Pour le développement versel

de la poste

1ère Conférence mondiale d’UNI Poste

Genève, les 4 et 5 novembre 2003

Introduction Le secteur postal traverse à présent une période de mutations sans précédent. Ce service public indispensable, qui emploie plus de 5 millions de personnes dans le monde et constitue un important facteur de cohésion sociale, est plus que jamais au centre de toutes les attentions. Dans de nombreux pays, le service postal fonctionne bien – si bien que pour beaucoup, cette qualité-là est considérée comme un dû. Les autorités postales de différents pays, représentées au sein de l'Union postale universelle qui assure la coordination des travaux, pratiquent une coopération qui est un modèle de partenariat international. Certes, le travail de routine nécessaire pour acheminer et distribuer les lettres et les colis en temps utile peut paraître assez éloigné du monde chatoyant de l'Internet, du "e-commerce" et des communications électroniques. Mais selon un observateur spécialiste du secteur, la poste conserve toute sa pertinence ( "Post still matters").1 Dans la société de l'information qui commence à se dessiner, il revient à la poste un rôle capital puisqu'elle peut être la passerelle indispensable pour relier l'ancienne et la nouvelle économie. Inévitablement, le secteur postal est voué à se transformer, à s'adapter aux mutations rapides de notre temps, au développement des nouvelles technologies d'information et de communication, et à une économie de plus en plus globalisée. Et si le changement peut paraître redoutable, il est aussi porteur de nouvelles potentialités. Les syndicats pourraient se réjouir de ces changements, qui conjugueraient une meilleure qualité de service à la clientèle et l'amélioration du sort des travailleurs – non seulement avec des salaires corrects mais aussi de meilleures conditions de travail et la possibilité d'accéder à des emplois plus qualifiés. L'approche holistique consiste à trouver les moyens d'aménager les changements dans un sens qui profite à l'ensemble des parties prenantes des services postaux. Mais le secteur postal, comme d'autres avant lui, a également fait l'objet de fortes pressions idéologiques des milieux néolibéraux, pour qui le changement ne saurait avoir d'autre objectif que le retour sur investissement. Cette idéologie s'en prend aussi au principe de service public et implicitement, met en péril l'idée d'un service postal universel. Cette évolution constitue un risque à la fois pour l'emploi et les conditions d'emploi, et pour le niveau du service offert à la clientèle. Le présent rapport aborde une série de questions: • La libéralisation et la privatisation du secteur postal •

L'AGCS •

Le service postal universel • Le rôle de la Banque mondiale et du FMI • Les cabinets conseils privés et le secteur postal •

La mondialisation et l'essor des opérateurs postaux multinationaux • Les services postaux dans la société de l'information • Les conséquences du changement dans le secteur postal pour l'emploi et les conditions de

travail Le rapport s'achève par quelques conclusions et propositions d'action s'adressant à la fois à l'UNI et à ses affiliés.

1 Robert M Campbell, Regulatory and Governance Changes in Liberalized, Commercialized Postal Environments.

1. La libéralisation et la privatisation du secteur postal Pratiquement depuis sa création, le secteur postal a vécu avec sa soeur jumelle, les télécommunications, mais depuis quelques années, cette étroite relation a été rompue et les télécoms sont parties vivre leur vie dans le vaste monde. Que leur est-il arrivé ? Le secteur des télécoms concentre sur lui l'intérêt des milieux néolibéraux et a fait l'objet d'une vaste libéralisation dans de nombreux pays, suite aux accords de 1997 de l'Organisation mondiale du commerce - et à des mesures de privatisation. Pendant un temps, les actions des télécoms ont été les chouchous de toutes les places boursières mondiales. Mais les choses ont bien changé depuis. Le secteur des télécoms se débat pour échapper à une crise majeure : certaines grandes sociétés affichent de lourdes pertes commerciales et des niveaux élevés d'endettement, tandis que leurs cotations boursières s'effondrent. Le scandale de WorldCom illustre particulièrement bien les pratiques peu reluisantes de fraude et de cupidité dans les entreprises du secteur. La situation n'est pas brillante, et la poste devrait en tirer les enseignements. Le secteur postal ne doit pas céder à la tentation et se précipiter sur la voie suivie par les télécoms, vers un avenir placé sous le signe du commerce et un marché totalement libéralisé et privatisé. Cet argument, qui circule aux États-Unis, en Europe et au Japon, pourrait être particulièrement convaincant pour les pays en développement et les économies en transition d'Europe centrale et orientale et d'Asie centrale. A ceux qui considèrent que la voie néolibérale est la seule possible, il convient de rappeler les commentaires de la Banque mondiale et de l'UPU dans leur brochure commune intitulée Le secteur postal à l'ère d'Internet : … il n'y a pas une voie unique vers la réforme postale... Les conditions économiques particulières, les traditions en matière de gestion des entreprises et l'évolution des besoins du marché exigent des stratégies spécifiques et des solutions spécialement adaptées.2 De l'organisme public au statut d'entreprise On observe dans de nombreux pays du monde une tendance bien connue vers la transformation de l'organisme public en société commerciale, consistant à dissocier les activités de gestion et de développement stratégique pour les confier à des organismes en dehors du pouvoir de l'Etat. Cette transformation de l'organisme postal public en personne morale apparaît de plus en plus comme un modèle qui assure une souplesse suffisante de la gestion et des finances, et permet aux fournisseurs de services postaux d'offrir un service public universel de bonne qualité tout en bénéficiant des avantages d'une approche plus commerciale. L'OCDE, par exemple, cite parmi ces avantages l'amélioration de la rentabilité, de la qualité du service, de la productivité et du rendement.3 Les syndicats peuvent évidemment soutenir la privatisation si elle a pour objet d'améliorer le service public et d'utiliser l'argent public de manière plus rationnelle: 2 Banque Mondiale/UPU Le secteur postal à l'ère d'Internet, Études de cas de réforme postale, 2e éd..juin 2002. 3 OCDE Promouvoir la concurrence dans les services postaux, Paris, 1999.

Par exemple, le syndicat des travailleurs des postes d'Australie, le CEPU, a confirmé qu'il était nécessaire "de procéder à un changement légitime et justifié du cadre de fonctionnement et de la réglementation des services postaux". Il a reconnu que le passage au statut de société commerciale, dans la mesure où il satisfait à des obligations claires de service à la communauté et s'accompagne d'un engagement de l'Etat au maintien d'une certaine participation, pourrait améliorer à la fois la rentabilité et les conditions d'emploi. Le CEPU a par ailleurs contesté les initiatives de libéralisation et de déréglementation de la poste.4 Le Syndicat britannique des communications s'est félicité de la loi adoptée par les services postaux du Royaume-Uni, "Act 2000", qui conférait à Royal Mail une plus grande autonomie dans ses emprunts et l'autorisait à conserver une plus grande partie de ses bénéfices après impôts. Le CWU avait auparavant argué que l'entreprise était cruellement privée des fonds qui lui étaient nécessaires pour soutenir la concurrence des opérateurs postaux européens.5 La seule réserve est que toute réforme structurelle visant à transformer un service postal national en une entreprise commerciale doit s'effectuer en partenariat avec les syndicats. En particulier, toute initiative qui ferait perdre aux employés de la poste leur statut de fonctionnaire exige une discussion particulièrement approfondie avec les syndicats, et leur consentement. Le gouvernement du Sri Lanka, en coopération avec la Banque mondiale, a établi un plan visant à convertir la poste du Sri Lanka en une société publique dotée d'une totale autonomie de fonctionnement et d'une pleine liberté commerciale. Mais initialement, il n'avait pas été prévu d'inclure dans ce plan la consultation des syndicats des travailleurs des postes. Ce n'est qu'après avoir farouchement bataillé que le syndicat a pu se faire entendre.6 La libéralisation La libéralisation (c'est-à-dire la suppression du monopole d'Etat et l'ouverture à la concurrence) est menée au niveau national, au niveau régional (en particulier par l'Union européenne) et au niveau international, en particulier dans les négociations visant à élargir l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) de l'OMC (ce point est traité ci-dessous de manière plus détaillée). Au sein de l'Union européenne, la directive de 1997 sur la poste autorisait les Etats membres à conserver un monopole seulement pour les envois de correspondance intérieure d'un poids inférieur à 350 grammes et/ou d'un tarif d'affranchissement ne dépassant pas 5 fois le tarif d'une lettre ordinaire. Cette initiative a été suivie en 2002 par une révision de la directive, qui ouvrait à la concurrence la catégorie des lettres d'un poids supérieur à 100 grammes (ou d'un prix supérieur à trois fois le prix d'une lettre standard ) et - sous réserve d'un droit de dérogation si l'Etat a besoin des revenus de ce segment pour maintenir le service universel – tous les envois de courrier sortant transfrontières. Cette étape vers la libéralisation doit être suivie en 2006 d'une autre initiative qui ouvrira à la concurrence les envois de lettres de plus de 50 grammes (ou d'un prix supérieur à deux fois et demie le tarif d'une lettre standard). Enfin, l'Union européenne doit en principe statuer sur le bien-fondé d'une libéralisation totale en 2009.

4 Voir Privatising Post, rapport intérimaire à la conférence d'UNI (APRO) sur le secteur des services postaux et assimilés, Hiroshima, octobre 2000. 5 Voir Andrew Bibby, Post Modern, CWU, 2000. 6 Voir Privatising Post, rapport intérimaire à la conférence d'UNI (APRO) sur le secteur des services postaux et assimilés, Hiroshima, octobre 2000.

Les partisans d'une approche radicale de la libéralisation avancent l'argument que la concurrence entraîne une baisse des prix et élargit l'éventail des choix pour les consommateurs. Mais le marché postal comporte des segments qui n'intéressent pas forcément les opérateurs du secteur privé. De fait, la libéralisation présente certains risques et notamment: • "L'écrémage" – les opérateurs privés sont en concurrence avec les opérateurs publics pour

les segments du marché les plus rentables (par exemple, les envois en nombre effectués par les entreprises, le courrier interurbain) mais ne se bousculent pas pour les services moins rentables (la distribution dans les zones rurales ou les quartiers pauvres). Les services de guichet, en particulier dans les zones rurales ou pauvres, peuvent être menacés. Les opérateurs privés s'efforcent d'éliminer les subventions croisées qui sont souvent implicites dans un service postal national.

