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8 REPORTAGE LeMatinDimanche I 6 MAI 2012 6 MAI 2012 I LeMatinDimanche REPORTAGE 9 Contrôle qualité Contrôle qualité Monaco Après un périple de 60 006 kilomètres réalisé en 585 jours, la Suisse fête ce week-end le premier tour du monde en bateau solaire «PlanetSolar» est bien arrivé mais personne ne sait où il va res études de faisabilité et suivi l’aventure. «Notre canton participe aux deux défis énergétiques mon- diaux que sont «PlanetSolar» et «SolarImpulse», lance Philippe Leuba avec fierté. Pour un canton de 700 000 habitants, c’est incroyable. On dit que la Silicon Valley façonne l’avenir. Mais il y a aussi le canton de Vaud!» Un canton de Vaud néan- moins discret. Un drapeau bernois, patrie d’un des membres de l’équi- page, est déplié à l’arrivée du bateau. Vaud, c’est un conseiller d’Etat, une joyeuse délégation et un petit pan- neau publicitaire coincé au fond du site, là où personne ne passe. L’équipage s’en va. Le bateau? Il faut dire que les Vaudois ont un souci: comment poursuivre l’aven- ture? L’avenir est plutôt flou, à l’image de la météo de ce week-end à Monaco, entre averses et rayons de soleil. Le bateau et le nom PlanetSolar appartiennent à Immo Stroeher, psy- chologue et discret mécène allemand, héritier de la dynastie Wella. Présent à Monaco, il dit que c’est le plus beau jour de sa vie. Mais que fera-t-il? Il lance des pistes: créer un groupe de réflexion international autour du so- laire, monter une entreprise pour soutenir ou réaliser des projets ici ou là. Le bateau? Il pourrait être vendu ou loué comme yacht de luxe. On l’imagine assez bien, après un coup de brosse pour lui rendre sa blancheur, se faufiler entre des îles, les hôtes profitant de l’ambiance lounge de la grande terrasse aménagée sous les panneaux, le caviar remplaçant la ra- clette solaire des pionniers de l’aven- ture. Il pourrait également être prêté pour des expéditions scientifiques. «Actuellement, ce qui est certain, c’est que nous allons faire une tour- née européenne. Elle commence à Marseille», explique Pascal Goulpié, directeur de PlanetSolar. La suite? «Le propriétaire décidera. L’équi- page s’en va. Un autre le remplace pour la tournée. C’est sûr, c’est la fin d’une aventure. PlanetSolar, c’est un bureau de sept personnes. On n’a pas vraiment eu le temps de prévoir la suite. Je pense qu’on continuera, mais peut-être sans le bateau». Et c’est bien ce qui inquiète les partenaires présents à Monaco. «On est tous là pour voir ce qui se pré- pare», déclare Jean-François Affol- ter, professeur à la HEIG-VD. «A Yverdon, on travaille actuellement sur l’hydrogène et on pourrait imagi- ner un bateau hybride.» Guy Wol- fensberger, directeur de Grove Boats à Yvonand, société spécialisée dans la fabrication et la vente de bateaux solaires, aussi s’intéresse à l’avenir. Car le marché est là. «Actuellement, il y a deux créneaux pour le bateau solaire, c’est le tourisme et le trans- port avec des bateaux bus pour faire des navettes». Deux créneaux que Grove Boats occupe et qui ne deman- dent qu’à être développés. Avec ou sans «PlanetSolar». x Source: www.planetsolar.org Tonga Nouméa Brisbane Cairns Manille Hongkong Singapour Sri Lanka Bombay Abu Dhabi Doha Monaco Cartagena Miami Cancún Panama Galápagos Iles Marquises Papeete LA TRAJECTOIRE DE «PLANETSOLAR» «PlanetSolar» a parcouru plus de 60 000 km en 585 jours. AVENTURE C’était une fête modeste, à l’image de la Suisse. Il faut dire que l’avenir de «PlanetSolar» inquiète. Magalie Goumaz, Monaco [email protected] Cocorico à Monaco! La Suisse peut do- rénavant se vanter d’avoir réalisé le premier tour du monde en bateau so- laire. Pas mal, pour un peuple de mon- tagnards qui rêve de raser les Alpes pour voir la mer. «PlanetSolar» est ar- rivé vendredi peu après 14 h au port de Monaco, son point de départ 585 jours plus tôt. Les Suisses ont le succès mo- deste. Pas de fanfares ni de lancer de drapeau, mais Jean Michel Jarre en CD. Et il faut dire qu’en ce moment Mo- naco a autre chose à faire. La Princi- pauté est grillagée pour accueillir la prochaine course de