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PORPHYRE L’ANTRE DES NYMPHES [1] Ὅτι ποτὲ Ὁμήρῳ αἰνίττεται τὸ ἐν Ἰθάκῃ ἄντρον, ὃ διὰ τῶν ἐπῶν τούτων διαγράφει λέγων· Αὐτὰρ ἐπὶ κρατὸς λιμένος τανύφυλλος ἐλαίη, ἀγχόθι δ´ αὐτῆς ἄντρον ἐπήρατον ἠεροειδές, ἱρὸν νυμφάων αἳ νηιάδες καλέονται. Ἐν τῷ κρητῆρές τε καὶ ἀμφιφορῆες ἔασι λάινοι· ἔνθα δ´ ἔπειτα τιθαιβώσσουσι μέλισσαι. Ἐν δ´ ἱστοὶ λίθεοι περιμήκεες, ἔνθα τε νύμφαι φάρε´ ὑφαίνουσιν ἁλιπόρφυρα, θαῦμα ἰδέσθαι· ἐν δ´ ὕδατ´ ἀενάοντα. Δύω δέ τέ οἱ θύραι εἰσίν, αἱ μὲν πρὸς βορέαο καταβαταὶ ἀνθρώποισιν, αἱ δ´ αὖ πρὸς νότου εἰσὶ θεώτεραι· οὐδέ τι κείνῃ ἄνδρες ἐσέρχονται, ἀλλ´ ἀθανάτων ὁδός ἐστιν. [2] Ὅτι μὲν οὐ καθ´ ἱστορίαν παρειληφὼς μνήμην τῶν παραδοθέντων πεποίηται, δηλοῦσιν οἱ τὰς περιηγήσεις τῆς νήσου γράψαντες, οὐδενὸς τοιούτου κατὰ τὴν νῆσον ἄντρου μνησθέντες, ὡς φησὶ Κρόνιος· ὅτι δὲ κατὰ ποιητικὴν ἐξουσίαν πλάσσων ἄντρον ἀπίθανος ἦν, εἰ τὸ προστυχὸν καὶ ὡς ἔτυχε πλάσας πείσειν ἤλπισεν ὡς ἐν τῇ Ἰθακησίᾳ γῇ ἀνήρ τις ἐτεχνήσατο ὁδοὺς τοῖς ἀνθρώποις καὶ θεοῖς, ἢ εἰ μὴ ἄνθρωπος, ἀλλ´ ἡ φύσις αὐτόθεν ἀπέδειξε κάθοδόν τε ἀνθρώποις πᾶσι καὶ πάλιν ἄλλην ὁδὸν τοῖς πᾶσι θεοῖς, δῆλον. Ἀνθρώπων γὰρ καὶ θεῶν ὁ πᾶς μὲν πλήρης κόσμος, τὸ δὲ Ἰθακήσιον ἄντρον πόρρω καθέστηκε τοῦ πείθειν ἐν αὐτῷ κατάβασιν εἶναι τῶν ἀνθρώπων καὶ ἀνάβασιν τῶν θεῶν. [3] Τοιαῦτα τοίνυν ὁ Κρόνιος προειπὼν φησὶν ἔκδηλον εἶναι οὐ τοῖς σοφοῖς μόνον, ἀλλὰ καὶ τοῖς ἰδιώταις ἀλληγορεῖν τι καὶ αἰνίττεσθαι διὰ τούτων τὸν ποιητήν, πολυπραγμονεῖν ἀναγκάζοντα τίς μὲν ἀνθρώπων πύλη, τίς δὲ θεῶν, καὶ τί βούλεται τὸ ἄντρον τοῦτο τὸ δίθυρον, ἱερὸν μὲν νυμφῶν

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PORPHYRE L’ANTRE DES NYMPHES [1] Ὅτι ποτὲ Ὁμήρῳ αἰνίττεται τὸ ἐν Ἰθάκῃ ἄντρον, ὃ διὰ τῶν ἐπῶν τούτων διαγράφει λέγων·Αὐτὰρ ἐπὶ κρατὸς λιμένος τανύφυλλος ἐλαίη,ἀγχόθι δ´ αὐτῆς ἄντρον ἐπήρατον ἠεροειδές,ἱρὸν νυμφάων αἳ νηιάδες καλέονται.Ἐν τῷ κρητῆρές τε καὶ ἀμφιφορῆες ἔασιλάινοι· ἔνθα δ´ ἔπειτα τιθαιβώσσουσι μέλισσαι.Ἐν δ´ ἱστοὶ λίθεοι περιμήκεες, ἔνθα τε νύμφαιφάρε´ ὑφαίνουσιν ἁλιπόρφυρα, θαῦμα ἰδέσθαι·ἐν δ´ ὕδατ´ ἀενάοντα. Δύω δέ τέ οἱ θύραι εἰσίν,αἱ μὲν πρὸς βορέαο καταβαταὶ ἀνθρώποισιν,αἱ δ´ αὖ πρὸς νότου εἰσὶ θεώτεραι· οὐδέ τι κείνῃἄνδρες ἐσέρχονται, ἀλλ´ ἀθανάτων ὁδός ἐστιν.[2] Ὅτι μὲν οὐ καθ´ ἱστορίαν παρειληφὼς μνήμην τῶν παραδοθέντων πεποίηται, δηλοῦσιν οἱ τὰς περιηγήσεις τῆς νήσου γράψαντες, οὐδενὸς τοιούτου κατὰ τὴν νῆσον ἄντρου μνησθέντες, ὡς φησὶ Κρόνιος· ὅτι δὲ κατὰ ποιητικὴν ἐξουσίαν πλάσσων ἄντρον ἀπίθανος ἦν, εἰ τὸ προστυχὸν καὶ ὡς ἔτυχε πλάσας πείσειν ἤλπισεν ὡς ἐν τῇ Ἰθακησίᾳ γῇ ἀνήρ τις ἐτεχνήσατο ὁδοὺς τοῖς ἀνθρώποις καὶ θεοῖς, ἢ εἰ μὴ ἄνθρωπος, ἀλλ´ ἡ φύσις αὐτόθεν ἀπέδειξε κάθοδόν τε ἀνθρώποις πᾶσι καὶ πάλιν ἄλλην ὁδὸν τοῖς πᾶσι θεοῖς, δῆλον. Ἀνθρώπων γὰρ καὶ θεῶν ὁ πᾶς μὲν πλήρης κόσμος, τὸ δὲ Ἰθακήσιον ἄντρον πόρρω καθέστηκε τοῦ πείθειν ἐν αὐτῷ κατάβασιν εἶναι τῶν ἀνθρώπων καὶ ἀνάβασιν τῶν θεῶν.