En Nouvelle-Zélande, la libéralisation totale de la poste, lancée en 1998, s'accompagnait d'un plan visant à faire payer des frais supplémentaires aux habitants des zones rurales pour la distribution du courrier. Très controversé, ce projet a ensuite été retiré.7 Suite à la libéralisation totale de la poste suédoise, le premier opérateur postal national, Posten, a baissé ses tarifs pour les courriers en nombre à destination des neuf plus grandes villes du pays. En revanche, le tarif de la lettre de première classe a augmenté d'environ 30%, taux très largement supérieur à l'inflation, en 1997.8 • Les autorités de réglementation ne pensent souvent qu'à accroître la concurrence au

détriment d'autres aspects, par exemple l'investissement dans le développement à long terme ou le maintien des termes et conditions d'emploi. UNI Telecom a fait part de ces critiques aux autorités de réglementation du secteur des télécoms.

• Les mesures inopportunes ou trop hâtives de libéralisation peuvent obliger les opérateurs en

titre à prendre des mesures immédiates d'économie, sans tenir compte des stratégies à long terme, d'où le risque de suppressions d'emplois et la détérioration des conditions de travail.

En France, la CGT a mis en garde contre ce risque, en soulignant que, avec l'ouverture à la concurrence au titre de la directive de la Commission européenne, le risque existe que les opérateurs postaux européens pratiquent le dumping social à vaste échelle. C'est ce qu'a déclaré Patrick Bourgeois, directeur du secteur postal de la CGT, dans une récente interview avec le magazine spécialisé Postal Technology International.9 • Les entreprises privées ont une responsabilité limitée et les simples citoyens ne sont pas

protégés contre les éventuelles défaillances de ces entreprises. Autrement dit, les entreprises postales privées peuvent cesser leur activité commerciale ou échapper à leurs responsabilités en se déclarant en faillite, et c'est l'ensemble de la société qui doit ensuite payer les pots cassés.

En Suède, plusieurs opérateurs postaux se sont déjà déclarés en faillite. L'un d'entre eux n'a pas relevé ses boîtes aux lettres tandis qu'un autre, sinon plusieurs, n'a pas été en mesure de rembourser les affranchissements perçus auprès de ses clients.10 7 Voir BIT, L'emploi, l'employabilité et l'égalité des chances dans les services des postes et télécommunications, Genève, 2002. 8 Voir CUPW (Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes) Votre service postal public: bien plus que du courrier, bien plus que le corridor Québec-Windsor, juin 2000. 9 Forum; A point of Arbitration, Postal Technology International, septembre 2002. 10 Source: Omega Partners, Study on the Impact of Certain Aspects of the Application of the Directive 97(67/EC on the Postal Sector, août 2001.

De manière générale, les syndicats ne rejettent pas radicalement la libéralisation en elle-même, mais insistent pour que toute initiative de libéralisation du secteur postal soit mesurée et progressive. Au Royaume-Uni par exemple, le Syndicat des travailleurs des communications (CWU) conteste les projets de l'autorité de réglementation Postcomm, qui selon lui vont libéraliser le marché "trop largement, trop vite, par de mauvaises méthodes et au mauvais moment".11 En Allemagne, ver.di est parvenu, en 2002, à empêcher la majorité de centre-droit à la chambre haute de saboter la loi sur la poste approuvée par le Bundestag (chambre basse). Ainsi que le souligne le syndicat "nous avons pu écarter la menace de suppression de milliers d'emplois dans les postes du fait d'une libéralisation précipitée du marché postal. Les mesures de libéralisation envisagées par ladite loi constituent pour la Deutsche Post AG un bon point de départ pour procéder aux ajustements requis face à la concurrence croissante sur le marché postal, tout en assumant sa responsabilité sociale à l'égard de ses salariés et dans la prestation de services en Allemagne.12 La privatisation Les services postaux peuvent être rentables et les investisseurs entendent bien avoir leur part de bénéfices. Il n'est donc pas surprenant que certains tentent d'associer la libéralisation aux initiatives de privatisation des opérateurs postaux. Contrairement au secteur des télécoms, l'Etat a gardé la main sur les organismes prestataires de services postaux publics. Les deux seules exceptions notables sont le groupe TPG des Pays-Bas et la Deutsche Post, où est intervenue une privatisation partielle (ces deux entreprises sont étudiées ci-après de manière plus détaillée). A ce jour, le gouvernement néerlandais détient près de 35 % des actions de TPG, et en Allemagne, l'Etat conserve 69 % des actions de la Deutsche Post. Dans le secteur postal, le segment des colis express (messageries) s'est développé hors du cadre des services postaux traditionnels et est dominé par des entreprises du secteur privé telles que FedEx et UPS. Deux autres entreprises de messagerie, TNT et DHL, ont été rachetées, respectivement par TPG et la Deutsche Post. Rappelons au passage que les opérateurs postaux nationaux restés aux mains de l'Etat concluent souvent des partenariats commerciaux avec des entreprises du secteur privé.

11 CWU, Time to rein the regulator. 12 UNI, Allemagne: Common sense triumphs on postal policy, déclaration, 5 juillet 2002.

2. L'AGCS On ne soulignera jamais assez l'importance de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS) négocié dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. Ces négociations commerciales multilatérales (dénommées cycle de Doha) visent à élargir le champ d'application de l'AGCS. C'est à ce niveau que se déroule la principale bataille autour des futures orientations de la poste à l'échelle internationale. Dans son document d'information de l'année 2000, UNI avait déjà prévenu que l'Accord général sur le commerce des services de l'OMC aurait "des répercussions profondes sur les travailleurs de tous les services." UNI a également publié récemment un document de questions-réponses à propos de l'AGCS, dans lequel elle donne de plus amples informations. Ces documents et d'autres peuvent être consultés sur une page spéciale du site d'UNI: www.union-network.org/UNIsite/News_Info/GATS.html Le cycle de Doha devrait - si tout va bien - s'achever en janvier 2005. Ces négociations commerciales multilatérales se déroulent d'une manière comparable à celle qu'ont les enfants d'échanger des timbres pour leur collection: chaque pays commence par demander aux autres quels sont les marchés qu'ils voudraient voir ouvrir à la concurrence internationale au titre de l'AGCS. Cette opération est suivie d'une période durant laquelle les Etats peuvent annoncer leurs offres initiales - autrement dit, quels sont les marchés de services qu'ils sont prêts à ouvrir la concurrence. S'ensuivent d'âpres négociations à huis clos. Puis, toujours comme les enfants qui s'échangent leurs petits trésors, rien ne garantit que le processus s'achèvera de manière acceptable pour les deux parties. (Pendant ce temps, nous restons spectateurs et n'avons guère de possibilités de donner notre avis). L'AGCS actuellement en vigueur, qui stipule un ensemble de règles juridiquement contraignantes au niveau mondial pour le commerce international des services, a pris effet en 1995. Dans ce texte, les membres de l'OMC sont convenus d'appliquer au commerce international une série de principes généraux, y compris le principe dit "de la nation la plus favorisée": lorsqu'un pays s'engage à autoriser l'accès à ses marchés nationaux à un fournisseur étranger de services, il doit conférer ce droit d'accès sans discrimination à tous les fournisseurs de services étrangers implantés sur son territoire, quel que soit leur pays d'origine. Les membres de l'OMC peuvent choisir à titre individuel les services qu'ils souhaitent ouvrir à la concurrence. Les services postaux n'occupaient pas une place de premier plan dans l'AGCS initial, mais à présent, ils figurent en bonne place dans le Programme de Doha. Les négociations sont menées par des gouvernements et non par des entreprises individuelles, mais il n'en reste pas moins que les positions de ces gouvernements peuvent être fortement influencées par le lobbying du secteur privé. En particulier, les grands groupes de courrier express exercent de fortes pressions commerciales pour la libéralisation des services postaux. UNI redoute que, dans le secteur postal comme dans les autres, les mécanismes de l'AGCS ne soient utilisés par les milieux d'affaires pour détruire le service public. En principe, l'AGCS exclut les services "fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental", lorsque ces services ne sont fournis ni sur une base commerciale, ni en concurrence avec d'autres fournisseurs de services. Mais ce libellé ne précise pas si les services postaux traditionnels entrent ou non dans le champ d'application de l'AGCS : il serait donc préférable de renoncer à l'idée qu'ils puissent rester en dehors. La classification des différents services est un facteur décisif dans l'application des accords de l'AGCS. Dans la mesure où l'actuel système de classification offre parfois une protection

supplémentaire aux services postaux publics13, le secteur des messageries privées insiste pour un reclassement des services postaux et de messageries, de manière à élargir le champ d'application de l'AGCS. Dès lors, on ne s'étonnera pas que cette demande ait été parmi les premières à être formulées, notamment par les États-Unis et l'Union européenne. Les entreprises du secteur privé exploitent déjà l'AGCS pour empêcher de toutes leurs forces la péréquation des services postaux, par exemple lorsque les recettes des services de courrier express servent à subventionner la poste aux lettres sous monopole national. La politique agressive menée par la Deutsche Post (organisme semi-public) pour accéder au marché américain des messageries – avec son acquisition récente de la société Airborne, a pour effet de fragiliser l'ensemble des opérateurs publics du secteur postal. UPS a déjà essayé de faire jouer l'obligation de libre échange au titre de l'ALENA contre Postes Canada, dans des circonstances analogues de subventions croisées. Ainsi que le souligne Scott Sinclair, il ne s'agit pas simplement d'un différend commercial; c'est une tentative qui vise à utiliser un accord commercial pour modifier la politique intérieure canadienne en vue d'avantager un groupement d'intérêts individuels14. UNI soutient le principe du commerce multilatéral et considère qu'un retour aux politiques protectionnistes n'est pas de nature à faciliter la croissance de l'économie mondiale, ni l'amélioration des conditions de travail. Néanmoins, les syndicats rencontrent de nombreuses difficultés dans l'actuel cycle de négociations de l'AGCS. Tout d'abord, l'ensemble de ce processus "d'échanges de marchés" se déroule en privé, non seulement hors de portée des syndicats et d'autres organismes représentant la société civile, mais en dehors des institutions des Nations Unies telles que l'OIT et l'UPU. L'OMC a refusé d'accéder à la demande de statut d'observateur que lui a adressée l'UPU. Dans les négociations sur les services postaux, UNI devrait avoir pour objectif de protéger les opérateurs qui assurent des services universels et de faire prendre en compte le point de vue des syndicats et des services postaux nationaux dans les négociations. Dans l'immédiat, le meilleur moyen d'atteindre ces objectifs est d'appuyer la demande de statut d'observateur à l'OMC soumise par l'Union postale universelle. (Document d'information d'UNI relatif à l'Accord général sur le commerce des services de l'OMC). Le principe de non discrimination dans le commerce, qui est l'un des piliers de l'AGCS, est également source de difficultés: les entreprises qui enfreignent les normes fondamentales du travail et ne se soucient guère de l'environnement peuvent l'utiliser pour faire valoir leur droit d'entrer directement en concurrence avec d'autres entreprises beaucoup plus soucieuses de l'éthique. Le groupement des Global Unions a adopté une déclaration exposant de manière exhaustive un plan de réforme de l'OMC, qui sera présenté à la Conférence ministérielle de l'OMC en septembre 2003. Le texte exige la protection des droits fondamentaux des travailleurs contre les pratiques dénuées de scrupules des gouvernements ou des entreprises. Il réclame également des mesures de sauvegarde du service public.15 D'ici là, UNI conseille à ses affiliés de s'opposer à toute initiative d'offre d'ouverture des marchés dans les services publics de la part de leur gouvernement national. Et si celui-ci devait malgré tout formuler de telles offres, elles devraient être assujetties à des conditions préalables dans le 13 Pour de plus amples explications sur ce point, et pour une introduction très utile à d'autres conséquences de l'AGCS pour le secteur postal, voir Scott Sinclair, The GATS Implications for Postal Services, remarques élaborées pour un séminaire de l'UPU à Berne le 9 avril 2002. 14 ibid. 15 UNI, Questions et réponses à propos de l'Accord général de l'OMC sur le commerce des services, 6 mai 2003.

