chose soviétique et que nos bons bourgeois sont si heureux de servir quand ils veulent . nourrir une conversation « sérieuse » et qui servent admira­ blement à masquer leur hostilité, leur incompréhension el leur égoïsme. Sur cette stratification surnagent quelques vérités objectives,

la plupart favorables aux Soviets (prises isolèrncnt) , mais qui sont d'ailleurs toujours discutées, amoindries et même niées finalement, alors qu'à elles seules elles contredisent et rédui­ sent à néant tout l'appareil irrationnel dont nous venons de parler. ' Mais que- se, cache-t-il sous cet appareil ? . Tout au long de son livre, de façon latente, sous-jacente, insi­

dieuse, puis, dans la conclusion, sur un mode expansif, brutal même, s'étalent tous ces attributs d'hostilité, que nous ne connaissons que trop et qui sont ceux de tous Ies capitalistes

(1) Aristide Quillet, éditeur, Paris 1932.

qui ont eu à juger le problème soviétique. C'est là, en somme, l'infrastructure de II Paradis Infernal 11, et cette infrastructure se complète d'une considération qui vaut son pesant d'or, nous ne croyons pas mieux faire que de l'illustrer par cette cita­ liou (1) : « Qae toutes les nations capitalistes s'entendent pour refuser

«< d'alimenter une nation qui proclame son dessein de provo­ " quer la riYolution en tous lieux, c'est une politique ! C'est « la politique !l'l blocus qui a été essayée et qui a échoué. " M. Boret a tort de dire que cette politique a échoué, elle a

au moins permis les 20 millions de morts de la famine de la Volga, en 1921 l · Et cette autre citation, qui la complète (1) : « Les nations font des affaires avec les Soviets. Sachons que,·

u chaque fois que notre pudeur- capitaliste se refuse à des rela- ·. « üons avec !'U.R.S.S., la co:mm,a,nde est transmise à un ' « concurrent moins naïf et moins seotimental. » Voilà, en quelque sorte, le mot de la fin ! Nous voudrions maintenant traduire quelques points de vue

particuliers d~ M. Baret sur !'U.R.S.S. ; en voici pêle-mêle : - Tout en glorifiant, en déifiant même le travail, les bolche­

vicks ont institué Ia journée de 7 heures et la semaine de 5 jours. (La vraie façon d'honorer le travail consiste sans doute à travailler 14 heures par jour et à se reposer 1 jour par mois, n'est-ce pas ?) - Le marxisme est une religion en tous .points assimilable à

la religion catholique. Elle a ses enfants de Marie, ses moines, ses fanatiques, son prophète (saint Lénine) et son Dieu (Marx). - Il n'y a aucune différence entre un citoyen soviétique et un

sujet tsariste. - Si les Soviets manifestent de la répulsion à l'égard des

capitaux étrangers, e'est par peur et par faiblesse. - Exaltation du geste des Koulaks qui détruisaient les récol­

tes et brisaient leur outillage pour ne pas en .faire profiter _les paysans « .pauvres et paresseux ». - II paraît que notre politique interventionniste a sauvé iles

Lolchévicks en ralliant, grâce au sentiment national, exalté par l'attaque déchaînée de toutes parts, les masses qui, pour la plupart, leur étaient hostiles.

(Les vrais révolutionnaires, ce sont les interventionnistes, somme toute.) - Nous devons être impitoyables à l'égard du mouvement

communiste en France. - La collectivisation des terres est, au fond, une réaction de

peur devant les masses paysannes disséminées en exploitations. autonomes. - En R_ussie soviétique, le voyageur est comme un scaphan­

drier sous l'eau : il ne voit pas loin. Nous en prenons note ! alors, Monsieur Baret, vous nous interdisez vous-même de prendre votre livre au sérieux !) Toute une série de jugements et d'affirmations de ce goût

forment le tissu conjonctif du livre de M. Boret, qu'il s'agisse du sort (le I'ouvrior et du paysan, de la morale et des mœues, de la politique d'industrialisation et de la question paysanne, de la constitution politique et des principes collectivistes, du sulilhue e[fort de recherches et de. découvertes seientifique§ et de tout ce que l'on fait là-bas pour élever toujours plus haut le niveau culturel des masses. Efforts qu'il reconnait d'ailleurs et, qu'il se plaît à louer et à confronter avec les maigres réalisa­ tions françaises dans cet ordre d'idées, tout au long .d'un chu­ pitre de près de 100 pages ! Tout cela se .passe de commentaires 13t nous n'aurons .pas lu

naïveté de dire à M. Boret qu'il n'est qu'une seule réalité, celle qui s'exprime par des rapports ; qu'au lieu de soumettre le fait. soviétique au standard irréel du parfait, il aurait dü confronter. (au sens réel de ce mot) la courbe ascendante de l'union sovié­ tique depuis qu'on l'a 'laissée en paix après l'avoir saignée à blanc, à la courbe calanuteusement décroissante de tous les pays capitalistes depuis la crise ! M. Baret est trop exigeant ! U reproche Iroidement aux bol­

chevieks d'avoir renié les préceptes du marxisme sous prétexte qu'en dix ans de paix (!), il n'a pas encore réalisé le socialisme à la lettre, c'est-à-dire la suppression des classes, l'égalité et la liberté intégrales, et apporté aux masses une félicité et un bonheur paradisiaques - ajoutons en passant qu'il trouve le moyen de formuler une condamnation aussi catégorique, mal-

(l) Ces deux citation.:i sont extraites de la page 349, elles se complètent donc à la lëttre. .

