Pierre Teilhard de Chardin. Comment Je Crois (Tomme X)

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  • 7/25/2019 Pierre Teilhard de Chardin. Comment Je Crois (Tomme X)

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    Pierre Teilhard de Chardin[1771-1955]

    jsuite, palontologue et philosophe franais

    (1969)

    COMMENTJE CROIS

    Un document produit en version numrique par Gemma Paquet, bnvole,professeure retraite de lenseignement au Cgep de ChicoutimiPage web. Courriel: [email protected]

    Dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales"Fonde et dirige par Jean-Marie Tremblay, sociologue

    Site web: http://classiques.uqac.ca/

    Une collection dveloppe en collaboration avec la BibliothquePaul-mile-Boulet de l'Universit du Qubec Chicoutimi

    Site web: http://bibliotheque.uqac.ca/

    http://classiques.uqac.ca/inter/benevoles_equipe/liste_paquet_gemma.htmlmailto:[email protected]://classiques.uqac.ca/http://bibliotheque.uqac.ca/http://bibliotheque.uqac.ca/http://classiques.uqac.ca/mailto:[email protected]://classiques.uqac.ca/inter/benevoles_equipe/liste_paquet_gemma.html
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    Cette dition lectronique a t ralise par Gemma Paquet, bnvole,professeure retraite de lenseignement au Cgep de ChicoutimiCourriel: [email protected]

    partir du livre de :

    Pierre Teilhard de Chardin

    COMMENT JE CROIS.

    Paris : Les ditions du Seuil, 1969, 294 pp. Collection : Collection : Oeuvres dePierre Teilhard de Chardin, no 10.

    Polices de caractres utilise :

    Pour le texte: Times New Roman, 14 points.Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 12 points.

    dition lectronique ralise avec le traitement de textes Microsoft Word2008 pour Macintosh.

    Mise en page sur papier format : LETTRE US, 8.5 x 11

    dition numrique ralise le 15 mai 2012 Chicoutimi, Villede Saguenay, Qubec.

    mailto:[email protected]:[email protected]
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    Pierre Teilhard de Chardin

    COMMENT JE CROIS.

    Paris : Les ditions du Seuil, 1969, 294 pp. Collection : Collection : Oeuvresde Pierre Teilhard de Chardin, no 10.

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    Oeuvres de Teilhard de ChardinAUX MMES DITIONS

    I. LE PHNOMNE HUMAINII. L'APPARITION DE L'HOMMEIII. LA VISION DU PASSIV. LE MILIEU DIVINV. L'AVENIR DE L'HOMMEVI. L'NERGIE HUMAINE

    VII. L'ACTIVATION DE L'NERGIEVIII. LA PLACE DE L'HOMME DANS LA NATURE(Le Groupe Zoologique &main, d. relie)IX. SCIENCE ET CHRIST

    HYMNE DE L'UNIVERSTRE PLUSSUR LE BONHEUR / SUR L'AMOUR / LE PRTREIMAGES ET PAROLESCAHIER I. CONSTRUIRE LA TERRECAHIER 2. RFLEXIONS SUR LE BONHEUR

    CAHIER 3. PIERRE TEILHARD DE CHARDIN ET LA POLITIQUE AFRI-CAINECAHIER 4. LA, PAROLE ATTENDUECAHIER 5. LE CHRIST VOLUTEURCAHIER 6. LE DIEU DE L'VOLUTION

    JE M'EXPLIQUE. Textes runis et prsents par J.P. Demoulin.

    AVEC TEILHARD DE CHARDIN : VUES ARDENTES . extraits importantsd'uvres indites, par J.-M. Mortier

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    CHEZ D'AUTRES DITEURS

    ditions Grasset

    CRITS DU TEMPS DE LA GUERRE (1916-1919)LA GENSE D'UNE PENSE (LETTRES DE 1914 1919)LETTRES DE VOYAGE (1923 1955)ACCOMPLIR L'HOMME (LETTRES DE 1926 1952)

    ditions Albin Michel

    LE GROUPE ZOOLOGIQUE HUMAIN

    ditions Descle De Brouwer

    LETTRES LONTINE ZANTA (1923-1939)

    ditions Aubier

    LETTRES DGYPTE (1905-1908)LETTRES D'HASTINGS ET DE PARIS (1908-1914)

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    COMMENT JE CROIS

    publisous le Haut Patronage

    de Sa Majest la Reine Marie-Joset sous le patronage

    1. d'un Comit scientifiqueII. d'un Comit gnral

    I. COMIT SCIENTIFIQUE

    Retour la table des matires

    ARAMBOURG (Camille), Professeur honoraire de Palontologie au

    Museum National d'Histoire Naturelle.

    BARBOUR R (Dr George B.), Professeur de Gologie, Doyen honoraire de

    la Facult des Arts et Sciences de l'Universi-t de Cincinnati.

    CHOUARD (Pierre), Professeur la Sorbonne (Physiologie vg-tale).

    CORROY (Georges), Doyen de la Facult des Sciences de Mar-seille.

    CRUSAPONT PAIRO (Dr M.), Dr s Sciences, Commandeur de l'Ordred'Alphonse X le Savant, Chef de Section dela C.S.I.C., Professeur de Palontologie laFacult des Sciences de Barcelone.

    FAGE (Denis), Ancien Prsident de lAcadmie des Scien-ces.

    GARROD (Miss Dorothy A. E.), Doctor of Science, Oxford University, Fel-low of the British Academy.

    GEORGE (Andr), Directeur de la Collection Sciences d'au-jourd'hui .

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    GRASS (Pierre P.), Professeur la Sorbonne.

    HEIM (Roger), Ancien Directeur du Museum d'HistoireNaturelle, Membre de l'Institut.

    HRZELER(Dr Johannes), Conservateur de la Section ostologique auMuse dHistoire Naturelle, Ble.

    [8]

    HUXLEY (Sir Julian), D. Sc., F. R. S., Correspondant de l'Acad-mie des Sciences.

    JACOB (Mlle Marguerite), du Commissariat de l'nergie Atomique.

    KOENIGSWALD (G. H. R. von), Professor of Paleontology and HistoricalGeology at the State University of Utrecht,Holland.

    LAMARE (Pierre), Professeur de Gologie la Facult desSciences de l'Universit de Bordeaux.

    LEPRINCE -RINGUET (Louis), Membre de l'Acadmie des Sciences, Pro-fesseur au Collge de France, Prsident del'Union des Scientifiques catholiques.

    LEROI-GOURHAN (Andr), Professeur la Sorbonne.

    MALAN (Dr B. D.), Director, Archological Survey of theUnion of South Africa.

    MONOD (Thodore), Membre de l'Institut, Professeur au Museum

    National d'Histoire Naturelle, Directeur del'Institut Franais d'Afrique Noire.

    MOVIUS , jr. (Dr Hallam. L.), Peabody Musem, Harvard University(U.S.A.).

    OPPENHEIMER (Robert), Director of the Institute for Advanced Stu-dies, Princeton (U.S.A.).

    PIVETEAU (Jean), Membre de lAcadmie des Sciences, Pro-fesseur la Sorbonne.

    ROBINSON (J. T.), Professional Officer in Charge, Departmentof Vertebrate Palmontology and PhysicalAnthropology, Transvaal Museum, Pretoria.

    ROMER (Alfred Sherwood), Ph. D., Sc. D., Director of the Museum ofComparative Zoology and Alexander Agas-siz, Professor of Zoology, Harvard Univer-sity (U.S.A.).

    TERMIER (Henri), Professeur la Sorbonne.

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    TERRA (Dr Helmut de), Ancien directeur de la Werner Reimers-Stiftung, Frankfurt-am-Main.

    TOYBEE (Sir Arnold J.), Director of Studies, Royal Institute of Inter-

    national Affairs, Research Professor of In-ternational History, London University.

    VALLOIS (Dr Henri Victor), Professeur au Museum National d'HistoireNaturelle, Directeur honoraire du Muse del'Homme, Membre de lAcadmie de Mde-cine.

    VANDEL (Albert), Membre non rsident de l'Acadmie desSciences.

    VAUFREY (R.), Professeur l'Institut de Palontologie Hu-maine.

    VIRET (Jean), Professeur la Facult des Sciences deLyon.

    WESTOLL (Stanley), Professor of Geology at King's College inthe University of DurhanL

    II. COMIT GNRAL

    TEILHARD DE CHARDIN (M. Franois-Rgis).

    TEILHARD DE CHARDIN (Mme Gabriel). TEILHARD DE CHARDIN (Mme Victor).

    TEILHARDCHAMBON (Mlle A.). Agrge de l'Universit).BEGOUN (Comte Max-Henri).

    MORTIER (Mlle J.).

    ARMAND (Louis), Membre de lAcadmie Franaise.

    ARON (Robert), Agrg de l'Universit, Homme de Lettres.

    BARTHLEMY-MADAULE(M.),

    Docteur s-Lettres, Matre de confrenceAmiens.

    BOISDEFFRE (Pierre de), Conseiller d'ambassade.

    BORNE (tienne), Agrg de l'Universit, Inspecteur de l'Aca-dmie de Paris.

    CUENOT (Claude), Ancien lve de l'cole Normale Suprieu-re, Agrg de l'Universit, Dr s Lettres.

    DUHAMEL (Georges), Membre de lAcadmie Franaise.

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    GOUHIER (Henri), Membre de l'Institut.

    GUSDORF (Georges), Professeur de Philosophie la Facult desLettres de Strasbourg.

    HOPPENOT (Henri), Ministre Plnipotentiaire. HYPPOLITE (Jean), Professeur au Collge de France.

    KHIEM (Pham Duy), Ancien Dlgu permanent du Viet-Nam l'U.N.E.S.C.O.

    LACROIX (Jean), Agrg de Philosophie, Professeur de Rh-torique Suprieure au Lyce du Parc, Lyon.

    MADAULE (Jacques), Agrg d'Histoire et de Gographie, Hom-me de Lettres.

    MALRAUX (Andr), Homme de Lettres, Ancien Ministre d'tat.MARGERIE (Roland de), Ministre Plnipotentiaire, Ambassadeur de

    France.

    MARROU (Henri-Irne), Professeur la Sorbonne.

    MEYER (Franois), Professeur la Facult des Lettres et Scien-ces humaines, Aix-en-Provence.

    PERROUX (Franois), Professeur au Collge de France.

    ROINET(Louis), Agrg des Lettres, Professeur au LyceCondorcet.

    RUEFF (Jacques), Membre de l'Institut.

    SENGHOR (Lopold Sdar), Prsident de la Rpublique du Sngal.

