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La philosophie comme mode de vie chez Pierre Hadot Daniel DESROCHES ______________________________________________________________________ Pour citer cet article : DESROCHES D. La philosophie comme mode de vie chez Pierre Hadot, Encyclopdie de l!Agora, Grandes questions, Dossier thmatique, premire version : juillet 2011, 1-28. ______________________________________________________________________ La reproduction ou reprsentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorise que dans les limites des conditions gnrales d'utilisation du site ou, le cas chant, des conditions gnrales de la licence souscrite par votre tablissement. Toute autre reproduction ou reprsentation, en tout ou partie, sous quelque forme que ce soit, est interdite sauf accord pralable et crit de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislation en vigueur au Qubec. La reproduction doit obligatoirement mentionner l'diteur, le nom de l!Encyclopdie, l'auteur de l!article et la rfrence complte du document. Il doit tre prcis ici que son stockage dans une base de donnes est galement interdit. ! ! La philosophie comme mode de vie chez Pierre Hadot Daniel D1ESROCHES Je veux dire, donc, que le discours philosophique doit tre compris dans la perspective du mode de vie dont il est la fois le moyen et l'expression et, en consquence, que la philosophie est bien avant tout une manire de vivre, mais qui est troitement lie au discours philosophique. HADOT Qu'est-ce que la philosophie antique ? 19 On conoit souvent la philosophie comme la discussion de textes savants, comme l'laboration de systmes ou de doctrines abstraites, bref comme une succession de conceptions thoriques. Pourtant, l!examen attentif des textes anciens par l!hellniste Pierre Hadot (1922-2010) a bien montr que la signification premire de la philosophie antique rside dans un choix de vie form d!exercices, c'est--dire dans la pratique d!un mode de vie. Si la dcouverte rcente de la vie philosophique par Hadot a donn lieu un nouveau regard sur la philosophie antique en France et l!tranger, il est maintenant permis de penser qu!elle prfigure peut-tre un mouvement philosophique plus profond. Cet article prsente la philosophie comme mode de vie en considrant : 1) l!origine de cette expression dans les travaux de Hadot; 2) les trois dimensions d!une philosophie comme mode de vie; 3) la philosophie comme mode de vie dans les coles antiques; l!appropriation des exercices spirituels par le christianisme selon les recherches de Hadot; 5) le prolongement des exercices antiques dans la vie philosophique moderne et le d?fi d!actualiser la philosophie comme mode de vie ? partir de l'approche de Hadot. L!origine de cette expression et les mprises frquentes L!expression philosophie comme mode de vie parat trs rcente. En franais, il n!est pas certain qu!on la retrouve avant son emploi comme sous-titre de la seconde partie du livre Qu2 est-ce que la philosophie antique?, un livre publi par Pierre Hadot en 1995. En anglais, la formule philosophy as a way of life est utilise la mme anne comme titre 34de la traduction partielledu recueil intitul Exercices spirituels et philosophie antique. Or l!ide matresse de l!hellniste Hadot, selon laquelle la philosophie antique consistait dans le choix d!un mode de vie, s!atteste partir de la leon inaugurale prononce au 5Collge de France en 1983. Cependant, la redcouverte du phnomne gnral de la philosophie comme manire de vivre, selon le titre donn aux entretiens accords par 6Hadot en 2001 est ant?rieure ? cette p?riode. Si on laisse en plan l!int?r?t de jeunesse7que portait Hadot la mystique l!?tude de la philosophie comme discipline spirituelle8remonterait un article portant sur l!exercice de la physique chez Marc Aurle en 1972, un article qui fut intgr, en 1981, au recueil Exercices spirituels et philosophie antique. Ajoutons enfin que durant l!intervalle, notamment partir du livre de son pouse et de ses entretiens avec elle, Hadot rdigeait un article liminaire intitul Exercices spirituels e9qui paraissait dans la Vsection de l!Annuaire de l!cole pratique des hautes tudes ! . ! Enfin, la redcouverte de l!importance des exercices spirituels en philosophie antique erevient probablement l!hellniste allemand Paul Rabbow qui, au dbut du XXsicle, s!intressait dj la conduite de l!me chez les Grecs anciens. Cependant, c!est dans 10son Seelenfhrung: Methodik der Exerzitien in der Antike, paru Munich en 195411 qu!ildmontre que les exercices spirituels de Saint Ignace de Loyolatrouvent leur source dans la tradition antique. Si la lecture de Rabbow exera une influence trs profonde sur Pierre Hadot, il ne faudrait pas mconnatre le fait que la thse de son pouse Ilsetraut Hadot, Seneca und die griechisch-rmische Tradition der Seelenleitung, dite Berlin 12en 1969, s!inscrivait dj dans le mme type de proccupation. Avant de prsenter la philosophie comme mode de vie, il faut carter quatre mprises frquentes. D!abord, l!expression ne renvoie aucun courant de pense en particulier : la philosophie comme mode de vie dcrit ce qui appartient tous. Elle dsigne ainsi le phnomne culturel complexe la source de ce que nous appelons la philosophie. De ce point de vue, toutefois, la formule devient tautologique et presque insignifiante. En effet, l!ide d!un mode de vie ajoute peu la signification premire du mot philosophie, car la philosophie antique s!est d!abord comprise comme une manire de vivre, savoir comme une vie oriente vers la sophia. C!est d!ailleurs pourquoi on ne peut utiliser cette expression aujourd!hui que dans une culture pour laquelle le discours philosophique est devenu autonome, un discours souvent confondu avec la philosophie elle-mme. Dans ce cas, l!expression signifie qu!il existe une approche en philosophie qui accorde la primaut la vie philosophique par rapport au discours sur la philosophie. Pourtant, il n!y a pas lieu d!opposer radicalement le discours philosophique et le mode de vie, car la philosophie est bien avant tout une manire de vivre, rappelait Hadot, mais qui est 13troitement lie au discours philosophique. Toutefois, comme il l!affirmait ailleurs, il y a bien une rupture entre les deux ordres : Vivre rellement en philosophe correspond 14un ordre de ralit totalement diffrent de celui du discours philosophique. Ensuite, il ne faut surtout pas confondre la philosophie comme mode de vie avec la philosophie de la vie (Bergson) ou la Lebensphilosophie (Nietzsche, Dilthey, Simmel). eEn effet, le courant vitaliste qui mergea au cours du XIXsicle ne dcrivait pas la vie philosophique mais plutt les processus biologiques la source de l!exprience vcue. En outre, si la philosophie comme mode de vie bnficie d!un ancrage profond dans 15les exercices spirituels, si son origine est contemporaine des purifications religieuses16et des pratiques corporelles associes au yoga, et si, aux premiers sicles, une frange du christianisme intgre son genre d!existence des pratiques antiques, la philosophie comme mode de vie, en tant que telle, n!est pas assimilable la religion. En effet, la philosophie comme mode de vie est d!abord un phnomne de culture grecque qui ne 1718pouvait entrer en concurrence ni avec la religion populaireni avec le christianisme. Enfin, s!il a exist une philosophie cosmique l!poque de Kant, une philosophie mondaine, il n!y a pourtant pas lieu de rduire la philosophie comme mode de vie une 19philosophie populairequi s!adresserait tous, se confondant dsormais avec une nouvelle philosophie de la vie. Si la philosophie comme mode de vie n!a pas comme projet de rendre la philosophie plus populaire, ce qu!elle dcrit peut toutefois lui confrer une certaine popularit auprs de ceux qui aspirent retrouver la signification premire de l!exprience philosophique. ! ! 20Les dimensionsune philosophie comme mode de vie Qu!est-ce qu!une philosophie comme mode de vie ? Pour rpondre cette question, il sera utile de distinguer d!abord les trois grandes dimensions du phnomne complexe que l!on cherche dcrire. En s!inspirant librement de l!introduction de Quphilosophie antique ?, on peut dgager trois dimensions propres la vie philosophique, des traits constitutifs que l!on retrouvera ensuite dans les grandes coles antiques, soit le socratisme, le cynisme, le scepticisme, l!picurisme et le stocisme. Or quelles sont ces trois dimensions constitutives? Premirement, la philosophie antique se prsentait comme un choix de vie, le choix d!une manire de vivre propre qui constituait une option existentielle parmi d!autres. Deuximement, ce choix de vie s!incarnait dans une rgle de vie forme d!exercices spirituels, c!est--dire de pratiques personnelles destines oprer une transformation de soi. Troisimement, ce mode de vie se prolongeait par un ensemble de pratiques discursives, c!est--dire par l!usage de discours en accord avec ce choix pralable; il s!agissait, le plus souvent, de discours rationnels de justification de l!option existentielle choisie et de discours visant l!appropriation personnelle de la rgle de vie. Il faut approfondir ces trois dimensions avant de dcrire les principales coles. Sauf ? de rares exceptions, l!exp?rience philosophique d?butait dans une ?cole, dans une communaut de vie pour laquelle le choix d!une manire de vivre exigeait une 21conversion, un retournement ou un changement de direction. Si les coles s!opposent sur certains points, elles partagent toutes la conviction que la philosophie se reconnat un genre d!existence radicalement autre. C!est ce choix de vie qui distinguait, d!une part, la vie philosophique des autres manires de vivre et, d!autre part, les coles entre elles. Or le choix d!un type d!existence philosophique tait lui-mme dtermin par le choix d!un bien propre, d!un souverain bien. C!est dans le choix de ce bien propre que rside la valeur fondamentale qui orientera la vie philosophique. Celui-ci pouvait consister dans la vertu morale, l!autarcie, l!ataraxie, l!apathie, etc. Si le choix de ce bien permettait de guider toute la vie philosophique, c!est parce qu!il