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gré qu'ailleurs il dise : « Nous ne pouvons juger définîtivement, . nous devons attendre que le temps sanctionne. »

Ajoutons pour terminer que, dans toutes les défenses du capitalisme qu'il présente en contre-partie de l'Enfer panbol­ chévique, son argumentation est pauvre, faussement optimiste, elle s'apparente ·plutôt à ccttr éloquence venteuse des discours mtnistériels du dimanche. En résumé, en dehors de quelques considéraüons Iiisto­

riques archi-connues, rien n'est littéralement à retenir de ces quatre cents pages.

GEORGES BENICHOU.

Déposition de Blanc ' .

Le Iivre üe Jacl[ues Viot, qui est 1e fruit d'un voyage aux Indes NéerIanuuises et_ en Nouvelle-Guinée, est un curieux mélange de clalrvoyaucs 11olit1que et d'attachement sentimental à des valeurs magiques aventureuses, V10t a UIHl expérience directe du primitif, il a fréquenté les

l'apous ue Nouvelle-Outnée, et il a. vu à I'œuvre, parmi ces peu­ ple;, les missionnaires calvinistes et les agents de l'impérialisme holjandats .; la « nocivité » des missionnaires, en particulier, lui. arrache des accents d'une belle indignation, mais où l'on a bien lle la peine à retrouver un point de vue cohérent sur les causes, les caractères et le développement de la. colonisation blanche.

Viot s'attache ct 'abord à des griefs très personnels contre tels ou tels personnages, représentants autorisés du gouvernement hollan­ dais ou des missions, contre tillle compagnie de navigation, tel ethnographe peu scrupuleux. Cette partie est ce qu'il y a de moins intéressant .dans le livre. Viot s'élève d'aillem·s â une conception plus générale entre

l'indigène et le blanc, et c'est co qui fait l'originalité de l'ou­ vrage. Le blanc, écrit-il, est nutstble par le fait seul cle sa pré­ sence. Et sans doute, ajoute-t-ll. faut-il voir dans cette nocivité une action de caractère magique dont nous ne pouvons compren­ ure le mécanisme, mais que nous sommes- bien forcés de constater en fait. l'eut-être, Instnue-t-û, cette nocivité vient-elle de ce qui s'attache de . mystérieux à nos paroles et à nos gestes. « Nous n'avons pas inventé les bougies pour tuer les papillons. Elles les tuent cependant, " De môme, ce n'est pas pour tuer le Papou que le blanc se rem! en Nouvelle-Guinée ; il le tue cependant, sans le vouloir et même sans le savoir. Cette idée de Viot est naturel-

. Iernent contestable, et il me semble que, sous la forme supersti­ tieuse qu'il lui donne parfois, elle ne saurait ëtre sérieusement .soutenue,

11:Cais Viot, moins Iantaislste, nous représente aussi, en termes plus précis, I'activité des misslonnatres en Nouvelle-Guinée ; et, ici, personne ue saurait contester la générosité et la légitimité de ses déclarations , les missionnaires enlèvent au Papou tout ce qui constitue pour lui la joie de vivre. La lutte acharnée qu'ils mènent non seulement contre la magie, mais contre Ies danses, les chants, 1es ornements, ne laisse subsister que « lés maigres déploiements d'une religion féroce, sans cérémonies, hostiles à ce rite, qui seul pourrait toucher des primitifs - et, pour plus grande attraction, un ancien boucher, vëtu u'une jaquette de pendu.j. les béntssant de ses deux mains courtes et poilues », D'ailleurs, que peuvent espérer les mtsstonnaires de ces hommes yui, même convertis, ne savent. absoluruent pas à quoi ils sont convertis ·1 Un des passages les plus remarquables du livre est celut où un missionnaire, répondunt â une question insidieuse de Viot, avoue ingénument espérer que la fille d'un Papou, bien que non baptisée, aura été mlrnlse au ciel. Alors, se demande-t-on, à quoi bon baptiser ces Innocents '! L'appel de Viot contra l'en­ treprise absurde et dangereuse des nnssions mérite d'être entendu : • Qu'aux sociétés pour les missions répondent Ies sociétés contre Ies missions, et que chaque missionnaire trouve devant lui un messager de rémtsston ! n

Le livre de Viot apparaît ainsi comme mal dégagé de certaines vues confuses, <l'un amour sanrunental pour Io « primitif " qat rappelle sans doute trop le fameux ·« bon sauvage " du dix-hui­ tième siècle. Il ne tient pas compte des conditions économiques qui expliquent historiquement la colonisation. Nous n'apprenons pas dans son livre pourquoi les Hollandais sont venus sur ces

· terres (les Papous, pourquoi les missionnaires s'y obstinent à prëcher un Dieu qu'ils savent bien incompréhensible à ces prlmt­ tif& · nous devinons même mal, malgré les affirmations répétées de Viot on ce sens, pourquoi le temps de la colonisation blanche est près de s'achever, pourquoi les· impérialismes ne vont pas tar­ ùer à s'effondrer. En réalité, si le livre de Viot est utile à qui veut savoir ce qu'est la colonisation blanche, et œ que sont ses résultats, il n'en a pas moins besoin d'être complété. L'émancipation des colonies, que Viot prophétise, ne tardera pas

à se produire ; déjà, dans les possessions de ce même Impérialtsme hollandais que Viot stigmatise, la révolte gronde, et ce ne sont

- pas les bombes qui assassinèrent. les matelots du « Zeven-Provi_n­ zien ,, qui l'arrêteronL L'exposition coloma.le est achevée : votct venir le temps de la dépositton des blancs.