domaine social, par exemple, l'obligation de respecter les principes et droits fondamentaux au travail énoncés par l'OIT. Il est recommandé aux affiliés de s'opposer à toute initiative d'offre de libéralisation des services publics et d'autres services d’intérêt général de la part de leur gouvernement. Cette question est au cœur du débat et de la prise de décision démocratiques, et ne devrait pas être écartée des négociations et des accords passés à l’OMC. (Lettre aux affiliés de Philip Jennings, Secrétaire général d'UNI, 20 novembre 2002).

3. Le service postal universel Comment réagir face aux pressions internationales qui s'exercent sur les gouvernements et les opérateurs postaux nationaux par le biais de l'AGCS et des groupes de pression néolibéraux en faveur de la libéralisation du commerce? L'une des armes décisives réside dans la promotion du principe de service postal universel. La poste n'est pas un service commercial comme les autres, qui n'aurait que le profit pour seul objectif. C'est un facteur important de cohésion sociale, qui soude les membres de la communauté et de la nation. Les services postaux, au dire de la Commission européenne, sont "cruciaux pour la cohésion sociale".16 Qui plus est, la poste continuera de jouer un rôle clé dans la société de l'information. Aujourd'hui comme par le passé, il revient aux services postaux publics un rôle capital dans la fourniture de services de haute qualité à des prix uniformes et abordables, de façon à réduire les inégalités sociales et les disparités régionales, et à consolider les bases du développement économique. Le principe de service universel ne s'applique pas seulement au niveau national. Ainsi que l'ont souligné les délégués au Sommet des services postaux de 1997, "Sur les plans social et économique, les administrations postales ont la mission vitale de continuer à assurer les services universels au profit de tous les citoyens de la planète".17 L'UPU a elle-même adopté une clause d'obligation générale de service universel, pour inclusion dans la Convention postale universelle, lors de sa réunion de 1999. Toutefois, comme nous l'avons vu, les initiatives de libéralisation des services postaux constituent une menace pour la notion de service postal universel. Et même si la menace ne s'est pas concrétisée, certains opérateurs postaux ont dû se défendre contre les attaques du secteur privé. Ce fut par exemple le cas aux États-Unis, où les services postaux publics ont subi une offensive féroce de la part d'UPS et d'autres entreprises de messagerie (voir le document d'UNI à ce sujet18). UNI-Europa Poste définit comme suit les principes de base du service postal universel : •

assurer une distribution du courrier à chaque domicile et à chaque entreprise, dans des délais réguliers et généralement quotidiens, et à des tarifs qui soient à la fois uniformes et financièrement accessibles;

• fournir une gamme variée de produits postaux, faciles d'accès grâce à des bureaux de proximité appartenant à l'administration postale, ou franchisés par elle19.

De plus, UNI affirme vigoureusement que le meilleur moyen de concrétiser ces objectifs est de sauvegarder la viabilité des services postaux essentiels, qui doivent former un tout et rester un domaine réservé explicitement défini.20 Il est évidemment possible d'élaborer d'autres modèles susceptibles de maintenir le service postal universel. Plusieurs pays envisagent des mécanismes qui permettraient de financer les 16 Commission européenne, Proposition pour davantage d'ouverture du marché des services postaux – questions souvent posées, 30 mai 2003. 17 Déclaration du Sommet sur le service postal, Tokyo, 12-13 mai 1997, cité dans le Rapport de l'OIT L'emploi, l'employabilité et l'égalité des chances dans les services des postes et télécommunications, Genève, 2002. 18 UNI, US Postal Service rivals attack on three fronts, 3 mai 2000). 19 UNI, Evolution des services postaux européens, 18 février 2000. 20 Comité exécutif mondial d'UNI, Déclaration, 19-20 juillet 2000 : Le service postal universel : Un droit de l'homme fondamental menacé par la déréglementation et la libéralisation.

segments du service universel jugés non rentables par des subventions de l'Etat. Cette approche se décline en plusieurs étapes: il s'agit tout d'abord de calculer l'élément de subventions croisées inhérentes à un service postal national (par exemple, les frais supplémentaires qu'engendre la distribution du courrier dans les zones rurales éloignées, au regard du coût des distributions urbaines), et d'indemniser les opérateurs qui se chargent de ces activités à fort coût de revient par des fonds publics - fonds qui pourraient par exemple être obtenus au moyen d'une taxe imposée à tous les opérateurs postaux. Toutefois, cette approche suscite un certain scepticisme, et ce pour diverses raisons: tout d'abord, elle privilégie des intérêts individuels au détriment d'intérêts collectifs. Elle remplace un service que chacun perçoit d'emblée comme un service d'intérêt général par un ensemble de mécanismes dont le sens n'est bien compris que par les spécialistes. Dès lors qu'un service public accessible à tous est redéfini comme une activité "non rentable" qui exige une injection d'argent public, la démarche risque d'ouvrir la porte à un redoublement des pressions en faveur de la privatisation et de la restriction du service public. En apportant ainsi de l'eau au moulin des intérêts commerciaux qui souhaitent un basculement rapide vers la libéralisation des marchés postaux, la démarche fragilise aussi les opérateurs postaux nationaux en les exposant à des bouleversements soudains accompagnés de licenciements de masse et d'atteintes majeures aux conditions de travail. Comme nous l'avons vu, les syndicats ne sont pas les seuls à plaider pour une libéralisation progressive. UNI définit le service postal universel comme étant un droit de l'homme fondamental. Il faut cependant rappeler que si le public des pays développés est habitué à des services postaux qui fonctionnent bien, il n'en va pas de même dans d'autres régions du monde. En témoigne le rapport Privatising Post rédigé pour UNI-APRO: Si les pays industrialisés assurent dans l'ensemble un service universel à leur population, il n'en va pas de même dans les pays en développement, où une large partie de la population n'a pas accès au service postal. La Banque mondiale déclare que les pays à faibles revenus ne sont en mesure de fournir un service postal qu'à 66% seulement de leur population, en moyenne. On peut en déduire que, étant donnée la très faible pénétration de la téléphonie dans ces pays, près de 34 % des populations n'ont accès à aucun moyen de communication21. La convention de l'UPU sur les frais terminaux (qui prévoit le partage des recettes du courrier transfrontières entre le pays d'expédition et le pays de destination) établit une pratique d'interfinancement au plan international. De ce fait, les services postaux des pays en développement tirent un revenu de la distribution du courrier international arrivant sur leur territoire. Les règles régissant le repostage (restrictions imposées à une entreprise d'un pays A qui utilise un pays B pour envoyer du courrier adressé à des destinataires dans le pays A) contribuent à défendre les dispositions prises par l'UPU. Toutefois, ces règles internationalement acceptées sont à présent contestées par les opérateurs privés qui souhaiteraient exploiter les segments les plus rentables du marché. Une idée inquiétante circule à présent, selon laquelle les règles de l'UPU pourraient être en contradiction avec le principe de la nation la plus favorisée (NPF) énoncé dans l'AGCS, ce qui pourrait ouvrir la porte à une action juridique au titre des procédures de l'OMC.22 21 Privatising Post, interim report to the UNI (APRO) Post and Allied Service Sector conference, Hiroshima, octobre 2000. 22 Voir Scott Sinclair, The GATS Implications for Postal Services, observations rédigées pour le séminaire de l'UPU, Berne, 9 avril 2002.