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PORPHYRE

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LANTRE DES NYMPHES

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. [1] Ce qu'Homre veut faire entendre par l'antre d'Ithaque qu'il dcrit en ces vers :

A la tte du port se dresse un olivier aux longues feuilles.

Tout ct il y a un antre agrable et sombre

Consacr aux Nymphes que lon nomme Naades,

Au dedans sont des cratres et des amphores

De pierre, ou les abeilles construisent leurs rayons ;

Il y a aussi de trs longs mtiers de pierre, sur lesquels les Nymphes

Tissent des toiles teintes de pourpre merveilleuses voir ;

L encore coulent des eaux continuelles ; et il y a deux entres :

L'une, au nord, laisse descendre les hommes ;

L'autre, au midi, plus divine, et par elle

Les hommes n'entrent pas, mais c'est la route des immortels

[2] Ce n'est pas dans les rcits des historiens qu'Homre a pris ce qu'il raconte ; les auteurs qui ont dcrit l'le en sont la preuve ; car aucun d'eux n'a fait mention de l'antre, ainsi que le remarque Cronius. D'autre part, si l'antre tait une action potique, il serait invraisemblable qu'un pote ait espr faire croire l'aide d'une fable arbitraire et ourdie capricieusement qu'un mortel et tabli sur la terre d'Ithaque des routes pour les hommes et les dieux, ou qu' dfaut d'un mortel, la nature et trac un chemin par o descendraient tous les hommes et un antre par o monteraient tous les dieux. Car le monde entier est plein d'hommes et de dieux et nous ne sommes pas prs de nous laisser persuader que dans l'antre d'Ithaque les hommes descendent et les dieux montent.

[3] Ayant fait ces remarques Cronius dit que non seulement pour les sages mais aussi pour la foule, il est bien vident que le pote s'exprime dans ces vers d'une faon allgorique et figure, ce qui nous oblige rechercher quelle est la porte des hommes et la porte des dieux et ce que signifie cet antre dit l'Antre des Nymphes avec sa double entre, cet antre la fois agrable et sombre, tandis que ce qui est sombre n'est d'ordinaire aucunement agrable mais plutt effrayant. Pourquoi en outre Homre ne dit-il pas simplement : ddi aux Nymphes, mais par une attribution trs prcise, celles que lon nomme Naades ? Que signifient les cratres et les amphores o lon ne dit pas qu'aucun breuvage soit vers, mais o les abeilles construisent leurs rayons comme dans des roches ? Puis ce sont les mtiers trs longs placs pour les Nymphes ; mais pourquoi ne sont-ils pas faits de bois ou d'une autre matire, mais de pierre comme les amphores et les cratres ? Cela il est vrai est moins obscur que le reste ; mais sur des mtiers de pierre les Nymphes tissent des toiles teintes de pourpre, ce qui n'est pas merveilleux seulement voir, mais encore entendre. Comment croire en effet que des desses tissent des vtements teints de pourpre dans un antre obscur sur des mtiers de pierre, surtout lorsqu'on lit qu'on peut voir ces toffes tisses par les desses et la pourpre dont elles sont teintes. Ajoutez ce trait tonnant que l'antre a une double entre, lune pour la descente des hommes, l'autre pour l'ascension des dieux, et que l'entre des hommes est tourne vers le nord et l'entre des dieux vers le midi. La difficult n'est pas petite de comprendre pour quelle raison Homre a assign le nord aux hommes et le midi aux dieux et pourquoi il ne s'est pas plutt servi du levant et du couchant ; car dans presque tous les temples les statues et les portes sont orientes au levant et ceux qui y pntrent regardent le couchant, lorsque, face aux statues, ils apportent aux dieux leurs prires et leurs soins.

