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Portrait de Sebastien Bazin -

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Portrait de Sebastien Bazin

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Il est des noms qui semblent indissociables de l’immo-bilier. Celui de Bazin a traversé trois générations d’ad-ministrateurs de biens. Il était donc naturel queSébastien perpétue la tradition familiale. Et pourtant, lepatron de Colony Capital en Europe, l’un des principauxfonds d’investissements immobiliers, est arrivé dans lemilieu presque par hasard. « Je suis venu à l’immobilierpar l’hôtellerie », reconnait-t-il aujourd’hui. N’en déplaise à la famille, Sébastien Bazin a refusé derégler son pas sur celui de son père, refusant dereprendre le flambeau. « Par principe ». Brillant, le rebel-le ne veut pas perdre son temps avec les études. Ildécroche une maîtrise de gestion – option Finance – àla Sorbonne et non à Dauphine. Pourquoi la Sorbonne ?« Pour pouvoir travailler pendant mes études », répond-il. Sébastien Bazin ne saurait être livreur de pizza oufaire du baby-sitting. Il sera veilleur de nuit dans unhôtel et « trader » sur les marchés actions US. Deux « jobs » prémonitoires.

La conquête de l’Ouest« Trader ». Sébastien Bazin le sera aux Etats-Unis. Il parten 1985 et devient agent de changes à New York et SanFrancisco. L’aventure dure 6 ans, après un petit crochetpar Londres. Il travaille notamment pour Frates Group,un fonds d’investissement. A 26 ans, il entre au comitéexécutif de Kaiser Aluminium à San Francisco avec l’ap-pui d’Alan Clore, puis sera responsable des fusions-acquisitions à PaineWebber Inc. Un parcours de « goldenboy ». Pour autant, le « frenchie » n’a jamais vraimentenvisagé de poser ses valises outre-Atlantique. Au contraire. Il a le mal du pays et revient en 1991 dansune banque d’affaires, auprès de Jean-PhilippeHottinguer, associé à la banque Rivaud. Sébastien Bazinpénètre les hautes sphères protestantes de la finance.Pendant ces 18 mois, il y rencontre quelques figuresqu’il recroisera sous la casquette de Colony Capital :Mathieu Pigasse de Lazard, Nicolas Durand aujourd’huichez Rosthchild ou encore Patrick Sayer qui a fondéEurazeo et avec lequel il montera le fonds Colyzéo.

Autres mœurs, autre ambiance. Sébastien Bazin revientà ses premières amours - les hôtels – en croisant le che-min de Clément Vaturi. En 1995, le jeune directeurgénéral a pour mission de redresser un groupe endetté.L’Immobilière Hôtelière collectionne les beaux actifsmais a besoin de 100 M$ de fonds propres. Et c’est uncertain Tom Barrack, patron du fonds d’investissementColony Capital, qui sort le chéquier. La famille Vaturichange de stratégie, au grand dam de Sébastien Bazin.Et comme dans le même temps, le fondateur de ColonyCapital lorgne sur l’Europe, Bazin accepte de jouer lepoisson pilote. Il rejoint le fonds américain en juin 1997,seul dans un bureau de 300 m2 et avec pratiquementune page blanche. Près de 10 ans plus tard, il aura portéla valeur du patrimoine du fonds américain autour de 6 Mds$ sur le continent, injectant quelque 2 Mds$ defonds propres. Le tout génère un retour sur investisse-ment compris entre 25 et 30% par an. En une décennie,Colony Capital est devenu l’un des fonds immobiliers lesplus innovants de la place, et pas loin d’être l’un desplus performants.