1). Stock Editeur.

Jean AUDARD,

Hyd rocentrale 1'7

(1)

Sous prétexte de « coiloclivismo rn1Rnli1·e » (:;,.roi ,UIJJP1m•11 L forme russe de I'ununimisme), tout <Clans œ livre est. dcsordre : la composition, le cerveau · des personnages, leur assemhlugc et même et surtout les plnns et les travaux ile construction de I'Hydrocentrale. Il semble que J'on sai~lt s111· le vif 'les mœurs des chantiers russes. Le plen de I'Hydrocentralo 11'a pas été adopté ; ou il l'a peut-être été, mais personne n'en sai] rien. Les bureaux deviennent des centres d'acoumulation de paperasses venant de tous les coins die la région. Seul un em­ ployé romantique les classera par amour de la science cf. il fuit­ lira être inculpé d'espionnage, Les chefs vivent sous le contrôle du Quépéou, personnifié par des ouvriers que l'on soupçonne « d'en être ,,. Cela n'empêche pas les ponts de céder devant les crues, Et, ainsi de suite ; on réformera le plan, mais non les méthodes de travail. ·

De cet ensemble de « caractères », l'auteur a su tirer jxu-Iois des effets d'une grande couleur e,t même d'une certaine inten­ sité, On la sent parttcuierement ù son aise dans les rêves d'un peintre futuriste ot ses images en acquièrent une certaine ïrut­ cheur qui donne au livre un cachet particulier. On souhaiterait une traduction plus précise dans les expres-

sions techniques. · And.11G RuDAL.

Tsatsa Mninka <2> Panaït Istrati se révèle, une fois de plus, un ]J<.Jète prolundé­

ment empreint du sens de la terre : milieu naturel et êtres humains, 11 n'est plus question ici de canaliser 'les vents rus­ tiques des champs dans les boîtes ù parfum de l'intelligence et du style. Il ignore les artifices du terroir et cepemlunt c'est lu terre, la terre roumaine qui vit dans ces pages. Istrati est doué de vue cosmique : les hommes, eux aussi, sont

un élément de la nature, mais l'élément central, eu définitive, qui, en se moulant aux variations extérieures, se construit une « éternité ,, intérieure supérieure à la constance des inondations et aussi des lois sociologiques. Son panthéisme apparent est un humanisme plus profond, plus humain que l'homme lui-même, humain comme l'individu. · Ainsi ce livre se nomme Tsatsa Mninka, bien que le rôle prin­

cipal semble joué par les eaux conjuguées du Seretll et du Da­ nube. Cependant, d'elles dépendent la richesse et lu pauvreté, elles commandent aux naissances, elles provoquent parfois la mort. Elles ne deviendront véritablement déterminantes que quand elles s'allieront aux forces de l'avenir que lu jeunesse représente, Car cette jeunesse subit des contraintes plus tena­ ces : les mœurs, les traditions, la cupidité, la veulerie, tous les cadavres d'hommes qui encombrent la vie. Mais il vient une époque oit les éléments déchaînés, les rivières en crue redon­ uent la jeunesse à Ia jeunesse : des biens seront perdus, d'au­ tres gagnés et dilapidés, des vies seront perdues, des enfunt.s naîtront, quelques âmes seront perdues par l'approche de lu richesse, d'autres seront gagnées par la pitié: è't I'amour.: Mninka restera Mninka. A. RUDAL,

Livres dont les comptes rendus paraîtront dans nos prochains numéros : Henri de Man : Au delà du marxisme, Atcan Le Socialisme Constructif, Alcan ;

Charles Andler : Vie de Lucien Herr, Hieder Th. Dreiser : L'Amérique tragique, Rieder ; Ed. Berth : Du « Capital >> aux « Réflexions sur Ia violence », Rivière ;

Fr. Engels : ·La situation des classes laborieuses en Angleterre, t. I, Costes ;

Mannoury : Les deux pôles de l'esprit ; Trotsky : Histoire de la Révolution Russe, t. 1, Hicrler ; • Malraux : La condition humaine, N. R. !<', ; F. Challaye : Nietsche ; Madeleine Paz : Une même chair ; Vernusses : Comment voulez-vous mourir ; Rosa Luxembourg : Lettres de la Prison. Pierre Musat : De Marx à Hitler ; Andrée Viollis : Le Japon et son Empire.

(1) Editions sociales internationales. - Collection Horizons. (2) 'Editions Riéder.

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VILLE CONQU1SE(1' Je dédie ce livre à mes camarades de

France et d'Espagne. Car il faut que nous cherchions à déga­

ger de la légende et de l'oubli le vrai vi­ sage de La révolution. Il le faut pour épurer notre force, . obéir

plus librement à la, plus haute nécessité, ne pas lui demander de justifier nos fau­ tes, mieux accomplir ce qui doit être ac­ compli. Et que l'Homme renaisse un jour en

tout homme. V. Serge.

