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Perspectives féministes sur le
travail
Naila Kabeer Soas, UK
SESSION
« Repenser le travail selon une
perspective féministe » Istanbul, Forum AWID, 22 avril 2012
• Ce diaporama a été utilisé lors de la deuxième partie de la session « Rethinking work from a feminist perspective ».
• La session était animée par Naila Kabeer (Soas, UK) et Claudy Vouhé (Genre en Action, France).
• Le diaporama de la deuxième partie de la session (Claudie Vouhé) est aussi disponible sur www.genreenaction.net
• Ce diaporama a été traduit par Emmeline Guérin
Le système de comptabilité nationale et la
bataille des frontières
Le système onusien de comptabilité nationale (SCN) est utilisé par les pays pour collecter les statistiques des activités prises en compte dans le calcul du PIB. Le PIB est défini comme la valeur monétaire de toutes les activités produites dans un pays. Le SCN détermine quelles activités sont du champ de la production et comptent comme travail productif. Ce travail et les personnes qui le font sont vus comme contribuant au PIB du pays et donc à sa croissance économique.
1954 : Ce qui était comptabilisé comme travail productif
• un emploi rémunéré.
-‐ ex: travail contre rémunération ou profit
Ce qui signifiait...
• Le travail rémunéré ou salarié + le travail à son compte dans les fermes familiales et les entreprises qui vendent tout ou une partie de leur production
Cela excluait...
• La production de subsistance telle que l’agriculture, l’élevage de bétail, la sylviculture et la pêche pour sa propre consommation
• La collecte de produits de première nécessité tels que l’eau et le bois de chauffage de terrains communs ou privés
• Les tâches familiales et le soin à la famille
• Le cas d’école de l’homme, sa femme de ménage et le PNB
1966: Ce qui était comptabilisé comme travail productif
Le travail rémunéré ou salarié + le travail à son compte dans les fermes familiales et les entreprises qui vendent tout ou une partie de leur production
+ l'offre de travail pour la production de biens et de services économiques
Ce qui signifiait...
• Le travail rémunéré/salarié + le travail à son compte pour des activités visant à vendre tout ou une partie de la production + la production de biens et services qui pourraient être vendus (càd commercialisables) qu’ils soient vendus ou non. Cela comprend toutes les activités liées aux produits primaires, y compris les soins aux animaux, la transformation des aliments, le traitement post-‐récolte des cultures. Beaucoup des activités de subsistance et de petite échelle dans lesquelles les femmes sont souvent présentes.
• Selon les données du recensement de 1981 en République Dominicaine, le taux de participation des femmes dans la force de travail rural était estimé à 21%. En incluant des activités telles que les cultures familiales et les soins au bétail l’estimation monte à 84%.
• En Egypte, les statistiques officielles du recensement de 1960 montrent que la participation des femmes dans la force de travail agricole est de 4%. Mais une enquête détaillée en milieu rural montre que 25% du travail non-‐domestique était fait par des femmes.
1993: Ce qui était comptabilisé comme travail productif
Le travail rémunéré ou salarié + le travail à son compte dans les fermes familiales et les entreprises qui vendent tout ou une partie de leur production + l'offre de travail pour la production de biens et services économiques
Mais aussi toutes les activités qui répondent aux besoins basiques des familles en biens et services et pouvant être achetées dans une économie monétarisée. Cela inclut la collecte et la préparation du combustible, la collecte de l’eau, etc.
Cela excluait
(i) la préparation des repas, la lessive, le ménage et les courses
(ii) le soin aux enfants, aux personnes âgées, aux malades et aux personnes handicapées au sein du ménage
(iii) les services volontaires à la communauté
Pourquoi?
• (i) les services de soins non rémunérés ont des répercussions limitées sur l’économie
• (ii) il est difficile de donner une valeur monétaire aux services de soins non rémunérés
• (iii) la prise en compte des services de soins non rémunérés aurait des effets néfastes sur l’utilité des comptes de l'analyse macroéconomique et des objectifs politiques mais aussi remettrait en question les tendances historiques.
MAIS...
. . . l ’uti l isation de ‘comptes satell ites’ était recommandée pour enregistrer ce qui était exclu (données sur l’utilisation du temps ou sur la valeur imputée aux sorties produites). Le principe de la Tierce personne (Reid, 1934 Economie de la production domestique) a suggéré que la production domestique incluait toutes les activités qui pouvaient être produites par une personne autre que celle recevant la prestation. Ainsi, cuisiner était une a c t i v i t é p r o d u c t i v e ( p o t e n t i e l l e m e n t commercialisable), alors que manger ne l’était pas.
Les questions que les féministes ont posées ...
• L’unité de mesure de la valeur d’une activité devrait-‐elle déterminer quelles activités ont de la valeur et par conséquent devraient être mesurées?