    WAHL (Jean), Professeur honoraire la Sorbonne.

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    Table des matires

    Sous le patronage deAVANT-PROPOS, par N. M. Wildiers

    Note sur l'Union physique entre l'Humanit du Christ et les Fidles au cours de lasanctification, 1919,

    Sur la Notion de Transformation cratrice

    Note sur les Modes de lAction divine dans l'Univers, janvier 1920,

    Chute, Rdemption et Gocentrie, 20 juillet 1920

    Note sur quelques Reprsentations historiques possibles du Pch originel, 1922

    Panthisme et Christianisme, 1923

    Christologie et volution, Nol 1933

    Comment je crois, octobre 1934

    Quelques Vues gnrales sur l'Essence du Christianisme, mai 1939.

    Le Christ voluteur, 8 octobre 1942

    Introduction la Vie chrtienne, 29 juin 1944Christianisme et volution, 11 novembre 1945

    Rflexions sur le Pch originel, novembre 1947

    Le Phnomne chrtien, 10 mai 1950

    Monognisme et Monophyltisme, fin 1950

    Ce que le Monde attend de lglise de Dieu, 14 septembre 1952

    Contingence de l'Univers et Got humain de survivre, 1er mai 1953

    Une suite au Problme des Origines humaines : la Multiplicit des Mondes habi-ts, 5 juin 1953

    Le Dieu de lvolution, 25 octobre 1953

    Mes Litanies, probablement fin 1953

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    COMMENT JE CROIS

    AVANT-PROPOS

    Retour la table des matires

    Ce dixime volume des Oeuvres du Pre Teilhard de Chardintaitdestin initialement contenir tous les essais et articles du Preconsacrs des problmes de thologie. Vu le nombre et l'tendue deces crits, les diteurs ont t obligs, pour contenir ce volume dansdes limites raisonnables, de rpartir les textes sur deux volumes, dontle premier contiendra les crits se rfrant plus spcialement la tho-logie spculative, tandis que le second runira les textes o le thmede la vie chrtienne constitue le sujet dominant. Une telle divisioncontient, il est vrai, une part d'arbitraire, surtout lorsqu'on tient comptedu fait que l'auteur traite souvent dans un mme article ou essai desdeux aspects du problme thologique. Malgr les rserves qu'on

    pourrait faire ce sujet, il nous semble pourtant que le choix ralisici prsente l'avantage de faire ressortir tant l'aspect thorique que

    l'aspect pratique de la pense thologique de l'auteur.Dans les dernires annes, les crits thologiques de Teilhard de

    Chardin ont dj fait l'objet de nombreux travaux, soit sur l'ensemblede sa thologie, suit sur l'un ou l'autre Point de sa doctrine. Qu'on se

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    rappelle les tudes du Pre Henri de Lubac 1, de Georges Crespy 2,[14] Piet Smulders 3, Christopher Mooney 4, Sigurd Daecke 5, EulalioBaltazar 6, Robert North7, Denis Mermod8, Robert Francur9,

    George Maloney10

    , E. Martinazzo11

    , Robert Faricy12

    et FranciscoBravo 13. cette liste volontairement incomplte, il faudrait ajouterun grand nombre d'articles et de brochures, sans oublier les comptesrendus des congrs, o la pense thologique de Teilhard donna lieu d'importants rapports et discussions. Parmi ces derniers signalons toutspcialement le Congrs scotiste international, tenu Oxford et Edim-

    bourg du 11 au 17 septembre 1966, et o la doctrine christologique duPre fit l'objet de plusieurs rapports 14. Rarement dans l'histoire de lathologie la pense d'un auteur aura donn lieu, en si peu d'annes, des tudes et des discussions aussi nombreuses et souvent passion-

    nes, - fait d'autant plus remarquable que l'auteur lui-mme ne se don-nait nullement comme un thologien et considrait ses crits en cettematire plutt comme de simples suggestions. Le nombre et la qualitde ces tudes, d'inspiration parfois trs divergente, montre l'vidence quel point cette pense a retenu l'attention des thologiens et quel

    1 La Pense religieuse du Pre Pierre Teilhard de Chardin (Paris 1962) ;LaPrire du Pre Teilhard de Chardin (Paris, 1964).

    2 La Pense thologique de Teilhard de Chardin (Paris, 1961De la science la thologie. Essai sur Teilhard dit Chardin (Neuchtel, 1965).

    3 Het visioen van Teilhard Chardin (Brugge, 1964 ; tract. fran. 1967).4 Teilhard de Chardin and the mystery of Christ (Londres-New York, 1966 ;

    trad. fran.).5 Teilhard Chardin und die Evangelische Theologie (Gttingen, 1967).6 Teilhard and the Supernatural(Baltimore, 1966).7 Teilhard and the creation of the soul (Milwaukee, 1967).8 La Morale de Teilhard (Paris, 1967).9 Perspectives in Evolution (Baltimore, 1965).10 The Cosmic Christ. From Paul to Teilhard (New York, 1968).11 Teilhard Chardin. Conamen lecturae criticae (Rome, 1965).

    12 Teilhard de Chardin's theology of the christian in the world (New York,1967).

    13 Christ in the thought of Teilhard de Chardin (Notre Dame Univ. Press,1967).

    14 De doctrina Joannis Duns Scoti. Acta Congressus Scotistici InternationalisOxonii et Edimburgi 11-17 sept. 1966 celbrati. Vol. III : Problemata Theo-logica (Studia Scholastico-Scotistica, vol. III) Rome, 1968 (voir surtout lesrapports de Robert North, Gabriele Allegra et Gerardo Cardaropoli).

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    point elle constitue un stimulant exceptionnel pour la rflexion tho-logique de notre poque.

    [13]

    Il ne peut tre question ici, dans ce bref avant-propos, d'analyserles livres que nous venons de mentionner, ni de nous prononcer sur les

    problmes en discussion. Qu'il nous soit permis plutt de nous adres-ser ceux qui ne sont pas thologiens de mtier, afin de les aider mieux comprendre la vritable intention de l'auteur et la porte rellede ses crits en cette matire.

    Pour bien comprendre un auteur, il ne suffit pas d'examiner les dif-frents points de la doctrine qu'il nous apporte. Il faut avant tout serendre compte, aussi clairement que possible, du problme auquel cet-

    te doctrine est suppose apporter une solution. Quel est donc le pro-blme central auquel Teilhard a voulu donner une rponse, le probl-me qui se trouve au cur mme de toute sa pense thologique ? Sansaucun doute - et sur ce point il semble bien que l'accord se soit fait - le

    problme central de Teilhard fut celui qu'on dsigne de nos jourscommunment par le terme de scularisation. Le terme religion de laterre ( le Dieu de l'En-Avant ) utilis par Teilhard, et la scularisa-tion chre aux thologiens d'aujourd'hui couvrent en effet la mmeralit idologique et sociologique. Pour plus de clart, distinguons

    bien scularit, scularisation et scularisme. Par scularit on entendcommunment la reconnaissance de la valeur propre de la terre et del'activit terrestre de l'homme, - activit humaine dont la science, latechnique et l'organisation de la socit constituent de nos jours la par-tie la plus importante. Par scularisation nous dsignons le processushistorique et sociologique, qui conduisit cette reconnaissance et quise caractrise par un affranchissement progressif, dans l'activit scien-tifique et politique de l'homme, de toute ingrence de la thologie etde la mtaphysique. Par scularisme, enfin, il faut entendre toute atti-tude ou toute doctrine exaltant exclusivement les valeurs de la vie ter-

    restre au dtriment de toute proccupation religieuse ou mtaphysi-que.

    Pour le chrtien, il va sans dire, tout scularisme est inacceptable,mais quelle doit tre son attitude vis--vis du fait indniable de la s-cularisation ? Comment dfinir les rapports entre le message vang-lique et la religion de la terre ? Comment raliser en nous-mmes

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    l'harmonie entre notre tche terrestre et notre vocation cleste ? Ceproblme n'est certainement pas nouveau en thologie, mais jamais iln'a t [16] ressenti avec autant d'acuit que de nos jours. Teilhard en

    fit le point de dpart de sa rflexion thologique, un moment o peud'entre nous se rendaient compte de l'urgence de ce problme. De parson exprience de savant et sa sensibilit exceptionnelle pour les cou-rants spirituels de notre poque, il entrevit quel point l'homme mo-derne s'est veill la claire conscience de sa vocation et de ses res-

    ponsabilits terrestres. Avec une lucidit surprenante, il prvoyait quece courant devait invitablement conduire, non seulement un lar-gissement du foss entre l'glise et la culture moderne, mais gale-ment une crise au plus vif du monde croyant mme. Il s'agit, nousdit-il, de la monte irrsistible dans le ciel humain, par toutes les

    voies de la pense et de l'action, d'un Dieu volutif de l'En-Avant, -antagoniste, premire vue, du Dieu transcendant de l'En-Haut pr-sent par le Christianisme notre adoration . Aussi longtemps,ajoutait-il, que par une Christologie renouvele (dont tous les l-ments sont entre nos mains) l'glise ne rsoudra pas le conflit appa-rent dsormais clat entre le Dieu traditionnel de la Rvlation et leDieu nouveau de l'volution, - aussi longtemps le malaise s'accen-tuera, non seulement en marge, mais au plus vif du monde croyant ; et

    pari passu15, le pouvoir chrtien diminuera, de sduction et de

    conversion16

    . Ce que Teilhard prvoyait dans ce texte, et dans de nombreux au-

    tres passages de ses crits, se trouve bien ralis de nos jours et onpourrait se demander si, aujourd'hui, nous ne serions pas plus prs dela solution si ses avertissements avaient t entendus en temps voulu.Quoi qu'il en soit, il ne fait aucun doute que son diagnostic tait fon-damentalement exact et la crise dont nous soufrons aujourd'hui consis-te bien dans le conflit entre une religion de transcendance et un mondescularis, entre le Dieu de l'En-Haut et le Dieu d'En-Avant ,entre une religion du ciel et une religion de la terre .

    Mais si le problme de la scularit, tel qu'il est pos de nos jours,est dj prsent au centre de la pense teilhardienne, il revt chez luiune forme et une dimension extrmement originales. C'est que chez

    15 Du mme pas. (N.D.E.)16 Ce que le monde attend en ce moment de l'glise de Dieu (1952).

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    lui le travail terrestre de l'homme se trouve reli l'ide d'un mondeen volution. [17] Dans un monde statique, la dignit du travail hu-main ne se pose pas dans les mmes termes que dans un monde en

    volution. C'est prcisment parce que nous vivons dans un monde envoie de construction que notre travail reoit une valeur nouvelle et uneimportance capitale. La tche humaine s'identifie ni plus ni moins l'obligation de continuer la grande uvre de l'volution et de laconduire son achvement. Ainsi Teilhard a-t-il le droit d'exalter lagrandeur et la dignit de la tche humaine et de parler d'un saintamour de la terre bien avant que Dietrich Bonhoefer nous parltd'une sainte scularit (heilige Weltlichkeit).