4. Le rôle de la Banque mondiale et du FMI Depuis presque deux décennies, les théories de libéralisation du marché et de privatisation font partie du dogme prôné par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Dans son rapport de 1996 Réorientation pour la poste: réforme du secteur postal, la Banque mondiale considère le service postal comme "l'un des derniers bastions de l'ordre ancien" et a récemment imposé son programme dans plus de 30 pays du monde, y compris des initiatives de grande envergure par exemple en Algérie, au Honduras, en Jordanie et au Maroc. La Banque mondiale oeuvre de concert avec les gouvernements pour entreprendre une vaste réforme du secteur postal, en vue de transformer les organismes de services postaux en "entreprises modernes" capables d'être viables et compétitives23. Malheureusement, cette approche est dominée par le dogme de la privatisation (c'est d'ailleurs le Groupe de la Banque mondiale pour la privatisation des services qui le premier a exprimé l'intérêt de cette institution pour la réforme du secteur postal)24. Lors de sa réunion de juillet 2002, le Comité exécutif mondial d'UNI a exprimé sa réprobation quant aux exigences de libéralisation et de privatisation du secteur postal formulées par la Banque mondiale. Les pratiques de celles-ci ont fait également l'objet d'une critique plus détaillée dans le rapport d'UNI-APRO cité au chapitre précédent. Ainsi que le soulignent ses auteurs: Le programme de "réforme" du secteur postal prôné par la Banque mondiale va explicitement dans le sens des pressions en faveur de la rationalisation du travail. Se fondant sur l'hypothèse que les administrations postales fonctionnent généralement en sureffectifs, la Banque mondiale soutient que les impératifs commerciaux - tels que l'offre du meilleur service à un prix minimal – exigent une réduction des niveaux généraux d'emploi au sein des administrations postales… Sachant que de nombreux pays en développement ne disposent que d'une faible protection sociale contre le chômage (situation que la Banque mondiale ne s'engage aucunement à améliorer), ces propositions seront susceptibles de causer des perturbations catastrophiques dans l'ensemble du monde en développement.25 Bien entendu, ce message ne concerne pas que le secteur postal. Un récent rapport publié par le Center for Global Development conclut que "au moins au départ, et en moyenne, les privatisations ont aggravé la répartition des richesses et des revenus"26. De même, au début de cette année, un article du journal Le Monde sur l'expérience des privatisations en Afrique, affirme que les gains d'efficience économique ne sont pas évidents, et que les privatisations ont souvent débouché sur une situation de monopole.27 La Banque mondiale a commencé à réviser son message. Son président, James Wolfensohn, a déclaré à une délégation syndicale de haut niveau, en octobre 2002, que son organisation "n'était plus dogmatique en matière de privatisation". Par ailleurs, dans leur rapport commun Le secteur postal à l'ère d'Internet, la Banque mondiale et l'UPU ont soin de souligner que la libéralisation devrait être un processus graduel et qu'il est important de définir les obligations de service universel. Il convient de saluer cette subtile réorientation de la Banque mondiale, qui montre que les critiques des syndicats et des ONG commencent à porter leurs fruits. Néanmoins, les syndicats

23 Mieux connaître le secteur postal pour attirer plus d'investisseurs, UPU Union Postale, janvier-mars 2003 24 Privatising Post, interim report to the UNI (APRO) Post and Allied Service Sector conference, Hiroshima, octobre 2000. 25 ibid. 26 Center for Global Development, Winners and Losers, mai 2002, cité dans CISL, Déclaration du Groupement des "Global Unions" aux réunions de printemps 2003 du FMI et de la Banque mondiale. 27 Alain Faujas, Les privatisations coûtent cher à l'Afrique, Le Monde, 1er avril 2003, résumé.

ont pu constater que la prédisposition idéologique à la privatisation persiste dans certains services de la Banque mondiale. Selon la déclaration du groupement des Global Unions du printemps 2003 : Les organisations affiliées au groupe "Global Unions" font fréquemment état de grandes difficultés à obtenir des réunions avec les personnels de la Banque mondiale engagés dans la privatisation ou la restructuration de services ou d'entreprises où elles sont actives. Et lorsqu'elles obtiennent des réunions, elles s'entendent dire que les discussions doivent se limiter à certaines modalités concernant les privatisations; toute question concernant la décision de privatiser ou de ne pas privatiser étant considérée comme hors sujet ou sans objet. 28 Si la Banque mondiale semble vouloir se montrer moins dogmatique, on ne peut malheureusement pas en dire autant du Fonds monétaire international. Ainsi que l'ont souligné les Global Unions, "Pour une institution qui a affirmé que les privatisations ne faisaient pas partie de ses 'domaines centraux de compétence' et que la privatisation comme condition de prêt était en cours 'd’élimination', le FMI réussit encore à veiller soigneusement à ce que les gouvernements maintiennent le cap sur la privatisation". L'Union postale universelle, agence spécialisée des Nations Unies créée en 1874 pour superviser un "territoire postal" mondial, s'est également laissée entraîner dans la bataille idéologique sur l'avenir de la poste. Certains aspects du système de l'UPU, en particulier les règles sur les frais terminaux et les restrictions au repostage, ont été la cible d'une offensive concertée venant, par exemple, de la Conférence internationale des courriers express, qui est l'association patronale des opérateurs privés. Ceux-ci ont demandé une réforme totale de l'UPU. D'autres voix se sont élevées, appelant l'UPU à se transformer en une entité appuyant activement le passage de la poste à un statut commercial. Le Congrès postal universel de 2004 à Bucarest offrira la possibilité d'examiner ces arguments. UNI Poste observera de près cette évolution et sera d'ailleurs présente au Congrès de l'UPU afin d'exprimer son opinion. UNI Poste soumettra à la Conférence mondiale d'UNI Poste un document séparé sur ses relations avec l'UPU.

28 CISL, Déclaration du Groupement Global Unions au cours aux réunions de printemps 2003 du FMI et de la Banque mondiale.

5. Les cabinets-conseil privés et le secteur postal Les pressions qui visent à transformer les services postaux afin qu'ils ne s'intéressent plus qu'à un seul objectif - celui du niveau de rentabilité qu'ils pourront atteindre – risquent de s'intensifier sous l'influence des services offerts par les cabinets-conseil. Depuis une dizaine d'années, on constate une hausse spectaculaire du nombre d'entreprises proposant leurs conseils aux opérateurs postaux. Ainsi que l'a souligné Drew Stein, directeur exécutif de Transend Worldwide (anciennement New Zealand Post International), "le secteur postal ne fait que suivre les initiatives d'autres services publics tels que l'électricité, le gaz et autres services, qui sont confrontés aux mêmes réalités de déréglementation et de privatisation et s'appuient souvent sur les conseillers de gestion pour restructurer et recentrer leurs activités"29. Sur le marché du conseil en gestion, les principaux acteurs sont issus de deux filières. D'une part, certains opérateurs postaux nationaux (en particulier New Zealand Post et Postes Canada, mais aussi Deutsche Post et Royal Mail) ont entrepris de développer leurs propres services internationaux de conseil. Postes Canada, par exemple, a obtenu des contrats avec le Guatemala, le Chili, le Brésil, le Liban et la Chine, pour ne citer que quelques exemples. D'autre part, les grandes sociétés internationales de conseil ont également investi le marché : on peut citer parmi elles des noms familiers tels que Accenture et PricewaterhouseCoopers. La société américaine de conseil Arthur D. Little a fait savoir qu'environ 100 à 150 de ses 3000 salariés travaillent à présent sur des dossiers relatifs au secteur postal30. Le recours aux cabinets conseils est voué à se généraliser. Drew Stein, directeur de Transend déclare par exemple que le marché du conseil en gestion affichera d'ici cinq ans un " taux de croissance sans précédent". Le directeur du département de conseil de la Deutsche Post souligne également que son service recèle un vaste potentiel de croissance.31 Bien entendu, le fait que les opérateurs postaux aient recours à des conseillers n'a en soi rien de répréhensible - c'est même un moyen tout à fait légitime d'acquérir des connaissances et des conseils. Le problème est que les conseillers ont une mentalité propre aux milieux d'affaires et que leurs conseils, conjugués aux principes d'inspiration néolibérale de la Banque mondiale et du FMI, risquent de propulser les opérateurs postaux dans des directions qu'ils n'auront pas toujours librement choisies. Les pays en développement sont particulièrement vulnérables à l'influence des conseillers de gestion. L'expérience de l'administration des postes d'Afrique du Sud (SAPO) avec la société de conseil de New Zealand Post International/Transend est tout à fait exemplaire à cet égard. L'accord passé avec ces consultants - "le plus important contrat postal jamais conclu au plan international" - selon New Zealand Post, a dès le début suscité la controverse lorsqu'il fut révélé que NZ Post avait négocié des honoraires mensuels d'un montant de 125.827 USD pour l'un de ses six conseillers, soit un montant six fois supérieur à la rémunération versée au Président de l'Afrique du Sud, Thabo Mbeki.32 NZ Post a donc décroché un contrat de réforme des services postaux d'Afrique du Sud, aux termes duquel il était censé équilibrer rapidement les finances déficitaires de l'opérateur. Mais dans les faits, les pertes se sont aggravées, passant de 271 millions de Rand à plus de 800 millions. Maanda Manyatshe, le PDG de la Poste sud-africaine, a fait observer qu'au moins 25 des 31 projets traités par le service de conseil ont abouti à des 29 Forum: consultancy, Postal Technology International, mars 2001. 30 The Growing Concern of Consultants, Postal Technology International, mars 2001. 31 Forum: consultancy, Postal Technology International, mars 2001. 32 UNI, Changements dans le secteur postal - Multinationales, technologie, évolutions en cours, 3 mai 2000.

retours d'investissement négatifs. Ainsi que le soulignent les commentateurs, "il s'avère que toutes les promesses de Transend et de son Projet de gestion stratégique n'ont pas (et n'auraient jamais, selon Manyatshe) porté remède aux problèmes socio-économiques généraux qui empêchent la poste sud-africaine de devenir une entreprise économiquement viable33. La SAPO a donc résilié le contrat signé avec les consultants de Transend. Les grandes sociétés de consultants se considèrent néanmoins comme investies d'une mission bien plus vaste, dans les services postaux, que la simple fonction de conseil stratégique ou d'appui à la gestion. Elles tendent à s'impliquer beaucoup plus directement dans l'entreprise, par exemple par la prestation de services d'externalisation. Les commentaires de Chris Brennan, directeur du département services postaux de la société-conseil Accenture, sont particulièrement édifiants à cet égard : Dans tous les secteurs que nous desservons, notre mission a évolué. Nous entendons dépasser la fonction traditionnelle de consultants et devenir une partie intégrante du secteur. Par des accords de coentreprise et des participations boursières dans plus de 180 entreprises, nous disposons à ce jour d'un vaste réseau d'entreprises connexes qui nous permettent de mieux servir nos clients en leur offrant toute la gamme des services de conseil et d'externalisation. Nous pensons qu'il existe un potentiel accru de conclure différents types d'accords innovants avec nos clients des services postaux…34

