Péguy socialistePÉGUY SOCIALISTE
OUVRAGES DU MÊME AUTEUR Au Japon et en Extrême-Orient. Paris,
Colin, igo5 (épuisé). Syndicalisme révolutionnaire et syndicalisme
réformiste. Paris,
Félix Alcan, 1909 (épuisé). Le Congo français, La question
internationale du Congo. Paris,
Félix Alcan, 1909 (épuisé). Japon illustré. Paris, Larousse, igi5
(épuisé). Le Mouvement ouvrier au Japon. Paris, Librairie de
l'Humanité,
1921 (épuisé). La Chine et le Japon politiques. Paris, Félix Alcan,
1921 (épuisé). Les principes généraux de la science et de la
morale. Paris, Fer-
nand Nathan, 1923. Philosophie scientifique et philosophie morale.
Paris, Fernand
Nathan, 1923. Psychologie et métaphysique. Paris, Fernand Nathan,
1925. Le Cœur japonais. Paris, Payot, 1927 (épuisé). Cours de
Morale à l'usage des écoles primaires supérieures. Mo-
rale; morale et instruction civiques; droit privé et économie
politique. Paris, Félix Alcan, 1927-1929.
Bergson. Paris, Mellottée, 1929. L'Art et la Beauté. Paris, Fernand
Nathan, 1929 (épuisé). Contes et légendes du Japon. Paris, Fernand
Nathan, 1931. La dissertation philosophique. Paris, Fernand Nathan,
1932. Le Christianisme et nous. Paris, Rieder, 1932 (épuisé).
Nietzsche. Paris, Mellottée, 1933. Souvenirs sur la colonisation.
Paris, Picart, 1935 (épuisé). Jaurès. Paris, Mellottée, 1936. La
formation du Socialisme, de Platon à Lénine. Paris, Alcan,
1937 (épuisé). La Chine, le Japon et les Puissances. Paris, Rieder,
1938 (saisi
par les autorités occupantes, le ier octobre 1940). Petite Histoire
aes grandes religions. Paris, Presses Universitaires,
ig-io. L'Enfant et la Morale. Paris, Presses Universitaires, 1941.
Histoire de la propriété. Paris, Presses Universitaires, ig4i.
Petite histoire des grandes philosophies. Paris, Presses
Universi-
taires, ig4i. Qonf:\e'Si de l'Inde. Paris, Durel, 1946. Le Fakir
aux belles histoires. Paris, Durel, 1946. Le merveilleux Amour de
Sita et de Râma. Paris, Durel, 1947. Freud. Parfs, Mellottée, 1948.
Georges Demartial. Sa vie, son oeuvre. Paris, Lahure, 1950
(épuisé). La République de Platon. Paris, éditions Francis
Lefebvre, 1952.
FÉLICIEN CHALLAYE
PÉGUY SOCIALISTE ,
AMIOT . DUMONT Paris
IL A ÉTÉ TIRÉ DE CET OUVRAGE l5 EXEMPLAIRES SUR ALFA MOUSSE DES
PAPETERIES NAVARRE, NUMÉROTÉS
DE I A XV.
Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction réservés
pour tous pays.
Copyright by « Le Livre Contemporain-Amiot-Dumont-», Paris, 195
4.
20, avenue de l'Opéra, Paris-J'er.
A JEANNE
- F. C.
Samedi, 27 mai 1911.
Exemplaire pour Félicien Challaye.
Voici ton exemplaire, mon cher Chal- laye, en souvenir de nos
contubernales et
. commensales jeunesses. Charles PÉGUY.
D E3SINÉE d'une écriture artistique et archaïque, en lettres
longues et minces sans pleins ni déliés, la dédicace s'étend sur
les premières pages des Œuvres choisies de
Charles Péguy (Paris, Grasset, 1911).
... Moi aussi, mon cher Péguy, c'est un hommage aux jours vécus
ensemble dans les turnes et autour des tables norma- liennes
qu'apportera ce livre. A chacune de ses pages, tu seras
présent.
Je serai contraint d'y être présent moi aussi, puisque l'es-
sentiel de cet ouvrage est constitué par des souvenirs, et que (nos
maîtres nous ont enseigné cette formule de Royer-Collard) « on ne
se souvient que de soi-même ».
Il s'agira donc ici, mon cher Péguy, de ta personne telle que je
l'ai découverte, connue, estimée, admirée, aimée, cri- tiquée
aussi, ou même parfois blâmée.
Je dirai l'exceptionnelle grandeur de ta jeunesse, de cette période
où tu mettais toute ton intelligence, tout ton grand talent, toute
ta volonté désintéressée et un inébranlable cou- rage au service du
plus haut idéal, la destruction de la misère humaine, la
réalisation de la justice et de la paix sur toute la surface de la
terre.
Mais une telle grandeur comporte un risque : celui de ne pouvoir
subsister indéfiniment.
Si j'estimais que tu ne t'es point maintenu à cette hauteur et si
je le disais, tu ne m'en voudrais certainement pas, mon vieux
Péguy, toi qui, dans nos relations réciproques, mettais la
sincérité au-dessus de tout.
Tu pourrais seulement m'objecter qu'une telle appréciation est
personnelle, et tu n'aurais certes pas tort. Mon jugement se réfère
à une échelle de valeurs que tous les esprits ne sont pas tenus
d'accepter.
A-t-on le cœur plus large, plus largement humain, quand on méprise,
avec Pascal, les grandeurs de chair, et les pauvres distinctions
que ces médiocres autorités confèrent; ou quand on aspire aux
récompenses données par des académies, aux titres et aux rubans
accordés par des gouvernants ?
A-t-on le cœur plus large, plus largement humain, quand on étend sa
tendresse à l'humanité tout entière, souhaitant à tous les hommes
de tout pays et de toute race la paix et le bonheur; ou quand on
réserve son affection à une étroite patrie, prêt à faire tuer, pour
assurer son momentané triom- phe, des millions d'hommes, et
détestant d'une haine féroce tous ceux des compatriotes qui
refusent de consentir à ces sanglants massacres ?
Est-on plus généreux, plus noblement généreux, quand on aspire au
salut matériel et spirituel de l'humanité tout entière; ou quand on
est surtout hanté par le désir de voir ressusciter, pour une vie
éternelle, sa médiocre personne, sa pauvre petite âme, peut-être
même son oorps plus ou moins spiritualisé, et les quelques syllabes
de son nom ?
L'évocation de ces vastes problèmes pourrait conférer quel- que
ampleur aux menus souvenirs réunis en cet ouvrage.
Si, après t'avoir exalté, je croyais devoir, par sincérité, changer
quelque peu de ton, je me bornerais à t'appliquer ta mélancolique
pensée sur la vie, en laquelle tu vois « une usure perpétuelle, une
constante, une croissante flétrissure. On des- cend tout le temps »
(Mystère des saints Innocents, XlII, 12, p. 183).
En tout cas, c'est une façon de t'aimer que de préférer, au Péguy
de quarante ans, le Péguy de vingt ans.
Pour l'étude de Charles Péguy, la source principale, ce sont ses
Cahiers de la Quinzaine.
On citera ici les Cahiers dans leur première édition en dési- gnant
la série par un chiffre romain, et le cahier par un chiffre arabe.
Pour le seul Cahier L'Argent, suite (série XIV, cahier 9), qui a
disparu de la bibliothèque de l'auteur, la pagination sera celle
des Œuvres complètes publiées par la Nouvelle Revue française (t.