Le vrai visage de la Révolution ... Que connaissons-nous d'elle ? Trop souvent l'image que nous en possédons est entièrement politique. Elle consiste à mettre à nu les forces impersonnelles qui agirent au travers de l'individualité des « conquérants ». Mais leur individualité, qui fut leur vie même et aussi celle de la révolution, reste trop souvent dans l'ombre, et dans le meilleur des cas, nous évitons la question en signalant cc l'habileté et l'ascendant » de Lénine, c< l'au-

·. dace J> de Trotsky. Mais la force concrète de la révolution se composait de centaines de révolutionnaires, de milliers. de soldats, des partisans tour à tour amis et ennemis... Près d'eux vit toujours une masse à qui les communistes promirent le pain, la paix, la liberté; nous savons maintenant que cette masse traversa la faim, la guerre civile et l'intervention, la terreur. Comment tant de tendances contradictoires purent-elles exister dans l'esprit de chaque sujet ?

.Evidemment, il s'agissait, d'abord, de c< tirer la leçon >J des faits et une vue historique nous est, avant tout, indispen­ sable. L'immepsité de l'événement, les d:ifficulté.s de son interprétation, les volte-face de son évolution rendirent la tâche longue, malaisée, sujette à continuelles retouches. Tou­ jours est-il que nous assistons à une sorte de matériali­ sation vulgaire de la révolution, à sa schématisation en une lutte de classes, chaque classe étant formée d'éléments aveu­ gles guidés par cc !'Histoire ». Mais une telle interprétation pouvant rendre, du reste, quelques services, ne peut être considérée comme fidèle : elle écarte systématiquement tous les éléments dits c< psychologiques i>. Une telle lacune ne peut manquer de se faire sentir, et de .toutes façons, elle est une défiguration du « vrai visage de la révolution ».

li n'est pas inutile de rappeler que Victor Serge fut un des premiers à se rallier à la révolution russe et qu'il vécut à son service, en Russie, les principaux épisodes : son passé et son présent se portent garants dt! son dévouement à la révolution. Si quelques littérnteurs prisent de ses livres le style, et par là-même montrent leur aveuglement, nous pla­ çons par-dessus tout l'esprit de consciente révolte qui s_' y fait jour : il est implacable mais non insensible, il ne reculera pas devant la terreur, peut-être même pas devant la torture, bien plus, il ne reculera devant les privilèges que doivent s'octroyer les révolutionnaires, leur ration de famine est plus copieuse, cependant il n'oubliera que tout cela ne serait qu'une immense tromperie, si chacun d',entre eux ne s'enga­ geait à rendre cc le poids intégral : chair et conscience >J de toutes les victimes. cc Nous accomplirons ce qui doit être accompli », il n'en reste pas moinsdes hommes, des sincères révolutionnaires pour qui l'histoire d'une révolution ne sqjt pas seulement un conflit de mitrailleuses, un problème de stratégie, mais If.\ vie ensanglantée de millions d'êtres humains.

(1) A ua; Ediliolls nicclcr. A. RU.DAL.

MA'SSES

L'arrestation · de Victor Serge Rappelons que " Masses ,, · avait déjà posé, dans son der­

nier numéro, une question sur cette arrestation. Deux de nos collaborateurs : Henry-Leconte et G. Bénichou,

ont eu à ce sujet un entretien avec Louis Aragon, retour de Moscou.

Louis Aragon leur a déclaré que la question Victor Se-rg!é! ne se pose pas, puisqu'un procès doit avoir lieu régullè­ ment et que l'on a aucune raison de ne pas faire confiance .à-· la justice des Soviets pour que ce procès soit mené à son dénouement avec toute la clarté et l'intégrité désirables.

Quant aux raisons qui ont motivé l'arrestation de Victor Serge, dont la presse soviétique n'a pas parlé, Aragon a pré­ cisé ne pouvoir leur donner d'indications sur ce point, étant parti de Moscou sans en avoir lui-même d'information.

Nous extrayons de l'article : POUR VICTOR SERGE

paru dans " L'EFFORT >>, l'information suivante L'écrivain révolutionnaire de langue française, Victor Serge,

a été arrêté en Russie le 8 mars dernier. Victor Serge, né à Bruxelles en :1890, fils d'émigrés révolu­

tionnaires d'origine russe, est condamné en France, avant la guerre, à cinq ans de réclusion pour solidarité d'idées avec des camarades anarchistes. · La guerre le trouve en prison. Au prix de grands sacrifices,

il rentre en Russie, adhère au parti communiste, participe acti­ vement à la Révolution. Depuis sa fondation, jusqu'en :1.92:1, il dirige les services de

langue française de la IIIe Internationale. Exclu du parti communiste en même temps que Trotsky,

dès f927, il s'abstient de toute activité. politique ...

Sur Charles Gide J'ai remarqué, dans « Mai », un article impliquant envers M.

