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aphrodite-revel
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Pour cause déterminée
Fils d'un prêtre et de quelle église
Enfant de quelle mère aux ferments apaisés
Pour jouets j'ai pris les vases sacrés
Multipliant les sacrilèges
Il est mort sans déséquilibre
Tel un enfant fraîchement baptisé
Plus près de sa divinité
Que de nous et que de lui-même
Je sais le chemin du cimetière
Je sais parmi d'autres tombeaux
Son blanc tombeau de blanches pierres
Je m'y recueille sans pleurer
Mais quand l'autre sera prise
Toi ma vieille maman moi-même
Toi dans mes douleurs et dans mon cœur
Moi qui ne suis que toi libéré
Toi dont je suis la substance révoltée
Toi dont je suis le ferment levé
Toi dont ma vie est insinuée
Toi ma mère d'hérédité
Je serai près de toi dans la tombe
Pour que tu n'aies pas froid au néant
Je serai ton enfant fidèle maman
Tu me pardonneras d'avoir souffert en toi
Soufflait l'ouragan de la vie
Sifflait l'ouragan de révolte
Au berceau de ta renaissance
Et tu as joint l'inétendue
Un vertige spiralisé
Dans l'égarement de l'absolu
Masochiste de ta beauté
Ton destin fut matraqué
Au carrousel du point absurde.
Tu es l'enfant spirituel
Du rameau le plus douloureux
De la tribu occidentale
Tu es l'amant le plus charnel
En la souche voluptueuse
De la tribu orientale
Tu es le saint le plus maudit
En ascendance incestueuse
De la tribu paradoxale.
Décembre 1932
Ridiculement dominicale la cité
Etire de paresse prolétarienne
La maigre grâce de sa pauvreté.
Laid grand maigre fantasque
D'une laideur intransigeante
Je flâne parmi les manuels.
Intrinsèquement je vais
Anonyme et non sans orgueil
D'aimer ainsi mes frères.
Une horreur d'église est là,
Briques deux urinoirs la flanquent,
Encensoirs de logique pure
Moi je suis l'homme d'un clan,
Un café bourgeois m'interpelle
D'outrecuidance involontaire.
O je suis infiniment triste
De je ne sais quelle pitié
De toute révolte dépouillée.
Décembre 1932
Sans doute nous faudra-t-il mounr
Sans un léger espoir
Sans avoir rien reçu
Ni vaincu ni conquis
Sans une ambition
Bêtement pur
Sans un viol sur la conscience
Que Ton tient on ne sait d'où
Le bel orgueil
D'être seul simple lapidaire
A croire par moment
Qu'il demande être connu.
Il n'est cependant pas question
Même si nous pouvions le faire
De démarquer en nous
Le vide et l'absolu.
Après tant d'amour donné
Même si rien d'autre n'est découvert
En notre cœur
Que l'approximatif et déroutant critère
De l'inquiétude innée
Dans le goût du malheur
Même si le pacte indissoluble
Qu'un jour
A dû signer notre enfance confiante
Nous le devons payer
En lourd tribut de logique dirigée
Nous resterons douloureusement fidèles
Aux destinées
Qui ont partie liée
Avec l'âme du monde.
Juin 1934
Le calme qui n'a pas d'armes blanches
Le délire qui en sait trop long
Le désert perché dans les branches
Derrière mon cœur, il y a mon cœur
Il y a d'autres sincérités
Il y a les cent pas perdus
Que je dois réhabiliter
Rivages spontanés des mers mortes
Mourir pour l'amour de l'amour
Il est trop tard pour un rachat.
Juillet 1934
Sous seins privés
Le temps des initiations viendra
aux morsures étonnantes de prophéties
au spasme démesuré de la plus pure angoisse
au souffle de vie à fleur de flamme
femme que je n'ai pas rencontrée
qui suivra mon sillage un hiver
porteuse de cargaisons charnelles
TTes rêves témoigneront de moi
aux cryptes secrètes de ta vie
je sais déjà les corps à corps de mes victoires
la courbe de ton destin sera livrée
au réseau de mes filatures
Tu seras soumise
femme cachée peut-être à portée de fusil
aux replis des désastres gratuits
triste comme une infante désabusée
légère comme une salve désespérée
décisive comme un vent d'orage
ô femme attendue
femme que je n'ai pas rencontrée encore
femme enfant des bagnes de mes désirs
riche de la pépite d'or de mon cœur d'aventurier
brillant dans son désert
d'une magie barbare
Veilleurs d'aurore
Notre ville est l'enfant de tant d'usines de souffrances que nous devons lui pardonner les faux pas les pas
perdus les pas à pas alors que tout est piétiné dans la boue de l'encerclement à perdre haleine
Courir vers quel banlieusard îlot courir vers quel chant des oiseaux guinguette au nom de naturisme
à cracher sur les fleurs
Ni solution ni dilemme
à proximité du silence
Dorment les partenaires de l'oubli dorment les morts depuis longtemps trahis
Seule veille l'équipe aux réflexes impardonnables
Nuit blanche
Le règne végétal
le règne animal
le règne de la terreur
Perte de jeux perte de chance perte à perte de vue
Aucun simulacre à poignarder
aucune vérité à dévêtir aucun
fantôme à dépister
je ne suis environné d'aucun mort regretté
Je suis sans âge
sans mensonge
comme la cuisine aux cuivres d'or
abri des étapes avancées de solitude
Je suis seul avec le couteau le pain et l'eau
Le pied de la lettre
Retour sur l'avenir
ou retour sur soi-même
aucun ne peut mentir
au centre de son ombre
Evadé de partout
des dunes de corsage
des lunes de corsaire
des pièges de chaleur
des chairs aux yeux de plaie
des plaintes de lumière
mangeur des fruits éclatés aux limites des fièvres
des racines d'arcane
des arcades de nuit
buveur des sèves nues
des attentes plénières
ta vie porte en écharpe les bras de ta bonté
le temps des horizons t'écharpe entre ses seins
La fleur au fusil
L'oreille à la puce
petit personnage
tout perdre
nous irons nos quatre volontés
radeau des naufrages
aux quatre angles de longitude
La grande nuit que l'on conquiert
à coups de bocks
de jurons
de peines
videz la coupe
videz-la nom de dieu
videz les lieux
videz le temps
videz la peur de vivre
J'en reviens
je porte mon identité à tout hasard
dans mon ombre dévorée
dans mon ombre dérobée
je n'ai plus ma vertu ancienne
je n'ai pas un mot à dire
je n'ai rien
Crois-moi
je ne suis pas blessé
occupez-vous des autres
c'est une toute petite blessure
que je vais soigner seul
il ne faut pas avertir mon meilleur ami
de la petite blessure
que je vais soigner seul
et qui va se fermer avec la nuit
Mais que faut-il faire
dites-moi
vous qui n'êtes pas la dernière cartouche
Dictée
La libellule est un mammifère
elle se nourrit d'épongés
et de morceaux de bois
La libellule fait l'amour
sur le toit de la trigonométrie
C'est une amie de l'agriculture
Elle dévore les aigles
les poètes pieux
et tous les objets brillants
Souvent elle se suicide
sans mise en scène
sur l'injecteur d'une comtesse
après une crise de mysticisme
Respectez son nid
protégez ses petits
qui jouent à la banque russe
dans les cafés mal famés de la périphérie
En buvant du lait
La négation dialectique de dieu
est l'affirmation de l'homme
La négation dialectique de l'homme
est l'affirmation de la société
La négation dialectique de la société
est l'affirmation de la révolution
La négation dialectique de la révolution
est l'affirmation du mouvement
La négation dialectique du mouvement
est l'affirmation de la réalité
La négation dialectique de la réalité
est l'affirmation de la surréalité
La négation dialectique de la surréalité
est ce qu'il fallait démontrer
Mais qu'attendez-vous donc
Messieurs
pour inventer le fil à couper le beurre
quand moi je vous affirme
que le soleil finira mal
à cor et a cri
Dans tous les coins de la planète
les bobines de fil blanc
se tordent de rire comme
de petites baleines si l'on peut dire cependant
que dans mon tiroir les bobines
de fil rouge s'agitent poussent
des cris lamentables
Elle ont lu le sonnet des
voyelles dans les yeux d'une
femme honnête jouant les
deux orphelines sur un boulevard de porcelaine
Leurs préférences iront toujours
à la belle ilote ivre aux robes
de paille secrète grimpée sur
la nuit solide pour mieux
rencontrer l'amour le bel
aveugle de naissance qui
sculptera dans la mémoire
le corsage au masque de fer
Exergue
J'en appelle à la trahison des miroirs
au verre grossissant de l'oubli
j'en appelle à la fumée sans feu
à l'anneau sans doigt
aux lettres majuscules des citations
pour ne pas mourir sans une injure aux lèvres.
15 octobre 1935
La brigade internationale
à
Jean
Bastien
Mon cœur
veine ou déveine
aura des ailes
dans les montagnes et dans la plaine
des hommes meurent pour la liberté
L'oiseau parle une langue inconnue
il n'a jamais pensé à la chance
mais la chance est pour lui
dans les chansons mêmes de la peur
la vie n'est qu'un signe
pour ceux qui meurent dans la nuit
trahis par la clarté lunaire
par les regards obstinés du soleil
Il y a parfois un homme qui vient d'Albanie
il parle de la liberté comme d'un sein de marbre
il y a des hommes qui viennent des villages perdus
ils parlent de la liberté comme d'une source pure
il y a d'autres hommes qui viennent des montagnes
ils en parlent par signes et par silences durs
il y a les hommes aussi qui viennent
de n'importe où aux comparaisons obscures et justes
il y a des hommes simples les hommes qui boivent
et les hommes qui ne boivent jamais qui
confondent la liberté la mort l'amour le souvenir de
[leur maman l'histoire de leur vie de leur
patrie de leurs amours en mots
très simples et en gestes de neige.