XIV). C'est aussi dans cette der- nière édition qu'ont paru et
d'après cette édition que seront citées les Œuvres posthumes, Clio
(t. VIII) et la Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie
cartésienne (t. IX). La NouveUe Revue française a publié des
inédits : Par ce demi- clair matin (1952) et l'Esprit des systèmes
(1953).
Les œuvres de Péguy parues en éditions antérieures aux Cahiers,
Jeanne d'Arc (1*897) et Marcel (1898), ne sont pas paginées. J'ai
paginé mes éditions personnelles afin de préci- ser ioi la place
des passages cités.
On utilisera aussi les principaux ouvrages consacrés à Péguy, et
l'on y renverra en citant seulement le nom de l'auteur : Jérôme et
Jean Tharaud : Notre cher Péguy (Paris, Plon, 4926); Daniel Halévy
: Péguy et les « Cahiers de la Quinzaine » (Paris, Grasset, 1941);
Romain Rolland : Péguy (Paris, Albin Michel, 1944); René Johannet :
Vie et Mort de Péguy (Paris, Flammarion, 1950).
La société L'Amitié Charles Péguy (4, rue Auguste-Bartholdi,
Paris-XYO) publie de précieux Feuillets mensuels, auxquels on
renverra à l'aide du mot Amitié, en désignant le numéro par un
chiffre romain, la page par un chiffre arabe.
Je ne pourrai citer de Péguy à moi qu'un billet retrouvé par hasard
dans l'un de ses livres, ses lettres, comme celles de Romain
Rolland, m'ayant été enlevées lors de perquisitions faites en 1942
par les autorités occupantes, et ne m'ayant pas été rendues.
CHAPITRE PREMIER
ENFANCE ET ADOLESCENCE DE PÉGUY
Q U'AVAIENT été l'enfance et l'adolescence de Charles Péguy avant
que je ne le rencontre à l'Ecole normale supérieure en 1894 ?
On pourrait, pour s'amuser, lui appliquer la méthode de ces
historiens déterministes qui, se plaçant aux origines d'un
écrivain, déduisent de quelques données élémentaires toute sa vie
et toute son oeuvre — quand, bien entendu, ils la connaissent déjà
: merveilleuse façon de prédire... le passé !
Charles-Pierre Péguy est né à Orléans; Orléanais, il ne peut pas ne
pas avoir une immense admiration pour l'héroïque pucelle qui, il y
a quelques siècles, libéra sa ville. Jeanne d'Arc sera le premier
objet de sa ferveur, le principal personnage de sa création
littéraire.
Péguy est né le 7 janvier 1873. Sa personnalité se forme aux
dernières années du XIX" siècle. A ce moment, dans les milieux
populaires, auxquels il appartient par ses ascendants, se répand
une doctrine politique d'avant-garde, le socialisme. Péguy sera
socialiste.
Comme alors la plupart des enfants dans les familles fran- çaises,
le petit Charles va au catéchisme et prépare sa première communion.
Sous l'influence de ses maîtres, sa conscience enfantine se pénètre
de sentiments chrétiens, de sentiments catholiques. Ces tendances
seront momentanément refoulées dans son. subconscient ou dans son
inconscient, après sa con- version au socialisme d'alors,
anticlérical et même souvent
antireligieux. Mais elles n'en conserveront pas moins une
singulière vitalité. Agissant indirectement, elles détermineront
certaines attitudes, influenceront certaines œuvres. Un jour, elles
reparaîtront à la conscience, s'exprimeront avec éclat.
Le petit Charles, comme tous les enfants de son âge, va à l'école
primaire. Pendant les vingt années consécutives à la défaite de
1870, les instituteurs prêchent un patriotisme ardent, exaltent
l'esprit de revanche. Sous l'influence de ces maîtres, la
conscience enfantine de Charles se pénètre de nationalisme et de
bellicisme. Ces tendances seront momen- tanément refoulées dans son
subconscient ou dans son in- conscient, après sa conversion au
socialisme, alors internatio- naliste et pacifiste. Mais elles n'en
conserveront pas moins une singulière vitalité. Agissant
indirectement, elles détermi- neront certaines attitudes,
influenceront certaines œuvres. Un jour, elles reparaîtront à la
conscience, s'exprimeront avec éclat.
L'évolution de Péguy, du moins en ses grandes lignes, ne se
trouve-t-elle pas ainsi expliquée?
Mais il convient de suivre de plus près le déroulement de cette
enfance et de cette adolescence.
Charles Péguy était d'origine paysanne et ouvrière. Ses ancêtres
paternels étaient des Orléanais, jardiniers, vignerons; ses
ancêtres maternels étaient du Berry. Sa grand-mère, Étiennette
Quéré, accompagnée de sa fille Cécile, s'était, pour des raisons
qui restent obscures, expatriée et fixéé à Orléans.
Le père, Désiré Péguy, menuisier, avait, à Orléans, épousé Cécile,
le 8 janvier 1872. Il avait, auparavant, participé à la guerre de
1870. Il y avait eu l'estomac délabré par le pain de siège, et y
avait commencé à être atteint de la maladie qui l'emporta le 18
novembre 1873. Quand le petit Charles avait été tout à fait sage,
on lui lisait une lettre écrite par son père, lors du siège de
Paris, et on lui montrait un petit mor- ceau de pain du
siège.
En l'absence du père, le garçonnet fut élevé par sa mère
et sa grand-mère, femmes énergiques, dures au travail, qui
gagnaient leur vie en rempaillant des chaises, notamment pour la
cathédrale d'Orléans.
Péguy a ainsi dédié sa Chanson du roi Dagobert, signée du nom
Pierre Baudouin (Cahiers, IV, i5) :
A la mémoire de ma grand'mère, paysanne qui ne savait pas lire, et
qui première m'enseigna le langage français.
La mère de Péguy, levée à quatre heures, hiver comme été, écrasée
de travail, trouvait quand même le temps d'apprendre à son fils les
lettres de l'alphabet et le calcul mental. On a pu l'appeler « une
grande figure de la classe ouvrière M. L'éloge provient d'une femme
au cœur généreux, qui fut pour Péguy une précieuse amie, et que
tous ceux qui l'ont connue, ou même simplement approchée, comme
l'auteur de ces li- gnes, ont profondément estimée : Mme Geneviève
Favre, la fille de Jules Favre, la mère de Jeanne et de Jacques
Maritain (dont il sera question plus loin) (Revue Europe, 1938, I,
p. 160).
Cependant un ami d'enfance de Péguy, Henri Roy (qui fut plus tard
sénateur du Loiret, ministre de l'Intérieur et candidat à la
présidence de la République) , à la suite de con- fidences de son
camarade, mêle à cette louange quelque cri- tique. Il reproche sa «
ladrerie » à « la mère Péguy qui, avec les sous épargnés, les
liards rognés, achète des maisons dans le faubourg ». Charles avoue
à Roy avoir eu « une enfance sans joie, ... entre ces deux femmes
pour qui les gestes d'affection sont faiblesse interdite et, au
demeurant, du temps perdu » (A-mitié, XVII, 8). Affirmations
contestées (Amitié, XXV, 26-27).
En tout cas Péguy a conservé un souvenir ému du milieu où il -a
vécu alors, dans ce faubourg Bourgogne d'Orléans. Il a rendu, aux
hommes qu'il y a connus, un magnifique hom- mage dans son fameux
Cahier L'Argent (XIV, 6) :
J'essayerai de représenter ce qu'était alors tout cet
admirable
monde ouvrier et paysan, disons-le d'un mot, tout cet admirable
peuple. C'était rigoureusement l'ancienne France et le peuple de
l'ancienne France...
