20
RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE Posons un regard différent sur notre santé mentale. SOUFFRANCE! Quelle est votre conception de la souffrance? Où en êtes-vous dans votre réflexion sur un sujet aussi sérieux? La souffrance est-elle nécessaire à l’expérience humaine? Quel sens donnez-vous à la souffrance? Il existe bien sûr la souffrance physique mais qu’en est-il de celle qui est invisible? Jacques Charland Formateur Courriel : [email protected] Page | 1 20

Posons un regard différent sur notre santé mentale

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

Posons un regard différent sur notre santé mentale.

SOUFFRANCE!

Quelle est votre conception de la souffrance? Où en êtes-vous dans votre réflexion sur un sujet aussi sérieux? La souffrance est-elle nécessaire à l’expérience humaine? Quel sens donnez-vous à la souffrance?

Il existe bien sûr la souffrance physique mais qu’en est-il de celle qui est invisible?

Jacques Charland Formateur

Courriel : [email protected]

P a g e | 1 20

Page 2: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

SANTÉ MENTALE ÇA VA PRENDRE BEAUCOUP PLUS QUE 100 MILLIONS DE DOLLARS STÉPHANIE AUCLAIR MONTRÉAL

Vous voulez savoir comment on se sent quand on souffre de maladie mentale ?

Au-delà de la souffrance, de la honte, de la frustration, de la déception et du désespoir, on se sent abandonné. Abandonné par un système de santé qui est tout sauf en santé. Abandonné par des décideurs qui font tout sauf décider. Abandonné par des soignants qui nous jugent plutôt que de nous soigner. Abandonné par une société qui se dit préoccupée pour nous… une journée par année. Je me souviendrai toute ma vie de ce matin du 20 janvier 2013. En pleurs et épuisée, c’est ce matin-là que j’ai mis le genou à terre et que j’ai décidé d’aller chercher de l’aide, pour vrai. C’est ce matin-là que je me suis avouée vaincue, que je me suis avouée que j’avais besoin de beaucoup plus qu’une visite chez le psy une fois par semaine. C’est ce matin-là, armée de tout mon courage du haut de mes 92 livres, que j’ai franchi la porte des urgences de l’hôpital de Saint-Jérôme pour me protéger de moi-même. C’est ce matin-là, accompagnée de mes parents à la fois inquiets pour moi et soulagés de ma démarche, que j’ai vidé mon sac dans le bureau d’une psychiatre aussi blasée qu’insensible. Malgré cette réception qui me donne encore froid dans le dos quand j’y pense, j’ai eu la « chance » qu’on accepte de me garder sur place. Après quatre jours abandonnée à moi-même sur une civière dans le corridor, on m’a enfin emmenée dans une chambre en psychiatrie. J’avais peur, mais j’étais tellement soulagée d’avoir enfin trouvé des gens pour m’aider ! J’étais tellement fière de moi, d’avoir osé franchir ce pas de géant en me délestant de tous les mensonges que j’avais accumulés au fil des années pour me faire croire que j’étais capable de m’en sortir toute seule ! Enfin, je pouvais commencer à guérir. Quelle illusion ! Moi qui pensais trouver en ce lieu de l’aide, des soins et de la compassion… J’y ai plutôt découvert un cimetière vivant où l’on corde les poqués de la vie en les bourrant de pilules dans l’espoir qu’ils ne dérangent pas trop le personnel qui joue aux cartes. J’ai été hospitalisée pendant six semaines. En six semaines, j’ai vu le psychiatre trois ou quatre fois à coups de 10 minutes. Aucun rendez-vous avec un psychologue, aucun suivi, aucun intérêt pour cette boulimique qui occupait un lit de trop sur un étage déjà trop plein. Aucune compassion, aucun conseil, aucune thérapie.

P a g e | 2 20

Page 3: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

MON CLIN D'ŒIL 2020-11-11 STÉPHANE LAPORTE COLLABORATION SPÉCIALE, LA PRESSE+

Croyez-moi, l’extrait que vous venez de lire ne date pas du dix-neuvième siècle. Je ne compte plus les situations semblables dont j’ai été témoin dans le milieu de la psychiatrie. Le manque de formation du personnel soignant et les phrases toutes faites m’ont plus d’une fois exaspéré! Encore aujourd’hui, comme accompagnant d’une amie que je connais depuis 2005, ses trois derniers épisodes d’hospitalisation, se sont passées dans une lamentable infantilisation qui n’a pas changé depuis mon stage à Saint-Jean-de-Dieu en 1971.

L’Hôpital Saint-Jean-de-Dieu aujourd’hui devenu « L’Institut Universitaire en Santé Mentale de Montréal », a des années à rattraper pour professionnaliser et humaniser le personnel. En premier lieu, l’écoute serait très urgente à intégrer.

Carl Rogers : une approche centrée sur la personne

Pour écouter, l’aidant doit accepter de se centrer sur l’autre, de lui donner de son temps ne serait-ce que pour lui permettre de formuler ses demandes. Pour susciter la parole, la congruence représente le critère majeur et premier dès lors qu’elle est perçue par le client. Pour aider l’autre sans trop l’influencer, il me faut respecter et sa différence et la mienne. Fondées sur une volonté d’accueil et de présence à l’autre, ces attitudes rendent l’écoute active, précise et patiente. Elles se concrétisent souvent par la reformulation qui facilite l’expression sans la brusquer.