tait aussi conu la manire d!un remde que l!on prescrit pour se prmunir contre les malheurs humains, tels la peur de la mort, l!esclavage du dsir, la souffrance, les fausses opinions, etc. La philosophie 22antique se prsentait alors comme une thrapeutique de l!me. Enfin, ce choix de vie comportait une exigence normative, car il aspirait la sophia conue comme une fin, un idal de perfection spirituelle. C !est ainsi que la conversion tait insparable d!un dsir 23de sagesse ou de l!imitation d!un matre de vie comme Pythagore, Socrate ou picure. La thse principale de Hadot est que le discours philosophique fait partie d!un mode de vie ou, plus prcisment, que le discours philosophique antique a son origine dans 24une manire de vivre dtermine. Cette dimension existentielle, si loigne de notre conception actuelle, tait le socle commun de toutes les coles antiques. Pour mieux comprendre, crivait Hadot, il faut peut-tre faire appel la distinction que proposaient les stociens entre le discours sur la philosophie et la philosophie elle-mme. Selon les stociens, les parties de la philosophie, c'est--dire la physique, l'thique et la logique taient [...] des parties du discours philosophique. Mais la philosophie elle-mme, c'est- -dire le mode de vie philosophique, n'est plus une thorie divise en parties mais un 25acte unique qui consiste vivre la logique, la physique et l'thique.! ! La vie philosophique correspondait ? la mise en Iuvre d!un ensemble d!exercices spirituels, car c!est par ceux-ci qu!il devient possible de se rapprocher de l!idal vis en transformant progressivement l!exprience vcue. Hadot s!est expliqu longuement sur le choix de l!expression exercices spirituels pour caractriser les pratiques antiques, 26qu!il oppose aux pratiques de soi dcrites par Foucault Chez lui, l!exercice spirituel27est dfini comme une pratique destine oprer une transformation de l!individu. Nous ne disposons que de listes partielles de ces exercices, mais nous savons qu!ils taient trs varis et qu!ils taient pratiqus seul, avec le matre ou avec un conseiller d!existence. Il y avait, par exemples, des pratiques corporelles, comme l!abstinence, les preuves d!endurance visant la matrise de soi; il y avait des ascses mentales, comme la matrise des reprsentations, la prmditation des maux, la mditation contemplative, l!exercice de la mort et l!examen de conscience; enfin, il y avait des pratiques mixtes comme le dialogue, l!coute, l!criture et la mmorisation de notes personnelles. Selon la typologie de H adot, on peut les rpartir en trois classes: les exercices de conformit 28la nature, les exercices impliquant des relations sociales et les exercices personnels. Si le cas d!Aristote, dont la mtaphysique valorise la connaissance pour elle-mme, 29semble rsister l!analyse, Hadot n!hsite jamais dire que c!est toute la philosophie antique qui est exercice spirituel, parce que mme la plus haute theoria, le point de vue 30contemplatif de la mtaphysique, peut servir la praxis, celle du dtachement. Influenc par le stocisme et les Penses de Marc Aurle, l!exercice par excellence serait celui qui permet d!adopter le point de vue d'en haut; il s!agit d!une mditation contemplative 31par laquelle le philosophe adopte une perspective universelle. Enfin, et d!une manire gnrale chez Hadot, l'activit philosophique peut tre dcrite comme une conversion du regard ou une transformation de l'attitude naturelle qui traduit un changement radical 32dans la manire d'tre et de percevoir le monde. Nous y reviendrons en conclusion. Certes, la pratique de la vie philosophique n!allait pas sans l!usage de discours. Si le rle et la place des logo variaient selon les coles, certaines le dveloppant tandis que d!autres le rduisait ou le suspendait, celui-ci servait gnralement justifier une option existentielle. C!est en ce sens que le discours tait subordonn au choix de vie. Outre la justification, on notera aussi que l!introduction la vie philosophique elle-mme exigeait un discours de type psychagogique, c!est--dire un discours destin former un disciple ou devant permettre la conduite de son me. Enfin, il y avait un troisime trait important : la pratique du discours permettait de s!approprier la rgle de vie choisie afin de transformer son existence. De ce point de vue, le discours obissait une fonction pragmatique indpendante de la recherche de la connaissance. L!ide qu!il existe une pragmatique du discours philosophique trouve un appui solide chez Hadot, car celui-ci estimait que l!crit ancien doit toujours tre interprt dans la perspective de l'effet qu'il 33veut produire sur le destinataire et non comme la justification abstraite d!une thorie. Si Socrate, Diogne et Pyrrhon n!ont pas crit, justifiant leur vie philosophique par un usage direct de la parole et des actes mmorables, le discours crit tait utilis par les 3435acadmiciens, les picuriens et les stociens. Sous forme d!exhortations, de lettreset de traits, le discours rationnel servait le plus souvent justifier une option existentielle 36afin de lui procurer une assise inbranlable. En ce sens, mme la recherche de la connaissance la plus exigeante se rapportait au mode de vie que l!on voulait justifier. ! ! Certes, les philosophes ne faisaient pas usage du discours dans le seul souci de le dvelopper, car l!laboration d!un tel discours, sans chercher le mettre en accord avec 37sa propre vie, tait essentiellement l!affaire des sophistes. Qui plus est, le choix de vie philosophique pouvait mme interdire un tel rapport au logos. C!tait le cas, notamment, des cyniques et des sceptiques qui pratiquaient une rduction volontaire du discours ; les premiers, parce qu!ils illustraient leur vertu hroque par la voie courte des actes, tout en s!opposant la dialectique et la paideia et, les seconds, parce qu!ils estimaient que l!ataraxie s!obtient par une purgation des opinions, par la suspension du jugement. Quant aux discours de formation spirituelle, on songera d!abord la dialectique. C!est que la pratique de la discussion servait autant d!ascse thique que d!examen logique des hypothses. Par le jeu du dialogue et le dtachement des intrts qu!il implique, le mouvement de formation spirituelle du disciple s!effectuait sous l!autorit du logos, tant l!effet produit par celui-ci. Or l!effet psychagogique ne pourra pas se produire, dans un dialogue de Platon par exemple, si l!on s!attarde aux seuls arguments plutt qu!au jeu dialectique par lequel l!auditeur se trouve mis en question lui-mme par la discussion. Si le discours de la philosophie antique n'aspirait pas informer des lecteurs, explique Hadot, c!est parce qu!il visait d!abord former un disciple, bref il n!tait pas simplement 38informatif, comme il l!est devenu aujourd!hui, mais de part en part pragmatique. propos des discours d!appropriation, on en trouvera un exemple chez les stociens. Si l!exhortation justifiait une option existentielle et que le dialogue servait la formation, les hypomnmata, eux, taient exclusivement consacrs l!appropriation d!une rgle de vie. Ces carnets de notes qu!il tait commode d!avoir sa disposition en toute situation, permettaient de se remmorer la doctrine philosophique afin d!adopter l!attitude requise face aux vnements. Ces crits personnels, qui mettaient en forme un matriel divers, servaient aussi la mditation quotidienne. Toujours sous la main, ils taient plus qu!un 39simple support de mmoire40 Comme on le sait, leManuel d!pictte, rdig par son 41disciple Arrien et lesPenses de Marc Aurle42 appartiennent ces hypomnmata. Quant aux Lettres de Snque, elles puisent mme de semblables carnets de notes. Ces considrations sur la dimension discursive du mode de vie philosophique montre que le discours de justification rationnelle, savoir l!argumentation, n!tait probablement pas autonome en philosophie antique, car celle-ci tait en grande partie subordonne une option existentielle ainsi qu! une vise pragmatique. Cela est confirm par Voelke qui a bien montr, en vertu de la distinction que l!on peut tablir entre la force et la vrit d!un discours, que le pouvoir d'agir du discours dtermine sa capacit intresser la 43raison. Par voie de consquence, la philosophie ne peut demeurer indiffrente la capacit de son discours intresser le sujet thique. Cette dimension pragmatique, qui se trouvait au cur de l!thique antique, a t mise en vidence par Foucault. Dans le cadre d!une recherche portant sur la constitution du sujet thique, ce dernier a dgag la porte thopotique de certains noncs, soit leur capacit modifier les dispositions 44du sujet ou traduire la vrit du matre d!existence en manire d!tre chez le disciple. En terminant, la prsentation des trois dimensions du mode de vie philosophique ne nous dispense pas d!tudier les coles elles-mmes. Dans la section suivante, l!examen des principales coles antiques permettra d!identifier: 1) l!option existentielle choisie, 2) les principaux exercices et 3) l!usage du discours ou la principale pratique discursive. ! ! La philosophie comme mode de vie dans les coles antiques Selon ce qui vient d!tre prsent, pour qu!une philosophie mrite pleinement le nom de philosophie comme mode de vie, celle-ci doit comporter une option existentielle justifie, un ensemble de pratiques ou d!exercices philosophiques ainsi qu!un usage du discours en accord avec la valeur fondamentale qui oriente la vie philosophique. La prsentation des coles antiques qui suit rpondra exactement cette exigence. Le socratismevidemment, le problme de savoir quelles taient les ides philosophiques du Socrate 45historique sera toujours insoluble, car il n!y a pas un seul Socrate, mais plutt des descriptions rivales et contradictoires de l!activit de ce philosophe. Quoi qu!il en soit, quelle tait la pratique philosophique de Socrate, le seul philosophe dont la sagesse fut reconnue par toutes les coles de l!Antiquit et le prcurseur d!un mode de vie dont se 46rclameront bientt ceux qui furent appels les petits et les grands socratiques?Pour le savoir, on consultera d!abord le tmoignage de ceux qui ont rapport la dfense de Socrate lors d!un procs