    Et, de mme que le problme de la scularit prend chez Teilhardune forme neuve et extrmement riche, de mme aussi la solution qu'ilnous propose diffre-t-elle radicalement de celle propose par la plu-

    part des thologiens de la scularit tels qu'un Harvey Cox, un Wil-liam Hamilton, un Thomas Altizer, un Paul Van Buren et autres. Loinde pencher vers une thologie sans Dieu ou de sombrer dans un scu-larisme radical comme il est de mode dans certains milieux, c'est aucontraire dans une christologie renouvele, dans le centre mme de lafoi chrtienne, qu'il entrevoyait la solution du problme qui nous oc-cupe. Cet univers dont nous clbrons la grandeur et la richesse n'exis-te pas en dehors du Christ ; il est reli organiquement au Christ en ce

    sens que tout a t cr pour Lui et qu'en Lui tout trouve son achve-ment.

    Cette christologie, d'inspiration nettement paulinienne, est assezproche de celle qu'on nomme communment scotiste, bien qu'elle s'enspare sur plusieurs points importants. Le thologien du Moyen ge

    prend son point de dpart en Dieu et se demande quelle fut l'intentiondivine en dcrtant l'incarnation du Verbe ; Teilhard mdite sur la va-leur de la terre et se demande comment elle peut tre relie au Verbeincarn. Dans la spculation mdivale l'accent est plutt sur la pr-

    existence du Christ en vue de qui tout sera cr ; Teilhard mettra l'ac-cent sur l'eschatologie, sur le terme de l'histoire terrestre dont le Christconstituera la dfinitive conscration. Pour le thologien du Moyenge, le Christ est surtout le premier conu dans la pense divine de lacration ; pour Teilhard, Il est avant tout le terme et le couronnementde l'histoire.

    [18]

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    Une telle christologie contient selon lui la vraie solution au pro-blme de la scularit. Si la vocation humaine consiste construire laterre et si cette construction de la terre constitue la prparation, insuf-

    fisante certes, mais ncessaire, l'avnement du Christ, nen suit-ilpas que le travail humain, en ce qu'il contient de plus prcieux et deplus lev, possde une orientation intrinsque au Christ, fin et cou-ronnement de ce monde en formation ? Cette liaison entre le travailhumain et le Christ de la Parousie constituait le thme central trait

    par Teilhard dans le Milieu divin, publi antrieurement. C'est dansles pages qui suivent qu'on trouvera une lucidation plus pousse decertains points de doctrine qui en constituent le fondement. Ainsi doncTeilhard a-t-il pos le problme thologique de la scularit dans uneforme extrmement originale et clairante, tout en lui donnant une so-

    lution rellement chrtienne en plein accord avec les donnes tradi-tionnelles de la foi.

    Loin d'approuver le courant de scularisme qui nous opprime, c'estbien dpasser toute forme de scularisme que Teilhard nous inviteen intgrant les valeurs de la terre dans une vision christocentrique dumonde.

    part les questions christologiques, c'est surtout au problme dupch originel que sont consacrs le plus grand nombre d'essaiscontenus dans ce volume. Tout lecteur averti se rendra compte qu'ils'agit ici d'essais, qui, selon l'intention et le dsir de l'auteur, devaienttre tudis de plus prs par des thologiens de mtier. Si certainesformules proposes par Teilhard peuvent paratre encore assez hsi-tantes, c'est pourtant bien dans le sens indiqu par lui que s'orienteaujourd'hui la recherche thologique sur ce point.

    N. M. WILDIERSDocteur en Thologie

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    COMMENT JE CROIS

    1Note sur l'union physique entrel'humanit du Christ et les fidles

    au cours de la sanctification

    1919

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    Dans la faon d'expliquer comment le Christ Vitis et Vita ve-ra17, le Christ caput creationis et Ecclesiae18 agit sur les fid-les au cours de leur sanctification, on peut distinguer a priori (et trou-ver reprsentes a posteriori par divers courants de la Thologie et dela Mystique) trois tendances principales. Les uns, parmi les chrtiens,comprennent surtout l'influence salvifique du Christ par analogie avecnos causalits morales, juridiques, exemplaires, c'est--dire avec unenuance de nominal et d'extrinsque. Les autres, au contraire, plus por-ts regarder dans les choses le ct naturel et intrinsque, cher-chent expliquer l'action que nous subissons de la part de Jsus en la

    rapprochant principalement des causalits physiques et organiques del'Univers. Et ils se subdivisent eux-mmes en deux catgories : les unsrapportant surtout au Verbe, en Jsus-Christ, l'opration vivificatricedes mes, -les autres inclinant faire, dans cette opration physique,une part la plus grande possible l'Humanit de Notre-Seigneur.

    Il n'est pas ncessaire d'avoir une grande exprience de l'me chr-tienne pour s'apercevoir que la , dernire de ces trois tendances, sa-voir celle qui tend amplifier (emphasize ) [22] les liens physiquesexistant entre l'Humanit du Christ et nous, est particulirement viva-

    ce aujourd'hui.Le but de la prsente Note est d'indiquer une manire possible de

    comprendre et d'tablir cette thse, - admise pratiquement par beau-

    17 Vigne et Vraie Vie , d'aprs Jn, XV, I et XIV, 6. (N.D.E.)18 Tte de la cration et de l'glise , d'aprs Co. 1, 18 ; Et il est aussi la

    tte du Corps, c'est--dire de l'glise . (N.D.E.)

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    coup de chrtiens dans leur vie intrieure - que la saintet du fidle sedveloppe et s'achve dans une sorte de contact (physique et perma-nent) avec la Ralit mme humaine du Christ Sauveur.

    C'est dans la considration du Corps Mystique consomm(c'est--dire du Plrme de saint Paul) qu'il est avantageux de cher-cher une base solide la dmonstration, ou plutt aux suggestions,que nous avons ici en vue. D'une part, en effet, le Plrme tant leRoyaume de Dieu dans son achvement, les proprits que lui attribuel'criture doivent tre regardes comme spcialement caractristiquesde l'organisme surnaturel tout entier, mme si elles n'apparaissent queconfusment dans telle ou telle phase prparatoire de la batification. -D'autre part, en aucune autre Ralit plus que dans l'glise triomphan-te, l'action physique et personnelle du Christ thandrique n'est mani-feste par la Rvlation. - Quand on cherche rsumer les enseigne-ments de l'glise et de la pense des saints sur la nature intime de la

    batitude, on voit qu'au Ciel le Christ et les lus doivent tre regardscomme formant un Tout vivant, troitement hirarchis. Sans doute,chaque lu possde directement Dieu, et trouve dans cette possessionunique l'achvement de sa propre individualit. Mais cette possession,ce contact, du Divin, si individuels soient-ils, ne sont pas obtenus in-dividuellement. La vision batifique, qui illumine chaque lu pour luiseul, est en mme temps un acte collectif pos par tout l'organisme

    mystique la fois per modum unius potentiae 19 . L'organe faitpour voir Dieu, ce n'est pas (si on va au fond du dogme) l'me humai-ne isole ; c'est l'me humaine unie toutes les autres, sous [23]l'Humanit du Christ. Nous atteignons Dieu, au ciel sicuti est 20mais dans la mesure o nous sommes assums par le Christ dans les

    prolongements mystiques de sa substance. L'tat de batitude doit secomprendre, en dfinitive, comme un tat d'union eucharistique per-manente, o nous serons levs et maintenus en corps (c'est--diretous per modum unius 21) et in corpore Christi22. Ainsi s'ex-

    plicitent les relations fondamentales de l'Eucharistie et de la Charit,de l'amour de Dieu et de l'amour du prochain.

    19 la faon dune seule et unique puissance.(N.D.E.)20 Tel qu'il est. (N.D.E.)21 la faon d'un seul tre. (N.D.E.)22 Dans le corps du Christ. (N.D.E.)

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    Si telle est bien la condition de la saintet in termino 23 ( sa-voir une union Dieu en Jsus-Christ Homme) il semble qu'une seulemanire nous reste de comprendre la nature de la saintet in via 24,

    c'est--dire de notre actuelle et laborieuse sanctification. Puisque labatification concide avec un certain degr d'agrgation physique l'tre cr de Notre-Seigneur, il faut ncessairement admettre qu'aucours de son existence mritoire le fidle s'tablit, et crot, dans uncertain tat de liaison physique avec l'Humanit du Sauveur Jsus.Sous peine d'introduire une disparit injustifie entre l'tat de grce etl'tat de gloire, on doit dire que la Grce, non seulement nous rattache

    par sa sve spirituelle la Divinit du Verbe, mais qu'elle s'accompa-gne d'une certaine annexion progressive un organisme cr, physi-quement centr sur l'Humanit du Christ.

    Loin de ne pas s'accorder avec l'Eucharistie, ou de faire doubleemploi avec elle, cette communion habituelle ralise par la grcesanctifiante entre le Christ et les fidles donne, on le remarquera, larception sacramentelle des Saintes Espces sa pleine signification.

    D'abord il est trs sr que l'Eucharistie, laquelle beaucoup [24]d'lus n'auront pas pu participer pendant leur vie terrestre, ne repr-sente pas l'unique moyen grce auquel les fidles puissent prendre,avec l'Humanit du Christ, le contact (ncessaire de ncessit demoyen) qui doit assurer leur intgration dans le Plrme. On devientmembre du Christ avant d'avoir touch extrieurement son Corps sa-cramentel.

    Dans la rception de l'Eucharistie, par ailleurs, il est galementclair que l'adhsion la Chair de Jsus, telle que l'assure la manduca-tion des Espces, se ralise sur un plan physique fort diffrent de celuio a lieu le contact quantitatif apparent de notre corps et de l'Hostie.

    N'est-ce pas, en effet, juste au moment o ce contact quantitatif ten-drait s'tablir pleinement (par l'assimilation) que les Espces se cor-rompent et que la Divine Prsence se relche ?

    L'Eucharistie ne s'explique bien, somme toute, qu'en fonction d'unmode de contact avec Jsus qui soit beaucoup plus indpendant du

    23 En son terme. (N.D.E.)24 En chemin. (N.D.E.)

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    temps et de la matire infrieure que celui de la conjonction brute en-tre les Saintes Espces et nous.