Les Québécois sont en train de vivre une crise de santé mentale parallèle à celle de la COVID-19. Le Soleil, 02 novembre 2020

Ceci étant dit, la vision de la santé mentale dans le milieu communautaire est toute autre. Est-il nécessaire de mentionner que la conception dont il sera question ici en est une de terrain et est sans cesse en évolution. Je reste toujours disponible aux échanges et à l’écoute d’autres conceptions. D’ailleurs, on pourrait plutôt parler de réflexion continue quand cela concerne des problématiques aussi complexes.

La définition de la santé mentale d’après l’Association Canadienne pour la Santé Mentale (ACSM) : « C’est établir un équilibre entre tous les aspects de notre vie. On reconnaît une bonne santé mentale au fait de se sentir bien avec soi-même, d’avoir des relations satisfaisantes avec autrui et à la capacité de faire face aux exigences de la vie, appropriées à son âge et sa situation. En lien avec la santé physique, elle implique également que la personne puisse obtenir le support de son entourage et que l’organisation sociale, lui offre des opportunités de réussir. »

P a g e | 3 20

Page 4: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) décrit la santé mentale comme : « une composante essentielle de la santé, qui correspond à un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. » Depuis 2018, l’OMS ajoute que la santé mentale, idéalement, devrait être : « un état de bien-être permettant à chacun de reconnaître ses propres capacités, de se réaliser, de surmonter les tensions normales de la vie, d'accomplir un travail productif et fructueux et de contribuer à la vie de sa communauté ».

À travers mes lectures, je constate que depuis quelques années, la littérature traitant des diverses « problématiques en santé mentale » nous en parle de plus en plus comme d’un « trouble d’adaptation ».

Ces termes méritent vraiment réflexion. Pour ce faire, nous devons revoir notre perception de la santé mentale et revisiter nos peurs.

L’expression « santé mentale » est d’ailleurs le discours idéal en quelque sorte. Ces deux mots constituent une terminologie plus humaine sans la connotation négative du mot « maladie » car malheureusement, une personne aux prises avec un diagnostic risque de vivre avec une « étiquette ».

En effet, cette personne est encore considérée dans le milieu médical comme un ou une « malade mentale » et c’est bien là le cauchemar; compte tenu de tous les préjugés que cela entraîne. Cette étiquette ne s’efface pas quand elle concerne ceux et celles que l’on catégorise : « sévères et persistants » (bipolarité, psychose maniaco-dépressive, schizophrénie, délire paranoïde ou « borderline » pour trouble de la personnalité limite). Juste à les entendre, ces termes font peur et trop souvent la population les pense violents! Cela m’amène à vous parler du concept de dangerosité.

95% des personnes souffrant d’une problématique en santé mentale ne sont absolument pas dangereux. Des autres 5% qui seraient susceptibles de commettre un acte répréhensible, environ 2% sont hospitalisés à l’Institut Pinel pour homicides ou considérés « psychopathes ».

« Au Québec, l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel accueille une des clientèles les plus souffrantes, dangereuses et marginalisées. Sur le plan clinique, leur prise en charge, en termes d’évaluation, de traitement et de réinsertion sociale, représente un défi considérable et nécessite une importante collaboration multidisciplinaire. »

Quand les policiers sont appelés à intervenir avec un homme désorganisé ou en perte de contact avec la réalité (en état de psychose) tenant un couteau pour se protéger de l’hostilité autour de lui; l’écouter éviterait certainement de sortir inutilement les « fusils » et tirer sur cet homme envahi par la peur…

P a g e | 4 20

Page 5: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

La prémisse que semblent ignorer les policiers consisterait à lui demander simplement son prénom pour le traiter d’abord en être humain. Pour ensuite, passer en mode écoute bien avant de sortir les armes. Dans son délire, je vous le jure, il nous donne tous les outils pour travailler. D’ailleurs, il pourrait être beaucoup plus dangereux pour lui-même que pour les policiers. Le lien de confiance est ardu à bâtir oui, mais n’en vaut-il pas la peine ne serait-ce que pour sauver une vie!

Les médias n’aident pas toujours à une bonne compréhension de cette dangerosité. Les raccourcis utilisés en parlant par exemple d’un « schizophrène » sont très choquants et ne servent qu’au sensationnalisme des faits divers. Un diagnostic ne devrait jamais devenir une « identité ». Ça n’existe pas un schizophrène! C’est une personne qui souffre de schizophrénie… Au même titre qu’une personne qui souffre d’un cancer. On ne dit pas un « cancéreux » vient de perdre son combat…

Quand nous voulons parler de santé mentale, évitons, comme autre exemple, de tout mettre dans le seul et même panier de la « dépression ». Un épisode de dépression n’appartient pas qu’à une seule problématique. D’ailleurs, pour éviter de diagnostiquer, car nous ne sommes pas psychiatres, un épisode de dépression signifierait quoi pour vous?

Quels termes utiliseriez-vous à la place du mot dépression?

…………………………..

Il n’y a pas si longtemps, une personne qui avait perdu le goût de vivre était internée pour « profonde mélancolie » et plus tard pour « dépression nerveuse ». Aujourd’hui, notre regard change. On parle d’un état d’épuisement, un creux de vague, un bilan de vie, un mal à l’âme. Ou sous des airs de « burnout » ne se cacherait-il pas plutôt une crise existentielle ou une remise en question dans nos choix de vie?

Parlons de notre santé mentale au quotidien…

Suis-je habité.e d’un état d’hyper-vigilance pouvant mener quelque fois à certains épisodes de paranoïa? Ou suis-je happé.e par le stress chronique causé par l’hyper-performance pouvant mener à une désorganisation, une perte de sens? Ou encore, dans ma volonté de redonner, de me dévouer, est-ce que je suis en mesure de reconnaître les signes ou les dangers d’une usure de compassion?