Terre plastique
Terre de nage rouge au sang de vent
prime au crime de pair avec hélas
tournante de soleil et les bergers
boivent les neiges éternelles
fondues aux hanches des montagnes
Trois fois rien pour la plaine exsangue
aux ventouses de candélabres
et les rochers camoufleurs
jettent des pierres de silence
Et moi qui n'ai jamais dit adieu à personne
apprenez que je suis aussi en vous
Celle que je ne reverrai plus jamais est en moi
je ne lui ai pas dit adieu
pour notre dernier regard embué de pleurs
nous avions compris tous les deux
Je verrai toujours son dernier regard
dans l'éternité des hommes
dans l'éternité des mères
Elle a vécu vieille pour moi qui étais son enfant
voilà maintenant que je suis parti loin d'elle
et en elle est morte la vie
Ici voilà son image de sainte dans mon souvenir
Quand je retournerai dans son pays notre pays
j'irai lui dire voilà maman
je suis revenu je suis toujours votre enfant
votre enfant fidèle
qui jamais ne dit adieu à personne
évidence
Comme si l'autre rive n'était pas une femme
comme si l'autre rive n'était pas notre victoire
comme si l'autre rive n'était pas tous les secrets
de la grande pyramide de notre vie
de notre pyramide qui se promène un peu partout
de notre partance qui s'effiloche un peu partout
Voilà un cœur que l'on fixe sur l'avenir
avec quatre punaises cardinales
Je ne déchire pas mes vêtements comme les prophètes
toujours un peu ridicules et vieux
et puis dites-moi ce que nous avons déchiré
et puis dites-moi ce que nous aurions dû jeter dans
[l'abîme
et dites-moi les nécessités cardinales
Nous n'avons pas peur de l'avenir nous n'avons
pas peur de la beauté nous n'avons peur de
rien ni des femmes ni des dieux vantardise
nous n'avons pas peur de nous-mêmes je suis
la pierre que le dernier gamin des rues lance
avec sa fronde de quatre sous lance avec son
cœur de quatre sous et cent millions
[d'amour
Depuis longtemps je veux bien mourir
au hasard qui ne se mouche avec les pieds
l'orgueil comme un immense drapeau rouge sur
[les barricades m'habite et se fait assez grand
pour un amour immense des hommes des
humbles des hommes des hommes
Ce n'est pas
le premier venu qui pourra nous vaincre
l'orgueil d'avoir reconnu mes frères qui m'aideront
[à détruire est en moi pour créer demain l'homme éternel
[l'homme pur
Décrets
LA
QUESTION
DE
CONFIANCE
(1940)
Légende
imprenable légende des anges ivres
jaillis des cataclysmes en gestation
je marche
je tiens entre mes yeux
à la hauteur du monde
une perle d'amour
une perle d'angoisse roucoule dans ma poitrine
[en flammes je pense que je suis un oiseau des grands carnages des pertes irréparables de sang je me
souviens des chants que j'ai pleures lumière impalpable frémissement des lèvres invisibles dans l'urne
d'or des vieux déserts
Aujourd'hui
les hommes restent impuissants au pied du mur qu'ils ont bâti
avec les lourdes pierres de leur cœur
avec le dur ciment de leur faute commune
Pour moi
depuis longtemps déjà
le visage du monde est brûlé
je suis à jamais étranger aux complots de leur vie
je sais simplement que je dois attendre
je sais que les prédictions des fous
vont tomber comme des couperets
que des miracles s'accompliront
pour moi seul si je le commande
je possède la puissance des métamorphoses
la puissance de ceux qui ont joué leur vie
avec le secret espoir de la perdre
qui ont donné leur ombre
au passant inconnu
qui ont tout abandonné
de ce qu'ils devaient abandonner
pour être purs
pour fixer toutes les idoles de matière et de chair
dans leurs prunelles de crainte
je sais que sur un signe de mes plus secrètes pensées
des êtres vont surgir
puissants
vêtus de magie
armés d'ultimatums
doués d'une violence consacrée par des siècles d'attente
d'indestructible révolte
je sais qu'ils vont peupler
le monde
les mondes
demain n'est que trop aisément prévisible
Nous les princes de la folie
inaliénable
croisés de l'impossible
maudits qui n'avons rien renié
de nos premiers serments d'enfance
allons assister au triomphe interdit
de la beauté convulsive
resplendissante de nudité fatale
sourde aux cris désuets de la chair impuissante
chère impitoyable beauté
que nous avons mise en marche
que seuls nous saurions détruire
que seuls nous savons créer
que seuls nous savons nourrir
en donnant à ta faim
tout notre désespoir immémorial et blanc.
La panique rouge
Belle parfaite intangible folie
venge-toi
il faut que tu te venges
imagination d'impériale origine
venge-moi
venge-toi
venge-nous tous
brute qui passes
brise-moi la figure si cela te console
tue-moi parmi ce flot de paroles tranchantes
dont j'use pour dire un peu de vérité
vérité aux miasmes redoutables
qui déjà devrait m'avoir mangé
et qui me laisse ridicule et brisé
entre les doigts d'airain de tous les inconnus
et puis quelle blague que tout cela
mais pourquoi venir nous répéter
que nous sommes prisonniers
nous ne sommes pas prisonniers
nous ne le serons jamais
nous répétons que nous sommes libres
nous sommes libres
nous sommes libres
la belle affaire
hélas
chère pauvreté
ce n'est pas assez d'être pauvre
ce n'est pas assez d'être pur
pour être libre
les hommes qui de très loin nous connaîtront
devront savoir un jour
un jour de délire communicable
vers quelle souffrance nous a conduits
une volonté sauvage
et si dure
et si triste
Comment fuir
par où fuir
comment briser le moule
qui enserre notre visage
au regard cependant impérissable
il faut se justifier
tout justifier
les débris de notre cœur
hypocritement recollés
comme un vase précieux de
Chine
qu'un choc pesant aurait brisé
il faut sauver quelque chose
comme une fleur
comme un poison
comme une île
comme un poignard
Parle
pauvre type
pauvre petit propriétaire de désespoir
de moyenne envergure
tu ne pourras même plus honnêtement posséder
l'orgueil d'un aussi petit désespoir
puisque tous les désastres prédits
puisque tous les anathèmes lancés
s'accomplissent aujourd'hui
il n'y a plus que chansons sanglantes d'engrenage
qui vont tout happer sans te happer
qui vont tout tuer sans t'achever
qui vont tout détruire sans ton suicide
il n'y a plus qu'un rouge irréfutable
aux pervenches de nouveaux printemps
aux ailes éclatantes de diadème bleu
9 septembre 1939
Le poète sérieux
Et qui sait si ce n'est pas moi
qui viens de commettre le crime crime
crapuleux dira la crapule
un crime d'auberge dira l'aubergiste
le crime essentiel dira le déluge
Car je ne suis pas le mauvais poète
qui va et vient comparant son cœur
à la source chaude de sang
à la cathédrale engloutie
à la baraque qu'emporte l'inondation
au désert de contrebande à la frontière de l'inceste
non non et non
qui va et vient comparant son cœur
à la prison sans barreaux
à la chute attristante des feuilles
aux ailes isocèles de l'impénétrable
non non et non
je suis le poète sérieux
au cœur depuis longtemps perdu
Eva - d'ombre et de sang (1946)
Femme ténébreuse
errante de la mauvaise vertu
errante du bien pour le mal
adroite et décidément maladroite
parmi les rideaux de rêve et de soie
parmi les pains de chaleur de chair et de sang
parmi l'homme dépaysé d'être lui-même
femme dangereuse
légèrement inclinée
dans le vent des miracles
légèrement vêtue dans le vent du péché
légèrement perdue dans l'ouragan de vie
femme qui joues
femme qui ris
femme qui pleures
femme qui veux gagner toujours
une chance en plus que le cœur trouvé
dressée à nous ravir
à joindre notre défaillance
à ne jamais nous oublier
à ne jamais nous délivrer
à nous aimer l'éternité de ses mensonges
femme dressée à se livrer
dans l'ombre d'une science exacte
dans la nuit de notre souffrance
dans l'oubli de notre mission
femme impardonnable et pardonnée
voilà que c'est moi le maudit
qui se prend à te reconnaître
à défendre tes cris de malheur
à redramatiser l'aube de ta passion
à pardonner le sang que tu révèles
à s'attendrir sur ton ventre de vie
à t'aimer plus qu'un désert de diamant
ô femme qui jamais ne me pardonneras
Matiere premiere
Mots
mots immortels
de cil de ficelle de poudre de sel et de fleur
humides mauves vermoulus pâles et carnivores
mots de cire rouge et de larmes
de baisers et de flambeaux de
Judas
pointus têtus nerveux obtus ventrus et lourds
mots de la fin mots de la rime
aux accouplements dangereux
aux liaisons faciles
aux maladies incurables
mots lapsus malades de la peste
monumentaux et orgueilleux
aux bijoux de fautes d'orthographe
mots criminels et purs
décapités sur l'échafaud de la censure
mots mes bons camarades d'orgie
des nuits de neige et de plume
mots torturés au lance-flammes
mots à la taille de gazelle
à l'épidermc de velours rouge
aux jambages de french cancan
à la silhouette fuyante de marlou
mots qui portez chapeau melon
cachés dans les pianos et les trompettes de jazz
mots tabourets
qui êtes une injure permanente et gratuite
mots de perdition et de déraillement
de
Babel de carnaval et d'hiéroglyphe
mots qui faites à présent l'amour
stylets de la durée exacte
amulettes et chiffres d'or
maîtres magiques des objets
serpents de la dialectique
mots créateurs brûlants qui nous livrez le monde
croissez multipliez plus cruels et plus forts