    Comment alors faut-il se reprsenter approximativement l'union

    eucharistique (sacramentelle) ? - Tout simplement comme le resser-rement, privilgi et merveilleusement actif, d'une liaison plus diffuse(mais relle) tablie et entretenue perenniter 25 par l'tat de grce..Ds avant toute Communion, par l'opration du Baptme, une premi-re et prenne connexion se noue entre le chrtien et le Corps duChrist. - Et aprs chaque communion, cette connexion, - malgr ladisparition des Saintes Espces qui l'avaient temporairement porte un degr privilgi d'intimit et de croissance - persiste, accrue, bienque sous une forme attnue.

    Si on entend les choses ainsi, la communion sacramentelle, au lieude former, dans la vie chrtienne, un lment discontinu, en devient latrame. Elle est l'accentuation et le renouvellement d'un tat permanentqui nous rattache sans [25] interruption Jsus. En somme, la vie en-tire du chrtien, sur terre comme au Ciel, se trouve ramene unesorte de perptuelle union eucharistique. Le Divin ne nous arrive ja-mais qu' inform par le Christ Jsus : telle est la loi fondamentalede notre vie surnaturelle.

    Le corollaire immdiatement pratique de cette loi est que, pour le

    juste, la prsence gnrale de Dieu se double, chaque instant, d'uneprsence particulire du Christ secundum suam naturam huma-nam 26, - prsence antcdente (in ordine naturae 27) l'inhabitationdes Personnes divines dans l'me sanctifie. Et ce n'est pas tout :comme cette prsence croit proportionnellement l'tat de grce ennous, elle est susceptible non seulement de durer, mais de s'intensifier,

    par tout le dtail de ce que nous faisons et de ce que nous souffrons.Littralement, quidquid agit Christianus, Christus agitur 28. Desconsidrations de cet ordre ont videmment une grande importance enMystique : elles nous permettent de croire que nous pouvons vivre,

    strictement, toujours et partout, sans sortir de Jsus-Christ.

    25 Constamment. (N..D.E.)26 Selon sa nature humaine. (N.D.E.)27 Dans l'ordre de la nature. ( N.D.E.)28 Dans tout ce que fait le chrtien, c'est le Christ qui se fait. (N.D.E.)

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    Plus on se familiarise avec cette ide d'un influx physique manantcontinuellement (ml la grce) de l'Humanit du Christ, pour lesmes, plus on y dcouvre d'harmonies avec les textes, si nombreux

    dans l'criture, o la possession par nous du Pre cleste est rigoureu-sement subordonne notre union prenne au Verbe incarn ; - etplus on est tonn du relief que prennent les prceptes vangliques,ceux notamment de la Communion et de la Charit. Aimer ses frres,recevoir le Corps du Christ, ce n'est pas seulement obir, et mriterune rcompense : c'est construire organiquement, lment par l-ment, l'unit vivante du Plrme en Jsus.

    tant d'avantages que procure la vie intrieure une [26] concep-tion aussi raliste que possible des liens qui rattachent notre tre ce-lui de jsus, on ne peut opposer aucun inconvnient srieux.

    Nous n'avons pas craindre, d'abord, en tendant partout autour denous le domaine de l'Humanit du Christ, de nous voiler la face de laDivinit. Jsus (parce que nous adhrons Lui in ordine vitali 29n'estpas un intermdiaire qui spare de Dieu, mais un milieu qui unit. Philippe, qui videt me, videt Patrem 30

    Et nous n'avons pas redouter, non plus, de faire clater les limitesde la nature infrieure o le Verbe s'est incarn. Si dmesure soit la

    puissance qu'il nous faut supposer cette nature pour que son influen-

    ce rayonne continuellement sur chacun de nous, tant de grandeur nedoit pas nous dconcerter. Par les horizons qu'il nous ouvre sur lapuissance cache au sein de l'tre cr, et plus spcialement au Curde Jsus-Christ, cet excs apparait au contraire comme un des aspectsles plus attrayants du... (Inachev. Le mot manquant semble tre Christianisme .)*

    29 Dans l'ordre vital. b (N.D.E.)30 Philippe, qui m'a vu, a vu le Pre , Jn, XIV, 9. (N.D.E.)* Indit non dat. Il parait avoir t crit en janvier 1920.

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    2Sur la notion de transformation

    cratrice

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    La Scolastique ne distingue, ma connaissance, que deux espcesde variations dans l'tre (mouvement).

    1) La Cration, c'est--dire la productio entis ex nihilo sui et sub-jecti31.

    2) La Transformation, c'est--dire la productio entis ex nihilo suietpotentia subjecti32.

    Cration et Transformation sont ainsi pour la Scolastique deuxmodes de mouvement absolument htrognes et exclusifs l'un del'autre dans la ralit concrte d'un mme acte.

    - Cette sparation absolue de deux notions amne considrer laformation du Monde comme se faisant par temps compltementdistincts :

    1) Au dbut, la position extra nihilum 33 d'une certaine sommede puissances (phase cratrice initiale).

    [30]

    31 Production d'tre sans prexistence de soi ni d'une manire sous-jacente.La formule classique en philosophie scolastique : Productio rei ex nihilosui et subjecti exprime que la substance cre tout entire (forme et mati-

    re) est tire du nant. Rien ne prexiste : ni la chose elle-mme selon sa per-fection formelle, ni une matire de laquelle et dans laquelle la forme pourraittre produite (matire qui serait le sujet d'une transformation). Dieu produitl'univers sans se servir de rien d'autre, par sa volont toute puissante.(N.D.E.)

    32 La production d'tre sans prexistence de soi, mais en faisant passer l'acte une matire sous-jacente. (N.D.E.)

    33 Hors du nant. (N.D.E.)

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    2) Aprs cela, un dveloppement autonome de ces puissances, en-tretenues par Conservation (phase de transformation par les causessecondes).

    3) Ensuite, de nouvelles positions extra nihilum 34, chaque foisque le dveloppement historique du Monde nous rvle des accrois-sements vrais : apparition de la Vie, d'une espce mtaphysique ,de chaque me humaine...

    Visiblement, cette conception se heurte toutes sortes d'invrai-semblances historiques et d'antipathies intellectuelles.

    a) Elle oblige ne voir, entre degrs successifs de l'tre (physique,organique, spirituel) si videmment lis entre eux (dans leur appari-tion) qu'une liaison d'ordre logique, un plan purement intellectuel, quia sem artificiellement des existences suivant une apparence de conti-nu.

    b) Elle rend par suite inexplicable la dpendance physique (dans lefonctionnement) que nous constatons entre les divers organes del'Univers. De toute vidence, cependant, la pense a besoin d'un cer-tain support organique, fonction lui-mme de certaines conditions

    physico-chimiques !c) Elle dcouronne, enfin, de toute valeur absolue, l'effort des cau-

    ses secondes, qui ne possdent plus aucune efficacit organique pourfaire franchir au Monde les divers paliers de l'tre.

    Il me parait que la plupart des difficults que rencontre la Scolasti-que en face des indices historiques de l'volution tient ce qu'elle n-glige de considrer (en plus de la Cration et de l'duction) une troi-sime sorte de mouvement parfaitement dfini : la Transformationcratrice.

    ct de la creatio ex nihilo subjecti 35, ct de la trans-formatio ex potentia subjecti 36, il y a place pour un [31] acte sui

    34 Positions hors du nant. (N.D.E.)35 Cration sans prexistence d'une matire sous-jacente. (N.D.E.)

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    generis 37 qui, se servant d'un cr prexistant, l'agrandit en un tretout nouveau.

    Cet acte est rellement crateur, car il exige l'intervention renou-

    vele de la Cause premire.Et cependant il s'appuie sur un Sujet, - sur quelque chose dans un

    Sujet.

    Il est extraordinaire de penser que la Scolastique n'a pas un termepour dsigner ce mode d'opration divine qui :

    a) est concevable in abstracto 38 , et donc exige une place aumoins dans la spculation,

    b) est probablement le seul qui satisfasse notre exprience duMonde.

    Il faut, semble-t-il, tre bien aveugle pour ne pas le voir :

    In natura rerum 39, les deux catgories de mouvements que laScolastique spare (Creatio et Eductio 40 apparaissent comme conti-nuellement fondus, combins entre eux.

    Il n'y a pas un moment o Dieu cre, et un moment o les causessecondes dveloppent. - Il n'y a jamais qu'une action cratrice (identi-que la Conservation) qui soulve continuellement les cratures versle plus-tre, la faveur de leur activit seconde et de leurs perfection-nements antrieurs.

    La Cration ainsi comprise n'est pas une intrusion priodique de laCause premire : elle est un acte coextensif toute la dure de l'Uni-vers. Dieu cre depuis l'origine des temps, et vue du dedans, sa cra-tion (mme initiale ?) a la figure d'une Transformation. L'tre partici-

    p n'est pas pospar blocs qui se diffrencient ultrieurement grce

    36 Transformation en faisant passer l'acte une matire sous-jacente. (N.D.E.)

    37 Particulier. (N.D.E.)38 Abstraitement. (N.D.E.)39 Dans la nature. (N.D.E.)40 Cration et duction. (N.D.E.)

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    une modification non cratrice : Dieu insuffle continuellement ennous de l'tre nouveau.

    Il y a, bien entendu, tout le long de la courbe suivie par l'tre dans

    ses accroissements, des paliers, des points singuliers, [32] o l'actioncratrice devient dominante (apparition de la vie et de la pense).

    Mais, parler strictement, tout mouvement bon est, en quelquechose de lui-mme, crateur.

    La cration se poursuivant, chaque moment, en fonction de toutce qui existe dj, il n'y a jamais, proprement parler, de nihilumsubjecti41, - moins de considrer l'Univers dans sa formation to-tale travers tous les sicles.

    - Cette notion de Transformation cratrice (ou de Cration parTransformation) que je viens d'analyser me parat non seulement inat-taquable en soi, et seule applicable au Monde exprimental. Elle estvraiment libratrice : elle fait cesser le paradoxe et le scandale dela Matire (c'est--dire nos tonnements devant, par exemple, le rledu cerveau dans la pense et de la passion 42- dans la mysti-que) ; - et elle transforme l'une et l'autre en un culte noble et clair decette mme Matire.

    Si vraiment, comme il m'a sembl, la Transformation cratrice est un concept qui n'a pas encore sa place en Scolastique, je pensequ'il y a lieu de l'y introduire sans tarder, de faon ne pas laisser da-vantage la notion thologique orthodoxe de cration touffe et dfi-gure par le nihilum subjecti d'une Philosophie particulire. *

    41 Le nant d'une matire sous-jacente. (N.D.E.)42 rs (amour de dsir) par opposition l'agap (amour de don).* Indit non dat. crit probablement au dbut de 1920.