Après une bonne décennie à ne parler que de « dépression », ne serions-nous pas maintenant devant celle du « trouble anxieux? » Stress et anxiété sont pourtant des « facteurs de protection » servant à garder l’humanité vivante mais les dernières statistiques disent que 17% des adolescents québécois souffrent ou souffriront d’un trouble anxieux.

P a g e | 5 20

Page 6: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

« Et quel avenir est réservé à tous ces jeunes au « genre créatif »? Il faudra à l’évidence leur permettre d’être bien comme ils sont et rendre leur milieu de vie (famille, école, loisirs etc.) réceptif à la diversité. » (Extrait de : Nouvel éloge de la diversité sexuelle, Michel Dorais chez VLB Éditeur)

Et que dire du phénomène de l’isolement? L’être humain n’est pas fait pour vivre seul encore moins en vieillissant. Les risques des nombreuses conséquences comme de sérieuses « phobies sociales » en sont la preuve.

Les lignes d’écoute sont submergées de cruelles solitudes….

Quand une personne vit ou a vécu un épisode difficile dans sa vie et a atteint un niveau de rétablissement assez significatif pour être en mesure d’effectuer un retour au travail ou aux études et de repartir dans la vie; avec une maladie pour identité, c’est tout un défi! Ça prend de la détermination et du soutien.

Prenons l’exemple d’une personne qui sort de ce cauchemar et qui maintenant désire se sevrer de sa médication; son entourage très souvent panique et la personne risque malheureusement de ne pas recevoir tout le support espéré comme le démontre l’extrait cité plus haut de l’A.C.S.M : « que la personne puisse obtenir le support de son entourage et que l’organisation sociale, lui offre des opportunités de réussir. »

Pour avoir eu la chance d’aller en Inde, je suis en mesure de constater qu’une société comme la nôtre vit aussi avec le syndrome : oui mais pas dans ma cour! Chaque société a ses exclus ses « parias » ses « intouchables » ou ses « indésirables » Les termes ne changent rien au statut.

Parler de notre conception de la santé mentale n’est pas vraiment simple et nous oblige à considérer plusieurs niveaux dans la vie d’une personne. Nous devons tenir compte de la sphère « culturelle » puisque la perception de la santé mentale n’est pas la même en Chine ou en Afrique par exemples. C’est « systémique » parce que la personne est au centre de plusieurs systèmes (familial, social et médical).

Au Québec, avec la « dés-institutionnalisation » tout un réseau s’est formé depuis les années ’60 et se mobilise encore aujourd’hui pour assister la personne dans l’acquisition graduelle de son autonomie et s’assurer de la défense de ses droits.

Une psychiatre, Dre. Suzanne Lamarre mérite d’être mentionnée car elle travaille avec l'approche systémique. Dans son livre intitulé « Aider sans nuire », nous dit que son approche : « se distingue des pratiques traditionnelles en santé mentale en ce qu'elle ne se limite pas au diagnostic et au traitement de la maladie ou du problème, mais replace l'individu dans les systèmes complexes auxquels il appartient. On ne pourra aider

P a g e | 6 20

Page 7: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

quelqu'un si l'on ignore son milieu de vie, ou si l'on ne se soucie pas de la façon dont la relation d'aide modifie ce milieu. »

Nous parlons ici de responsabilisation, de la réappropriation de son pouvoir « d’empowerment! » Non seulement pour la personne qui travaille à se prendre en main mais aussi pour la société qui doit travailler à lui assurer une place comme citoyen.ne à part entière. Il est très important d’insister sur ce travail qui doit s’opérer dans les deux sens.

Dans le Plan d’Action en Santé mentale (PASM) 2015-2020 on parle de communautarisation, parce que les personnes auparavant internées durant des années vivent maintenant dans la communauté. Sous-entendant « un partenariat existant avec les membres de l’entourage et favorisant le plein exercice de leur citoyenneté à l’intérieur comme à l’extérieur du réseau de la santé et des services sociaux. » Le PASM prévoyait aussi revisiter des concepts comme l’isolement, la contention et la stigmatisation. Notons que les résultats sont lents à se faire sentir, surtout que les traitements par électrochocs (électroconvulsivothérapie) augmentent!

Encore faut-il croire à l’efficacité de tels traitements!

L’Institut Universitaire en Santé Mentale de Montréal (CIUSSS) a administré 1582 des 11045 électrochocs prodigués en 2017 au Québec. D'après les statistiques compilées par la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ), 66% des personnes ayant reçu des électrochocs en 2017 étaient des femmes (AGENCE D’ÉVALUATION DES TECHNOLOGIES ET DES MODES D’INTERVENTION EN SANTÉ).

Un phénomène, à mon avis, questionnable.

Une femme est décédée après qu'un traitement par choc électrique du NHS a été administré sans consentement ni deuxième avis. Le jury a statué qu'elle était décédée des suites d'une "complication rare suite à l'administration légale et nécessaire d'une thérapie électroconvulsive (ECT)".

« Le royaume des électrochocs » se trouve toujours dans la région du Centre-du-Québec atteignant un nouveau sommet avec un ratio de 5.9 électrochocs par 1000 de population, la moyenne nationale étant à 1.5. L’Hôpital Ste-Croix de Drummondville, avec 857 électrochocs donnés en 2018-2019, se situe au centre de cette activité.