33 Maroe Turrell, Cloudburst FTF 34 Forum: consultancy, Postal Technology International, mars 2001.

6. La mondialisation et l'essor des opérateurs postaux multinationaux A l'occasion de la réunion du Secteur postal de l'Internationale des communications, en 1999, peu avant la création d'UNI, un document de travail avait été rédigé, portant le titre Les multinationales dans les services postaux. Quatre ans se sont écoulés depuis, et le secteur a évolué. Ces multinationales mondiales du secteur postal, qui étaient à l'époque à l'état d'embryon, ont engagé un vaste processus d'alliances et d'acquisitions. Celui-ci est loin d'être achevé, mais nous voyons déjà certains grands opérateurs se positionner dans cette perspective. L'une des stratégies choisies par les opérateurs postaux consiste à devenir "des entreprises de distribution totale", qui sont en mesure d'offrir l'ensemble de la gamme des services de distribution et de logistique à leurs clients. La voie récemment adoptée par deux grands opérateurs postaux européens, Deutsche Post et TPG, illustre bien cette évolution. La Deutsche Post (qui a ajouté les termes "World Net" à son nom, pour signifier son statut mondial) détient déjà l'avantage naturel d'opérer sur un marché national qui est le plus grand marché postal d'Europe. Mais elle conçoit son avenir dans une expansion allant bien au-delà des frontières de l'État allemand. Son PDG, Klaus Zumwinkel, a fait de l'internationalisation l'un des principaux piliers de la stratégie de l'entreprise35. Sous sa direction, la Deutsche Post s'est lancée dans un tourbillon d'acquisitions pour un montant de 5 milliards d'USD. Son rachat le plus spectaculaire fut celui de DHL Worldwide Express, la grande société américaine de courrier express, qu'elle avait acquis initialement en partenariat avec Lufthansa mais qu'elle exploite à présent comme filiale à part entière. DHL n'est que l'une des nombreuses acquisitions de la Deutsche Post – outre GlobalMail, Airborne, YellowStone, Danzas, Securicor et bien d'autres. Les initiatives de la poste allemande ont été critiquées et UPS l'a accusée de financer ses aventures internationales par des subventions croisées provenant de son activité monopolistique dans le secteur postal d'Allemagne. Le rachat d'Airborne, cette année, pour un montant de 1,05 milliards de dollars, est également contesté par les États-Unis. La société néerlandaise TPG a également assuré son expansion par une stratégie offensive. TPG détient deux marques, Royal PTT Post, sous laquelle elle déploie ses activités sur le marché postal des Pays-Bas, et TNT, une société de messagerie que le prédécesseur de TPG, poste/télécoms, avait acquis en 1996. TPG a su se diversifier brillamment, pour ne plus dépendre d'un marché national relativement modeste, et emploie à présent 150 000 salariés dans 62 pays. Son activité est répartie en trois divisions - la poste aux lettres, le courrier exprès et la logistique. L'ancien directeur exécutif de TPG, Ad Scheepbouwer, a affirmé publiquement que le marché postal européen s'organiserait à l'avenir autour des alliances scellées par les quatre principaux acteurs: Deutsche Post, TPG, La Poste (France) et Royal Mail (Royaume-Uni). "Ce sont sans doute les seules alliances qui parviendront à surnager dans la nouvelle économie" a-t-il déclaré36. Bien que pratiquant une approche plus discrète, La Poste et Royal Mail se sont également attachées à effectuer des acquisitions et nouer des alliances pour élargir leur champ d'action. TPG et Royal Mail, en collaboration avec Singapore Post, ont lancé Spring, une grande entreprise de services postaux internationaux à l'intention des entreprises, dont les activités ont commencé à la mi-2001. Aux États-Unis, le plus grand opérateur postal public du monde, USPS, fait à présent l'objet d'une analyse engagée par une commission gouvernementale (US President's Commission), dans 35 Communiqué de presse de la Deutsche Post, 19 avril 1999. 36 Ad Scheepbouwer, Rearrange the scenery or build an entirely new theatre? Discours, 18 mai 2000.

laquelle certains voient les prémices d'un processus de privatisation. Dans son Plan de transformation présenté l'année dernière au Congrès des États-Unis, l'USPS a lui-même rejeté à la fois la privatisation et le modèle qui prévalait avant les années 1970, c'est-à-dire celui d'une institution gouvernementale fortement subventionnée. En lieu et place, l'opérateur a expliqué qu'il entendait fonctionner comme une "entreprise publique commerciale". Le receveur général de l'USPS, John Potter, a affirmé que cette approche "placerait le service postal sur un pied d'égalité avec les entreprises et lui permettrait d'exploiter pleinement les outils de gestion et la souplesse commerciale qui caractérisent l'entreprise privée, tout en conservant sa nature d'organisme d'Etat"37. [A propos de la Commission présidentielle sur les postes aux Etats-Unis:] Je considère qu'il s'agit d'une démarche politique liée à l'intention sous-jacente de privatiser le service postal. C'est l'objectif ultime [de l'administration Bush]. Je ne pense pas que le gouvernement y parviendra, pour l'instant, mais cela donne à la droite l'ouverture qu'elle attendait depuis des années en perspective d'une privatisation du service postal. Je pense que la Commission gouvernementale n'est qu'une façade pour dissimuler cette entreprise, qui vise à transformer la nature même des services gouvernementaux. (William Burrus, American Postal Workers Union)38 L'USPS, comme nous l'avons vu, a subi de vigoureuses attaques de la part des entreprises privées de messagerie, en particulier UPS. L'essor du marché du "courrier express" remonte aux années 1990, avec, dans le peloton de tête, quatre des plus grands opérateurs du monde - UPS, FedEx, DHL et TNT. En ce qui concerne ces deux derniers, ils ont été acquis depuis lors par la Deutsche Post et TPG respectivement. Quant à UPS et FedEx, qui ont tous deux leur siège aux États-Unis, ils opèrent au niveau mondial et affirment être implantés dans plus de 200 pays. Selon les analystes, ces deux entreprises ont un rôle important à jouer à l'avenir dans un secteur postal mondial en pleine évolution. C'est sans doute à cet avenir que pensait FedEx lorsqu'il a annoncé son alliance stratégique avec La Poste en 2000. Parmi les autres acteurs potentiels sur un marché postal mondialisé, le service postal japonais vient de se lancer dans un processus de privatisation avec la création, cette année, de la nouvelle "Public Postal Corporation". Nous avons déjà évoqué l'engagement actif de Postes Canada dans l'activité de consultant international, et l'entreprise a également pris un départ fulgurant dans le domaine des services électroniques et de la distribution. Les syndicats du secteur postal devront étudier les moyens de faire face à la mondialisation croissante du secteur. Il leur faudra pour cela s'intéresser à la situation qui prévaut dans d'autres pays et renforcer leurs structures internationales. Une partie de ce travail a déjà commencé. Dans le contexte européen par exemple, UNI-Europa Poste travaille en partenariat avec l'organisation d'employeurs PostEurop dans le cadre d'un comité du dialogue social sectoriel à l'échelle européenne. Ce comité a notamment étudié les questions de formation et d'égalité des chances et s'attache à la préparation de l'élargissement de l'UE. Le Comité a exercé une influence majeure dans la prise de décision qui a abouti aux directives postales de 1997 et 2002. En coopérant avec PostEurop et le CERP (Comité européen de régulation postale), UNI-Europa a pu influencer les politiques et les initiatives européennes relatives au secteur postal. Les deux associations européennes couvrent l'ensemble des quarante trois pays de l'Europe.

37 Dialogues avec John Potter, Union Postale, avril-juin 2002. 38 Federal Times, William Burrus, Supporting Postal Workers in Turbulent Times, 12 mai 2003.

Il est également nécessaire de créer des comités d'entreprise européens (CoEE) puissants dans les grandes multinationales postales, telles que TPG et la Deutsche Post World Net (DPWN). Pour l'instant, il existe un CoEE à TPG. Le syndicat allemand ver.di a été le fer de lance de la création du "Forum de la Deutsche Post World Net" (nom donné au CoEE). A cet effet, il s'est attaché à rassembler les représentants des salariés de toutes les filiales de l'entreprise en Europe. Un groupe spécial de négociation, conduit par ver.di et composé de représentants des syndicats et des salariés des filiales de la DPWN dans les pays de l'UE et de l'EEE, d'UNI Poste et de l'ETF, a négocié durant plus de deux ans avec la direction centrale de la poste allemande afin de conclure un accord de CoEE. Depuis quelques temps, la négociation progresse plus rapidement et l'on prévoit qu'un accord sera signé en juillet/août 2003. Dans le secteur postal comme dans d'autres, l'objectif ultime est d'arriver à la création de comités d'entreprise mondiaux. • Les secteurs d'UNI et les alliances multinationales d'UNI doivent intensifier leurs efforts pour élargir la

notion de comité d'entreprise à une représentation mondiale, en s'appuyant notamment sur l'expérience des comités d'entreprise européens, et y inclure les filiales et sociétés contrôlées par la multinationale concernée.

• UNI doit mettre des ressources à la disposition des affiliés pour soutenir leurs efforts de création de comités d'entreprise régionaux et mondiaux.

• UNI doit se fonder, dans la mesure du possible, sur la politique d'UNI-Europa relative aux comités d'entreprise européens pour améliorer le rôle des syndicats dans lesdits comités, et sur la directive européenne relative aux comités d'entreprise européens.

• UNI doit publier une liste des comités d'entreprise et des accords mondiaux. • (Extrait de la résolution "Cybersolidarité: les multinationales et le capital des travailleurs"), Congrès

mondial d'UNI, Berlin, 2001). Toutefois, le "comité d'entreprise mondial" le plus remarquable dans le secteur postal est le Comité consultatif de l'UPU, nouvelle structure en cours de constitution. Ce comité deviendra le troisième organe compétent de l'UPU, outre le Conseil d'administration (CA) et le Conseil d'exploitation postale (CEP). Le Comité consultatif envisagé serait composé de membres du CA et du CEP ainsi que d'autres acteurs du secteur postal, y compris des associations d'opérateurs postaux privés et UNI Poste. Au sein de ce forum, UNI Poste ferait face aux 189 opérateurs et régulateurs postaux nationaux ainsi qu'aux employeurs privés du secteur. UNI Poste devrait devenir membre de l'UPU si (ou plutôt quand) le Congrès de l'UPU en 2004 aura adopté sa nouvelle structure. Ainsi que mentionné plus haut, cette question fera l'objet d'un document séparé qui sera présenté à la Conférence mondiale d'UNI Poste. Un autre objectif important pour UNI Poste sera d'inciter les opérateurs postaux qui s'étendent à l'international à négocier des Accords-cadres garantissant les droits fondamentaux au travail et les droits syndicaux des salariés dans tous leurs établissements. UNI a récemment négocié des Accords-cadres mondiaux avec des multinationales d'autres secteurs, notamment dans les télécoms: l'accord-cadre passé avec la multinationale espagnole Telefónica en est un bon exemple. La mondialisation … suscite des inquiétudes quant au devoir de rendre compte et au contrôle, notamment dans le cas de multinationales peu soucieuses de responsabilité sociale d'entreprise ou de partenariat social. UNI appuie par conséquent les initiatives qui encouragent les pratiques responsables de la part des entreprises. La Déclaration tripartite de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, adoptée par les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs, constitue à cet égard un instrument de référence. Dans sa version récemment révisée, les multinationales, les gouvernements et les partenaires sociaux sont invités à suivre l'orientation de l'OIT en faveur du travail décent en contribuant à la mise en œuvre de la Déclaration tripartite de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail (Communication d'UNI au Sommet mondial des Nations Unies sur la société de l'information).