... Un enfant élevé dans une ville comme Orléans entre 1873 et 1880
a littéralement touché l'ancienne France, l'ancien peuple, le
peuple tout court, il a littéralement participé de l'ancienne
France, du peuple (pp. 11-12).
Péguy loue la gaieté de ce peuple, sa décence et sa « justesse
d'âme », sa finesse et sa culture profonde, surtout son goût du
travail et son « honneur du travail », et aussi d'autres « beaux
sentiments adjoints ou connexes », le respect des vieillards et des
parents, le respect des enfants, le respect de la femme, le respect
de la famille et du foyer, « un goût propre et un respect du
respect même » (pp. 14-20).
J'ai vu toute mon enfance rempailler les chaises exactement du même
esprit, et du même coeur, et de la même main, que ce même peuple
avait taillé ses cathédrales (p. 16).
On ne gagnait rien, on vivait de rien, on était heureux (p.
20).
Parmi les voisins du petit Charles, l'un a eu sur lui une
particulière influence : un charron-forgeron, républicain, so-
cialiste, anticlérical, fondateur d'un cercle d'études sociales,
nommé Boitier. L'enfant avait pour lui une affection presque
filiale. Il l'a toujours considéré comme son « premier et plus
fidèle ami », son « plus ancien maître », son « premier pro-
fesseur d'histoire et le meilleur ». Il lui a toujours manifesté
une vive reconnaissance; lui envoyant ses Morceaux choisis, il les
dédicaçait « au premier homme qui m'ait mis les Châ- timents dans
les mains », ajoutant : « en souvenir de cette grande édition plate
illustrée que vous me prêtiez presque en cachette (et je ne
travaille jamais dans une autre) et en sou- venir de toutes les
fois que vous m'avez parlé de Waterloo ».
Dès la plus tendre enfance, Charles Péguy se montre un élève
parfaitement consciencieux et d'une exceptionnelle appli- cation.
1
Un jour de janvier ig3o, Mme Péguy mère a montré à Emmanuel
Mounier, qui lui rendait visite, tous les cahiers d'école primaire
et de lycée de son fils, « -tous de la même calligraphie soignée,
écrite on ne sait de quelle plume qui ne laisse sur le papier qu'un
trait imperceptible et sûr »; des tableaux historiques qui sont «
de vrais imprimés » ; des cartes « traitées avec la précision des
miniaturistes ». Mme Péguy, à ce propos, conte une anecdote
significative : « Je me sou- viens d'un mardi gras où on venait le
chercher pour voir la cavalcade. Il s'agissait bien de masques ! Et
la carte que j'ai à faire ! Il y passa son après-midi » (Amitié,
XII, 6-7).
Les amis et admirateurs de Péguy ont pu voir ces cahiers et ces
cartes en visitant l'exposition organisée par L'Amitié Charles
Péguy à la Bibliothèque Nationale, en 1950, pour le cinquantenaire
de la fondation des Cahiers de la Quinzaine. On a pu ainsi
découvrir en l'enfant l'écrivain appliqué qui, plus tard, devait
s'attacher à calligraphier ses manuscrits, évitant les ratures, et
qui, dans les textes imprimés, faisait minutieusement la chasse aux
coquilles.
Le petit Charles avait été, d'abord, mis à l'école-annexe de
l'École normale, dirigée alors par un M. Fautras, qui avait été
prisonnier en Allemagne pendant la guerre; ce qui « lui conférait
un lustre sévère, une" grandeur dont' nous n'avons plus aucune idée
». L'école-annexe eut ensuite à sa tête un homme dont Péguy écrit
qu'il a été « le véritable maître de tous mes commencements, le
plus doux, le plus patient, le ' plus noble, le plus courtois, le
plus aimé, M. Tonnelat » (Cahiers, XIV, 6, p. 11). (M. Tonnelat a
eu pour fils un de nos camarades de l'École normale supérieure, qui
fut germa- nisie, et devint professeur au Collège de France.)
Péguy put alors apprécier « 'ce qu'était, vers 1880, cet admirable
mondé de l'enseignement primaire » (XIV, 6, p. II).
En 1881 fut nommé à la direction de l'École normale M. Naudy; un
homme dont Péguy a pu écrire : « Il se fit bientôt mon maître et
mon père »; et aussi : « C'est l'homme à qui je dois le plus »
(XIV, 6, p. 9; p. 5a).
Appréciant la valeur exceptionnelle du jeune écolier, qui, après.
son certificat d'études, avait été placé à l'École primaire
supérieure, afin qu'il devînt instituteur, M. Naudy décida que
l'enfant devait « faire du latin »; et, obtenant pour lui une
bourse municipale, il le fit, pendant l'année scolaire, entrer au
lycée d'Orléans en sixième. « Ce que fut pour moi cette entrée dans
cette sixième à Pâques, l'étonnement, la nouveauté devant rosa,
rosae, l'ouverture de tout un monde, voilà ce qu'il faudrait dire,
mais voilà ce qui m'entraînerait dans des tendresses, écrit Péguy.
Le grammairien, qui, une fois, la première, ouvrit la grammaire
latine sur la déclinaison de rosa, rosae, n'a jamais su sur quels
parterres de fleurs il ouvrait l'âme de l'enfant » (Cahiers, XIV,
6, p. 53).
Au lycée d'Orléans, Péguy va faire, au début de la qua- trième, la
connaissance d'un homme qui, plus tard, lui con- sacrera sa vie,
puisqu'il acceptera d'être l'administrateur des Cahiers de la
Quinzaine, André Bourgeois. Celui-ci, en décem- bre 1942, a décrit
ainsi cette rencontre :
Au lycée d'Orléans, octobre 1886, dans la cour de la classe de
quatrième, un demi-pensionnaire, petit pour son âge, modeste- ment
vêtu, cheveux passés à la tondeuse, le crâne faisant saillie sur le
cou, une verrue à l'une des arcades sourcilières : c'est Péguy, me
dit-on, le premier en cinquième.
Nous ne tardâmes pas à faire connaissance, puis à nous lier. Une
volonté et le choix sans débat du droit chemin : :dans la vie il y
a des choses qu'on ne fait pas.
Tel m'apparut Péguy. Très tôt. Je l'ai suivi (Amitié, VIII,
3).
Tout au long de ses études secondaires, Charles a les plus
brillants succès scolaires. Il s'intéresse aussi au sport, se
montre un bon footballeur. Ses camarades l'élisent, à l'una-
nimité, président de leur Société de jeux.
Tout enfant, il avait, en même temps que l'école primaire, suivi
les cours de catéchisme, et profondément subi l'in- fluence de ses
maîtres religieux. « La République et l'Église nous distribuaient
des enseignements diamétralement oppo- sés », a-t-il écrit depuis;
mais « nous ne nous en apercevions pas » (Cahiers, XIV, 6, pp.
35-36). On reviendra plus loin sur la formation religieuse de Péguy
et sur ce qui lui en
res|é- Maie voici qu'au lycée d'Orléans, en seconde, il a
conscience de n'avoir pas sauvegardé la foi de son enfance; il est
devenu « un hérétique ». Dans la classe de philosophie, ses
camarades et lui n'acceptent plus la thèse classique de
l'immortalité de l'âme. Continuant à protester contre la croyance
catholique où l'on
nous avait élevés, commençant à protester contre l'enseignement du
lycée, où nos études secondaires finissaient, préoccupés surtout de
n'avoir pas peur et de ne pas avoir l'air d'avoir peur, nous
réagissions contre la complaisance. Nous étions durs. Nous disions
hardiment que l'immortalité de l'âme, c'était de la métaphysique
(Cahiers, I, 6, p. 7).