Le DSM-5, la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux a été publiée en 2013 par l'American Psychiatric Association (APA) et s’est avéré très controversé. Traverser une période fragile, à mon avis, ne nécessite pas

P a g e | 7 20

Page 8: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

« systématiquement » un diagnostic, comme le DSM semble vouloir nous convaincre. Que nous dira le prochain DSM?

Certaines histoires concernant les soins en psychiatrie mériteraient d’être plus souvent dénoncées. Il arrive qu’une personne qui vit seule, sans réseau, hospitalisée sur une longue période, ait tout perdu à sa sortie de l’Hôpital et son équipe de soins n’a même pas la décence de s’assurer qu’au moins une personne ou un organisme s’occupe de ses comptes, de son logement, de son animal de compagnie, le minimum quoi! Le remède serait de travailler tous ensemble (milieux médical et communautaire) et d’envisager des alternatives aux soins déjà prodigués.

Qu’entendons-nous par alternatives?

……………………………

N’aurait-il pas lieu, en effet, que dans le dossier du « patient » il y soit prévu un plan servant à éviter tous ces désagréments en cas d’une nécessaire hospitalisation. Une entente, par exemple, avec certains organismes communautaires dont la mission assurerait le relais du suivi intensif qui n’est prévu en moyenne que pour six mois. Ou la collaboration du « comité des usagers » de l’établissement en question pour s’assurer du respect, de la dignité et de référer, orienter la personne plus efficacement à sa sortie, assurant un support et une sécurité prévenant ainsi l’itinérance…

La mission de l’organisme Écoute Entraide se veut inclusive et s’inscrit non seulement sous le signe de la prévention mais adhère à ce mouvement « alternatif » dans sa lutte à la pauvreté et sa transformation sociale, par ses services d’écoute et d’entraide gratuits et confidentiels. Les utilisateurs.trices de services qui militent pour leurs droits sont inquiets car la participation citoyenne dans ce système de santé prend malheureusement du recul. Mais, soulignons qu’une personne utilisatrice de services occupe un siège au sein du Conseil d’administration d’Écoute Entraide. Ne perdons pas cet acquis.

Ceci étant dit et avant de continuer, mettons un peu de lumière sur une confusion

étonnante. La santé mentale et la déficience intellectuelle sont pour moi deux choses différentes dans le sens qu’une personne qui vit ou a vécu une période difficile dans sa vie et que cette période aurait fragilisée ou mise en péril sa santé mentale; selon moi, cet état « provisoire » n’aura aucunement altéré ses capacités intellectuelles.

Je dois avouer que je suis toujours surpris du lien que la plupart des gens font quand on leur dit que l’on travaille en santé mentale. Ils font tout de suite l’association avec la déficience intellectuelle. Est-ce une association ou tout simplement une confusion? Cette confusion ne viendrait-elle pas du fait que nous rencontrons trop

P a g e | 8 20

Page 9: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

souvent des personnes ralenties dans leurs réflexes ou leurs réparties intellectuelles par une sur-médication!

Parlons des causes d’une santé mentale fragilisée et celles d’une déficience intellectuelle qui peuvent en effet se ressembler mais ne sont pas toujours les mêmes non plus. Le milieu médical se démène pas mal pour nous convaincre qu’une problématique en santé mentale serait biologique (bio-pathologique) comme la déficience intellectuelle.

Je dirais que c’est du cas par cas. Certaines déficiences sont bio-pathologiques certes, mais combien d’enfants n’ont pas été suffisamment sollicités, stimulés pour leur permettre de se développer normalement? Est-ce que dans tous les cas, ce serait une déficience réelle ou ne serions-nous pas simplement face à un rythme différent d’apprentissage?

Du côté de la santé mentale, malgré son « hypersensibilité », sommes-nous toujours certains que le système médical a diagnostiquée la personne la plus souffrante au sein d’un système familial dysfonctionnel? Diagnostiquer la victime est une chose mais que faisons-nous par exemple du parent violent ou abuseur qui lui aussi aurait besoin de soins?

Les causes de la déficience intellectuelle d’après l’Association de Montréal pour la déficience intellectuelle se chiffrent entre 200 et 250 connues, regroupées sous différentes familles de facteurs : génétiques, prénatals, maladies virales ou encore par des facteurs reliés au travail et à l’accouchement et enfin les facteurs « psycho-affectifs » ou environnementaux.

Tant de familles vivent déjà avec une fragilité. Quand on sait que pour la plupart, cette fragilité remonte à leur enfance. Beaucoup de parents sont déjà carencés émotionnellement (analphabètes émotionnels) et ont besoin d’aide. Le nombre de dossiers à la DPJ le prouve. On le voit avec la Pandémie, un « stresseur » qui exacerbe les problèmes déjà existants.

L’apprentissage socio-émotionnel n’aiderait-il pas à favoriser la santé mentale et le bien-être de nos jeunes à l’école? Ce programme scolaire encore à l’état de projet ici n’aiderait-il pas par exemple à la prévention des cyberdépendances? Entre-autres!

L'apprentissage socio-émotionnel qui existe déjà dans certaines écoles en Alberta : « est le processus de développement des connaissances, des attitudes et des compétences des élèves afin de les aider à gérer les émotions, à établir des relations saines, à fixer des objectifs et à prendre des décisions. » Des abus de toutes sortes sont de gros obstacles à l’évolution d’un enfant et entraînent toute une autre réalité plus tard. Les horreurs que j’ai entendues dépassent la raison carrément! Et comment s’en remet-on?

P a g e | 9 20

Page 10: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

Même la médication a ses « limites » et la « psychiatrie » n’est toujours pas considérée comme une science exacte, ne l’oublions pas!