La convergence croissante entre les opérateurs postaux traditionnels et les services de messagerie express appelle également à un resserrement des relations de travail avec les syndicats de travailleurs des transports. Les salariés d'UPS par exemple sont souvent représentés par des syndicats des transports affiliés à la Fédération internationale des travailleurs des transports (ITF). A cet égard, l'accord de coopération passé en 2001 par UNI Poste avec la Fédération européenne des travailleurs des transports est une initiative tout à fait judicieuse. Lors de la réunion annuelle de la section Transports routiers de l'ITF tenue à Londres le 7 mai 2003, John Pedersen, Chef du secteur UNI Poste, a convenu avec les représentants d'ITF d'un resserrement des relations qui conduira à des activités et actions communes.

7. Les services postaux dans la société de l'information Dans quelle mesure l'essor rapide des moyens électroniques de communication menace-t-il les opérateurs postaux ? A première vue, une activité économique qui consiste à déplacer d'un lieu à un autre des feuilles de papier ou des marchandises pourrait avoir fort à craindre de la communication électronique, qui est instantanée, sans effort et qui de plus abolit les distances et les frontières. L'ampleur des dommages causés à l'activité postale traditionnelle par les moyens de communication électronique n'est pas clairement établie. L'OCDE précise qu'aux Etats-Unis, le service postal a perdu environ 35% de son marché du courrier de première classe interentreprises, au profit du courrier électronique, de la téléconférence et de la télécopie39. Une vaste étude européenne formule en revanche un diagnostic plus ambigu, en considérant que la substitution de l'électronique peut contribuer dans une certaine mesure à ralentir la croissance du volume, voire entraîner des réductions dans certains segments du secteur postal, mais que l'on ne constate pas de chute radicale des volumes de courrier postal à l'échelle de l'UE. En conclusion, elle juge probable que les moyens électroniques vont graduellement prendre le relais40. De nombreuses organisations ont fait observer que si le commerce par Internet (e-commerce) et les formes électroniques de communication font peser des menaces sur les entreprises de services postaux, elle leur offre aussi des débouchés. Selon l'UPU, "En conjuguant les forces et la "portée" traditionnelles des services postaux avec la flexibilité et la rapidité des médias électroniques, il est possible d'élaborer toute une nouvelle gamme de produits… Certaines de ces applications, comme la présentation et le règlement électronique de factures, la certification de tiers, les timbres électroniques, les services d'annuaires et le courrier électronique sécurisé, existent déjà"41. Postes Canada, par exemple, avait déjà signé, dès 1996, un accord de partenariat avec IBM Canada en vue d'entreprendre des recherches et d'évaluer le potentiel du commerce électronique, et a depuis lors mis au point un service novateur de Poste électronique. Ce système permet aux entreprises qui utilisent la poste d'adresser toute leur facturation clients à Postes Canada, qui, soit les communique par e-mail aux destinataires abonnés de son service, soit les imprime et les achemine par la poste conventionnelle aux autres destinataires. Postes Canada a également mis au point, en coopération avec la poste des Etats-Unis (USPS) et La Poste (France), un système de cryptage dénommé PosteCS, et un service de distribution de colis aux clients qui commandent par Internet42. A Singapour, le service postal virtuel de SingPost (vPost) se définit comme un "facteur électronique", qui offre aux entreprises et aux particuliers une gamme de services qui incluent l'envoi et le règlement de factures, ainsi que les services afférents aux achats électroniques, à la banque électronique et au commerce électronique43. Il existe d'autres exemples dans le monde d'opérateurs postaux qui explorent la gamme de services que l'on peut globalement désigner par l'expression "Poste électronique". Ainsi que l'a

39 OCDE, Promouvoir la concurrence dans le secteur postal, 1999. 40 PLS Ramboll, Employment trends in the EU Postal Sector, Rapport final, octobre 2002. 41 Thomas E Leavey, Directeur général, Bureau International, UPU, in Banque mondiale/UPU, Le secteur postal à l'ère d'Internet, Etudes de cas de réforme postale, 2e éd., juin 2002. 42 Voir CUPW (Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes) Votre service postal public. bien plus que du courrier, bien plus que le corridor Québec-Windsor, juin 2000. 43 www.vpost.com.sg

souligné la Banque mondiale, les opérateurs postaux offrent une passerelle inégalable pour dépasser le fossé numérique, en faisant le lien entre l'ancienne et la nouvelle économie44. Bien entendu, les syndicats se félicitent de telles avancées, à condition qu'elles contribuent à développer l'emploi et la croissance dans le secteur postal. Il n'en reste pas moins que des questions importantes de confidentialité et de sécurité doivent encore être réglées. En bref, notre système de communication du futur est trop important pour être confié aux entreprises, qui font passer les bénéfices qu'elles pourront tirer des renseignements nous concernant, avant notre droit fondamental à la vie privée. Si les amendes peuvent assurer une certaine protection, elles ne constituent pas un obstacle pour les grandes entreprises, ni une solution pour les particuliers, qui attendent une garantie de leur droit fondamental à la confidentialité45. UNI évoque ce problème dans sa Communication au Sommet mondial de la société de l'information, qui aura lieu prochainement sous l'égide des Nations Unies : Il est nécessaire et urgent de définir, au niveau international, des normes minimales pour le contrôle du stockage et de l'utilisation des données personnelles sous forme électronique… Une garantie possible serait d'interdire que les données personnelles postées sur Internet à une fin précise soient exploitées dans un autre but, ou divulguées sans information préalable et consentement de l'intéressé. Les particuliers doivent être en mesure de vérifier les informations les concernant et de corriger toute inexactitude. L'intérêt que portent les opérateurs postaux aux services électroniques peut s'expliquer aussi par d'autres caractéristiques du secteur. Comme on l'a dit, on assiste depuis quelques années à un processus de convergence entre les activités de la poste traditionnelle (y compris les colis acheminés par la poste et par voie terrestre), et celles des opérateurs de type messageries acheminant des courriers express. Les entreprises s'efforcent également de développer leur logistique, un secteur d'activité qui prend de plus en plus d'importance avec le développement de la production "juste à temps". On rappellera par exemple que TPG a divisé son activité en trois départements - le courrier postal, les envois express et la logistique: la stratégie de TPG consiste à élargir la gamme de ses services aux deux extrémités du processus de distribution et de livraison, afin d'offrir des services d'information plus rentables et à plus haute valeur ajoutée. En somme, cette initiative revient à réduire l'importance de la manutention des objets concrets au profit de la prestation de services virtuels – ceci pour que l'entreprise devienne, selon la formule d'un ancien directeur de TPG, "un centre de TI en même temps qu'une entreprise de transport routier". On constate depuis quelques années que des sociétés telles que TPG, Deutsche Post et d'autres grands opérateurs s'intéressent de près à l'acquisition d'entreprises spécialisées dans la logistique. Qu'en est-il, dès lors, des autres fonctions traditionnelles de la poste? Le réseau de bureaux de postes assure un service précieux pour les communautés, et il faut reconnaître qu'il est aussi indispensable à la cohésion sociale que la distribution régulière universelle des lettres. Mais dans plusieurs pays, le réseau de bureaux de poste a subi des coupes sombres, principalement pour réduire les coûts. On signale par exemple qu'aux Etats-Unis, près d'un quart des bureaux de poste sédentaires ont été fermés entre 1994 et 1998. Les statistiques mondiales de l'UPU affichent une décrue régulière du nombre total de bureaux de poste sédentaires durant les années 1990. Entre 1990 et 2001, leur nombre est passé de 44 Banque mondiale, Département GICT (Département des technologies de l'information et des communications mondiales). 45 Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes du Canada (STTP), Votre service postal public: bien plus que du courrier, bien plus que le corridor Québec-Windsor, juin 2000.

686.000 à 660.000. La baisse a été plus forte dans les pays industrialisés, de 201.000 à 185.00047. Mais le tableau est assez nuancé, et plusieurs pays ont pris des mesures pour maintenir l'ouverture de bureaux de poste situés dans des zones rurales ou des quartiers socialement défavorisés. Le réseau postal recèle bien d'autres potentialités d'exploitation, par exemple en utilisant les bureaux de poste comme base d'accès à Internet et au commerce électronique. Il en existe un exemple intéressant, cité par la Banque mondiale et l'UPU, celui de Correos de Costa Rica, qui a installé des cabines dotées d'un ordinateur dans bon nombre de ses bureaux48. Le réseau des bureaux de poste offre aussi un potentiel de développement des services postaux financiers. Bien que dans les discussions sur la libéralisation de la poste, les services de banque et d'épargne aient suscité moins d'attention que d'autres, il serait hautement souhaitable d'intégrer un service universel de guichet financier dans le service postal universel. Le temps est venu de revenir à nos traditions. Les temps sont mûrs pour le rétablissement et la réactivation des services postaux financiers. (UNI-APRO Post and Allied Services Sector, Postal Financial Services sub-committee report, octobre 2000). De nos jours, la dimension sociale des services bancaires et l'accès au micro-crédit suscitent un intérêt croissant, tant dans le monde développé que dans les pays en développement, aussi conviendrait-il d'explorer plus activement le potentiel des réseaux postaux dans la prestation de services financiers. Les syndicats postaux pourraient dès lors être amenés à coopérer plus étroitement avec leurs homologues actifs dans la banque et l'assurance; pour UNI, cela supposerait une étroite collaboration entre les secteurs de la poste et de la finance.

47 UPU, la Poste en 2001. 48 Banque Mondiale/UPU Le secteur postal à l'ère d'Internet, Études de cas de réforme postale, 2e éd..juin 2002.