[4] Le rcit d'Homre tant rempli de telles obscurits, il n'y faut pas voir une fable capricieusement imagine pour divertir l'esprit et il ne contient pas davantage la description d'un lieu rel, mais c'est bien une allgorie du pote qui a plac mystiquement aussi un olivier prs de l grotte. Dcouvrir et expliquer le sens de tous les traits allgoriques d'un rcit parut une tche malaise aux anciens et nous aussi qui aprs eux tentons l'interprtation. Aussi semble-t-il que ceux-l ngligent la vrit gographique qui considrent comme une pure fiction du pote l'antre et tout ce qui en est racont. Les gographes les meilleurs et les plus exacts pensent autrement : Artmidore d'phse crit dans le cinquime livre de son uvre divise en onze livres : En allant de Panorme, port de Cphalonie, vers le levant, une distance de douze stades se troupe lle d'Ithaque, longue de quatre-vingt-cinq stades, troite et leve ; elle a un port appel Phorkyn et sur le rivage, il y a un antre consacr aux Nymphes o l'on rapporte que les Phaciens laissrent Ulysse. Ainsi tout n'aurait pas t invent par Homre. Mais que son rcit reproduise la ralit ou qu'il y ajoute quelques traits les mmes questions subsistent pour celui qui recherche quel fut le dessein des hommes qui consacrrent l'antre ou du pote qui l'aurait imagin : car les anciens ne consacrrent point de temples sans symboles mythiques et sur ce sujet Homre ne raconte rien au hasard. Plus on s'appliquera montrer que tout ce qui se rapporte l'antre n'a pas t imagin par Homre et que l'antre avant le pote tait dj ddi aux dieux, plus ce lieu sacr apparatra plein de la sagesse antique. C'est pourquoi il vaut la peine et il est ncessaire d'en expliquer la conscration symbolique.

[5] Les anciens consacraient avec raison les antres et les cavernes au monde pris dans sa totalit ou dans ses parties : c'tait chez eux une croyance traditionnelle que la terre symbolise la matire dont le monde est fait ; c'est pourquoi certains ont pens que l aussi par la terre il fallait entendre la matire. Par les antres les anciens signifiaient le monde compos de matire ; en effet, la plupart du temps les antres ont une existence spontane, ils font corps avec la terre et sont pris dans une roche uniforme dont l'intrieur est creux et dont l'extrieur s'ouvre sur l'espace sans bornes de la terre. Le monde aussi est n spontanment, participant la matire il est li troitement celle-ci qui est dsigne mystrieusement par la pierre et la roche parce qu'elle est brute et qu'elle rsiste la dtermination ; et parce qu'elle est informe on la regardait comme infinie. Mais comme elle est fluide et n'a pas la forme qui dtermine les choses et les rend visibles, on a pris justement l'abondance des eaux et l'humidit des antres, leurs tnbres et, comme dit le pote, leur obscurit pour symbole de tout ce qui est dans le monde cause de la matire.

[6] C'est donc cause de la matire que le monde y est obscur et tnbreux ; mais par la forme qui s'y ajoute et l'ordonne (c'est pour cela qu'on le nomme ) il devient beau et agrable. C'est avec raison que l'antre est appel agrable, il est tel au premier abord parce qu'il participe aux formes, puis obscur si l'on rflchit ses profondeurs et si on y pntre en esprit. Ainsi l'extrieur en est superficiellement agrable et l'intrieur et les profondeurs en sont obscurs. Pareillement, les Perses dans la crmonie d'initiation au mystre de la descente des mes et de leur rgression donnent le nom de caverne au lieu o s'accomplit l'initiation. Selon Euboulos, Zoroastre le premier, sur les montagnes voisines de la Perse consacra en l'honneur de Mithra, crateur et pre de toutes choses, un antre naturel, arros par des sources, couvert de fleurs et de feuillages. Cet antre reprsentait la forme du monde cr par Mithra et les choses qui y taient disposes des intervalles rguliers symbolisaient les lments cosmiques et les climats. Aprs Zoroastre, l'usage persista d'accomplir les crmonies de l'initiation dans des antres et des cavernes soit naturels soit creuss de main d'hommes. Car de mme que lon consacrait aux dieux olympiens des temples, des sanctuaires et des autels, des stles aux dieux terrestres et aux hros, des fosses et des trous aux dieux souterrains ; de mme on ddiait au monde des antres et des cavernes ainsi qu'aux Nymphes cause des eaux qui tombent goutte goutte et jaillissent dans les antres et auxquelles prsident les Naades, comme nous le dirons bientt.

[7] On ne considrait pas seulement l'antre comme un symbole du monde sensible, ainsi que je viens de le dire, mais aussi de toutes les forces caches de la nature ; car les antres sont obscurs et l'essence de ces forces est mystrieuse. Et de mme que Saturne s'amnage un antre dans l'Ocan et y cache ses enfants, de mme Crs lve Proserpine dans un antre parmi des Nymphes. On trouverait beaucoup d'autres exemples analogues en parcourant les crits des thologiens.

[8] Que les antres aient t ddis aux Nymphes et particulirement aux Naades qui habitent prs des sources et qui tirent leur nom des eaux d'o elles prennent leur cours, c'est ce que montre l'hymne Apollon, o il est dit :

Pour toi les sources des eaux spirituelles

Coulent perptuellement dans les antres,

Nourries par le souffle de la terre, pour les Oracles,

Divins de la Muse ; et sur la terre

Coulant de tous cts

Elles offrent aux mortels de leurs douces eaux

Les continuelles effusions.

S'inspirant, il me semble, de ces croyances, les Pythagoriciens et aprs eux Platon, appelrent le monde un antre et une caverne. Dans Empdocle les puissances conductrices des mes disent :

Nous sommes arrivs dans l'antre cach.

Et dans Platon au livre VII de la Rpublique il est dit : Voici les hommes comme dans un souterrain et dans une demeure pareille une caverne, avec une entre largement ouverte du ct de la lumire dans toute la caverne . Alors l'interlocuteur disait : Tu te sers d'une comparaison absurde . L'autre ajoute : il faut donc, mon cher Glaucus, que je l'accommode de tous points ce que nous avons dit auparavant. La demeure que nous avons sous les yeux ressemble une prison et le feu qui y brille a la puissance du soleil.