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    Pierre Teilhard l'poque de Comment je crois(document Vaufrey).

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    [33]

    COMMENT JE CROIS

    3Note sur les modes de l'action divine

    dans lunivers

    Janvier 1920

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    [35]

    Pour rendre plus concrtes les rflexions qui vont suivre, faisonsune comparaison. Imaginons une sphre, et, l'intrieur de cette sph-re, un trs grand nombre de ressorts presss les uns contre les autres.

    Accordons en outre ces ressorts la facult de se tendre ou de se d-tendre leur gr, spontanment. - Un tel systme peut figurer l'Uni-vers, et la multitude des activits, solidaires les unes des autres, qui lecomposent.

    Supposons, maintenant, que, dans le modle mcanique du Mondeainsi constitu, on cherche reprsenter, par un artifice quelconque,l'influence de la Cause premire. - Quel lment faudrait-il ajouter, ouquelle modification pourrait-on faire subir aux pices contenues dansla sphre, pour symboliser l'intervention de Dieu dans les Causes se-condes ?

    - Une premire faon de faire apparaitre le facteur Dieu dansnotre systme reprsentatif du Monde consisterait introduire, dansl'assemblage des ressorts vivants contenus dans la sphre, un ressortde plus, beaucoup plus central et puissant que tous les autres, qui fe-rait plier ceux-ci volont. Il y aurait le ressort-Dieu, comme le res-sort-Pierre ou Paul, etc. - Une causalit dominante parmi les autrescausalits (c'est--dire, somme toute, une puissance intercale dans lasrie des forces exprimentales), telle serait l'influence divine.

    [36]Il importe videmment de ragir contre une manire aussi rudi-

    mentaire (et pourtant souvent admise, plus ou moins inconsciemment)de comprendre l'opration de Dieu dans l'Univers. L'objet de la pr-senteNote est d'insister sur ce fait que les seules faons rationnelles deconcevoir l'action du Crateur sur son oeuvre sont celles qui nousobligent regarder comme insensible (du point de vue strictement

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    exprimental) l'insertion de l'nergie divine au sein des Choses, - pro-prit qui ne laisse pas que d'avoir des consquences importantes rela-tivement aux deux questions suivantes :

    - Comment Dieu nous est-il connaissable ? ( I.)- Quelle est l'extension vraie de sa Toute-Puissance ? ( Il.)

    I

    a) Un premier mode, proprement divin, pour la cause premire,d'atteindre les natures infrieures, consiste pouvoir agir sur tout leur

    assemblage simultanment. Revenons notre sphre de ressorts, etimaginons, extrieur elle, un tre capable d'exercer, sur toute la sur-face du systme la fois, une pression tellement savante qu'il arrive

    produire infailliblement, en un point quelconque de l'intrieur, tellemodification qu'il dsire. - Supposons en cours une modification de cegenre. Pour les ressorts situs au point influenc, l'branlement ext-rieur (= crateur) arrivant de tous les cts la fois semblera ou bienle rsultat d'une pure concidence, ou bien l'effet d'une force myst-rieuse rpandue dans tout l'ensemble de la sphre. L'nergie nouvelle,

    mise en jeu dans le systme, est impossible localiser : elle a exacte-ment la figure d'un Hasard ou d'une Immanence 43. Telle se [37] ma-nifeste nous (du point de vue strictement exprimental) la Providen-ce sur le Monde. La main de Dieu n'est pas ici, ni l. Elle agite toutl'ensemble des causes sans se dcouvrir nulle part : en sorte qu'il n'y arien de plus semblable, extrieurement, l'action du premier Moteurque celle d'une me du Monde, la Sagesse Divine que la Destineou la Fortune. - Il serait oiseux de se demander si une telle dispositionnous accommode ou non : elle est, voil le fait.

    b) Malgr que toute action individuelle soit solidaire de l'tat gn-ral et des modifications globales de l'ensemble, l'individu reprsenteessentiellement un centre autonome d'opration. L'action divine ne

    43 Pour que la comparaison soit moins imparfaite, il faudrait supposer, on levoit facilement, que la sphre a un rayon infini, et que la transmission del'action extrieure s'y opre instantanment (chaque lment se trouvant,au mme moment, influenc en fonction de tous les autres). (N.D.A.)

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    peut donc pas se contenter de cerner et de modeler les natures particu-lires par le dehors. Elle doit, pour les maitriser pleinement, avoir pri-se sur leur vie la plus secrte. - De l, pour la cause premire, en plus

    de la facult d'agir sur le Tout la fois, le pouvoir de se faire sentir aucur de chaque lment du Monde individuellement. - Nous consid-rions, tout l'heure, un tre si extrieur aux Choses qu'il les envelop-

    pait toutes ensemble de son influence. Imaginons maintenant le mmetre devenu si intrieur aux ressorts qu'il commande que de ceux-ci il

    peut, son gr, augmenter ou relcher la tension jusqu' l'extrme li-mite de leur lasticit (actuelle ou possible). Nous aurons ralis assezexactement, par cette fiction, une image de l'oprationparticulire deDieu, c'est--dire de celle qui rgit le Monde, non plus seulementcomme un Ensemble, mais comme une runion d'tres individuelle-

    ment vivifis. -Cettefois-ci, l'action de la Cause transcendante est par-faitement localise. Elle se pose sur un point trs dtermin de l'Uni-vers. Nous allons peut-tre pouvoir la saisir ?... Pas du tout, dans cecas encore, l'opration divine n'apparait pas sur le plan du res-te comme un lment immdiatement discernable. force d'intimit,elle devient insaisissable. Le ressort, m ab intra 44 [38] par l'treanimateur de la sphre, peut parfaitement s'imaginer qu'il agit seul(alors qu'il est agi), et les autres, ses voisins, partager son illusion.Ainsi en va-t-il dans le domaine de notre exprience. - L o c'est

    Dieu qui opre, il nous est toujours possible (en restant sur un certainniveau) de n'apercevoir que l'uvre de la nature.

    - Ainsi donc, tantt par excs d'extension, tantt par excs de pro-fondeur, le point d'application de la Force divine est, par essence,extra-phnomnal. La cause premire ne se mle pas aux effets : elleagit sur les natures individuelles et sur le mouvement de l'ensemble.Dieu, proprement parler, ne fait pas : Ilfait se faire les Choses. Voi-l pourquoi, l o Il passe, aucune effraction, aucune fissure. Le r-seau des dterminismes reste vierge, - l'harmonie des dveloppementsorganiques se prolonge sans dissonance. Et cependant le Matre estentr chez Lui.

    - Mais alors, dira-t-on, si telle est la condition de l'action divine,d'tre toujours voile de hasard, de dterminisme, d'immanence, nousvoil forcs d'admettre que la causalit divine n'est attingible directe-

    44 Du dedans. (N.D.E.)

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    ment, -nicomme cratrice, dans le mouvement de l'ordre du Monde, -ni comme rvlatrice dans le miracle ?

    - Sans aucun doute.

    Qu'il s'agisse de Providence ordinaire, ou bien de Providence mira-culeuse (concidences extraordinaires), ou bien mme de fait merveil-leux (), nous ne serons jamais amens scientifiquement voirDieu, parce que jamais l'opration divine ne sera en discontinuit avecles lois physiques et physiologiques dont seules s'occupe la Science.Les chanes d'antcdences n'tant jamais rompues (mais seulement

    ployes ou prolonges) par l'action divine, une observation analytiquedes phnomnes est incapable de nous faire atteindre Dieu, mimecomme premier Moteur. - Nous ne sortirons jamais scientifiquement

    du cercle des explications naturelles. Il faut nous y rsigner.[39]

    Cette proprit du Divin, d'tre insaisissable toute emprise mat-rielle, a t remarque, depuis toujours, propos du miracle. Si onexcepte les cas (trs rares, et plus ou moins contestables part ceux del'vangile) de rsurrections de morts, il n'y a pas, dans l'Histoire del'glise, de miracles absolument hors de porte des forces vitales no-tablement accrues dans leur sens. Par contre, on ne connat aucunexemple (mme lgendaire) de miracle morphologique 45 ; - et il

    est absolument inou qu'un martyr, sortant du feu, ait rsist un coupd'pe.

    On peut donc tre assur que plus on tudiera mdicalement lesmiracles, plus (aprs une premire phase d'tonnement) on les trouve-ra en prolongementde la Biologie, - exactement comme plus on tu-die scientifiquement le pass de l'Univers et de lHumanit, plus on ytrouve les apparences d'une volution.

    - Et cependant, Dieu est connaissable par la raison humaine ! - Etcependant le miracle est absolument ncessaire, non seulement pourles besoins de l'apologtique, mais pour la joie de notre coeur qui nesaurait se reposer pleinement en un Dieu qu'il ne sentirait pas plus fortque tout ce qui existe !

    45 Par exemple, recration d'un membre... (N.D.E.)

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    Comment arriverons-nous saisir la prsence du courant divinsous la membrane continue des phnomnes, - la Transcendance cra-trice travers l'immanence volutive ?

    - C'est ici que doivent intervenir les thories bienfaisantes qui,poussant jusqu'au bout, en matire de connaissance intellectuelle, lesystme de l'acte et de la puissance, reconnaissent aux facults del'me le pouvoir d'achever la vritdes objets qu'elles peroivent.

    Il se cache, sans aucun doute, sous le mouvement ascendant de lavie, l'action continue d'un tre qui soulve, par le dedans, l'Univers. -Sous l'exercice ininterrompu des causes [40] secondes , il se produit(dans de nombreux miracles) une dilatation exceptionnelle des natu-res, trs suprieure ce que pourrait donner le jeu normal des facteurs

    et des excitants crs. Les faits matriels, pris objectivement, contien-nent du Divin. Mais ce Divin n'est en eux, relativement notreconnaissance, qu'une simple puissance. Il restera donc en puissanceaussi longtemps que nous n'aurons pas, pour raliser dans notre espritle Monde supra-sensible, des facults suffisamment prpares, non

    pas seulement par l'exercice de l'analyse et de la critique, mais bienplus encore par l'affinement moral, et une fidlit entire suivrel'toile toujours montante de la vrit. - Seule lapuret du cur(aideou non de la grce, suivant le cas) et non pas la pure science est capa-

    ble, en prsence du Monde en mouvement, ou en face d'un fait mira-culeux, de surmonter l'indtermination essentielle des apparences, etde dcouvrir avec certitude derrire les forces de la Nature un Cra-teur, - et, au fond de l'anormal, le Divin.