Cependant, il accepte encore la pensée que l'on puisse « croire
sans preuves ». La philosophie telle qu'il la découvre pendant la
classe de ce nom, au lycée d'Orléans, ne remplace point, pour lui,
la foi de son enfance. Il écrit, le ier jan- vier 1891, à son ami
Camille Bidault : La philosophie est une triste chose. J'ai la
conviction intime
que le père Taupe m'enseigne une foule de choses dont il ne croit
pas un mot. Mais je lui rends la pareille et n'en crois rien non
plus. Ce qu'on appelle philo est un assemblage desséchant, écœu-
rant, décourageant, énervant, analytique et antiartistique de doc-
trines sans grandeur. La philo a tous les inconvénients des
sciences sans avoir leurs avantages. Je veux dire qu'elle manque à
la fois de poésie et d'exactitude. Il n'y a que les doctrines
absurdes en philo qui soient irréfutables : le fatalisme,
l'idéalisme, le scepti- cisme sont, chacun à un point de vue
particulier, indémolissables. Au contraire, les doctrines un peu
convenables, un peu encoura- geantes ne tiennent pas debout.
Heureusement, mon cher, qu'ayant la foi en un tas de choses, je me
passe tout à fait bien de la philo. Où en serait-on s'il fallait
s'attendre à elle pour aimer les bonnes et belles choses ? Le mieux
est de croire sans preuves et d'agir au lieu de rêver et de
philosopher.
De cette lettre si caractéristique, on peut retenir cette cons-
tatation que Péguy accorde toujours une valeur éminente à la foi :
la foi socialiste va bientôt, en lui, remplacer momen- tanément la
foi catholique. Selon lui, la philosophie devrait être une doctrine
« encourageante M; ce sera le cas, plus tard, des philosophies
auxquelles il adhérera, celle de Jaurès, puis celle de
Bergson.
En tout cas, au moment où il écrit en ces termes à Camille BidaulÍ,
il se rend compte que son désaccord avec les doctrines régnantes
peut avoir pour lui de fâcheuses conséquences; mais il accepte
courageusement ce risque. Il signale à son camarade la note mise
sur son bulletin trimestriel par le proviseur du lycée : «
Excellent trimestre à tous égards, mais se défier d'une certaine
tendance à comprendre les choses à côté de la vérité. » Il
interprète ainsi cette note :
Cela veut dire simplement que je ne suis pas de son avis sur un tas
de choses. Cela est très grave, parce que son avis, à lui, est
partagé par presque tous les gens qui détiennent et possèdent
l'Université. Or tu n'ignores pas que j'aimerais mieux rater ma
carrière que de mettre, soit dans un concours, soit dans une
composition d'entrée à Normale, une opinion qui ne soit pas la
mienne. Cela m'a déjà un peu coulé au concours général et peut me
mener loin. Mais il en arrivera ce qui pourra. J'espère tou- jours
ne pas trop crever de faim (Amitié, 'XI, 11-13).
A la fin de ses études au lycée d'Orléans, Péguy reçut une bourse
pour préparer l'École normale supérieure, en un lycée parisien, le
lycée Lakanal. Henri Roy, qui l'y vit arriver en octobre i8gi, le
décrit ainsi :
Il était franchement et naturellement peuple; mieux, paysan. Les
épaules épaisses et rondes, le cou ccfart le faisaient paraître
plus petit qu'il n'était réellement. La parole était brève, le
geste rare, affirmant une maturité confirmée par la méthode qu'il
apportait dans tous ses actes.
Les gestes de la vie quotidienne, ... il les accomplissait avec une
régularité que nous qualifiions manie, alors qu'elle était
raison.
Au dortoir, ses vêtements étaient pliés avec soin sur la petite
chaise voisine du lit... /Lc premier levé au réveil, à la cloche,
il était le premier habillé, net comme un sou neuf. Au réfectoire,
où le couvert était mis avec l'incurie normale à l'internat, aus-
sitôt aussi, il disposait avec symétrie l'assiette, le verre, le
couteau, la cuiller, la fourchette. Il rompait en petites bouchées
bien égales le pain et les disposait bien alignées des deux côtés
de son assiette. 'Il mâchait sans hâte, à fond; il professait que
le potage lui-même devait être mastiqué.
Henri Roy nous montre Péguy mettant, dès son entrée en classe ou en
étude, des manches de lustrine, puis disposant sous lui le petit
tapis nommé par les lycéens un « sous-cul ».
Au cours, assis bien droit sur son banc, les yeux tantôt fermés,
tantôt fixes, ... il avait l'air absent, mais il n'avait pas perdu
un mot du cours. Il prenait, de temps à autre, quelques notes. Il
répondait aux interrogations d'une voix brève et nette.
Prié, pour son début, de commenter une phrase de La Bruyère, il le
fit avec une pertinence et une sobriété qui nous surprirent. A
notre maître Rochcblave, qui l'invitait à un développement moins
sommaire, il répondait, sans fard, que le verbiage n'était pas dans
ses habitudes, et qu'il suffisait que l'ensemble fût dit (Amitié,
XVII, 4).
Ses professeurs ont, pour cet élève d'une exceptionnelle droiture,
une estime confinant au respect; ce sont, avec Roche- • blave, le
philosophe hégélien Noël et un excellent latiniste, « le père Edet
», pater Ecleas.
Péguy découvre avec joie Paris, le Louvre, le Théâtre-Fran- çais.
Au Louvre, avec un « émoi religieux », il salue « la nouvelle
blancheur des statues, l'application des toiles et le silence du
monument. Je ne sais si jamais vivants nous eûmes un émoi religieux
comparable » (Cahiers, I, n, p. 43). Jamais, dit-il, il n'oubliera
« la profonde et copieuse bonté du Louvre » (Cahiers, I, 11, p.
53).
Pendant son séjour à Lakanal se fortifient ses sentiments
socialistes. Il les partage avec l'un des nouveaux lycéens (qui
sera plus tard l'un de nos plus remarquables camarades à l'Ecole
normale : Albert Mathiez. Tous deux ouvrent une sous- cription en
faveur des mineurs de Carmaux, en grève contre la compagnie qui a
congédié l'un d'eux, Calvinhac, élu député.
Péguy s'éloigne, plus qu'il ne l'avait fait jusqu'alors, du
catholicisme, en constatant que la presse cléricale prend parti
pour la compagnie contre les mineurs.
A la fin' de l'année, Péguy a le prix d'excellence. Mais,
admissible à l'Ecole normale, il échoue à l'oral.
Contrairement à ce qu'écrit Johannet (p. 34), il était excep-
tionnel qu'on fut alors reçu à l'École après une seule année
. de préparation. L'échec de Péguy n'avait rien d'extraordinaire.
Mais il se doubla, pour lui, d'une catastrophe : le proviseur
refusa de continuer sa bourse.
Henri Roy, qui se trouvait dans la même situation, nous conte
l'entrevue entre le proviseur et les deux élèves. Lui- même
proteste contre cette décision qu'il juge inique. Mais Péguy, la
mâchoire serrée, le tire par le bras : « Foutons le camp. » Puis il
murmure : « C'est peut-être mieux ainsi » (Amitié, XVII, 10).
Péguy décide de s'engager, par devancement d'appel, au régiment
d'infanterie d'Orléans, n'ayant à servir qu'un an, comme fils aîné
de veuve. Il arrive au corps le 12 novem- bre 1892.