Il n’est pas rare que les premiers dix-huit mois, pour une personne en détresse ou en période d’évaluation psychiatrique, qu’on la change deux ou trois fois de diagnostics et donc de médication avec les effets secondaires qui s’en suivent. Le « Guide critique des médicaments de l’âme » publié en 1995 invite à jeter un regard critique sur les médicaments et met l’accent sur le besoin urgent de trouver des solutions de remplacement à la médication. Après 25 ans, faisons-nous face à de la surdité ou du déni?

Le système psychiatrique laisse-t-il assez de temps à la personne pour qu’elle puisse exprimer ce qu’elle ressent, ce qu’elle vit ou ne s’en tient-il pas qu’aux « manifestations » de sa souffrance. Toutes ces années comme soignant m’ont démontré que les manifestations d’une souffrance n’ont parfois rien à voir avec la souffrance elle-même. La souffrance est silencieuse, cachée par ses manifestations (symptômes) qui peuvent souvent frapper l’imagination et nous distraire de sa source réelle.

Reprenons le mot « limites » car je préfère parler de limites tant du côté de la santé mentale que du côté de la déficience intellectuelle. Cela me permet non seulement de souligner leur dénominateur commun mais de me concentrer sur les « capacités » ou « compétences » car il y en a, il y en a toujours! D’ailleurs, n’avons-nous pas tous nos limites! Elles ne sont que de différentes intensités et tout est une question d’arriver à bien fonctionner dans la société, avec chacun ses limites, entendons-nous bien.

Ceci définit assez bien ma conception concernant un sujet à bien des niveaux, méconnu et victime de nombreux préjugés comme la santé mentale. Le gros défi est le travail d’informations, d’éducation qu’il y a à faire au sens populaire du terme car le regard de ceux qui se disent « normaux » est encore trop souvent empreint de mépris et d’intolérance face à celui ou celle qui refuse de répondre à l’ordre social. Essayons-nous de niveler l’humanité? La différence dérange-t-elle toujours autant?

« Limites » me permet de ne jamais oublier qu’il est question de souffrances. « Souffrances » me permet de garder vivante cette compassion qui m’habite. « Souffrances » me permet aussi de ne jamais oublier que le « rétablissement » et le moindre petit progrès sont possibles. J’emploie le mot souffrance au sens personnel et social du terme car quand on parle de telles souffrances, c’est à un système de croyances, à une mentalité ou à une culture que l’on s’adresse. La conception sociale que l’on donne au mot souffrance y est pour quelque chose.

Comme le rétablissement d’ailleurs, encore faut-il y croire!

P a g e | 10 20

Page 11: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

Le défi étant de se rétablir des conséquences de la « maladie » dans la société qui est parfois plus difficile que se remettre de la « maladie » elle-même.

Mais, avant de parler de rétablissement, je tiens à ce que nous devenions tous conscients du phénomène du « transfert de souffrances » que nous utilisons tous. Quand une personne ne s’occupe pas de sa souffrance, ne se soigne pas ou ne va pas chercher de l’aide, tôt ou tard elle la transfèrera sur les autres. Ce phénomène s’est malheureusement incrusté et s’est culturellement généralisé.

Comme le phénomène « Jakass » qui est un bon exemple et qui perpétue un phénomène vieux comme le monde, la recherche des sensations fortes qui peuvent mener à l’automutilation. Le côté spectaculaire du phénomène ne change en rien son sens profond. Quand la souffrance de l’âme a atteint sa limite, l’Histoire le démontre bien, certains êtres humains ont fait la découverte qu’ils pouvaient transférer une partie de cette souffrance à leurs corps. Pendant que la personne soigne sa partie mutilée, elle ressent un certain soulagement à sa détresse intérieure.

Dans « lapressecanadienne.com » du 14 septembre 2012 on pouvait y lire que de plus en plus d'adolescents québécois se tourneraient vers l'automutilation pour composer avec le tumulte intérieur qui les habite. C'est ce que soutient le psychiatre en chef de l'Hôpital de Montréal pour enfants, Martin Gauthier. Ainsi, le nombre d'adolescents qui mutilent leur corps de manière délibérée et répétée en «tailladant, coupant ou mordant» leur chair augmenterait à un rythme alarmant.

Au début de sa pratique, il y a plus de 30 ans, le docteur Gauthier explique que les jeunes qui s'automutilaient vivaient généralement un état psychotique ou souffraient de déficience intellectuelle ou d’autisme. Aujourd'hui, le problème s'est étendu. Le psychiatre affirme qu'environ la moitié des patients adolescents dont il s'occupe aujourd'hui s'automutilent. Il souligne que, dans la population en général, certains sondages laissent entendre qu'un adolescent sur trois s'inflige des blessures volontaires. L'automutilation serait pratiquée également par les garçons et les filles de tous groupes raciaux et socioéconomiques confondus.

Le docteur Gauthier confirme que l'automutilation est rarement un symptôme de maladie mentale grave ou un mode menant au suicide. En fait, elle serait souvent le fait d'un tumulte intérieur causé par des expériences douloureuses ou non résolues, comme une profonde angoisse ou un contrecoup émotionnel dû à l'intimidation, la violence sexuelle ou physique ou la cruauté mentale. La plupart des adolescents qui se mutilent le feraient parce qu'ils chercheraient à se «sentir mieux». L'automutilation les aiderait à soulager la tension et à reprendre leurs activités normales. Ce que j’appelle un « transfert de souffrances ».