[9] Cela prouve que les thologiens ont pris les antres pour symbole du monde et des forces qu'il renferme, mais, jen ai fait la remarque, ils les ont pris aussi pour symbole de l'essence intelligible pour diverses raisons qui ne sont pas les mmes ; car les antres figurent le monde sensible, parce qu'ils sont obscurs, rocheux et humides et que le monde, cause de la matire dont il est compos, est rfractaire la dtermination et fluide. Mais ils symbolisent aussi le monde intelligible parce que l'essence est invisible, permanente et fixe. Pareillement, les forces particulires sont obscures pour les sens, surtout lorsqu'elles sont unies la matire. Car c'est en considrant qu'ils sont naturels, sombres comme la nuit et creuss dans la pierre, que lon a fait des antres des symboles, et point du tout en considration de leur forme ainsi que le croyaient certains ; tous les antres en effet ne sont pas sphriques comme l'antre d'Homre avec ses deux portes.

[10] L'antre tant double ne reprsentait pas seulement l'essence intelligible, mais encore la nature sensible ; et celui dont il est question maintenant, parce qu'il contient des eaux intarissables, ne symbolise pas l'essence intelligible mais lessence unie la matire. Pour cette raison il n'est pas consacr aux Nymphes Orestiades (des montagnes), ni aux Nymphes Acrennes (des sommets), mais aux Naades qui tirent leur nom des sources. Nous nommons proprement Naades, les Nymphes qui prsident aux forces des eaux, mais on appelait de ce nom toutes les mes qui descendaient dans la gnration. On pensait en effet que les mes se tiennent auprs de l'eau visite par le souffle divin ; c'est ce que dit Numnius expliquant ainsi la parole du prophte : L'esprit de Dieu tait port sur les eaux . Pour cette raison aussi les gyptiens ne plaaient pas tous les daimones sur un lment solide et stable, mais ils les situaient tous sur un navire, mme le soleil et tous ceux en un mot qui doivent assister au vol, sur l'lment humide, des mes qui descendent dans la gnration. De l la parole d'Hraclite : Ce n'est pas mourir pour les mes de devenir humides, cest un bonheur, c'est un bonheur pour elles de tomber dans la gnration . Et ailleurs il dit encore : Vivre pour elles c'est mourir et ce que nous appelons la mort c'est pour elles la vie. Aussi le pote appelle-t-il c'est--dire trais, les hommes qui vivent dans le monde de la gnration parce qu'ils ont des mes humides. En effet ces mes aiment le sang et la semence humaine et l'eau sert d'aliment aux plantes.

[11] Certains affirment que les habitants de l'air et du ciel se nourrissent des vapeurs manes des sources et des fleuves, ainsi que d'autres exhalaisons. Les philosophes du Portique ont cru que le soleil tirait sa nourriture des exhalaisons de la mer ; la lune, des vapeurs des sources et des fleuves et les astres de celles de la terre. Ainsi le soleil, la lune et les toiles seraient des flambeaux spirituels issus de la mer, des eaux des fleuves et de la terre. Ncessairement donc, les mes sont ou corporelles ou incorporelles et elles attirent les corps ; et surtout celles qui doivent tre unies au sang et un corps humide ont du penchant pour le principe humide et s'incarnent charges d'humidit. C'est pourquoi on voque les mes des morts avec des libations de bile et de sang et aussi que les mes amies du corps attirant elles le souffle humide le condensent comme un nuage. Car l'eau condense en vapeur produit un nuage, et le souffle se condensant dans les mes par l'excessive abondance d'humidit, ces mes deviennent visibles. De ce nombre sont celles dont le souffle est souill et qui apparaissent aux hommes sons la forme de spectres. Mais les mes pures se dtournent de la gnration. Aussi Hraclite : L'me sche est la plus sage. C'est pour cela aussi que le dsir du cot rend le souffle mouill et plus humide parce que l'me qui incline la gnration attire la vapeur humide.

[12] Les Naades sont donc les mes qui se portent vers la gnration. Aussi, a-t-on coutume d'appeler : Nymphes les jeunes filles qui se marient, parce qu'elles s'unissent en vue de la gnration, et de les baigner avec l'eau des fontaines, des ruisseaux et des sources qui ne tarissent pas. D'ailleurs pour les mes parvenues la perfection de leur nature et pour les daimones gnrateurs, le monde est sacr et agrable, bien que naturellement obscur et tnbreux ; ce qui a fait croire que ces mes taient ariennes et tiraient de l'air leur substance Ainsi le sanctuaire qui devait leur convenir sur la terre c'tait bien un antre agrable et obscur l'image du monde, o comme dans un grand temple se tiennent les mes. Aux Nymphes qui prsident aux eaux convient aussi un antre o coulent des eaux continuelles.

[13] Il faut donc attribuer l'antre dont il est question aux mes et, parmi les puissances plus particulires aux Nymphes. Celles-ci, parce qu'elles veillent sur les sources () et les fontaines (), sont appeles Pges et Naades. Quels symboles divers avons-nous donc qui conviennent les uns aux mes, les autres aux puissances des eaux, pour penser que l'antre est consacr la fois aux mes et aux Nymphes ? Assurment les cratres et les amphores symbolisent les Nymphes Hydriades. Car les amphores et les cratres tant faits d'argile, c'est--dire de terre cuite, sont les symboles de Bacchus ; en effet, ils conviennent au prsent du dieu de la vigne, puisque le fruit de la vigne est mri par le feu du Ciel.

[14] Mais les cratres et les amphores de pierre conviennent parfaitement aux Nymphes qui prsident aux eaux jaillies de la pierre. Quel symbole conviendrait mieux que les mtiers aux mes qui descendent dans la gnration et la production des corps ? Voil pourquoi le pote a os dire que sur ces mtiers les Nymphes :

Tissent des toiles teintes de pourpre admirable voir.