Selon le témoignage de son excellent ami Lucas de Pes- louan, Péguy
« a fait le métier de soldat avec conscience, et aussi avec
allégresse,.. Il a vu dans le régiment l'image d'une société
meilleure que la société civile : des hommes unis dans la même
tâche, sans distinction de classe ni de fortune; une hiérarchie
fondée sur l'ancienneté ou (en partie du moins) sur la valeur; un
désintéressement complet; chez les officiers, l'acceptation d'une
vie médiocre; chez tous, par- fois masqué par de l'ironie, le
sentiment de l'honneur et du devoir » (cité par Johannet, p.
35).
Péguy, le 27 septembre 1893, quitte le 1318 d'Infanterie avec le
grade non pas de sergent (Johannet, p. 35), mais de caporal
(Amitié, XIX, i5). C'est au cours de périodes d'ins- truction qu'il
deviendra sergent, puis sous-lieutenant, puis lieutenant de réserve
(Amitié, XIX, 16).
Au régiment, il a retrouvé André Bourgeois. Avec cet ami, il a loué
une petite chambre chez un paysan. Il y travaille son programme de
Normale. Mais il est de nouveau refusé au concours de 1893. Non
sans quelque cruauté, Gaston Boissier apprécie ainsi sa
dissertation latine : « Il a des idées, mais je crains que le
régiment ne lui ait désappris le latin. »
Péguy écrit à Henri Roy pour le supplier de lui trouver un poste de
surveillant dans quelque boîte à bachot. Mais Henri Roy, qui,
l'année précédente, a été content de recevoir une bourse d'études à
Louis-le-Grand et une bourse de pension à
Sainte-Barbe, désire obtenir pour le caporal Péguy une situa- tion
analogue. Il rend visite au directeur de Sainte-Barbe, «
l'excellent M. Favre », et rappelle une intervention antérieure du
professeur Rocheblave en faveur de son ami. M. Favre lui répond : «
[Écrivez à Péguy de venir tout de suite : il y a un an que je
l'attends » (Amitié, XVII, II). 1
Pour connaître la vie de Péguy pendant son année scolaire
1893-1894, vécue au collège Sainte-Barbe, d'où l'on suit les cours
du lycée Louis-le-Grand, il faut surtout consulter les pages
célèbres de Jérôme et Jean Tharaud dans : Notre cher Péguy. Ils
décrivent le cadre de leur vie commune, la « cour aux murs peints
en rose » (qui vient de disparaître, absorbée par la faculté de
droit). Ils tracent, du Péguy d'alors, le plus vivant portrait
:
C'était un petit homme robuste, un peu massif, avec des épaules
carrées, mais dans le détail tout en finesse. Il avait des yeux
noisette, ou plutôt couleur de châtaigne, d'un éclat étonnant, qui
regardaient passer les idées et s'arrêtaient sur vous tout à coup
avec une autorité surprenante, des lèvres minces, bien dessinées
entre de vigoureux maxillaires, le sang près de la peau, des
artères qu'on voyait battre, des mains admirablement faites qui
vous brisaient les doigts quand il vous serrait la main (p.
10).
Dans la « cour rose » tournent en rond des camarades auxquels le
jeune caporal a imposé le pas cadencé et l'allure militaire
(beaucoup joueront, plus tard, un rôle dans la vie du directeur des
Cahiers) : Jérôme (alors Ernest) Tharaud, Henri Roy, Léon Deshairs,
dessinateur et futur bibliothécaire des Arts Décoratifs,
Charles-Lucas de Peslouan, le futur bénédictin Louis Baillet, Jules
Riby, qui, plus tard, préfacera les pages de Péguy sur Pascal,
etc.
Péguy donnait généralement le bras à son camarade préféré, un
rêveur, plein de talent, mais d'une timidité maladive, « un de ces
êtres à la Gérard de Nerval, inexplicables et char-
mants, qui portent sur eux, dès leur jeunesse, une fatalité
mauvaise » : Marcel Baudouin (Tharaud, p. g).
Au cours de l'année suivante, Péguy, normalien, retournera souvent
en visite dans la « cour rose ». C'est alors seulement, en l'année
scolaire 1894-1895, qu'il fera connaissance avec le plus dévoué de
ses disciples, fidèle jusqu'à la mort, un jeune Breton à l'âme
ardente, Joseph Lotte.
Dans la cour rose, écrit Tharaud, ils se reconnurent vite pour des
natures de même sorte. Péguy annexa aussitôt notre nouveau camarade
à son monde fermé, à son univers personnel. Et Lotte prit la place
que Péguy lui donnait avec une force d'enthousiasme qui dépassa
vite la nôtre, et qui devait aller jusqu'au sacrifice de la vie
(pp. 76-77).
Revenant à la cour rose de 1893-1894, il convient de citer le
témoignage saisissant de Tharaud sur le Péguy d'alors :
Parmi nous, dans la cour rose, il était incontestablement le
premier. Il était naturellement le centre de la chaîne que nous
formions. Ce petit Beauceron rougeaud, sans beaucoup de grâce
extérieure, possédait ce don mystérieux comme le génie ou la beauté
: le prestige... Tout de suite, il nous domina par le carac- tère,
la décision, cette force morale difficilement exprimable qui
émanait de lui, que nous reconnaissions, et devant laquelle on
s'inclinait...
La cour où nous tournions formait pour lui un univers où il se
sentait à son aise, car il y exerçait pleinement le premier de ses
dons : grouper. des êtres, agir sur eux, ou plus exactement
imaginer la vie avec eux, organiser sa troupe avant de s'élancer à
la conquête du monde (Tharaud, pp. 14-15).
Les camarades de Péguy s'étonnaient de la façon dont il
travaillait. Les jours de composition française, latine ou
philosophique,
sitôt le sujet connu, une forte contention d'esprit lui faisait
monter le sang à la tête. Alors il disait à Deshairs, qui occupait
en classe la place voisine de la sienne : « Je vais dormir,
réveille- moi dans une demi-heure. » Congestionné, le sang aux
tempes, il se mettait le front sur ses deux mains formant appui sur
la table. La demi-heure écoulée, Deshairs, lui touchait l'épaule.
Il se réveillait sans surprise. Ce bref sommeil l'avait nourri. II
pre- nait son papier, sa plume, et se mettait à écrire sans
rature,
recommençant sa page s'il avait dû effacer une phrase ou un mot,
enchaînant ses idées avec une sûreté singulière. Pas une bavure,
pas une tache sur la feuille où il dessinait, d'une main lente, en
hautes lettres maigres, les phrases longuement pesées, et jamais un
mot pour un autre. Je le voyais, me dit Deshairs, s'en aller à la
ligne, ponctuer, prendre une page après l'autre, soigneux,
méticuleux, achevant toujours sa copie dix minutes avant le moment
de la remettre, relisant posément, ajoutant seu- lement çà et là
une virgule, un point, un accent, puis il signait Charles Péguy. Il
était rarement le premier, il était second, troisième. On louait le
fond, on faisait des réserves sur la forme, qui avait toujours cet
aspect guindé qu'on voyait à son écriture (Tharaud, pp.
12-13).
11 s'intéresse surtout à la langue et à la littérature grecques,
notamment il Homère et à Sophocle, et à la littérature fran- çaise
du xviie siècle, notamment à Corneille et à Pascal. Il dit à
Tharaud : « Je suis un classique de la première généra- tion, je
veux dire Sophocle èt Corneille,, et non de la seconde, Euripide et
Bacine » (p. 35). Il admire passionnément Victor Hugo, dont il sait
par coeur une grande partie de l'œuvre poétique.
Sa distraction préférée, c'est d'aller au Théâtre-Français entendre
Mounet-Sully jouant Polyeucte, ou la « divine » Bartet jouant
Antigone. « Quel homme de ma génération, écrira-t-il plus tard, ne
se rappelle... Mounet, debout au plus haut des marches à droite?...