Le retour de l’enfant prodigueEt voilà une nouvelle génération de Bazin replongéedans l’immobilier. Loin du calme d’un cabinet d’admi-nistration de biens, Sébastien Bazin s’est forgé uneréputation de créatif dans un secteur, par définition,conservateur. « Colony Capital est un fonds opportu-niste qui a pour seul fil rouge le sous-jacent immobi-lier », rappelle Sébastien Bazin. La fenêtre d’investis-sement est large, mais l’exigence de rentabilitécontraint fortement les pistes à explorer. « Il faut quenous soyons persuadés que ce que nous achetons seratrès différent de ce que nous vendrons », ajoute-t-il. Ilfaut donc combiner imagination, ingénierie financiè-re et de solides réseaux pour trouver une matière pre-mière suffisamment malléable pour dégager un ren-dement annuel supérieur à 20%.A posteriori, les débuts de Colony en Europe sont clas-siques : investir à contre-cycle. Sébastien Bazin

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Sébastien Bazin, l’alchimisteSébastien Bazin est un animal à part dans le marigot immobilier. Issu d’une longue lignée d’administrateurs de biens, il est arrivé presque par inadvertance dans le secteur. En l’espaced’une décennie, il a propulsé sur les fonds baptismaux Colony Capital en Europe, portant sonvolume d’engagement à plus de 6 Mds$ à force d’ingéniosité, de coups d’audace et d’un certainbrin de réussite. Sur des marchés aussi matures, il a réussi à maintenir un TRI supérieur à 20%.Sébastien Bazin a-t-il le don de transformer tout ce qu’il touche en or ?

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choisit très naturellement les bureaux, à une époqueoù le marché est encore traumatisé par la grande crisedes années 90. A la différence des fonds anglo-saxons, taxés par la presse de l’époque de fonds vau-tours, Colony Capital refuse le rachat de créances oula vente à la découpe. « Ce n’est pas dans ma menta-lité », lâche-t-il aujourd’hui. Sébastien Bazin et sajeune équipe préfère… le risque, calculé il va de soi.Parmi les opérations phares conclues entre 1997 et2000, trône le rachat des droits àconstruire de la Zac Danton, quelque 240000 m2 payés 350 M€. Pour l’occasion,Colony Capital fait équipe avec la Caissede Dépôt et Placement du Québec. Cepartenariat, de long terme, perdure àmesure que la tour T1, 220 mètres dehaut, avec une surface de 70 000 m2, sortde terre. Ce fleuron de l’architecture,grâce à la patte de Denis Valode, seralogé dans une société symbole de laconstruction de La Défense : Lucia, fon-cière qui a eu à sa tête Christian Pellerin,l’un des père du quartier d’affaires. Lefinancier prend le pas sur le promoteur.Tout un symbole. Mais, tout financier qu’il est, SébastienBazin ne perd pas le contact avec la pier-re et fonde toute la première partie de lapolitique d’acquisition en Europe sur larestructuration et le développementd’immeubles de bureaux. Le fonds metaussi la main sur quelques beaux fleuronsdans le quartier d’affaires – comme CBCou CB3 - qui, une fois restructurés, trou-veront rapidement acquéreurs. On y trou-ve aussi quelques hôtels piochés dans leréservoir de Vivendi. La plupart des actifsqui tombent dans l’escarcelle de Colonysont acquis avec une forte décote. Lesimple pari de la reprise du marché, sau-poudré d’un peu d’effet de levier, suffit àremplir les objectifs de TRI fixés audépart. Oui, mais voilà : le marché étantmoutonnier par nature, la plupart des investisseurs serappellent à l’immobilier.Sébastien Bazin doit réorienter sa stratégie et décided’aller chercher la création de valeur ailleurs… Dans lefoncier par exemple. Colony Capital acquiert suffi-samment de charges pour développer pas moins de400 000 m2, tout autour de Paris. A Vélizy, à Suresnes,à Massy, à Ivry-sur-Seine… Colony Capital quadrille leterrain. Et s’autorise même quelques sorties en pro-vince, comme à Marseille avec un immeuble de FranceTélécom totalisant 17 000 m2.