intent contre lui. C!est grce aux tmoignages de Platon et de Xnophon que pourront tre prciss les maux viter, le bien rechercher ainsi que les principales pratiques qui permirent Socrate de vivre et de mourir en philosophe. Le socratisme a son dpart dans les actions de chacun, car celles-ci impliquent des valeurs qui, le plus souvent, sont ignores. Ce point de dpart est associ l!Oracle de Delphes qui, de manire dtourne, aurait exig que Socrate examine ses concitoyens. Or pourquoi cet examen? Pour les aider prendre conscience de leur situation morale, c!est--dire de l!ignorance des valeurs la base de leurs actions. En effet, la dcouverte de Socrate c!est qu!il existe une ignorance plus grave que l!ignorance elle-mme, c!est l!ignorance ignore de sa propre situation morale, car c!est celle-ci qui nous empche de chercher devenir meilleur, plus vertueux. C!est ainsi que l!nonc nul ne fait le mal volontairement reoit un sens pratique et non thorique: il dispose Socrate se soucier d!autrui. Aux yeux de Socrate, la cause du malheur humain serait l!insouciance morale la source des contradictions qui opposent les valeurs sur lesquelles reposent nos actes. Si le socratique reconnat que la cause du mal c!est l!insouciance, il affirme par le fait mme que la valeur par excellence est le souci de soi. C!est ainsi que Socrate accordait 47la primaut au soin de l!me plutt qu!aux biens extrieurs. La vertu relevant de l!me, la mort n!est donc pas craindre puisqu!elle n!est pas un mal. Pour l!homme de bien, affirme Socrate au tribunal, il n!y a aucun mal, ni pendant sa vie, ni une fois qu!il est 48mort. Selon Socrate, il n!y a qu!un seul mal vritable, c!est la faute morale qui rsulte de notre ignorance, comme il n!y a qu!un seul bien essentiel, c!est la valeur absolue de 49l!intention morale.S!il en est vraiment ainsi, il faut alors examiner sa manire de vivre pour s!assurer qu!elle soit toujours inspire par la volont de faire le bien: seule une vie 50examine, disait Socrate, vaut d!tre vcue. Or comment parer l!insouciance morale, comment se soucier de soi-mme ! ? ! Le remde l!insouciance est un examen, un exercice de clarification qui permet au disciple de prendre conscience du fait qu!il ignore les valeurs qui fondent son action. Si 51Xnophon s!attarde la matrise de soide Socrate, l!elenchos est le principal exercice que rapporte les dialogues de Platon: Le dialogue socratique prsente une vraie mise en jeu, qui est cette preuve de vrit que traverse celui qui s!expose aux questions de 52Socrate.C!est par cette preuve que chacun est invit se soucier de soi-mme et se connatre soi-mme. On comprend mieux pourquoi la maxime delphique connais-toi toi-mme fut rapporte Socrate : seule une connaissance des valeurs permet d!viter 53le mal que cause la contradiction entre soi et soi-mmeainsi qu!entre soi et les autres. Tout l!oppos du savoir des sophistes, la vie philosophique n!est donc pas faite de discours, mais d!actes et d!preuves. ce propos, l!Apologie de Xnophon prsente un Socrate qui estimait que le tmoignage direct de sa vie servira mieux sa dfense qu!un 54discours savant prpar pour l!occasion. Enfin, comme le rappelle Hadot, philosopher, au sens socratique, c!est se mettre en question soi-mme, parce que l!on prouve le sentiment de ne pas tre ce que l!on devrait tre. Telle sera la dfinition du philo-sophe, de l!homme dsireux de la sagesse, dans le Banquet de P55 laton.C!est la raison pour laquelle Hadot insistera toujours pour marquer la distance, presque asymptotique, qui spare le philo-sophe de la sagesse, c!est--dire la distance qui spare celui qui aspire la sagesse du mode de vie presque divin qui apporte la tranquillit? de l!?me56 (sophia). Le cynismeQuel tait le genre de vie des cyniques et de Diogne de Sinope, le plus clbre des petits socratiques? Il faut dire, avant de prsenter le fameux Diogne, que l!expression petits socratiques vient de l!option existentielle retenue par ceux qui, convaincus de la 57supriorit des actes sur les paroles, ont pratiqu une voie courte vers la vertu, une voie oppose la dialectique prne par les grands socratiques, dont celle de Platon. Le cynisme a son dpart dans les actions de chacun, des actions qui dissimulent les valeurs sociales auxquelles nous adhrons par simple conformisme. De ce point de vue, le cynisme hrite directement de Socrate qui avait pour mission d!examiner les citoyens. Toutefois, la mission de Diogne radicalise celle de Socrate en ce que celui-ci opta pour une subversion complte des valeurs traditionnelles jointe une autarcie maximale. Le 58cynique rejette en fait les rgles lmentaires et les conditions de la vie en socit. On se rappelle que Diogne ne possdait qu!un bton, une besace et un manteau. Mais pourquoi choisir un mode de vie si frugal, rduit la seule conformit la nature? C!est parce que les philosophes-chiens, du nom du gymnase Cynosargs o se retrouvaient les disciples d!Antisthne, ont retenu de Socrate sa capacit remarquable se matriser et tre auto-suffisant. Selon le cynisme, le malheur tient la dpendance l!gard des 59biens extrieurset le bien vritable l!autarcie, l!indpendance, bref la libert. Au dsir de possder des biens extrieurs, le cynique choisira plutt de se possder 60lui-mme et de rduire ses besoins ce que lui offre la seule nature. Selon la tradition, Diogne ne se prive pas de dnoncer ceux qui vivent dans le luxe afin de montrer qu!ils ne sont pas des matres, mais d!authentiques esclaves. La philosophie du cynique est un ensemble d!exercices et d!efforts, car les commodits de la socit civile affaiblissent ! ! 61l!homme et le rendent servile ou esclave.Autarcique et meneur d!homme, le cynique propose un genre de vie naturel et simplifi qui comporte une ascse des dsirs ainsi que des preuves athltiques qui illustrent sa supriorit sur les conventions sociales. Quant au discours, le cynique optera pour une rduction de celui-ci en s!exprimant de manire fort concise l!aide de boutades et de sarcasmes. Bien qu!il n!en ait pas eu le monopole, le cynique pratique la parrsia, le dire-vrai, le franc-parler en toute situation. Ne possdant rien et n!ayant rien perdre, Diogne dira chacun ses quatre vrits, 62comme il le fit pour Philippe de Macdoine et, selon Larce, pour Alexandre le Grand. En effet, lorsque le conqurant se prsenta lui dans toute sa splendeur, Diogne, au 63risque de sa vie, exigea que ce faux roise tasse de son soleil, contestant ds lors l!autorit d!Alexandre et illustrant ainsi sa propre royaut. Car c!est le fait de vivre dans dnuement complet qui permit aux cyniques, tel Diogne, de vivre une vie plus vraie, plus authentique, plus naturelle : la seule capable de vrit en acte et d!actes de vrit. Le scepticismeQuelle tait le mode de vie de Pyrrhon, le pre des sceptiques dont on raconte qu!il a t influenc par des gymnosophistes hindous, des sages nus, l!poque o il suivit 64Alexandre jusqu!aux Indes? Inspir par les pratiques orientales, le scepticisme est un 65art de vivre qui consiste en une indiffrence parfaite l!gard de toutes choses.Le scepticisme a son dpart dans les opinions de chacun, des opinions changeantes 66qui redoublent notre exprience directe de la vie. Suivant le tmoignage de Timon, le sceptique reconnat que nous ne pouvons pas savoir si les choses qui se prsentent 67nous sont, en elles-mmes, des biens ou des maux.68 Or comme nous n!accdons qu!aux apparencesde choses changeantes, instables et insaisissables, les jugements de valeurs occasionnent des troubles dans l!me plutt que d!offrir la quitude. Selon le scepticisme, le malheur humain tient donc l!attachement aux choses par l!opinion. cet attachement par l!opinion, qui se manifeste le plus souvent l!insu de chacun, Pyrrhon opposait la pratique de la suspension du jugement, l!poch, qui est une forme radicale de dtachement ou de renoncement. Cet exercice consiste laisser les choses se prsenter d!elles-mmes afin de les recevoir dans leur adiaphoria, c!est--dire dans leur indiffrence, puis agir en consquence. Cette pratique conduira le sceptique au silence puis l!ataraxie, c!est--dire la quitude, la srnit. Quant l!usage du discours, un usage ncessairement rduit, le sceptique emploiera de courtes formules frappantes afin de raffermir son choix de vie, ce sont les phona. Par exemple : pas plus ceci que cela, je ne dfinis rien, tout argument s!oppose 69un argument de force gale, etc.C!est ainsi que Pyrrhon d!lis, qui fut imprvisible dans plusieurs de ses actions, qui travaillait en toute srnit et qui fut reconnu par ses 70pairs, prenait la vie pour guide, selon la belle expression de Sextus Empiricus. En somme, c!est par la pratique quotidienne de la suspension du jugement qu!il est possible d!atteindre l!ataraxie, la tranquillit de l!me. N!prouvant aucun changement de disposition, Pyrrhon demeure toujours dans le mme tat et n!est gure troubl par les choses extrieures ni par les autres. Le but du sceptique est de faire l!exprience de la vie elle-mme plutt que d!ajouter son avis. ! ! L!picurismeL!picurisme tant rput pour sa qute du plaisir, quel tait l!art de vivre qui prvalait au Jardin d!picure? Se peut-il d!abord que le plaisir picurien n!ait rien voir avec ce que nous concevons habituellement comme tant le plaisir? Car il faut savoir que les prjugs entourant l!picurisme ne datent pas d!aujourd!hui ; picure lui-mme rappelait, dans sa Lettre Mnce, qu!il n!est pas question du plaisir des gens dissolus et que 71le plaisir doit s!apprcier dans l!ensemble des actes, c!est--dire durant toute la vie.L!picurisme a son dpart dans l!exprience corporelle, une exprience qui procure du plaisir et de la douleur. Quelle est donc la cause des malheurs, selon cette cole qui endosse le matrialisme? Puisque nous redoutons des choses qui ne sont pas donnes dans l!exprience, telles les dieux et la mort, et que les souffrances corporelles ne sont pas ncessaires, le malheur de l!humain vient d!un dsquilibre entre le corps et l!me qui l!empche de profiter de son existence. C !est pourquoi la thrapeutique picurienne 72gurira les souffrances inutiles et les craintes vides afin de nous procurer