• Les activités liées à la reproduction de la vie humaine, du travail et du bien être ont-‐elles des repercussions limitées sur le reste de l’économie?
L’économie du soin et l’économie de marché
• Le travail non rémunéré détermine à la fois la distribution genrée du travail rémunéré et la stratification genrée des opportunités économiques.
• Le travail non rémunéré permet l'exécution de travaux rémunérés à un moindre coût du capital: le capital est subventionné
• Le travail non rémunéré compense les lacunes dans l’offre publique de services sociaux (mesures d'austérité budgétaire)
Appels pour donner une valeur au travail non rémunéré et pour son inclusion dans le PIB
• Redéfinir le travail au sens large en prenant en compte à la fois le travail rémunéré et les activités non rémunérées... qui bénéficient à la société dans son ensemble, aux familles et aux individus et répartir équitablement la distribution des richesses.
• Commission indépendante sur la population et la qualité de vie (1996)
Comment donner de la valeur au travail domestique non rémunéré?
• La méthode globale de substitution utilise le coût d'un travailleur embauché, rémunéré pour effectuer tous types de tâches domestiques au sein du ménage
• La méthode de substitution spécialisée utilise le salaire moyen d'un spécialiste ayant les compétences appropriées pour chaque tâche domestique spécifique au sein du ménage
• La méthode du coût d'opportunité est basée sur le salaire que la personne qui effectue le travail domestique peut recevoir sur le marché
Devrait-‐on donner une valeur monétaire au
travail domestique? Non
• Effort inutile
• Importance de la différence
Devrait-‐on donner une valeur monétaire au
travail domestique? Oui
• Nous avons besoin de savoir qui contribue à ce qui est une valeur de la société
• Le travail non rémunéré fait partie de la macro économie totale. Il influence tout en étant influencé par les politiques macro économiques
• Ce travail ne comptera pas tant que nous ne lui donnerons pas de la valeur
Un exemple d’Afrique du Sud
Vinolia, une femme de 58 ans a été classée comme ‘sans emploi’ dans 2 enquêtes consécutives en 1993 et 1998. Dans la saison sèche d’hiver, elle est spécialiste en plâtre de boue pour la construction de maisons. Pendant des années, elle a cousu et vendu des robes ‘pinafores’ avec une machine que son mari, aujourd’hui décédé, lui avait achetée. Elle utilise sa retraite pour acheter son matériel. Elle coud pendant les mois d’été et emploie d’autres femmes quand elle a une grosse commande.
Elle emploie une femme pour travailler dans ses champs, de temps en temps en hiver quand elle travaille le plâtre mais presque tous les jours en été. Des voisines l’ont aidé à construire sa maison de 3 pièces et elle les paye avec des robes. Elle ramasse également le bois, qu’elle vend ensuite, quelque fois en payant quelqu’un pour l’aider à le couper, d’autre fois avec un ‘ilimo’ (groupe de travail traditionnel). Ensuite elle brasse de la bière Zulu en paiement.
Faut-‐il rémunérer le travail
domestique des femmes?
• Ce diaporama a été u.lisé lors de la deuxième par.e de la session « Rethinking work from a feminist perspec.ve ».
• Il a été préparé à des fins pédagogiques par Claudy Vouhé.
• La session était animée par Naila Kabeer (Soas, UK) et Claudy Vouhé (Genre en Ac.on, France).
Claudy Vouhé Genre en Ac.on
SESSION
« Repenser le travail selon une
perspec.ve féministe » Istanbul, Forum AWID, 22 avril 2012
Oui, c’est un travail indispensable
• « Toute peine mérite salaire »
• Travail domestique/soin = un vrai travail (requiert: temps, compétences, ressources, capital, gestion, organisation, prise de décision, mobilité etc. )
• Indispensable pour la cohésion et l’écosystème familial et sociétal -‐ Qui est le chef de ménage ? La femme, car quand elle s’absente du foyer pendant deux jours, c’est le chaos … l’homme quitte pendant une semaine, ça ne se remarque même pas (propos d’une étudiant-‐e)
Oui, la rémunération aidera à lutter contre les stéréotypes
• Ma mère/femme « ne travaille pas » … vu qu’elle ne gagne rien
• Les femmes ont l’instinct maternel, elles aiment ce travail à la maison (cerveau sexué) – puisqu’elles y travaillent sans salaire …
• Travail payé = travail reconnu (difficile, qualifié, indispensable, avec valeur marchande)
Oui, actuellement ce sont les femmes
qui subventionnent le système • Les femmes subventionnent le secteur privé
-‐ nourrissent, blanchissent, éduquent, soignent les « productifs » -‐ quel soutien du secteur privé?