Nous avons encore le timbre rocheux et beurré de sa voix sonnant
dans nos mémoires. »
Une ou deux fois par semaine, Péguy quittait le collège avec
quelques camarades, groupés par le généreux Louis Baillet, et par
l'aumônier de Sainte-Barbe, l'abbé Batiffol, pour participer à une
œuvre de bienfaisance, celle de la Mie de Pain, dans le quartier de
la Butte-aux-Cailles. On servait la soupe à deux ou trois cents
malheureux, réunis dans un hangar. Le spectacle de telles misères
fortifiait en son âme les sentiments socialistes.
A. la fin de l'année scolaire, le ier août 189/j, Péguy fut reçu à
l'Ecole normale, non pas troisième (Johannet, p. 4g), mais sixième,
après Foulet, Challaye, Villeneuve, Sarrieu et Reustan.
. Le nouveau normalien célébra ce succès en partant pour
Orange afin de voir Mounet-Sully jouer Œdipe-Roi sur les marches du
Théâtre Antique. Sa mère dut consentir, non sans difficulté, à
payer les frais du voyage. Ce qui fit dire gaiement à Péguy, épris
de comparaisons militaires : « J'ai gagné la bataille d'Orange »
(Tharaud, p. 59).
CHAPITRE II
c OMMENT m'apparut Charles Péguy quand je fis sa connais-
sance à l'Ecoie normale? Au physique, c'était un petit homme
robuste et san-
guin, aux épaules carrées, aux cheveux jas, à la barbe châtaine
légèrement frisée, aux yeux bruns vifs et malicieux recouverts d'un
binocle. Il y avait dans toute sa personne, dans sa tenue, dans son
allure, quelque lourdeur paysanne, et l'évidente influence
d'habitudes militaires.
Au moral, il était, à vingt ans, un magnifique exemplaire de
juvénile humanité. Tout de suite on se sentait en présence d'une
personnalité originale et vigoureuse, douée d'une excep- tionnelle
autorité. A le mieux connaître, on découvrait en lui une singulière
valeur morale; une intelligence lucide, au service d'une volonté
ferme et d'un oœur ardent. L'énergie de tout son être était tendue
vers le but le plus noble et le plus vaste qui se puisse concevoir
: la réalisation de la justice sur toute la surface de la terre.
L'immensité de cette ambition généreuse n'excluait point en lui la
gaîté, le goût de la blague, le plus savoureux humour.
Je ne constatai sa présence qu'après la semaine d'innocentes
brimades infligées par les anciens aux nouveaux, ce qu'on nomme en
argot normalien le canular.
Pendant ces sept jours, les nouveaux, les gnoufs, étaient les
domestiques des anciens, utilisés à transporter d'une turne à
l'autre les livres, les cahiers, les notes, tous les biens des
carrés et des cubes. Ils leur servaient aussi de jouets, en des
séances récréatives dirigées par le chef de canular. Notre
ahurissement amusait les normaliens quand, la nuit, ils ve- naient
nous retourner dans nos lits; quand, le jour, ils nous faisaient
combattre les uns contre les autres à coups de.tra- versin, ou
quand ils nous conduisaient, enveloppés chacun dans un drap de lit
transformé en suaire, baiser la dernière vertèbre du méga : un
squelette de mégathérium, dont l'an- cienneté symbolisait les plus
lointaines traditions de l'École. On contait qu'il y a quelques
dizaines d'années, un gnouf ayant refusé d'accomplir ce geste qu'il
jugeait déshonorant, Jaurès improvisa un magnifique discours,
flétrissant cette manifestation d'un monstrueux irrespect, et
exprimant l'in- dignation éprouvée par l'archicube méga devant un
scandale dont il n'avait jamais encore été témoin...
Après plus d'un demi-siècle, bien des détails de ces pitto- resques
scènes vivent encore devant mes yeux. Je vois s'agiter avec une
verve extraordinaire le chef de canular, le cube Feyel; j'écoute
ses mots d'esprit, que rendait encore plus piquants un bégaiement
léger. Je me rappelle la stupeur du petit provincial bien élevé que
j'étais, quand je l'entendis hurler, après la bataille aux
traversins : « Le combat ayant eu lieu à l'arme blanche, il n'a pu
y avoir que des pertes de même couleur. »
Le dernier soir du canular, au cours d'une vaste assemblée,
certains nouveaux devaient s'exhiber en grimpant sur yn poêle,
pendant que quelques anciens, qui souvent avaient été au lycée
leurs camarades, chantaient une chanson dénonçant leurs ridicules
physiques ou moraux. J'entends encore le refrain de la chanson
consacrée à notre camarade Albert Mathiez, dont la douceur n'était
point la qualité dominante :
C'est épatant : Rouspétait tout le temps.
A la fin de cette séance, le chef de canular proclamait qu'il
n'y avait jamais eu de gnoufs, qu'il n'y avait plus que des
conscrits. Un bal animé, où les plus jeunes d'entre nous faisaient
fonction de danseuses, mettait fin au canular. Puis cubes et carrés
invitaient les conscrits à prendre le thé dans leurs turnes. Je fus
invité par Paul Crouzet, le futur historien de la littérature, qui
devait devenir inspecteur général de l'Instruction publique et qui
partageait sa turne avec Gustave Téry. Sur le pas de la porte,
j'entendis la grosse voix de Crouzet faire à mon sujet un
calembour, que j'ai dû plus d'une fois subir : « Dans cette maison,
tu travailleras, Chal- laye, de nécessité... »
Dans cette période de la vie normalienne, qui avait l'avan- tage de
faire se connaître les membres des diverses promo- tions, et aussi
les nouveaux venus, entre eux, comment se fait-il que je ne
remarquai point une silhouette aussi originale que celle de Péguy,
et qu'au contraire elle me frappa tout de suite après la fin de
cette semaine fatidique?
On me conta que Péguy, dès son succès au concours de l'école, avait
déclaré les brimades du canular contraires à la dignité humaine,
proclamé sa décision de ne point s'y plier, annoncé sa ferme
résolution de casser la figure au premier des anciens venus pour le
canuler; et que l'administration, connaissant son énergie,
redoutant un esclandre, l'avait invité à rester chez lui huit jours
de plus.
Cette explication me parut confirmée quand j'appris que, quelques
jours avant l'entrée à l'École, Péguy avait, pour exprimer son
refus d'accepter le canular, convoqué en un café quelques camarades
amis, dont Albert Mathiez. Celui-ci conduisit à la petite réunion
son cousin et correspondant; c'est de sa fille que je tiens ce
récit.
Le bruit se répandit, parmi les normaliens, que Péguy n'avait pas,
comme nous, subi le canular, et que l'adminis- tration avait reculé
devant son énergie. A mes yeux, comme aux yeux de tous les
nouveaux, cet «, on dit » lui conféra un extraordinaire prestige,
dès le début de notre vie commune.
La promotion à laquelle appartenait Péguy, la promotion de 1894,
sera-t-elle considérée plus tard comme l'une des grandes promotions
de l'École?
J'avoue avoir été toujours agacé par l'application de ce
qualificatif à la promotion Taine — About — Sarcey : un philo-
sophe de second ordre, un romancier de troisième catégorie, un
banal journaliste. La vraie grande promotion a été celle qui eut
l'extraordinaire fortune de comprendre, à côté de plusieurs esprits
fort distingués, tels que Paul Desjardins et Mgr Baudrillart, deux
penseurs d'authentique génie : Henri Bergson et Jean Jaurès.