l!ataraxie . Bien qu!il exigerait lui seul une longue explication, le quadruple remde de Philodmrsume bien ce qu!il faut savoir pour tre heureux : les dieux ne sont pas craindre ; la mort n!73 est rien pour nous, le bien est facile acqurir ; le mal est facile supporter.Selon l!picurisme, la satisfaction d!un dsir naturel procure un tat de plnitude qu!il est possible de prolonger grce un ensemble de pratiques. La condition minimale du bonheur, observe picure, c!est de ne pas avoir faim, de ne pas avoir soif et de ne pas avoir froid. C !est ainsi que ds que l!tat d!autarcie corporelle est atteint, que le corps ne rclame rien de plus que la suppression de son dsir naturel, il est possible de profiter de l!existence et d!prouver l!ataraxie, condition d!avoir limin les craintes injustifies. C!est par une prise de conscience propre de son tat que l!picurien estimait que le bien recherch n!est pas le plaisir, mais le plaisir pur d!exister, c!est--dire la rjouissance. Or pour bien vivre le plaisir, il faut s!exercer distinguer les types de dsirs, car tous les dsirs humains ne conduisent pas au bonheur. En effet, il y a trois types de dsirs : les dsirs naturels et ncessaires, les dsirs seulement naturels et ceux qui sont vides et insatiables, n!tant ni naturels ni ncessaires. Seuls les dsirs naturels et ncessaires l!autarcie devront ?tre combl?s, les d?sirs naturels devant ?tre ma?tris?s ou ?quilibr?s tandis que les autres, les dsirs vides et illimits, devront tre supprims. L!ascse des dsirs est une pratique fondamentale de l!picurisme qui conduit l!adepte maximiser les plaisirs stables, ceux qui s!apprcient dans le temps, et refuser les plaisirs mobiles, qui meuvent le corps selon l!immdiat, n!offrant ainsi qu!une satisfaction phmre. Quant l!usage des discours, les picuriens sont reconnus pour avoir dvelopp une phusiologia, un discours conforme la nature. situer entre la voie courte des cyniques et la voie longue de la recherche dialectique et de la paideia, la phusiologia picurienne 74est une voie moyennequi, partir d!une physique matrialiste, cherche dgager les contenus d!exprience ncessaires la vie heureuse. De ce point de vue, la phusiologia 75tudie la nature en s!appuyant sur les sensations afin d!apaiser l!me inquite76 . Enfin, par une connaissance des bornes de la nature, le remde picurien prescrit la suppression des craintes et un dosage du plaisir par une ascse complte des dsirs. Toujours au prsent, l!ataraxie picurienne c!tait la conscience du plaisir d!exister. ! ! Le stocismeEnfin, quel tait le mode de vie des stociens, ces philosophes du Portique si rputs pour leur austrit? Reconnaissons d!abord que ce que nous savons du stocisme grec des fondateurs, tels Znon, Clanthe et Chrysippe, nous viens surtout du stocisme de la priode impriale, celui de Snque, d!pictte et de Marc Aurle. Le stocisme son dpart dans le tragique des vnements de la vie, dans le destin. Car les vnements affligent profondment l!humain ou deviennent supportables selon sa manire propre de les recevoir et de les juger. Or comme nous sommes mus par des dsirs et que l!ordre du monde demeure indpendant de nous, le malheur provient donc, selon le stocisme que nous prsente Hadot, de ce que l!on dsire l!inaccessible et que 77l!on refuse l!invitable, bref que nous ne sommes pas en accord avec nous-mmes. En rponse cette situation, le stocien se propose de matriser ce qui relve de lui et de consentir ce qui relve de l!ordre du monde. Il faut rappeler la distinction d!pictte: Il y a des choses qui dpendent de nous; il y en a d!autres qui n!en dpendent pas. Ce qui dpend de nous ce sont nos jugements, nos tendances et nos dsirs [...] Ce qui ne dpend pas de nous, c!est le corps, la richesse, la clbrit, le pouvoir; en un mot, 78toutes les uvres qui ne nous appartiennent pas.Selon le stocisme, le vritable bien 79est que l'me reprenne!possession d'elle-mme, d!o un ensemble d!exercices qui permettent de matriser sa situation intrieure, le monde tant indiffrent, ni bien ni mal. Afin de rsumer le choix de vie l!cole du Portique, on peut dire que la vertu stocienne consistait parvenir un accord complet de soi-mme avec l!univers. Les principaux exercices recouvraient les domaines de la physique, de l!thique et de la logique. Comme l!a bien montr Hadot, les Penses de Marc Aurle illustrent les trois 80topo d!pictte. La description de ces trois lieux constitue une synthse remarquable du stocisme. D!abord, la discipline des dsirs (la physique) permet au stocien de consentir l'univers: celle-ci doit le conduire dsirer ce qui dpend de lui et accueillir avec joie ce qui n'en dpend pas et qui relve de la marche du cosmos, bref les choses indiffrentes. Ensuite la discipline de l'action (l!thique) exige de pratiquer la justice : il s!agit d!agir raisonnablement afin de s'accorder l!humanit tout en maintenant une rserve, car le rsultat final relvera de l'entrelacement des causes, donc du cosmos. Finalement, la discipline du jugement (la logique) permet au stocien de distinguer ce qui lui appartient et ce qui relve de l!univers : celle-ci exige qu!il n'admette en sa facult directrice (hegemonikon) que des reprsentations vraies ou objectives, qu!il n'accorde son assentiment qu' des reprsentations qui ne causent pas de troubles dans l'me lui permettent de contempler le monde tel qu!il est, savoir dans sa bienveillance. et Enfin, nous ne reviendrons pas davantage sur les crits personnels et les notes qui servaient l!appropriation de la rgle de vie choisie, mais les hypomnmata des stociens de la priode impriale sont un bon exemple de l!usage du discours dans cette cole. Ils prsentent un bon exemple en ce qu!ils illustrent de manire directe le projet stocien qui consiste fortifier sa vie intrieure, faire de l!me une citadelle imprenable, selon la formule d!pictte qui fut reprise par Hadot pour intituler son introduction Marc Aurle. ! #"! Bien videmment, une tude plus complte des modes de vie philosophiques devrait inclure aussi d!autres coles, comme le pythagorisme, le platonisme, le pripattisme, la nouvelle acadmie et le noplatonisme. Il faudrait s!expliquer sur le choix de ces cinq coles antiques, car Hadot consacre plusieurs pages aux coles de Platon, d!Aristote et de Plotin. Disons simplement qu!il a paru plus pertinent de prsenter ici la diversit des coles antiques partir de l!hritage de Socrate que de distinguer avec soin les coles des grands socratiques. Ce choix des coles, en somme, ne saurait tre exclusif, et a pour avantage de considrer les matres plus que les filiations philosophiques antiques. Tel que mis en vidence dans le tableau ci-dessous, les grandes coles runissaient les trois dimensions annonces plus haut, ce qui en fait des modes de vie part entire. Tableau de synthse Choix de vie, exercices et discours dans les coles antiques Socratisme CynismeScepticisme picurismeStocisme Aret Autarcie Ataraxie Ataraxie Apathie Bien recherch Vertu morale ou cohrence Indpendance Quitude par Invulnrabilit indiffrence Srnit par rjouissance Impassibilit et accord soi Choix de vie Vie examine Vie naturelle Vie dtache Vie rjouie Vie intrieure Matrise de soi Ascses poch Ascses dsirs Matrise de soi Exercices Examen Dialectique preuves Silence Dosage plaisirs Mditation Ascse mentale Contemplation Discours Elenchos Parrsia Phona Phusiologia Hypomnmata preuve orale Franc parler Rappel formules Savoir naturel crits mditer Aprs avoir prsent et dcrit brivement la philosophie comme mode de vie dans les principales coles antiques, il reste voir comment celle-ci a survcu jusqu! nos jours par l!intermdiaire du christianisme et l!intrieur de la rupture qu!a constitu pour elle la philosophie moderne. Dans la dernire section, nous aborderons le problme que pose l!actualisation de la philosophie comme mode de vie selon l!approche de Hadot. ! ##! L!appropriation des exercices spirituels par le christianismeOn a souvent compar le Christ Socrate puisque les vies de ces matres d!existence 81prsentent de remarquables similitudes E la mani?re de F. Lenoir, on peut demander82si le Christ est philosophe ou s!il peut tre considr comme tel, car il a propos une thique porte universelle qui peut tre redcouverte travers la philosophia christi 83d!rasme. Dans la mme veine, on peut se aussi demander ce que partagent, quant l!essentiel de leur message, un philosophe comme Socrate et des prophtes comme le 84Christ et le Bouddha. Peut-tre dcouvrira-t-on chez ces matres de vie des valeurs humanistes toujours actuelles servant de rponses la question du sens la vie. Quoi qu!il en soit, ces questions serviront introduire la prsente section, tant entendu que l!examen des rapports entre la philosophie grecque et le christianisme exige de longs dveloppements qui ne peuvent trouver place dans un article. S!il n!est pas tonnant que les exercices philosophiques aient survcu la chute de l!Empire romain et qu!on les retrouve plus de deux sicles aprs la mort du stocien Marc Aurle, ce qui tonnera davantage est la manire dont ceux-ci ont pu cheminer 85pour intgrer les clbres Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola (1491-1556). La thse de Hadot est que le christianisme s'est prsent comme une philosophie et a intgr progressivement les exercices philosophiques antiques, tandis qu!au Moyen ge la philosophie s!est mise ensuite au service de la thologie en assumant, non pas la 86pratique, mais la conceptualit de son discours propre thorique. Comme l!explique Hadot, les exercices spirituels antiques auraient survcu dans un courant bien circonscrit du christianisme, celui qui, vers le second sicle, s'est appel 87lui-mme philosophie, car il proposait un mode de vie chrtien. Hadot a soulign le trait inusit de cette appellation de philosophie chrtienne, car la philosophie est un phnomne de culture grecque qui ne pouvait pas, du moins l!origine, tre confondu 88avec une religion rvle bien que la priode hellnistique s!y prte beaucoup mieux. Selon Hadot, nous avons affaire une lente assimilation des exercices philosophiques eepar les Pres de l!glise entre le IIet le Vsicles aprs J.