Gide des sentiments de vénération auxquels, pour ma part, je suis fort étranger. Cet espèce de vieil hypocrite huguenot, bour­ geois libéral, consommateur-coopératiste, égoïste et féroce· avec tous ceux qui se frottaient à son orgueil invétéré, était aussi l'un. des symboles de l'imbécillité congénitale de cet animal à sang rroid, à sophismes pour gens du monde, qu'on appelle un éco­ nomiste distingué. Il y aurait de la cruauté, peut-être, à publier dans « Masses >J

un des derniers articles de ce prophète gâteux, dans lequel, rejettant tour à tour toutes les explications de '1a crise à l'aide de raisonnements tels que : « Il n'y a pas surproduction, puis­ qu'il n'y a pas satisfaction de tous les besoins du consomma­ teur », il en arrive à cette conclusion : « La seule cause de la crise, c'est la peur de la crise, de même que Ia seule cause de la guerre, c'est la peur de Ia guerre "· Si les consommateurs ne se restreignaient pas « volontairement » (avis aux crève-la­ faim du monde entier 1), il n'y aurait pas de crise. Il y a la crise parce qu'on y croit ». Suit un couplet sur ,1e caractère superficiel de toute explication matérialiste de I'histoire.i.le fait que la crise est une crise de l'esprit, de la morale, de la reli­ gion, de ,1a confiance, de l'ordre, etc. Voici un curieux dialogue entre Charles Gide et un cheminot

syndiqué, simple ouvrierb L. Cancouet. C'était à propos de la grève du Nord et de ses arricades .. Et cela pouvait s'appeler : "/ Le prolétaire et l'économiste "· J'ajoute que, du côté de. l économiste, attentif à partager son point de vue sans âme, étroitement fataliste, anti-humain, se trouve le bureaucrate syn­ dical. Tous deux, ,1e rentier-philanthrope et le gardien des tré­ sors syndicaux, sont possédés par le démon grippe-sou du petit épargnant français. Et leur avarice sordide s'oppose au gaspil­ lage ouvrier. (Il n'y a que les gueux pour savoir être grands seigneurs I a dit Marx). Un sou et un sou font deux sous. Voilà toute leur économie politique. Inutile de leur expliquer autre chose (la révolte, l'instinct de classe, la volonté de puissance éclatant dans les masses opprimées !) à cet humanisme réaliste, Us sont imperméablement fermés. La réponse de Gide le prouve. Et ce sont les mêmes qui parlent de crise de l'esprit, qui invi­ tent à la confiance, à la dépense. Ces ouvriers auxquels ils Peprochaient naguère de manger du poulet ...

A. P.

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MASSES 19

Le Pri nternps au Pays Natal

Le printemps a, sur le fusain des bois, brossé de tendres ver­ dures. Ah, le printemps est merveilleusement habile I Il a fait assez de vergers fleuris et de crépuscules roses pour tourner le pauvre cœur des hommes. C'est le moment où renaissent, sous des soleils légers, toutes les couleurs. On ne saurait les dénombrer. Le regard se trouble à vouloir les analyser; cepen­ dant le vert triomphe, et les sombres sapinières, honneur de l'hiver, sont oubliées quand luisent les premières feuilles du bouleau, translucides comme des perles. Bien sûr, nous sommes des habitants de la ville noire, chau­

de et féconde. Mais, loin de ce ventre hospitalier qu'il fait bon respirer l'air de la province et l'air de la campagne I Comme nous méprisons celles et ceux que la palpitation du printemps laisse insensibles, les mangeurs d'argent, de papier, la race de poussière et de cendre qui déshonore la planète 1 N'allez pas croire que les habitants d'Avallon (Yonne), sous­

préfecture et fief de M. Flandin, vieille ville qui coiffe une col­ line à la frontière de la Bourgogne et du Morvan, petite cita­ delle bourgeoise qui jette sur deux faubourgs ouvriers une om­ bre humide, n'allez pas croire, dis-je, que les Avallonnais soient particulièrement sensibles à la saison magique.

On parle beaucoup à Avallon, mais pas de la magie. Le printemps, ma chère, ce sont des rhumes, des bronchites sour­ noises, des crises d'asthme, des maladies qui emprisonnent une population vieillote dans de vieilles maisons froides, elles aussi, et sombres. Peu d'enfants, beaucoup d'or. Au centre d'un admirable jar­

din, à quelques kilomètres de Vézelay, de Chastellux, des forêts de chênes où le secret de la Gaule est caché, des rochers de granit rouge sur lesquels sommeillent les vipères, favorites du soleil, des torrents noirs à cœur jaune où filent les truites, au centre du printemps, la fourmilière bourgeoise poursuit sa vie monotone et cruelle; Sous des cendres, mortes en apparence, rougeoient les scan­

dales secrets. Avortements, meurtres de nouveau-nés, séques­ trations, vices, enfants écrasés par des éducations absurdes, folies mystiques, complots, .on vous connaît, crimes de la petite ville ; mais l'étranger ne vous connaît pas.

Vous, fourmis bourgeoises, vous ignorez le monde qui vous écrasera. Accrochées à vos biens - une maison, des champs, des vignes, un paquet de titres - vous vous nourrissez de men­ songes. Ce n'est pas .une nourriture qui donne force et santé. Tout vous est sujet d'alarmes ; la crainte vous ronge. Vos

existences sont comparables à la peau de chagrin, inventée par Balzac : le temps, l'expérience les rétrécit. Que des races périssent, pourvu que la Bourse soit bonne ! Vous fermez les yeux et vous serrez vos trésors sur votre moitié de cœur.

J:e .suis un des vôtres ? Ah I je sais bien que vous n'aimez pas les évadès. Oui, je suis né, en haut de la montée de !'Abreuvoir, en face du marché aux cochons. Oui, votre cime­ tière m'attend, sans impatience. Faute de pouvoir me repren­ dre tout de suite, vous vous, dites et vous me dites que la fatigue me ramènera sous la voüte de Saint-Lazare, ou sous la voftte de Saint-Martin.