Notre promotion n'a pas atteint de tels sommets; peut-être
cependant sera-t-elle considérée plus tard comme s'étant élevée
assez haut.
Notre cacique (on nomme ainsi le chef de la promotion d'après
l'ordre d'entrée au concours) était- Etienne Burnet : sorti de
l'École agrégé de philosophie, il devint docteur en médecine et se
consacra à la microbiologie; il dirigea long- temps l'Institut
Pasteur de Tunis. Il a publié des œuvres merveilleusement
intelligentes en des genres aussi différents que la vulgarisation
scientifique : (La lutte contre les micro- bes; Microbes et
toxines; La lèpre) l'essai littéraire (Essences) et le roman de
mœurs (deux romans décrivant certains aspects de la vie russe :
Loin des icônes et La Porte du Sauveur).
Burnet, Péguy et moi appartenions à la section de philoso- phie,
ainsi que le regretté Désiré Roustan, qui, auteur d'un bon manuel
de psychologie, s'est particulièrement occupé de Malebranche, dont
il a publié et commenté le Traité de l'amour de Dieu; l'étrange
Bernard Sarrieu, qui, devenu félibre, s'est passionné pour la
langue d'oc; et Léon Bloch, qui se con- sacra à la philosophie de
la physique.
A nos camarades de la section d'histoire et de géographie on doit
une particulière abondance d'œuvres souvent remar- quables, Albert
Mathiez a renouvelé l'histoire de la Révolution,
découvrant l'importance du rôle qu'y ont joué les faits d'ordre
économique; il en a décrit les aspects politiques dans ses études
consacrées à Robespierre et à Danton, les aspects religieux (par
exemple Les Théophilanthropes et le culte décadaire), les aspects
sociaux (par exemple La vie chère et le mouvement social sous la
Terreur); il a résumé le résultat de ses recher- ches en la
meilleure des études d'ensemble que nous ayons sur la Révolution
française. Léon Homo est un des plus notoires historiens de
l'antiquité grecque et romaine : La civilisation romaine; Les
Institutions politiques romaines de la cité à l'État; L'Italie
primitive et les débuts de l'impéria- lisme romain; Alexandre le
Grand. Paul Léon, après une oeuvre de géographie économique,
Fleuves, canaux et chemins de fer, est devenu le très influent
directeur des Beaux-Arts, et, en cette qualité, a publié l'Art
français, esquisses et portraits et Arts et Artistes d'aujourd'hui.
Paul Mantoux, après son remarquable ouvrage La révolution
industrielle au XVIIIO siè- cle (Essai sur les commencements de la
grande industrie moderne en Angleterre), a été interprète à la
conférence de Versailles de Ig18, puis secrétaire général à la
Société des Nations. Georges Weulersse a rapporté d'un voyage
autour du monde deux ouvrages, Chine ancienne et nouvelle et Le
Japon d'aujourd'hui, puis a étudié Le Mouvement physiocratique en
France et les Physiocrates.
A la section des lettres et à la section de grammaire appar-
tenaient le stendhalien Arbelet, éditeur de quelques œuvres de
Stendhal, auteur de La Jeunesse de Stendhal et de Stendhal épicier.
Julien Luchaire, qui, directeur de l'Institut Français de Florence,
écrivit Les Sociétés italiennes du XIIIe au xve siè- cle et les
Démocraties italiennes, puis dirigea l'Institut de Coopération
intellectuelle à la Société des Nations, enfin fit jouer des
comédies dont la meilleure est Altitude 3200. Mario Roques, dont
les travaux se rapportent à la littérature rou- maine et au moyen
âge français (il en a édité bien des œuvres); il est, aujourd'hui,
l'un des plus savants et spirituels confé-
- renciers de la Radiodiffusion française. Georges Seure, spécia-
liste de l'àrchéologie thrace, grecque et romaine. Paul Val- lette,
qui s'est occupé d'Apulée. Henri Yvon, qui a composé
des manuels pour l'enseignement des langues française et latine. A
la jeune section de langues vivantes appartenaient Albert
Lévy, auteur de la Philosophie de Feuerbach, et Jean Poirot, qui
s'est consacré à la linguistique celte et finnoise, et qui, en des
Cahiers de la Quinzaine signés Jean Deck, a' appelé l'attention sur
les souffrances des Finlandais soumis à la domination du
tsarisme.
Je me suis borné à nommer ici ceux de nos camarades qui ont composé
des ouvrages plus ou moins connus, laissant de côté d'excellents
professeurs dans l'enseignement secondaire ou supérieur, l'aimable
peintre Fernand Perez, et un homme politique notoire dont il sera
question plus loin, Paul Elbel.
Les mérites de nos camarades scientifiques sont plus diffi- ciles à
juger quand l'on n'est point soi-même un spécialiste : parmi eux se
détachaient, dès l'Ecole, les mathématiciens Lebesgue. et Mon tel,
le physicien Paul Langevin, le biologiste Noël Bernard.
Pendant les trois années que la promotion 1894 a passées à l'École,
ont vécu sous le même toit, entre autres, nos cubes littéraires
Bargy, Bornecque, Emile Cahen, Paul Crouzet, Demangeon, Drouin
(Michel Arnauld), Dufourcq, Feyel, Henri Hubert, de Martonne,
Rudler, Segond, Gustave Téry, Wahl (Timmory); nos cubes
scientifiques Cotton, Édouard Le Roy; nos carrés littéraires
Besnier, Bourilly, Dresch, Laloy, Adolphe Landry, Pradines, Gaston
Rageot, Rozet, François Simiand, Treffel; nos carrés scientifiques
Touren, Wilbois; nos conscrits littéraires Arren, Joseph Aynard,
Hubert Bourgin, André Chaumeix, Debidour, Edmond Flegenheimer,
Foulet, Lebeau, Lubac, Claude-Eugène Maître, Vacher, René Waltz;
nos cons- crits scientifiques Jacques Duclaux, Esclangon, Charles
Pérez; nos petits conscrits littéraires Aillet, Babut, Raymond
Cahen, Louis Cazamian, Louis Gillet, Albert Monod, Pernot, Tharaud
(Ernest, qui prit plus tard le prénom de Jérôme); notre petit
conscrit scientifique Clairin.
Entre ces jeunes gens si divers, que de conversations utiles au
développement de l'esprit ! que de discussions fécondes et parfois
étincelantes! non seulement à la fin des conférences
que les élèves se faisaient les uns aux autres en présence des
professeurs, mais surtout dans les turnes, dans la cour, au
réfectoire ! J'ai gardé le souvenir délicieux d'une vie intel-
lectuelle intense en un milieu privilégié.
Péguy n'aurait-il pas apprécié cette atmosphère intellec- tuelle et
morale ? Daniel Halévy écrit :
Péguy ne fut pas heureux à l'École. Le régime en était sévère :
c'était un cloître. La lumière y entrait, la verdure y gardait sa
fraîcheur, les souvenirs y abondaient. Tout de même on y vivait
enfermé, et l'enfant du faubourg Bourgogne, depuis dix ans interné
et caserné, avait besoin de respirer (p. 43).
Le seul texte que, à ma connaissance, on pourrait invoquer en
faveur de cette thèse, c'est une lettre écrite par Péguy pendant un
cours, à son ami Bidault : « Moi aussi je suis un peu en prison
dans tous les sens : prison du corps et de l'esprit » (Am,itié, XI,
13).