-C. Il faut dcrire brivement cet important phnomne de culture en rsumant certaines analyses de l!hellniste. Ce serait d!abord l'ambigit smantique du vocable grec Logos qui, chez Jean 89l!vangliste, rendit possible une philosophie chrtienne. Selon les Apologistes du second sicle, le christianisme prsenterait la vraie philosophie, car il possderait le Logos universel incarn en Jsus Christ, tandis que les philosophes paens, les Grecs, 90n!auraient vcu que selon une parcelle du Logos universel. Cette identification entre christianisme et vraie philosophie, relevait Hadot dans son article de rfrence, inspirera de nombreux aspects de l!enseignement d!Origne et restera vivante dans toute la tradition orignienne, notamment chez les cappadociens: Basile de Csare, Grgoire 91de Nazianze, Grgoire de Nysse, et galement Jean Chrysostome.Voil donc comment se justifiait l!appellation indite de philosophie chrtienne. Or il apparatra plus significatif encore, pour comprendre le phnomne d!assimilation des exercices spirituels, d!indiquer que les formes philosophiques d!ascses et d!preuves convenaient parfaitement l'idal monastique que prchaient les jeunes communauts ! #$! chrtiennes. En effet, l!attitude philosophique par excellence des platoniciens et des stociens avait t l'attention soi (prosoch), savoir la vigilance de chaque instant sa parole, ? sa pens?e, ? ses actions ou ? l'annexion au cosmos. Or si le mode de vie asctique et l!attention soi existaient dj chez Plotin et chez son disciple Porphyre au cours du troisime sicle, la prosoch deviendra par la suite l'attitude fondamentale du 92moine chrtien. En guise de conclusion partielle, le phnomne culturel d!intgration des exercices antiques par le christianisme apparat dj clairement, selon Hadot, chez Clment d!Alexandrie au dbut du troisime sicle. Or retracer le rle spirituel prpondrant de l!attention soi, c!est presque annoncer la pratique de l!examen de conscience. Justement, y a-t-il une relation entre le l!examen de conscience, si cher au christianisme, et les exercices de la philosophie antique? Fort probablement, s!il faut en croire Hadot, car c!est l!appropriation, puis la rorientation de l!examen de conscience, qui aurait rendu possible le dchiffrement de la conscience par le christianisme. En effet, l'examen de conscience, dans sa version paenne, avait t pratiqu par les pythagoriciens, les platoniciens, les picuriens et les stociens. Or dans le christianisme, il semble que l'examen de conscience apparaisse pour la premire fois e93chez Origne, un chrtien de langue grecque qui vcut Alexandrie au IIIsicle. En somme, il s!agirait derechef de l!intgration d!une pratique philosophique grecque dont la finalit par la suite sera accorde au choix de vie chrtien. Or quelle priode pourrait remonter le dchiffrement de la conscience coupable, la pratique religieuse qui suspecte les dsirs et les pchs l!intrieur de l!me humaine? Selon Hadot, ce serait probablement partir de La vie d'Antoine crite par Athanase ed!Alexandrie au IV sicle; il s!agit d!un texte dans lequel l!auteur propose au mditant 94de noter scrupuleusement les actions et les mouvements de son me. La thse de l!appropriation progressive des exercices antiques par le christianisme est largement partage par Foucault qui a, pour sa part, procd une longue tude du souci de soi, un thme qui connat une inflexion radicale partir du christianisme. En effet, le souci de soi avait une porte positive et affirmative durant l!Antiquit, une attitude qui sera bientt renverse par les prmisses du christianisme. Comme le faisait remarquer Foucault: Et c'est l o le christianisme, en introduisant le salut comme salut au-del de la vie, va en quelque sorte dsquilibrer ou, en tout cas, bouleverser cette thmatique du souci de soi. Bien que, je le rappelle une fois encore, chercher son salut signifie bien se soucier 95de soi. Mais la condition pour chercher son salut sera prcisment la renonciation. En terminant, il ne faut pas non plus courber le bois dans l!autre sens et mconnatre le rle civilisateur du christianisme en Occident. D!accord sur ce point avec l!historien des religions F. Lenoir, ce n!est pas du tout ce quoi invite l!hellniste Hadot lorsqu!il remarque ceci: On ne saurait trop insister sur l'importance capitale de ce phnomne d'assimilation entre christianisme et philosophie. Entendons-nous bien. Il ne s'agit pas 96de nier l'originalit incomparable du christianisme.Dans la prochaine section, il sera question des prolongements des exercices spirituels antiques dans la vie philosophique moderne, c!est--dire de l!hritage antique que l!on retrouve chez les philosophes qui eeont vcu entre les XVII et XX ! sicles. #%! La vie philosophique dans la culture moderne Or peut-on affirmer que la philosophie comme mode de vie s!est dveloppe par-del la fin de l!Antiquit et qu!elle a survcu son appropriation par le christianisme? D!abord, la rponse classique cette question consiste affirmer que la pense philosophique a beaucoup volu et qu!elle est devenue un savoir thorique rigoureux qui devait rompre avec les exercices spirituels, les pratiques de vie et les arts de l!existence. En cela, la premire rponse consiste dire que la philosophie moderne n!obit plus au schma classique de la philosophie antique. C !est la position qu!adopte l!enseignement universitaire 97 en prsentant la philosophie moderne comme une succession de grands systmes abstraits qui va de Descartes Nietzsche en passant par Kant et Hegel. Cette approche universitaire de la philosophie suppose que la philosophie progresse, alors qu!en fait c!est le discours philosophique qui se raffine et devient plus technique. De ce point de vue, la philosophie comme mode de vie n!aurait pas survcu la rupture moderne en tant que philosophie mais en tant que tradition redcouvrir, car la configuration de la pense moderne obit un tout autre schma, tant thorique que pratique. Au point de vue thorique, on assiste une mise en question de la philosophie classique travers une critique de la scolastique dcadente, tandis qu!au point de vue pratique la philosophie moderne dveloppe une conception instrumentale du rapport entre la pense et la nature, une conception indite qui se double d!une distinction nouvelle entre la thorie et la pratique. Un survol des approches modernes et contemporaine de l!thique (dontologique, consquentialiste et applique) tmoigne de l!absence de rflexion sur la vie thique comme telle. certains gards, Foucault semble partager cette lecture. Dans L! hermneutique du sujet, il montre comment la pense moderne s!est dtache peu peu des exigences de la spiritualit antique. C!est ce qu!il nomme, pour faire court, le moment cartsien: on peut dire qu!on est entr dans l!ge moderne [] le jour o on a admis que ce qui donne accs la vrit, les conditions selon lesquelles le sujet peut avoir accs la vrit, c!est la connaissance, et la connaissance seulement. Il me semble que c!est l o ce que j!ai appel le moment cartsien prend sa place et son sens, sans vouloir dire du tout que c!est de Descartes qu!il s!agit ici, qu!il en a t exactement l!inventeur, qu!il a 98t le premier faire cela.Il faut dire que Foucault accepterait la thse hadotienne selon laquelle il y a des prolongements modernes la vie philosophique antique, mais il 99chercherait ceux-ci du cot des pratiques sociales plutt que philosophiques.Quoi qu!il en soit de cette lecture ancre dans l!histoire des ides philosophiques, une rflexion plus approfondie cherchera plutt dgager les prolongements des attitudes existentielles et des pratiques antiques dans la culture moderne. C!est cette rflexion que s!est livr Pierre Hadot dans quelques articles et quelques livres. Dans ce qui suit, il s!agira de donner une premire ide de ces prolongements afin de guider le lecteur vers des textes qui sauront l!intresser. Selon Hadot, les attitudes existentielles et les exercices spirituels expriments par les philosophes de l!Antiquit ne disparaissent pas compltement des proccupations des auteurs modernes. Pour s!en convaincre, il suffit de reprer les prolongements de la 100tradition des exercices spirituels par l!intermdiaire de la lecture des textes. Hadot !#&! se propose ainsi, dans une approche inspire par Goethe, d!apprendre lire les textes des auteurs anciens et modernes afin de retrouver les exercices spirituels de ceux qui les ont pratiqus pour eux-mmes. ce propos, il crivait: [] nous passons notre vie lire, mais nous ne savons plus lire, c!est--dire nous arrter, nous librer de nos soucis, revenir nous-mmes, laisser de ct nos recherches de subtilit et d!originalit, mditer calmement, ruminer, laisser le texte nous parler. C est un exercice spirituel, un des plus difficiles: Les gens, disaient Goethe, ne savent pas ce que cela cote de temps et d!effort pour apprendre lire. Il m a fallu quatre-vingts ans pour cela et je ne suis mme pas capable de dire si j!ai russi. (GOETHE 101Entretiens avec Eckermann, 25 janvier 1830)Afin de donner des exemples de ces prolongements, Hadot montre, par exemple, que le clbre historien franais Jules Michelet (1798-1874) a pratiqu un stocisme inspir 102de celui de l!empereur Marc Aurle. Il montre aussi comment le retour nature que se propose pour lui-mme Henry David Thoreau (1817-1862), dans son fameux Walden ou la vie dans les bois, comportait des traits proprement picuriens et d!autres plus prs du stocisme. L!exprience rapporte dans le Walden me semble donc extrmement intressante pour nous, rsume Hadot, parce qu!en choisissant de vivre dans le bois pendant quelque temps, Thoreau a voulu faire un acte philosophique, c!est--dire s!adonner un certain mode de vie philosophique qui comportait la fois le travail manuel et la pauvret, mais lui ouvrait aussi une perception du monde immensment largie. Nous comprenons mieux [] ce choix de vie si nous le comparons au mode de 103vie philosophique que s!imposaient les philosophes antiques.Dans la mme veine, mais sans consacrer ces auteurs modernes d!article propre, l!hellniste curieux et cultiv rappelle que les Essais de Montaigne, les Mdiations de Descartes, l!thique de