    - Voici donc, dj, que grce l'tude des conditions imposes parla nature du Monde l'opration divine, nous sommes conduits adopter une thorie particulire de la connaissance du Divin (connais-sance de raison et connaissance de foi 46. Il nous reste voir commentl'existence de semblables conditions, limitatives en apparence de la

    46 On observera que les considrations dveloppes ci-dessus touchant l'invisi-bilit scientifique de la causalit divine (mme dans le miracle) sont lacontrepartie ncessaire de toute thorie qui exige, pour l'aperception du Di-vin, une sensibilisation particulire des facults de l'me. Sans quelque am-bigut inhrente, par nature, la face objective des faits miraculeux, on nes'expliquerait pas que nous ayons besoin, subjectivement,pour reconnatre lamain divine, des Yeux de la Foi. (N.D.A.)

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    Causalit premire, sont compatibles avec la Toute-Puissance divinesainement comprise.

    [41]

    II

    On s'est habitu pour dcider si, oui ou non, les tres taient aptes l'existence, ne considrer en eux qu'une seule espce de possibilit, -la possibilit logique, - c'est--dire la non-contradiction interne desconcepts abstraits par lesquels nous dfinissons leurs natures. -

    L'Homme, par exemple, est jug possible parce que animalit nerpugne pas rationalit . Ds lors, il est dclar ralisable sim-pliciter 47 par la puissance divine ; et, partir de ce moment, il n'y aplus lieu de se demander, dirait-on, si cette ralisation d'un possi-ble n'a pas elle-mme ses conditions de possibilit. Au regard denombreux philosophes, l'Univers tient par la seule intelligibilit de seslments, considrs isolment et tout forms. Pour ces hommes-l,les questions du Devenir et du Tout n'existent pas, de sorte qu'il n'y aaucun motif leur avis de douter que Dieu ne puisse faire surgir detoutes pices devant lui, s'Il le voulait, ex nihilo sui et subjecti, - et

    mundi recipientis 48, Pierre ou Paul, tout seuls, et tout sanctifis. -Voil ce qui se dit ou se suppose continuellement dans les coles.

    Eh bien ! pour librer la vrit, il faut oser dclarer qu'une sembla-ble manire de mesurer la puissance cratrice (qui consiste ne pren-dre que deux ou trois termes dans l'interminable srie des conditionsontologiques auxquelles est subordonn notre tre, et les combinercomme des pices interchangeables) est non seulement purile, maisamoindrissante de Dieu et de nous, - sans compter qu'elle est la sourcedes plus graves difficults contre la Providence.

    Autant que nous pouvons apprcier la marche du Monde, [42] laPuissance divine n'a pas devant elle le champ aussi libre que nous lesupposons : mais, tout au contraire, de par la constitution mme de

    47 Purement et simplement. (N.D.E.)48 Sans prexistence de soi et d'une matire sous-jacente, et sans qu'il y ait un

    univers pour les accueillir. (N.D.E.)

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    l'tre particip qu'elle travaille faire apparatre (c'est--dire en dfini-tive de par sa propre perfection elle-mme), elle demeure assujettie,au cours de son effort crateur, passer par toute une srie d'interm-

    diaires, et surmonter toute une suite de risques invitables, - quoiqu'en disent les thologiens toujours prts faire jouer la potentiaabsoluta divina 49.

    Nous avons dj reconnu une premire loi trs gnrale laquelleest soumise l'opration divine ad extra 50 : celle de ne pouvoir agir(en vertu mme de sa perfection) en rupture des natures individuellesou en dysharmonie avec la marche de l'ensemble, - c'est--dire sur unmme plan que les causes secondes. Cette premire restriction unemanifestation arbitraire de l'action divine nous introduit enconsidrer deux autres.

    - 1) Tout d'abord, il semble contradictoire ( la nature de l'tre par-ticip) d'imaginer Dieu crant une chose isole. Un seul tre peutexister isolment : l'Ens a se 51. Tout ce qui n'est pas Dieu est essen-tiellement multitude, - multitude organise en soi, et multitude s'orga-nisant autour de soi. Pour arriver faire une me, Dieu n'a doncqu'une seule voie ouverte sa puissance : crerun Monde52. Ds lors

    parmi ses conditions de possibilit pleinement explicites, Homme

    ne contient [43] plus seulement animalit et rationalit ; sa notionimplique encore Humanit, Terre, Univers... Voil qui nous chan-ge de la facile possibilit imagine par les logicistes pour les cho-ses. Mais voil aussi qui nous grandit, - et voil surtout qui, appliqu

    Notre Seigneur, suggre l'ide d'une tonnante unit dans la Cration.Car enfin nous voyons maintenant que c'tait tout juste assez pour

    49 La puissance absolue divine . (N.D.E.)50 En tant qu'elle agit hors d'elle-mme. (N.D.E.)51 L'tre qui n'existe que par soi. (N.D.E.)52 Un Monde, c'est--dire non seulement un Ensemble, mais un Ensemblepro-

    gressif.Nous avons tendance nous imaginer la puissance de Dieu commesuprmement l'aise devant le Nant . C'est une erreur. Le Nant prsente l'action divine une prise (puissance obdientielle) infime ; - Dieune peut donc le surmonter que gradatim * en produisant de l'tre participde plus en plus capable de supporter l'effort crateur. - C'est ce qui se traduitpour nous dans l'apparence d'une volution. (N.D.A.)

    * Gradatim = graduellement. (N.D.E.)

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    Dieu, s'Il voulait avoir le Christ, de lancer tout un Univers et de r-pandre la vie profusion. - Y a-t-il donc strictement autre chose enacte, aujourd'hui dans tout ce qui se meut en dehors de Dieu, que la

    ralisation de jsus, laquelle chaque parcelle du Monde est, de prsou de loin, ncessaire (ex necessitate medii53? - On peut avoirconfiance que non.

    - 2) Si les lois gnrales du Devenir (rglant l'apparition progressi-ve de l'tre (cr) partir d'un multiple inorganis) doivent tre regar-des comme des modalits s'imposant strictement l'action divine, onentrevoit que l'existence du Mal pourrait bien tre, elle aussi, un ac-compagnement rigoureusement invitable de la Cration. Necesse

    est ut adveniant scandala 54. Nous nous reprsentons souvent Dieu comme pouvant tirer du

    nant un Monde sans douleurs, sans fautes, sans risques, sans cas-se . C'est l une fantaisie conceptuelle, et qui rend insoluble le pro-

    blme du Mal.

    Non, faut-il dire, Dieu malgr sa puissance ne peut pas obtenir unecrature unie Lui sans entrer ncessairement en lutte avec du Mal.Car le Mal apparat invitablement avec le premier atome d'tre que lacration dchane dans l'existence. Crature et impeccabilit (abso-

    lue et gnrale) sont des termes dont l'association rpugne autant(physiquement ou mtaphysiquement, peu importe ici) la Puissanceet la Sagesse divine que l'accouplement de Crature et unici-t . - Par consquent si le Mal svit autour de nous, sur Terre, ne [44]nous scandalisons pas, mais levons plutt la tte. Ces larmes, ce sanget ces vices, qui nous pouvantent, mesurent en ralit la valeur de ceque nous sommes. Il faut que notre tre soit bien prcieux pour queDieu le poursuive travers tant d'obstacles. - Et c'est un bien grandhonneur qu'Il nous fait de pouvoir lutter avec Lui pour que sa parole

    s'accomplisse , c'est--dire pour que la crature soit .Tout n'est donc pas absolument faux on le voit dans la vieille ide

    du Destin qui rgnait jusque sur les Dieux. On ne s'est jamais tonn

    53 D'une ncessit de moyen. (N.D.E.)54 Il faut que des scandales arrivent. Le texte exact de la Vulgate, Mat. 18,

    7, est : Necesse est enim, ut veniant scandala. (N.D.E.)

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    que Dieu ne pt faire un cercle carr ou poser un acte mauvais. Pour-quoi restreindre ces seuls cas le domaine de l'impossible contradic-tion ? Il y a certainement des quivalents physiques aux lois inflexi-

    bles de la Morale et de la Gomtrie.Mais sous quelle forme, alors, pouvons-nous finalement concevoir

    la ncessaire et trs dsirable omnipotence de Dieu ? Si vraiment Dieuest forc (par ncessit immanente Lui-mme) de passer, s'il veutcrer, par certaines lois de dveloppement, comment le dernier motrestera-t-il son action cratrice ? Par quel miracle le Crateur gou-vernera-t-il les choses, et ne sera-t-il men par elles ?

    cette ultime question il faut rpondre : Par le miracle suprmede l'action divine qui consiste pouvoir, grce une influence de pro-

    fondeur et d'ensemble, intgrer sans cesse, sur un plan suprieur, toutBien et tout Mal dans la Ralit qu'elle construit par le moyen desCauses secondes. - Revenons une dernire fois la comparaison dela sphre pleine de ressorts vivants. chaque instant, le jeu spontandes ressorts tend modifier et troubler l'quilibre cherch par l'tredominateur que nous avons imagin prsidant leur assemblage. Sup-

    posons cet tre capable d'utiliser et de refondre chaque instant l'tatnouveau du systme, c'est--dire de faire si bien servir ses fins ladisposition continuellement renouvele des lments de la sphre, qu'travers toutes les fluctuations et rsistances qu'il rencontre (ou plus[45] exactement au moyen d'icelles) son dessein, lui, se poursuivesans interruption. Nous aurons trouv une assez bonne image pournous reprsenter l'action la fois insensible et irrsistible de Dieu surla marche des vnements.

    Tous, en ce Monde, nous nous trouvons pris dans un enchevtre-ment de maux ou de dterminismes, sur lesquels Dieu Lui-mme (envertu de son acte crateur librement pos) ne peut plus agir que souscertaines conditions trs prcises (parce qu'il y a des inconv-nients , qui font essentiellement partie des Choses). Mais si les fils

    sont incassables ou modrment lastiques, le rseau, lui, est infini-ment souple entre les mains du Crateur, - pourvu que, de notre ct,nous nous montrions cratures fidles. - Que l'Homme vive loin deDieu ; l'Univers reste pour lui neutre ou hostile. Mais que l'Hommecroie en Dieu, et aussitt, autour de lui, les lments de l'invitable,mme fcheux, s'organisent en un Tout bienveillant, ordonn au suc-cs final de la vie. Pour le croyant, chaque chose reste, extrieurement

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    et individuellement, ce qu'elle est pour tout le Monde : et cependant, son usage, la puissance divine adapte le Tout avec sollicitude. Ellerecre, en quelque faon, chaque instant, l'Univers, exprs pour celui

    qui la prie. Credenti omnia convertuntur in bonum55

    .