Magie - à armand bernier
Sous le portique du château des sèves un cri strident éclate en moi je tiens toujours entre les mains le
revolver d'enfant que je n'ai pas quitté
Rire d'orties l'abbesse de cantharide flagelle sa damnation dans la cellule noire de l'unique saison
Rire d'orties les oiseaux sont méconnaissables ils chantent les temps abolis la forêt flambe en rugissant
bûcher de
Sainte
Vaste horizon de corollaires l'irresponsable forêt flambe tous mes fantômes sont présents ils soupçonnent
la vérité les
oiseaux prennent un prénom ils sont oiseaux de cicatrice
L'air aromatisé devient irrespirable
Dans un éclat de rire sauvage des orties je fuis semer le feu sur d'autres continents
5 août 1940
Tronçons à jean scutenaire
Jeunesse
accumulatrice en toi des cycles de vengeance
pour les partitions de l'histoire
jeunesse aux épaules de fleuve en herbe
aux mains de papier vierge
aux cyclones de pitié rédemptrice et d'amour
aux barricades de hasard
aux cristaux de monogamie
aux désirs obscurs et sains et durs
de violence paradoxale
jeunesse d'idées blanches de baisers d'Equateur
de statue de la statue et de sa négation
de la statue qui est tienne qui est nôtre et qui se perd
dans l'ensablement des civilisations
dans les sables des grèves et des îles désertes
où toujours tu fais l'amour
à ta façon lucide
à ta manière hautaine impitoyable
qui te dévore hélas
comme un serment prêté
au dieu secret de la dialectique
Jeunesse
tu es le sein et l'aile et l'époque
tu es le souffle et l'antre des saisons
tu es la captation des parfums interdits
tu es le vin de l'homme qui consent à mourir
à condition de trouver dieu
de le combattre de le vaincre
d'être identique à lui plus qu'un enfant de mage
Jeunesse aux pieds de cartouche allumée
sur le tonneau de dynamite
sous l'oreiller de la conjuration
dans la cave inoubliable des punitions injustes
aux yeux clos de malheur
d'un malheur qui vibre comme une lyre
Ô jeunesse qui restes le miracle dont je vis
qui restes l'empreinte aux baisers de panthère
dont je garde les stigmates de griffes et de jungle
impératrice des mauvais lieux
tu ne mendies pas la solitude aux narines de peur divine
lu ne mendies pas les caresses d'une mère
d'une sœur ou d'un frère qui te maudissent secrètement
tu respires aisément dans tous les drames
dans le roman épique du bien et du mal
qui de nuit en jour se hérissent de pointes aiguës
de dévorantes morsures de flagellation
de torturantes confessions publiques
de lyriques objurgations secrètes
parfois livrées aux fauves que tu portes en toi
parfois livrées aux grands vents de bonté
jeunesse clandestine et sadique
aux livres de terres ingrates et de monstres
aux cimes de lévitation
aux massacres inévitables
larges ouverts à tes hôpitaux de marbre
jeunesse déchirée d'hérésie et de schisme
d'apostolat d'excommunication
de sobriquets de ruisseaux de miracles
à venger les martyrs à créer le miracle
dans les arènes de
Rome d'Occident et d'ailleurs
intouchable jeunesse
présent je te défendrai toujours
sur les barricades de cœurs que dressent les destins
jeunesse aux serments de lait de mère
aux seins de laine de nids d'oiseaux
aux palais de poissons et de feuilles
aux cariatides de sexe de triade et d'atome
aux blessures de sphynx succombant à ses propres
[questions aux écarlates blessures de méthode et de gouffre
jeunesse aux couronnes d'aventure
aux sarcasmes d'initiations et de dégoûts voraces
aux caducées d'ivrognerie et de vertu éternelle jeunesse inviolable et pure
20 août 1940
Pour mieux aimer à irène hamoir
Dans la beauté menacée
menaçante
il y a place encore pour un duel désespéré
et pour la fuite éperdue d'une gazelle
dans les savanes du rêve
Dans la beauté menacée
menaçante
il y a place toujours pour une femme
prisonnière dans la cloche de cristal
qui sonne son temps d'être perdue
et d'être aimée
chaque fois que ses seins se mettent à luire
comme des cibles de phosphore
Dans la beauté menacée
menaçante
il y a place pour un lit de corail
toujours sanglant sous le baiser de l'œil
et pour un échafaud de papier rouge
il y a place encore
pour les corolles de la solitude
bouquet qui se fane dans un soleil d'arrière-saison
Dans la beauté menacée
menaçante
il y a place pour une statue aux vaincus
refusant de civiliser les vainqueurs
et pour une grande avenue de marbre noir
se perdant dans les sables de l'avenir
Il y a place encore pour un musée
qui n'ouvre que la nuit
avec ses fantômes assermentés qui trichent au poker
et des souris d'hôtel fuyant dans les galeries
en maillot noir
collant comme le vice
Dans la beauté menacée
menaçante
il y a place encore et toujours
pour un décor d'intempéries mentales
comme la pluie rouge d'angoisse
l'orage des prédestinations
pour un trou mutilé
faisant figure de symbole
et pour quelques reproductions légères
dans le goût triomphant du jour
Dans la beauté menacée
menaçante
il y a place pour un alibi d'épave
un cimetière de rire
pour un faux timbre-poste
un vrai clou un nénuphar
il y a place enfin et toujours
pour tous les cataclysmes naturels sexuels et sociaux
qui font un levain de révolte
de la sciure de cadavre
5 septembre 1941
Persistance
Je fus je reste un alibi déchiré
un abîme déchirant
aux trous accessoires de voyance logique
aux hymnes qui absorbent quand on monte
qui dévorent quand on descend
je fus je reste je suis toujours
une corde de la harpe gigantesque
au sexe de pierre philosophale
sécrétant la perle
LIBERTÉ
toujours sainement orgueilleux
comme il convient de l'être
quand on a vécu vaincu l'enfer des hommes
qui n'ont qu'une âme désaffectée
qu'un purgatoire différentiel
qu'un paradis de perdition
Toi mon démon qui me protèges
sauve-moi de la vie et de la mort faciles
aux serments regrettables
sauve l'homme tout court
que notre siècle n'a pas inventé mais recueilli
l'homme précieux aux miracles très simples
à portée des lèvres
l'homme aux leviers de certitude rouge
de racines méticuleuses
de promesses harassantes
l'homme aux matériaux d'éternité concrète
modelant de sa griffe royale
de ses pouces de sculpture
les si bonnes choses évidentes
l'abondance universelle
les bonnes rasades collectives
les beuveries d'étoiles sous le gel
sauve l'homme tout court
qui a des yeux qui a des mains
des oreilles multiples invendables
qui poussent dans les champs de la nuit flagellée
de la nuit crucifiée
sur notre corps de colère
sur notre corps de misère
sur notre corps de lumière
notre corps déchiré écorché de mystère
Ecorces du temps
On discute de coups
d'état de jeunes reines profanées
de sphynx soumis à la question
d'inquiétantes razzias nocturnes
On parle d'ecorcher le temps pour effacer ses tatouages
Se dresse l'inventaire
des espèces charnelles
La mémoire de sang réinvente l'amour
dans la nuit du destin au delta de dentell
La bagarre c'est la bagarre donneurs de sang
buveurs de sang
regardez-vous
embrassez-vous
enivrez-vous
de ces liqueurs délictueuses
qui démentent tous les proverbes
tombant en juste pourriture
au gibet de la liberté
C'est en passant qu'on devient passager
vieil atout déchiré
splcndide
schismatique d'humour
à flanc d'abîme
Mémoire aux ailes de mouette
sur la houle de mes désirs vorace
comme un oiseau des mers à la pêche des souvenirs
élève-toi dans le haut ciel pacifié
de la douleur que m'éclairent les traits
de celle qui fut la reine de mon cœur
élève-toi dans le haut ciel pacifié
de la douleur que m'éclairent les
traits de celle qui fut la reine de mon cœur
En citadelle de chair neuve
en drapeau d'ailes morganatiques
en épée d'insecte violet
un grand amour éventrant l'horizon
dans la mémoire ensevelie
au fond d'un gouffre de latence
sous la valise d'un hibou
pleine de clous et de cailloux
Taillable et corvéable à merci
est la dure échine du temps
du temps perdu
éventré
retrouvé
tandis que l'herbe croît dans l'oreille
des pierres
que s'effilochent les pontificats
que le charme
une fois de plus
vient d'un oiseau secret
qui s'évade de l'anthropomorphe
Sous le grand étendard couleur de vie
une femme aux seins publics
mille fois enceinte
mille fois mère
mille fois pure et délivrée
sur la brèche de l'avenir
sur la neige de notre amour
fait les signaux de confiance
Schemes sadiques (1947)
Chaque rue aboutit dans une femme
qui ressemble à l'aventure
dont le visage se dérobe
sous un masque de velours noir
Chaque rue aboutit dans une
femme qui s'élabore dans nos rêves
et se nourrit de notre sang et s'enivre
de notre angoisse
aboutit dans une femme nue
fatale inconnue attirante
comme un panorama secret
aux frondaisons de lanternes sanglantes
Il neige
et dans le cœur ouvert
les seules traces d'une bête des bois
Vie aux yeux encore avides
sous le drapeau de mes paupières
je ne sais plus où brûle le désir
je n'attends plus que la nuit nue
femme
ou fruit
ou lumière de sang
De neige rouge pour noël arnaud
Doigté de fer
dans le tunnel de vieux velours
qui passe à travers soi
pour joindre l'ancien double d'ombre
doigté de fer
dans la dentelle de la nuit
qui dégage l'anonymat
la valise pleine de neige neuve
stupéfiante de clarté
doigté de fer