Spinoza et la morale de Kant se rattachent tous, d!une manire 104ou d!une autre, la tradition des exercices spirituels Si la mditation de Descartes 105est bien une meditatio, c!est--dire un exercice de la pense, la lecture des Essais de eMichel de Montaigne lui permet de dcouvrir un homme du XVI106au stocisme, au scepticisme ainsi qu! l!picurisme. sicle qui s!est attach Or comme si cela n!tait pas suffisant, le fidle lecteur montre que le prolongement moderne des exercices par un effort de ractualisation individuelle vaut galement pour Kierkegaard, Schopenhauer et Nietzsche, les auteurs de trois approches proprement 107existentielles. propos de ces auteurs du XIXe sicle, Hadot s!attarde spcialement Kierkegaard et Nietzsche dans son long article consacr Socrate. Dans ce texte, il montre comment Kierkegaard demeure profondment socratique dans sa ractualisation de la communication indirecte par l!intermdiaire de l!criture pseudonymique: Il s!agit de faire sentir au lecteur son erreur non pas en la rfutant directement, mais en l!exposant de telle manire que son absurdit apparaisse clairement. C!est tout fait socratique. Mais, en mme temps, par la pseudonymie, Kierkegaard [] objective ainsi ses diffrents moi sans se reconnatre en aucun, comme Socrate, par ses habiles 108questions, objective le moi de ses interlocuteurs, sans se reconnatre en eux.En ce qui a trait Nietzsche, Hadot montre comment, certains gards, sa pense doit tre 109instruite par son rapport Socrate, un rapport complexe d!admiration et de haine ! . #'! Qui plus est, une telle redcouverte des exercices spirituels par l!acte de lecture a 110donn lieu un ouvrage consacr la pratique des exercices spirituels chez Goethe111et un recueil d!articles sur la pratique de l!criture philosophique chez Wittgenstein. propos du logicien autrichien Ludwig Wittgenstein, dont on voit mal au premier abord le rapprochement avec la philosophie comme manire de vivre, il faut mentionner que Hadot aurait t le premier crire sur lui en France. l!poque, le jeune hellniste s!intressait la mystique et dcouvrait, en lisant le Tractatus logico-philosophicus, que l!indicible, c!est--dire la prsence mme du monde, se montre dans un genre littraire 112tonnant: une suite d!aphorismes numrots se terminant par un appel au silence. Ce qui s!avre remarquable dans la rencontre entre Hadot et Wittgenstein, c!est que la lecture de celui-ci lui permit de prciser sa conception des exercices spirituels comme activit relie l!usage du langage. Si Hadot admet ne pas avoir vu au dpart le rapport entre l!indicible du Tractatus et l!esthtique de Schopenhauer, il a au moins le mrite de montrer comment certains textes de Wittgenstein font allusion des exercices destins 113 op?rer une transformation de soi dans une perspective pragmatique. propos d!une telle transformation de soi par la mditation philosophique, la seule justification du titre de l!essai sur Goethe montre quel point Hadot s!exerait lui-mme transformer sa propre existence. CEn ?crivant ce livre, me sentant vieillir, j!?tais hant?par le Memento mori. Mais, sous l!influence de Goethe, j!ai compris toute l!importance du Memento vivere et j!ai pens alors que la devise goethenne N!oublie pas de vivre 114pouvait trs bien rsumer le contenu de mon livre et en tre le titre.Enfin, ces quelques rflexions sur l!importance de vivre et de mourir en philosophe rappellent non seulement la figure de Socrate, mais aussi certaines des proccupations de Nietzsche. On se souvient peut-tre que dans le court essai intitul Schopenhauer ducateur, Nietzsche plaidait pour une vritable vie philosophique, c!est--dire pour une visibilit de la philosophie travers la vie vcue, et pas seulement dans les livres. Qu !il ait exagr ou non sa description, ce passage remarquable de Nietzsche illustre quel point un philosophe du XIXsicle pouvait tre sensible la ncessit d!actualiser l!enseignement de la philosophie antique au pays de Goethe, mais aussi de Kant : Je ne me soucie d'un philosophe qu'autant qu'il est capable de donner un exemple. [...] Mais l'exemple doit tre donn par la vie apparente et non point seulement par les livres, c'est--dire de la faon dont enseignaient les philosophes de la Grce, par la mine, l'attitude, le costume, la nourriture, les murs, plus que par la parole ou mme les crits. Combien de choses nous font 115encore dfaut en Allemagne pour arriver cette courageuse visibilit d'une vie philosophique ?Dans la dernire section de cet article consacr la philosophie comme mode de vie chez Hadot, il sera question de l!actualisation de cette approche au point de vue de la philosophie contemporaine. Le dfi d!actualiser la philosophie comme manire de vivre aujourd!hui est de taille, et il s!agira de prsenter comment, selon l!hellniste franais, la philosophie comme mode de vie demeure bien vivante et accessible tous. ! #(! Actualiser la philosophie comme mode de vie Ne veux-tu pas venir devant nous appliquer ce que tu as appris ? Ce ne sont pas les beaux raisonnements qui nous manquent aujourd! hui ! Les livres des stociens en sont pleins. QuQuelqu! est-ce qui nous manque donc ? un qui pratique et qui confirme ses paroles par ses actes. Viens prendre ce rle afin que nous n! employions plus dans l!cole des exemples tirs de l!Antiquit, mais que nous en ayons aussi un de notre poque. PICTETE, Entretiens, I, XXIX Y !a-t-il un sens se proposer de vivre philosophiquement aujourd!hui? se demandait 116J.-F. Balaud dans un article consacr Hadot. Malgr sa simplicit, cette question recle une profondeur qui va bien au-del du questionnement philosophique habituel. En effet, il ne s!agit pas de savoir si une nouvelle thorie thique est possible, mais de savoir s!il est possible, vu l!tat actuel de notre rapport au monde et nos institutions, d!interroger notre propre manire de concevoir la philosophie. Car si la vie philosophique est encore possible aujourd!hui, il faut non seulement qu!un tel choix d!existence puisse se reconnatre notre poque, mais que le discours philosophique qui le supporte soit lui aussi ractualis. Il semble donc que c!est dfi diffrend que les jeunes stociens de l!cole d!pictte taient confronts. Voici pourquoi. Il faut savoir d!abord que ce problme d!actualisation est d!une part contemporain, car il ne viendrait pas l!esprit d!un Ancien de rechercher l!actualit ou l!originalit de son discours, mais plutt l!cole ou le matre qui lui convient. Comme l!a montr Hadot pour le stocisme de la priode impriale, tre philosophe c!est adopter un mode de vie philosophique, ce qui ne supposait aucune contribution thorique actuelle ou originale. Dans l!Antiquit, rappelait-il, un philosophe n!tait pas un personnage qui crivait des ouvrages de philosophie, c!tait quelqu!un qui menait une vie de philosophe. Tout donne penser qu!Arrien, tout en restant un homme d!?tat, comme Rusticus, le ma?tre de Marc117Aurle, s!est efforc de vivre en philosophe.Hormis Arrien, le disciple d!pictte et auteur du clbre Manuel, les exemples de Caton d!Utique et de Marc Aurle sont assez difiants pour illustrer ce fait. propos du caractre futile de l!originalit en philosophie, Snque, qui rsume divers endroits de ses Lettres Lucilius la thorie stocienne, considre que tous les remdes aux maladies de l!me sont disponibles et qu!il ne reste plus qu! les appliquer. Mme si les Anciens ont tout dcouvert, ce qui sera toujours neuf, c!est de connatre, d!employer et d!ordonner les dcouvertes d!autrui. Suppose que nous devions nos prcurseurs une thrapeutique [] Les remdes de l!me ont t trouvs par les anciens; tudier de quelle manire, dans quelles circonstances il faut 118les appliquer, c!est notre besogne.On peut conclure de ceci que l!actualisation du stocisme l!cole d!pictte exigeait de vivre la manire stocienne et d!appliquer les remdes reconnus par l!cole, tandis que l!actualisation de la philosophie comme mode de vie aujourd!hui exigera de vivre en philosophe, certes, mais de montrer galement par un nouveau discours que cela est philosophiquement pertinent. Voyons pourquoi un nouvel obstacle s!ajoute au premier. ! #)! Certes, s!il y une tche urgente qui pse sur la philosophie comme mode de vie telle qu!elle a t dcrite dans ce dossier, c!est bien sa ractualisation. Car, il n!est peut-tre plus possible d!envisager la philosophie ainsi aujourd!hui. Il y a au moins deux raisons principales cela, l!une qui porte sur le savoir philosophique et l!autre sur l!thique. Premirement, on ne considre plus tout fait la philosophie comme la pratique d!un 119savoir-vivrefondamental, mais comme un savoir spcialis qui s!exprime selon un langage technique. Si la vie philosophique se pratiquait dans une cole, au cur de la cit et en soi-mme, la philosophie actuelle se discute dans les lieux d!enseignement et dans les publications savantes qui lui sont associes. La seule ide que la philosophie puisse devenir populaire, selon le vu de Diderot, en rpugne plus d!un et souvent raison. Mais, paradoxalement, le fait que l!on ne puisse plus comprendre le discours philosophique contemporain, tout empreint de technicit qu!il est, ne nous rpugne pas. Deuximement, on ne conoit plus le monde, la nature, la vie sociale et l!individu de la mme manire que les Grecs anciens. En effet, comment nier l!avancement thorique considrable de la philosophie et des sciences depuis la Renaissance et le sicle des 120Lumires? Or, comment l!thique moderne, qui met en question l!thique de la vertu au profit d!approches normatives, peut-elle accorder la moindre place la philosophie comme mode de vie, dont la signification est proprement existentielle? Enfin, comment l!thique contemporaine, qui s!applique aux enjeux de la socit dans une perspective de plus en plus dlibrative, peut-elle permettre un retour une conception plus globale de la philosophie, soit celle de la vie thique entendue comme manire de vivre? En somme, il faut reconnatre que la modernit constitue une rupture au point de vue philosophique. Par voie de consquence, pour actualiser la philosophie comme mode de vie au point de vue de l!thique actuelle, si seulement cela est souhaitable et possible, il faut envisager une transformation radicale qui rend possible le passage de l!thique la vie philosophique, c!est--dire le passage d!un discours sur les valeurs et normes une approche de l!thique qui implique la transformation de sa propre vie. Aprs avoir pos le problme, voyons comment Hadot actualise la philosophie comme mode de vie. Comment Hadot a-t-il actualis la philosophie comme mode de vie, lui qui estimait 121que les attitudes spirituelles exprimentes par les Grecs ont une porte universelle? Contrairement ce que pouvait laisser entendre la dernire section o il a t question d!apprendre lire, on ne peut limiter son effort d!actualisation la seule lecture. Selon Hadot, en effet, la vritable destination des exercices spirituels consiste transformer notre rapport au monde et le distendre en direction du cosmos. Dans la perspective cosmique qu!il a adopte, l!exercice le plus englobant consiste rinsrer le moi dans le monde en le dtachant de ses intrts gostes et limits. En dcrivant, dans Qu!est-ce que la philosophie antique?, les exercices des stociens et des picuriens, il consacre 122de belles pages la concentration sur le moment prsent et au sentiment d!ternit qui en dcoule. En guise de tmoignage moderne d!un tel sentiment, Hadot aime citer un passage de la cinquime promenade de J.