Les chemins de traverseDans le même temps, Sébastien Bazin emprunte leschemins de traverse, sans jamais délaisser le fameux

sous-jacent immobilier. C’est ainsi que Colony Capitalentre dans le groupe Barrière et met un pied dans lemonde du casino. Un secteur pas si inconnu pourColony Capital qui, sous le titre « gaming », détient làun hôtel de 3 000 chambres à Las Vegas, ici quatreétablissements à Atlantic City ou encore des porte-feuilles d’actifs dans des sociétés majeures du secteur.Sébastien Bazin va même jusqu’à s’inviter au mariagede la filiale Casino du groupe Accor avec le groupe

Barrière pour constituer une plate-formede 40 casinos, 5 000 machines à sous et13 hôtels de luxe.Les hôtels, il y pense plus que jamais. Etsa passion pour cette classe d’actifs, exi-geante à travailler, va se concrétiser autravers d’une opération de recapitalisa-tion du groupe Accor. Une opérationaudacieuse, symbole du rapprochemententre le Private Equity et l’investisse-ment immobilier. Des marques defabrique de Sébastien Bazin. « Nous noussommes intéressés au groupe Accor à uneépoque où le potentiel de développementdu Groupe groupe n’était pas suffisa-ment perçu par les marchés financiers. Lamarque est forte, le groupe est en enposition dominante sur la plupart desmarchés où il est présent, dispose d’unréservoir de croissance très important enAsie et bénéficie d’une fantastique fidéli-té de ses clients et de ses collaborateurs »,juge Sébastien Bazin. Colony Capitallorgne d’abord les actifs immobiliers dugroupe hôtelier et participe même « exceptionnellement » à un premierappel d’offres sur 128 murs d’hôtels.Mais, Colony Capital ne peut suivre leniveau des enchères, le portefeuilleétant emporté par le groupe Foncièredes Régions pour plus d’un milliard d’€. Rapidement, Sébastien Bazin rebondit etpropose d’injecter 1 Md€ pour renforcerencore la structure financière d’Accor et

accélerer son développement dans les pays en fortecroissance économique. L’opération prend la formed’une émission d’ORA pour 500 M€ et la souscriptiond’obligations convertibles pour 500 M€. « Il fallaitfrapper fort et agir comme un électrochoc en injectantune somme conséquente qui puisse, d’un côté, amélio-rer le ratio d’endettement du groupe, et d’autre part,donner les moyens de financer le développement dugroupe à l’international », commente Sébastien Bazin.L’opération se signe début 2005, alors que l’actiond’Accor navigue autour des 30 €. Elle vogue aujour-d’hui à plus de 60 € ! Dans la bouche d’un investis-seur, on appelle cela une transaction « win-win ».. « Pour autant, Colony Capital ne lâche pas la table dejeu et entend s’inscrire dans la durée »..

Sébastien Bazin, l’alchimiste

>« Colony

Capital est

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Le Parc à ses piedsCette frontière invisible entre l’investissement immo-bilier et le Private Equity, on la retrouve dans l’acqui-sition de Buffalo Grill par Colony Capital,.L’investissement a surpris dans le microcosme immo-bilier. Et pourtant, elle a bien failli ne pas se concré-tiser. « Je ne voyais pas comment j’allais pouvoir réali-ser 25 à 30% de retour sur investissement par an avecdes bâtiments rouge et blanc avec des cornes sur letoit », s’amuse aujourd’hui Sébastien Bazin. Pourautant, le patron de Colony Capital déjeune avec lefondateur de Buffalo Grill, Christian Picard, et se lais-se convaincre. Un mois plus tard, il formalise son offreà 20 € l’action et prend le contrôle du réseau de SteakHouse pour 340 M€. Colony Capital se retrouve à latête de 280 restaurants, dont les murs sont rachetés,quelques mois plus tard, par Klépierre pour près de300 M€. Le fonds américain est toujours l’actionnairede Buffalo Grill et nourrit de solides ambitions dedéveloppement, affichant sa volonté de constituer unréseau de 400 restaurants à l’échelle européenne.Accessoirement, Colony Capital a valorisé sa partici-pation dans un groupe dont le cours de Bourse a étéporté à 40 € l’action au début de l’année 2007.Sébastien Bazin a eu encore le nez creux.L’aura-t-il aussi sur son dernier bébé ? Le plus surpre-nant à première vue, mais pas si éloigné des problé-matiques immobilières : le Paris Saint Germain.Autant le préciser d’entrée, malgré sa passion pour lefootball et en particulier pour le PSG, Sébastien Bazinne s’est pas offert une « danseuse » sur le dos deColony Capital. « Ce sont les infrastructures sportives,et tout particulièrement le Parc des Princes, qui m’ontamené à m’intéresser à ce dossier. Les stades de foot-ball ont 10 ans de retard en France. Ils sont des lieux devie qui devraient profiter aux riverains et à l’ensemblede la cité, et ne plus être perçus comme des sources denuisance », explique-t-il. Comme la majorité desstades sont encore la propriété des collectivitéslocales, Sébastien Bazin prend son bâton de pèlerin ets’en va rencontrer Bertrand Delanoë pour lui exposerses idées. Le maire de Paris, sensible aux argumentsde l’investisseur immobilier, le renvoie vers le gestion-naire du Parc, le groupe Canal Plus… La suite estrocambolesque, à l’image de la vie chaotique du PSG.Au terme d’un incroyable concours de circonstances, ,Colony Capital se retrouve à la tête de l’un des clubsde football les plus connus de France et SébastienBazin découvre les joies de la sphère médiatique, lesrelations avec les associations de supporters, le stressdes matchs… Il n’a pas, pour autant, oublié son inté-rêt premier : l’aménagement d’un outil utilisé seule-ment 19 fois par an et la refonte d’un quartier straté-gique de l’Ouest parisien. Le Parc des Princes et toutle secteur de la Porte de Saint-Cloud ne sont pas lesseules obsessions de Sébastien Bazin. Colony Capitalentend se positionner sur les infrastructures sportiveset tout particulièrement sur les stades de football à