    - Une infaillible synthse de l'ensemble, conduite par influence in-trieure et extrieure combines, telle parat donc tre, en dfinitive(en dehors des dilatations exceptionnelles du miracle) la forme la plusgnrale et la plus parfaite de l'action divine sur le Monde : respectanttout, oblige beaucoup de dtours et de tolrances qui nousscandalisent premire vue, - mais finalement intgrant et transfor-mant tout. *

    55 Ceci revient dire qu'il exerce dans l'Univers une action d'ensemble (Provi-

    dence) irrductible, bien que coextensive, la somme des actions lmentai-res en lesquelles notre exprience l'analyse (la dcompose). (N.D.A.)

    Credenti omnia convertantur in bonuin = Pour le croyant tout est conver-ti en bien. (N.D.E.)

    * Indit.janvier 1920.

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    COMMENT JE CROIS

    4Chute, rdemption et gocentrie

    20 juillet 1920

    Retour la table des matires

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    Le principal obstacle rencontr par les chercheurs orthodoxes,quand ils s'efforcent de faire cadrer avec les donnes scientifiques ac-tuelles la reprsentation historique rvle des Origines humaines,

    c'est la notion traditionnelle du pch originel. - C'est la thorie pauli-nienne de la Chute et des deux Adams qui empche (assez illogique-ment, du reste), de regarder comme galement didactiques et figuratifstous les dtails contenus dans la Gense. C'est elle qui fait maintenir

    jalousement, comme un dogme, le monognisme strict (un hommed'abord, puis un homme et une femme) pratiquement impossible as-similer par la Science.

    Il importe de remarquer que les prhistoriens croyants sont fonds escompter un revirement, en leur faveur, de l'intransigeance exgti-que et dogmatique en ces matires. Ce ne sont pas seulement, en effet,quelques dcouvertes palontologiques qui obligent l'glise modi-fier, sans tarder, ses ides sur les apparences historiques des origineshumaines. C'est toute la physionomie nouvelle de l'Univers, tellequ'elle s'est manifeste nous depuis quelques sicles, qui introduit,au coeur mme du dogme, un dsquilibre intrinsque, dont nous ne

    pouvons sortir que par une srieuse mtamorphose de la notion de P-ch originel.

    Par suite de la ruine du gocentrisme, laquelle elle consent,l'glise se trouve coince, aujourd'hui, entre sa [50] reprsentationhistorico-dogmatique des origines du Monde, d'une part, - et les exi-gences d'un de ses dogmes les plus fondamentaux, d'autre part, - detelle sorte qu'elle ne peut sauver l'une qu'en sacrifiant partiellement lesautres.

    Voil ce que je voudrais faire voir ici.

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    La reprsentation historico-dogmatique des choses laquelle jefais allusion, c'est la persuasion que le Mal (moral, puis physique) a

    envahi le Monde la suite d'une faute commise par un individu hu-main.

    Le dogme fondamental, c'est l'universalit de la corruption dcha-ne par la faute humaine initiale. Tout l'Univers, croient les fidles, at altr par la dsobissance d'Adam ; et cest parce que tout l'Uni-vers tait altr que la Rdemption s'est tendue, son tour, l'Uni-vers entier, et que le Christ est devenu le Centre de la no-cration.

    Autrefois, jusqu' Galile 56, reprsentation historique de la Chuteet dogme de l'Universelle Rdemption s'harmonisent parfaitement, -

    d'autant plus facilement qu'ils s'taient forms l'un sur l'autre 57. Tantqu'on a pu croire (comme saint Paul y croyait lui-mme) huit joursde cration, et [50] un pass de 4 000 ans, - tant qu'on a considrles astres comme des satellites de la terre, et les animaux comme desserviteurs de lHomme, - il n'a pas t difficile de croire qu'un seulhomme avait pu tout gter, et qu'un autre homme avait tout sauv.

    Aujourd'hui, nous savons - de certitude physique absolue - quel'Univers astral n'est pas centr sur la Terre, ni la vie terrestre surl'Humanit. La figure du mouvement qui nous entrane n'est pas une

    divergence partir d'un centre cosmique infrieur, mais plutt, danstous les ordres, une lente concentration partir de nappes d'extrme

    56 Nous nous tonnons, ou nous sourions, du trouble de l'glise mise pour lapremire fois en face du systme de Galile. En ralit, les thologiensd'alors sentaient parfaitement juste. Avec la fin du Gocentrisme, c'est lepoint de vue volutionniste qui a fait son apparition. Les juges de Galilen'ont distinctement vu, menac, que le miracle de Josu. En fait, ds lors,toute la thorie gnsiaque de la Chute avait reu un germe daltration ; etnous commenons seulement aujourd'hui mesurer la profondeur des chan-gements qui. ds alors, taient virtuellement consomms. (N.D.A.)

    57 Il est intressant de remarquer que, si (dans le cas du pch originel) noussouffrons d'une dysharmonie interne entre notre histoire dogmatique et noscroyances, c'est parce que celle-l a introduit un dogme auquel elle ne suffitplus. - Notre dogme tend tenir sua mole * , indpendamment de la va-leur des conceptions historiques qui lui ont donn naissance ! (= il les fait clater ). (N.D.A.)

    * Sua mole = par sa propre masse. (N.D.E.)

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    diffusion ; - et mme si un centre initial du Monde existait, on ne peutsrement pas le placer parmi les Humains. - Des milliers de siclesavant qu'un tre pensant appart sur notre Terre, la Vie y fourmillait,

    avec ses instincts et ses passions, ses douleurs et ses morts. Et parmiles millions de Voies lactes qui s'agitent dans l'espace, il est presqueimpossible d'imaginer qu'aucune n'ait connu, ou ne doive connatre lavie consciente, - et que le Mal, le mme Mal que celui qui gte la Ter-re, ne les contamine pas toutes, comme le plus subtil ther.

    Le croyant, qui regarde en face ces horizons-l, s'aperoit qu'il estpris dans un dilemme :

    - ou bien il lui faut renouveler, de fond en comble, la reprsenta-

    tion historique du pch originel (= dsobissance d'un premierhomme) ;

    - ou bien, il lui faut restreindre la Chute et la Rdemption tholo-giques une petite portion de l'Univers devenu dmesur. LaBible, saint Paul, le Christ, la Vierge, etc., vaudraient pour laTerre seulement. Toutes les fois que l'criture parle de Mon-de , il faudrait comprendre Terre , - et plus spcialement Humanit , - et plus spcialement encore, qui sait ? cette

    branche particulire de l'Humanit issue d'un individu qui s'ap-

    pelait Adam.

    Je n'ignore pas que certains thologiens thomistes ne reculeront pasdevant la deuxime alternative. Ils prfreront [52] une conceptionrestreinte de la Chute et de la Rdemption la peine et au danger demodifier un difice historique intimement ml des dogmes greffssur lui.

    Mais je sais aussi que ces hommes-l lchent le substantiel du

    Dogme et de la Tradition pour une enveloppe creuse. Ils peuventmaintenir verbalement leurs positions : la vrit n'est plus en eux.L'espritde la Bible et de l'glise est manifeste : tout le Monde a tcorrompu par la Chute, et touta t rachet. La gloire, la beaut, l'at-traction irrsistible du Christ, rayonnent en dfinitive de son univer-selle royaut. Le Christ s'teint misrablement, il s'clipse devant

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    l'Univers, si sa domination est restreinte aux rgions sublunaires. Qui descendit, nisi qui ascendit, ut repleret omnia 58?

    L'glise ne peut faire face la Vrit qu'en universalisant le pre-

    mier et le deuxime Adams.

    I. LE PREMIER ADAM

    Je dirai franchement ici ma pense : universaliser le premier Adamest impossible sans faire clater son individualit. Mme dans lesconceptions (dont nous parlerons ci-dessous 59d'une Humanit sin-gularis aut unica 60, nous ne pouvons plus faire driver tout le

    Mal d'un seul Hominien. Rptons-le : bien avant l'Homme, sur Terre,il y avait la Mort. Et, dans les profondeurs du ciel, loin de toute in-fluence morale de la Terre, il y a aussi la Mort. - Or saint Paul est [53]formel Per peccatum mors 61. Le pch (originel) n'explique pas laseule douleur et la seule mortalit humaine. Pour saint Paul, il expli-que toute souffrance. Il est la solution gnrale du problme du

    Mal62.

    Puisque, dans l'Univers que nous connaissons aujourd'hui, ni unhomme ni l'Humanit entire ne sauraient jouer un rle omni-

    corrupteur, il faut, si nous voulons sauver la pense essentielle desaint Paul, sacrifier ce qui, dans son langage, est l'expression des ides

    58 p. IV,10 : Qui est descendu, sinon celui qui est mont, pour tout rem-plir ? (N.D.E.)

    59 En niant ici l'historicit d' Adam , le Pre Teilhard ne nie pas pour autantl'essentiel du dogme du pch originel qui est l'universalit du pch en cha-que homme et donc la ncessit universelle de la Rdemption. Pour la posi-tion actuelle de la thologie sur ces problmes fort complexes, voir l'ouvragedu Pre Charles Baumgartner s.j., Le Dogme du pch originel, Descle et

    Cie,1969. (N.D.E.)60 Singulire (au sens philosophique du mot) ou unique . (N.D.E.)61 Par le pch la mort. Rm. V, 12. (N.D.E.)62 Si l'on admet qu'il y ait, o que ce soit, de la douleur sans pch, on va

    contre la pense de saint Paul. Pour saint Paul, le pch originel expliquetellement la mort, que c'est l'existence mme de la mort qui permet de ddui-re qu'il y ait eu pch. - Je sais bien que les thologiens thomistes n'admet-tent plus cela, tout en prtendant garder saint Paul avec eux. (N.D.A.)

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    d'un juif du 1er sicle, - au lieu de vouloir conserver prcisment cesreprsentations caduques au prix de la foi fondamentale de l'aptre.