8. Les conséquences des changements dans le secteur postal sur l'emploi et les conditions de travail

Les services postaux font vivre plus de cinq millions de personnes dans le monde. Selon l'UPU, le nombre total d'employés des postes était d'environ 5,2 millions en 2001, dont près de 2,6 millions dans les pays industrialisés et 2,6 millions dans les pays en développement. Ces chiffres sont en repli par rapport à 1990, puisque leurs équivalents étaient de 2,7 et 3,4 millions respectivement. Mais ils doivent être traités avec une certaine prudence, sachant que d'autres études présentent un tableau légèrement différent. Tout d'abord, il faut savoir s'ils se réfèrent aux employés des opérateurs postaux publics ou aux salariés de l'ensemble des secteurs postaux. Il convient également de savoir si les statistiques renvoient aux salariés individuels ou à des postes équivalents plein temps. Dans son rapport 2002 sur les services des postes et des télécommunications, le BIT indique que les opérateurs publics des postes ont procédé à d'importantes suppressions d'emplois dans les pays industrialisés, alors que "dans les autres pays, le niveau de l'emploi dans les services postaux est resté stable ces dernières années et ne semble pas avoir été beaucoup touché par les changements en cours"49. Dans les pays industrialisés, ces suppressions ont dans une certaine mesure été compensées par la création d'emplois dans les services postaux commerciaux: selon le rapport du BIT, on relève une légère augmentation aux Etats-Unis et au Japon entre 1990 et 1999 par exemple. La Commission européenne a mandaté la réalisation d'une série d'études très détaillées sur l'emploi dans le secteur postal, dans le cadre de ses activités de libéralisation du secteur dans l'UE. La plus récente d'entre elles, menée par les consultants PLS Ramboll, a été communiquée en octobre 200250. Mais malheureusement, les résultats de l'étude Ramboll sont moins utiles qu'on ne l'avait espéré. UNI-Europa Poste comme PostEurop ont contesté la méthodologie utilisée, une large partie des données et surtout, les conclusions de cette étude. Le Comité de dialogue social de l'UE pour le secteur postal adoptera vraisemblablement une déclaration commune lors de sa réunion plénière de juillet 2003, affirmant notamment que les deux partenaires sociaux ne peuvent ni ne veulent prendre une quelconque responsabilité quant aux résultats ou aux conclusions de cette étude, étant donné que le comité de dialogue social, malgré ses demandes, n'a jamais été associé à ce travail. Le projet de déclaration ajoute que, ayant examiné cette étude, les partenaires sociaux se refusent à l'utiliser à l'avenir comme base de discussion ou de prise de décision en matière d'emploi dans le secteur postal européen, compte tenu de son manque de crédibilité sur des questions et des conclusions capitales. Une fois émise cette importante réserve, qu'il soit du moins signalé que selon l'étude Ramboll, le nombre d'emplois (postes équivalents plein temps) dans les entreprises de l'UE prestataires de services universels est resté stable entre 1995 et 2000, alors que l'emploi total dans le secteur (en ajoutant les emplois des autres entreprises postales) a augmenté de près de 5% durant la période, de 1,64 million à 1,72 million. Le rapport soutient qu'à l'horizon 2005, l'emploi total direct restera stable; toutefois, cette projection dissimule un net recul (9%) du nombre d'emplois dans les entreprises prestataires de services universels, lequel sera compensé par une croissance significative de l'emploi dans les autres entreprises postales. L'étude Ramboll examine également "l'emploi indirect" dans le secteur postal de l'UE, se référant par exemple aux régulateurs postaux, aux entreprises de vente par correspondance, aux entreprises de 49 BIT, L'emploi, l'employabilité et l'égalité des chances dans les services des postes et télécommunications, rapport final, octobre 2002. 50 PLS Ramboll, Employment trends in the EU Postal sector, Final report, octobre 2002.

publipostage et à celles qui fournissent des intrants tels que l'encre et le papier. Dans ce cas, l'étude constate une croissance du nombre d'emplois (équivalents plein temps) d'environ 4% entre 1995 et 2000, et prévoit une progression significative d'ici à 2005. On peut raisonnablement en conclure que le secteur postal, essentiellement parce qu'il s'agit d'un secteur à forte intensité de main-d'oeuvre, a été moins touché par les suppressions d'emplois liées à la libéralisation, que le secteur des télécoms. Les pertes d'emploi ont tout de même été massives dans certains grands opérateurs postaux publics : l'USPS par exemple a supprimé 30 000 emplois en 2001 et 2002. Que les nouveaux emplois créés dans les entreprises du secteur privé compensent les suppressions d'emplois dans les administrations postales publiques constitue un défi pour les syndicats, dont la plupart des adhérents se trouvent plutôt dans ces dernières. La syndicalisation et le recrutement dans les nouvelles entreprises postales (et le redoublement des efforts dans les entreprises de messagerie faiblement syndiquées, telles que FedEx) est une importante priorité pour l'avenir des syndicats. Les changements survenant dans le secteur ne sont pas sans effets sur les conditions d'emploi des travailleurs de la poste. La transformation des organismes publics en sociétés commerciales a notamment eu pour effet de réduire le nombre de travailleurs possédant le statut de fonctionnaire. Selon l'étude menée par PLS Ramboll, la proportion de fonctionnaires à La Poste a chuté de 87,8 % en 1995 à 75,8 % en 2000 ; en Allemagne, le pourcentage est tombé de 47,7 % à 41,6 % ; au Danemark, les chiffres sont de 64 % à 51 % ; et pourtant, singulièrement, PLS Ramboll signale que la proportion de fonctionnaires dans l'organisme postal suédois a augmenté de 8,7 % à 14,5 % durant la même période51. On signalera par ailleurs que la Belgique, l'Irlande, les Pays-Bas et le Royaume-Uni sont parmi les pays où les opérateurs postaux publics ne comptent pas de fonctionnaires52. Il serait donc dangereux de généraliser. Néanmoins, toute initiative des opérateurs postaux en vue de modifier le statut de leurs salariés (y compris les nouveaux arrivants dans le secteur) devrait faire l'objet d'un dialogue social effectif, et il revient aux syndicats de faire en sorte que la perte du statut de fonctionnaire n'a pas de répercussions négatives dans des domaines tels que les droits en matière de retraite. D'un autre côté, la perte du statut de fonctionnaire peut avoir un effet bénéfique en ce sens que les travailleurs ont désormais le droit de grève. En Italie, une nouvelle convention collective pour le secteur postal, conclue en 2001 après deux ans de négociations, traite du passage de l'emploi du public au privé et prévoit une nouvelle structure de négociations, des aménagements flexibles du temps de travail, des augmentations salariales liées à la productivité et la création d'une caisse de retraite complémentaire. Selon le commentaire d'un porte-parole du syndicat SLP-CISL "la convention répond aux besoins des travailleurs sans entraver la réorganisation de l'entreprise". Pour le SLC-CGIL,"il était nécessaire d'adopter de nouvelles règles de nature à protéger et avantager le rôle des travailleurs dans cette phase de réorganisation". (Source : Observatoire européen des relations industrielles53). Les initiatives en vue de libéraliser l'environnement postal et de lui donner un caractère plus commercial peuvent s'expliquer par les pressions en faveur de forme de travail plus flexibles. Dans certaines circonstances, les travailleurs peuvent apprécier et se réjouir d'une plus grande flexibilité - par exemple lorsque celle-ci leur permet de mieux gérer leurs responsabilités

51 ibid. 52 BIT, L'emploi, l'employabilité et l'égalité des chances dans les services des postes et télécommunications, Genève, 2002. 53 www.eiro.eurofound.ie/print/2001/02/inbrief/IT0102174N.html

familiales et la garde des enfants. Mais trop souvent, la flexibilité est imposée aux salariés dans le seul but de répondre aux besoins de l'entreprise. PLS Ramboll en donne un exemple, en Finlande (où, comme nous l'avons vu, le service postal est complètement libéralisé) : Selon les syndicats, Posti, l'opérateur postal, s'attache à présent à augmenter le nombre d'emplois temporaires et de contrats-étudiants. Du point de vue de l'employeur, cette pratique présente plusieurs avantages. Elle permet à Posti de recourir aux formes de travail les plus flexibles (contrats de travail sur appel)... L'accord récemment entré en vigueur sur l'aménagement flexible du temps de travail est un autre exemple de la position de force de Posti dans les négociations. Selon cet accord, la journée de travail peut varier de 6 à 10 heures. Cependant, sur une période de 12 semaines, le travailleur ne devrait pas dépasser le temps de travail hebdomadaire moyen … Selon le syndicat, qui est extrêmement mécontent de cet accord, il semble que la flexibilité soit unilatérale et signifie surtout que si Posti demande aux employés à temps partiel de rester plus longtemps et de travailler à plein temps l'un ou l'autre jour, ils ne peuvent pas le lui refuser. Cette exigence de flexibilité pose évidemment des problèmes aux travailleurs à temps partiel qui ont un autre emploi ou doivent s'occuper de leurs enfants54. Les syndicats doivent s'assurer que les propositions de la direction en matière de flexibilité du temps de travail avantagent réellement les travailleurs et non pas seulement l'entreprise. Les syndicats devront également surveiller de très près les opérateurs postaux qui délocalisent le travail, y compris lorsque ce travail est finalement assuré par des travailleurs indépendants. Le secteur privé de la poste aux lettres et des messageries compte des centaines de petites entreprises, dont beaucoup fonctionnent avec des "associés" ayant le statut d'indépendants. Ce recours aux sous-traitants indépendants est également caractéristique de certains grands opérateurs: par exemple, le service de livraison à domicile de FedEx lancé en 2000 fonctionnait initialement avec plusieurs centaines "d'opérateurs patrons" dont chacun devait fournir son propre fourgon; ils n'étaient remboursés que sur la base du volume de marchandises qu'ils livraient. Ainsi que le souligne UNI, "cet accord, qui sert à empêcher la syndicalisation, permettra de maintenir des coûts très faibles, comparés à UPS et peut-être même à l'USPS"55. Les indépendants prennent sur eux une large partie du risque de l'activité de FedEx et doivent aussi prendre leurs propres dispositions en matière d'assurance-maladie et de congés payés, sans avoir directement la maîtrise du flux de travail qu'ils acceptent. En cette ère de changements rapides, il est particulièrement important de faire en sorte que les travailleurs du secteur postal détiennent les compétences et la formation nécessaires pour faire face à l'évolution des exigences de travail. La réunion sectorielle tripartite du BIT tenue à Genève l'année dernière a mis en lumière l'importance de l'employabilité dans le secteur postal. Ainsi qu'il ressort du document de travail élaboré par le BIT pour cette réunion " la formation pour l'employabilité est fondamentale pour les services postaux et devrait faire partie intégrante de la mise en valeur globale des ressources humaines et des politiques et programmes de croissance des entreprises"56. PLS Ramboll accentue encore ce message dans son étude européenne, qui constate un phénomène inquiétant selon lequel les budgets des opérateurs postaux publics consacrés aux programmes de formation ont légèrement diminué durant la deuxième moitié des années 1990. Ramboll souligne que les opérateurs postaux européens doivent procéder à des investissements stratégiques dans une formation accrue de leur main-d'oeuvre afin de rester compétitifs. La 54 PLS Ramboll, Employment trends in the EU Postal sector, Final Report, octobre 2002. 55 UNI, Market wars: How postal service rivals are clambering for position in the US, 3 mai 2000. 56 BIT, L'emploi, l'employabilité et l'égalité des chances dans les services des postes et télécommunications, Genève, 2002.