P a g e | 11 20

Page 12: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

Donnez-moi des exemples de « transfert de souffrances » que vous utilisez vous-mêmes ou que vous constatez autour de vous.

…………………………..

Une autre forme de souffrance que l’on reconnaît aujourd’hui chez les adolescents.es et les jeunes adultes est la Gélotophobie. Un état qui trop souvent peut rendre l’adolescent.e « différent.e » et certainement vulnérable à l’intimidation.

Gélotophobie : « Comportement social d'évitement qui est motivé par la peur de se rendre ridicule. Peur du rire des autres. Évaluation paranoïaque des propos humoristiques de leurs partenaires sociaux. Incapacité de dialoguer avec d'autres personnes de manière joyeuse, humoristique. Valorisation de soi critique en rapport avec son propre corps, ainsi que pour les compétences verbales et non verbales. Complexe d'infériorité et jalousie provenant de la comparaison de la compétence humoristique d'autres personnes. (Psychomédia) »

Revenons maintenant à notre notion de rétablissement. Pour qu’un rétablissement soit possible, les personnes ont besoin de contrôler leurs symptômes en ayant accès à la médication la plus adéquate possible pour elles ou entreprendre une démarche thérapeutique pour mieux comprendre ces symptômes et apprendre à composer avec eux. Un des besoins exprimés également par les personnes est d’apprendre à gérer et à exprimer leur colère.

Mentionnons que la colère est une émotion humaine au même titre que la joie ou la tristesse mais pour l’exprimer sainement, faisons la différence entre vivre sa colère de façon légitime et se donner le droit de la transférer sur les autres! Vivre sa colère, ça s’apprend! En effet, « le droit des personnes ayant un diagnostic psychiatrique à exprimer leur colère est souvent nié par les professionnels qui voient en son expression une forme de « décompensation », même si cette colère est légitime et serait qualifiée de telle si c’était une personne sans étiquette psychiatrique qui l’exprimait. » (Chamberlin 1997, extrait du livre : Le suivi communautaire en santé mentale, une invitation à bâtir sa vie.

Pour bien comprendre le phénomène de décompensation nous devons revoir notre façon de « compenser » quand un manque devient récurrent. En fait, surutiliser un mode de compensation peut parfois fragiliser notre équilibre et nous entraîner dans un état de « décompensation » autrement dit un état de « psychose » c’est-à-dire, une perte de contact avec la réalité; ce que le psychanalyste Willy Apollon appelle un état de « régression ».

Un « trouble » de santé mentale ne nous tombe pas dessus avec la pluie. Notre « style » de personnalité à tout à y voir. La surutilisation de notre « trait » dominant porte le risque de verser vers le « trouble » correspondant.

P a g e | 12 20

Page 13: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

Lors d’une entrevue par exemple, l’on pourra s’attendre à ce que l’évitant soit timide et craintif, l’histrionique soit séduisant, le paranoïaque soit plutôt méfiant, l’obsessif-compulsif soit poli et guindé et le dépendant soit soumis etc.

Reconnaissez-vous votre trait dominant?

Donnez-moi des exemples d’un « mode de compensation » :

……………………………

L’usage abusif de l’alcool souvent utilisé comme « automédication » peut pousser jusqu’à la violence. S’auto-médicamenter sous-entend que la personne souffre!

La surutilisation de la carte de crédit peut causer des dépendances à la consommation ou des faillites personnelles. Ce sont des problématiques « psycho-sociales » très fréquentes. La « durée » de telles problématiques est un des principaux facteurs pouvant fragiliser la santé mentale.

Il y a les « troubles des habitudes et des impulsions » qui sont considérés comme faisant partie du spectre du trouble obsessionnel compulsif; ne sont-ils pas

TRAIT Vulnérable au trouble correspondant

TROUBLE Potentiel de santé mentale

Solitaire Schizoïde

Originale, marginale Schizotypique

Vigilante Paranoïaque

Sûre de soi Narcissique

Exubérante Histrionique

Fluctuante Bordeline

Aventurière Antisociale

Consciencieuse Obsessive/compulsive

Avocat du diable Passive/agressive

Discrète Évitante

Dévouée Dépendante

P a g e | 13 20

Page 14: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

d’autres exemples pour comprendre en quoi consiste un « transfert de souffrance » ou un « mode de compensation »? Ce qu’on appelle communément les « manies »; il en existe un grand nombre et parmi elles, mentionnons la trichotillomanie ou trichomanie, un trouble chez l'être humain caractérisé par l'arrachage compulsif de ses propres poils et/ou cheveux, entraînant une alopécie manifeste sur la partie du corps touchée.

Comme la syllogomanie, le syndrome de l’engrangeur où « l’accumulateur compulsif » : « accumule des possessions et n’arrive pas à s’en débarrasser, même si ces choses sont inutiles ou sans valeur. Les articles accumulés envahissent la maison et peuvent entraîner de graves problèmes dans les activités et les relations quotidiennes, et même présenter des risques d’incendie et des dangers pour la santé et la sécurité de la personne (santementale.ca) ».

Ce trouble ne fait aucunement de différence dans la situation économique de la personne. Riches ou pauvres peuvent en souffrir.

Notons que le « syndrome de Diogène » diffère de la syllogomanie dans le sens que celui ou celle qui en souffre n’a pas de toit. Une vie d’errance avec une énorme charge à transporter comme on en voit trop souvent. Les personnes aux prises avec de tels « modes de compensation » font référence au « vide » profond et douloureux qui les habite.