Car c'est dans les os et autour des os que se forme la chair. Ils sont la pierre du corps des animaux cause de leur extrme ressemblance avec la pierre. C'est pour cette raison qu'il est dit que les mtiers sont faits de pierre et non d'une autre matire. Les toiles de pourpre seraient par contre la chair faite de sang. Car les toisons de pourpre et la laine sont teintes avec le sang des animaux et la chair vient du sang et se fait avec lui. Et le corps est le vtement de l'me : spectacle merveilleux, soit qu'on en considre la composition ou l'union avec l'me. Ainsi Proserpine qui veille sur tout ce qui nat d'une semence est reprsente par Orphe tissant de la toile et les anciens comparaient le ciel un pplos parce qu'il enveloppe les dieux clestes.

[15] Mais pourquoi les amphores sont-elles pleines non d'eau mais de miel ? Car dit Homre,

Les abeilles construisent leurs rayons

, c'est manifestement et , ce qui veut dire dposer la nourriture ; or les abeilles mangent et boivent du miel. Les thologiens se sont servis du miel pour un grand nombre de symboles divers. Le miel en effet possde des proprits nombreuses ; il purifie et conserve, grce lui beaucoup de choses restent incorruptibles et des blessures anciennes sont guries par lui, il est doux goter et fait des fleurs par les abeilles qui naissent parfois des bufs. Aussi en versant sur les mains de ceux que l'on initie aux mystres lontiques, afin de les laver, du miel au lieu d'eau, on leur prescrit de garder leurs mains pures de toute action fcheuse, malfaisante et infme, et parce que le feu purifie, on offre aux mystes ces effusions spciales, l'eau tant carte comme contrariant l'action du feu. Bien plus le miel purifie la langue de toute erreur.

[16] Mais en offrant du miel au Perse gardien des rcoltes on symbolise sa fonction de gardien. C'est pour cette raison que certains ont pris pour du miel le nectar et l'ambroisie que le pote fait couler goutte goutte dans les narines des morts pour empcher la dcomposition. Car le miel est la nourriture des dieux. C'est pour cela encore qu'il appelle quelque part le nectar roux, sa couleur en effet est pareille celle du miel. Mais nous examinerons ailleurs de plus prs s'il faut entendre le miel dans le sens de nectar. Au reste, dans Orphe, Jupiter tend un pige Saturne au moyen du miel : celui-ci gorg de miel est pris d'ivresse et de vertige comme s'il avait bu du vin et s'endort ainsi que dans Platon, Poros aprs qu'il s'est gorg de nectar. Car chez Orphe la nuit dit Jupiter pour lui conseiller la ruse l'aide du miel :

Quand tu le verras sous les chnes la cime chevelue

Ivre des uvres des abeilles au bourdonnement sonore

Enchane-le,

Telle est l'aventure de Saturne : il est li et chtr comme Uranus. Le pote thologien fait entendre par l que la volupt enchane les puissances divines et les fait tomber dans la gnration et que celles-ci nerves perdent dans le plaisir une partie de leurs forces. Ainsi lorsque Uranus pouss par le dsir du cot descend sur la terre il est chtr par Saturne. Pour les thologiens la douceur du miel qui allche Saturne et le fait chtrer n'est pas autre chose que le plaisir du cot. Car Saturne le premier de ceux qui s'opposrent Uranus est aussi une sphre cleste ; et certaines forces descendent du ciel et des plantes ; mais Saturne recueille celles qui viennent du ciel et Jupiter celles qui viennent des plantes.

[17] Le miel passant pour purifier, prserver de la corruption naturelle et exciter la gnration par l'attrait du plaisir est pris juste titre pour symbole des Nymphes Hydriades parce que les eaux auxquelles prsident celles-ci sont incorruptibles, purificatrices et qu'elles aident la gnration. Car l'eau aide la gnration. Pour cette raison les abeilles construisent leurs rayons dans des cratres et des amphores. Les cratres symbolisent les sources (ainsi auprs de Mithra est plac un cratre en guise de source) et les amphores figurent les vases avec lesquels nous puisons l'eau des sources.

[18] Les sources et les fontaines conviennent aux Nymphes Hydriades et particulirement aux mes nymphes que les anciens appelaient proprement abeilles parce qu'elles sont ouvrires de plaisir. Aussi Sophocle a-t-il dit des mes sans inexactitude :

Lessaim des morts bourdonne et monte.

Les anciens donnaient encore le nom d'abeilles aux prtresses de Crs en tant qu'elles taient charges d'initier aux mystres de la desse souterraine et ils disaient Kor douce comme le miel. Ils appelaient aussi abeille la lune qui prside la gnration et d'un autre nom taureau ; car le signe du Taureau est le point d'exaltation de la lune ; et comme les abeilles naissent des bufs, on nomme Ne des bufs les mes qui vont vers la gnration et Voleur de bufs le dieu qui connat les secrets de la gnration.

On a fait aussi du miel le symbole de la mort (c'est pour cela qu'on offrait des libations de miel aux dieux souterrains) et du fiel le symbole de la vie, soit que lon voult signifier que la vie de lme prit par la volupt et renat par l'amertume (de l vient qu'on offrait du fiel aux dieux), soit que lon voult faire entendre que la mort dlivre de la douleur et que cette vie est pnible et amre.