Formule 1. Du coup, les invités ont dû slalomer entre les barrières pour accéder au port. Ils s’abstiennent de commentaires: ils sont venus en avion fêter les prouesses de l’énergie verte. Pas très écolo, comme contexte. «Ça me turlupine un peu d’avoir dû prendre un vol EasyJet et on va sans doute me le reprocher. Mais si je voulais être là, je n’avais pas le choix», lance la conseillère natio- nale Vert’libérale Isabelle Chevalley. «PlanetSolar» aussi doit slalomer, mais entre le «Lady Moura» et le «LionHeart». Au milieu de ces pala- ces flottants, le catamaran géant est un peu grisouille avec ses 60 006 kilo- mètres au compteur. Cependant, 80 journalistes sont présents pour l’ad- mirer lui. «Beaucoup de médias fran- çais se sont annoncés tard. Je pense qu’ils ont réalisé cette semaine qu’ils ne pourraient plus parler de l’élection présidentielle», glisse une hôtesse d’accueil plutôt ravie de l’aubaine. Vaud, cette Silicon Valley Didier Burkhalter et son épouse sont venus embrasser l’équipage. Madame fait des photos avec son téléphone portable. Monsieur la tient par la taille. «PlanetSolar», c’est l’adéqua- tion parfaite entre l’image et la réalité de la Suisse», lance en aparté le conseiller fédéral. Mais quand il com- mence à parler de ces pionniers d’Helvètes qu’on retrouve chaque fois qu’une aventure se profile, voilà que Bertrand Piccard pointe son nez pour parler de son projet à lui: le tour du monde en avion solaire. Le couple Burkhalter s’en va avant les discours. Le conseiller d’Etat Phi- lippe Leuba, lui, ne rate pas une miette de la réception. C’est que «PlanetSolar», c’est aussi une expé- dition vaudoise, dont la base opéra- tionnelle est implantée à Yverdon- les-Bains. Patrie de Raphaël Domjan, père spirituel de «PlanetSolar», le canton de Neuchâtel a laissé filer le projet et brille par son absence. La Haute Ecole d’ingénierie et de gestion du canton de Vaud (HEIG-VD) a ainsi réalisé les premiè- «PlanetSolar», ce n’est pas une prouesse scientifique. Toute la technologie utilisée est disponible sur le marché. Reste à l’exploiter et c’est le message de cette expédition: «On peut changer le monde.» Olivier Almondo Raphaël Domjan, le père spirituel de «PlanetSolar», quitte le bateau avec le prince Albert après une visite privée qui aura duré plus de trente minutes, à l’abri des caméras. M.G «PlanetSolar» a réussi à se caser entre les yachts de luxe. Tout le week-end, le public a défilé pour le visiter… et constater son luxueux aménagement. Envie d’une raclette solaire sur la terrasse? MAXPPP/Olivier Ogeron LE PRINCE ALBERT S’INCLINE VISITE Il devait être là à 17 h 30. Dans l’après-midi, on apprend qu’il arrivera plus tôt. Et c’est finalement à 17 h 40 que le prince Albert II fait son apparition aux côtés de Raphaël Domjan pour visiter «PlanetSolar». Charlene n’est pas là. Mais les pho- tographes se bousculent bien plus que la veille, lors de l’arrivée du bateau dans le port. «Bienvenue de retour à Monaco», lance le prince Albert, qui était également présent au moment du départ de l’expédi- tion, le 27 septembre 2010. Il remet le prix «Imaginez un monde solaire». Il dit aussi que «PlanetSolar» «entre dans l’histoire des grandes expéditions», que cet équipage fait maintenant partie de la «lignée de ceux qui ont cherché à mieux comprendre la mer». Et il s’assoit pour écouter Raphaël Domjan rappeler les débuts de l’aventure, quand quelques fous, sans un sou, ont commencé à y croire. Ces fous, il les appelle un à un sur la scène dressée sur le port. Le pionnier neuchâtelois rend aussi hommage à ceux qui ont cru en lui et ont disparu depuis, dont le conseiller d’Etat vaudois Jean-Claude Mermoud ou encore sa grand-mère. Une minute de silence, tout le monde se lève, Albert de Monaco en premier. Moment d’émotion, d’intimité, enfin. Tous ces frères d’aventure, c’est la première et la dernière fois qu’ils sont réunis. Y croient-ils? M. G. Après les familles, le conseiller fédéral Didier Burkhalter peut féliciter Raphaël Domjan et tout l’équipage de «PlanetSolar», qui mettent enfin pied à terre. Keystone/Laurent Gillieron Reuters/Eric Gaillard