Une période de « décompensation » peut parfois être précédée d’un état de « crise ». Encore faut-il être en mesure de la reconnaître! Dans son livre « Le naufrage des civilisations » Amin Maalouf dit : « Quand un homme décide de mettre fin à ses jours, on ne peut que se demander pourquoi il en est arrivé à de telles extrémités. Si les causes ne sont jamais les mêmes d’un suicide à l’autre, il y a d’ordinaire une raison commune : l’absence d’espoir. » Il ajoute : « Lorsqu’une personne perd l’envie de vivre, c’est à ses proches qu’il revient de lui redonner de l’espoir. »

Avec tout le respect que je dois à M. Maalouf, je dois mentionner que c’est à la condition que l’entourage ait pu reconnaître les signes d’une telle détresse, ce qui n’est pas simple en soi. Se voyant comme un « looser » un faible, dans la honte et la culpabilité, un homme ne laissera pas paraître grand-chose… Et c’est là tout le problème. Savons-nous toujours reconnaître les manifestations d’un état de crise? Quand on sait que la honte et la culpabilité n’appartiennent pas qu’à la victime!

Crise!

La définition du mot « crise » dans le domaine de l’intervention psychosociale se traduit bien sûr par une « période de grande agitation » comme on peut le constater dans différents dictionnaires mais avec l’expérience de terrain, autour de moi le mot « crise » signifie bien plus à mon sens une « résistance au changement » et parmi les

P a g e | 14 20

Page 15: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

conséquences d’une telle résistance je mentionnerais la « phase de déséquilibre dans la vie d’une personne » comme conséquence, que l’on donne souvent comme autre définition.

Loin de mon intention de me prendre pour un « linguiste » et je m’en excuse mais j’insiste pour dire que très souvent ce que l’on donne comme définition est pour moi plus souvent une conséquence.

Une crise donc, une grande résistance au changement, provoquera une phase d’une durée « indéterminée » de déséquilibre dans la vie d’une personne. Malheureusement, cette résistance au changement chez beaucoup d’êtres humains demeurera leur principal réflexe de protection et entraînera une très grande difficulté d’adaptation.

Trouble d’adaptation, nous voilà revenus à la case départ. Mentionnons que même rendus adultes, nous ne sommes pas toujours bien équipés pour faire face à l’échec. Tous ces gestes insensés dont nous sommes témoins aujourd’hui, ne pourrions-nous pas y remédier dès l’enfance?

D’ailleurs, du côté de notre système de santé, concernant la psychiatrie, c’est la même chose. Gardons notre sens critique si précieux et posons tous ensemble un regard différent sur la souffrance humaine. Les dérèglements aux neurotransmetteurs seraient-ils toujours la cause d’un trouble de santé mentale? Ou ne seraient-ils pas plutôt la conséquence dans certains cas d’une longue et difficile traversée? Et pour cette raison, les abus, les séquelles de maltraitance de toutes sortes durant l’enfance ayant conduit une personne à l’âge adulte à être diagnostiquée, étiquetée et incitée fortement à prendre une médication pour le reste de sa vie… est questionnable! Non?

Se rendre à un travail que nous n’aimons pas tous les matins, toutes les semaines, tous les mois et ce, pendant des années en n’ayant hâte qu’aux vacances! Ne risquons-nous pas de fragiliser notre équilibre mental en retardant ainsi la réalisation de nos rêves ou le plongeon dans notre passion? La crise existentielle qui se prépare exigera une démarche en profondeur pour se réapproprier nos intérêts et du courage pour se réorienter, se réinventer.

Retrouver son estime de soi, c’est-à-dire réapprendre à s’aimer, ce qui s’avèrera l’antidote à bien des pilules. L’expérience-terrain m’a mis plus souvent devant des faits plus que des mots!

Heureusement, je ne suis pas le seul à me questionner sur un tel sujet. « L’imposture de la maladie mentale » un titre publié en 2012 qui critique le discours psychiatrique écrit par Alain Bachand aux éditions Liber, en est un bon exemple.

P a g e | 15 20

Page 16: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

Alors, croyez-vous à un possible rétablissement? Un rétablissement « assez significatif » pour retrouver son autonomie quand une personne est aux prises avec un diagnostic depuis des années.

Soyons honnêtes avec nous-mêmes. Notre regard ne change-t-il pas lorsqu’on apprend que la personne en face de nous a déjà vécu un ou plusieurs épisodes d’hospitalisation en psychiatrie?

Personne n’est à l’abri d’un tel épisode.

Savez-vous que notre façon de s’alimenter a une influence directe sur la qualité de notre sommeil? C’est étroitement lié. Bien manger, bien dormir et surtout bien s’hydrater est un bon début pour notre équilibre physique et mental.

Que faites-vous pour prendre soin de votre santé mentale? De l’exercice? De la peinture? De la méditation?

Plusieurs personnes optent pour le bénévolat. Un choix de plus en plus valorisé dans notre société mais permettez-moi d’ouvrir une courte parenthèse sur ce phénomène et les coûts publicitaires pour en vanter ses mérites! Aujourd’hui, j’avance avec certitude que la société ne pourrait pas fonctionner sans l’implication de ces milliers de bénévoles. À se dévouer, inconditionnellement et aussi humainement qu’en exige la cause, le, la bénévole ne sera-t-il ou ne sera-t-elle jamais tenté.e de se payer d’une manière ou d’une autre?

Vu l’état des choses, les bénévoles portent la mission de centaines d’organismes sur leurs épaules mais permettez-moi de douter de l’altruisme et de la générosité de certains!