:re ne suis plus de votre parti. Vous voudriez bien mettre !'Eternité dans votre camp, mais je sais maintenant que l'avenir appartient à d'autres ; je sais que nous pouvons comp­ ter sur votre ignorance, votre sottise et votre lâcheté. Vous n'êtes plus capables que de mourir.

JEAN LUC.

Rece11es d'Urbanisme : La voie Triomphale Il y eut sur ce thème, en 1931-32, deux concours publics. Il y

eut même de bonnes études. Elles allèrent, en tin de compte, grossir les archives de l'Urbanisme. Et les projets les plus ma­ quillés, les plus creux, les plus scolaires furent inévitablement retenus. L'incompétence notoire des jurys ne lit pas défaut cette fois encore. Le Bulletin Municipal, des 6 et 11 avril 1933, donne, sur l'un

des eoncours, de précieuses indications. Précieuses pour l'ar­ chitecte rompu à la politique des compétitions. Il s'agit de l'aménagement de la Porte Maillot. Le rapporteur, en Conseil municipal, insiste sur l'opportunité de l'opération, pour la­ quelle un crédit de 100 millions fut voté. Il présente sous un jour favorable les expropriations que comporte l'aménagement. Elles sont toutefois d'importance : 17 millions d'indemnité à M. Volterra, pour Luna-Park, 7 millions au restaurant Gillet, entre autres. Plusieurs conseillers se montrent hostiles à ces prodigalités, et toute la discussion s'attache à cette question d'expropriations, et particulièrement aux exigences de M. Vol­ terra. Voici, à ce sujet, une intéressante remarque d'un conseil­ ler :

" J'entre maintenant au cœur du sujet, il y a deux dates que nous ne pouvons pas nous empëcner de rapprocher. Le bail par lequel Luna-Park a été loué à M. Volterra est du 31 décembre 1928, et c'est avant la fin de l'année 1929 que nous a été proposé Ie choix de l'emplacement de la porte Maillot pour la statue du :Maréchal Foch. Nous l'avons adopté le 31 décembre 1929, car. à ce· moment-là, on ne nous prévenait pas le moins du monde que le choix de cet emplacement comporterait la résiliation du bail en, question. Les deux questions n'étaient pas absolument liées. En tout cas,

il est incontestable qu'une année tout Juste s'est écoulée entre le moment où le bail a été signé - un bail de trente ans - et le moment où nous avons dû nous décider sur le choix de l'empla­ cement. Si bien que - les projets de ce genre demandant tou­ jours, comme vous. le savez, une étude assez longue - je puis dire, sans crainte d'être démenti, que c'est le lendemain même du jour où Je bail était signé, qu'était mise à l'étude la résilia­ tion de ce bail. (Exclamations. ,, Voici encore, pris dans le mémoire du Préfet de la Seine,

l'argument qui rend ·indispensable la résiliation : " L'Administration propose, en conséquence, de placer le menu­

ment du maréchal au centre d'un vaste hémicycle méagé en bar: dure de la Voie Triomphale, et de le placer du côté du Nord, a.fin qu'il soit constamment éclairé de face et ainsi mis en pleine valeur. l) .

Ce gros souci esthétique, auquel on n'est pas accoutumé en pareil lieu, peut-il être « 1loué » sans réserve ? Citons donc notre conseiller :

« Je connais à Paris .. Mes.sieurs, un très g:i,and nombre de mo­ numents qui sont exposés en plein Nord et sur lesquels joue agréablement la lumière parisienne. Vous permettrez à un élu de la rive gauche de citer simplement la fontaine Saint-Michel qui est placée face au Nord et qui forme sur le fond de .l& place un décor dont, j'en suis certain, personne n'a jamais songé à trouver qu'il ne tut pas suffisamment éclairé. Mais, en plaçant la statue du Maréchal Foch dans l'hémicycle

Nord, la résiliation du bail de Luna-Park devient inévitable, tandis qu'au contraire, si on la mettait dans I'hémtcvcle sue, nous pourrions élever cette statue du Maréchal Foch et cunrnen­ cer notre œuvre d'aménagement de la port.e Maillot, sans avoir besoin d'exproprier Luna-Park et de résilier son !:atl, Ce bail, d'ailleurs, comme un fruit mûr, tomberait entre nos 1•1ains dans un temps assez bref, pour peu que la volonté du Consei] ,e mani testât nettement, moyennant une ideannité, peut-êrre, mals une indemnité infiniment moindre. " Après de longs commentaires, fort édifiants sur les mœurs

administratives, le Conseil prend finalement une résolution mi­ tigée, qui rejette les expropriations. Nous avons de bonnes rai­ sons de ne pas la croire définitive.

Dx.

« LA CRITIQUE •SOCIALE » Le numéro d'avril de cette revue est consacré au cinquan­

tième anniversaire de la mort de Karl Marx. Nous rendrons compte d'une façon détaillée dans le prochain numéro de " Masses " des articles que nous nous bornerons po.rr cette fols à signaler : B. Souvarine : Anniversaire et Actualité : Lncten Laurat : L'héritage de Karl Marx : Pierre Kaan : Matérialisme et Communisme ; Franz Korsch : Biographie de l{arl Marx.