-J. Rousseau. Ainsi, c!est surtout dans la perspective d!une expansion du moi en direction du cosmos, d!une contemplation 123124renouvele du monde et de son existence, bref du regard d'en hautque Hadot cherche actualiser la philosophie antique. Il s!agit ici d!un exercice qui vise modifier notre perception du monde afin de tendre vers la sagesse, comme il le mentionne ici : ! #*! De mme que, pour percevoir le monde, il faut, par un exercice de concentration sur l'instant, percevoir en quelque sorte son unit avec le monde, de mme, pour reconnatre la sagesse, il faut en quelque manire s'exercer la sagesse. [...] C'est par une conversion totale que l'on peut 125s'ouvrir au monde et la sagesse.Or, au point de vue de la philosophie contemporaine, l!approche propose par Hadot peut poser deux types de problme: l!un de nature pistmologique ; l!autre de nature thique. La premire objection laquelle doit rpondre une philosophie comme mode de vie est de sous-estimer la radicalit de la rupture instaure par la modernit, c!est--dire de minimiser le fait que la conception moderne du monde rompt avec celle de l!Antiquit, bref que la philosophie moderne relgue la philosophie com126 me mode de vie du ct des attitudes religieusesplus que philosophiques. La seconde est que la ractualisation individuelle des exercices spirituels n!est pas ncessairement valable pour tous, au sens la port?e des propositions ?thiques inspir?es par la philosophie comme mode de vie ne peut tre que rgionale. Autrement dit, si la philosophie comme mode de vie propose des expriences et de pratiques spirituelles ayant une porte dite universelle, il n!est pas possible, par contre, de driver de ces dernires une thique prtention universelle. Pour sa part, Hadot estime qu!il est possible d!actualiser la sagesse antique malgr la discontinuit pistmologique instaure par la modernit europenne. Voyons comment, en rappelant deux passages prcis, il peut rpondre la premire objection : Ce que je viens de dire laisse entendre que finalement, mes yeux, le modle de la philosophie antique est toujours actuel, ce qui signifie qu! une qute de la sagesse est toujours actuelle et toujours possible. [] Je dirais seulement qu! il y a, me semble-t-il, des attitudes universelles et fondamentales de l!tre humain, lorsqu!127il cherche la sagesse []Donc, il s'agit d'exercices spirituels, ou de ce que j'appelle, moi, des exercices spirituels, c'est--dire des pratiques destines transformer le moi et lui faire atteindre un niveau suprieur et une perspective universelle [...] Alors, est-ce que tout cela peut avoir un sens actuellement? Je pense qu'il y a une continuit de ces pratiques double d'une discontinuit. Ces exercices spirituels 128rapparaissent toujours au cours des sicles.Comme l!a montr Hadot, ces exercices rapparaissent au cours des sicles bien que de manire parse, mais ce n!est pas parce qu!ils rapparaissent toujours qu!ils sont pertinents au point de vue philosophique. Si Hadot assume la continuit historique des exercices spirituels qui reviennent diffrentes poques, il doit pourtant admettre que la philosophie aujourd!hui n'est plus ce qu'elle tait hier. Bref, il y a une certaine continuit malgr une discontinuit indniable car, depuis la modernit, les rfrences la nature cosmique, la raison universelle, l!unit de l!exprience et au discours intrieur ont perdu de leur pertinence: la vise d!une rinsertion du moi dans le cosmos n'est pas 129aussi actualisable que le laisse entendre Hadot. tant conscient de cette objection, il affirme nanmoins qu!il est possible aujourd!hui de vivre un exercice, peut-tre fragile, 130mais sans cesse renouvel de la sagesse. Misant sur la vie philosophique plutt que sur le discours thique, il s!agirait de sa rplique la seconde objection, celle qui cible la porte limite de sa conception thique du monde. Lisons Hadot ce propos : ! #+! Pour ma part, je crois la possibilit pour l!homme moderne, de vivre, non pas la sagesse (les Anciens, pour la plupart, la considraient dj comme un idal inaccessible qui rgle l!action, et non comme un tat ralis), mais un exercice, toujours fragile, toujours renouvel, de la sagesse. Et je pense que cet exercice de la sagesse peut et doit viser raliser une rinsertion du moi dans le 131monde et dans l!universel.En cela, pour Hadot, la philosophie est bien un ensemble d'exercices spirituels parce qu'elle est d'abord le choix d!un mode de vie. De ce point de vue, la philosophie n'est pas rductible un discours philosophique ni une culture spcifique, car les attitudes existentielles et les exercices spirituels expriments par les Grecs se retrouvent dans toutes les cultures et toutes les poques. Si l'exercice spirituel tait au dpart une 132pratique volontaire, personnelle, destine oprer une transformation de soi l'activit philosophique par excellence sera enfin une conversion de l!attitude naturelle 133qui conduit un changement radical dans la manire d'tre et de percevoir le monde. En clair, l!approche philosophique labore par Hadot dans son uvre et l!actualisation de la philosophie antique qu!il propose relvent d!une perspective proprement cosmique. * * En conclusion, cette manire d!actualiser la vie philosophique antique n!est pas la seule eepossible et d!autres exemples pertinents, tirs des XIXet XXsicles, pourront tre pris en considration. Partant de la grille d!analyse dveloppe par Hadot, le programme venir de la philosophie comme mode de vie conduira d!intressantes dcouvertes. S!il semble dj ncessaire de complter ce dossier par un rsum du dialogue interrompu 134entre Hadot et Foucault, d!ajouter la perspective cosmique de Hadot la possibilit d!une esthtique de l!existence (M. 135136 Foucault)et d!une thrapeutique (A.-J. Voelke), ce qui importe est que ce domaine de recherche est dsormais ouvert. ce propos, on pourra poursuivre le travail amorc en maintes directions. Par exemple, par l!tude des pratiques mises en oeuvre par les rformateurs sociaux, les anarchistes et les auteurs qui ont eu le souci commun de se retirer temporairement de la socit afin d!laborer un 137mode de vie alternatif. Et parmi ceux-ci, on retrouvera le rformateur Gandhi138 le po?te139Rilke le philosophe Wittgenstein et le fondateur de l!?cologie profonde Arne Naess Quoi qu!il en soit de l!tat actuel de la philosophie et de notre rapport aux institutions d!enseignement, il semblera tout fait normal, dans quelques annes seulement, qu!un article consacr la philosophie comme mode de vie chez Hadot se termine sur autant de perspectives d!avenir et sur le retour en force de la vie philosophique. C !est ainsi qu!il est maintenant permis de penser que la philosophie com me mode de vie dcrite dans cette esquisse prfigure peut-tre un mouvement philosophique plus profond. Comme il l!avouait, Hadot ne semblait pas s!expliquer sa rencontre avec Foucault autrement: Et je considre comme un signe des temps le fait, mes yeux inattendu et droutant, qu!en ecette fin du XXsicle, Foucault, moi-mme et certainement bien d!autres en mme temps que nous, au terme d!itinraires totalement diffrents, nous nous rencontrions 140dans cette vivante redcouverte de l!exprience antique. ! $"! Rfrences bibliographiques Ouvrages de Pierre Hadot sur le sujet : Plotin ou la simplicit du regard (1963), Gallimard, 1997. Exercices spirituels et philosophie antique (1981), Albin Michel, 2002. La Citadelle intrieure: Introduction aux Penses de Marc Aurle (1992), Fayard, 1995. Qu'est-ce que la philosophie antique? Gallimard, 1995. tudes de philosophie ancienne, Les Belles Lettres, 1998. loge de la philosophie, Alea, 1998 et loge de Socrate, Alea, 1998. Plotin. Porphyre. tudes noplatoniciennes, Les Belles Lettres, 1999. La philosophie comme manire de vivre. 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Notes : !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!1 Ph.D. et professeur au Collge Lionel-Groulx. Cet article est le premier d!une srie consacre la philosophie comme mode de vie. L!auteur remercie messieurs Alexandre Simard, Mathieu Martel, Gilles Plante et Jean-Pierre Lepage d!avoir bien voulu discuter l!bauche principale. 2Hadot, P. Qu! est-ce que la philosophie antique ? Gallimard, 1995, p. 89. 3 Hadot, P. Philosophy as a Way of Life : Spiritual Exercises from Socrates to Foucault, Edited and with an introduction by A. I. Davidson, translated by M. Chase, Blackwell, 1995.!4eExercices spirituels et philosophie antique, Institut d!tudes augustiniennes, 1981, 4Albin Michel, 2002 (Dsormais: Exercices spirituels) dition: 5!L!histoire de la pense hellnique et romaine, Exercices spirituels, 255-87. 6La philosophie comme manire de vivre: Entretiens, Albin Michel, 2001. 