L’air de rien, la disparition d’un ou deux rouleaux de papier hygiénique, d’ustensiles de cuisine, de café ou de la serviette à mains, au bout de l’année, les coûts ne sont pas négligeables. Comme dirigeants d’un organisme, nous le constatons mais les preuves manquantes nous empêchent de cibler et d’accuser le ou la bénévole qui ne s’engage pas pour les bonnes raisons… Ce sont des cas rares, heureusement.

Loin de mon intention d’entacher la noblesse d’un tel dévouement mais il est devenu, selon moi, indécent de tenir de la sorte autant d’organismes sous le joug du bénévolat. Il ne serait pas mieux de créer de l’emploi? Et l’économie s’en porterait certainement mieux…

Combien de fois ai-je entendu lors d’une nouvelle demande de bénévolat, le prétexte suivant : « Je suis sans travail présentement, j’ai donc du temps pour du bénévolat…j’aimerais m’impliquer chez-vous! » Quand cette personne « altruiste » se trouvait enfin un travail, malheureusement elle disparaissait, sans nous prévenir très souvent.

P a g e | 16 20

Page 17: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

Écouter la « souffrance humaine » exige de posséder de grandes qualités humaines. Gardons les pieds dans la réalité! Le sens de l’engagement « inconditionnel » n’apparaît pas par miracle! Et ce, tant au niveau « social » que « relationnel ».

L’importance d’outiller les bénévoles et de stimuler la réflexion me tient à cœur. Votre sens critique est primordial pour moi. La prémisse à intégrer est celle-ci : Le premier outil de travail en santé mentale est vous-mêmes. Pour ce faire, une propension à l’introspection est primordiale.

Continuons la révision de nos conceptions.

Le « rétablissement » c’est retrouver la capacité de rêver et de rire souvent et beaucoup. C’est gagner le respect des gens qu’on aime, mériter leur appréciation. Se sentir enfin capable d’endurer la trahison des faux amis, de ceux qui nous ont sévèrement jugés lors d’une hospitalisation. C’est apprécier la beauté chez autrui et laisser le monde un peu meilleur après y être passé. C’est se sentir utile et encore faut-il leur en laisser la chance! Certaines souffrances sont de véritables leçons de vie!

Le « rétablissement » c’est retrouver la capacité de vivre les petits bonheurs, que ce soit grâce au sourire d’un enfant en santé, à un joli jardin quand le printemps arrive ou des petites victoires quand on s’est engagé dans la lutte pour une amélioration des conditions sociales. Le rétablissement c’est de savoir qu’au moins un être a pu respirer plus à l’aise parce que nous l’avons accompagné et aidé à se sortir de la honte. Et sorti de cette honte, la réinsertion sociale peut s’amorcer. Les nombreux témoignages que j’ai pu entendre l’ont tous mentionnée, cette honte.

C’est à tout cela que je fais référence quand je parle de santé mentale. Je vous laisse sur des mots que j’ai retenus parmi toutes mes lectures. Des mots qui correspondent bien à une telle réflexion et qui, selon moi, peuvent être très inspirants en ce qui concerne la promotion de l’entraide et la validation de l’expérience de l’aidant, des pairs-aidants ou des écoutants comme vous.

« Les meilleurs guides sont ceux qui ont une histoire à partager. Par histoire, j’entends un sentier tracé par un vécu. Du vrai vécu. Une formation reposant sur l’expérience. Quelque chose qui se raconte avec émotion. Pas du verbiage ou des pensées rebattues, cueillies dans un livre ou au cours d’une conférence. Du vrai vécu. » (Pierre Morency, Les Masques tombent)

Alors, où en est maintenant votre perception de la santé mentale?

L’écoute des personnes qui en souffrent ou en ont souffert changera impérativement la conception que vous en aviez…

Votre sensibilité, votre authenticité, votre humanité, votre ouverture, votre présence et votre absence de jugement, feront toute la différence…

P a g e | 17 20

Page 18: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

À vous la parole…

P a g e | 18 20

Page 19: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

BIBLIOGRAPHIE

Le suivi communautaire en santé mentale Une invitation à bâtir sa vie, Sous la direction de Rosanne Émard et Tim Aubry, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2004

Guide critique des médicaments de l’âme David Cohen, Suzanne Cailloux-Cohen et l’AGIDD-SMQ Les Éditions de l’HOMME

Plan d'action en santé mentale 2015-2020 Le Plan d'action en santé mentale (PASM) 2015-2020 – Faire ensemble et autrement

Association canadienne pour la santé mentale – Filiale de Montréal https://acsmmontreal.qc.ca ›

Le traitement psychanalytique des psychoses Willy Apollon, Danielle Bergeron, Lucie Cantin Gifric

Le naufrage des civilisations Amin Maalouf Essai chez Grasset 2019

L’imposture de la maladie mentale Critique sur le discours psychiatrique Alain Bachand, aux Éditions Liber 2012

Les masquent tombent Pierre Morency Les Éditions Transcontinental

Aider sans nuire De la victimisation à la coopération Dre Suzanne Lamarre, psychiatre Éditions Lescop

Nouvel éloge de la diversité sexuelle Michel Dorais et Sophie Breton VLB Éditeur

Textes de l’internement Manuscrits asilaires de Saint-Jean-de-Dieu (vol.1) Michèle Nevert, XYZ Éditeur Collection DOCUMENTS

Et ne me dites pas que ma colère est rose! Manifeste sur la condition masculine

P a g e | 19 20

Page 20: Posons un regard différent sur notre santé mentale

RÉFLEXION SUR LA SANTÉ MENTALE

Jacques Charland aux Éditions Espoir Enr.

P a g e | 20 20