dans le corsage des nuages
dans le grand nid circulaire du monde
dans l'avenir
Des salves de métaphores
aux seins rouges
éclatent comme des fûts de minium
Des mots de vieux mots dangereux
aux voyelles ivres de vivre
aux haillons de miracle
teintés du sang de tous les hommes
explosent en gerbes de cris d'espoir
dans la muraille des poitrines
Des mots en quelques points semblables
aux cailloux d'un enfant
dans la fenêtre d'une école
Des stocks entiers de mots brûlants
à casser comme des cailloux
tel un forçat
dans la carrière où le front heurte
les parois de l'inexprimable
alors qu'en haute mer
je vois un marin
jeter
son cher accordéon par-dessus bord
pour mieux entendre la chanson des flots
Mon interlocuteur avait
soixante bras de prophétie
et trente paires de couteaux
Moi
l'imprudent
j'étais seul
avec ma petite ligne de vie
qui tenait modestement dans ma main
Soudain parfois me renverse
dans l'aurore d'été
le bond d'une joie brutale
comme celui d'un fauve sur sa proie
Et je me sens sans défense connue
contre cette étreinte de chaude fourrure
palpitant de l'angoisse tragique d'une blessure à vie
Dans sa robe d'araignée
la
Sainte aux péchés
aux belles rives sexuelles
interdites
la tête prise dans un sac
Sous sa robe d'araignée
le couteau rouge
le serpent bleu
une étoile défigurée
le filigrane des secrets
Et c'est toujours la même femme condamnée
au rapt brut
aux violences simulées
aux meurtrissures d'innocence
c'est elle sous les liens de fleurs
dans la promesse des parfums
dans la cabane des fougères
c'est elle qui se refuse et s'abandonne
nue et parée
contradictoire et résolue
défaillante défaite définitive
déjà conventionnelle
selon la décevante jurisprudence
de l'érotisme
selon l'étrange et punitive loi du souvenir
Ce roman qui n'aurait plus d'intrigue
aux personnages las
d'avoir plus que longtemps vécu
de s'être combattus en vain
avec des armes enchantées
et qui se reconnaissent enfin du même sang
ce roman que l'auteur laisserait à jamais
faute d'avoir encore pour ses héros
assez d'amour et de patience
ce vieux roman inachevé
serait-ce moi
dont le cœur aujourd'hui s'est lourdement fermé
sur des épaves de conscience
Lorsque doucement tombe la neige
sur la seconde
sur l'immobile mémoire
qui ancre ses racines de sang
dans la lignée obscure et profonde des morts
parfois
le simple meurtre d'un oiseau
pose son piège rouge sur l'immaculé
pour que peut-être
au plus lointain des origines
notre cœur louche saignante encore
la première blessure de bonté
pour
Pol
Bury
Bijoux de sang aux doigts de l'ombre
étrcnnes de la nuit
je vis
dans la technique de vivre
au ralenti
parmi les vieux glaçons de feu
que l'éternel éphémère charrie
d'écluses de souffrance en écluses d'angoisse
je vis
au point culminant du silence
où s'unissent pour un baiser
aux lèvres de la mort celles de la naissance
pour
Marcel
Havrenne
Quand l'homme ne sait plus
sur quel pied mental
danser
pour protéger les plantes de son âme
(elle a des pieds son âme)
on dit que subsiste l'humour
qui
métaphysiquement
doit être
un calot de forçat sur le crâne de
Dieu
Alors même qu'il est prisonnier
dans le réseau des habitudes secondaires
qui ne voient plus
qui sont lettres mortes mentales
un simple objet
d'usage quotidien
de matière et de lignes précises
parvient à recouvrer
en s'égarant
la liberté dialectique de la vie
qu'entre son possesseur et lui
engendre astucieuse et morale
l'antique loi de la nécessité
Entre l'étau de l'éternel
et les corsages d'éphémère
éclatent
écarlate équation
tous les complots d'épingles rouges
parmi les flots de rubans sentimentaux
Le destin tout entier le destin
est comme l'immense trajectoire
d'un invisible boomerang
que lancent vers les inconnus
notre désir et notre cœur
et qui revient vers nous pour le grand crépuscule
Ainsi
sans que nous le sachions
c'est selon notre intime loi
que la courbe se clôt dans notre propre mort
pour
André
Lorent
Au désert de cocagne
nu
comme un théorème violé
je suis cet insecte immobile
qui simule la mort
nu
comme une bêche au soleil
cet insecte qui sait
la longueur d'onde éphémère et précise
de la plus haute destinée
Le poncif de la main coupée
jouant du piano mécanique
et puis trois femmes jadis aimées
se dégageant soudain
d'un scénario étrange et compliqué
et qui vers moi s'en viennent
lèvres offertes
et qui m'accordent souriantes et fidèles
le baiser d'un lointain autrefois
De rive en rive crépusculaires
un sexe de proie dramatique
une panoplie de haine dans l'amour
une fontaine de neige en sang
C'est le désir créant ses métaphores
ses images d'ambivalence
qui défriche son éternité
en quête du symbole ultime de la vie
Art poétique
ÉCRITS
SUR
UN
DRAPEAU
QUI
BRÛLE
(1948)
Écrit sur un drapeau qui brûle
le collage des contrastes
le colloque des contraires
union confusion fusion action
l'oiselet dans le vent
le désir dans le rêve
la neige de l'intégrité
le désespoir qui brise sa rapière
L'invisible se proportionne
aux dialectes de nos rêves
J'en parle pour nous
être utile pour mesurer notre puissance
Calvaire calcaire broyer souffrir
la laine de la pensée
les mots copulent
nous nous aimons
indivisibles
les mots sont faits pour obéir
Enfance
En ce temps-là
je portais toute ma force dans mon cœur
C'était l'orgueil
celui du premier prince magnanime
de la première victoire
du drapeau bleu flottant sur la terre du juste
C'était la colère
l'impétueuse
flammes inoubliables
frissons de sang en prismes de pardon
C'était le désir agile
prenant pied dans la découverte
créant les îles de cristal
réinventant la magie blanche
C'était le péché de perle
mon vrai péché
la coupable bonté
l'admirable confusion d'amour
Je portais toute ma force dans mon cœur
sans cuirasse de mensonges
comme un enfant invulnérable
Vivre
Forcément on avance j'avance
drôle ou pas drôle c'est la vie
le mégot de la vie précieuse
à brûler avarement ses lèvres
de sale vie précieuse comme un sein
comme du vin dans un sein
comme une tirade de nain
éternel attouchement de plaies
sur le corps de la bien-aimée
Forcément on avance j'avance
avec ou sans regrets
avec ou sans étoiles
avec ou sans coups de chapeaux
pour crier malgré tout présence
quand le feu se brûle les ongles
quand la nuit s'ouvre pour être nuit
quand le temps crache ses poumons
dans des colères de forçat
quand il faut enfin que l'on arrive à temps
pour témoigner contre les dieux
contre la loi contre les grands
contre soi-même
contre la mendiante nature humaine
qu'il faut pourtant aimer comme le mal
en dialecticien du devenir
Fièvre
Ce malade qui fait de la métempsychose
est un oiseau
tenant au bec
un rameau d'hypothèses
un compas de cristal d'angoisse
Souffrance de par le long fil d'or
qui l'attache à son nom perdu
Souffrance encore et encore
dit-il
lissant ses ailes de diamant noir
souffrance de ne plus savoir
si (je) suis au passé ou au futur humain
Souffrance toujours
dans une chimère lointaine
qu'il a connue
chimiquement nue
sous sa robe violette d'organdi
C'était cela
Était-ce un cri dans un bouquet de lèvres
un monceau de gravats
dans les décombres de la nuit
une arme de précision
entre les mains lumineuses d'angoisse
Était-ce une rive de marbre
le long d'un fleuve de lait pur
une pierre précieuse
entre les doigts de certitude
une statue mutilée achevée éclairée
comme une idole souveraine
Était-ce une blonde colère
une impatience de rubis un sceptre de désir
un couteau de bonté
C'était ça tout cela tous les possibles
c'était notre jeunesse en sang donnée oui donnée
distribuée comme du pain notre jeunesse
d'enfant prodigue
Sommeil
Je dors depuis toujours dans les mêmes poumons
de vieux silence chromatique
où s'engouffre la respiration des astres
je dors depuis toujours dans la même nuit d'hérédité
dans le grand lit de mère en fils
dans cette alcôve aux serrures de pain bleu
aux lourds tapis de loutres volontaires
Je dors depuis toujours dans le même rêve malléable
qui emprisonne la lumière
dans ses perles de sang magique
je dors les yeux ouverts
le corps ouvert
espoir et désespoir confondus
et le désir comme une épée au poing
et le visage défiguré
toujours plus semblable à moi-même
de moins en moins reconnaissable
plus atrocement beau
de tout ce qui corrode et qui est éternel
Futur
La connaissance et le désir
les deux monstres jumeaux
de l'être nu
dont l'ombre est un drapeau futur
sur la plaine des âges
où le vent brise les ardoises
à coups de sifflantes lanières
de l'homme incorruptible
durement ancré dans le réel
par un sexe de fer
par un esprit de feu
par un rêve crucial
qui est une cognée de diamant
dans le front de l'angoisse
d'où s'évade en tremblant la neuve éternité
celle qui n'est qu'amour
aux signes périssables
qui ne possède que l'humain
pour se défendre de la faim
Vœu
L'estuaire du ciel est un apéritif
Giboulées d'éléphants rouges tombez
que la terre perde son teint de suicidée
tombez en robes de moissons
sur les campagnes d'abandon
en caresses germinatoires
dans cette crypte de lumière
où luit orageusement dure
sous trois cents nœuds gordiens d'éclairs
en son écrin de javeline
blonde d'intolérance blonde