[19] Cependant on n'appelait pas indistinctement abeilles toutes les mes qui vont vers la gnration, mais celles-l seules qui devaient vivre selon la justice et retourner ensuite leur lieu d'origine ayant accompli des uvres agrables aux dieux. Car cet animal (l'abeille) aime revenir son point de dpart et surtout il est juste et sobre : aussi appelle-t-on sobres les libations de miel. De plus les abeilles ne se posent pas sur les fves ; celles-ci taient regardes comme symbole de la gnration rectiligne et rigide parce que presque seules de tout ce qui se sme, elles sont entirement troues et non interceptes par des membranes disposes entre les nuds. Donc les rayons de miel et les abeilles taient les symboles propres et communs aux Nymphes Hydriades et aux mes qui, pareilles aux nouvelles maries, ont pour but la gnration.

[20] Ainsi dans les temps trs anciens avant linvention des temples on consacrait aux dieux les antres et les cavernes. Jupiter en avait en Crte que les Curtes lui consacrrent, la Lune et Pan Lycien en Arcadie, Bacchus Naxos, et partout o lon reconnaissait Mithra on se le conciliait en lui ddiant une caverne. Homre ne s'est pas content de dire que la grotte d'Ithaque avait deux portes, mais il a prcis que lune tait tourne du ct du nord et l'autre plus divine du ct du midi et que lon pensait descendre par la porte du nord ; mais il n'a pas indiqu si lon pouvait descendre par la porte du midi, il dit seulement que

par celle-l

Les hommes n'entrent pas mais c'est la route des immortels.

[21] Il nous faut donc maintenant rechercher ou le dessein de ceux qui consacrrent l'antre si le pote dcrit un lieu rel ou la signification mystrieuse du rcit d'Homre si ce rcit est imaginaire. L'antre tait considr comme l'image et le symbole du monde. Numnius et son ami Cronius disent qu'il y a dans le ciel deux points extrmes, l'un dans la partie du ciel la plus mridionale est au tropique d'hiver ; l'autre dans la partie la plus septentrionale est au tropique d't. Le point estival est sur le signe du Cancer, le point hivernal sur le signe du Capricorne et comme le signe du Cancer est pour nous le signe le plus rapproch de la terre, on l'attribue avec raison la lune, qui est la plus voisine de la terre, tandis que le ple mridional tant invisible, on attribue le Capricorne Saturne la plus loigne et la plus haute des plantes.

[22] Les signes du Zodiaque du Cancer au Capricorne sont disposs dans cet ordre : d'abord le Lion, sjour du Soleil ; puis la Vierge, sjour de Mercure ; la Balance, sjour de Vnus ; le Scorpion, sjour de Mars ; le Sagittaire, sjour de Jupiter ; le Capricorne, sjour de Saturne, et dans lordre inverse partir du Capricorne, le Verseau, sjour de Saturne ; les Poissons, sjour de Jupiter ; le Blier, sjour de Mars ; le Taureau, sjour de Vnus ; les Gmeaux, sjour de Mercure et enfin le Cancer sjour de la lune. Aussi les thologiens tablissent-ils que le Cancer et le Capricorne taient les deux portes du Ciel. Platon les appelait les deux ouvertures. On dit que le Cancer est la porte par laquelle descendent les mes et le Capricorne celle par laquelle elles remontent. Le Cancer est au nord et favorable la descente, le Capricorne au midi et favorable l'ascension, car les rgions septentrionales conviennent aux mes qui descendent dans la gnration.

[23] C'est juste titre que dans le rcit d'Homre l'ouverture de l'antre situe au nord est assigne la descente des hommes et que les rgions ; du midi sont attribues non aux dieux, mais ceux qui montent vers les dieux. Pour cette raison le pote ne dit pas : le chemin des dieux, mais des immortels, expression qui convient aussi aux mes qui par elles-mmes ou par essence sont immortelles. On dit que Parmnide dans sa physique faisait mention de ces deux portes et que la mmoire en subsiste chez les Romains et chez les gyptiens. Car les Romains, l'poque o le soleil s'approche du Capricorne clbrent des Saturnales : c'est la fte des esclaves qui revtent les habits des hommes libres, tout devenant commun aux uns et aux autres. Le lgislateur a voulu faire entendre par l que prs de cette porte du ciel ceux qui maintenant sont esclaves par leur naissance sont librs par la fte de Saturne et la demeure attribue Saturne, qu'ils ressuscitent et reviennent la source de la gnration. Puis la route qui part du Capricorne les ramne leur premire condition. Les Romains nommant la porte ; Janua ont appel Januarius c'est--dire mois de la porte le mois o le soleil revient du Capricorne du ct de l'est, se dirigeant vers les rgions du nord.

[24] Chez les gyptiens le signe sous lequel commence l'anne n'est pas le Verseau, mais le Cancer. Car prs du Cancer, est l'toile Sothis que les Grecs appellent l'toile du Chien. Pour les gyptiens le premier jour du mois est marqu par le lever de Sothis qui est le principe de la gnration dans le monde. C'est pourquoi Homre n'a pas tabli de porte au levant et au couchant ni aux quinoxes, c'est--dire au Blier et la Balance, mais bien au midi et au nord et vers le midi, aux ouvertures les plus mridionales, et aux plus septentrionales vers le nord ; car cet antre tait consacr aux mes et aux Nymphes Hydriades et ces lieux conviennent la naissance et la mort des mes. Quant Mithra on lui a assign sa place prs des quinoxes ; aussi tient-il le glaive du Blier, signe de Mars et est-il port sur le Taureau, signe de Vnus ; en effet, comme le Taureau Mithra est l'auteur du monde et le matre de la gnration, il est situ sur le cercle de l'quinoxe Il a droite les rgions septentrionales, gauche les rgions mridionales, l'hmisphre austral s'tendant jusqu' lui du ct du Notus, parce que ce vent est chaud et l'hmisphre boral du ct de Bore, parce que le Bore est froid.