Comme d'habitude, ces articles sont accompagnas d'une abon­ dante Revue des livres et <les revues.

« LES PRIMAIRES • Au sommaire du numéro de mai de cette tntèressante revue :

Les Priinaires : Défense d'un homme; Louis Tregaro : L'his­ toire à hue , et à dlà 1 Albert Thierry : Les Sages ; Pierre Au­ try : La soupe; Marie Duperron : Hlstoîres Coloniales ; Régis Messac : Propos d'un Utopien, etc., etc ...

Pour le cinquantenaire de la mort de Marx A l"occasion du cinquantenaire de la mort de Karl Marx,

" Masses » vous offre la possibilité de mieux cennanre le créateur du socialisme scientifique et sa <;ff'lctrine. Pour Frs. 15, vous aurez droit : 1° A un abonnement d'un an à la revue ; 2° A deux volumes à choisir parmi les 3 œuvres suivan-

tes : Ludwig Feuerbach par Engels. Le Matérialisme Militant, par Plékhanov. Karl Marx, sa vie, son œuvre, par Max Beer. (Pour Frs 19 : 3 livres et l'abonnement).

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20 M A.SS E .. S

• • • De -la Quai lficatlon < Suite de la. page 6 >

Le théâtre révolutionnaire· dispose - dans la région parisienne tout au moins - d'une gamme de moyens, de variétés, de ten­ dances déjà suffisante pour satisfaire aux besoins primordiaux. La crainte d'une légère perte de temps. pour la qualification de nos divers instruments est une mauvaise raison. Certes, ce serait une perte de temps à inscrire au poste << activité superficielle de l'année en cours ». Mais dont on retrouverait la contre-partie au poste « activité en profondeur », dont le bilan ne s'établit pas devant un congrès tous les douze mois, mais ressort à l'exa­ men historique de la vie réyolutionnaire ... qui ne retient que ce qui est. utile et ne collectionne pas les gestes symboliques comme un brocanteur les boîtes. d'allumettes vides.

Et puis, il y a les besoins généralement considérés comme se­ condaires... et dont celui d'avoir des troupes et des spectacles aptes à intéresser le prolétariat éloigné de nous n'est pas le moindre. Tel groupe .peut, en jrots semaines. monter une œuvre de qua­

lité que tel autre mettra six semaines à préparer. Cela dépend de la composition de la troupe, de sa façon de travailler, de. son entraînement, de l'assiduité de ses membres, de leurs possibili­ tés personnelles, de la richesse ou de la pauvreté du répertoire, du public habituel, des capacités des animateurs, etc., etc ... Et c'est à notre sens inévitable, et dans certains cas souhaitable. L'inégalité des moyens déterminant l'inégalité de la production n'est pas préjudiciable au mouvement. Ce qui le bride, ce qui l'oppresse, c'est le refus 'tacite de travailler comme il faut.

Nous ne nous entêterons pas à « rêver » d'un ensemble du théâtre ouvrier qui présenterait l'aspect uniforme d'un mouve­ ment parfait.

Chaque troupe existante, avec ses particularités, ses forces et ses faiblesses propres est utile à l'ensemble.

Ce qui n'est pas utile du tout, c'est que l'ensemble soit jalou­ sement attaché à sa faiblesse technique.

Aussi nous entêterons-nous, par contre, à préconiser sans relâche la qualification du travail pour tous. Aussi bien en vue de la modeste et populaire goguette dans les arrière-salles· de café, qu'en vue de la « grande fête artistique » devant des mil­ liers de spectateurs. Aussi bien pour la minorité consciente du prolétariat que pour son immense majorité inconsciente. Aussi bien pour le travailleur de l'usine que pour celui du bureau.

La qualification dont le terme est maintenant sur bien des bouches - à défaut d'être dans tous les esprits - résoudra selon nous la crise d'inquiétudes et de contradictions du théâtre révolutionnaire. Et elle le conduira vers son issue naturelle le théâtre collec-

tif, Roger Legris.

memento des revues LA REVOLUTION PROLETARIENNE

Revue b!-mensuelle du Syndicalisme Révolutionnaire. Au som­ maire du n • du 10 mai : Robert Louzon , Le " Drang nach Osten " et la revision des traités ; Max Cherton : Le redressement du mouvement syndical belge est-il possible ? ; M. Chambelland : La renaissance du syndicalisme, etc,

REVOLTE Revue mensuelle socialiste (S.F.I.O.), n • 17-18 mars-avril : L.

Laurat : Réexions sur un ctnquantenarre ; Inédits de ,Karl Marx: Entre Strauser et Feuerbach. - Economie Nationale et Phlloso­ phil. - De l'idéologie Alemande ; Jean Itard : L'éducation poli­ tique du Prolétariat. - L. Laurat : La théorie marxiste de la vadeur et le capitalisme contemporaîn, etc.

LES CAHIERS DU BOLCHEVISME Revue Communisme (S,F.LC,}, 15 mal : La seconde mort de la

ne Internationale, - Lafarge : La boucherie de Fourmies. - Karl Radek : Comment Hitler est arrivé au pouvoir ? - Mourre : Après les élections de Boulogne. - G, Vally : les méthodes de cal­ cul des salaires. - N, Loukine : Marx et la Commune, etc.