une graine de vérité
Au jour la vie
Antan qui veut dire jadis
est un piège de seins fanés
voyageur nain dans le wagon géant
entends tourner le long disque des roues
sur l'aiguille du rail
Danse chante pense ou pleure
au rythme de la matière
selon ta nocturne et profonde nature
et tu verras bientôt dans le disque lunaire
plus belle que
Phryné
une femme faisant l'amour
avec le grand aventurier de marbre noir
Sur la hampe de la mort
il y a un calice d'or où boit l'hirondelle de sel
Le temps est
Temps
Le grand rideau de la mémoire
s'est déchiré
dans le temple du
Seul
Le ver est dans le fruit
le fruit est dans le ventre
le ventre est dans le corps
le corps est dans le temps
le temps est dans l'horloge
l'horloge est dans l'attente
l'attente est une pincée de tapioca
L'univers est un poing fermé
qui laisse couler du sable
dans un gant de cristal
L'univers est un bouchon de liège sur un litre de néant
Sur le tillac du cargo fantôme
un gentleman en habit noir
conduit une brouette de réverbères
Vieillir
devenir vieux
se sentir incapable
de signer
le moindre crime passionnel
Sous un ciel pavé de mauvaises intentions
lorsque tu la pousses du pied
dans l'abîme
reconnais que la terre est ronde
pour
Louis
Van de
Spiegele
Convenons du signal de la révolution :
une femme nue
sélective
tachée de lumière et de sang
tombant
en parachute rouge
sur la place de la républiqu
Un spacieux tombeau d*ardoise
où
pour tuer l'éternité
le mort
enraciné dans l'esprit de révolte
écrirait à la craie le récit de ses démêlés avec
Dieu
Dans le mauve violacé
pour qui s'éveille dans son ombre
il y a des dentelles de sexe bleu
un viol inscrit dans un labyrinthe fatal
Couleur ô couleur couverte de
blessures tu saignes silencieuse
et des âmes désespérées s'écoulent de tes plaies
tordant en moi leur longue chevelure
O couleur je t'aime et je te bois je
bois ton sang de lumière panique éclairant
ma mémoire d'abîme qui est
source métaphysique de la nuit
Blason d'amour
Ne ferme pas
la porte de cristal
laisse entrer les voyelles de neige
puisque tout est propre à l'horizon
de tes yeux de source pure
de tes yeux de double vue
qui sont un tendre couple de castors
L'ombre est au cran d'arrêt
couteau plongé
dans la racine mère des élégances cardiaques
l'ombre du premier mimétisme
de l'infusion des rêves
de la source enchantée
l'ombre qui est une syllabe de sang
En confiance
en confidences
en étoffe d'été de santé de péché
en robe de tentation
à peine femme et déjà femme
consentante
délivrée
ma grande sœur abandonnée
Trente ans et davantage
et le sang
était une forme de la mémoire
et nous avons gardé notre mémoire
malgré le sang que nous avons perdu
Mais rien ne s'affirmant plus vrai
qu'un baiser bleu donné dans l'ombre
au sachet des questions funestes
répond ton île
dans le noir océan des contingences
éphémérides
Toute initiale du monde
et son secret
et son oiseau
dans la pointe de mon couteau
La nuit la nuit
la lourde nuit silencieuse
la grande nuit
et son pourpre silence
Perle l'impondérable son
que lui consent en s'effeuillant
la rose
le pétale léger qui tombe et qui se pose
sur le marbre secret de notre angoisse mauve
Ma vie tenait à un fil
à ce fil invisible
et capital
de la grande toile d'araignée maternelle
Et brisé fut le fil
par mon vouloir
et par un temps de tempête morale
et ce fut elle qui mourut
maman
(je n'ose y réfléchir)
en lieu et place de mon désespoir
Il y eut divergence dans les souffrances
je devins seul
et crus que la partie resterait inégale
le temps étant toujours au choix
spirale ou vrille
un mensonge de plus aux lèvres du divin
Écrire aux fins de déchirer les apparences
écrire le soudain
l'imprévisible
sur le drapeau de vivre
écrire
amadouant
ou
poignardant toute réalité
écrire encore
pour vaincre
comme une carte égarée et gagnante
se retrouve parfois
dans la manche du désespoir
pour
Albert
Ludé
Les végétaux s'ils pouvaient
s'exprimer seraient avares de paroles
Aujourd'hui je fus un arbre et je le reste
Je me console et je me justifie
pensant
que je suis beau
déjà
comme une table de cuisine
Depuis l'idole d'or à la rose fanée
de la naissance à par delà la mort
dans la feuille et dans la fourmi
dans la racine et dans l'esprit
dans le viol et dans l'abandon
dans l'élégance du pardon
aimant
comme un oiseau qui de tout l'univers
a fait son nid
L'escalade pour une fleur
l'escapade pour une fille
l'estocade pour un peu d'honneur
la ballade des bons garçons
une chanson ailes de vivre
une saison nids de pinsons
une raison temps des cerises
vieux souvenirs vieux horizons
Je viens je suis je vis
de mon écorce noire
du sang de mes colères
du sang de mon amour
de l'oiseau fiancé à sa femelle chaude
des larmes qui s'égouttent du vague fait divers
de l'infirme noyé dans les vagues du soir
du baiser de la nuit
du salut de l'aurore
je vais je viens je vis
au-delà de l'espoir
et chacun peut le voir le savoir et le croire
A pierre fendre - règle du jeu
Avec la somme de ses contradictions
de ses fautes royales
de ses vertus fanées
assumer la charge de son devenir
assurer sa dialectisation
sa fatale indépendance
sa victoire définitive
démontrer que l'homme est perfectible
Elegance
Du fond de la fontaine d'yeux vengeurs
où veille celui du
Caïn fraternel
je regarde le ciel aveugle
dans un monocle de mépris de cristal
au vieux cordon ombilical
d'humour incorrigible et neutre
qui me rattache sans merci
à la très vieille glèbe des hommes obscurs
de source pure
Histoire simple pour andré lorent
Maintenant je suis un grand animal
blessé dans la jungle du temps et
je m'avance comme un tigre vers
Dieu en déniant son existence
Nul ne croit à ma démarche
nul ne sait que je m'avance vers un gouffre
qui dépasse la croyance
que je m'avance vers moi-même
Là-bas une partie de poker continue
là-bas une femme enfante d'un monstre miroitant
et moi je m'avance vers moi-même
à la découverte d'une preuve éblouissante
Ma vie
ainsi qu'un grain de riz
perdu
dans l'empire de la famine
Notre vie ainsi qu'un grain de blé
germant dans le royaume du futur
Cristal de vivre
J'aurais voulu écrire un livre
sur le bonheur de vivre
où la joie
éclatait en explosions successives
où le matin
était l'angoisse heureuse d'être
où le crépuscule du soir
était un apaisant baiser de l'inconnu
j'aurais voulu
être mangé comme un fruit de lumière
être bu comme une tisane de bonté
j'aurais voulu vous présenter
le merveilleux bouquet de roses sans épines
que je n'ai pas trouvé
Du temps que j'étais milliardaire
un éléphant vêtu de noir
près de moi vint s'asseoir
en me disant pardon confrère
Du temps que j'étais souris blanche
je suis sorti de souricière
au jour perdu de ma naissance
mais je n'ai pas gagné au change
Du temps que j'étais hanneton je fus aussi dans la prison
de l'allumette et dans celle des horizons
Du temps trouvé pour être un homme
et pour penser à moi aussi
je n'ai cueilli sur l'arbre que la pomme
pleine des vers de mon souci
à
Edouard
Faucon
O nuit horrible
aurore horrible
soleil horrible
mémoire horrible
ô dérisoire identité
universelle vacherie
Et si le
Jésus-Christ est
Dieu
tant mieux
et mieux vaut lui qu'un autre
crocodile spirituel
Vous le voyez
j'ai quelquefois la connerie de croire
en des instants d'immense lassitude
que je me ferais bien
à sa mâchoire
ainsi qu'un très petit oiseau du
Nil
Fusillez-moi je l'autorise
Et ne pas faire le dresseur de puces intellectuelles
et ne pas oublier lorsque je mange que mon petit chien me regarde
et penser quand je fais l'amour que c'est acte de dieu
et dévorer le monde en affame de vérité
à
Armand
Simon
N'importe quel homme peut bien m'assassiner
au tout premier tournant venu
et je dirai
adieu veaux vaches cochons couvées
très calmement
ainsi que se prononce
le mot dormir
dormir dans la voiture du néant
traînée
par quatre sauterelles sans mémoire
chacun sachant
ce que parler veut dire
Douce maman soyez heureuse auprès de
Dieu
ne pensez plus à moi
je vous en prie
oubliez-moi dans l'inconnu
dans
Pinescamotable aventure de vivre
dans son atrocité
autorisez que s'accomplissent
les derniers pas d'irréparable
à
Paul
Michel
Avoir tiré des dizaines de fois
à boulets rouges sur son âme
son cœur
et progresser
avec l'imprudence du sage
dans les ruines de son propre destin
c'est vivre
c'est modeler dans l'invisible
la matière indissoluble de son noyau
c'est graver
dans la muraille d'ombre
les traits secrets de son dernier visage
Hommes
vous m'entourez de toutes parts
hommes
ma bonne volonté vous cerne
hommes
vous torturez les étendues
les façades de l'incidence
les oripeaux de la saison
les sédiments spirituels
hommes
je suis en vous à votre insu
je suis la belle négation
de vos maîtresses prétendues
hommes je suis toujours en vous
comme un serment de contingence
d'étonnante fidélité
d'aromatique probité
hommes
vous ne pourrez jamais m'atteindre
que dans le sang que je vous donne
à
Albert
Snchelbaut
Un jour viendra sans doute où nous serons
en communication
avec le monde des insectes
avec les termites muets
avec les aveugles fourmis
Qu'est-ce que parler humain veut dire
au fond du gouffre de la pensée !