«PlanetSolar»estbienarrivé maispersonnenesaitoùilva · 2018. 3. 1. · «PlanetSolar»estbienarrivé maispersonnenesaitoùilva res études de faisabilité et suivi l’aventure

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Page 1: «PlanetSolar»estbienarrivé maispersonnenesaitoùilva · 2018. 3. 1. · «PlanetSolar»estbienarrivé maispersonnenesaitoùilva res études de faisabilité et suivi l’aventure

8 REPORTAGE LeMatinDimanche I 6MAI 2012 6MAI 2012 I LeMatinDimanche REPORTAGE 9

Contrôle qualité Contrôle qualité

Monaco Après un périple de 60 006 kilomètres réalisé en 585 jours, la Suisse fête ce week-end le premier tour du monde en bateau solaire

«PlanetSolar» est bien arrivémais personne ne sait où il va

res études de faisabilité et suivil’aventure. «Notre canton participeaux deux défis énergétiques mon-diaux que sont «PlanetSolar» et«SolarImpulse», lance PhilippeLeuba avec fierté. Pour un canton de700 000 habitants, c’est incroyable.On dit que la Silicon Valley façonnel’avenir. Mais il y a aussi le canton deVaud!» Un canton de Vaud néan-moins discret. Un drapeau bernois,patrie d’un des membres de l’équi-page, est déplié à l’arrivée du bateau.Vaud, c’est un conseiller d’Etat, unejoyeuse délégation et un petit pan-neau publicitaire coincé au fond dusite, là où personne ne passe.

L’équipage s’en va. Le bateau?Il faut dire que les Vaudois ont unsouci: comment poursuivre l’aven-ture? L’avenir est plutôt flou, àl’image de la météo de ce week-end àMonaco, entre averses et rayons desoleil. Le bateau et le nom PlanetSolarappartiennent à Immo Stroeher, psy-chologue et discret mécène allemand,héritier de la dynastie Wella. Présentà Monaco, il dit que c’est le plus beaujour de sa vie. Mais que fera-t-il? Illance des pistes: créer un groupe deréflexion international autour du so-laire, monter une entreprise poursoutenir ou réaliser des projets ici oulà. Le bateau? Il pourrait être venduou loué comme yacht de luxe. Onl’imagine assez bien, après un coup debrosse pour lui rendre sa blancheur,se faufiler entre des îles, les hôtesprofitant de l’ambiance lounge de lagrande terrasse aménagée sous lespanneaux, le caviar remplaçant la ra-clette solaire des pionniers de l’aven-ture. Il pourrait également être prêtépour des expéditions scientifiques.

«Actuellement, ce qui est certain,c’est que nous allons faire une tour-née européenne. Elle commence àMarseille», explique Pascal Goulpié,directeur de PlanetSolar. La suite?«Le propriétaire décidera. L’équi-page s’en va. Un autre le remplacepour la tournée. C’est sûr, c’est la find’une aventure. PlanetSolar, c’est unbureau de sept personnes. On n’a pasvraiment eu le temps de prévoir lasuite. Je pense qu’on continuera,mais peut-être sans le bateau».

Et c’est bien ce qui inquiète lespartenaires présents à Monaco. «Onest tous là pour voir ce qui se pré-pare», déclare Jean-François Affol-ter, professeur à la HEIG-VD. «AYverdon, on travaille actuellementsur l’hydrogène et on pourrait imagi-ner un bateau hybride.» Guy Wol-fensberger, directeur de Grove Boatsà Yvonand, société spécialisée dansla fabrication et la vente de bateauxsolaires, aussi s’intéresse à l’avenir.Car le marché est là. «Actuellement,il y a deux créneaux pour le bateausolaire, c’est le tourisme et le trans-port avec des bateaux bus pour fairedes navettes». Deux créneaux queGrove Boats occupe et qui ne deman-dent qu’à être développés. Avec ousans «PlanetSolar». x

Source: www.planetsolar.org

Tonga

Nouméa

Brisbane

Cairns

Manille

Hongkong

SingapourSri Lanka

BombayAbu DhabiDoha

Monaco

Cartagena

MiamiCancún

Panama

Galápagos

Iles Marquises

Papeete

LA TRAJECTOIRE DE «PLANETSOLAR»

«PlanetSolar» a parcouru plus de 60 000 km en 585 jours.

AVENTURE C’était une fêtemodeste, à l’image de la Suisse.Il faut dire que l’avenirde «PlanetSolar» inquiète.

Magalie Goumaz, [email protected]

Cocorico à Monaco! La Suisse peut do-rénavant se vanter d’avoir réalisé lepremier tour du monde en bateau so-laire. Pas mal, pour un peuple de mon-tagnards qui rêve de raser les Alpespour voir la mer. «PlanetSolar» est ar-rivé vendredi peu après 14 h au port deMonaco, son point de départ 585 joursplus tôt. Les Suisses ont le succès mo-deste. Pas de fanfares ni de lancer dedrapeau, mais Jean Michel Jarre en CD.