• Les femmes subventionnent le secteur public -‐ 24h/24 – toute l’année -‐ jamais en grève -‐ sont des guichets multi services « one stop shop » -‐ Innovation sociale: elles ont toujours une solution …
• Les femmes subventionnent … le(ur)s hommes -‐ des enfants « bien élevés » (esprit sain, corps sain) -‐ Sont des aides-‐à-‐domicile « gratuites », multi-‐fonctions
Oui, la valeur du travail domestique est estimable
Des méthodes, des outils pour évaluer
• Valeur de remplacement • Valeur d’opportunité (de coût) • Outils perfectibles mais … déjà utiles • Un outil-‐clef: les budgets temps … politique,
pas juste « technique »
Oui, l’économie en profitera
• Lutte anti-‐pauvreté, hausse des revenus
• Alternative au « micro / informel»
• Économie des ménages -‐> consommation
• Création d’emplois (employées domestiques)
Oui, les femmes en profiteront
• Autonomisation (par le revenu)
• Complément bas salaires (informels, partiels)
• Equilibre pouvoir / décision dans le ménage
• Choix entre travail « intérieur » et « extérieur »
• Moins de pression sur les filles (aînées)
• Si c’est rémunéré, les hommes vont s’y mettre!
Non, inestimable …
• Ce travail se fait par empathie, amour, plaisir
• Combien payer? Salaire unique ou indexé? sur quoi : revenus, nbre/âge dépendants, statut marital, qualité des soins dispensés? etc.)
• Bas salaire si aligné sur le « prix du marché » des professions liées à la petite enfance, les travaux ménagers, la cuisine, le soin …
Non, rémunérer va renforcer les stéréotypes • Sacraliser le binôme femme/enfant (quid des
jeunes filles, femmes ménopausées, les « sans enfants »?)
• Renforcer le binôme vie familiale/professionnelle : quid de la vie associative, artistique, politique …?
• Rend légitime le fait que les femmes restent dans la sphère privée (vu qu’elles sont payées …)
• On paie toutes celles qui travaillent (jeunes filles), les femmes, les mères? Quid des hommes/pères qui font « leur part »?
Non, car …qui va payer?
Si le mari (et/ou le père?) paie : • Dépendance, soumission à celui qui paie • Femmes sans mari? Qui va payer? • Hommes polygames? Va payer qui? • Cas des ménages violents – quand la femme ne
veut rien devoir à l’homme … • Risque de pousser les hommes à quitter le foyer
pour échapper au paiement. Quelles sanctions?
Qui va payer (suite)
Si l’état paie : • Hausse de la fiscalité (pour trouver l’argent) • Baisse des services publics (on n’en a plus
besoin si les femmes sont déjà payées pour éduquer, soigner, transporter …)
Si le secteur privé paie (une taxe?) • Réduction des salaires pour compenser • Peut mener à des sanctions économiques
envers les femmes avec enfants …
Non, risques dans la sphère publique
• Augmentation fiscalité directe, indirecte (TVA)
• Réduction services publics
• Diminution recrutement des femmes (elles sont déjà payées pour être à la maison …)
• Moins d’implication des femmes dans vie publique et politique (confinées dans le domestique)
Non, risques dans la sphère privée
• Natalité moins contrôlée, si cela « rapporte » d’avoir des enfants et de s’en occuper
• Confiscation/détournement de la rémunération des femmes par les hommes
• Rémunération utilisée pour les enfants, pas pour sécuriser l’« avenir » des femmes
• Réduction des contributions économiques des hommes au ménage
• Conflits, violence domestique
Alternatives à la rémunération
• Reconnaissance sociale, économique, politique du travail domestique des femmes
• Services publics améliorés, adaptés, gratuité pour faciliter ce travail
• Fiscalité qui avantage le travail « à la maison » (femme ou homme)
• Des aides familiales payées aux femmes (pas au chef de famille)
• Des retraites -‐ pour les femmes qui ont travaillé à ma maison (surtout si elles n’ont pas travaillé à l’extérieur (formel ou informel) -‐ départ anticipé, valorisation des années de « soin »
Pistes pour le changement …
• Secteur privé -‐ Programme pro-‐équité pour employé-‐es -‐ RSE / taxe pour les femmes non-‐employées -‐ Travail décent qui respecte vie familiale
• Protection sociale accrue -‐ faciliter le retour à l’emploi pour chômeuses ou femmes à temps partiel à cause du soin -‐ droits sociaux (ex. inclure protection enfant dans contrat travail des parents, F et/ou H) -‐ loi du travail favorise équilibre vie prof/le reste
Pistes pour le changement …
• Plus de parentalité conjointe
• Meilleure répartition tâches domestiques H/F -‐ éducation populaire, média, petite enfance … -‐ moyens, programmes …volonté politique
• Les femmes lâchent prise (femme aux mille bras?), se protègent, s’affirment: ne plus jamais dire « mon mari m’aide », je ne travaille pas
Photos de la session
Claudy Vouhé Naila Kabeer
Photos de la session