Et je me vois très bien
buvant un bock
avec un insecte asexué
à la table effrayante de l'éternité
Insecte
je bois à ta santé
à nos bonnes santés interminables
Écrire le poème unique qui a plus d'importance
que d'être né que d'être encore en vie
Écrire le poème unique
intraduisible
de survie
l'ayant porté en soi
humainement
comme a porté
Marie
Entre puce et tigre
La toge de miséricorde drape ma fièvre de conscience
Mais tout éprouve et rien ne prouve
Sous le catafalque du rire gît un cadavre de beauté
à
Noël
Arnaud
Mes lions s'incrustaient dans le sable
j'avais très mal trop mal
la femme nue
que j'aurais pu aimer
étant couverte d'insectes millénaires
Un pauvre type
ainsi que moi perdu
m'avait justement racolé
sous le rouge fanal du désespoir
Un oiseau-mouche est venu boire en notre verre
et ce fut fait
en trois secondes
au comptoir inquiétant du café de la nuit
Qui pourrait bien me dire ce qu'il faut en conclure ?
Couchez-vous à plat ventre
sur votre carrelage
regardez-le
interrogez
vous obtiendrez une réponse
Après cet exercice
allez donc vous laver les mains
le bout du nez
n'oubliez pas
d'épousseter votre conscience
Une mouche me souriait car c'était une fine mouche
Mais de quoi pouvait-elle bien sourire ?
Mais de nous
les hommes j'imagine
Ivre elle se mourait d'avoir bu dans la coupe de l'humain
à
Madame M.
Wilmart
Je ne boirai que du sang de lumière
je ne boirai que du sang de vertu
je ne boirai que le secret du ciel
J'achèverai jusqu'à la lie
la gourde de mon cœur
qui n'appartient qu'à l'inconnu
à
Jean
Cambier
Un cheval avait l'envie incoercible d'aimer un papillon
Nous chercherons
nous découvrirons la formule
Un jour
sur un très simple signe
le cheval et le papillon
viendront habiter ma maison
notre maison sacrée
qui tombe en ruine
Ils parleront ensemble
de tout ce que je ne sais pas encore
Attentive sera mon âme
à
Armand
Simon
Sur la nappe de l'instant
comment survivre
à son propre secret
près de l'icône triste
à
Marcel
Havrenne
L'œuf était dans sa coque et regardait
Julien
Mais un poète qui passait par là
les négligea
et dévora deux pots de fleurs
en tout bien tout honneur
Les hostilités sont ouvertes
La nuit s'impose
Il faut se battre sur tous les fronts
Je reste identique
à la flèche du peau-rouge
de mon enfance
Quant à ma carte de visite
je l'ai perdue
il y a bien longtemps
dans un immense champ de blé
à
Paul
Colinet
J'habitais
je ne sais plus quelle mansarde
de l'humain abandon
Avec une seule larme de ma peine
comme un torrent
j'aurais lavé les pieds du
Christ
Catalogue du seul
Les symboles étaient exsangues
on ne savait que dire
il valait mieux se taire
il avait plu
neigé
des lambeaux de mémoire pourrie
Il nous faut perdre la raison
pour la redécouvrir
intacte
le jour où l'on sait bien
qu'il ne sera valable d'en user
qu'à des fins secondaires
La nuit aux lèvres épaisses et brunes
la nuit à la pointe de seins de
Ténériffe
la nuit de violette
qui mérite un coup de poignard
dans sa merveilleuse poitrine de toujours
la nuit
qui pour moi ne sait jamais mourir
ni s'éveiller absolument nue
la nuit cette fille par instants éperdue
que chevauche mon amour
Ô fille ô nuit
tu te trouves toujours au rendez-vous
avec ton droit congénital
de me faire trébucher dans ton abîme
de me prouver la loi des crépuscules
de me renouveler selon tes longitudes
ô nuit avec ton grand spasme d'impossible
qui me prouve l'Obscur
Il eût fallu ne pas venir
ne pas paraître
ne pas penser
ne pas savoir
ne rien connaître
demeurer pierre parmi les eaux
Il eût fallu surtout ne pas être poète
c'eût été plus rassurant
plus pur
bien mieux acquis définitivement
Le temps est un petit morceau de la mémoire de l'insecte dont je sauve en secret la vie
le temps est ce fameux havane que fume le papillon mourant dans l'aurore incommunicable
le temps est une goutte d'eau dans ce vaste océan de larmes qui finance l'éternité
le temps nous y réfléchissons est notre cœur inhabitable la cage des secondes mortes
La table avait cent mètres de long et nous étions assis mon interlocuteur et moi à chacun de ses bouts
Le service était fait par un ange un bel ange
aux longues ailes de libellule au tablier brodé de pureté
Nous correspondions par télépathie
Il convient que je le précise mon convive était un poète nos aliments étaient à base de bonté
Il y a toujours une très vieille armoire
perdue
et ne contenant rien
sauf cette indélébile odeur
de passé
de ce passé qui pour toujours est effacé
Je m'introduis et je séjourne
un an ou dix mille ans
dans son obscurité secrète et mûre
J'y efface mon nom
j'y suis de minuscule taille
Tout s'abolit
je me nourris de sa poussière
et je me borne à prononcer
les quelques mots magiques
que j'ai pu retenir du temps de mon enfance
Les traces de l'intelligible
Il faut éteindre la lumière pour ne pas injurier l'aurore
Il faut une attention princière pour saluer comme un devin la nuit de sang qui se retire
Il faut une grande misère pour ne plus mesurer le temps
Il convient de demeurer seul pour discerner dans le néant les traces de l'intelligible
Ayant survécu au cancer de très hautes mésalliances
dans les globules du silence se repose mon ombre
mon sang mon sang précieux mon sang spirituel
ayant limé ses dents
sur l'ébène des dissidences
Quatrains pour hélène
à
Hélène
Locoge
Mon cœur était terre d'Arizona
et il y eut en lui d'immenses chevauchées
et des points d'eau précieux
où la liberté venait boire au crépuscule
Notre destin de transparence
la fin méprisant les moyens
l'âme jouant le quitte ou double
l'éternité qui nous adoube
Je fréquente le
Christ dans la lumière blanche
il est si mal noté par les mauvais apôtres
par ses amis ses ennemis par tous les autres
que je n'ose sortir avec lui le dimanche
A bon chagrin bon éléphant
à bon entendeur une larme
de quoi vêtir ce diamant
qui frissonnait dans mon alarme
N'exigez pas de l'analyse ni le pourquoi
ni le comment
quand j'ouvrirai cette valise s'envoleront
seize éléphants
L'enseignement libre
à
Albert
Ludé
ÊTRE
BON
Un éléphant se baladait dans ma cuisine
je lui ai dit très gentiment
tu n'es pas ici chez un marchand
de porcelaine
tu es chez le poète
apprends à te conduire
et il disparut avec délicatesse sagement.
Un éléphant blanc cette fois
chose rare
se baladait dans le corridor
et je lui dis
tu n'es pas chez un énergumène
et voilà qu'il me répond pardon monsieur le poète pardon
J'aurais pu croire
que j'en avais terminé avec les éléphants
et je vais dans ma chambre à coucher
Par principe
je regarde en dessous de mon lit
vous savez bien ce que parler veut dire
j'y trouve encore un éléphant
Je ne me suis pas fâché
je n'ai pas cru à une farce
je lui ai dit
viens dans mon lit mon vieux
viens dormir avec moi
à chaque jour suffit sa peine
je t'accorde le bénéfice du droit d'asile
et je me suis endormi
paisiblement
à
Albert
Ludé
Du temps que j'étais une petite chenille j'allais à l'école à l'université
Sur mon ardoise de complexes
j'écrivais de mauvais poèmes
d'amour et de philanthropie
J'attendais patiemment le moment
où je serais un jour
le papillon de l'invisible
janvier 1957.
Laetare 59
à
Claude
Léonard
J'aurais vendu mon âme à un escargot pour habiter dans sa coquille.
On ressemble toujours par quelque côté à une erreur judiciaire.
Chasse le naturel il revient à vélo.
Damne-toi,
Dieu t'aidera.
Le prix de l'évidence
O
Christ
au plus profond d'une ruelle en ruines
ainsi qu'après un tremblement de terre
au long silence irréversible
dans les savanes de ton cœur
je t'imagine ayant aimé
sans nul espoir
dans ta totale pureté
une petite juive pauvre et laide
aux lèvres d'artifice et de litige
aux seins de voisinage
aux grands yeux de mensonge
une petite juive
orpheline peut-être
gamine de ton
Nazareth
aux yeux immensément noirs comme la nuit
une fillette
plus élégante et maigre
que la tige d'une tulipe de ton cœur
une femme parmi les femmes
qui cependant ne t'a pas reconnu
pauvre petite maladroite
qui se couchait à son insu
puisque tu l'as aimée
que tu l'as désirée
dans la poussière d'or de ton éternité
sous le soleil désabusé de
Galilée
26 février 1960
Le sablier d'absence
à
André
Lorenl
En cette nuit je crus crronément que
Dieu se promenait dans une rue que je pourrais l'y rencontrer
Je sortis de ce café célèbre en vain car je ne vis personne sur les chemins que j'inventai
Il s'en fallut de peu que je m'écroule
au pied de ma propre statue
qui sans un geste se déplace dans mes liens.