Et il faut dire qu’en ce moment Mo-naco a autre chose à faire. La Princi-pauté est grillagée pour accueillir laprochaine course de Formule 1. Ducoup, les invités ont dû slalomer entreles barrières pour accéder au port. Ilss’abstiennent de commentaires: ilssont venus en avion fêter les prouessesde l’énergie verte. Pas très écolo,comme contexte. «Ça me turlupine unpeu d’avoir dû prendre un vol EasyJetet on va sans doute me le reprocher.Mais si je voulais être là, je n’avais pasle choix», lance la conseillère natio-nale Vert’libérale Isabelle Chevalley.

«PlanetSolar» aussi doit slalomer,mais entre le «Lady Moura» et le«LionHeart». Au milieu de ces pala-ces flottants, le catamaran géant estun peu grisouille avec ses 60 006 kilo-mètres au compteur. Cependant, 80journalistes sont présents pour l’ad-mirer lui. «Beaucoup de médias fran-çais se sont annoncés tard. Je pensequ’ils ont réalisé cette semaine qu’ilsne pourraient plus parler de l’électionprésidentielle», glisse une hôtessed’accueil plutôt ravie de l’aubaine.

Vaud, cette Silicon ValleyDidier Burkhalter et son épouse sontvenus embrasser l’équipage. Madamefait des photos avec son téléphoneportable. Monsieur la tient par lataille. «PlanetSolar», c’est l’adéqua-tion parfaite entre l’image et la réalitéde la Suisse», lance en aparté leconseiller fédéral. Mais quand il com-mence à parler de ces pionniersd’Helvètes qu’on retrouve chaquefois qu’une aventure se profile, voilàque Bertrand Piccard pointe son nezpour parler de son projet à lui: le tourdu monde en avion solaire.

Le couple Burkhalter s’en va avantles discours. Le conseiller d’Etat Phi-lippe Leuba, lui, ne rate pas unemiette de la réception. C’est que«PlanetSolar», c’est aussi une expé-dition vaudoise, dont la base opéra-tionnelle est implantée à Yverdon-les-Bains. Patrie de Raphaël Domjan,père spirituel de «PlanetSolar», lecanton de Neuchâtel a laissé filer leprojet et brille par son absence.

La Haute Ecole d’ingénierie et degestion du canton de Vaud(HEIG-VD) a ainsi réalisé les premiè-

«PlanetSolar», ce n’est pas une prouesse scientifique. Toute la technologie utilisée est disponible sur le marché.Reste à l’exploiter et c’est le message de cette expédition: «On peut changer le monde.» Olivier Almondo

Raphaël Domjan, le père spirituel de «PlanetSolar», quitte le bateau avec le prince Albertaprès une visite privée qui aura duré plus de trente minutes, à l’abri des caméras. M.G

«PlanetSolar» a réussi à se caser entre les yachts de luxe. Tout le week-end, le public a défilé pour le visiter…et constater son luxueux aménagement. Envie d’une raclette solaire sur la terrasse? MAXPPP/Olivier Ogeron

LE PRINCE ALBERT S’INCLINE

VISITE Il devait être là à 17 h 30.Dans l’après-midi, on apprend qu’ilarrivera plus tôt. Et c’est finalementà 17 h 40 que le prince Albert II faitson apparition aux côtés de RaphaëlDomjan pour visiter «PlanetSolar».Charlene n’est pas là. Mais les pho-tographes se bousculent bien plusque la veille, lors de l’arrivée dubateau dans le port. «Bienvenue deretour à Monaco», lance le princeAlbert, qui était également présentau moment du départ de l’expédi-tion, le 27 septembre 2010.Il remet le prix «Imaginez unmonde solaire». Il dit aussi que«PlanetSolar» «entre dans l’histoiredes grandes expéditions», quecet équipage fait maintenant partie

de la «lignée de ceux qui ont cherchéà mieux comprendre la mer».Et il s’assoit pour écouter RaphaëlDomjan rappeler les débutsde l’aventure, quand quelques fous,sans un sou, ont commencéà y croire. Ces fous, il les appelle unà un sur la scène dressée sur le port.Le pionnier neuchâtelois rend aussihommage à ceux qui ont cru en lui etont disparu depuis, dont le conseillerd’Etat vaudois Jean-Claude Mermoudou encore sa grand-mère.Une minute de silence, tout le mondese lève, Albert de Monaco en premier.Moment d’émotion, d’intimité,enfin. Tous ces frères d’aventure,c’est la première et la dernière foisqu’ils sont réunis. Y croient-ils? M. G.

Après les familles, le conseiller fédéral Didier Burkhalter peut féliciter Raphaël Domjanet tout l’équipage de «PlanetSolar», qui mettent enfin pied à terre. Keystone/Laurent Gillieron

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