[25] C'est avec raison que lon attribuait les vents aux mes qui vont vers la gnration et qui en reviennent car les mes, ce que certains croient, attirent le souffle et de la sorte possdent une essence spirituelle. Mais le Bore est le vent des mes qui vont vers la gnration, c'est pourquoi son souffle violent ranime les moribonds qui respirent avec peine et le souffle du Notus les affaiblit. En effet, l'un resserre, tant trs froid, et maintient dans le froid de la gnration terrestre et l'autre tant trs chaud, dissout et ramne la chaleur divine. Comme la terre que nous habitons est trs septentrionale, ncessairement les mes qui y naissent ont du rapport avec le Bore et celles qui la quittent avec le Notus. C'est aussi pour cette raison que le Bore est violent quand il commence de souffler et le Notus quand il va se calmer. Car le premier atteint directement les habitants du nord ; mais le second est trs lointain ; soufflant de loin il est ainsi plus lent ; mais quand il a accumul ses tourbillons il augmente enfin.

[26] Parce que c'est par la porte du nord que les mes s'en vont vers la gnration, on a cru que le Bore tait amoureux. En effet on a dit :

Mtamorphos en cheval la crinire noire il coucha avec elles

Et fcondes elles enfantrent douze poulains.

Et on rapporte qu'il enlve Orytie et engendre Ztis et Calais, Mais parce que le midi est attribu aux dieux, on tire au milieu du jour les voiles dans les temples : on observe ainsi le prcepte homrique selon lequel il n'est pas permis aux hommes d'entrer dans les temples quand le soleil incline au midi.

Mais c'est la route des immortels.

[27] On a donc pris le Notus pour symbole du milieu du jour car le dieu se trouve au milieu du jour la porte du midi. C'est pourquoi mme sur d'autres portes et quelque heure que ce ft, il n'tait pas permis de parler ; car un seuil est une chose sacre. Et pour cette raison les pythagoriciens et les sages d'gypte dfendaient de parler en passant les portes des villes ou des maisons, honorant par le silence le dieu en qui est le principe de toutes choses. Homre a connu que les portes sont sacres ; c'est ce que montre chez lui OEne frappant la porte la faon d'un suppliant.

Frappant les portes bien jointes, suppliant son fils.

Il a connu aussi les portes du ciel dont les Heures ont la garde et qui, commenant dans les rgions nbuleuses, sont ouvertes et fermes par les nues.

Soit qu'ils cartent ou qu'ils tendent un nuage pais.

Il dit qu'elles meuglent parce que le tonnerre est produit par les nues.

D'elles-mmes mugirent les portes du ciel gardes par les Heures

[28] Il parle aussi quelque part des portes du soleil, entendant par l le Cancer et le Capricorne ; car le soleil s'avance jusqu' eux lorsqu'il descend du nord au midi et que de l il remonte vers le nord. Le Cancer et le Capricorne sont situs prs de la Voie lacte dont ils occupent les extrmits. Le Cancer au nord et le Capricorne au midi. Selon Pythagore, le peuple des Songes n'est autre chose que les mes qui se rassemblent, dit-il, dans la Voie lacte nomme ainsi parce que les mes se nourrissent de lait, lorsqu'elles sont tombes dans la gnration. C'est pourquoi, ceux qui veulent voquer les mes leur offrent en libations un mlange de lait et de miel ; car attires par la volupt elles dsirent aller vers la gnration et, en mme temps qu'elles sont enfantes, le lait se produit.

En outre, les rgions mridionales produisent des corps de petite espce ; car la chaleur dessche habituellement les corps et ainsi les rapetisse et les amaigrit ; au contraire dans les rgions septentrionales tous les corps sont grands. Les Celtes, les Thraces et les Scythes en sont la preuve. Leur terre aussi est trs humide et abonde en pturages. Le nom mme de Bore vient de la nourriture, car bora signifie nourriture, et le vent qui souffle de cette terre nourricire, tant nutritif, a t appel Bore.

[29] Pour ces motifs donc les rgions borales conviennent la race mortelle et soumise la gnration, et celles du midi la race plus divine, comme l'orient aux dieux et l'occident aux daimones. Car la nature commenant par l'htrognit, partout ce qui est double lui a t donn pour symbole. Ainsi le voyage s'accomplit par le monde intelligible ou par le monde sensible, dans le monde sensible par le globe fixe ou par les globes des plantes et encore par la route immortelle ou la route mortelle. L'un des points cardinaux est au-dessus de la terre, l'autre au-dessous ; l'un l'orient, l'autre l'occident ; il y a la droite et il y a la gauche ; il y a aussi la nuit et le jour. Ainsi l'harmonie est faite d'oppositions et se ralise au moyen des contraires. Platon mentionne aussi deux ouvertures : par l'une on monte au ciel, par l'autre on descend sur la terre et les thologiens ont fait du soleil et de la lune les portes des mes ; par la porte du soleil elles montent, par celles de la lune, elles descendent. Ce sont aussi les deux tonneaux.

L'un renferme les maux que donne Jupiter ; lautre les biens,

[30] C'est un tonneau aussi qui dans le Gorgias de Platon figure l'me et il y a une me bienfaisante ou raisonnable, l'autre malfaisante ou draisonnable. Les mes sont compares des tonneaux parce qu'elles contiennent certaines puissances et certaines habitudes. Chez Hsiode encore on voit un tonneau clos et un autre qu'ouvre la volupt et tout son contenu se rpand l'exception de l'esprance. Lorsque l'me, en effet, corrompue et disperse dans la matire, s'carte de son ordre, elle ne se repat que de bonnes esprances.