l’échelle européenne. En France, le fonds a mis lamain sur la société de conseil Stadia et regarde tousles appels d’offres qui se préparent, à Marseille, Lyon,Lille ou Nice.Dans sa logique de fonds opportuniste, SébastienBazin est constamment à la recherche des actifs qued’autres investisseurs ne repèrent pas du premiercoup d’œil. « L’avenir pour Colony Capital en Europepourrait passer par les aéroports, les terrains pollués,les infrastructures », prévient-il. En attendant, sesmarottes sont les data centers de Marcoussis – uninvestissement qui pourrait s’élever jusqu’à 800 M€ -ou encore le Cancéropôle de 150 hectares qu’il déve-loppe en partenariat avec Icade sur les anciens ter-rains AZF de Toulouse.

Le virage BarrackPour dénicher de nouvelles affaires, l’homme s’affaireà cultiver ses réseaux. Le parcours de Sébastien Bazinest jalonné de rencontres. Au conseil d’administrationd’Accor, il fréquente - Baudouin Prot, le patron deBNP Paribas, Jérôme Seydoux, le président de Pathé,Franck Riboud le président de Danone, SergeWeinberg, l’ancien DG de PPR reconverti dans lePrivate Equity, ou encore le président de la banqued’affaires italienne MedioBanca, en attendant le pro-chain n°1 de la Caisse des Dépôts. Ses réseaux, il lespousse jusqu’aux tréfonds de la Bretagne, s’accro-chant à la vice-présidence du club de tennis de Saint-Lunaire, commune où ce malouin d’adoption revientse ressourcer en famille.Mais, assurément, sa rencontre avec Tom Barrackmarque un vrai tournant dans sa carrière. « une per-sonnalité hors du commun », résume Sébastien Bazinpour décrire cet avocat américain d’origine libanaise,qui après avoir géré la fortune de la famille Bass, alancé son fonds d’investissement. Baptisé Colony, dunom d’une rue de Los Angeles. Sébastien Bazin recon-naît un charisme incroyable à son patron, « qui a unevéritable ambition, et qui veut la partager ». C’estpeut-être la raison qui a poussé Sébastien Bazin àrester près de 10 ans sous le même toit.

Gaël Thomas

Sébastien Bazin,45 ans, licence d’économie et d’unemaîtrise de gestion, est ManagingDirector Europe et CEO de ColonyCapital SAS, en charge des investisse-ments en Europe continentale.Avantde rejoindre Colony, il a été successi-

vement vice président chez Paine Webber à Londres et àNew York (fusion & acquisition), directeur général adjointd’Hottinguer Rivaud Finance et directeur général del’Immobilière Hôtelière.

• biographie •

D.R

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Sébastien Bazin, l’alchimiste