16 octobre 1956
à
M.Wilmart
Je rêvais de cette orpheline qui ne cherche pas de parents mais le baiser de l'invisible
à la fille pure qui sait d'intuition primesautière que l'amour est chose divine
à la fillette incomparable
qui toujours peut se mettre nue
sur les falaises inconnues
16 décembre 1956
à
Barthe
Dubail
Le verbe « réussir »
qui faisait rire les microbes
éternuer les mouches
se gratter les oiseaux
et cracher les poissons
et s'éteindre les lucioles
dans un golfe de l'Insulinde.
22 décembre 1956
De vie et mort naturelles L'HEURE
EXACTE
C'était la nuit
l'incomparable
c'était la haute solitude
comme si j'avais été encore
dans le ventre qui m'a créé
m'etreignant dans la totalité
de sa poitrine invulnérable
Septembre 1961
Empreintes
à
Freddy
Plongin
Toujours on marche dans ses pas
que ce soit dans les sables blonds
dans les glorieuses boues dans les cendres
de son destin toujours on marche dans ses pas
Sur ce trajet tracé dans l'invisible point de
chat gris à gauche point d'hirondelle à droite
point de hibou de la minuit point de souris
de la seigneurie pour cet enfant parfait
qui peut-être dans deux mille ans va vous tendre la main
Et toi tu marches dans tes pas
déjà tu concrétises tous les demains
avec tous les hommes de l'univers
portant ton cœur ouvert
portant ta croix brûlante
exhalant le parfum d'une fervente peine
En toi et au-delà de toi
tu déambules dans les pas de tes pas
sous le double signe étonnant
de la présence et de l'absence
dans les nuances d'un phénomène
à prendre et à laisser tomber
dans une faille d'éternité
comme une goutte de lumière
14 décembre 1961
Mission secrète
à
Jean
Voss
La neige la neige les neiges
la neige nue
la neige polluée
la neige rouge
la neige des cicatrices
la neige noire
la neige violette
la neige désabusée
celle des avalanches
et celle des adieux
la neige de la neige
ma neige qui n'est jamais blanche
dans le soutien-gorge mauve
de cette femme désespérée
où se cache le talisman
5 décembre 1961
Mon
à
Jacques
Manon
Et voilà que je crois être u
ne rose des vents et que je suis le
vent et que je suis la rose et
que je suis l'espace
Voilà que je suis aussi ouvert qu'une plaie
qui porte en elle
toutes les infections d'amour
toutes les décoctions d'absence
Mais tuez-moi donc
Redoutez de me voir en liberté
puisque je suis la liberté
aux cartouches de silence noir
puisque je suis un pavé de cette barricade
qui pleure un blasphème de neige
17 décembre 1961
Facture
à
Urbain
Herregots
Qu'il fera bon vivre lorsque nous serons mort
que nous reposerons
dans je ne sais quel trou troué du vieux
Cosmos
bien refroidi
bien étendu
dans la noire volupté de n'être plus
avec la pierre du silence absolu
posée sur notre langue
qu'il ne faudra plus jamais retourner
sept fois dans notre bouche
pour dire ou ne pas dire la vérité acquise
puisque la notion de vérité
n'emportera plus de signification
que tous les dieux auront cessé d'être le verbe
que l'épine plantée jadis dans notre cœur
n'entraînera plus le moindre cri
capable de troubler encore
la préséance du néant
6 janvier 1962
Cérémonial
à
Serge
Vandercam
Quand on meurt il arrive
c'est au centre de son corps
c'est au sein de son âme
c'est au pied de sa statue
dans la poussière armoriée du silence
Lorsque l'on meurt en soi
l'invisible s'en vient
surgit de l'au-delà
prend possession des lieux
dépose quelquefois
une aile de libellule
sur nos lèvres fermées
allume un cierge blanc
dans la chambre muette
du côté de l'aurore inconnue
effeuille une rose nocturne
en prononçant pour chacun des pétales
une lettre de notre nom
que nos parents ces inconnus
ont dénoncé au démon de l'angoisse
6 février 1963 heures
Raison
à
Hélène
Locoge
J'étais venu pour planter ma présence
comme un stylet
dans la poitrine du malheur
j'étais venu
pour parfumer la dentelle des fées
pour capter le regard angoissé d'un ami
pour laver les dents de la métaphysique
pour peigner le silence
sur les épaules de la nuit
pour isoler le grain de sable
et me confondre en lui
et vous restituer aux grandes origines
pour penser longuement à l'âme du futur
à la structure du désir
à l'immanence du secret qui rode la matière
Exhortation
à
Christiane
Bêcher
Croyez-m'en bien mon vieil ami
on a coupé mes ailes
on a brouillé mon ciel
on a miné la terre sous mes pas d'espérance
on a tué mon ange
on a brûlé mon âme
on a drogué mon cœur
on a sali mon rêve
on a déchiré mon beau costume
dans une bagarre d'ivrognes spirituels
Croyez-m'en bien mon cher ami je m'amène chez vous dans un état très lamentable
Voulez-vous bien me recueillir
pour une nuit
le temps de recharger
soigneusement
mes armes
celles de la colère de la révolte et de l'amour
Juillet 1962
Identite
à
André
Breton
Je suis je suis je suis ce que je ne sais pas
un ustensile de comparaisons
pour tamiser les vieux proverbes
à l'heure où l'aube blanche s'écroule en larmes
je suis un vieux péché de gloire morte
posé très délicatement
ainsi qu'une émeraude de naissance
sur la falaise des coïncidences
je suis un acrobate de fortune
qui termine son numéro
dans l'exacte nuance du dérisoire
une guitare qu'une vierge démantèle
dans une crise folle de chasteté
je suis ce qui n'a pas d'importance
qui se confond avec l'image en filigrane
d'une future vérité dès à présent défigurée
je suis un nœud de cette corde
qui traîne dans le champ
que demain vous pourriez découvrir
explorer sur les échasses de l'angoisse
je suis cet argument que l'on emploie
quand on veut se crucifier
la couverture que l'on cherche
pour se coucher frileusement
dans un ultime témoignage
le parfum d'un atome devenu vertueux
l'aile d'un caillou qui cherche son amant
je suis aval de votre damnation
et la source qui naît de l'âme d'un volcan.
Je suis à la rigueur aussi le visage voilé
un tout petit lambeau de
Christ
bien maladroit d'outre-mémoire
ainsi que vous voyez parfois
le cadavre d'un bel insecte
dans une toile d'araignée
dans l'aube violette
en la chapelle des quatre vents
tout au pied de la colline de votre enfance
Je suis un grand seigneur du domaine maudit
le magicien parfait de l'innocence noire
l'enfant déshérité qui n'aurait pas dû naître
l'homme vieux qui lutine une sévère mort
le magistrat secret des hautes hérésies
pour celte époque où
Dieu lissait ses plumes d
le souteneur désabusé qui se suicide
dans son bouge de vérité
la chaîne du forçat dans le mythe d'Antcc
la créance d'un saint sur le sein d'une fée
l'agenda d'un oiseau nourrissant ses petits
la perte blanche et pure d'un grand iconoclaste
l'indésirable perle en la neige perdue
je suis un grand seigneur du domaine des nues
Je suis le grand seigneur d'un orage latent
l'indicible souhait d'une orange d'amour
frappée de par l'éclair éblouissant
je suis le piétinement gris
d'une colonne de fourmis qui s'expatrient
l'argument de
Zenon dans les ruines d'Êlée
le linceul étoile des réincarnations
le souterrain secret fouillant le
Golgotha
le fabricant menu de sarcophages bleus
le croisé du silence en la gnose de feu
le pont-lcvis baissé sur la terre sans maître
le sténographe pur du murmure océan
je suis un grand seigneur au domaine du temps
Je suis un grand seigneur au domaine du rêve le beau cercle vicieux qui devient un cerceau pour l'enfant
dépouillé au cartable d'azur le bagnard endormi qui charme les oiseaux l'anachorète nu aiguisant des
idées pour coudre le manteau de la femme damnée le critère parfait de l'indéterminé comme la plume au
vent égratignant l'été le coucher du soleil sur les seins de
Ninive le corsage échancré de la psychanalyse la côte du
Gabon par un torride été la chandelle de cire près du litre de lait le serment arraché aux lèvres de la fièvre
je suis un grand seigneur au domaine du rêve
Je suis un grand seigneur de l'osmose totale l'incombustible don de la source enchantée la fibre du
bambou qui découvre le ciel la robe de silex abreuvé de patience le cil purifié d'une pauvre
Marie le calligramme d'or de l'aveugle trahi l'échansin du futur pour la gourde du temps je suis le grand
seigneur de l'ivresse d'antan
Je suis le grand seigneur d'une légende nue un gémeau allaité par la reine d'amour le truand de l'adieu
sans esprit de retour
la clepsydre épuisée de mesurer
le temps la coupe de cristal et de hiérarchie par mon souci sur
le marbre brisée
la colonne d'Hercule en habit de clochard
la sentence d'un nain dans
le temple du soir
le crachat d'un apôtre en terre de
Judée
le testament d'un roi qui a donné ses terres
je suis un grand seigneur du sang de l'éphémère
20 janvier 1963
Exploration
à
Walthère
Meurens
Il m'était advenu explorant mes cavernes
de devenir à mon insu
le métaphysique propriétaire