    - Je ne me donnerai pas le ridicule d'indiquer l'glise les chemins

    par o elle doit avancer. Mais lorsque, mon usage personnel, je son-de les issues possibles, je crois voir un chemin s'ouvrir dans la direc-tion que voici : le pch originel, pris dans sa gnralit, n'est pas unemaladie spcifiquement terrestre ni lie la gnration humaine. Ilsymbolise simplement l'invitable chance du Mal (Necesse est ut eve-niant scandala 63attache l'existence de tout tre particip. Partouto nat de l'tre in fieri 64, la douleur et la faute apparaissent immdia-tement comme son ombre, non seulement par suite de la tendance descratures au repos et l'gosme, mais aussi (ce qui est plus troublant)comme accompagnement fatal de leur effort de progrs. Le pch ori-ginel est l'essentielle raction du fini l'acte crateur. Invitablement, la faveur de toute cration, il se glisse dans l'existence. Il est l'enversde toute cration. Par le fait mme que Dieu cre, il [54] s'engage lutter contre du mal, et donc, dune faon ou d'une autre, racheter. -La Chute proprement humaine n'est que l'actuation (plus ou moinscollective et prenne), dans notre race, de cette fomes peccati 65qui tait infuse, bien avant nous, dans tout l'Univers, depuis les zonesles plus infrieures de la Matire jusqu'aux sphres angliques. - Il n'ya pas, strictement parler, de premier Adam. Sous ce nom est cache

    une loi universelle et infrangible de rversion ou de perversion, - laranon du progrs. 66

    II. LE DEUXIME ADAM

    63 Il faut que des scandales arrivent. (N.D.E.)64 En devenir. (N.D.E.)65 Aliment du pch. (N.D.E.)66 Dans cette hypothse, le mal moral est bien li au mal physique (comme le

    veut saint Paul), mais en vertu d'une sanction immanente, celui-ci accompa-gnant ncessairement celle-l. Progrs-cration, faute-chute, douleur-Rdemption sont trois termes physiquement insparables, qui se compensentet se lgitiment mutuellement, - et les trois sont unir pour comprendreadquatement le sens de la Croix. (N.D.A.)

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    Le cas du nouvel Adam est entirement diffrent. L'Univers nousapparat comme priv de tout centre de divergence infrieur o l'on

    pourrait situer le premier Adam. Il peut, et doit, au contraire, tre

    conu comme convergeant vers un point cosmique de confluence su-prme. - En vertu, d'ailleurs, de son universelle et croissante unifica-tion, il jouit de la proprit que chacun de ses lments est enconnexion organique avec tous les autres. - Dans ces conditions, rienn'empche qu'une individualit humaine ait t choisie, et son omni-influence leve, de telle sorte que de una inter parcs 67, elle soitdevenue prima super omnes 68. De mme que, dans les corps vi-vants, il arrive qu'une cellule, d'abord pareille aux autres, devienne

    peu peu prpondrante dans l'organisme, de mme l'humanit parti-culire de Jsus a pu [55] (au moins au moment de la Rsurrection)

    revtir, acqurir, une fonction morphologique universelle. - la diff-rence de ce qui a lieu pour le premier Adam, l'universalit d'actiond'un Christ personnel est comprhensible, et minemment satisfaisantein se69. Mais il y a une difficult : c'est de rendre cette action univer-selle vraisemblable nos esprits en face du Cosmos illimit que l'ex-

    prience nous rvle aujourd'hui. - Comment expliquer l tonnanteconcidence qui, malgr l'immensit de l'ther et de la dure, nous afait coexister, quelques annes prs, sur un mme grain de la pous-sire astrale, avec le Rdempteur ? - Et comment imaginer la manifes-

    tation, aux autres domaines cosmiques, de cette Rdemption effectuedans une rgion imperceptible du temps et de l'espace ?

    J'avoue qu'en prsence de ces problmes, l'intelligence est forte-ment tente de se rejeter dans un gocentrisme mitig. Pourquoi ne

    pas admettre que, dans lUnivers sans bornes, la Terre est le seul pointde libration spirituelle ? - Les profondeurs du firmament ne doivent

    pas nous dcourager. L'esprit nat la surface de sparation de deuxsphres cosmiques, qui sont, en gros, celles des molcules et celle desastres. De mme qu'au-dessous de nous, dans notre corps intrieur, lescorpuscules vont en se multipliant sous l'analyse, par myriades, - demme, au-dessus de nous, dans notre corps extrieur, les nbuleusesse pressent par millions : leurs essaims ne font jamais qu'un corps, le

    67 Une entre ses gales. (N.D.E.)68 La premire au-dessus de toutes. (N.D.E.)69 En soi. (N.D.E.)

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    ntre. - Il faut renoncer, sans doute, l'ide d'un Univers initialementsuspendu un seul Homme ; - mais on peut encore croire, peut-tre, un Univers dont toutes les forces conscientes n'auraient d'autre lieu de

    prcipitation, d'autre issue, que le cerveau humain. Et alors le Chefdes Humains, le Christ, serait directement plac au ple psychique dela Cration. Il se trouverait immdiatement universalis.

    [56]

    Si l'on estime vraiment trop anthropocentrique d'imaginer uneHumanit unique dans l'Univers, il reste la ressource de la concevoirseulement comme singulire (singularis). Parmi tous les centres deconscience raliss ou ralisables dans le Monde, nous reprsentons

    peut-tre le plus central, ou le plus bas, ou le plus coupable... Ne sa-

    vons-nous pas qu'il y a au-dessus de nous (en liaison avec notre mon-de matriel, quoi qu'en disent les scolastiques lorsqu'ils gomtrisentsur la nature des purs esprits), les sries angliques, dont nous som-mes en quelque faon le terme infrieur, le chainon en liaison directeavec le multiple et l'inconscient ? - Les Homme occupant cette placehumble, mais part, on comprendrait que le Rdempteur universel,

    pour atteindre toutes choses, soit venu s'insrer parmi nous, au plusbas des sphres spirituelles, prcisment ut repleret omnia 70.

    - Si la Terre est concevable comme unica 71 ou tout au moins

    comme singularis in natura rerum72

    , notre coexistence temporo-spatiale avec le Christ n'est pas plus tonnante que notre coexistencepersonnelle avec la Terre et le prsent. Le nouvel Adam s'est faitHomme, plutt quautre chose, pour une raison intrinsque lHumanit.

    - D'accord. Mais toute la question est de savoir si, pour sauver cesuprme gocentrisme, hospitalier notre faiblesse, nous ne devons

    pas rsister la vrit. - L'Humanit qui se dclare seule, ou part,dans lUnivers, fait penser au philosophe qui prtend ramener tout le

    Rel sa propre conscience, au point de dnier aux autres hommesune vritable existence. - Il est exact que pour quilibrer une seuleme ilfaut autant de nbuleuses au fond des cieux que de molcules

    70 Afin de remplir toutes choses. p. IV, 10. (N.D.E.)71 Unique. (N.D.E.)72 Singulire dans la nature. (N.D.E.)

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    au cur de la matire. Mais de mme que sur la surface terrestre l'mehumaine n'est pas seule, mais est essentiellement lgion, de mme ilest infiniment vraisemblable que la couche cosmique [57] consciente

    ne se rduit pas un point singulier (notre Humanit) mais se pour-suit, en dehors de la Terre, vers d'autres astres et d'autres temps. -L'Humanit plus probablement, n'est ni unica , ni singularis :elle est une entre mille . - Comment se fait-il, alors, qu'elle ait tchoisie, contre toute probabilit, pour centre de la Rdemption ? etcomment, partir d'elle, la Rdemption peut-elle se propager d'astreen astre ?

    La question, pour moi, est encore sans rponse. - L'ide d'une Ter-re choisie entre mille arbitrairement pour foyer de la Rdemptionme rpugne, et d'autre part l'hypothse d'une Rvlation spciale ap-

    prenant, dans quelques millions de sicles, aux habitants du systmed'Andromde, que le Verbe s'est incarn sur la Terre, est risible. -Tout ce que j'entrevois, c'est la possibilit d'une Rdemption mul-tiples faces , qui s'accomplirait, la mme, dans tous les astres, - un

    peu comme le sacrifice de la Messe se multiplie, le mme, en touslieux et en tous temps. - Mais tous les Mondes ne sont pas simultansdans le temps ! Il y en a eu avant le ntre. Il y en aura aprs.... moins de faire intervenir une relativit du temps, il faudrait admettreque le Christ n'est pas encore incarn dans tel astre venir ?... Que

    devient le Christus jam non moritur 73 ? et que devient aussi lerle unique de la Vierge Marie ?

    Il est des moments o on dsespre presque de dgager les dogmescatholiques du gocentrisme au sein duquel ils ont pris naissance. Et

    pourtant une chose est plus sre que tout, dans le credo catholique :c'est qu'il y a un Christ in quo omnia constant74. Toutes les croyancessecondaires devront cder, s'il le faut, devant cet article fondamental.Le Christ est Tout ou rien *.

    73 Le Christ une fois ressuscit des morts ne meurt plus. Rm. VI, 9.(N.D.E.)

    74 En qui tout subsiste. Co. 1, 17. (N.D.E.)* Indit, 20 juillet 1920.

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    COMMENT JE CROIS

    5Note sur quelques reprsentations

    historiques possibles du pch originel

    1922

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    [61]

    Quand on parle de pch originel, il faut soigneusement distinguerdeux choses :

    1) Les attributs dogmatiques de la premire faute (ncessit uni-verselle de Rdemption, fomes peccati 75, etc.).

    2) Les circonstances extrieures dans lesquelles a t commise cet-te faute, c'est--dire les apparences qu'elle revtues, sa repr-sentation.

    Jusqu'ici (en exceptant l'cole d'Alexandrie) la reprsentation dupch originel a t emprunte presque littralement aux premierschapitres de la Gense. Il semble que nous soyons pousss irrsisti-

    blement, aujourd'hui, vers une faon nouvelle de nous figurer les v-nements la suite desquels le Mal a fait irruption dans notre Monde. -

    Le but de cetteNoteest :

    1) de montrer sous l'influence de quelles constatations la pensechrtienne est amene, peu peu, abandonner les anciennesmanires d'imaginer le pch originel,

    2) d'indiquer quelques directions dans lesquelles les croyants sem-blent ds maintenant s'orienter pour trouver au dogme de laChute une apparence conciliable avec les donnes les moins

    hypothtiques de l'exprience et de l'histoire.

    75 Aliment du pch. (N.D.E.)

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    I. Difficults de la reprsentation traditionnelle

    Il y a une double et grave difficult pour nous conserver l'ancien-ne reprsentation du pch originel, et cette difficult peut s'exprimerainsi : Plus nous ressuscitons scientifiquement le Pass, moins noustrouvons de place, ni pour Adam, ni pour le Paradis terrestre.

    1)Pas de place vraisemblable pour Adam. - Les zoologistes sont peu prs d'accord pour admettre une vritable unit de la race humai-ne. Mais, qu'on le note bien, ils donnent cette unit un sens fort dif-frent du monognisme des thologiens. Aux yeux des naturalistes,lHumanit est probablement sortie d'un mme groupe animal. Maiscette apparition a d se faire graduellement, par plusieurs issues, et