7! La philosophie comme manire de vivre, 63-70 et 125-43. ce sujet, voir Plotin ou la simplicit du regard, Gallimard, 1997 et Wittgenstein et les limites du langage, Vrin, 2004. 8!La physique comme exercice spirituel ou pessimisme et optimisme chez Marc Aurle, repris in Exercices spirituels, 145-64. 9 Cet article liminaire fut rdig en 1975-1976. La philosophie comme manire de vivre, 70.!10Rabbow, P. Seelenfhrung: Methodik der Exerzitien in der Antike, Munich, 1954. ce propos, voir Exercices spirituels antiques et philosophie chrtienne, Exercices spirituels, 75-7. 11 Saint Ignace de Loyola, Exercices spirituels, Texte dfinitif, Seuil, 1982.!12Hadot, I. Seneca und die griechisch-rmische Tradition der Seelenleitung, De Gruyter, 1969, 13Qu! est-ce que la philosophie antique ? 19. Cf. aussi p. 21. 14La philosophie comme manire de vivre in Exercices spirituels, 294.!15Sur la proximit entre philosophie antique et pratiques religieuses. Voir: Schuhl, P.-M. Essai sur la formation de la pense grecque, 29-37. Gernet, L. Anthropologie de la Grce antique, 239-58. Guthrie, W. K. C. Orphe et la religion grecque, Payot, 1983. Voir la note suivante. ! $&! !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!16 propos des exercices respiratoires: Vernant, J.-P. Mythe et pense chez les Grecs, tome I, Maspro, 1971, 94-6, 114. Au sujet du yoga, outre les travaux de M. liade, voir l!introduction de J. Varenne aux Upanishads du Yoga, Gallimard, 1971, 9-48. Pour l!origine chamanique, R. Dodds, Les Grecs et l!Irrationnel, Flammarion, 1977, 139-78. Cf. aussi liade, M. Le chamanisme et les techniques archaques de l!extase, Payot, 1968. Hadot justifie son refus de dvelopper sa rflexion en ces directions dans Qu! est-ce que la philosophie antique? 280.!17 Mikalson, J. D. La religion populaire Athnes, Perrin, 2008. 18 Qu! est-ce que la philosophie antique ? 355, 409.!19Qu! est-ce que la philosophie antique ? 402-3. 20 Plutt que de dfinir le mode de vie philosophique, il parat prfrable de le caractriser par trois traits. ce propos, le mode de vie renvoie une attitude particulire l!gard du monde, un choix de vie qui dtermine en retour un type de discours et un ventail de pratiques. !21!Qu!est-ce que la philosophie antique ? 18. Cf. Conversion, Exercices spirituels, 223-35. 22La philosophie comme manire de vivre, Exercices spirituels, 293 ; dans le mme recueil, voir aussi Exercices spirituels, 33-5, 53. ce propos, enfin, voir les tudes remarquables de A.-J. Voelke: La philosophie comme thrapie de l!me Cerf, 1993.23Qu!est-ce que la philosophie antique ? 334-52. Exercices spirituels, 301.!24Qu! est-ce que la philosophie antique ? 18, 19, 410. 25La philosophie comme manire de vivre, Exercices spirituels, 292-3. 26 ce sujet, voir les deux articles:!Un dialogue interrompu avec Michel Foucault, Exercices spirituels, 305-11; Rflexion sur la notion de culture de soi, Exercices spirituels, 323-32. 27La philosophie comme manire de vivre, 144-7. ce propos, voir la vaste tude que consacre Hadot ce thme: Exercices spirituels in Exercices spirituels, 19-74. 28 La philosophie comme manire de vivre, Exercices spirituels, 302-4. Sur tout ceci, voir : Qu! est-ce que la philosophie antique ? 276-333.!29Foucault, M. L!hermneutique du sujet, Cour du 6 janvier : premire heure 19.!30Qu!est-ce que la philosophie antique ? 125. propos du dtachement des passions et des intrts gostes, voir aussi Exercices spirituels in Exercices spirituels, 52-4.!31Qu!est-ce que la philosophie antique ? 309-14.!32La philosophie comme manire de vivre, Exercices spirituels,Le sage et le monde, Exercices spirituels, 343-60.! 304. ce propos aussi : 33Interprtation, objectivit et contresens,!La philosophie comme manire de vivre, 106-25. Voir la prface de Hadot Voelke, La philosophie comme thrapie de l!me Cerf, 1993, vii.!34 Aristote, Exhortation la philosophie, Les Belles Lettres, 2011. 35Par exemple, la Lettre Mnce d!picure,!Lettres, maximes, sentences, LGF, 1994. 36La philosophie comme manire de vivre, 148-9.!37 Qu! est-ce que la philosophie antique ? 268-9.!38!La philosophie comme manire de vivre, 110; voir aussi 93-8. 39 Foucault, M. L!criture de soi, Dits et crits II, texte 329, Gallimard, 2001, 1234-49. !40Arrien, Manuel d!pictte, trad. P. Hadot, LGF, Le livre de poche, 2000.!41 Marc Aurle, crits pour lui-mme trad. P. Hadot, Les Belles Lettres, 1998.!42Snque, Entretiens. Lettres Lucilius, trad. Les Belles Lettres, rd. Laffont, 1993. 43Voelke, A.-J. La fonction heuristique de la tradition in: La philosophie comme thrapie de me, Cerf, 1993, 1-11. Cf. aussi Intrt de la raison et actualit des textes philosophiques anciens, art. rdit in La philosophie comme thrapie de l!me, Cerf, 1993, 13-33. ! $'! !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!44L! hermneutique du sujet, Seuil-Gallimard, 2001, 226-8. Le terme ethopoeis est attribu par Foucault Plutarque : L!criture de soi, Dits et crits II, texte 329, Gallimard, 2001, 1237.!45 ce propos, voir : Dorion, L.-A. Socrate, PUF, 2004.!46 Brhier, . Histoire de la philosophie, tome 1, 2, 1961, 264-7. propos des socratiques, voir: Roettmeyer Dherbey, G. et J.-B. Gourinat (d.), Socrate et les socratiques, Vrin, 2001. 47Platon, Apologie de Socrate, 29 d-e.!48 Platon, Apologie de Socrate, 41 d. Cf. Qu! est-ce que la philosophie antique? 65. 49 Qu! est-ce que la philosophie antique? 60-6.50Platon, Apologie de Socrate, 38 a. 51 Dorion, L.-A. Akrasia et enkrateia dans les Mmorables de Xnophon, Dialogue, 4-42, 2003!52 Balaud, J.-F. Le savoir-vivre-philosophique, Grasset, 2010, 144 53Arendt, H. Le deux-en-un, La vie de l!esprit, tome 1, PUF, 1981, 190-219.!54Ne faudrait-il donc pas, Socrate, que tu penses aussi ce que tu vas dire pour te dfendre ? Socrate lui rpondit tout d!abord: Ne te semble-t-il donc pas que j!ai pass ma vie entire prparer ma dfense ?!Xnophon, Apologie de Socrate, 3-4, Les Belles Lettres, 1961, 102-3.!55 Qu! est-ce que la philosophie antique? 56.!56 Selon Hadot, la sophia comme mode d!existence idal se caractrise par trois traits: la paix de l!me (ataraxia), la libert intrieure (autarkeia) et la conscience cosmique (megalopsuchia). Cf. Exercices spirituels, 291, 309 et Qu! est-ce que la philosophie antique? 334-52.!57Goulet-C az, M. -O. et O. Paquet, Les cyniques grecs, Livre de poche, 1992, 18, 20. 58 Qu! est-ce que la philosophie antique? 170-1.59 Qu!est-ce que la philosophie antique? 172. ce propos, Goulet-CLes cyniques grecs, LGF, Livre de poche, 1992, 9. az, M.-O. et O. Paquet, 60 Larce, D. Vies et doctrines des philosophes illustres, VI, Le livre de poche, 1999. 61 Qu! est-ce que la philosophie antique? 173.!62 Larce, D. Vies et doctrines des philosophes illustres, VI, 32, 38. ce propos, Goulet-CM.-O. et O. Paquet, Les cyniques grecs, LGF, Livre de poche, 1992, 77-8.! az, 63 Pour cette interprtation et la question de la vraie vie chez les cyniques: Foucault, Le courage de la vrit. (Cours de 1984), Seuil-Gallimard, 2009. 64Larce, D. Vies et doctrines des philosophes illustres, Le livre de poche, 1999, 65 Qu! est-ce que la philosophie antique? 175.66 Brhier, . Histoire de la philosophie, tome 1, 2, 1961, 375.!67 Qu! est-ce que la philosophie antique? 176. Cf. Brochard, V. Les Sceptiques grecs, Livre de poche, 2002, 68. 68 Larce, Vies et doctrines IX, 105-6.Cf. Conche, M. Pyrrhon ou l!apparence, PUF, 1994. 69 Sextus Empiricus, Hypotyposes, I, 194-204. Voir Larce, D. Vies et doctrines IX, 61-4.70 Sextus Empiricus, H ypotyposes, III, 235.71 picure, Lettre Mnce, 124 : Lettres, maximes, sentences, Le livre de poche, 1994, 192. 72 Qu! est-ce que la philosophie antique? 180-2.!73 Qu'est-ce que la philosophie antique? 191-2. Cf. Introduction picure, Lettres, maximes, sentences, LGF, Le livre de poche, 1994, 113. 74Balaud, J.-F. Introduction picure, Lettres, maximes, sentences, Livre de poche, 1994, 18-23. Voir aussi A.-J. Voelke, La philosophie comme thrapie de l!me Cerf, 1993.75 picure, Maxime capitale, XII, Cf.Qu!est-ce que la philosophie antique? 184-5.! ! $(! !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!76 Voelke, A.-J. Opinions vides et troubles de l'me,!La philosophie comme thrapie de l!meCerf, 1993, 59-72.!77Qu!est-ce que la philosophie antique? 199. Cf. Snque, Lettre 20, 2-5. In Entretiens. Lettres Lucilius, rd. Laffont, 1993, 649. 78 pictte, Manuel, I, I, GF, 1964, 207. Voir les Entretiens, I, I, Gallimard, 1993. 13-6.!79Snque, Lettre 93, 2-3. Lettres Lucilius, Les Belles Lettres, rd. Laffont, 1993, 932. 80 Une cl des Penses de Marc Aurle : Les trois topo philosophiques selon pictte in :!Exercices spirituels, 165-192. Voir aussi La C81 itadelle intrieure, Fayard, 1995. Jaspers, K. Les grands philosophes, I, Plon, 1963. Deman, T. Socrate et Jsus, L!Artisan du Livre, 1944. Voir Hadot, Qu! est-ce que la philosophie antique? 46-7.!82 Lenoir, F. Le Christ philosophe, Plon, 2007. Voir aussi la bibliographie propose plus haut.!83Domanski, J. La philosophie, thrapie ou manire de vivre? Cerf, 1996, 114-9. Cf. Quelques observations sur l!attitude d!rasme envers la philosophie, Neohelicon, 3-1975, 1-2, 87-108. 84Lenoir, F. Socrate, Jsus, Bouddha : Trois matres de vie, Fayard, 2009. 85 Ignace de Loyola, Exercices spirituels, Seuil, 1982. Cf. Hadot, Exercices spirituels antiques et philosophie chrtienne, Exercices spirituels, 75-7.!86 Exercices spirituels, 296-7 et 313-9. Cette thse est discute par W. J. Hankey, Philosophy as way of life for Christians ?, Laval thologique et philosophique, 59, 2, 2003, 193-224. 87!Exercices spirituels antiques et philosophie chrtienne, Exercices spirituels, Cf. 296. 88 Qu!est-ce que la philosophie antique? 355. Cf. Exercices spirituels, 296.!89Qu! est-ce que la philosophie antique? 356. 90Qu!est-ce que la philosophie antique? 357-8. Cf. Exercices spirituels, 79. 91 Exercices spirituels antiques et philosophie chrtienne, Exercices spirituels, 79.!92Exercices spirituels antiques et, Exercices spirituels, Cf. 26-7.!93 Exercices spirituels antiques et, Exercices spirituels, 89.!94Exercices spirituels antiques et, Exercices spirituels, 90. ce propos, cf. Foucault, M. L!criture de soi, Dits et crits II, texte 329, Gallimard, 2001, 1234-49. !95 F