Cette lettre, dont j'essaierai de fournir une explication, ne
m'empêche pas de croire que Péguy a su goûter l'intérêt et
l'agrément de la vie menée à l'Ecole pendant les deux années qu'il.
y a passées. Lui qui n'avait pas souffert de la caserne, comment
aurait-il souffert du « cloître » ? Comment n'aurait-il pas savouré
les conversations qu'il avait avec tant de camarades à l'esprit
éveillé, un Paul Langevin, par exem- ple, avec qui il aimait à se
promener dans la cour ? Comment ne se serait-il point passionné
pour la tâche de convertir à son socialisme certains de ces jeunes
gens?
Comment n'aurait-il pas continué à aimer les promenades dans Paris,
qu'il avait tellement appréciées lors de sa venue dans la capitale,
les visites au Louvre, les représentations au Théâtre-Français? Il
n'était pas difficile de s'évader du « cloître » dont parle Halévy
! C'est de ce cloître qu'il écrit à un ami :
En sortant j'ai rencontré Bartet rue de Rivoli et je l'ai regardée,
mon cher, avec un sentiment harmonieux d'art parfait que je ne dis
pas aux Barbares. Il faut aller au Louvre pour trouver pareille
démarche (Amitié, XI, i3).
Péguy a été loin d'approuver la réforme de Lavisse, ouvrant
largement l'École aux influences du dehors, atténuant la ri- gueur
très relative de l'internat, multipliant les contacts avec la
Sorbonne et réduisant la part de travail proprement norma- lien. Il
écrit :
Il y avait l'ancienne École normale, qui était l'École normale
supérieure. Il s'agissait de la faire continuer en cette École
normale inférieure, en cette nouvelle École normale que nous
connaissons (L'Argent suite, Paris, N.R.F., p. 28).
Quand, célébrant la grandeur de notre jeunesse, il parle de « trois
ou quatre merveilleuses années » (Cahi&rs, XIII, 2, p. 224),
comment ne pas admettre que, parmi elles, prennent place les deux
années vécues en l'École de la rue d'Ulm?
C'est pour des raisons extérieures au régime de l'École que Péguy,
après sa première année normalienne (novembre 1894-octobre 1895),
s'est, en novembre 1895, fait mettre en congé pendant un an; et
que, après une seconde année (novembre 1896-octobre 1897), il a, en
novembre 1897, démis- sionné, tout en demandant et obtenant
l'autorisation de suivre à l'École certains cours ou conférences.
On exposera plus loin les raisons ayant déterminé Péguy en ces
circonstances.
Quant à la lettre où il se plaint d'être « en prison », elle me
paraît s'expliquer par le fait que Péguy l'a écrite pendant l'un
des cours qui nous étaient imposés. La règle pédagogique appliquée
à l'École normale d'alors obligeait les élèves de première année à
recevoir une culture vraiment générale en suivant les cours de
plusieurs professeurs autres que ceux de la spécialité choisie par
eux. Certains de ces professeurs
"" ne nous intéressaient guère. Le temps passé à les entendre nous
paraissait du temps perdu.
A propos des professeurs de notre première année, une sin- gulière
erreur s'est répandue, qu'il convient à un contempo- rain de
rectifier en apportant son témoignage.
On a répété qu'en sa première année normalienne (1894- 1895), Péguy
avait fait la connaissance de Bergson et de Romain Rolland en
suivant leurs cours à l'Ecole.
Tharaud, sans insister d'abord sur la date, écrit : Sous nos
regards émerveillés, M. Bergson paraissait improviser
une philosophie pleine d'art qui ressemblait moins à un système -
qu'à une invitation au voyage dans des parties de notre esprit où
nous n'étions jamais allés (p. 88).
I Mais c'est bien de l'année 1894-1895 qu'il parle lorsqu'il
ajoute : •HTe ne crois pas que, cette année-là, Péguy ait pris un
bien vif intérêt ni à Romain Rolland..., ni même à M. Bergson dont
la philosophie devait tant le passionner plus tard (p. go).
Parlant aussi de la première année passée par Péguy à l'École
normale, Daniel Halévy écrit :
Si farouche qu'il fût en cette année, c'est pourtant alors que
Péguy se lia avec trois hommes qui auront, diversement, grande part
dans sa vie : Bergson, qui enseignait la philosophie à l'Ecole,
Romain Rolland, qui enseignait l'Histoire de l'Art, et Lucien Herr,
bibliothécaire.
On reviendra plus loin sur les rapports avec Lucien Herr. Sur
Bergson, Halévy continue en écrivant : Nommé depuis peu maître de
conférences à l'Ecole, il avait
décidé de suspendre ses travaux personnels pour se donner tout
entier à ses livres... Péguy reçut à plein ce merveilleux ensei-
gnement (p. 47).
Même affirmation dans le très consciencieux ouvrage de Jean
Delaporte : Connaissance de Péguy (Paris, Plon, 1944, t. I, P-
9).
Johannet écrit : Cette première année de Normale, serait-elle donc
stérile ? Non,
Péguy allait au contraire faire de nouvelles rencontres et de pré-
cieuses acquisitions. Il y avait alors à Normale un tout jeune
maître de conférences, petit homme menu, pensif, au front
vaste,
C H E Z L E S M Ê M E S É D I T E U R S
ALFRED FABRE-LUCE JOURNAL DE LA FRANCE 1939-1944
Edition définitive JOURNAL 1951
Révélations sensationnelles sur un procès dramatique WINSTON
CHURCHILL
JOURNAL POLITIQUE 1936-1939 « Trois années aussi désastreuses que
mémorables » . ;
MARÉCHAL MONTGOMERY AVEC LA VIII. ARMÉE
D'El Alamein à l'Adriatique L'Epopée de « Monty », avec 10 cartes
en couleurs
ROBERT HAVARD DE LA MONTAGNE HISTOIRE DE LA DÉMOCRATIE
CHRÉTIENNE
De Lamennais à Georges Bidault MARÉCHAL TCHANG-KAI-CHEK
DESTIN DE LA CHINE Le livre qui a fait abandonner Tchang par
l'opinion américaine
PIERRE PUCHEÙ MA VIE
Une confession bouleversante qui révèle un grand écrivain politique
PIERRE VARILLON
MERS-EL-KEBIR Toute la vérité sur le drame du 3 juillet Ï940
CHARLES MAURRAS POUR UN JEUNE FRANÇAIS
Le sommet d'une grande œuvre politique et littéraire ROBERT HAVARD
DE LA MONTAGNE
HISTOIRE DE L'ACttON FRANÇAISE « Ce beau livre si'clair et si
passionnant »
DUC DE WINDSOR HISTOIRE D'UN ROI
WILLIAM HILLMAN M. LE PRÉSIDENT Carnets, lettres, archibes et
propos de Harry S. TRU M AN
ROBERT A. TAFT L'AMERIQUE EN DANGER
JACQUES MORDAL BIR HACHEIM - CASSINO MARÉCHAL ROMMEL
- LA GUERRE SANS HAINE 1. Les Années de Victoire. - Il. Les Années
de Défaite
Carnets présentés par Liddell-Hart WALTER GORLITZ et HERBERT A.
QUINT
ADOLF HITLÈR: 1. La montée d'un obsciir-.* - If. La course vers le
désastre
JEAN SAINTENYr , HISTOIRE DI!J E PAIX MANQUÉE
.Indochine 'i9fÀ-19V7
AMIOT • DURONT Paris
Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de
savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition
numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors
uniquement
sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er
mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe
siècle.
Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support
physique parfois ancien conservé au sein des collections de la
Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt
légal.
Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments
propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.
Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au
format PDF.
*
La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une
licence confiée par la Sofia Société Française des Intérêts des
Auteurs de l’Écrit
dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.
Couverture
CHAPITRE II - A L'ÉCOLE NORMALE
CHEZ LES MÊMES ÉDITEURS