L'ETUDIANT MARXISTE Signalons cet intéressant journal mensuel des étudiants belges

(4, rue de Ruysbroek, Bruxelles). Au sommaire du n• de ma! : Signification du ter mai 1933. - Un très intéressant article sur l'expérience allemande. - L'antisémitisme, remède capitaliste à la crise. - Front unique. - Au secours des étudiants cubains.

Une conférence de plus ..• Chacun sait que dans quelques jours, i1 Londres, se rëunrront

11:es délégués de toutes les nations du monde. Ils essaieront ue redonner au commerce, à l'industrie, à la Bourse, la Tita.lité qn'iJs n'auraient jamais dû perdre (?) cette conférence est ·dU· type même. de la conférence classtque

que nous sommes habitues à contempler chaque année depuis 1911l .. Elle est la suite de toutes les conférences de Stresa, de Lausanne'

et, comme elles, eNe n'apportera à notre monde capitaliste -ruun» première illusion suivie d'un desesporr profond, qui suscitera à nouveau une autre conférence qui se tiendra à Rome, Berlin, Paris ou Carpentras, Le but était, primitivement, le redressement du commerce inter­

national par l'abaissement des barrières douanières, mals par la suite la chose se compliqua du fait de la dévalorisation des mon­ naies, jusqu'à présent les plus solides, entre autres le dollar. L'on se souvient facilement de la petitè histoire de la suppres­

sion de l'étalon-or. Puis le Préstrtent Roosevelt se fait accorder les pleins pouvoirs et redonne aux Etats-Unis la • confiance " qui permettra à son capitalisme de sombrer un peu plus tôt ! Puis ce furent les voyages des " deux amis », Mac Donald et

Herriot au pays de la Rationalisation. Le résultat de ces voyages furent nuls et rappelèrent l'émouvante arrivée de P. Lava/1 l'an dernier, Rien à retenir de sérieux de ces négociations prépara­ toires à la Conférence de Londres. La grande presse capitaliste, le « Temps » en tête, a dû espérer

beaucoup de Londres, et si ces heureux papiers n'avaient pas été signés L, Romier, l'éminent économiste bourgeois, nous serions enclins à nous laisser bercer par d'aussi douces niustons. :'.\>lais nous sommes si habitués aux reniements de " l'équipe » du • Temps », que nous ne serions pas étonnés, lorsque, reconnaissant l'inoportunité et les résultats de ladite Conférence, s'ils décla­ raient dans leurs colonnes que toutes les erreurs commises l'ont été sous l'empire du socialisme ou du marxisme. Et pourtant je voudrais citer quelques paroles... qui me furent

prononcées par un député de la majorité, un radical-socialiste fidèle à la maison de la rue de Valois, économiste distingué de ses collègues.

« La Conférence de Londres n'apportera rien de nouveau sui· le plan de l'économie mondiale, car chacun partira là-bas avec un mandat impératif qui ne défendra que ses intérêts propres. ,, Le délégué français contre, sans aucun doute, le délégué anglais,

aura à soutenir la thèse radicale qui déclare « pas de rëducnon des tarifs douaniers tant que l'on n'aura pas stabilisé la monnaie mondiale »; L'affaire paraît très simple, pourquoi alors àéléguer là-bas, des techniciens parmi Jesquels je regretterais I'absence des Lucien Romier, Roger Nathan et autres A. L. ,Jeune. La thèse anglaise, soutenue par Norman Davis, le délégué amé­

.ricatn, soit l'inflation mondiale, s'opposera donc à la thèse fran­ çaise qui est admise en Europe par la Petite Entente, soit la dé­ flation progressive. Nous savons que cette dernière est la position chère à Monsieur Bonnet.

Si l'inf:ation triomphe, l'on reviendra aux erreurs passées et pour la classe ouvrière du monde entier le résultat sera toujours le même : La déflation de la petite bourse, Et si la déflation reprend ses droits, I'on .isststora comme le,

disait Blum au " dégonflement " de tout le conunerce et au ralen­ tissement de toute l'exportation ! Là encore le résultat est identi­ que pour le prolétariat qui verra une fois de plus que la déflation amène immédiatement la chute de son salaire, seul moyen <l'assu­ rer sa vie. Les revendications ouvrières, celles que la F. S. I. je CTOis, dé­

posera sur le bureau de la Conférence, sont bien petites à côté des revendications de l'Internationale d'argent, si petites même que sans aucun doute, on ne les apercevra même pas. Elles devraient être de l'ordre suivant : semaine de oO heures,

avec un plan international de travaux publics. L'annulation des dettes de guerre, mais ceci est chose à part,

dont il sera question, si je suis bien informé, lors de parlottes, entre d"une part les nations débitrices et ,l'autre part les Etats­ Unis, mais à côté de la Conférence. La suppression des barrières douanières afin de libérer le com­

merce International de ses entraves et aussi la stabilité moné­ taire mondiale, ce qui en est le sujet épineux. Mais vous verrez qu'aucun des intérêts du prolétariat ne sera

défendu à la Conférence internationale de Londres et pourtant l'on devrait pouvoir en tirer quelques leçons que je m'efforcerais de vous montrer par la suite ; ne serait-ce que celle-ci : la mort du Commerce . et de l'Entente Economique Internationale doit hâter la fin !le leur seule cause : le Régime capitaliste.

Jean Naudin,

Le Gérusu : LEFEUVTlE.

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