d'une montre au remontoir miraculeux
dont les aiguilles tournaient
de droite à gauche
avec une exemplaire exactitude
tournaient de droite à gauche
contrairement à l'usage établi
contrairement aussi vous l'avez soupçonné
bien naturellement
au sillage insolent du soleil en l'azur
Grâce à cette montre incomparable
je possédais la redoutable faculté
de fréquenter les morts
de jouer un poker avec de vieux fantômes
de visiter les catacombes
de fréquenter les hypogées
de détecter le tombeau des prophètes
de déchiffrer les langues inconnues
de cerner de mon cœur la grande pyramide
de remonter dans leur mémoire
le cours exact de l'Euphrate et du
Nil
bien avant
Ur ou
Babylone
d'imprégner de mon ombre
éternelle l'éternelle poussière
Grâce à cette montre miraculeuse
je possédais l'étrange faculté d'épingler la
seconde présente sur la mémoire
du papillon géant dont l'aile gauche
figurait un cancer dont l'aile droite
un camaïeu illustrait l'immanence du
Christ
23 mai 1963
Juste
à
Freddy
Plongin et
Max
Michotte
II s'agissait d'une clepsydre gigantesque
d'une clepsydre magique
qui sans fatigue aucune
mesurait cent mille ans d'histoire humaine
Il s'agissait d'une clepsydre unique
dont chaque goutte d'eau était conscience
souffrance était
était voyance
dont chaque larme alimentaire était
mille litres de sang humain coagulé
sans parler de celui des oiseaux
des poissons et des mammifères
Il s'agissait d'une clepsydre métaphorique
d'une incroyable soif
que de mon cœur infatigable noria
que de mes mains pensives
manipulant les astres et des désastres
j'avais construite solitaire et puissant
dans l'empire de mon
Sahara
dans l'Atlantide redécouverte
de mes planètes d'horoscope
Il s'agissait d'une clepsydre à l'échelon sacré
que d'une seule pensée accréditée
que d'un seul geste ayant tranché sa main
je pouvais transformer au gré de ma conscience
en fusée métaphysique
à ogive inconditionnelle
susceptible de percer
le misérable rideau mité
de la science du bien et du mal
Et à l'exemple de
Benjamin
Peret le pur
je fis le geste nécessaire
et je pus voir se détachant du ciel
tomber sur la plaine immense du silence
semblable à une fine pluie d'automne
pour la fertilité du grand désert
le cadavre de
Dieu redevenu poussière
29 mai 1963
C'est ainsi
à
Jean
Bastin
Il est certain que quelque chose existe
est
tendant à nous nier
nous dépassant
et qui en nous se réalise
et qui se justifie
dans la naissance d'un poète
et dans sa mort
dans un petit village
au fond de la brousse spirituelle
II est certain que je vous aime
comme un enfant
ayant perdu sa mère à l'âge du secret
que vous auriez recueilli
après une tornade
dans un îlot de la dévastation
que vous auriez recueilli
ainsi qu'une émeraude
tombée du diadème de l'absolu
27 octobre 1963
Adjuge
C'est au café du
Bassin .
à cent pas de chez moi
que je tiens les propos sévères
d'une inhumaine vérité
que j'écris des poèmes criés
sur une table d'infortune
c'est là que je fuis mes fantômes
que je retarde
jusqu'au plus profond de la nuit
le dramatique cri
de ma clé introduite
dans la serrure de la maison qui pleure
Souvent ce sont les éléphants
qui veulent bien communiquer
à mes oreilles attentives
les grands secrets de la savane
ce sont les braves éléphants
à la bonne et fidèle mémoire
ils adorent les anecdotes
ils viennent tout me raconter
et le secret des autres bêtes
et celui des sorciers velus
et celui de la négresse nue
qui s'est dressée sous l'Equateur
criant la nuit dans l'énorme silence :
je suis la femme que les dieux en devenir
ont pénétrée de leur sexe géant
pour que ton cœur soit dans mon cœur
pour que tout s'accomplisse dans la douleur
30 décembre 1961.
L'agenda d'émeraude
à
Edmond
Kinds
Rongé par des insectes singuliers
qui s'en étaient venus
comme de l'au-delà
j'allais sans un effort légèrement
mourir dans le calice d'une rose
à
Michel
Focke
L'anachorète qui mangeait
les rayons de la lune était
maigre comme le clou où nous
avions pendu notre veston de contingences
à
Marcel
Parfondry
Du côté de
Tibériade
si je l'avais connu
j'aurais fait le treizième apôtre
dérobant une orange au jardin de Judée
à
Achille
Bêchet
L'oiseau me regardant de par ma main ouvrit sa cage
Il m'avait dit dans un murmure
tu es le seul complice à portée de mes ailes
J'ai mesuré l'éternité
par le temps même dont il usa
à se perdre dans le feuillage
6 avril 1957
à
Pierre
Alechinsky
Les aphorismes étaient plus nus
que couteaux d'or
tranchant le pain de notre vie
6 mai 1957
à
Jane
Graverol
Un oiseau bleu a dégrafe le corsage de la bien-aimée
11 a donné un léger coup de bec sur chacun de ses seins
J'ai posé mon plus ancien baiser sur les blessures minuscules
19 juillet 1957
à moi-même
Je finirai par faire acte d'amour
avec n'importe quoi
avec des arbres des cactus ou des oiseaux
j'aurai perdu toute inquiétude
et je serai livré à l'univers
à ses espaces paumes ouvertes
comme si j'étais une hirondelle
ou le sexe du vent d'automne
Je serai un graffito d'enfant perdu
sur un vieux mur dans le campo d'Albacété
25 novembre 1957
Je me de de
Je me vermine
je me métaphysique
je me termite
je m'albumine
je me métamorphose
je me métempsychose
me dilapide
je n'en aurai jamais fini
Je me reprends
je me dévore
je me sournoise
je me cloaque et m'analyse
je me de de
je m'altruise
je deviens mon altcr ego
je me cache sous les couvertures
je transpire l'angoisse
je vais crever madame la marquise
Pour bien mourir
Commettre une incartade
deux incartades cent incartades
Les systématiser à notre image
à notre ressemblance
pour notre fin dernière
Se trouver à l'index en soi
d'une manière souveraine
de par son sang spirituel et sain
Payer son minerval humain
réhabiliter la notion de divin
avoir ainsi droit de cité dans l'ombre
Tendre la main aux âmes incurables
mettre de l'ordre un peu
dans l'univers des inclassifiables
Suggérer la vertu comme un
glaive brisé à un prix que très peu
peuvent lui consentir être plébiscité
par de vieux souvenirs
Depuis toujours - Poéme Quand je commence à sentir
un peu le vieux parfum de
Chypre je sais qu'un très
grave danger qu'une catastrophe
de très haute sentence menace
mes origines de sainteté
Et je respire mon parfum
je sens que je vais violer
toutes les vierges interdites
je sens qu'en imagination
j'avance à pas de chat sauvage
vers le sexe secret de la
Vierge
Marie
J'en éprouve profondément le
sentiment définitif que je signe ma damnation
Avant jamais je n'eusse osé le faire
Et voilà que soudain la
Vierge est nue
en moi
dépouillée à jamais
de tout bijou de pacotille
de tout voile inutile
de tout rideau dissimulant mon acte
Et je fais l'amour avec
Elle
au grand jour au grand soleil
devant
Dieu lui-même
au-delà de toute éternité
pour que naissent toujours
de nouveaux
Christs
de nouveaux serments
de roses rouges et noires et bleues
aux pétales de diamants
aux étamines d'étreinte souveraine
pour m'effacer irrévocablement
dans ses entrailles de miséricorde
Le débutant - Poéme Le
Christ pour sa maman comme
dans un nuage était allé chercher
du bon pain blanc chez le boulanger
du village
Il faisait faim à la maison
Joseph pressurait un citron
En s'égarant au jeu dans les ruelles le
Christ perdit du temps de temps il
perdit même son petit argent
Alors il fut acculé comme un mage
à faire son premier miracle
et put rentrer à la maison la tête haute
avec une merveilleuse tarte aux prunes
qu'il avait dérobée
dans le corsage de la lune
Nuages - Poéme Le vent travaille les nuages
dans la grande ignorance sacrée
de tout ce qui pourra en advenir
Et la parole est aux nuages :
et falaise et visage et continent perdu
et colombe de paix survolant les vestiges
et femmes aux croupes voluptueuses
immenses déchirures
incroyable empoignade de formes
enlassement vertigineux de corps
mouvances des désirs
triomphe du péché qui se veut solitaire
appas aux fugitives vérités
au langage furtif
aux certitudes imaginaires
aux lambeaux indécis d'une ancienne patrie
aux sillages opalins en l'océan du rêve
Et toi qui ne crois plus en rien
qui pleures
prenant ombrage de tes pleurs
regarde une dernière fois
avant que de mourir
dans les nuages
le château merveilleux de ton premier amour
A tous les échelons secrets de mes
escapades spirituelles toujours le
même nom
d'André cogne à la vitre de ma destinée
André
Lorent le colonel
André
Breton le mage
André de
Balthazar
André
Tillicu la neige
André
Miguel aux lèvres nues
Je ne pourrai jamais oublier ce prénom quel que soit
mon radeau de misère dans une
hypothétique éternité
Au demeurant - Poéme
Un jour je n'entrerai pas à l'Académie.
L'Evangile selon
Saint
Truc.
Il ne faut jamais ternir sa mauvaise réputation.