[31] Puisque ce qui est double symbolise partout la nature, c'est juste titre que l'antre a non pas une mais deux entres, et qu'elles ne servent pas la mme fin, lune tant rserve aux dieux et aux hommes de bien, l'autre aux mortels et aux mchants. C'est pouss par ces considrations que Platon lui aussi imagine des cratres et qu'au lieu d'amphores il met des tonneaux et deux ouvertures, comme nous l'avons dit, au lieu de deux portes. De son ct le Syrien Phrcyde parle de retraites, de trous, d'antres, de portes et d'entres et par l signifie la gnration des mes et leur dpart de la vie. Mais pour ne pas allonger davantage ce trait en y introduisant les opinions des anciens philosophes et des thologiens nous pensons avoir suffisamment expliqu par ce que nous avons dit la signification du rcit d'Homre.

[32] Reste montrer ce que veut dire le symbole de l'olivier qui crot prs de l'antre. Il a certainement un sens notable, car le pote ne dit pas tout uniment qu'il pousse l, mais la tte du port.

A la tte du port pousse un olivier aux longues feuilles ...

Tout ct il y a un antre ...

Ce n'est point par quelque hasard, comme on le pourrait penser, que cet olivier croit ici ; mais il renferme la signification mystrieuse de l'antre. Le monde en effet n'est point n au hasard et n'importe comment, mais il est l'uvre de la sagesse divine et de la nature intelligente. C'est pour cela que prs de l'antre, image du monde, est plant l'olivier, symbole de la sagesse divine. Car l'olivier est l'arbre de Minerve et Minerve est la sagesse. Comme elle est ne de la tte de Jupiter, le pote thologien a pens que la tte du port tait le lieu o il convenait de ddier l'olivier. Par l il fait entendre que cet univers n'est point le produit d'un mouvement aveugle n d'un hasard irrationnel, mais qu'il est l'uvre acheve de la nature intelligente et d'une sagesse distincte de lui ; mais toute proche situe qu'elle est la tte du port universel.

[33] La proprit que possde l'olivier de rester toujours vert convient parfaitement aux changements en ce monde des mes qui sont consacrs les antres. Car en t la partie blanche des feuilles est en haut et en hiver elle se tourne en sens inverse, plus blanche encore. C'est pourquoi dans les prires et les supplications on tend des rameaux d'olivier : les suppliants augurent ainsi que l'obscurit des dangers se changera en une blanche lumire. En outre, l'olivier toujours vert porte un fruit secourable aux travaux. Il est consacr Minerve et il fournit des couronnes pour les athltes victorieux et des branches pour les suppliants. Le monde aussi est gouvern et conduit par la sagesse ternelle d'une nature intelligente et toujours jeune qui donne aux athltes de la vie le prix de leur victoire et le remde contre leurs nombreuses peines. Ainsi celui qui a cr le monde et qui le conserve est aussi celui qui rconforte les malheureux et les suppliants.

[34] Dans cet antre, dit Homre, il faut se dfaire de tous les biens du dehors, se dpouiller, prendre l'extrieur d'un mendiant, frapper son corps, rejeter tout le superflu, carter mme les sens et alors dlibrer avec Minerve, assis avec elle au pied de l'olivier, pour savoir comment retrancher toutes les passions qui tendent des piges l'me. Ce n'est pas sans raison mon avis que Numnius prtend que dans lOdysse, Homre reprsente par Ulysse l'homme qui passe par tous les degrs successifs de la gnration et parvient ainsi chez des trangers ignorants de la mer et de toute tempte.

Jusqu' ce que tu sois arriv chez des hommes qui ne connaissent pas la mer

Et mangent une nourriture non mle de sel

Chez Platon aussi, les flots, la mer et la tempte figurent la composition de la matire.

[35] Voil pourquoi, je pense, Homre a donn au port le nom de Phorcys.

L est un port, de Phorcys vieillard de la mer.

Au commencement de lOdysse, le pote a donn la gnalogie de la fille de Phorcys, Thoosa, de qui est n le Cyclope qu'Ulysse priva d'un il pour qu'il gardt jusque dans sa patrie quelque mmoire de ses fautes. En outre, il est convenable qu'Ulysse s'asseye sous l'olivier, comme suppliant du dieu et pour apaiser par l'offrande d'une branche le daimone qui prside sa naissance ; car il ne lui tait pas permis de se retirer simplement de la vie sensible aprs l'avoir aveugle et ayant cherch la dtruire en un instant. Pour avoir os de telles choses la colre des dieux de la mer et de la matire le poursuivait. Il lui fallait d'abord les apaiser par des sacrifices, des misres de mendiant et des oeuvres de patience, et tantt combattre ces passions, tantt par des ruses de magicien se mtamorphoser entirement pour tout recouvrer, aprs avoir t dpouill de ses haillons. Mais mme alors il n'est pas affranchi de ses misres, il ne le sera que le jour o, ayant chapp tout fait la mer, il sera devenu ignorant des choses marines et des travaux matriels au point de prendre une pelle vanner pour une rame, tant sera complte son ignorance des instruments et des uvres de la mer.

[36] On ne doit pas croire que de telles interprtations sont forces et ne voir en elles qu'hypothses d'esprits subtils ; mais il faut considrer la sagesse antique, quelle tait la raison d'Homre et comme il a excell en toute vertu ; ainsi on ne niera pas qu'il a mystrieusement figur dans une fable des choses divines ; car il ne pouvait pas imaginer avec succs une fiction complte sans emprunter la vrit quelques traits. Mais remettons plus tard de traiter le sujet tout entier et arrtons ici l'interprtation de l'Antre des Nymphes