formation devrait être accessible aux travailleurs des catégories faiblement qualifiées autant qu'aux cadres. Il est dans l'intérêt des opérateurs postaux d'assurer aux salariés une formation continue dans le cadre de l'apprentissage tout au long de la vie, qui leur permettra de s'adapter aux nouvelles compétences requises et à l'accroissement de la flexibilité du travail afin de répondre à la demande des clients, conclut Ramboll57. En matière d'employabilité et de formation, les syndicats sont aux premières loges et sont donc à même de jouer un rôle essentiel dans le dialogue social avec les employeurs. Ainsi que le souligne le BIT dans son rapport "Les partenaires sociaux devraient renforcer le dialogue social sur la formation, partager les responsabilités en matière de formulation de politiques d'éducation et de formation, et établir des partenariats les uns avec les autres et avec leur gouvernement en ce qui concerne le financement, la planification et la mise en oeuvre de la formation58. Dans ce contexte, on notera qu'UNI-Europa Poste a déjà engagé le dialogue avec PostEurop sur des questions liées à la formation dans le secteur postal. Le rapport de discussion du BIT pour la réunion tripartite de 2002 examine également les questions d'égalité des chances dans le secteur postal. Il constate que la ségrégation entre les sexes est apparente dans les services postaux. Les comparaisons au niveau international montrent que les femmes sont proportionnellement sous-représentées dans les emplois de distribution du courrier, qu'elles sont plus nombreuses à travailler dans les bureaux, et que cette situation n'a guère évolué au fil du temps59. Aux États-Unis, le rapport global pour 1999 de la Commission de l'égalité d'accès à l'emploi dans les services postaux nationaux indique que les femmes constituent 35 % de la main-d'oeuvre et sont bien représentées dans presque toutes les catégories, sauf aux postes de direction. Cette même enquête constate que les groupes minoritaires représentent 61 % de la main-d'oeuvre totale de l'USPS ; là encore, ce groupe est sous-représenté parmi les cadres dirigeants et chefs de service, et sur-représentés dans les emplois faiblement qualifiés60. Malgré tous les efforts de nombreux syndicats, il reste par conséquent d'importantes questions d'égalité des chances à traiter dans le secteur postal, et la complaisance n'est pas de mise.

57 PLS Ramboll, présentation de diapositives accompagnant le rapport Employment trends in the EU Postal sector, Final Report, octobre 2002. 58 BIT, L'emploi, l'employabilité et l'égalité des chances dans les services des postes et télécommunications, Genève, 2002 59 ibid. 60 US Equal Opportunity Commission, EEO-1 Aggregate Report on SIC 431; US Postal Services, cité dans BIT, L'emploi, l'employabilité et l'égalité des chances dans les services des postes et télécommunications, Genève, 2002.

9. Conclusions et propositions d'action Pour UNI Poste et ses affiliés, l'impératif est de définir les aspects du changement qui méritent d'être appuyés - et pour certains, applaudis – et ceux auxquels ils doivent résister. Nous avons déjà quelques repères pour nous guider: • La "bonne solution" n'existe pas, non plus qu'un modèle universel d'organisation du service

postal applicable dans tous les pays. La diversité des structures est un phénomène naturel. • Les changements doivent être instaurés graduellement. Une transformation radicale

risquerait de porter gravement atteinte à un service indispensable. • La poste doit rester un service public (dans le sens où elle est socialement bénéfique à la

communauté), même si certains segments d'activité sont assurés par le secteur privé. Autrement dit, les intérêts des investisseurs et des actionnaires ne doivent jamais primer sur les intérêts sociaux.

• Les changements sont plus facilement applicables par le biais du partenariat social, avec la

pleine participation des syndicats. C'est lorsque la société-mère d'une multinationale s'adapte de manière optimale à l'évolution du marché, que les travailleurs syndiqués sont le mieux à même de défendre leurs intérêts.

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Les syndicats devraient éviter d'adopter une attitude totalement passive et défensive. Nous devrions au contraire veiller à ce que les nouvelles technologies et les nouveaux services contribuent à améliorer la qualité des emplois, le niveau de qualification des travailleurs du secteur et leur satisfaction au travail.

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Les services postaux, s'ils sont convenablement gérés, peuvent être rentable. Ces bénéfices doivent revenir à la communauté et au pays dans lesquels ils ont été produits, et ils doivent être réinvestis afin de développer les services – au lieu d'être rapatriés à l'étranger.

Plus spécifiquement, il est possible de définir les points d'action suivants pour UNI Poste et ses affiliés: 1. Les syndicats doivent insister sur l'importance du service postal en tant que service public, qui est crucial pour l'inclusion sociale et la vigueur du sens communautaire. 2. Toute nouvelle libéralisation de la poste doit être graduelle et maîtrisée. Il y a lieu de résister aux initiatives de libéralisation trop hâtives. 3. Les syndicats doivent défendre la notion de service postal universel. Cela inclut, au minimum, une distribution régulière du courrier dans chaque foyer et entreprise, à des tarifs uniformes et abordables, et un accès facile à une gamme diversifiée de services postaux, dispensés par des bureaux pratiques et accessibles.

4. Les syndicats doivent s'opposer à l'émergence d'une "fracture postale" entre les pays, qui ferait que les personnes vivant dans des régions rurales ou dans des quartiers urbains moins prospères n'aient accès qu'à un service postal médiocre ou plus onéreux. 5. Les syndicats des services postaux doivent défendre le réseau des bureaux de poste. 6. Les syndicats des services postaux se doivent d'appuyer le rôle des postes dans la fourniture de services financiers, en particulier les services conçus pour répondre aux besoins de groupes socialement et financièrement marginalisés. 7. Soucieux de défendre un service postal orienté vers le service public, les syndicats du secteur doivent s'attacher à nouer des alliances et des partenariats avec les organisations communautaires et les organisations de la société civile partageant ces objectifs. 8. Les syndicats des postes des pays développés doivent offrir leur appui et leur solidarité à leurs homologues des pays en développement, afin d'aider les services postaux de ces pays à atteindre les mêmes normes postales universelles qu'en Occident, et les aider à résister aux pressions d'institutions telles que la Banque mondiale et le FMI en faveur de la libéralisation et de la privatisation. 9. Les syndicats des postes devraient consacrer davantage de ressources à la syndicalisation et au recrutement. Au plan international, les syndicats devraient coopérer de manière à concentrer leurs efforts sur les entreprises faiblement syndiquées, telles que FedEx. 10. Les syndicats du secteur postal doivent s'ouvrir à l'international et établir de solides relations avec leurs homologues d'autres pays. Il y a lieu de renforcer le rôle d'UNI en tant que Fédération du groupement des Global Unions dans ce secteur. 11. Les syndicats du secteur postal devraient mettre au point des mécanismes de partage mutuel de l'information, et l'UNI devrait coordonner ce travail. Le site Internet d'UNI constitue à cet égard un forum des plus appropriés. 12. Il est indispensable que les entreprises postales opérant à l'échelle internationale au sein de l'Espace économique européen soient dotées de comités d'entreprise européens puissants. UNI et ses affiliés doivent oeuvrer pour atteindre l'objectif ultime qui consiste à mettre en place des comités d'entreprises mondiaux influents. 13. UNI devrait s'attacher à négocier des accords-cadres avec les opérateurs postaux multinationaux.

14. Il revient à UNI-Europa Poste de renforcer le processus de dialogue social établi en Europe, afin d'accroître la notoriété du Comité de dialogue social européen et d'élargir la liste des thèmes de discussion. 15. UNI Poste devrait collecter des informations sur les bonnes pratiques adoptées par les syndicats dans le domaine de la formation et de l'égalité des chances. 16. Au regard de la convergence entre les services traditionnels de la poste et ceux des entreprises de courrier express, les syndicats du secteur postal devraient coopérer aussi étroitement que possible avec les syndicats des transports. En ce domaine, UNI Poste devrait approfondir ses relations avec la Fédération internationale des travailleurs des transports et son organisation européenne, l'ETF. Les syndicats du secteur postal devraient également entretenir des liens de travail étroits avec les syndicats du secteur financier, afin de favoriser le développement des services financiers fournis par la poste. 17. Il incombe à UNI Poste et aux syndicats du secteur de faire campagne pour garantir que les communications électroniques sont sujettes aux mêmes règles de confidentialité que les communications postales traditionnelles. 18. Les syndicats du secteur postal et UNI Poste se doivent de surveiller étroitement l'évolution du Cycle de négociations commerciales de Doha sur l'AGCS. Les syndicats devraient faire en sorte que leurs gouvernements respectent les procédures démocratiques nationales et consultent correctement leurs mandants avant de formuler des demandes ou des offres de libéralisation dans le cadre de l'AGCS. 19. Les syndicats du secteur postal devraient encourager leur gouvernement à limiter le plus possible leurs engagements d'ouverture de leurs marchés dans le cadre de l'AGCS. Il importe que les syndicats résistent aux initiatives visant à modifier l'actuel système de classification des services postaux. 20. Lorsque des offres d'ouverture de marchés sont formulées dans le cadre de l'AGCS, les syndicats doivent veiller à ce qu'elles soient assorties de conditions sociales préalables basées sur la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail.