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REPUBLIQUE DU BENIN MINISTERE DE L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE UNIVERSITE D’ABOMEY - CALAVI (U A C) Ecole Doctorale de la Faculté de Droit et de Sciences Politiques Mémoire pour l’obtention du Diplôme d’Etudes Approfondies (D.E.A) OPTION : Droit Public Fondamental Réalisé et soutenu publiquement par : Sous La direction de : Alex ATIOUKPE Professeur Nicaise MEDE Agrégé de Droit Public. Université d’Abomey-Calavi Année Académique 2009-2010 THEME : LES POUVOIRS FINANCIERS DU PARLEMENT AU BENIN DE 1990 A NOS JOURS

Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

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Mémoire de DEA Droit Public Fondamental FADESP / UAC

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Page 1: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

R E P U B L I Q U E D U B E N I N

MIN ISTERE DE L ’EN SEIGN EMEN T SUPERIEUR ET DE L A RECHERCHE SCIENTIFIQUE

U N I V E R S I T E D ’ A B O M E Y - C A L A V I ( U A C )

Ecole Doctorale de la Faculté de Droit et de Sciences Politiques

Mémoire pour l’obtention du Diplôme

d’Etudes Approfondies (D.E.A)

OPTION : Droit Public Fondamental

Réalisé et soutenu publiquement par : Sous La direction de :

Alex ATIOUKPE Professeur Nicaise MEDE

Agrégé de Droit Public.

Université d’Abomey-Calavi

Année Académique 2009-2010

THEME :

LES POUVOIRS FINANCIERS DU PARLEMENT

AU BENIN DE 1990 A NOS JOURS

Page 2: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

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Introduction

Les attributions financières sont à l’origine du pouvoir des Parlements.1

Ceux-ci sont nés des finances publiques et du consentement à l'impôt entendu

comme l'un des fondements de la démocratie. L’article 14 de la Déclaration des

Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) français du 26 août 1789 dispose :

« Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la

nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et

d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».

Le principe du consentement à l’impôt traduit les tentatives du Parlement

de s’affirmer face à l’Exécutif. Sa consécration en tant que droit naturel,

inaliénable et sacré2, « clef de voûte de la démocratie représentative »3 est l’affirmation

de la liberté politique4 dont la mise en œuvre est assurée aujourd’hui par l’examen

des lois de Finances.

La théorie financière classique héritée du constitutionnalisme occidental,

attribuait le pouvoir de décision en matière financière aux assemblées élues au

suffrage direct des citoyens. Ce principe de consentement à l’impôt, qui pose la

règle de l’exigence du peuple, à ne payer l’impôt qu’après l’avoir consenti au

travers de ses représentants, reste l’affirmation la plus nette des libertés politiques

et le fondement le plus essentiel des démocraties représentatives5. Mais, force est

de constater que les pouvoirs financiers des Parlements ont connu durant ce

dernier siècle de considérables restrictions.

1 P. PACTET, Institutions Politiques. Droit Constitutionnel, Paris, Armand Colin, 18è éd, 1999, p. 449.

2 P. BELTRAME, « Le consentement de l’impôt. Devenir d’un grand principe », in RFFP, n° 51, 1995, pp. 81-89.

3 X. CABANNES, « L’Etat, le Parlement et le consentement à l’impôt », in RFFP, n° 77, 2002, p. 227.

4 Id., « L’Etat, le Parlement et le consentement à l’impôt », ibid., p. 228.

5 K. SOMALI, «Le Parlement dans le nouveau Constitutionalisme en Afrique : Essai d’analyse comparée à partir des exemples du

Bénin, du Burkina Faso et du Togo » thèse de droit public soutenue à Lille en 2008, p. 273.

Page 3: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

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Au Bénin, ces pouvoirs souffrent d’une véritable visibilité depuis le retour

à la démocratie, aussi bien dans le droit que dans les faits; au point de conduire à

leur évanescence au sein du régime présidentiel établi, par la Constitution du 11

décembre 1990.

Au vu de l’usage des pouvoirs exceptionnels du Chef de l’Etat6 dans le

domaine de la loi de Finances et qui vide les articles 967 et 1108 de la Constitution

de leur substance, il est évident que, tant au niveau du domaine de la loi qu'au

niveau du contrôle que peut exercer le Parlement sur le Gouvernement, le

Parlement perd une partie de ses prérogatives9. Ce phénomène pourrait être un

des traits caractéristiques des systèmes politiques actuels dans lesquels l'Exécutif

tend à accroître ses prérogatives10 depuis le retour à la démocratie au Bénin.

Les liens entre le pouvoir financier et le pouvoir politique ne sont plus à

démontrer car, les phénomènes financiers publics sont avant tout des phénomènes

politiques11, les premiers étant étroitement imbriqués dans les seconds12. « Les

6 Voir article 68 de la Constitution béninoise du 11décembre 1990. « Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de

la Nation, l’intégrité du territoire national ou l’exécution des engagements internationaux sont menacés de manière grave et immédiate

et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et constitutionnels est menacé ou interrompu, le Président de la République, après

consultation du Président de l’Assemblée nationale et du Président de la Cour constitutionnelle, prend en conseil des ministres des

mesures exceptionnelles exigées par les circonstances sans que les droits des citoyens garantis par la Constitution ne soient suspendus. Il

en informe la nation par un message. L’Assemblée nationale se réunit de plein droit en session extraordinaire. »

7 « L’Assemblée nationale vote la loi et consent l’impôt ».

8 « L’Assemblée nationale vote le budget en équilibre. Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée, à la date du 31 décembre, les

dispositions du projet de loi de Finances peuvent être mises en vigueur par Ordonnance.

Le Gouvernement saisit, pour ratification, l’Assemblée nationale convoquée en session extraordinaire dans un délai de quinze jours. Si

l’Assemblée nationale n’a pas voté le budget à la fin de cette session extraordinaire, le budget est établi définitivement par Ordonnance ».

9 En ce qui concerne les commissions d’enquête parlementaire, les parlementaires n’arrivent pas toujours à aller au bout de

leur mission de contrôle avec l’usage des dispositions de l’article 115 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

115. « Le dépôt d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission est notifié par le Président de l'Assemblée au

Garde des Sceaux, ministre de la justice. Si le garde des Sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits

ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion. Si la discussion a déjà commencé, elle est immédiatement

interrompue.- Lorsqu'une information judiciaire est ouverte après la création de la commission, le Président de l'Assemblée nationale,

saisi par le Garde des Sceaux, en informe le Président de la commission. Celle-ci met immédiatement fin à ses travaux. Son usage à

chaque fois qu’une commission d’enquête parlementaire se met sur pied rend difficile l’exercice du pouvoir de contrôle ».

10 P. GEORGE, Droit Public, 10ième Ed. SIREY, 2010, p. 94.

11 M. BOUVIER, « Mutations des finances publiques et crise du pouvoir politique? », in RFFP, n° 79, 2002, p. 241.

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finances publiques fondent la substance des pouvoirs politiques et constituent en cela un

instrument privilégié d’analyse et de création des institutions »13. Les rapports entre les

pouvoirs, traditionnellement présentés à travers l’Exécutif et le Législatif –

Gouvernement et Parlement –, s’analysent de manière satisfaisante dans les

mécanismes des finances publiques, et principalement la procédure budgétaire14.

Dans l’activité du Parlement, les problèmes financiers, au premier rang

desquels figure l’examen du budget de l’Etat, occupent une place de choix, qui

résulte essentiellement de l’évolution historique du rôle du Parlement15. « C’est en

brandissant le refus de l’impôt qu’on avait transformé des régimes, c’était en refusant

ouvertement qu’on avait fait des révolutions, c’était en associant politique et finances

publiques qu’on avait, non sans peine, construit les mécanismes de contrôle

parlementaire »16.

Le Parlement trouve ses origines en Grande-Bretagne avec la Grande

Charte (la Magna Carta) issue de la défaite des Bouvines 17 en 1215 et complétée

par le Bill of Rights de 168818 puis de la DDHC qui vient consacrer en son article 14,

12 Id., « Editorial : les décideurs politiques au cœur de la nouvelle gouvernance financière publique », in RFFP, n° 94, 2006, p.

3.

13 M. BOUVIER, R. HERTZOG, « Réforme des finances publiques : réforme de l’Etat », in RFFP, n° 73, 2001, p. 3.

14 J.-P. CAMBY, « Cavaliers », in L. FAVOREU, R. HERTZOG, A. ROUX (dir.), Constitution et Finances publiques, Etudes en

l’honneur de Loïc PHILIP, Paris, Economica, 2005, p. 319.

15 F. MENDEL et V. HERMAN « Les Parlements dans le monde » in Union Interparlementaire, PUF, 1977 p. 653.

16P. BELTRAME, « Le consentement de l’impôt. Devenir d’un grand principe », in RFFP, n° 51, 1995, p. 80.

17 F. CHOUVEL, Finances publiques 2007, Paris, 10e éd Gualino éditeur, 2007, p. 17.

18 JF. PICARD, Finances Publiques, Paris, éd Litec, 1989, pp. 3, 4. La Grande charte qui avait été imposée à Jean SANS TERRE

par ses barons révoltés pose le principe du consentement à l’impôt qui est la raison d’être initiale des premières assemblées

parlementaires : « aucun revenu ne sera levé dans le royaume si ce n’est par le conseil commun du royaume ». Après une série de

dissolution successive des Parlements qui n’ont pas voulu céder aux tentatives de la Couronne qui s’efforcera dès le début

de violer ou de détourner la règle du vote de l’impôt par les représentants de la nation, le troisième Parlement finira par

imposer au roi en 1628 la Petition of Right qui compléta la Grande Charte en étendant l’autorisation parlementaire à toutes

les recettes fiscales. Après sa dissolution, le conflit entre Parlement et roi se termina par l’exécution du roi en 1649. Ce

triomphe du Parlement lui permis en 1688 d’imposer à la nouvelle dynastie des Hanovre trois principes fondamentaux du

Page 5: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

5

le principe du consentement à l’impôt comme un droit naturel, inaliénable et

sacré19 . C’est dans ce même esprit que le constituant béninois inscrit les articles 96

et 98 alinéa 720 de la Constitution et réaffirmé par la décision DCC 06-108 du 11

août 2006 de la Cour constitutionnelle du Bénin.

« Les Parlements disposent de compétences qui leur sont expressément conférées

par la Constitution. Ils exercent des attributions en matière législative, en matière

financière et de contrôle »21. L’étude des pouvoirs financiers du Parlement en

République du Bénin depuis 1990 peut se faire de plusieurs manières car, étant

située dans l’ancrage des finances publiques, elle peut être abordée sous différents

angles. Certains auteurs font une place importante à la sociologie (LALUMIERE),

d’autres traitent surtout d’économie publique ou de politique économique,

d’autres encore s’intéressent à l’histoire des finances publiques. Dans le cadre de

cette étude, seul l’angle juridique sera envisagé.

Sous cet angle, il s’avère inéluctable d’élucider les termes et expressions

constituant le thème de ce travail, à savoir : « les pouvoirs financiers du

Parlement ».

Que désigne le mot « pouvoir » ? Selon le Vocabulaire juridique publié sous

la direction de Gérard CORNU, le pouvoir s’entend au sens général comme étant,

« maîtrise de fait, force, puissance. Prérogative juridique (pouvoir de droit, fondé en droit).

Voire, fonction, mission, autorité, compétence, vocation, aptitude, capacité, investiture,

devoir, attribut ». Il s’entend au sens constitutionnel chez l’auteur comme

« l’ensemble des compétences juridiques et des capacités matérielles de l’Etat< ». C’est

droit budgétaire : l’autorisation des recettes, l’autorisation des dépenses ainsi que le renouvellement périodique de ces

autorisations.

19 P. BELTRAME, « Le consentement de l’impôt. Devenir d’un grand principe », ibid, pp. 81-89.

20« Sont du domaine de la loi les règles concernant : ... L'assiette, le taux et les modalités du recouvrement des impositions de toute

nature ...».

21 P. FOILLARD, Droit Constitutionnel et Institutions Politiques, éd, Paradigme, 2008, P. 299.

Page 6: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

6

aussi, l’aptitude d’origine légale, judiciaire ou conventionnelle à exercer les droits

d’autrui et à agir pour le compte de cette personne dans les limites de l’investiture

reçue22.

Loin d’être à l’abri des controverses doctrinales, le pouvoir s’entend chez

Max WEBER, selon une perspective interactionniste comme « une relation qui se

caractérise par la mobilisation des ressources pour obtenir d’un tiers qu’il adopte un

comportement auquel il ne se serait pas résolu en dehors de cette relation ». Il résume sa

définition du pouvoir en ces termes : « Toute chance de faire triompher, au sein d’une

relation sociale, sa propre volonté, même contre des résistances »23.

Le Parlement, quant à lui, désigne une institution qui assure une fonction

décisive au sein d’un régime politique. Il s’inscrit dans une logique de

représentation. Qu’il s’agisse de permettre la confrontation d’opinions diverses en

vue d’obtenir, par un procédé délibératif, l’expression de la volonté générale ou

d’exprimer l’unité du peuple autour des dirigeants, l’imagination humaine n’a pas

encore trouvé d’autres solutions que celle d’une assemblée parlementaire24.

Considéré dans son sens générique, le Parlement désigne une instance

représentative composée d'individus à qui le peuple a confié la responsabilité de le

représenter en vue de définir le cadre légal dans lequel la société sera gouvernée et

de veiller à ce que ces prescriptions légales soient mises en œuvre de manière

responsable par le pouvoir Exécutif25 . Au sens moderne, « le Parlement vient

d’Angleterre où, dès le XIIIe siècle, il désigne les deux chambres qui affirment leur pouvoir

face au roi Jean SANS TERRE (Magna Carta, 1215)< Aujourd’hui, sous des noms

parfois différents, presque tous les Etats ont un Parlement, généralement composé de deux

22 Vocabulaire juridique, sous la direction de Gérard CORNU, Paris, PUF, 2007, pp, 614-615.

23 B. BADIE, G. HERMET, P. BIRNBAUM, P. BRAUD, Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, éd,

Armand Colin, 1994, pp. 220-221.

24 Selon le dictionnaire constitutionnel d’Olivier DUHAMEL et d’Yves MENY.

25 A. COLY, « Diplomatie parlementaire », Mémoire de fin de Cycle Normal, ENA (Rabat), 2007, p. 6.

Page 7: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

7

Chambres, dont l’une au moins (la Chambre basse ou Assemblée nationale) est élue au

suffrage universel direct< Dans la tradition française, reprise par de nombreux Etats, la

Chambre basse, seule élue au suffrage universel, était considérée comme dépositaire de la

souveraineté populaire et, à ce titre, investie du pouvoir d’imposer sa volonté en dernier

ressort en matière de loi, en tant qu’expression de la volonté générale »26.

Avec l’avènement de la Constitution française de la Vè République, le

Parlement devient un organe représentatif au même titre que le Président de la

République, autre organe de l’Etat issu du suffrage universel direct. Corollaire : les

textes qu’il adopte peuvent être déférés à un contrôle de constitutionnalité. Il est

investi d’une triple fonction : représenter le peuple et adopter le budget, élaborer

la loi et contrôler l’action de l’Exécutif. A cette triple fonction s’ajoute celle de

l’évaluation des politiques publiques. Ces compétences s’exercent selon les

modalités inhérentes à la nature du régime politique.

Dans les démocraties libérales actuelles, le Parlement, a une ou deux

chambres, (monocamérale ou bicamérale), conserve ses prérogatives

traditionnelles (vote de la loi et du budget, contrôle de l'Exécutif). Il porte

différentes terminologies selon les Etats: Aux Etats-Unis d'Amérique, c'est le

Congrès, au Japon la Diète, en Chine l'Assemblée populaire nationale et au Bénin,

l’Assemblée nationale.

Le Parlement s’entendra dans le cadre de ce travail comme étant « une

institution destinée par la Constitution à donner son accord à des mesures de politique

publique exécutoires, accord donné au nom d’une communauté politique qui va au-delà de

l’élite gouvernementale responsable de la formation de telles mesures. C’est le pouvoir de

donner son accord qui définit un Parlement »27. Les Parlements, sont des organismes

26 B. BADIE, G. HERMET, P. BRAUD, P. BIRNBAUM, Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, Armand

Colin, 1994, pp. 191-192.

27 P. NORTON, « La nature du contrôle parlementaire », in Pouvoirs, n°134, éd. seuil, 2010, p. 7.

Page 8: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

8

aux fonctions multiples et fonctionnellement adaptables qui assurent plusieurs

tâches ou fonctions et, ces tâches peuvent évoluer dans le temps en réponse aux

changements constitutionnels et politiques.

L’expression « pouvoirs financiers du Parlement »28 est synonyme de « la

fonction financière du Parlement »29 chez Pierre ASTIE et consiste à voter tous les

ans le budget de l’Etat qui prévoit les recettes et les dépenses de celui-ci pour

l’année à venir. Elle s’entend chez Katia BLAIRON de la « Constitution financière

». Elle désigne l’ensemble des normes du bloc de constitutionnalité qui

s’appliquent aux finances publiques : les dispositions de la Constitution elle-

même, les préambules de 1946 et de 1958, la Déclaration des Droits de l’Homme et

du Citoyen de 1789, l’ordonnance de 1959, les règles dégagées par la jurisprudence

du Conseil constitutionnel30. L’ordonnance de 195931, à laquelle a succédé la Loi

Organique relative aux Lois de Finances (LOLF)32, constitue ainsi un « pilier » du

parlementarisme rationalisé.33 La Constitution financière, dans un sens étroit, est

constituée par des dispositions du bloc de constitutionnalité qui ont un objet

financier. Elle concerne l’ensemble des finances publiques, qu’elles soient celles de

l’Etat, des collectivités locales ou de la sécurité sociale34. On retiendra dans le

contexte de cette étude que l’expression « les pouvoirs financiers du Parlement »

signifie la légitimité conférée par l’ensemble des normes juridiques permettant à

28 L. PHILIP, « Introduction », in L. PHILIP (dir.), L’exercice du pouvoir financier du Parlement. Théorie, pratique et évolution,

Paris, Aix-en-Provence, Economica, Presses Universitaires d’Aix-Marseille, 1996.

29 P. ASTIE, « La Constitution du 04 octobre 1958 et le système politique de la Ve République », in J. MOREAU, (dir), Droit

Public, Tome1, Economica, 3è éd., 1995, p. 159.

30 R. HERTZOG, « Une grande première : la réforme du droit budgétaire de l’Etat par le Parlement », in RFFP, n° 73, 2001,

p. 13.

31Ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de Finances.

32 Loi organique n° 2001-692 relative aux lois de Finances (« LOLF ») du 1er août 2001.

33 S. MAHIEUX, « La loi organique relative aux lois de Finances du 1er août 2001 », in RFFP, n° 76, 2001, pp. 33-50.

34 R. PELLET, « Réformer la Constitution financière : pour de nouveaux principes budgétaires », in RDP, N° ½, L.G.D.J,

2002, p. 313.

Page 9: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

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l’Assemblée nationale d’amender, de voter et de contrôler l’usage fait par le

Gouvernement des autorisations à lui accorder par la loi de Finances de l’année

(« l’expression synthétique et opérationnelle de l’ordre financier pour une année »35).

Au vu des diverses crises qui érodent le pouvoir législatif des Parlements

partout dans le monde comme le constatent de nombreux rapports de chercheurs

qui, depuis 1921 où Lord BRYCE écrivit Modern Democracies, « Le déclin des

Parlements », les Parlements africains n’ont pas échappé à ce problème et, c’est ce

qui justifie d’ailleurs l’intérêt scientifique et pratique de ce thème qui porte sur

l’examen des pouvoirs financiers du Parlement béninois à la lumière des

instruments juridiques qui les fondent et encadrent leur exercice. On est en droit

de se demander ce que deviennent les pouvoirs financiers du Parlement entre leur

affirmation et leur effectivité; de savoir ce que vaut encore ce pouvoir s’il arrivait

que l’Exécutif fasse recours à l’article 6836 pour la mise en exécution de la loi de

Finances de l’année par ordonnance. Que dire de la systématisation de l’usage de

l’article 115 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale à chaque fois qu’une

commission d’enquête parlementaire est mise sur pied? Serait-il devenu une

simple caisse de résonance de la République ? Que devient le principe du

consentement à l’impôt si on met à mal l’effectivité des articles 96 et 98 de la

Constitution ? Que reste t-il alors des pouvoirs financiers du Parlement ? Est-ce

désormais une notion devenue juste une fiction surannée?

Dans un environnement étatique marqué par les phénomènes de la

modernisation des finances publiques, inspirée par la doctrine du « new public

management »37 et du « parlementarisme rationalisé »38 qui affectent les pouvoirs

35 R. HERTZOG, « L’avenir du pouvoir financier du Parlement : miroir des ombres ou garant de l’équilibre du

‘gouvernement général’ », in L. PHILIP (dir.), L’exercice du pouvoir financier du Parlement. Théorie, pratique et évolution, op. Cit.,

p. 136. 36 Cf. note 6.

37 J. MEKHANTAR, Finances Publiques de l’Etat, LA LOLF et le Nouveau droit Budgétaire de la France , Paris, éd Hachette

Supérieur, 2007, p. 5. Notion transdisciplinaire par essence, le New Public Management est un paradigme générique sous

lequel, les néo-zélandais et les britanniques rassemblent les aspects administratifs, financiers, organisationnels de la gestion

Page 10: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

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financiers des Parlements au point où Parlement et Gouvernement ne sont plus les

seuls à déterminer le contenu des finances publiques. Ils doivent désormais

prendre en compte une série de contraintes issues de normes externes ;

conséquence de leur participation à des organisations internationales dotées pour

certaines, d’un pouvoir contraignant en matière budgétaire et financière39 comme,

les directives communautaires40 de l’Union Economique et Monétaire Ouest

Africaine (UEMOA) sur la transparence budgétaire et les directives encadrant les

processus budgétaires dans le cadre de la mise en œuvre du pacte de convergence,

de croissance et de stabilité dans la zone et les directives de l’UEMOA portant loi

organique de finances.

Le parlementarisme rationalisé semble « domestiquer » le Parlement en le

transformant en une chambre d’enregistrement des décisions financières du

Gouvernement. Mais, comme « c’est à l’aune de manœuvre constitutionnelle du

Parlement que se mesure sa capacité d’amender le texte initial du projet de loi de

Finances »41, ce travail nous permettra d’analyser les pouvoirs financiers de

l’Assemblée nationale du Bénin, de leur effectivité et de leur efficacité ; si besoin il

y a, les redéfinir afin de permettre au député et au Parlement, de mieux jouer

leurs rôles de « veille » dans le processus budgétaire.

Aussi fictifs qu’ils peuvent paraître, même si ces pouvoirs ne peuvent pas

s’exercer normalement et complètement, ils sont loin d’être devenus de simples

publique. Voir, N. MEDE, « Réflexion sur le cadre harmonise des finances publiques dans l’espace UEMOA » in Afrilex,

Juin 2012, p. 6

38 Cf. O. DUHAMEL et Y. MENY, Dictionnaire constitutionnel, expression, forgée par le doyen Boris MIRKINE-

GUETZEVITCH et qui désigne une modalité contemporaine apparue, en 1919, avec la Constitution allemande de Weimar

qui possédait, à cet égard, tout le confort moderne (J.-J. CHEVALLIER). De ce fait, le régime parlementaire s’y trouve

codifié, ses règles systématisées et des dispositions interprétées, en tant que de besoin<

39 M. BOUVIER, « Mutations des finances publiques et crise du pouvoir politique ? », ibid., p. 255. Ces contraintes résultent

aussi de la dépendance de l’Etat et des autres personnes publiques par rapport aux marchés financiers évoquée par R.

HERTZOG, « La mutation des finances publiques : manifeste pour une discipline rajeunie ! », in RFFP, n° 79, 2002, p. 270.

40 Code sur la transparence et des directives encadrant les processus budgétaires dans le cadre de la mise en œuvre du pacte

de convergence, de croissance et de stabilité dans la zone UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine).

41 R. CHINAUD, « Quelle marge de manœuvre pour le Parlement ? », in Pouvoirs, n°64, 1993, p. 103.

Page 11: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

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formalités. « La soumission du budget au vote du Parlement reste ainsi une formule

privilégiée et irremplaçable de rapport et de dialogue entre les pouvoirs publics »42.

Pour répondre aux questions ci-dessus soulevées, ce travail essayera dans

sa première partie d’analyser la consécration des pouvoirs financiers du Parlement

dans le contexte juridique béninois (Partie I). Dans une deuxième partie, il paraît

idoine d’attirer l’attention sur l’abaissement du Parlement dans le droit et dans les

faits de ses pouvoirs financiers constitutionnellement reconnus (Partie II).

42 P. AMSELEK, « Le budget de l’Etat et le Parlement sous la Ve République », in RDP, n° 5/6, 1998, p. 1453.

Page 12: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

12

PREMIERE PARTIE : LA CONSECRATION DU ROLE DU

PARLEMENT EN MATIERE FINANCIERE.

Si par hommage à un effet de mode, nombre de pays africains sont

redevenus d’inspiration libérale, depuis le 11 décembre 1990, l’Etat béninois

dispose d’une Constitution à l’instar des démocraties occidentales. Le régime

politique établi est le régime présidentiel, même si dans sa pratique il est

beaucoup plus assimilable au « présidentialisme »43, « caractéristique de la plupart

des Etats d’Amérique latine et d’Afrique noire »44. Longtemps ignoré et asservi,

relégué dans une position d’infériorité, le pouvoir législatif serait-il appelé à

assumer dans le cadre des nouvelles règles constitutionnelles élaborées au début

des années 1990 son rôle au point de devenir un véritable centre du pouvoir

politique en Afrique et plus particulièrement au Bénin?

Le souci majeur des pouvoirs constituants n’est plus essentiellement de

protéger le principe de consentement populaire à l’impôt, lequel devrait être

considéré comme un acquis démocratique. Ils leur semblent au contraire tout à fait

justifié de rompre avec le traumatisme des régimes précédents en encadrant les

pouvoirs des Parlements de manière à garantir l’efficacité budgétaire45. Les deux

43 Le présidentialisme demeure un régime autoritaire du fait que l’institution s’efface devant l’homme. Fondamentalement,

l’autoritarisme est le règne du chef. Sa forme la plus parfaite apparaît dans le cadre du pouvoir individualisé où,

précisément, tout l’ordre politique repose sur la volonté personnelle de l’individu qui gouverne. En ce sens, on peut dire

qu’il est dans l’esprit du régime autoritaire de tendre vers l’individualisation du pouvoir. Cependant, le pouvoir

institutionnalisé n’exclut pas nécessairement l’autoritarisme ; il existe des pouvoirs étatiques dont, l’exercice a été

historiquement, ou est encore, assuré selon la formule autoritaire. On distinguera trois catégories de régime autoritaire :

césarisme empirique (les gouvernements d’Amérique latine, le péronisme), le césarisme en Europe entre les deux guerres

(césarisme en Pologne selon la Constitution du 23 avril 1935, le césarisme monarchique institué par la Constitution

yougoslave du 6 janvier 1929), le césarisme dans le cadre formel du parlementarisme avec le régime politique de la Turquie

; dictature idéologique (Salazar et Franco) ; régime du pouvoir individualisé (HITLER et les régimes politiques africains

d’avant 1990, in Georges BURDEAU, Traité de Science politique, Tome V, Les régimes politiques, LGDJ, 1952, pp. 365-440.

44 C. LECLERCQ, Droit Constitutionnel et institutions politiques, éd, Litec, 9ème, 1995, p. 226.

45 Sous les Troisième et Quatrième Républiques, l’accroissement des pouvoirs de la Chambre des députés s’est traduit par

exemple, par un accroissement des prérogatives de la commission des finances, détentrice de moyens politiques et surtout

juridiques étendus pour limiter l’initiative budgétaire gouvernementale. Cette commission avait le droit et le pouvoir de

modifier substantiellement le projet de budget élaboré par le gouvernement. Léon SAY dénonçait à ce propos « une

commission agissant à la place de l’administration et préparant le budget elle-même au lieu de se contenter de le recevoir

tout préparé pour le contrôler ». Sur le sujet, voir la thèse de A. MAUCOUR-ISABELLE, La rénovation des pouvoirs

budgétaires du Parlement sous la Cinquième République, Dalloz, 2005, p. 7 et s.

Page 13: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

13

premiers chapitres de la première partie de ce travail nous renseignent

respectivement sur la consécration avérée (Chapitre I) et l’atténuation des

pouvoirs financiers du Parlement béninois (Chapitre II) à travers son halo

normatif.

Page 14: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

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CHAPITRE I : UNE CONSECRATION AVEREE

Le cadre juridique béninois contient les textes qui encadrent généralement

la gestion des finances publiques, à savoir: la Constitution et ses dispositions

relatives aux finances publiques, la loi n° 86-021 du 26 septembre 1986 portant loi

organique relative aux lois de Finances, les directives et règlements

communautaires relatives aux finances publiques, les codes concernant

notamment les impôts, les douanes et les marchés publics et enfin les actes

réglementaires (décrets, arrêtés, circulaires et instructions). Ce corpus de textes

couvre le système de gestion des finances des organismes publics: l’Etat, les

Collectivités locales et les établissements publics nationaux ou locaux46. Même si la

recherche de leur effectivité peut conduire parfois à l’évanescence, les pouvoirs

financiers du Parlement sont de véritables affirmations dans le droit positif du

Bénin (section I), malgré, la rationalisation des mécanismes (section II) de mise en

œuvre dont ils sont sujets.

SECTION I : L’AFFIRMATION NORMATIVE DU ROLE DU PARLEMENT EN

MATIERE FINANCIERE

Le droit financier béninois comme celui de l’ensemble des pays de

l’UEMOA se trouve définit par la matrice composée des normes internes et des

normes conventionnelles et communautaires. La présente section nous renseigne

sur les fondements constitutionnels et conventionnels (paragraphe 1) des pouvoirs

financiers du Parlement de même que les dispositions législatives et

règlementaires (paragraphe 2) qui les soutiennent.

46 A. ACHOUR, S. BRIGNONEN et M. ZOUNON, Evaluation des finances publiques selon la méthodologie PEFA en

République du Bénin, Programme FED de l’Union Européenne pour le Bénin, Rapport final, 2007, p. 27.

Page 15: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

15

Paragraphe 1 : Les pouvoirs financiers du Parlement dans la

Constitution et les conventions internationales

Les Etats africains d’expression française comme le Bénin ont tous hérité

après les indépendances, du système financier et budgétaire mis en place en

France par la Constitution de 1958 et l’ordonnance organique du 2 janvier 1959

relative aux lois de Finances47. Du fait de l’importance des finances publiques, aux

dispositifs constitutionnels (A) s’ajoutent les sources conventionnelles (B) qui

s’invitent dans les dispositifs normatifs de l’Etat béninois en matière budgétaire.

A- Des normes Constitutionnelles

Selon Jean-Michel BLANQUER, il faut distinguer dans l'ordre

constitutionnel, les normes constitutionnelles proprement dites, des normes "

déduites ". Cette distinction s'applique particulièrement en droit budgétaire

puisque, au bloc de constitutionnalité tel qu'il est défini par le Conseil

constitutionnel français s'est intégrée comme norme de référence la loi organique

relative aux lois de Finances48. Le Professeur Thierry DEBARD entend, par bloc de

constitutionnalité une expression doctrinale désignant l’ensemble des normes qui

fondent le contrôle de constitutionnalité opéré par le Conseil constitutionnel. Ce

« bloc » inclut naturellement le dispositif constitutionnel, mais englobe également

le préambule de la Constitution,<.. Dès sa décision des 17, 18 et 24 juin 1959

(«règlement de l’Assemblée nationale ») <. , il n’établit pas de hiérarchie entre les

47

Voir, S.T. BATOUN-BA-NGOUE, dans « Démocratisation et processus budgétaire dans les Etats de la communauté

économique et monétaire de l’Afrique centrale : le cas du Cameroun », il n’est nul besoin d’intenter une action en recherche de

paternité pour connaître l’origine française des lois organiques relative aux lois de Finances en Afrique , in Afrilex n°4, Les finances

publiques africaines, Bordeaux, 2005, p. 11. 48 J.-M. BLANQUER, « Bloc de Constitutionnalité ou ordre Constitutionnel », in Mélanges J. Robert, Paris, Montchrestien,

1998, p. 227.

Page 16: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

16

divers éléments du bloc de constitutionnalité49. Au Bénin, le règlement intérieur de

l’Assemblée nationale fait partie du bloc de constitutionnalité.

Les normes constitutionnelles proprement dites

Aux termes de la loi n° 90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la

République du Bénin, il est établi la séparation des pouvoirs législatif, Exécutif et

judiciaire. Elle définit les matières relevant du domaine de la loi (articles 9650, 9851

au sujet, entre autres, de la fiscalité, de la monnaie, de la création des

établissements publics). Elle inclut les lois de règlement budgétaire comme le

dispose l’article 99 : «Les lois de Finances déterminent les recettes et les dépenses de

l’Etat. Les lois de règlement contrôlent l’exécution des lois de Finances, sous réserve de

l’apurement ultérieur des Comptes de la Nation par la Chambre des Comptes de la Cour

suprême. Les lois de programme fixent les objectifs de l’action économique et sociale de

l’Etat ». Elle consacre et fixe les principes généraux relatifs au pouvoir

d’amendement des députés aux articles 10352 et 10753. L’article 105

dispose : «L’initiative des lois appartient concurremment au Président de la République

et aux membres de l’Assemblée nationale. Les projets de loi sont délibérés en Conseil des

ministres, après avis motivé de la Cour suprême saisie conformément à l’article 132 de la

présente Constitution, et déposés sur le Bureau de l’Assemblée nationale. Les projets et

propositions de loi sont envoyés avant délibération en séance plénière, à la commission

compétente de l’Assemblée nationale pour examen. Le projet du budget de l’Assemblée

nationale peut être examiné en commission ou en séance plénière sans avoir été au

préalable soumis au Bureau de ladite Assemblée ».

49 T. DEBARD, Dictionnaire de droit Constitutionnel, 2ème édition, Ellipses, 2007, pp. 40-41.

50 « L’Assemblée nationale vote la loi et consent l'impôt ».

51 « Sont du domaine de la loi les règles concernant : ... l'assiette, le taux et les modalités du recouvrement des impositions de toute

nature< ».

52 « Les députés ont le droit d’amendement ».

53« Les propositions et amendements déposés par les députés ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit

une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique, à moins qu’ils ne soient accompagnés

d’une proposition d’augmentation de recettes ou d’économies équivalentes ».

Page 17: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

17

Elle détermine le contenu, le délai de dépôt et la procédure de vote du

projet de loi de Finances initiale en son article 109 : « l’Assemblée nationale vote le

projet de loi de Finances dans les conditions déterminées par la loi. L’Assemblée nationale

est saisie du projet de loi de Finances au plus tard une semaine avant l’ouverture de la

session d’octobre. Le projet de loi de Finances doit prévoir les recettes nécessaires à la

couverture intégrale des dépenses ». Elle détermine les circonstances particulières

d’établissement du budget par voie d’ordonnance ou d’autorisation de douzièmes

provisoires en ses articles 11054 et 11155. Elle fixe les règles concernant les moyens

Parlementaires de contrôler le Gouvernement et de règlementer les comptes de la

Nation avec l’assistance de la Chambre des Comptes de la Cour suprême aux

articles 11256, 11357 et 13158.

La loi organique n° 86-021 du 26 septembre 1986 relative aux lois de

Finances.

Elle est composée de 62 articles, répartis en cinq titres et en trois chapitres.

Elle détermine en son chapitre premier les ressources de l’Etat. Elle définit en ses

articles 1 et 2 la loi de Finances et les trois catégories de lois de Finances. Elle

énumère les ressources de l’Etat, affirme le principe de l’autorisation de la

54 « L’Assemblée nationale vote le budget en équilibre. Si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée à la date du 31 décembre, les

dispositions du projet de loi de finances peuvent être mises en vigueur par ordonnance. Le Gouvernement saisit, pour ratifica tion,

l’Assemblée nationale convoquée en session extraordinaire dans un délai, de quinze jours. Si l’Assemblée nationale n’a pas voté le budget

à la fin de cette session extraordinaire, le budget est établi définitivement par ordonnance ».

55 « Si le projet de loi de finances n'a pu être déposé en temps utile pour être promulgué avant le début de l'exercice, le Président de la

République demande d'urgence à l'Assemblée nationale l'autorisation d'exécuter les recettes et les dépenses par douzièmes

provisoires. ».

56 «L’Assemblée nationale règle les comptes de la Nation selon les modalités prévues par la loi organique de finances. Elle est, à cet effet,

assistée de la Chambre des Comptes de la Cour suprême, qu’elle charge de toutes enquêtes et études se rapportant à l’exécution des

recettes et des dépenses publiques, ou à la gestion de la trésorerie nationale, des collectivités territoriales, des administrations ou

institutions relevant de l’Etat ou à son contrôle ».

57 « Le Gouvernement est tenu de fournir à l’Assemblée nationale toutes explications qui lui seront demandées sur sa gestion et sur ses

activités. Les moyens d’informations et de contrôle de l’Assemblée nationale sur l’action du gouvernement sont : l’interpellation

conformément à l’article 71 ; la question écrite ; la question orale avec ou sans débat, non suivie de vote ; la commission parlementaire

d’enquête. Ces moyens s’exercent dans les conditions déterminées par le règlement intérieur de l’Assemblée nationale ».

58 « La Cour suprême est la plus haute juridiction de l'Etat en matière administrative, judiciaire et des comptes de l’Etat. Elle est

également compétente en ce qui concerne le contentieux des élections locales. Les décisions de la Cour suprême ne sont susceptibles

d'aucun recours. Elles s'imposent au pouvoir Exécutif, au pouvoir Législatif, ainsi qu'à toutes les juridictions ».

Page 18: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

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perception des impôts par le consentement du peuple à travers ses représentants,

confirme le principe de l’annualité budgétaire, le principe de l’unité, le principe de

l’universalité, la règle de non affectation et la règle du produit brut et, le principe

de la spécialité. Elle détermine aussi la nomenclature du budget. Elle édicte les

règles applicables à la détermination des ressources et des charges de l’Etat, à la

présentation et au vote des projets de loi de Finances et pose les règles devant

régir leur gestion59. Elle statue sur l’élaboration et le vote des lois de Finances. Elle

limite les actions du Parlement dans un délai de soixante jours. A ces normes,

s’ajoutent la jurisprudence constitutionnelle sur les lois de Finances ainsi que la

jurisprudence de la Chambre des Comptes de la Cour suprême sans oublier le

règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

Il est important d’observer que ces dispositions de la Constitution, de la loi

organique relative à la loi de Finances et « le règlement intérieur de l’Assemblée

nationale »60 de même que la jurisprudence constitutionnelle et financière fondent

la majeure partie des règles du droit budgétaire béninois auquel s’ajoutent

certaines normes conventionnelles.

B- Des normes conventionnelles.

L’internalisation des normes communautaires et internationales vient

s’ajouter au droit interne par sa transposition. Ainsi, au nombre des normes

juridiques encadrant les pouvoirs financiers du Parlement béninois au plan

interne, il y a certaines normes contraignantes comme celles issues des directives

59 Voir les articles 3 à 51 et 52 à 60 de loi organique n° 86-021 du 26 septembre 1986 relative aux lois de Finances à l’annexe

n° 2.

60 La formule employée par les décisions de la Cour constitutionnelle est le plus souvent celle-ci : « les dispositions des

règlements qui ne sont pas l’application nécessaire d’une disposition constitutionnelle n’ont pas valeur constitutionnelle »

on peut citer comme exemple les décisions DCC 98-068 du 19/08/1998, DCC 00-058 du 10/10/00, DC 00-078 du 07/12/2000 in

Cour constitutionnelle du Bénin, Recueil des décisions et avis 1998, p. 333 et 2000, p. 287.

Page 19: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

19

et règlements communautaires de l’UEMOA, de la Communauté Economique Des

Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Organisation pour

l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), visant à harmoniser

la législation fiscale dans l’espace sous régional et régional. On peut aussi évoquer

les accords des institutions de Bretton Woods et la Déclaration de Paris en 2005

qui définissent les conditionnalités de l’aide publique au développement.

Les normes communautaires, dans le souci d’harmoniser au sein de leur

espace régional les normes juridiques afin de pouvoir mieux faire face aux enjeux

de l’internationalisation des marchés financiers, bon nombre de pays connaissaient

le développement du droit communautaire dans leur espace. C’est ainsi que les

Etats de l’Afrique de l’Ouest réunis au sein de l’UEMOA font de considérables

efforts pour améliorer et harmoniser leur législation fiscale et leur système de

gestion des finances publiques depuis les années 1994. C’est à ce titre que les

directives de l’UEMOA viennent s’intégrer au droit financier béninois.

Nous pouvons citer comme exemples: la directive n° 05/97/CM/UEMOA

du 16 décembre 1997 relative aux lois de Finances ; la directive n°

06/2009/CM/UEMOA du 26 juin 2009 portant lois de Finances au sein de

l’UEMOA ; l’article 67 du Traité de l’Union Economique et Monétaire Ouest

Africaine relatif à l’Harmonisation des législations et procédures budgétaires, des

lois de Finances et des comptabilités publiques ; la Déclaration de la conférence

des chefs d’Etat et de Gouvernement du 28 janvier 1999 sur le renforcement de la

convergence et l’accélération de la croissance économique dans les Etats membres

de l’UEMOA ; la directive n° 02/99/CM/UEMOA du 21 décembre 1999 portant

amendement de la directive n° 05/97/CM/UEMOA relative aux lois de Finances ; la

directive n° 06/97/CM/UEMOA du 16 décembre 1997 portant Règlement Général

sur la Comptabilité Publique et la directive n° 05/99/CM/UEMOA du 21 décembre

1999 qui la modifie ; la directive n° 04/98/CM/UEMOA du 13 décembre 1998

portant nomenclature budgétaire de l’Etat ; la directive n° 05/98/CM/UEMOA du

Page 20: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

20

22 décembre 1998 portant plan comptable de l’Etat (PCE UEMOA) ; la directive n°

06/98/CM/UEMOA du 22 décembre 1998 portant Tableau des Opérations

Financières de l’Etat (TOFE UEMOA) ; la directive n° 02-2000/CM/UEMOA du 29

juin 2000 portant code de transparence dans la gestion des finances publiques au

sein de l’UEMOA.

La mondialisation et la définition de standard budgétaire par le Fonds

Monétaire International (FMI) dans le cadre de la surveillance multilatérale des

finances publiques justifient davantage l’importance d’acteurs externes à l’Etat

dont les exigences réduisent les pouvoirs financiers de l’Etat et plus

particulièrement des Parlements. On estimait que l’une des raisons de la seconde

guerre mondiale avait été le désordre monétaire international. C’est pourquoi, le

FMI a été créé pour surveiller les évolutions du système monétaire et prévenir les

éventuels problèmes qui pourraient se poser. On qualifie cette fonction du FMI de

surveillance multilatérale internationale.

Sa fonction initialement monétaire s’est étendue récemment à la surveillance

des procédures budgétaires des Etats. Cette nouvelle compétence s’inscrit dans ce

que l’on qualifie de la nouvelle gouvernance financière. Elle consiste à inciter les

Etats à mettre en place des dispositifs destinés à mieux gérer les finances

publiques, à être plus responsables en matière budgétaire et cela sur la base d’une

plus grande transparence des finances publiques. Le FMI se donne alors pour

projet de faire en sorte que les Etats réorganisent leur dispositif de gestion et va

jusqu’à leur proposer ce qu’il appelle un code de transparence budgétaire qui

regroupe un certain nombre de standard de bonne gestion budgétaire. Il a été

publié en 1998 et a été révisé en 2007. Il présente ce que l’on appelle « les

meilleures pratiques » qui sont utilisées en matière budgétaire dans différents

Etats. Sans ’’s’imposer aux Etats’’, le FMI leur propose de s’engager sur ce qu’il

appelle la charte de bonne conduite et ainsi, de transcrire dans leur législation les

préconisations qu’il développe dans son code qui, conditionne l’aide au

Page 21: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

21

développement. La définition de la transparence61 des finances publiques constitue

la base du code du FMI. C’est un principe de garantie d’intégrité : ce principe

concerne la qualité des informations budgétaires, elles doivent être sincères. Ce

qui fait appel au principe de la sincérité budgétaire qui vient compléter les autres

principes. Les mécanismes de leur mise en application des pouvoirs financiers du

Parlement doublement consacré dans la Constitution et les conventions

internationales se trouvent contenus dans la loi et les règlements.

Paragraphe 2 : Les pouvoirs financiers du Parlement dans la loi et les

règlements

En l’absence des lois et des règlements, les pouvoirs financiers du

Parlement inscrits dans la Constitution et les conventions internationales ne

seraient que lettres mortes. Les dispositifs législatifs (A) et règlementaires (B)

constituent les véritables outils de leur mise en application.

A- Des dispositions législatives.

Il s’agit des lois telles que prévues par les articles 96 et 98 de la Constitution

et des ordonnances portant codes respectivement des impôts (loi n° 64-35 du 31

décembre 1964 et ordonnance n° 2/PR/MFAE de mars 1966), des douanes

(ordonnance n° 54/PR/MFAE du 21 novembre 1966) et des marchés publics (loi n°

2009-02 du 17 août 2009 portant code des Marchés Publiques en République du

61

Elle est définie : « la transparence, c’est l’information sans réserve du citoyen sur la structure et les fonctions des

administrations publiques, également sur les objectifs de la politique des finances publiques et sur les comptes du secteur

public. Cette transparence permet que le débat public ait lieu sur la base d’information fiable ». Il y a 4 grands principes de

base dans ce code : Une définition claire des fonctions et des responsabilités : cela signifie que doit exister une différence très

nette entre le secteur public et le secteur privé. Au sein du secteur public, la répartition des fonctions d’une part de décision

et d’autre part de gestion doit être clairement définie. Les procédures budgétaires doivent être parfaitement transparentes.

Les informations doivent être présentées de façon à faciliter l’analyse et les documents budgétaires doivent préciser les

objectifs de la politique budgétaire. Le public, le citoyen doivent avoir accès à l’information. Autrement dit, les informations

doivent être publiées.

Page 22: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

22

Bénin), la loi n° 2008-07 du 28 février 2011 portant code de procédure civile,

commerciale, administrative, sociale et des comptes, l’ordonnance n° 69-5/PR/MF

du 13 février 1969 portant statut des comptables publics.

En ce qui concerne les établissements publics, ils sont régis par la loi n° 88-005

du 26 avril 1988 relative aux entreprises publiques et semi-publiques et la loi n°

94-009 du 28 juillet 1994 relative aux offices à caractère social, culturel et

scientifique qui sont gérés comme des établissements publics administratifs.

Bien que les dispositions des lois de finances de l’année n’aient pas la

même importance que les dispositions des autres lois ordinaires, elles font partie

des dispositions législatives fondant les pouvoirs financiers du Parlement. Ces

textes législatifs jouent un rôle très important dans le processus budgétaire au

Bénin. La loi de Finances de l’année vient souvent compléter le code général des

impôts qui est le document de référence dans lequel se trouvent définis les

différents impôts et taxes en vigueur. On peut relever, par exemple, que la loi de

Finances exercice 2010 a modifié et même abrogé certains articles du Code

Général des Impôts62 (CGI). L’aspect dynamique des finances publiques laisse une

marge de manœuvre par voie règlementaire au Gouvernement dans le droit

financier béninois.

B- Des dispositions règlementaires.

62

Modification des dispositions des articles 1016, 1029, et 1084-14 nouveau du CGI relatif au paiement de la Taxe

Professionnelle Unique (TPU), modifications des dispositions des articles 996 et 1038 du CGI en vue d’étendre la sanction

prévue à l’encontre des contribuables qui ne respectent pas leurs obligations de paiement des droits dus dans les délais

légaux aux redevables de la patente et de la contribution foncière des propriétés bâties et non bâties. Abrogation des

dispositions du CGI (articles 962-1 à 962-11) instituant la taxe de développement local (TDL) en tant qu’ impôt direct local

en vue de lui substituer une nouvelle TDL (articles 1084 quinter 1 à 1084 quinter 10) conçue comme un impôt indirect local

et modification des dispositions de l’article 10 de la loi portant régime financier des Communes en République du Bénin.

Page 23: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

23

Les règles régissant la comptabilité publique sont fixées par voie

réglementaire: décrets, arrêtés et par suppléance des circulaires ou instructions

comportant des dispositions d’ordre réglementaire.

Les décrets portent sur la nomenclature budgétaire de l’Etat (décret n° 1999-

58 du 22 septembre 1999), le décret n° 2000-601 du 29 novembre 2000 portant sur

la réforme des procédures d’exécution du budget (décret n°2000-601 du 29

novembre 2000), sur le règlement général de la comptabilité publique (décret n°

2001-039 du 15 février 2001), sur les attributions, organisation et fonctionnement

de la Commission nationale de régulation des marchés publics (décret n° 2004-562

du 1er octobre 2004), de la direction nationale des marchés publics (décret n° 2004-

563 du 1er octobre 2004), des cellules de passation des marchés publics (décret n°

2004-564 du 1er octobre 2004) et sur les seuils de passation des marchés publics

ainsi que sur la limite de compétence des organes chargés de la passation des

marchés publics (décret n° 2004-565 du 1er octobre 2004).

Deux arrêtés portant l’un, sur la mise en vigueur du manuel de procédures

d’exécution des dépenses publiques et de la nomenclature des pièces justificatives

des dépenses de l’Etat (arrêté n° 1264/MF/DC/CTF du 30 décembre 1997) l’autre,

sur l’adoption du plan comptable de l’Etat (arrêté n° 2000/1430 du 29 décembre

2000).

Les circulaires et instructions qui sont les divers documents concernant la

préparation, l’exécution et le contrôle des lois de Finances et du budget général de

l’Etat comportant des dispositions de portée réglementaire.

Il en est ainsi de la circulaire de notification des crédits qui rappelle chaque

année les principales dispositions régissant l’exécution et la clôture des opérations

du budget général de l’Etat. C’est par le pouvoir règlementaire que l’Exécutif

assure une maîtrise du processus budgétaire. Par voie de règlement, il arrive à

opérer les modifications nécessaires et en temps utile, pour adapter la loi de

Finances de l’année aux influents du marché économique et des éventuelles

Page 24: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

24

conjonctures. Le souci d’empêcher le blocage du fonctionnement de l’Etat a fini

par aboutir à la rationalisation des procédures budgétaires.

Section II : LA RATIONALISATION DES PROCEDURES BUDGETAIRES

L’encadrement juridique de l’exercice des pouvoirs financiers des

Parlements traduit la volonté des constituants originaires dans le nouveau

constitutionalisme africain de rationnaliser les fonctions légales de l’Assemblée

nationale. Ainsi, le chapitre II du titre IV de la Constitution béninoise par ses

dispositions vient encadrer la procédure budgétaire à travers les rapports qu’il

définit entre l’Assemblée nationale et le Gouvernement. Ne pouvant parler du

droit budgétaire sans évoquer ses principes sacro-saint, ce travail aborde

successivement les grands principes budgétaires (paragraphe 1) et la marge de

manœuvre laissée au député par le biais du droit d’amendement (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Du respect des grands principes budgétaires

Qualifiés de jus cogens budgétaire, c'est-à-dire, les normes impératives du

droit budgétaire général, acceptées et reconnues par la communauté des Etats

dans son ensemble63, « les principes budgétaires sont des principes juridiques de droit

public qui gouvernent la vie d’un budget pris au sens juridique du terme. Ils concernent

aussi bien l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics

administratifs»64. Comme c’est « l’exception qui confirme la règle », les grands

principes budgétaires (A) admettent tous des limites pratiques(B).

A- Les grands principes budgétaires

63 Pour paraphraser l’article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités.

64 P. LOÏC, Dictionnaire encyclopédique de finances publiques, Economica, Paris, 1991.

Page 25: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

25

Les principes d’annualité, d’universalité, d’unité et de spécialité, ont une

triple justification : définir les règles de présentation du budget de l’Etat, assurer

que les comptes soient établis avec rigueur et objectivité, rendre opérationnel le

contrôle du Parlement sur l’activité de l’Exécutif en garantissant la non-

dissimulation des opérations budgétaires. Mais, remis en cause par l’évolution des

structures économiques et surtout par les modalités de l’interventionnisme

étatique qui leur ont fait subir d’importants infléchissements, les principes

budgétaires sont loin d’être archaïques même s’ils connaissent des dérogations

importantes, destinées à prendre en compte les nécessités pratiques de la gestion

budgétaire axée sur les résultats en donnant à l’Administration une plus grande

souplesse de gestion. Le droit budgétaire béninois n’a pas su, ni voulu s’en

débarrasser et ils restent aujourd’hui encore inséparables des finances publiques

de l’Etat.

Le principe de l’annualité budgétaire

Il suppose que le budget est établi chaque année pour un an. Pour la majorité des

Etats d’Afrique de l’ouest dont le Bénin, la période d’exercice est l’année civile qui

court du 1er janvier au 31 décembre. L’article 4 de la directive n°

05/97/CM/UEMOA relative aux lois de Finances dispose : « la loi de Finances prévoit

et autorise, pour chaque année civile, l’ensemble des ressources et des charges de l’Etat ».

Tout en restant obligatoire, le principe de l’annualité qui détermine la durée des

autorisations préalables à la perception des impôts et à l’engagement des dépenses

s’avère incompatible avec les exigences du bon fonctionnement de l’Etat et en

particulier, la programmation de ses activités, mais également avec le rôle des

finances publiques dans une économie moderne comme l’a souligné Paul

AMSELEK65. Pour permettre la continuité de la gestion des services, tout budget

élaboré annuellement s’exécute au- delà du cadre de l’année en raison de la

longueur du processus financier entre une décision et son exécution. Il est

65 P. AMSELEK, « Le budget de l’Etat et le Parlement sous la Ve République », ibid., p. 657.

Page 26: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

26

pratiquement impossible d’imposer une date couperet au 31 décembre de chaque

année pour la clôture des comptes66 selon qu’il s’agisse de la règle dite de la

gestion67 ou celle dite de l’exercice68.

Le principe de l’unité budgétaire

Règle de forme et de présentation doublée d’impératifs à la fois technique et

politique, le principe de l’unité budgétaire implique la fusion dans un document

unique des prévisions des recettes et des dépenses. Ainsi, l’ensemble des recettes

et des dépenses figurent dans un document unique. Il interdit les dépenses et les

recettes hors budget ou la multiplication des budgets, et donc leur morcellement et

leur démembrement à des comptes séparés. Ce principe implique aussi, que tous

les programmes gouvernementaux soient soumis aux procédures budgétaires, que

toutes les dépenses et les recettes résultant des activités de l’Etat puissent figurer

au budget général. Selon Gaston JEZE69, cette présentation revêt l’intérêt pratique,

d’une part, d’obtenir le total des dépenses et des recettes en effectuant deux

additions, d’autre part, savoir si le budget est en équilibre, en excédant ou en

déficit, par une soustraction. Lors du vote du budget par le Parlement, ce principe

lui permet d’avoir une vision globale et complète des prévisions budgétaires. Les

aménagements au principe d’unité sont les budgets annexes et les Comptes

Spéciaux du Trésor70 (CST).

66 J. MEKHANTAR, Finances publiques de l’Etat. LA LOLF ET LE NOUVEAU DROIT BUDGETAIRE DE LA FRANCE, op. cit., p

16.

67 Selon ce système, on ne rattache au budget annuel que les opérations effectivement payées ou encaissées avant le 31

décembre de l’année considérée. Ce système est celui en vigueur dans l’UEMOA ; mais il est un peu hybride. Lire

L’ESSENTIEL SUR LE BUDGET GENERAL DE L’ETAT, Manuel à l’usage des députés, Cellule d’Analyse des Politiques de

développement de l’Assemblée nationale (CAPAN), page 20.

68 Avec le système de l’exercice, les opérations exécutées sont rattachées à l’exercice budgétaire pour lequel elles ont été

autorisées. Ces opérations peuvent être engagées jusqu’au 31 décembre et même au-delà.

69 G. JEZE, Traité de science des finances, V. Giard & E. Brière, 1910, p. 231.

70 Les budgets autonomes des collectivités locales et des entreprises quant à eux, de véritables dérogations au principe de

l’unité budgétaire. Ils sont les résultats des démembrements de l’Etat et qui se traduisent par une débudgétisation du

maximum des dépenses publiques. Cette débudgétisation n’est pas le seul apanage des Etats africains, mais selon les mots

de P. LALUMIERE, « Une tentation permanente à laquelle succombent tous les gouvernements » V. M. EL KACEM, Loi de

Finances au Maroc, Thèse de droit public, 1998, p. 220.

Page 27: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

27

Le principe de l’universalité budgétaire

Comme le soulignent MM LLAU et GAUCHER, « Le principe d’universalité (ou

d’analyse), inspiré par la volonté de présenter une analyse exhaustive du budget, implique

que toutes les recettes et toutes les dépenses soient rassemblées au sein des documents

budgétaires dans leur intégralité, c’est-à-dire sans compensation comptable ». Ce principe

est exprimé dans l’article 18 de l’ordonnance du 2 janvier1959 : « Il est fait recette du

montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses.

L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes

et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général »71.

Présentant devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, le

10 octobre 2000, le projet de loi de Finances pour 2001, le ministre béninois de

l’Economie et des Finances déclarait : « < nous nous sommes efforcés de faire des

budgets de vérité. L’universalité budgétaire avait été quelque peu mise à mal au cours des

années passées, en conséquence de quoi le budget reflétait de moins en moins la réalité des

recettes et des dépenses de l’Etat. C’est pourquoi, le Gouvernement a réintégré dans le

budget, qui retrouve ainsi clarté et transparence, un montant de recettes et de dépenses qui

en avait abusivement été soustrait de manière à minorer artificiellement les masses

budgétaires »72. Dans le prolongement de cette présentation du ministre et dans les

documents accompagnant le projet de loi de Finances, un paragraphe intitulé « des

mesures dans le sens d’un plus grand respect du principe de l’universalité budgétaire »,

s’ouvre ainsi qu’il suit : « toutes les recettes et toutes les dépenses doivent figurer au

budget de l’Etat »73. « Pour être complémentaires dans leurs finalités, les notions d’unité et

d’universalité n’en sont pas moins distinctes dans leur contenu »74. L’universalité et

71 Note de cours de finances publiques de R. FERRETTI, Université de Metz, année académique 2003-2004.

72 La Nation, hebdomadaire béninois d’information, 11 octobre 2000, p. 5.

73 Projet de loi de Finances, 2001.

74 J. MOLINIER, « L’universalité budgétaire », Les cahiers de la comptabilité publique, 2001, p. 50.

Page 28: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

28

l’unité budgétaire sont parfois très difficiles à distinguer75. De ce principe

découlent deux règles importantes du droit budgétaire : la règle du produit brut et

la règle de la non affectation des recettes.

Le principe de spécialité budgétaire

La spécialisation des crédits permet de respecter l’autorisation détaillée donnée

par les Parlementaires. Elle facilite son contrôle. Supposons la situation inverse :

un Parlement qui donnerait une autorisation globale de dépenses sans aucune

précision sur la destination des dépenses ; les parlementaires n’auraient aucun

moyen de contrôle. Cela explique que très tôt le principe de la spécialisation des

crédits, notamment par chapitre a été consacré pour permettre un contrôle détaillé

de l’utilisation des crédits76. La règle de la spécialité est inscrite à l’article 7 de

l’ordonnance de 1959 relative à la loi de Finances. Le même principe a été retenu

par l’article 9 de la directive n° 05/97/CM/UEMOA relative aux lois de Finances et

l’article 52 de la loi organique n° 86-021 du 26 septembre 1986 en précisant que

les crédits ouverts par les lois de Finances sont spécialisés par chapitre sous

réserve des dispositions de l’article 12 de la directive communautaire. Chaque

chapitre ne contient que des dépenses homogènes se rapportant à un objet

déterminé. La structure des chapitres est fixée par l’autorité budgétaire en fonction

de ses préoccupations. Ce principe restreint donc la portée de l’autorisation

budgétaire à chaque poste du budget et interdit qu’un crédit prévu pour une

75 Le risque de confusion est excusable puisque toutes les deux exigent que toutes les dépenses et toutes les recettes de l’Etat

figurent dans le même budget. Ils ont pour conséquence d’interdire la multiplicité des budgets et d’éviter que certaines

dépenses ou recettes de l’Etat ne soient faites hors budget et par là même soustraites à l’autorisation parlementaire. Le

principe de l’universalité est plus subtile, car elle vise le contenu même de l’autorisation parlementaire et implique que

chaque opération y soit prise en compte en tenant compte de sa fongible avec l’ensemble des autres. L’alinéa 1 de l’article

19 de la directive n° 05/97/CM/UEMOA, relative aux lois de Finances dans les Etats de la communauté dispose : « il est fait

recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L’ensemble des recettes assurant l’exécution de l’ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ».

76 Note de cours de finances publiques du Professeur Carole MONIOLLE, Maître de conférences à l’Université de Paris X,

2010-2011.

Page 29: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

29

dépense soit employé pour un autre objet77. Grâce à la spécialité budgétaire, les

dépenses publiques doivent être examinées par les députés, non pas regroupées

par grandes masses, mais de façon détaillée. A cet effet, l’autorisation

parlementaire doit porter sur des unités relativement réduites de crédits

permettant un contrôle parlementaire efficace et accordant dans le même temps

une certaine latitude à l’Administration. Benjamin CONSTANT la présente

comme un instrument essentiel du contrôle Parlementaire et donc de l’équilibre

des pouvoirs. « Sans elle, la représentation nationale ne connaîtrait jamais l’emploi des

deniers publics »78.

Le principe de l’équilibre budgétaire.

Consacré doublement au Bénin, l’article 110 de la Constitution du 11 décembre

1990 dispose : « l’Assemblée nationale vote le budget en équilibre ». L’article 38 alinéa 1

de la loi organique n° 86-021 du 26 septembre 1986 relative aux lois de Finances

dispose : « la première partie de la loi de Finances arrête les données générales de

l’équilibre financier ou budgétaire ». L’équilibre financier tel que définit par Maurice

DUVERGER est la clé de voûte des finances publiques. A la différence des autres

principes, la règle de l’équilibre budgétaire ne constitue pas une obligation

juridique même si la définition de la loi de Finances fait référence à cette règle :«

les lois de Finances déterminent la nature, le montant de l’affectation des ressources et des

charges de l’Etat compte tenu d’un équilibre économique et financier qu’elles définissent ».

Il découle de cette définition une conséquence importante qui consiste à

subordonner la discussion de la deuxième partie de la loi de Finances au vote de la

première qui autorise et évalue les recettes.

Cet équilibre économique et financier ne doit pas être assimilé à l’équilibre

budgétaire dans le sens strict. Effectivement la définition de la loi de Finances ne

77 La nouvelle approche des budgets programmes « suggère, pour chaque programme, l’identification d’un responsable et des

ressources affectées ; ce qui induit l’aménagement d’une double spécialité : une spécialité « institutionnelle » et une spécialité

financière ».

78 N. MEDE, « La nouvelle gestion budgétaire : l’expérience des budgets de programme au Bénin », in Afrilex, n° 04,

décembre 2004, p. 70.

Page 30: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

30

prescrit pas l’équivalence entre les ressources et les charges. Mais, qu’il soit tenu

compte d’un équilibre d’ensemble économique et financier de manière à souligner

le lien entre politique budgétaire et politique de croissance79.

Le principe de la sincérité

Le principe de sincérité budgétaire est d’apparition plus récente et repose sur

l’idée que la sincérité des prévisions budgétaires, en recettes comme en dépenses,

conditionne le respect du principe du consentement à l’impôt inscrit à l’article 14

de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 178980.

Ce qui est principalement recherché, c’est d’abord la clarté des documents

budgétaires afin que la prise de décision par les parlementaires soit fondée sur des

informations précises, exactes et en nombre suffisant. Le principe de la sincérité

budgétaire est un principe nouveau81 selon lequel les prévisions budgétaires

doivent être évaluées et présentées de façon sincère82. La nouvelle directive de

l'UEMOA relative aux lois de Finances83 consacre doublement l'introduction du

principe de sincérité. Dans son article 30, la directive érige la sincérité en principe

budgétaire en énonçant : « les prévisions des ressources et des charges de l'Etat doivent

être sincères » tandis que l'article 72 dispose dans son dernier alinéa que « elle [la

comptabilité générale de l'Etat] doit être sincère et refléter une image fidèle de la situation

79

Il y a lieu de distinguer les opérations à caractère définitif et les opérations à caractère temporaire qui donnent lieu à deux

soldes dont la signification est différente. Solde des opérations à caractère définitif, c'est-à-dire, équilibre de tout solde

donnant l’équilibre au dessus de la ligne. Lorsque le solde est négatif, on parle de déficit budgétaire et lorsqu’il est positif,

on parle d’excédent. Le solde des opérations retracé par la loi de finances (les opérations définitives et les opérations

temporaires) est appelé le grand équilibre en dessous de la ligne. Lorsque ce solde est négatif on utilise le terme d’impasse

budgétaire.

80 La doctrine considère parfois que l’origine du principe de sincérité se trouve, non pas dans l’ordonnance du 2 janvier

1959, mais dans l’article XIV de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. Par exemple, Hélène

MANCIAUX, « De l’origine du principe de sincérité des lois de Finances et des lois de financement de la sécurité sociale »,

in Revue du droit public, n° 4-2005, pp. 979-989.

81 Dans sa décision n° 97-395 DC du 30 décembre 1997 sur la loi de Finances pour 1998, le Conseil constitutionnel français a

reconnu l’existence d’une atteinte à la sincérité de la loi de Finances.

82 J. MEKHANTAR, Finances publiques de l’Etat. LA LOLF ET LE NOUVEAU DROIT BUDGETAIRE DE LA FRANCE, op. Cit.,

p. 23.

83 Directive n° 06/2009/CM/UEMOA.

Page 31: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

31

financière de l'Etat »84. Le principe de sincérité peut être défini comme l'obligation

de présenter des comptes ou un budget reflétant une image sincère et fidèle de la

situation et des perspectives économiques et patrimoniales nationales au regard

des informations dont dispose le Gouvernement au moment de leur élaboration. Il

interdit de sous-estimer les charges ou de surestimer les ressources présentées

dans la loi de Finances et fait obligation de ne pas dissimuler des éléments

financiers ou patrimoniaux. Deux corollaires s'attachent à ce principe : l'inclusion

effective de l'ensemble des ressources et des charges (en ce sens, le principe de

sincérité rejoint les obligations découlant du principe d'universalité85) au sein du

budget ou des comptes de l'Etat ainsi que la cohérence des informations fournies.

Pour ne pas devenir utopique et obsolète, ces grands principes budgétaires

admettent des limites pratiques.

B- Les limites pratiques aux principes budgétaires

Compte tenu de la complexité et de la technicité des finances publiques, de

nombreuses atténuations viennent pondérer chacun des principes budgétaires afin

qu’ils ne deviennent trop rigides et inopérants au vu de l’évolution des finances

publiques. Plus particulièrement au Bénin, depuis la mise en pratique des budgets

programmes86, on note de nombreuses inflexions aux principes budgétaires. Au

principe de l’annualité, les dérogations tiennent essentiellement aux raisons

économiques (les cycles croissance, récession). Il n’est point réaliste de s’en tenir à

la périodicité annuelle qui ne permet pas de juguler le court terme, encore moins

84

PNUD, Les notes du pole, « la rénovation des procédures budgétaires en zone UEMOA : Analyse des objectifs et des impacts de la

réforme de la directive relative aux lois de finances », Note n° 2, n o v e m b r e 2009.

85 Le respect du principe d'universalité impose de rassembler au sein d'un document unique l'ensemble des informations

relatives aux recettes et aux dépenses sans contraction (toutes les recettes et toutes les dépenses sont inscrites sans

compensation entre elles) ni affectation (toutes les recettes financent toutes les dépenses).

86 Voir Nicaise MEDE, « La nouvelle gestion budgétaire : l’expérience des budgets de programme au Bénin », in Afrilex n°

04. « La nouvelle approche budgétaire ne remet pas en cause formellement les règles et les techniques en vigueur, mais elle induit

l’infléchissement de l’annualité et l’inflexion de la spécialité ».

Page 32: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

32

le moyen, ni le long terme. Tout en restant obligatoire, le principe de l’annualité,

qui détermine la durée des autorisations préalables à la perception des impôts et à

l’engagement des dépenses, s’avère incompatible avec les exigences du bon

fonctionnement de l’Etat et, en particulier, la programmation de ses activités, mais

également avec le rôle des finances publiques dans une économie moderne comme

l’a souligné Paul AMSELEK.

L’année n’est plus aujourd’hui le seul cadre de la prévision du budget. D’une

part, un retard dans la préparation du budget entraîne l’octroi immédiat des

crédits, soit sur les mêmes bases que l’année précédente, soit, sur des dispositions

totalement nouvelles, nécessaires à la continuité de l’action gouvernementale87. De

même, lorsque les prévisions budgétaires se révèlent insuffisantes ou sous-

évaluées, des crédits supplémentaires sont votés. D’autre part, les crédits inutilisés

peuvent être annulés ou les dépenses surévaluées révisées à la baisse. Le principe

d’annualité est très atténué en matière de dépenses d’investissement88.

Divers mécanismes financiers permettent d’échapper à la rigidité du cadre

annuel dans l’exécution des budgets publics. On peut citer comme exemples, les

reports de crédit89, les engagements par anticipation90, les ordonnances de l’article

110 de la Constitution du 11 décembre 1990, les lois de Finances rectificatives91, les

autorisations de programme et les modifications règlementaires émanant du

pouvoir règlementaire. Les modifications quantitatives (à la hausse ou à la baisse)

87 La douzième provisoire : possibilité prévue à l’article 39-5 de la directive n° 05/97/CM/UEMOA relative aux lois de

Finances.

88 Il faut distinguer les autorisations de programme dont la validité s’étend au-delà de l’année et les crédits de paiement qui

permettent de réaliser effectivement le programme et qui ont eux une validité annuelle.

89Technique faisant exception à la règle de l'annualité budgétaire et permettant de prolonger, dans certains cas, la validité

d'un crédit budgétaire non consommé pendant l'exercice pour lequel il avait été voté. Une autorisation exceptionnelle

permettant d’utiliser l’année suivante, les crédits du budget de l’année précédente

90 Possibilité de décider une dépense en fin d’exercice et de la payer sur le budget l’année suivante.

91 Procédé législatif par lequel le Parlement vote des modifications du budget en cours d’année.

Page 33: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

33

par deux types de décrets : décrets d’annulation de crédits et décrets d’avance92 et

les modifications de la nature des dépenses. Il existe deux instruments juridiques

que sont les décrets de transfert et les décrets de virement, qui consistent à

changer l’affectation des crédits, c’est-à-dire à les passer d’un programme à un

autre, et ceci au sein d’une même mission93.

Grâce au mécanisme des budgets annexes94, des CST95 et la

débudgétisation, le principe de l’unité budgétaire subit quelques atténuations. Au

Bénin, nous n’avons qu’un seul budget annexe qui est celui du Fonds National des

Retraités du Bénin ; en abrégé FNRB. Les budgets annexes96 , figurent

généralement dans la loi de Finances et sont donc autorisés par le Parlement.

« L’unité budgétaire est remise en cause lorsque l’Etat, en plus de ses fonctions

traditionnelles, entreprend, soit directement, soit par l’intermédiaire de services

concessionnaires, des activités à caractère industriel et commercial »97.

Les CST ont un caractère dérogatoire plus évident par rapport à la règle de

la non affectation. « Ils permettent de suivre une série d’opérations qui sont isolées du

budget général en raison des conditions particulières de leur financement ou de leur

92 Procédure d’urgence, en tant normal il n’a pas le droit. La situation d’urgence doit se justifier, le Conseil d'Etat en assure

le contrôle. Ces deux instruments sont utilisés à des fins de régulation budgétaire, c’est-à-dire pour intervenir rapidement

dans la conjoncture économique.

93 Une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie. Seule une disposition

de loi de finances d’initiative gouvernementale peut créer une mission. En droit budgétaire français, c’est un ensemble de

programmes concourant à une politique publique définie. Elle regroupe un ensemble de crédits votés en loi de finances et

attribués à un ou plusieurs services d'un ou plusieurs ministères.

94 Article 22 de la directive n° 05/97/CM/UEMOA du 16 décembre 1997 relative aux lois de Finances : « les budgets annexes

comprennent, d’une part, les recettes et les dépenses d’exploitation, d’autre part, les dépenses d’investissements et les ressources

spéciales affectées à ces dépenses »<

95 Voir article 27 de la loi organique n° 86-021 du 26 septembre 1986, article 24 de la directive n° 05/97/CM/UEMOA du 16

décembre 1997 relative aux lois de Finances et l’article 36 de la directive n° 06/2009/CM/UEMOA portant lois de Finances

au sein de L’UEMOA.

96 Entendus comme des documents retraçant à part, les dépenses et recettes de certains services de l’État qui disposent ainsi

d’une certaine personnalité financière et administrative sans avoir une autonomie juridique.

97 Lire L’ESSENTIEL SUR LE BUDGET GENERAL DE L’ETAT, Manuel à l’usage des députés, Cellule d’Analyse des

Politiques de Développement de l’Assemblée nationale, CAPAN, pp. 53-54.

Page 34: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

34

caractère provisoire »98. Il existe actuellement aux termes de l’article 36 de la

directive n° 06/2009/CM/UEMOA portant lois de Finances au sein de l’UEMOA,

six CST et sept selon l’article 24 de la directive n° 05/97/CM/UEMOA du 16

décembre 1997 relative aux lois de Finances.

La débudgétisation est aussi un moyen de contournement du principe de

l’unité budgétaire. « Elle consiste pour l’Etat à reporter sur d’autres personnes morales le

financement de certaines actions qu’il assumait auparavant »99. Selon le Dictionnaire

encyclopédique de finances publiques, elle est une opération consistant à retirer

une dépense d'un budget public et à la mettre à la charge d'un organisme public

ou privé placé sous le contrôle d'une autorité publique. Le terme est surtout utilisé

à propos de dépenses de l'Etat. À ce niveau, la débudgétisation peut revêtir deux

formes: soit celle d'un transfert d’une dépense du budget général de l'État à un

budget annexe ou à un compte spécial, et, dans ce dernier cas, la dépense publique

reste inscrite dans la loi de Finances et demeure soumise au contrôle du Parlement

mais, elle n'est plus financée par des ressources fiscales ; soit le transfert s'opère

sur un autre budget public ou sur un organisme public.

Tout comme les deux précédents principes, le principe de l’universalité

budgétaire et ses deux règles (la règle du produit brut et la règle de la non

affectation) admettent quelques inflexions100. Au Bénin, selon le manuel à l’usage

des députés, L’ESSENTIEL SUR LE BUDGET GENERAL DE L’ETAT, le principe

de la spécialité budgétaire connaît quelques adoucissements dont les principaux

sont les crédits globaux et les virements de crédits. Logiquement, les transferts ne

peuvent entraîner une augmentation du volume des crédits globaux et exigent

qu’une contrepartie égale soit trouvée à l’inscription budgétaire nouvelle. En effet,

98 A. EUZEBY, J. ABEN, J. PERCEBOIS, Dictionnaire de finances publiques, op. Cit., p. 45.

99 J. MEKHANTAR, Finances publiques de l’Etat. LA LOLF ET LE NOUVEAU DROIT BUDGETAIRE DE LA FRANCE, op.

Cit, 2007, p. 19.

100 Certaines recettes peuvent être directement affectées à certaines dépenses. La majeure partie des affectations spéciales

prend la forme des budgets annexes et des CST. On peut aussi évoquer la question des fonds de concours, les taxes

parafiscales et la procédure de rétablissement des crédits.

Page 35: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

35

les transferts opèrent un changement dans la répartition des crédits entre les

services. Suite, par exemple, à leur organisation, restructuration, il peut arriver

qu’ils modifient la nature des dépenses prévues originellement et même qu’ils

substituent une dépense nouvelle à une dépense autorisée ou bien une dépense

d’investissement à une dépense de fonctionnement101.

La relativité du principe de l’équilibre nous permet de justifier sa flexibilité.

La pratique du déficit budgétaire public est aujourd’hui systématiquement

condamnée pour être instrument de politique économique au mieux, inefficace au

pire, nuisible. Ce rejet du déficit participe, en effet, d’une vision ou l’Etat comme

tout ménage ne doit pas vivre au dessus de ses moyens. Cette analogie implique

que le décideur public doit veiller à l’instar d’un bon père de famille à la mise en

place d’une gestion saine des finances publiques qui assure la croissance et qui

n’hypothèque pas l’avenir des générations futures. Le rejet du déficit budgétaire

participe, en effet, d’une vision macroéconomique ou le marché possède un

caractère autorégulateur de sorte que les interventions de l’Etat constituent une

entrave au plein emploi des ressources, l’Etat doit être à l’ordre interne un Etat

gendarme chargé de la sécurité des biens et des citoyens.

Sur le plan économique, l’Etat doit être neutre et éviter que la libre

concurrence soit entravée. Or, le principe de l’équilibre s’inscrit dans le cadre de

l’équilibre budgétaire et apparaît comme le moyen de limitation du budget en

déficit. L’Etat ne devrait pas rechercher d’excédent budgétaire, qui pourrait

signifier que l’Etat possède plus d’argent qu’il ne lui est nécessaire pour accomplir

sa mission. Une telle situation peut conduire à accepter certaines dépenses dont

l’utilité est discutable. Cependant, avec le développement des missions de l’Etat,

le recours à l’emprunt pourrait apparaître comme ayant des effets positifs. Dans

ces conditions, le recours au déficit budgétaire pourrait être utilisé pour relancer

l’économie par l’augmentation des dépenses sans que la pression fiscale s’en

101 F. J. FABRE, Le contrôle des finances publiques, PUF, Paris, 1968, p. 69.

Page 36: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

36

trouve augmentée. De la même manière, l’excédent budgétaire pourrait être utilisé

en phase d’expansion économique, épongeant ainsi les liquidités excédentaires.

Par cette manipulation du déficit et de l’excédent, le point de référence n’est plus

l’équilibre du budget, mais l’équilibre économique en général. Ainsi, on est passé

d’une notion purement comptable, voire, arithmétique à une vision plus globale et

à un ordre économique satisfaisant.

Selon Pierre LLAU, le concept de la sincérité se rapporte à la crédibilité,

pour les économistes, des politiques économiques des Etats. Il s’agit de savoir si

on peut croire ce qui est dans les projets de lois de Finances. Le véritable problème

de la sincérité provient de la prévision annuelle des budgets qui va en

contradiction selon les économistes avec les variances du marché économique.

Selon LLAU, une prévision économique sincère ne peut être qu’à court terme,

d’environ trois mois. « L’interdépendance entre les prévisions économiques et les

prévisions budgétaires est justement la source des difficultés que connaissent les lois de

finances lors de leur réalisation »102. Il ressort clairement des lois organiques qui

régissent le droit budgétaire béninois que, seul l’Exécutif est investi de la mission

de préparer les textes budgétaires. Le Parlement ne participe à son élaboration que

par le droit d’amendement.

Paragraphe 2 : Du pouvoir d’amendement des Parlementaires

Le pouvoir d’amendement des parlementaires est défini comme « une

proposition de modification d’un texte préexistant dont sont saisies les assemblées

parlementaires et qui est formulé par les titulaires du droit d’amendement désignés par la

Constitution ou les règlements des assemblées Parlementaires »103 . Ce pouvoir, englobe

dans les faits, de déposer des articles additionnels ou des sous-amendements au

102 P.LLAU, « Prévisions économiques et prévisions budgétaires », in L. PHILIP (dir.), L’exercice du pouvoir financier du

Parlement. Théorie, pratique et évolution, op. Cit., p. 15.

103 V. OGIER-BERNAUD, « L'évolution décisive de la jurisprudence constitutionnelle relative à l'exercice du droit

d'amendement en cours de navette parlementaire », in RFDC, 2006/3 n° 67, pp. 589-607.

Page 37: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

37

projet de loi de Finances. Il revêt une importance particulière pour les députés.

Corollaire du pouvoir d’initiation en matière législative, le pouvoir d’amendement

des parlementaires traduit leur capacité à pouvoir modifier les textes des

propositions ou projets de lois qui lui sont soumis. L’initiative parlementaire en

matière législative s’exerce sous autre forme : le droit d’amendement. Il est « la

forme principale de l’initiative parlementaire »104. Ce droit permet aux membres du

Parlement, individuellement ou dans le cadre des commissions, non pas de

proposer des lois, mais de modifier les projets émanant du Gouvernement. Cette

initiative limitée ne s’exerce que dans le cadre d’un projet de loi. Par des

dispositions juridiques, l’exercice du droit d’amendement est doublement encadré

à travers la Constitution et le règlement intérieur de l’Assemblée nationale (A) et

fini par limiter la portée de ce droit (B).

A- Des encadrements du droit d’amendement

« Inspirés du concept du droit public français de parlementarisme rationalisé, les

pouvoirs du Parlement du Bénin, en matière budgétaire, subissent une double limitation

par la technique de l’amendement gagé et par l’habilitation constitutionnelle du Président

de la République à mettre en vigueur par ordonnance les textes portant loi de Finances de

l’année »105. La Constitution béninoise encadre l’exercice du droit d’amendement à

travers ses articles 104106 et 107107 qui définissent respectivement les conditions de

104 P. AVRIL, Droit parlementaire, Paris, Montchrestien, 2004, p. 182.

105 N. MEDE, « La Nouvelle Gestion Budgétaire : l’expérience des budgets de programme au Bénin », Ibid.

106 Les propositions, projets et amendements qui ne sont pas du domaine de la loi sont irrecevables. L'irrecevabilité est

prononcée par le Président de l'Assemblée nationale après délibération du Bureau. S'il apparaît que la proposition ou

l'amendement sont contraires à une délégation accordée en vertu de l'Article 102 de la présente Constitution, le

Gouvernement peut opposer l'irrecevabilité. En cas de contestation sur les alinéas 1 et 3 du présent article, la Cour

constitutionnelle, saisie par le Président de l'Assemblée nationale ou le Gouvernement, statue dans un délai de huit jours.

107 Voir note n° 51.

Page 38: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

38

recevabilité des amendements. Ces dispositions sont complétées dans le règlement

intérieur de l’Assemblée nationale.

La phase d’examen des amendements suscite le plus d’intérêt aussi bien

chez les députés qui peuvent profiter de cette occasion pour imprimer leur

marque ou une nouvelle orientation économique au projet de budget en

discussion que chez les membres du Gouvernement qui, le plus souvent, usent de

leur majorité au Parlement pour rejeter certaines propositions venant des députés

de l’opposition. Le principe dans le droit budgétaire béninois, est la limitation du

droit d’amendement en matière budgétaire. Le régime juridique des irrecevabilités

financières est prévu par les textes constitutionnels eux-mêmes. Ces articles ont

incontestablement une portée politique. Ils concernent, en effet, toutes les formes

d’initiative législative lorsqu’elles mettent en cause les ressources et les charges

publiques, même s’il s’agit d’un texte de portée générale. Interprétés stricto sensu,

ils aboutissent à supprimer presque totalement l’initiative des parlementaires en

matière législative. Toutes réformes étant susceptibles d’aggraver les obligations

financières de l’Etat ou de diminuer ses ressources.

L’article 40 de la directive n° 05/1997/CM/UEMOA du 16 décembre 1997

relative aux lois de Finances dispose : « aucun article additionnel, aucun amendement

à un projet de loi de Finances ne peut être proposé par la représentation nationale, sauf s’il

tend à supprimer ou à accroître une recette. Tout article additionnel et tout amendement

doit être motivé et accompagné des développements des moyens qui le justifient ». Il

résulte de cette directive, une réglementation beaucoup plus rigoureuse du droit

d’amendement. L’article 59 de la nouvelle directive (directive n°

06/2009/CM/UEMOA portant lois de Finances au sein de l’UEMOA), dispose :

« les amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables quand

leur adoption aurait pour, conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit

la création ou l’aggravation d’une charge publique ». La marge de manœuvre est

étroite.

Page 39: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

39

Toutefois, cette directive a considérablement élargi le droit d’amendement

des parlementaires108. En effet, si en matière de dépenses, les contraintes

demeurent strictes, en matière de recettes en revanche, les amendements

parlementaires sont généralement admis lorsqu’ils ne remettent pas en cause

l’équilibre général du budget. Tout dépend des rapports des forces politiques

représentés au sein de l’hémicycle et de la volonté d’ouverture et de dialogue du

Gouvernement dans ses rapports avec les députés, en particulier ceux de

l’opposition. On se souvient encore que lors du débat budgétaire pour l’exercice

2001 au Bénin, des amendements non négligeables ont été apportés au projet de loi

de Finances. On peut citer, entre autres, la réduction du taux de la taxe sur

l’assurance-vie à 1% au lieu de 6% prévu par le projet de loi de Finances du

Gouvernement et de celui de la taxe sur l’assurance maritime de 6% au lieu de 8%

; l’alourdissement des sanctions appliquées aux infractions commises dans le

domaine de la pêche maritime, la fixation du plafond de la cotisation minimale au

titre de l’impôt sur les sociétés à 500.000 FCFA au lieu de 1.000.000 FCFA.

Tout compte fait, les amendements proposés par les parlementaires et

acceptés par le Gouvernement restent exceptionnels, compte tenu des limitations

constitutionnelles et réglementaires, qui restreignent considérablement la marge

de manœuvre des parlementaires109 ainsi que nous le montre le tableau110.

108

L’application de l’article 59 est limitée aux missions. Par conséquent, le plafond de dépense de la mission ne peut pas

être dépassé. Mais, les parlementaires ont la possibilité de modifier les programmes à leur gré. Les parlementaires ont la

possibilité de transférer des crédits d’un programme à un autre programme s’il le juge utile. Ils peuvent aussi supprimer un

programme et de répartir les crédits de ce programme dans les autres programmes. Ils peuvent aussi utiliser les crédits des

autres programmes pour créer un nouveau programme. Cette possibilité d’amender le texte du Gouvernement n’est

possible qu’à l’intérieur d’une même mission. Il est interdit de transférer les crédits du programme d’une mission pour

augmenter les crédits d’une autre mission. On ne peut pas transférer les crédits de la mission vers une autre mission. C’est

un pouvoir énorme des parlementaires. Cependant, dans la pratique, les dispositions constitutionnelles et réglementaires

qui limitent le droit d’amendement des parlementaires dans le domaine financier sont appliquées avec une certaine

souplesse au Parlement.

109 Des voix s’élèvent de plus en plus aussi bien dans les parlements que dans la doctrine africaniste pour dénoncer le débat

budgétaire sous l’empire de la directive de l’UEMOA qui reprend l’ordonnance française de 1959. L’article 40 de cette

directive interdit aux parlementaires de proposer la création ou la majoration d’une charge publique. Le Professeur Fidèle

ENGOUANG MENGUE dans, « Le nouveau Parlement gabonais », Afrique juridique et politique, Janvier-juin 2002, pp. 5-28,

estime qu’à l’exemple de la France avec la loi organique du 1er août 2001, la directive ou en tout cas une nouvelle loi

Page 40: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

40

B- Les limites du droit d’amendement

L’aspect législatif du projet de la loi de Finances n’existe plus. Le budget n’est

plus une loi, mais un instrument de l’action du Gouvernement. Son importance

« ne <vient pas de l’onction du Parlement, mais du fait qu’elle est l’expression

synthétique et opérationnelle de l’ordre financier pour une année »111. Traduit en termes

de coût financier, ce sont donc des politiques gouvernementales qui sont soumises

à l’approbation parlementaire et non plus véritablement une loi de Finances. Le

budget est une construction économique d’une telle complexité que, « déplacer un

seul chiffre et l’on va vers l’amoindrissement, déplacer un seul crédit et l’on voit la

structure s’effondrer »112. La loi de Finances est désormais comme une loi d’adhésion

où le Parlement a le choix de ratifier ou non ; il n’a pas le pouvoir d’amender. De

ce point de vue, il faut que tout rédacteur d’amendements soit averti suffisamment

tôt pour que les modifications qu’il apporte ne bouleversent pas la structure de la

loi. L’article 107 de la Constitution limite la capacité des parlementaires à formuler

des amendements recevables.

Interdiction est aussi faite aux cavaliers budgétaires113. Cette limitation s’est

imposée dès lors que les parlementaires, comme d’ailleurs le Gouvernement lui-

même, encouragés par la rapidité dans laquelle se passe l’adoption des lois de

Finances, ont pris l’habitude d’ajouter aux dispositions en discussion, des mesures

qui n’ont aucun caractère financier114. Ont été ainsi sanctionnés par le Conseil

financière doit autoriser en Afrique, une interprétation plus souple de l’article 40. « Le droit d’amendement des parlementaires,

dit-il, sera facilité par l’absence d’obligation pour eux de les assortir de recettes compensatrices ».

110 Voir l’annexe n° 3.

111 M. LASCOMBE, « Le Parlement et la loi de Finances », in Mélanges en l’honneur de Robert HERTZOG, Paris, Economica,

2011, p. 324.

112 Id., « Le Parlement et la loi de Finances «, ibid., p. 324.

113 L’interdiction des cavaliers budgétaires consiste à limiter le contenu des lois de Finances aux seules dispositions

financières, (Dictionnaire de Finances publiques)

114 En France, la pratique des cavaliers budgétaires a été interdite dès la Troisième République par une loi du 30 juillet 1913,

puis sous la Quatrième République par le texte de la Constitution et du décret du 19 juin 1956. Sous la Cinquième

Page 41: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

41

constitutionnel comme présentant le caractère de cavalier budgétaire, des

amendements traitant des modalités de répartition d’une dotation entre les

communes, des modifications de la composition de la commission de la

concurrence, de l’organisation des règles spécifiques à la gestion des crédits de la

ville de Paris par les questeurs du conseil de cette ville, ou encore, des modalités

de couverture financière d’un régime de sécurité sociale115.

Ces limitations juridiques du pouvoir financier du Parlement ont un seul et

unique but : assurer la prééminence du Gouvernement dans le processus

d’adoption des lois de Finances. Elles sont d’ailleurs considérées aujourd’hui

comme incontournables même dans les régimes les plus démocratiques du monde

occidental. La technicité de plus en plus grande des questions financières

nationales et internationales et le peu d’intérêt que suscite le débat budgétaire

chez les parlementaires est aussi un facteur de limitation. Les limitations pratiques

du pouvoir financier du Parlement résultent essentiellement du faible intérêt que

portent les députés à la discussion budgétaire, mais aussi aux considérations

politiques qui entourent la pratique parlementaire du vote du budget et finissent

par « atténuer » ce pouvoir juridiquement consacré.

République, l’article 1er de l’ordonnance organique de 1959, précisé par ses articles 31 et 42 qui définit le domaine de la loi

de Finances aboutit à interdire les cavaliers, sous le contrôle bien entendu du Conseil constitutionnel.

115D. MEUNIER et J-P. CAMBY, Cavalier budgétaire, dictionnaire encyclopédique de finances publiques, 1991, p. 264.

Page 42: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

42

CHAPITRE II : UNE CONSECRATION « ATTENUEE »

Nous vivons avec une contradiction fondamentale entre la doctrine de la

primauté du Parlement et l’infirmité naturelle des assemblées en matière de

finances publiques. L’Assemblée nationale ne détient plus l’essentiel du pouvoir

normatif en matière budgétaire. Les règles déterminant les recettes et les dépenses

sont fixées ailleurs. L’Assemblée nationale est mal armée pour examiner et

discuter des recettes et des dépenses, pour contrôler les documents budgétaires et

pour en proposer des améliorations judicieuses. Son infirmité structurelle en

matière de finances publiques le rend dépendant des informations qui lui sont

fournies par l’Exécutif.

La prééminence de l’Exécutif dans la procédure budgétaire a conduit au

dépérissement des pouvoirs proprement juridiques du Parlement dans la

détermination du régime des ressources et des dépenses de l’Etat. Les montants à

inscrire dans les budgets relèvent de moins en moins de la loi de Finances. Ce qui,

amène à constater lors des discussions de la loi de Finances que les députés n’ont

presque pas d’emprise sur les chiffres contenus dans les projets de lois de

Finances. Ce qui laisse entrevoir une atténuation des autorisations parlementaires

(section I) et réduit le rôle du Parlement en la matière au point de les rendre

utopique (section II).

SECTION I : LES AUTORISATIONS PARLEMENTAIRES COMME ELEMENTS

D’ATTENUATION DU ROLE DU PARLEMENT EN MATIERE FINANCIERE.

La loi de Finances votée est exécutoire : elle s’impose aux administrations.

Elle a une différence de portée s’agissant des charges pour lesquelles il y a

autorisation, mais non obligation de dépense ; des recettes pour lesquelles il y a

obligation de recouvrir. Il est important de souligner que les autres dispositions

Page 43: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

43

non financières contenues dans la loi de Finances (mesures fiscales, demande

d’annexes explicatives) incluses dans les « dispositions d’ordre permanent » sont

exécutoires au même titre qu’une loi ordinaire. Un bon processus budgétaire

implique des freins et des contrepoids permettant de garantir l’intégrité du budget

et sa bonne exécution. Dans cette section, on essayera de voir, si dans la pratique,

le Parlement béninois détient réellement le pouvoir d’autorisation des recettes et

des dépenses de l’Etat malgré les multiples moyens laissés à l’Exécutif de modifier

par voie règlementaire et par la pratique le montant des recettes et des dépenses.

L’autorisation budgétaire donnée par le Parlement s’approche désormais de

l’approbation d’une déclaration de politique générale116 ; ce qui du reste justifie le

traitement particulier que cette loi reçoit dans la procédure législative. La faible

portée des autorisations des recettes et des dépenses (paragraphe 1) et l’efficacité

peu remarquable des contrôles institués (paragraphe 2) confirment, en partie, la

thèse de l’abaissement des pouvoirs financiers du Parlement.

Paragraphe 1 : Des recettes et des dépenses de l’Etat

La prise de décision définitive dans le processus d’élaboration du projet de loi

de Finances appartient traditionnellement au Parlement. Cette prise de décision

appelée ‘’autorisation’’ porte sur les dépenses et les recettes de l’Etat et constitue le

‘’feu vert‘’ donné au Gouvernement pour exécuter les dispositions financières

votées (pouvoir donné au Gouvernement de percevoir les recettes publiques et

d’effectuer les dépenses publiques). L’article 99 de la Constitution béninoise du 11

décembre 1990 dispose : « les lois de Finances déterminent les recettes et les dépenses de

l’Etat ». Les recettes et les dépenses de l’Etat font partie intégrante de la première

partie de la loi de Finances qui autorise la perception des ressources publiques et

116 Voir A. QUINT, L’autorisation de dépenses de l’Etat, une procédure du contrôle parlementaire, thèse Lille2, soutenue en octobre

2005. p. 127.

Page 44: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

44

comporte les voies et moyens qui assurent l’équilibre financier puis fixe les

plafonds des grandes catégories de dépenses en tenant compte d’un équilibre

financier117. Ces autorisations induisent-elles une obligation pour l’Exécutif tant au

niveau des recettes de l’Etat (A) qu’au niveau de ses dépenses (B) ?

A- Des recettes de l’Etat

Le budget de l’Etat béninois est essentiellement fiscal. Ses ressources

proviennent pour la grande partie des recettes fiscales et parafiscales. La

détermination des ressources de l’Etat fait l’objet du titre II de la loi organique n°

86-021 du 26 septembre 1986 relative aux lois de Finances. Elles comprennent

conformément à son article 3, les impôts et taxes, le produit des amendes, les

rémunérations des services rendus, les redevances, les fonds de concours, les dons

et legs, les revenus de domaines et des participations financières, la part de l’Etat

dans les bénéfices des entreprises nationales et aux cas prévus par leurs statuts, les

établissements publics et les produits divers, les remboursements des prêts et

avances, toutes autres ressources spéciales118, accidentelles ou exceptionnelles.

Les recettes de l’Etat font l’objet d’une autorisation donnée par le Parlement

au Gouvernement d’appliquer un régime fiscal tel qu’il est prévu par une loi de

Finances. Si dans la Constitution du 11 décembre 1990, l’article 98 dispose : « sont

du domaine de la loi, les règles concernant : l’assiette, le taux et les modalités de

recouvrement des impositions de toute nature ; le régime de la monnaie<. », il n’en est

pas de même dans la réalité. On ne peut pas donner l’impression de croire que la

législation fiscale émane effectivement du Parlement alors que les textes sont

rédigés par les services administratifs en charge des finances de l’Etat.

L’autorisation des recettes se donne chaque année. Par cette autorisation, le

117 Article 38 de la loi organique n° 86-021 du 26 septembre 1986 relative aux lois de Finances, article 45 de la directive n°

06/2009/CM/UEMOA portant loi de Finances au sein de L’UEMOA.

118 L’article 4 de la même loi définit les ressources spéciales de l’Etat. Elles sont : les prêts et dons des gouvernements

étrangers ; les prêts et dons des organisations internationales qui participent à l’aide au développement.

Page 45: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

45

Parlement se prononce sur le système fiscal à faire prévaloir en votant la loi de

Finances, donnant ainsi au Gouvernement le droit de percevoir les impôts

correspondant au barème fiscal prévu dans la loi de Finances. Les recettes

autorisées n’ont qu’un caractère estimatif et varient selon la conjoncture

économique. Concrètement, ce que vote le Parlement, c’est l’autorisation

d’appliquer le barème fiscal, tout prélèvement et toute exonération autres que

ceux prévus par la loi de Finances, sont formellement interdits.

Les prévisions de recettes budgétaires sont faites à l’aide du Modèle de

Simulation et d’Analyse des Réformes Economiques (MOSARE). Le MOSARE est

un modèle de type keynésien. Il est destiné au cadrage macroéconomique de la loi

de Finances. C'est un instrument au service des techniciens de l'Administration

qui leur permet de mieux éclairer les choix des décideurs. La fonction essentielle

de cet outil statistique est de réaliser des projections à court terme (de un à trois

ans) de l’économie béninoise de manière à établir un programme soutenable de

dépenses et de recettes. Pour réaliser les projections, le modèle utilise plusieurs

types d’hypothèses dont notamment : les hypothèses de la conjoncture

internationale (le cours du pétrole, du coton, du dollar, etc.), les hypothèses de la

conjoncture sous-régionale (taux de croissance du Nigeria et des pays de la zone

UEMOA), les hypothèses de la conjoncture nationale et de politique économique

(production cotonnière, taux d’imposition apparents, etc.).

Le calcul des recettes de l’Etat s’effectue en appliquant un taux d’imposition

apparent sur l’assiette correspondante. Les assiettes réelles ne sont pas

disponibles dans un modèle aussi agrégé que le MOSARE. On utilise donc des

assiettes de substitution, c’est-à-dire des variables dont les variations sont

supposées proches de celles de l’assiette réelle. Les assiettes de substitution sont

projetées par le modèle sur la base des hypothèses émises. Toutefois, il faut

souligner que les projections du MOSARE ne tiennent pas compte des recettes

additionnelles dues aux nouvelles mesures. Ces recettes viennent donc en

Page 46: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

46

complément de ce qui est projeté par le modèle. Les évaluations de recettes font

l’objet d’un vote d’ensemble pour le budget général. « Les autorisations peuvent

toutefois subir des modifications par voie règlementaire par décret d’application. Le taux

des taxes parafiscales à caractère économique est fixé par voie règlementaire par décret pris

sur le rapport du ministre chargé des finances et du ministre intéressé »119. Il en est de

même pour les recettes issues de la rémunération des services rendus par l’Etat

qui ne peuvent être établies et perçues que si elle est instituée par décret pris sur

le rapport du ministre chargé des finances et du ministre intéressé120. Par ailleurs,

la disposition qui, dans chaque loi de Finances autorise le Gouvernement à

procéder à l’émission d’emprunts n’implique pas une obligation, mais une simple

habilitation du Gouvernement à lancer, s’il l’estime nécessaire, un emprunt au

moment qu’il juge opportun et selon un montant qui n’est pas indiqué dans la loi

de Finances.

Compte tenu de la sensibilité de l’Etat aux variations des conjonctures

économiques et financières, la précision dans la prévision dans le domaine de

l’assiette économique des impôts de l’Etat devient difficile. L’autorisation

parlementaire des recettes publiques reste simplement évaluative121 ; juste des

estimations. Les autorisations de dépenses quant à elles ont aussi une portée

limitée.

119 Article 5 de la loi organique n° 86-021 du 26 septembre 1986 relative aux lois de Finances, article 6 de la directive n°

05/97/CM/UEMOA du 16 décembre 1997 relative aux lois de Finances.

120 Article 6 de la loi organique n° 86-021 du 26 septembre 1986 relative aux lois de Finances, article 7 de la directive n°

05/97/CM/UEMOA du 16 décembre 1997 relative aux lois de Finances.

121 C. BIGAUT, Finances publiques droit budgétaire, le budget de l’Etat, ellipses, 1995, p. 149.

Page 47: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

47

B- Des dépenses publiques

Les dispositions contenues dans la Constitution financière du Bénin et qui

restreignent le pouvoir d’amendement du Parlement ne constituent pas l’obstacle

majeur à son intervention plus active dans le chiffrage des dépenses. Ils tiennent à

la nature même de l’opération. Les crédits sont une évaluation des besoins des

administrations, assimilables, dans une forte proportion, à des dépenses

obligatoires122. Incapables de mesurer exactement les besoins, les élus ont les plus

grandes difficultés à trouver des économies que l’on pourrait faire. C’est avec les

yeux presque fermés que les élus autorisent les dépenses publiques.

L’autorisation de dépenses n’est pas une obligation de dépenses, mais

plutôt une permission. « Autoriser ne veut pas dire obliger : les ministres peuvent ne pas

épuiser la totalité des crédits qui leur sont alloués »123. Il ne fait aucun doute que la

complexité du Budget des dépenses incite les parlementaires et même les

ministres à éviter d’en faire une analyse en profondeur régulière124. La

nomenclature budgétaire en vigueur prescrit que les dépenses soient classées par

destination (ministère ou institution) et par nature (dépenses de personnel,

dépenses de fonctionnement, dépenses en capital <). Elles sont regroupées en

sept (7) titres et les titres sont ventilés en sections125, chapitres126 et articles127. Les

dépenses de l’Etat sont ses charges telles que définies par l’article 10 de la loi

organique n° 86-021 du 26 septembre 1986 relative aux lois de Finances. Les

122 R. HERTZOG, « L’avenir du pouvoir financier du Parlement : miroir des ombres ou garant de l’équilibre du

‘gouvernement général’ », ibid., p. 130.

123 A. MAURIN, Droit public, Sirey, 1995, p. 171.

124 A. DAVID, « Le Parlement et l’examen des dépenses publiques : acteurs et gendarmes », Revue parlementaire canadienne,

printemps 2005, p. 20.

125 La section identifie le ministère ou l’institution destinataire ou gestionnaire de la dépense.

126 Le chapitre identifie le service destinataire pour les dépenses ordinaires et le programme en ce qui concerne les dépenses

en capital.

127 L’article et le paragraphe identifient la nature de la dépense.

Page 48: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

48

charges permanentes de l’Etat comprennent : la dette publique128 ; les dépenses

ordinaires ; les dépenses en capital ; les prêts et avances. En matière de dépenses,

les contraintes résultent du principe de la spécialité et du caractère limitatif des

crédits inscrits à un chapitre129. Une dépense doit être engagée et ordonnancée

seulement dans la limite des crédits autorisés par la loi de Finances de l’année. Les

crédits évaluatifs130 qui servent à acquitter des dettes de l’Etat de nature

particulière comme les frais de justice, les comptes d’avance aux collectivités

locales s’imputent, au besoin, au-delà du chiffre indiqué dans le chapitre

(l’ autorisation porte sur la nature de la dépense et non sur son montant) tout

comme les crédits prévisionnels131 dont le montant des dépenses ne peut être

exactement chiffré (secours d’urgence en faveur des victimes de calamités

publiques) en sont des exceptions132.

L’autorisation des dépenses est spéciale, limitative, temporaire et n’entraîne

pas l’obligation de dépenser. Elle est spéciale parce qu’elle est donnée au cours

d’une dépense déterminée ou au niveau du chapitre qui constitue l’unité de base.

Cette règle de spécialisation est introduite de sorte à ce que les crédits ouverts ne

soient pas globalisés, mais répartis par division ou subdivision dans le budget. Les

crédits affectés à un chapitre ne peuvent pas être affectés à d’autres chapitres, sauf

autorisation préalable du Parlement. L’autorisation est temporaire, car les crédits

128 La dette publique est constituée par la charge des emprunts éventuellement contractés au titre des dépenses ordinaires

ou des dépenses en capital, ainsi que la dette viagère et les dépenses en atténuation de recettes.

129 C. BIGAUT, Finances publiques droit budgétaire, le budget de l’Etat, op. Cit., p. 149.

130 Les crédits évaluatifs servent à acquitter les dettes de l’Etat résultant de dispositions législatives spéciales ou de

conventions permanentes approuvées par la loi. Ils s’appliquent à la dette publique, à la dette viagère, aux frais de justice et

aux restitutions ainsi qu’aux dépenses imputables sur les chapitres dont l’énumération figure à un état spécial annexé à la

loi de Finances. Les dépenses auxquelles s’appliquent les crédits évaluatifs s’imputent, au besoin, au-delà de la dotation

inscrite aux chapitres qui les concernent.

131 Les crédits sont dits provisionnels lorsqu’ils s’appliquent aux dépenses dont le montant ne peut correspondre exactement

à la dotation inscrite dans la loi de Finances parce que les dépenses afférentes à ces crédits sont engagées en vertu d’une loi

ou d’un décret<

132 A. MAURIN, Droit public, op. Cit., p. 171.

Page 49: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

49

accordés doivent être consommés pendant la période durant laquelle ils ont été

votés. L’autorisation est limitative, le Gouvernement n’a pas le droit de modifier la

dépense des crédits qui lui sont alloués, sauf autorisation préalable du Parlement

excepté dans le cadre d’une loi de Finances rectificative. L’autorisation n’entraîne

pas l’obligation de dépenser ; si, le Gouvernement peut faire des économies, il est

libre de supprimer les dépenses devenues inutiles. Certains crédits peuvent être

annulés au cours de l’année par un arrêté du ministre des finances après accord du

ministre concerné133.

En vertu même du droit budgétaire, le Gouvernement échappe pour une large

part à l’obligation de se conformer aux dispositions votées. Il bénéficie de

nombreux procédés pour modifier par voie règlementaire les autorisations

figurant dans les lois de Finances ( transferts, virements, reports, décrets

d’avances, etc ), sans compter le caractère de simples prévisions des chiffres de

recettes ainsi que d’importants volumes de dépenses figurant dans les chapitres à

crédits évaluatifs134.

Le pouvoir du Parlement d’autorisation des recettes et des dépenses de l’Etat

lui donne deux occasions principales de demander des comptes au Gouvernement

concernant ses orientations et ses performances budgétaires. Tout d’abord, par le

contrôle préalable qui consiste à examiner les projets de dépenses et de recettes

soumis par le Gouvernement lors de l’étape législative du processus budgétaire et

l’examen a posteriori qui porte sur l’exécution du budget à la lumière des

conclusions de la vérification. Là, le but est de déterminer si le budget tel

qu’approuvé par le Parlement a été bien exécuté et si le contribuable « en a eu pour

133 ZBADI, Cours d’Economie des Finances Publiques, Université HASSAN II 2006, p. 13.

134 R. HERTZOG, « L’avenir du pouvoir financier du Parlement : miroir des ombres ou garant de l’équilibre du

‘gouvernement général’ », ibid., p. 133.

Page 50: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

50

son argent »135 . Le vote par le Parlement de la loi de Finances lui donne le droit de

contrôler l’usage que l’Exécutif fait de son autorisation.

Paragraphe 2 : Des contrôles institués

C’est un véritable truisme que de dire du terme « contrôle » qu’il est

protéiforme. Comme l’indiquait Didier MIGAUD, « ce terme de contrôle est ambigu,

car il recoupe, en réalité, deux fonctions distinctes, comme l’a souligné, devant le groupe de

travail, M. Loïc PHILIP, Professeur de droit public. Il renvoie, d’une part, à un exercice de

suivi des crédits budgétaires, afin de contrôler la régularité et l’effectivité de la dépense

publique. Il ouvre la voie, d’autre part, à un exercice d’évaluation de la dépense publique,

afin de déterminer si celle-ci a atteint les objectifs qui lui étaient assignés et, dans

l’affirmative, s’il est possible d’obtenir des résultats identiques à un moindre coût *...+

L’évaluation se différencie des diverses formes existantes de contrôle et de l’audit

organisationnel, par le type de point de vue adopté pour apprécier l’action publique. Le

contrôle et l’audit se réfèrent à des normes internes au système analysé (règles comptables,

juridiques ou normes fonctionnelles), tandis que l’évaluation essaye d’appréhender d’un

point de vue principalement externe les effets et/ou la valeur de l’action considérée »136.

Le contrôle est pour le Parlement au cœur même de son existence, de sa légitimité

et de sa vocation de représentation des citoyens. Il est, sous cet angle, l’instrument

démocratique d’un contre-pouvoir d’autant plus indispensable dans le domaine

financier que l’intervention législative du Parlement consiste principalement à

déléguer des moyens à un Gouvernement et, de fait, à des administrations, qui

135 J. WEHNER, W. BYANYIMA, Parlement, budget et genre, Guide pratique à l’usage des parlementaires, n° 6, SADAG S.A,

France, 2004, p. 46.

136 Rapport du Groupe de travail sur l’efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, Président, M. Laurent

FABIUS, rapporteur, M. Didier MIGAUD, Contrôler réellement, pour dépenser mieux et prélever moins, janvier 1999.

Page 51: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

51

disposent de très larges marges de manœuvre dans leur utilisation137. Comme le

note le Professeur R. HERTZOG, « le Parlement pourrait donc sauver son pouvoir en

matière financière par sa fonction de contrôle, qui est sans doute la moins contestable de ses

missions et celle dont on s’accorde à considérer qu’elle a la plus grande vocation à être

développée et améliorée »138.

Le droit financier du Bénin dispose, à cet effet, de plusieurs mécanismes

afin de permettre à son Parlement d’assumer sa fonction de contrôle. Les contrôles

peuvent être appliqués a priori, en cours d’exécution (A) comme a postériori (B). Ce

qui manque à l’Assemblée nationale, ce ne sont pas les pouvoirs, mais les députés

pour les exercer‛139.

A- Les contrôles en cours d’exécution.

« La fourniture d’une masse de documents à l’appui du projet de loi de Finances n’est

pas, par elle-même, garante de l’exercice d’un contrôle, car l’essentiel n’est pas ce qui se dit

ou s’écrit, mais ce que l’on fait des observations »140. Doctrine et praticiens sont à

l’unisson convaincus que le véritable pouvoir du Parlement n’est pas de décider,

mais plutôt de contrôler141. La notion de contrôle est au cœur même du

fonctionnement de l’État : la multiplication des structures d’évaluation

indépendantes, parallèlement aux structures traditionnelles de contrôle, atteste de

la nécessité d’une expertise extérieure et critique. Aussi, de manière à ne pas être

137 M. LASCOMBE et X. VANDENDRIESSCHE, « La loi organique relative aux lois de Finances (LOLF) et le contrôle des

finances publiques », in RFAP, 2006/1 n° 117, pp. 131-148.

138 R. HERTZOG, « Les pouvoirs financiers du Parlement », in RDP., n° 1-2, numéro spécial : La Vie République, 2002, p. 311.

139 P. AVRIL, « L’introuvable contrôle parlementaire », in Jus Politicum - Autour de la notion de Constitution - n° 3 – 2009,

p.1.

140 R. HERTZOG, « Les pouvoirs financiers du Parlement », ibid., p. 311.

141 Id., « L’avenir du pouvoir financier du Parlement : miroir des ombres ou garant de l’équilibre du ‘gouvernement général’

», ibid., p. 130.

Page 52: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

52

tributaire de l’information dispensée par le Gouvernement, les Assemblées

parlementaires ont acquis le droit de mener des enquêtes142. Pour avoir de

véritables informations pouvant leur permettre un contrôle, les parlementaires

disposent de manière légale de toute une variété de moyens pouvant leur

permettre d’obtenir les informations qui leur sont nécessaires en dehors de

l’examen des lois de Finances initiales et rectificatives. L’exercice du contrôle sur

les finances publiques s’exprime, d’abord, par l’information des parlementaires.

Le contrôle par l’information des parlementaires garanti un meilleur contrôle du

Parlement et à l’essor des pouvoirs reconnus aux commissions des finances. « Le

contrôle parlementaire sur les finances publiques est une ardente obligation sans laquelle

les fonctions du Parlement ne sauraient être réellement exercées »143.

Les commissions d’enquête et de contrôle parlementaire bien qu’étant le reflet

de la rationalisation du Parlement144– dont l’appellation a été unifiée sous le seul

vocable de commission d’enquête par la loi n° 91-698 du 20 juillet 1991145,

répondent au souci d’effectivité du contrôle qu’exerce le peuple, par ses

représentants, sur le Gouvernement, son administration et l’ensemble des

questions intéressant la Nation. Elles diffèrent également des missions

d’informations qui émanent des commissions permanentes et sont dépourvues des

142 E VALLET, « Les commissions d'enquête parlementaires sous la Cinquième République », in RFDC, 2003/2 n° 54, pp.

249-278. L’assise des premières commissions d’enquêtes était purement coutumière : c’est sur ce fondement qu’est mise sur

pied la première commission d’enquête parlementaire sur le régime des sucres en 1828, de même que pour la commission

créée en 1832 sur l’affaire du déficit Kesner. La loi du 23 mars 1914 relative aux témoignages reçus par les commissions

d’enquête parlementaires vient remédier à cet état de fait sans parvenir à définir un cadre précis.

143 A. LAMBERT, Rapport d’information n° 37 (2000-2001), fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 19

octobre 2000.

144 E. VALLET, « Les commissions d'enquête parlementaires sous la Cinquième République », op.cit, pp. 249-278.

145 JORF, 23 juillet 1991, p. 9727. Une appellation unifiée permet d’éviter de longs – et stériles – débats sur la qualification

(enquête ou contrôle) à employer, comme par exemple dans le cas de la discussion de la proposition de résolution tendant à

créer une commission de contrôle de l’ensemble des services publics qui ont eu ou qui ont à connaître des événement s

intervenus en Nouvelle-Calédonie. Voir sur ce point P. AVRIL et J. GICQUEL, « Chronique Constitutionnelle », Pouvoirs, n°

32, 1985, p. 55.

Page 53: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

53

moyens coercitifs des commissions d’enquête146. Elles sont en cela le fer de lance

de la fonction de contrôle du Parlement.

A l’occasion de la discussion de la loi de Finances initiale et de la loi de

Finances rectificative, les parlementaires multiplient la recherche des sources

d’informations afin de porter en toute connaissance de cause un jugement sur le

projet de loi de Finances. En dehors des documents de présentation des budgets

sectoriels des institutions, les parlementaires ont à cette occasion, la possibilité de

commettre des experts en la matière afin d’obtenir des informations savantes sur

le budget de chaque institution de la République.

Le Parlement dispose, en outre, de quatre grands moyens d’information que

sont : la situation des dépenses engagées, la gestion des autorisations budgétaires,

les travaux des commissions ad’ hoc et l’assistance de la Cour des comptes. Le

contrôle politique des finances publiques s’exerce en cours d’exécution par le biais

des commissions parlementaires et notamment par les commissions de finances147

à travers les rapporteurs spéciaux et le rapporteur général. Elles disposent pour

cela de moyens d’information comme : demander la réalisation d’enquêtes par la

Chambre des comptes ; les rapports des contrôleurs financiers.

Quoiqu’insuffisantes à divers points de vue, les informations souvent incomplètes

des commissions et leur contrôle souvent limité sur les opérations de recettes et de

trésorerie concernant surtout l’exécution du budget de l’Etat reste malgré tout un

instrument important pour le Parlement148. S’il est, certes affaibli par le fait

majoritaire, il existe néanmoins. Même si le contrôle a posteriori est aussi affaibli, il

ne reste pas inopérant.

B- des contrôles a postériori

146 Les auditions ne se font pas sous serment et les rapporteurs n’ont pas la possibilité de contraindre leurs interlocuteurs à

leur remettre les pièces nécessaires au contrôle. Voir J.-C. VIDELIN, La mission d’information parlementaire, n° 40, 1999, pp.

699-723.

147 B. PLAGNET, Droit public droit financier, droit fiscal, Paris, Dalloz-Sirey, 1992, p. 143.

148 Id., Droit public droit financier, droit fiscal, op. Cit, p. 143.

Page 54: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

54

L’alternative consiste à clairement admettre que le Parlement dispose

essentiellement d’une fonction de contrôle, qui ne peut, pour l’essentiel, être

valablement mise en œuvre qu’a posteriori149. En matière budgétaire, « le besoin de

disposer d’un bras séculier pour récolter, analyser et *<+ communiquer l’information

nécessaire »150 fait que, le Parlement s’appuie principalement sur la Chambre des

Comptes de la Cour suprême bien que le profil des magistrats de cette Chambre

souffre parfois de certaines carences comme le souligne le Professeur MEDE151 .

Les parlementaires se désintéressent de plus en plus du contrôle a postériori

pour des raisons de l’augmentation croissante des prérogatives de l’Exécutif en

matière budgétaire et de la complexité croissante des questions budgétaires.

L’autre raison qui semble justifier le manque d’intérêt des Parlementaires est

relative au délai souvent long, voire, parfois trop long qui s’écoule entre la fin

d’une gestion budgétaire et le vote de la loi de règlement152. Le contrôle a postériori

se révèle inefficace parce qu’il conduit le plus souvent à discuter du règlement

d’un budget voté souvent par un Gouvernement autre que celui qui le règle par la

suite153. Bien que la directive n° 05/97/CM/UEMOA relative aux lois de Finances

dispose en son article 44 que « < Les projets de lois de Finances initiales à venir ne

pourraient être soumis au Parlement tant que le projet de loi de règlement en cause n’aura

149 X. VANDENDRIESSCHE, « Le Parlement entre déclin et modernité », in Pouvoirs, n° 99, 2001/4, pp. 59-70.

150 C. BAZY-MALAURIE, « Les rapports de la Cour des comptes au Parlement : synthèse », in RFFP, n° 99, septembre 2007,

p. 55.

151 « Le profil du magistrat financier n’est pas le même que celui du juge administratif ou du juge judiciaire. Le premier valorise le savoir

et le savoir-faire en finances publiques, en comptabilité et en gestion ; ce qui, dans les offres de formation des magistrats de l’ordre

judiciaire ou administratif, au mieux des matières résiduelles, au pire, des matières inexistantes ». Voir le Professeur Nicaise MEDE

dans les actes du Colloque International sur le thème : le contrôle des finances publiques dans les pays de l’UEMOA : quelle

contribution pour la juridiction financière ?, « rapport introductif : la juridiction financière d’hier à demain et <après demain », in

R.B.S.J.A. n° 24, 2011, p. 12.

152 R. ADJAHO, La faillite du contrôle des finances publiques au Bénin (1960-1990), Ed, Flamboyant, 1991, p. 166.

153 L. SAÏDJ, « La loi de règlement et le développement du contrôle parlementaire de la restauration à nos jours », in RFFP,

n° 51, 1995.

Page 55: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

55

pas été déposé », ce n’est qu’en 2009 que l’Assemblée nationale a voté les lois de

règlement des exercices budgétaires 2001, 2002 et 2003.

Au demeurant, les parlementaires ont peu le goût de contrôler l’exécution

régulière du budget, ainsi que le montre leur intérêt assez tiède et variable pour

les lois de règlement154. Les moyens propres au Parlement (questions écrites ou

orales, avec ou sans débat, commissions d’enquêtes) adaptés à l’examen d’affaires

ponctuelles, malgré leur quelque peu de succès ne permettent pas de conduire une

analyse approfondie de la politique budgétaire suivie par l’Etat. Si le contrôle est

juridiquement possible, force est de reconnaître qu’il est resté longtemps inadapté

et en réalité peu efficace155.

Le Parlement n’a pas un réel pouvoir de sanction dans le système financier

du Bénin. Sur la base de fondement juridique, la loi de règlement vise six finalités

fondamentales à savoir : le contrôle de l’exécution de la loi de Finances ; la

constatation et l’arrêté du montant définitif des réalisations de recettes et de

dépenses se rapportant à sa gestion ; la constatation et la ratification des

ouvertures complémentaires de crédits par décrets d’avances ; l’approbation des

dépassements de crédits ; la constatation des disponibilités de crédits et

l’autorisation des annulations ou reports de crédits et l’autorisation du transfert

du résultat de l’année financière au compte permanent des découverts du Trésor.

A travers ces finalités, elle répond à trois catégories de préoccupations que sont le

contrôle de l’action gouvernementale, la constatation de l’arrêté comptable des

montants des réalisations des recettes et des dépenses et la ratification des

ouvertures complémentaires de crédits par décrets d’avances156.

154 Selon Robert HERTZOG, malgré les moyens d’information presque illimités dont disposent notamment les commissions

des finances, on constate « un intérêt réduit des parlementaires pour le contrôle en cours d’exécution ».

155 J. MEKHANTAR, Finances publiques de l’Etat. LA LOLF ET LE NOUVEAU DROIT BUDGETAIRE DE LA FRANCE, op.

Cit., p. 182.

156 UNACEB, Guide de procédures, de lecture et d’analyse des projets de lois de Finances, document de travail à l’usage des

députés, novembre 2008, p. 26.

Page 56: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

56

Le Parlement n’étant guère outillé pour faire lui-même des investigations, se

fie aux rapports de la Chambre des Comptes de la Cour suprême qui l’assiste

dans le domaine de la loi de règlement conformément à l’article 112 de la

Constitution de 1990 qui dispose : « l’Assemblée nationale règle les comptes de la

nation selon les modalités prévues par la loi organique des finances. Elle est, à cet effet,

assistée de la Chambre des Comptes de la Cour suprême, qu’elle charge de toutes enquêtes

et études se rapportant à l’exécution des recettes et des dépenses publiques, ou à la gestion

de la trésorerie nationale, des collectivités territoriales, des administrations ou institutions

relevant de l’Etat ou soumises à son contrôle ». C’est généralement dans un hémicycle

à moitié vide et sans grand enthousiasme que les députés votent, voire

« expédient » la loi de règlement au point de rendre « utopique » la portée des

autorisations parlementaires.

SECTION II : L’UTOPIE DES AUTORISATIONS PARLEMENTAIRES

Le vote du budget est le substrat des autorisations parlementaires. Les

phases préparatoires du vote relèvent plus d’un formalisme juridique que d’autre

chose. Le caractère marchand des autorisations parlementaires accordées au

Gouvernement tend à résumer les débats budgétaires en un théâtre des

parlementaires (paragraphe 1) mise en scène par un Exécutif omnipotent dans la

procédure d’adoption des lois de Finances (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le théâtre des Parlementaires et les débats budgétaires

« La marchandisation et la monétarisation »157 du débat budgétaire tendent à le

vider de sa substance dans la pratique parlementaire béninoise. La discussion et

l’adoption du budget sont de bons révélateurs des rapports de forces entre la

157 J. F. AÏVO, « Parlement béninois sous le renouveau démocratique : Réussites et échecs », in 50 ans de vie parlementaire au

Bénin, CAPAN, Assemblée nationale, Juin 2011, p. 159.

Page 57: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

57

majorité et l’opposition et également entre le Gouvernement et sa majorité. Elle se

manifeste lors de la discussion en commission du projet de loi de Finances (A) et

de sa discussion en assemblée plénière (B).

A- La discussion en commission du projet de loi de Finances

Au Bénin, l’usage établi depuis la première législature est que le projet de

loi de Finances et les Programmes d’Investissements Publics (PIP) soient affectés à

la commission des finances et des échanges quant au fond et à la commission du

plan, de l’équipement et de la production pour avis. Les deux commissions

examinent ensemble le projet de loi de Finances et font un rapport conjoint

qu’elles soutiennent en séance plénière. Chargée d’examiner en premier le projet

de loi de Finances, mais aussi d’en contrôler l’application, la commission des

finances désigne en son sein un rapporteur général assisté de plusieurs

rapporteurs spéciaux, choisis dans la majorité comme dans l’opposition

conformément aux dispositions de l’Article 31158 du règlement intérieur de

l’Assemblée nationale. Leurs pouvoirs sont importants. Ces rapporteurs peuvent

mener des investigations sur pièces et sur place, dans les ministères et obtenir des

informations sur la situation économique et financière de l’Etat. Ils peuvent

interroger directement le ministre chargé du budget et faire appel à des

organismes publics de prévision et solliciter l’assistance de la Chambre des

Comptes si nécessaire. Au cours des discussions en commission, le ministre des

finances et les autres ministres sont entendus.

158 Chaque groupe parlementaire présente au Bureau la liste de ses candidats aux différentes commissions en veillant à ce

qu'elle soit proportionnelle à la représentativité du groupe au sein de l'Assemblée. Les députés non inscrits présentent au

Bureau, leur candidature à la commission de leur choix. Le Bureau établit la liste définitive après consultation des

Présidents de groupe. La liste ainsi établie est soumise à la ratification de l'Assemblée. La liste des membres des

commissions est publiée au Journal Officiel.

L'inscription dans les commissions permanentes est obligatoire pour tous les députés sous réserve des dispositions de

l'alinéa5.

Page 58: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

58

L’examen du projet de loi de Finances se déroule en deux phases à savoir :

l’audition des ministres et des Présidents des institutions ayant un budget

autonome lors de la présentation de leur budget sectoriel et la rédaction d’un

rapport permettant au rapporteur spécial de présenter en plénière les observations

et recommandations faites par les membres de sa commission. Les amendements

sont déposés à la commission de finances pour examen. La discussion en

commission n’est pas publique. La commission des finances et des échanges, ainsi

que les rapporteurs spéciaux qu’elle désigne pour chaque département ministériel

ou institution, sont les organes privilégiés de la conduite des enquêtes et du

contrôle de l’exécution du budget.

Conformément à l’article 119.1 du règlement intérieur, les documents et les

renseignements destinés à permettre l’exercice du contrôle du budget général de

l’État et des budgets autonomes ou la vérification des comptes des entreprises

publiques et des sociétés d’économie mixte sont communiqués par les autorités

compétentes au Président de l’Assemblée nationale, à l’attention du Président de

la commission des finances et du rapporteur spécial désigné. En son alinéa 3, les

travaux des rapporteurs sont utilisés dans le cadre des rapports des commissions

sur la loi de Finances. Les commissions ont un pouvoir élargi sur « toute question

relative aux finances publiques » ; à cet effet, elle est informée au préalable des

décrets d’avance ou d’annulation de crédits, des virements et transferts de crédits

pris par le Gouvernement. Aujourd’hui, la préparation du budget de l’Etat fait

intervenir des éléments de calcul économique qui rendent la tâche du

parlementaire délicate. Car un contrôle efficace suppose une maîtrise des données

économiques utilisées par le Gouvernement. Ce handicap des parlementaires est

perceptible lors des débats économiques. Ces services fournissent au Parlement les

Page 59: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

59

renseignements dont il a besoin sur la gestion administrative, comme le souligne

Pierre LALUMIERE ‘’le contrôlé renseigne le contrôleur‚159.

Malgré cela, les discussions en commission du projet de loi de Finances

exercice 2010 ont fait l’objet de 106 questions posées aux membres du

Gouvernement selon le rapport général de la commission. Au Bénin, tout finit par

se monnayer en argent ou en promesse politique et la discussion en commission

prend fin par l’approbation du budget sectoriel du ministère ou de l’institution.

La discussion en commission s’achève avec l’adoption des rapports spéciaux

établis sur la base des documents déposés par le Gouvernement et par les

institutions. Ils font le compte rendu des débats qui ont eu lieu en commission. La

discussion se poursuit en plénière sur la base des rapports spéciaux et du rapport

général du rapporteur de la commission des finances et des échanges.

B- La discussion en plénière du projet de la loi de Finances

Dès que la commission des finances a achevé son travail d’examen du

projet de loi de Finances, son rapport, est soumis à la discussion de l’Assemblée

nationale. Le rapporteur général de la commission des finances élabore un rapport

qui, comme les rapports spéciaux, est d’abord discuté puis adopté en commission,

puis imprimé et remis au Président de l’Assemblée nationale aux fins de

multiplication et de distribution aux députés pour les discussions en séance

plénière. Le rapport de la commission comporte en général cinq points : le premier

point restitue le projet de loi de Finances dans son contexte économique, national,

régional et international ; le deuxième point retrace les grandes orientations en

matière de politique de développement et les objectifs généraux du budget ; quant

au troisième point, il examine les contraintes d’ordre économique et institutionnel

159 Sur ce point on peut convenir avec André PAYSANT que : « l’adoption du budget n’est plus un moyen pour le Parlement de

contraindre le Gouvernement à mériter sa confiance, mais de plus en plus un moyen pour le Gouvernement de contraindre le Parlement

à lui accorder sa confiance’’, Finances publiques, Armand COLIN, 5e édition, 1999, p. 169.

Page 60: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

60

qui ont sous-tendu l’élaboration du budget et enfin les quatrième et cinquième

points sont consacrés aux deux parties du projet de loi de Finances et au débat

général qui a eu lieu en commission entre le Gouvernement, les représentants des

institutions et les Parlementaires ayant pris part aux travaux en commission. Ce

débat a pour objet de permettre aux différentes parties en présence

(Gouvernement, Présidents et rapporteurs de commissions saisies au fond et pour

avis, groupes politiques), de faire connaître leurs positions et arguments respectifs

et d’éclairer ainsi le futur vote des parlementaires.

La séance plénière s’ouvre, en général, par le discours du ministre des

finances et par la lecture du rapport de la commission. La discussion du projet de

loi de Finances, portée devant l’Assemblée nationale, se fait sur la base du texte

amendé. La dimension technique de la loi de Finances pèse lourdement sur le

débat budgétaire. Seuls quelques députés, spécialistes des questions financières

prennent part aux débats. Beaucoup d’entre eux, lorsqu’ils sont présents, jouent

simplement un rôle de figurants et sont souvent pris dans la tourmente des

chiffres et autres difficultés qui entourent l’examen du projet de loi de Finances.

Même les députés qui prennent part aux débats, limitent souvent leur intervention

à des points de détail du projet de loi de Finances, à certaines corrections

sémantiques ou lexicales, au "pourquoi" ou au "comment" de telle ou telle ligne

budgétaire. A cet effet, Moctar TALL a écrit: « le débat ne dépasse pas souvent certains

points de rapport du ministre des finances, en faisant prévaloir parfois des intérêts

personnels ou ceux de certains groupes de pression fortunés défendant leurs privilèges

irraisonnables »160. Le débat budgétaire bien plus que le débat législatif classique,

reste le plus contesté de tous les débats parlementaires. Sa longueur, sa

concentration sur une courte période, sa monotonie, le désemparement des

députés face à ce grand document fait de tableaux chiffrés et de termes

160 M. TALL, Le Parlement dans les Etats d’Afrique noire francophone. Essai sur le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Togo,

Thèse droit public, Poitiers, 1986 p. 234.

Page 61: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

61

économiques et financiers difficilement maîtrisables, se font chaque année et d’une

façon tout aussi rituelle que son déroulement, fait l’objet de critiques répétées qui,

à défaut de renouveler l’analyse, confortent ses détracteurs.

Personne ou presque ne remet en cause le bien fondé de l’existence dans les

Constitutions africaines de l’autorisation budgétaire, première raison d’être des

Parlements. Mais, chacun s’accorde à reconnaître que la formule déjà ancienne et

célèbre d’Edgar FAURE, « liturgie, léthargie, litanie », trouve bien son terrain de

prédilection au Bénin et colle fort bien avec la réalité béninoise pour apparaître

aujourd’hui dépassée. « La discussion budgétaire, écrivait le Président Edgar

FAURE en 1975, est devenue, au fil des années, un acte de routine qui se déroule selon

une procédure désuète »161. Le jour de l’examen et du vote en séance publique, de

part son intensité, sa généralité et sa médiatisation, le débat budgétaire de l’année

attire dans l’opinion publique nationale, une attention particulière.

Les interventions du ministre des finances et celles des principaux orateurs

des groupes politiques tant de la majorité que de l’opposition représentés à

l’Assemblée nationale sont retransmises sur les chaînes de télévision. La

discussion prend l’allure d’un grand spectacle où règnent les tensions

idéologiques et des conflits d’intérêts. Majorité et opposition utilisent donc la

tribune de la discussion budgétaire pour exposer leurs choix politiques,

l’opposition critiquant la politique économique et financière du Gouvernement, la

majorité, soutenant le projet présenté par le Gouvernement. C’est ce que souligne

Gilbert ORSONI, lorsqu’il affirme : « le travail en séance plénière est plus spectaculaire

que l’obscur travail en commission, car, elle revêt en réalité, une importance formelle où

l’apparence constitue l’essentiel »162. Le débat budgétaire s’illustre bien par Jean

Pierre FOURCADE quand il déclarait en 1989 que « nous devons à la vérité de dire

161 M. BOUVIER, M-C ESCLASSAN, J-P LASSALE, Finances publiques, LGDJ, 6ème édition, 2002, p. 309.

162 G. ORSONI, Finances publiques, Paris, Ed, Publisud, 1989, p. 159.

Page 62: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

62

que la discussion budgétaire est devenue un rite annuel »163. Jean Claude MARTINEZ et

Pierre Di MALTA pour leur part, estimaient dans leur manuel commun de droit

budgétaire que « la discussion budgétaire tient plus du sacrifice à une mystique que

d’une institution ayant une réelle portée pratique »164 du fait de l’omnipotence de

l’Exécutif.

Paragraphe 2 : L’omnipotence de l’Exécutif dans la procédure d’adoption

des lois de finances

Le Gouvernement domine toutes les phases de l’élaboration de la loi de

Finances, de la phase de préparation administrative à celle de l’adoption définitive

par le Parlement. Cette prépondérance non contestée de l’Exécutif (A) trouve son

fondement dans le droit budgétaire béninois et conduit à l’évanescence des

pouvoirs financiers du Parlement (B).

A- Une prépondérance non contestée de l’Exécutif

Il ressort clairement des lois organiques qui régissent le droit budgétaire en

Afrique et la directive de l’UEMOA que seul l’Exécutif est investi de la mission de

préparer les textes budgétaires. La Cour constitutionnelle du Bénin, tirant les

enseignements de la jurisprudence du Conseil constitutionnel français a estimé,

dans une décision DCC 30-94 du 1er octobre 1994 que « les lois de finances ne

peuvent être présentées que par le Gouvernement».

Bien plus qu'un simple instrument technique de présentation des recettes et

des dépenses de l'Etat, le budget est le plus important texte d'orientation annuel

du Gouvernement. Il reflète les valeurs fondamentales sur lesquelles reposent les

grands choix politiques du Gouvernement et traduit les vues de celui-ci sur la

163M. BOUVIER, M-C ESCLASSAN, J-P LASSALE, Finances publiques, op. Cit., p. 309.

.

164 J-C. MARTINEZ et P. DI MALTA, Droit budgétaire, 3ème édition, 1999, p. 254.

Page 63: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

63

situation socio-économique de la nation. Il est une véritable déclaration des

objectifs du Gouvernement en matière budgétaire, financière et économique. Il est

donc légitime qu’il élabore ce texte. Le Gouvernement grâce à sa technostructure

et avec l’appui décisionnel du Chef de l’Etat influence toute la procédure

d’élaboration des lois de Finances depuis la phase des évaluations administratives

jusqu’au calendrier budgétaire. Le travail préliminaire à l’élaboration de la loi de

Finances, se fait par les services administratifs chargés de l’élaboration du

budget.

La Rationalisation des Choix Budgétaires (RCB) apparaît comme un des

éléments essentiels de la multitude de moyens dont dispose un Gouvernement

pour connaître plus scientifiquement les objectifs qu’il s’est fixé. Aujourd’hui plus

qu’hier, dans la logique de la nouvelle gouvernance financière et de gestion

budgétaire axée sur les résultats, MOSARE est devenu un outil indispensable

pendant la phase de l’élaboration des budgets. Les procédures d’élaboration des

projets de loi de Finances de l’année et de la loi de Finances rectificative sont

identiques165.

Dans le processus de son élaboration, le travail repose essentiellement sur la

Direction Générale du Budget (DGB) et le ministre des finances. De la lettre de

cadrage jusqu’au décret de transmission, le Parlement n’a pas son mot à dire.

Le cadre macroéconomique qui sous-tend les prévisions budgétaires ne fait

l’objet d’aucun débat avec la représentation nationale. Or, les agrégats

macroéconomiques comme le taux de croissance du Produit Intérieur Brut (PIB),

l’hypothèse sur le déficit budgétaire souhaité et soutenable, la pression fiscale à

atteindre, les projections commerciales et la balance de paiement courant, la

gestion de la dette publique pour ne citer que ceux-là ne font l’objet d’aucun

examen de la part du Parlement. Ce n’est qu’après être saisi conformément aux

165 UNACEB, Guide de procédures, de lecture et d’analyse des projets de lois de Finances, op. Cit, p. 15.

Page 64: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

64

dispositions de l’article 109 de la Constitution166 pour examiner le texte de la loi de

Finances que commence le travail parlementaire. De façon schématique, le

calendrier de préparation du projet de loi de Finances de la gestion de l’année N se

présente comme le décrit le tableau présenté à l’annexe n° 4. Tel que présenté, ce

tableau ne fait figure de l’intervention du Parlement qu’au mois d’octobre.

L’essentiel de la loi de Finances se déroule pendant la phase préparatoire du

projet. L’absence du Parlement le long de cette phase tend à affirmer la négation

de ses pouvoirs financiers du moment où le droit d’amendement et le pouvoir de

contrôle sont fortement endigués.

B- L’introuvable pouvoir financier du Parlement

« Le Parlement n’est plus le lieu où s’écrit le droit financier ni celui où se décident les

contenus des budgets. S’il ne l’a jamais été complètement, il l’a certainement été davantage

dans le passé »167. Techniquement, il n’est pas évident pour les parlementaires de

remettre en cause les choix de politique économique retenus par le Gouvernement.

Aujourd’hui, il faut bien convenir qu’avec l’interdépendance des économies, les

impératifs de développement économique, la recherche d’une stabilité

économique et financière voire politique, rendent difficile le rôle du Parlement. De

plus, il faut reconnaître que le Gouvernement a pour lui l’avantage de posséder la

technostructure (grandes administrations en charge des questions économiques et

financières) lui permettant de s’affirmer tout le long de la procédure budgétaire.

Le contenu des lois de Finances est donc l’une des raisons du déclin du rôle du

Parlement (technicité du budget). L’appui technique aux membres de la

Commission des Finances se résume à l’assistance de la Cellule d’Analyse des

166 « <.L’Assemblée nationale est saisie du projet de loi de Finances au plus tard une semaine avant l’ouverture de la session

d’octobre< »

167 R. HERTZOG, « L’avenir du pouvoir financier du Parlement : miroir des ombres ou garant de l’équilibre du

‘gouvernement général», ibid., p. 121.

Page 65: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

65

Politiques de développement de l’Assemblée nationale (CAPAN), de l’Unité

d’Analyse de Contrôle et d’Evaluation du Budget de l’Etat (UNACEB) et les

assistants de la commission permanente des finances et des échanges ne suffisent

pas pour les parlementaires à mener un débat de fond sur les questions concernant

les finances publiques. Malgré ces appuis techniques, le pouvoir de modification

des parlementaires ne change pas pour autant. Les débats techniques sur la

question budgétaire échappent, en grande partie, aux députés à cause de leur

confort intellectuel dans la matière. Ils n’ont aucune appréhension sur le budget

économique. Les agrégats macroéconomiques, la production des normes fiscales

(les assiettes et les taux d’imposition sont élaborées et fixées par l’Exécutif)

n’offrent pas souvent une grande place de manœuvre aux amendements des

députés : ils l’adoptent ou le rejettent.

La loi de Finances étant la traduction chiffrée de la politique du

Gouvernement pour une année, il peut arriver que le Chef de l’Etat le prenne par

ordonnance lorsqu’à la date du 31 décembre, le Parlement ne se prononce pas sur

celle-ci. Lorsqu’on arrive à cette mesure, le projet de loi de Finances est mis en

application tel transmis au Parlement sans prendre en compte les observations,

recommandations et amendements proposés par les députés lors de son étude.

L’usage de cette possibilité combiné avec les encadrements restrictifs des

pouvoirs financiers du Parlement semblent conforter les thèses de son

abaissement, en matière financière.

Page 66: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

66

DEUXIEME PARTIE : L’ABAISSEMENT DU ROLE DU PARLEMENT

EN MATIERE FINANCIERE.

Quelque soit le régime politique considéré, la préparation du projet de loi

de Finances relève presque toujours au pouvoir Exécutif. Les Etats africains ne

dérogent pas à cette règle. Au Bénin, plusieurs éléments justifient ce monopole de

l’Exécutif.

D’abord, la nouvelle Constitution adoptée le 11 décembre 1990 ne fait

référence qu’aux projets de loi de Finances et ne parlent jamais de propositions de

lois pour désigner son origine. Ensuite, des éléments jurisprudentiels sont venus

corroborer la mainmise du Gouvernement sur la préparation des lois de Finances.

La Cour constitutionnelle du Bénin, tirant les enseignements de la jurisprudence

du Conseil constitutionnel français, a estimé dans une décision CC 30-94 du 1er

octobre 1994 que « les lois de Finances ne peuvent être présentées que par le

Gouvernement ».

Enfin, les lois de Finances sont la traduction financière de la politique du

Gouvernement qui, par ailleurs, assume seul la responsabilité de son exécution.

Instrument technique de présentation des recettes et des dépenses de l'Etat, le

budget est le plus important texte d'orientation annuel du Gouvernement. Il

reflète les valeurs fondamentales sur lesquelles reposent les grands choix

politiques du Gouvernement et traduit les vues de celui-ci sur la situation socio-

économique de la Nation. Il est subséquemment normal qu’il prépare ce texte. Le

fait majoritaire, souvent en faveur du l’Exécutif atrophie le fonctionnement de

l’institution parlementaire en mettant à mal l’exercice des fonctions à lui dévoué

par la Constitution. L’effacement du Parlement dans la procédure budgétaire

(chapitre I) et la mauvaise exploitation faite par le Parlement de sa fonction de

contrôleur en matière financière (chapitre II) semblent corroborer la thèse de

l’abaissement de son rôle en la matière.

Page 67: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

67

CHAPITRE I : L’EFFACEMENT DU PARLEMENT DANS LA

PROCEDURE BUDGETAIRE

La transposition dans les Constitutions des techniques du parlementarisme

rationalisé, la fonction législative ordinaire des Parlements se voit claustrée dans

d’étroites limites : les Parlements ne maîtrisent plus le domaine de la loi, pas plus

que tout le processus d’élaboration et d’adoption des lois et plus particulièrement

les lois de Finances. La pratique politique en limite davantage les fonctions du

l’Assemblée nationale. La volonté de plus en plus affirmée des autorités en place

d’instrumentaliser la représentation nationale ainsi que toutes les autres

institutions en vue d’avoir un pouvoir absolu participent aussi à ce processus de

dilution des pouvoirs financiers du Parlement. L’emprise du Gouvernement aussi

bien dans la phase de préparation, de discussion que du vote final des projets de

lois de Finances justifie la primauté de l’Exécutif dans la procédure budgétaire

(section I) et la perte par le Parlement de ses pouvoirs fiscaux (section II).

SECTION I : LA PRIMAUTE DE L’EXECUTIF DANS LA PROCEDURE

BUDGETAIRE

Sous l’autorité du Chef du Gouvernement, le ministre des finances prépare

en liaison avec les autres ministres, les projets de loi de Finances qui sont arrêtés

en conseil des ministres. Les seules limitations restent aujourd’hui pour le

Gouvernement, le respect des délais constitutionnels pour le dépôt du projet de loi

de Finances. Il est apparu dans les Constitutions des Etats modernes qu’au cours

des discussions et des votes du projet de loi de Finances, le Gouvernement

disposait de multiples procédures lui permettant de guider le débat budgétaire

affirmant ainsi le monopôle de l’Exécutif en matière financière (paragraphe 1) par

rapport au Parlement devenu un acteur secondaire voire facultatif (paragraphe 2).

Page 68: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

68

La rationalisation du débat budgétaire conduit à la maîtrise par le Gouvernement

du processus parlementaire168.

Paragraphe 1 : Le monopôle non contesté de l’Exécutif en matière

financière.

L’analyse des textes régissant le droit financier béninois montre que, grâce à la

technostructure de l’Exécutif et l’appui décisionnel du Chef de l’Etat, toute la

procédure d’élaboration des lois de Finances depuis la phase initiative (A)

jusqu’au calendrier de débats budgétaires (B) sont dominés par le Gouvernement.

A- L’initiative budgétaire, la chasse gardée de l’Exécutif.

Le pouvoir Exécutif exerce deux fonctions de première importance dans la

procédure budgétaire. Tout d’abord, il lui appartient d’élaborer chaque année un

projet de loi de Finances. Pour respecter le principe de stabilité, ce projet doit

s’insérer dans le cadre d’une stratégie à moyen terme cohérente pour les finances

publiques. Ensuite, l’Exécutif est responsable de l’exécution de la loi de Finances

annuelle et doit rendre compte au législateur des conditions d’application et des

résultats. Le projet de loi de Finances de l’année est arrêté par le Gouvernement en

Conseil des ministres. Et dans toutes ses dispositions, la Constitution financière du

Bénin fait état de projet de loi de Finances et non de proposition. En effet, l’article

20 de la Constitution française et l’article 54 de la Constitution béninoise du 11

décembre 1990 sont très significatifs. Ce n’est pas le Parlement qui détermine la

politique nationale, mais le Gouvernement (le Chef de l’Etat, Chef du

Gouvernement) politiquement responsable devant lui. Cela signifie très clairement

que le Parlement a perdu sa faculté d’initiative au profit du Chef du

168 En France par exemple ; Articles 40, 42, 44 alinéa 2 et 3, 49 alinéa 3 de la Constitution de 1958 ((limitation du droit

d’amendement, système du vote bloqué, mécanisme de la question de confiance) et article 42 de l’ordonnance du 2 janvier

1959 (limitation du droit d’amendement). Ces deux textes ont toujours inspiré la pratique béninoise en la matière.

Page 69: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

69

Gouvernement, le Chef de l’Etat, seul à même par la capacité d’expertise dont il

est porteur, de fixer les grandes lignes d’une politique que le Parlement se

contentera d’approuver169. Ces dispositions portent en germe toutes les difficultés

du Parlement sous la Ve République en France et sous le renouveau démocratique

au Bénin, car tous les instruments du « Parlementarisme rationalisé » n’en sont

que la conséquence directe.

Il faut donc en tirer toutes les conséquences en admettant que le rôle

essentiel du Parlement moderne n’est plus de légiférer, mais de porter une

appréciation éclairée dans la mesure du possible sur les conditions mêmes de mise

en œuvre des politiques déterminées par le Gouvernement. « Si l’on s’émeut des

restrictions apportées, par exemple, aux pouvoirs des commissions parlementaires, à

l’exercice du droit d’amendement ou à la capacité de proposition législative, on oublie trop

souvent que ces mécanismes ne sont que la conséquence de cette capacité confiée au

Gouvernement responsable de concevoir la politique nationale. Techniquement, cette

mission s’exprime, pour l’essentiel, par l’élaboration des projets de loi dont il est alors

parfaitement logique d’exiger qu’ils puissent être inscrits prioritairement à l’ordre du jour,

et surtout discutés et adoptés sans être fondamentalement modifiés, au risque de mettre en

péril la politique voulue par le Gouvernement avec l’accord de sa majorité »170.

La phase parlementaire qui permettra à l’Assemblée nationale d’adopter les

dépenses et les recettes qui seront ultérieurement exécutées, ne verra pas l’Exécutif

être écarté, loin s’en faut, il y jouera même un rôle prépondérant.

169 X. VANDENDRIESSCHE, « Le Parlement entre déclin et modernité », ibid., pp. 59-70. 170 Idem.

Page 70: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

70

B- La perte par le Parlement du calendrier du débat budgétaire.

En rationalisant les procédures budgétaires on a vassalisé le Parlement à

l’Exécutif. L’inscription à l’ordre du jour du projet de loi de Finances se fait

conformément à la disposition de l’article 94171 du règlement intérieur de

l’Assemblée nationale. Conformément à l’article 35 de son règlement intérieur, le

Chef de l’Etat a le droit d’information sur l’ordre du jour de l’Assemblée. Cet

article dispose : « Le Président de la République doit être tenu informé de l'ordre du jour

des travaux des commissions de l'Assemblée nationale. Cet ordre du jour lui est

communiqué en principe deux jours au moins avant la réunion des commissions. Les

membres du Gouvernement sont entendus par les commissions sur la demande de ces

dernières; ils peuvent se faire assister ou représenter ». Le calendrier budgétaire

n’appartient pas au Parlement, il est défini dans la loi. Il court de l’ouverture de la

session d’octobre au 31 décembre de l’année. L’inscription de l’examen du projet

de loi de Finances à l’ordre du jour des Assemblées obéit à des conditions

particulières. L’article 84 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale dispose :

« Les projets et les propositions de lois sont inscrits à l'ordre du jour de l'Assemblée dans

les conditions fixées par l'article 38172 du présent règlement intérieur. Les demandes

d'inscription prioritaires du Gouvernement sont adressées au Président de l'Assemblée

nationale qui en informe les Présidents des commissions compétentes et les transmet pour

avis à la plus prochaine conférence des Présidents. Si, à titre exceptionnel, le

Gouvernement demande une modification de l'ordre du jour par adjonction, retrait ou

inversion d'un ou de plusieurs textes prioritaires, le Président en donne immédiatement

connaissance à l'Assemblée. Les demandes d'inscription d'une proposition complémentaire

171 « <. Le dépôt du projet sur le bureau de l'Assemblée et son inscription à l'ordre du jour sont fixés par les dispositions des articles 77

et suivants du présent règlement intérieur ».

172 La Conférence des Présidents émet un avis sur l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale proposé par son Président. Elle

peut être consultée sur tout autre sujet par tout membre de ladite Conférence.

Page 71: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

71

à l'ordre du jour sont adressées au Président de l'Assemblée nationale par le Président de

la commission saisie au fond ou par un Président de groupe parlementaire ».

Le temps consacré par le Parlement à la discussion du projet de loi de Finances

est encadré. En France comme au Bénin, il est restreint par des dispositions

normatives. S’il n’est pas respecté, « les dispositions du projet peuvent être mises en

vigueur par ordonnance »173, ce qui représente une forte sanction du Parlement, bien

qu’elle ne soit qu’une simple faculté laissée au Gouvernement. Elle découle

cependant de la nécessité d’assurer la continuité de la vie nationale. On ne compte

plus les propositions ou projets visant à assurer une « revalorisation » du rôle du

Parlement qui serait devenu "le parent pauvre de nos institutions démocratiques" ;

reléguant ainsi l’institution au rang d’un acteur secondaire dans le processus

budgétaire.

Paragraphe 2 : Le Parlement, un acteur secondaire ou facultatif

Même s’il a été peu de fois utilisé, les ordonnances de l’article 68 de la

Constitution, en matière financière tendent à minimiser l’importance du vote par

le Parlement de la loi de Finances. Cet état de chose laisse penser dans l’opinion

comme dans la doctrine que le Parlement serait devenu un acteur secondaire (A)

dans le processus budgétaire. Mais, sa place, quoique facultatif, reste nécessaire

(B) dans le bon fonctionnement d’un Etat de droit.

173 Article 110 de la Constitution du 11 décembre 1990 dispose : « <. Si l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée, à la date du

31 décembre, les dispositions du projet de loi de Finances peuvent être mises en vigueur par ordonnance. Le Gouvernement saisit pour

ratification, l'Assemblée nationale convoquée en session extraordinaire dans un délai de quinze jours. Si l'Assemblée nationale n'a pas

voté le budget à la fin de cette session extraordinaire, le budget est établi définitivement par ordonnance ».

Page 72: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

72

A- Un acteur secondaire

Tous les Etat démocratiques font figurer dans leur législation le principe de

la suprématie budgétaire du Parlement, prévoyant notamment, que seule la loi

(c’est-à-dire le législateur) peut autoriser l’impôt ou la dépense publique ; mais, le

degré d’intervention de la loi dans les autres aspects de la procédure budgétaire

varie en fonction notamment de l’importance accordée au fondement légal des

divers stades d’approbation de la loi de Finances174. Si c’est seulement aux

représentants du peuple et à eux seuls que revient le pouvoir de donner au

Gouvernement l’autorisation pour percevoir des recettes et effectuer des dépenses

nécessaires pour le bon fonctionnement de l’Etat et de ses services, il n’est donc

pas possible pour le Gouvernement de procéder à des perceptions d’une recette ou

à la réalisation d’une dépense qui n’a pas été préalablement admise par la loi de

Finances votée par le Parlement. Tout le problème est de savoir si les Parlements

disposent vraiment de marge de manœuvre suffisante dans la production du

consentement.

Les conditions de recevabilité175 et de discussion176 des amendements, les

manœuvres politiques, le délai de la discussion du projet de loi de Finances et les

possibilités d’ordonnance qu’offrent les articles 68 et 110 de la Constitution

tendent à confirmer le rôle secondaire du Parlement dans le processus. Déjà qu’il

174 Revue de l’OCDE sur la gestion budgétaire – « Le cadre juridique des systèmes budgétaires : une comparaison

internationale », volume 4 – numéro 3, OCDE 2004, p. 71.

175 Tout article ou amendement contenant des dispositions autres que celles prévues par la loi organique de finances doit

être retiré du projet de la loi de Finances et faire l'objet d'un débat distinct, si la commission permanente qui aurait été

compétente pour en connaître au fond, le demande, et si le président ou le rapporteur ou un membre du bureau de la

commission des finances spécialement désigné à cet effet l'accepte. Ce débat est inscrit d'office à l'ordre du jour de

l'Assemblée à la suite de la discussion du projet de la loi de Finances, s'il s'agit d'un article de ce projet de loi. Les articles

additionnels et amendements contraires aux dispositions de la loi organique des finances sont déclarés irrecevables dans les

conditions fixées par les articles 107 de la Constitution et 74 du règlement intérieur.

176 La discussion des projets de lois de Finances s'effectue conformément aux dispositions particulières de la Constitution,

notamment des articles 96, 99, 109, 110 et 112, des lois applicables et à la procédure relative aux lois de Finances du présent

règlement intérieur.

Page 73: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

73

n’est pas associé à la phase de la rédaction des articles du projet de la loi de

Finances, les marges de manœuvre dont il dispose peuvent être mises à mal par la

possibilité d’ordonnance. Le délai global de 60 jours dont il dispose pour se

prononcer sur le budget est insuffisant par rapport au volume du travail que

représente l’étude du projet de la loi de Finances ; en cas de non respect, le

Gouvernement peut user de l’article 110 de la Constitution pour mettre en

exécution son budget. Les possibilités laissées au Gouvernement de pouvoir

contourner l’avis du Parlement dans le processus budgétaire démontre que son

rôle dans le processus budgétaire tient plus d’une symbolique que d’un réel

pouvoir. Mais, cette position de l’institution ne lui ôte pas son rôle d’acteur

indispensable, nécessaire pour le bon fonctionnement d’une démocratie, même si

ce rôle peut s’apparenter à une comédie tragique.

B- Un acteur facultatif, mais nécessaire.

Si le Gouvernement dispose d’une suprématie incontestable en matière

budgétaire sur le Parlement pour plusieurs raisons, ce dernier, bien que parfois

« concurrencé », n’est pas pour autant exclu du processus budgétaire. Au contraire

: le constituant a tenté d’élaborer un compromis entre la nécessaire et l’efficacité de

l’action politique, qui tend à maximiser les pouvoirs et les compétences du

Gouvernement, et l’indispensable légitimité qui doit porter cette action : le Chef

du Gouvernement détermine, mais avec l’accord du Parlement représentant de la

Nation177. Le rôle du Parlement demeure essentiel : représentant la nation et les

contribuables, il consent toujours à l’impôt, mais dans le cadre particulier fixé par

la Constitution. Même si les textes ôtent au Parlement toute maîtrise du processus

budgétaire qui revient principalement au Gouvernement, dont l’ensemble de la

préparation du budget, le Parlement est encore cité en exemple malgré ses

177 X. VANDENDRISSCHE, « Le Parlement entre déclin et modernité », ibid., p. 61.

Page 74: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

74

difficultés comme un acteur essentiel dans le jeu démocratique car , son

importance n’est pas due à son rôle de législateur, mais à sa nouvelle capacité

d’orientation et de contrôle de l’activité gouvernementale dans le sens voulu par

l’opinion nationale178. De manière plus spécifique, la Constitution limite le pouvoir

du Parlement de deux points de vue : d’une part, elle impose des contraintes de

délais très strictes ; d’autre part, le droit d’amendement des parlementaires au

projet de loi de Finances est encadré. Le Parlement doit, d’abord, attendre le dépôt

du projet de loi de Finances qui ne peut être une proposition : seul le

Gouvernement en a l’initiative avant qu’il ne joue sa "partition", bémolisé pendant

la phase législative.

L’inutilisation de certaines procédures de contrôle qui peuvent s’effectuer

pendant la phase législative de la loi de Finances179, participe au renforcement de

la thèse de son « déclin », voire, de « inutilité ». Mais, cela ne veut pas dire que ces

pouvoirs sont pour autant insignifiants. Il ne faut pas mélanger le fond même des

compétences budgétaires des assemblées avec la façon dont elles sont exercées en

pratique180.

Loin d’être devenue de "simple formalité", la soumission du budget au vote

du Parlement reste une formule privilégiée et irremplaçable de rapport et de

dialogue entre les pouvoirs publics181. Les assemblées ayant toujours une mission

de protection des intérêts des contribuables et bien que donnant chaque année leur

consentement, ce dernier est, cependant, devenu « automatique » car, « entre la

pérennité de l’Etat et le droit de refuser la perception de l’impôt, les parlementaires n’ont

178 G. BURDEAU, Traité de science politique, Tome 9, p. 173.

179 Il s’agit des contrôles sur place et sur pièce que peuvent effectuer les différentes commissions spéciales lors de l’audition

des présentations des budgets sectoriels des différentes institutions de la République.

180 P. AMSELEK, « Le budget de l’Etat et le Parlement sous la Ve République », ibid., p. 1453.

181 Ibidem., p. 1458.

Page 75: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

75

pas, dans les faits, de liberté de choix »182. Son incapacité à influencer les agrégats

financiers de l’Etat semble fonder la perte de ses pouvoirs fiscaux.

SECTION II : LA PERTE DES POUVOIRS FISCAUX DU PARLEMENT

Les pratiques politico-administratives ont conduits au contournement des

pouvoirs fiscaux du Parlement par l'Exécutif, et à l'abdication par le Parlement de

ses propres pouvoirs. L’institution parlementaire est concurrencée par l’Exécutif,

les élus locaux et les contraintes extérieures liées à des obligations

communautaires ou internationales, le poids des droits acquis et des engagements

pris, (dette, accords issus des discussions avec les représentants syndicaux)

réduisent le champ de la discussion des dispositions fiscales du budget et rendent

étroite la marge de manœuvre des députés183. Ainsi, le principe du consentement à

l’impôt et les limites de manœuvre du Parlement (paragraphe 1) semblent

restreindre la portée réelle d’un principe traditionnellement consacré dans le droit

budgétaire. A ces restrictions s’ajoutent celles dues au développement du droit

communautaire en matière fiscale (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Du principe du consentement à l’impôt et des limites du

Parlement

Historiquement fondateur de l’institution parlementaire, force est de

constater, de nos jours la régression palpable des pouvoirs fiscaux des Parlements

au regard de ce qu’ils furent. Par la proclamation de l’article 14 de la DDHC, il est

affirmé solennellement le principe du consentement à l’impôt comme source du

182 X. CABANNES, « L’Etat, le Parlement et le consentement à l’impôt », in RFFP, n° 77, 2002, pp. 240-242.

183 R. HERTZOG, « L’avenir du pouvoir financier du Parlement : miroir des ombres ou garant de l’équilibre du

‘gouvernement général», in L. PHILIP (dir.), L’exercice du pouvoir financier du Parlement. Théorie, pratique et évolution, op. Cit.,

p. 136, J.L. PAIN, « La politique budgétaire : un degré de flexibilité », in RFFP, n° 46, 1994, p. 65.

Page 76: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

76

pouvoir fiscal du Parlement184. Pas plus que naguère le pouvoir fiscal royal ne fut

absolu, pas plus celui du Parlement ne semble absolu. L’examen du principe

juridique (A) du consentement à l’impôt laisse apparaître des limites pratiques (B)

montrent que le pouvoir fiscal du Parlement contrebalance le pouvoir fiscal du

Gouvernement en occurrence celui de son chef.

A- Du principe juridique

La théorie financière classique héritée du constitutionnalisme occidental,

attribuait le pouvoir de décision en matière financière aux assemblées élues au

suffrage direct des citoyens. Les nouvelles Constitutions africaines retiennent

également le principe du consentement populaire à l’impôt.

La légalité de ce principe résulte de deux sources : la Constitution et la

DDHC. L’article 96 dispose : « l’Assemblée nationale vote la loi et consent l’impôt » et

l’article 98 énonce : « la loi fixe les règles relatives à l’assiette, au taux, et aux modalités

de recouvrement des impositions de toute nature ». Quant à l’article 110, il dispose : «

l’Assemblée nationale vote le projet de loi de Finances dans les conditions prévues par la loi

organique ». L’article 14 de la DDHC prévoit : « tous les citoyens ont le droit de

constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution

publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité,

l’assiette, le recouvrement et la durée ». Le principe clé est celui du consentement de

l’impôt par les citoyens ou par leurs représentants.

Pour être légitime, l’impôt doit avoir été consenti par les citoyens ou leurs

représentants. Ce principe de consentement de l’impôt exprimé dans la DDHC est

le fondement du principe de légalité de l’impôt. Par conséquent, le principe de

légalité exige, d’une part, une compétence du législateur dans la création des

184 P. M. GAUDEMET, « Le pouvoir fiscal du Parlement », in L. PHILIP (dir.), L’exercice du pouvoir financier du Parlement.

Théorie, pratique et évolution, op. Cit., p. 41.

Page 77: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

77

normes fiscales, non seulement, exclusives, mais aussi, extrêmement étendues.

D’autre part, cette compétence exclusive et étendue du législateur n’interdit pas le

démembrement du pouvoir fiscal ou son partage entre l’Etat et les collectivités

territoriales. Les collectivités territoriales ont le droit de lever leurs propres

impôts, cependant elles n’ont ni la compétence nécessaire à la création de leurs

propres impôts, ni pour la détermination de l’assiette, du mode de recouvrement

et du taux des impôts. Le partage de compétence signifie que normalement seul le

Parlement est compétent pour la création de normes fiscales contenant les règles

de création de l’impôt et de fixation des modalités de recouvrement, de l’assiette et

du taux de l’impôt. Pourtant, le régime de vastes secteurs de dépenses échappe au

Parlement, soit parce que celui-ci y a perdu toute compétence, soit en raison des

conditions dans lesquelles il s’exerce185.

En ce qui concerne par exemple, les dépenses sociales, les droits concrets

qui, donnent leurs mesures effectives figurent dans des décrets, arrêtés et

instructions ministériels186. Les rémunérations versées aux agents publics ne

relèvent de la loi que pour des principes forts généraux. Dans la réalité, toutes les

dispositions qui se traduisent par des dépenses figurent dans des actes

administratifs souvent pris par l’Exécutif après concertation avec les organisations

syndicales représentatives. Le Parlement n’a pratiquement aucune prise sur cette

masse de dépenses obligatoires et automatiques187. Il en est de même en ce qui

concerne la dette publique, car le régime juridique des emprunts est contenu dans

les décrets et arrêtés. La limitation des pouvoirs financiers du Parlement se traduit

par le souci des constituants à préserver l’Exécutif des crises financières pouvant

provenir du refus du Parlement à autoriser certaines dépenses et certaines recettes

185R. HERTZOG, « L’avenir du pouvoir financier du Parlement : miroir des ombres ou garant de l’équilibre du

‘gouvernement général», ibid., p. 125.

186 Idem.

187 Il suffit de se rappeler des grèves des fonctionnaires de l’Etat qui ont fini par déboucher sur des accords qui ont conduit

le Gouvernement à prendre des décrets accordant des augmentations de salaires ou des indemnités liées à la fonction.

Page 78: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

78

inéluctables. Une large manœuvre est laissée à l’Exécutif principalement au chef

de l’Etat et au ministre en charge des finances et de l’économie de pouvoir, par

voie règlementaire, modifier selon les effets de la conjoncture certaines

dispositions de la loi de Finances.

Le consentement à l’impôt se caractérise par l’autorisation donnée par le vote

du Parlement de la loi de Finances, et traduit son accord par rapport à toutes les

mesures fiscales contenues dans la loi. Par voie règlementaire, le Gouvernement

peut modifier des taux d’imposition, voire, même annuler certains impôts,

certaines recettes budgétaires ayant un caractère fiscal et consenties par le

Parlement. Ce qui frappe à l’œil c’est l’usage que le Parlement fait de son droit de

consentir à l’impôt. Le problème ne vient pas du fait que ce droit est entamé ou

non, mais plutôt de ce qu’il est exercé avec bénignité. De manière

prèsqu’axiomatique « le Parlement consent aux augmentations d’impôt avec une

étonnante facilité, avec une extraordinaire facilité »188 et qui justifie le fait que le Bénin

fasse partie des Etats ayant le plus grand nombre d’impôts. « Le consentement à

l’impôt est devenu une sorte de fiction malmenée par les nécessités des finances publiques,

malmenée par certaines formes de brutalité gouvernementale, malmenée encore par

l’aliénation d’une majorité parlementaire au nom de la solidarité politique »189 et de la

discipline du groupe pour finir par limiter pratiquement la portée du principe.

b- Des limites pratiques

En matière fiscale, les faits dominent la fiction juridique. Pour le projet de

loi de Finances de 2010, le rapport général de la commission

des finances et des échanges faisait état des propositions de la Direction Générale

188 R. HERTZOG, « L’avenir du pouvoir financier du Parlement : miroir des ombres ou garant de l’équilibre du

‘gouvernement général’ », ibid., p. 45.

189 Idem.

Page 79: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

79

des Douanes et Droits Indirects (DGDDI) comportant des mesures reconduites et

de nouvelles mesures. Parmi les mesures reconduites, il y a les exonérations sur

le matériel informatique190, les exonérations sur les bus neufs, l’exonération des

droits et taxes de douane sur les équipements des stations services191.

Parmi les nouvelles mesures, nous avons d’abord la réduction de la taxe

spéciale de réexportation à 4%, mesure qui intervient pour lutter contre le

détournement du trafic à destination du Nigéria vers les pays de l’hinterland qui

eux, bénéficient de la suspension de la perception de la taxe de voirie (TV) et les

mesures édictées par la Direction Générale des Impôts et des Domaines (DGID)

telles que la modification de l’article 6, paragraphe 4 du CGI en vue de préciser les

conditions générales des charges. Ensuite, nous avons la modification des articles

47 alinéa 3 du CGI en vue d’apporter les précisions sur l’immatriculation des

entreprises au sujet de l’acompte sur impôts assis sur les bénéfices (AIB) ; la

modification de l’article 47 quater II nouveau du CGI en vue de mettre en

conformité les taux de l’impôt BIC des prestataires étrangers à ceux des

prestataires nationaux. Cette modification traduit l’égalité de tous devant l’impôt ;

la modification des dispositions de l’article 226 du CGI afin de légitimer la

particularité à propos de leur imposition à la TVA faite aux Agences de voyages ;

la modification des dispositions de l’article 246 nouveau paragraphe 4 du CGI en

vue de garantir la neutralité de la TVA béninoise (l’article comportait 4 alinéas. Un

5è alinéa a été donc ajouté pour permettre aux bénéficiaires de remboursement de

TVA de recevoir 75% de leur prétention dans les quinze jours après le dépôt de

190 Lire le rapport général de la commission des finances et des échanges de 2009, pour le budget 2010. « L’exonération sur le

matériel informatique concerne également les logiciels, les imprimantes et pièces détachées même présentés isolément.

Cette mesure, instaurée depuis la loi de Finances 2000, vise à promouvoir au Bénin les nouvelles technologies de

l’information et l’utilisation des ordinateurs. Elle est reconduite selon le Gouvernement eu égard à ses effets bénéfiques sur le

développement des entreprises ».

191 Lire le rapport général de la commission des finances et des échanges. Cette mesure déjà contenue dans la loi de

Finances, gestion 2009 a été reconduite pour l’année 2010 en vue de l’éradication définitive du trafic illicite des produits

pétroliers.

Page 80: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

80

leur réclamation) ; la modification des dispositions des articles 335, 337, 390, 397 à

399 et 404 à 409, 470 et 472 à 475 du CGI en vue de faciliter la mise en œuvre des

révisions de tarifs sur les droits d’enregistrement par la loi de Finances 2007 ; la

modification de l’article 525 du CGI afin de le rendre conforme aux réalités

économiques actuelles (les droits des années 60 qui étaient de 100F, 50F et 1000F

ont été multipliés par 5 en tenant compte de l’érosion monétaire) ; la modification

des dispositions des articles 326 et 573 du CGI afin d’assujettir les marchés relatifs

aux prestations de services à la formalité de l’enregistrement.

Enfin, nous avons l’abrogation des dispositions du CGI (articles 962-1 à 962-

11) instituant la taxe de développement local (TDL) en tant que impôt direct local

en vue de lui substituer une nouvelle TDL (articles 1084 quinter 1 à 1084 quinter

10) conçue comme un impôt indirect local et modification des dispositions de

l’article 10 de la loi portant régime financier des Communes en République du

Bénin ; la modification des dispositions des articles 996 et 1038 du CGI en vue

d’étendre la sanction prévue à l’encontre des contribuables qui ne respectent pas

leurs obligations de paiement des droits dus dans les délais légaux aux redevables

de la patente et de la contribution foncière des propriétés bâties et non bâties ; la

modification des articles 251, 255, 256, 1018 et 1084-16 du CGI afin de les rendre

conformes au décret 2006-201 du 08 mai 2006 portant création d’un numéro

d’identifiant unique et de répertoire des personnes, institutions et associations192 ;

la modification des dispositions des articles 1016, 1029, et 1084-14 nouveau du CGI

relatif au paiement de la Taxe Professionnelle Unique (TPU).

La technicité fiscale qui échappe à la majeure partie des députés les rend

impuissants devant les connaissances ‘’savantes’’ des technostructures chargées de

l’élaboration du CGI. Même si la majorité le voulait, et si l’opposition le pouvait,

ni l’une, ni l’autre n’a en réalité le pouvoir Constitutionnel, la volonté politique et

192 Il s’agit d’une mise en conformité au décret n° 2006-201 du 08 mai 2006 portant création d’un numéro d’identifiant fiscal

unique.

Page 81: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

81

surtout la connaissance technique pour influer sur les choix budgétaires du

Gouvernement dans le sens de la défense des intérêts globaux des populations

dont ils sont les représentants. Bien souvent, face aux argumentations denses et

solides ponctuées de références chiffrées tirées de l’environnement économique

national et international présentées par les ministres qui défilent devant le

Parlement pour soutenir leurs enveloppes budgétaires, les députés sont contraints

à la démission intellectuelle, les seules observations Parlementaires possibles ont

généralement trait à l’orthographe de tel ou tel mot, au pourquoi ou au comment

de telle ou telle ligne budgétaire. Face à ce « pugilat intellectuel et politique » entre

membres du Gouvernement et membres du Parlement, le déséquilibre est

perceptible dès la phase administrative de l’élaboration des lois de Finances193.

Jusqu’à son examen et adoption, le consentement à l’impôt serait devenu

un consentement « par ‘défaut’ »194, « négatif » ou un « consensus apparent »195.

L’apparence témoignerait davantage des « difficultés à formuler une critique »

envers le Gouvernement, ne pouvant « argumenter à armes égales »196. La durée des

débats parlementaires ou la date d’adoption du budget font donc parfois l’objet de

contraintes particulières qui limitent l’analyse des documents budgétaires à une

analyse superficielle. Par ailleurs, dans la pratique parlementaire au Bénin, la

période d’étude et d’adoption du projet de loi de Finances correspond à la période

de soixante jours de manipulation politique de l’Exécutif conforté par sa majorité

parlementaire tendant à détourner l’attention des députés du projet de loi. Cette

période correspond aussi à celle qui fait apparaître de nombreux accords à ratifier

ou de lois querellées par l’opposition à voter.

193 K. SOMALI, Le Parlement dans le nouveau constitutionnalisme en Afrique : Essai d’analyse comparée à partir des exemples du

Bénin, du Burkina Faso et du Togo, op. Cit, p. 273.

194 P. ROSANVALLON, La contre-démocratie. La politique à l’âge de la défiance, Paris, Ed. Seuil, 2006, p. 187.

195 Ibidem., p. 188. 196 Ibidem., p. 189.

Page 82: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

82

Il est aujourd’hui impossible de parler des facteurs limitant des pouvoirs

financiers des Parlements sans faire allusion à l’environnement international et

plus spécifiquement au développement du droit communautaire.

Paragraphe 2 : Des limitations dues au développement du droit

communautaire en matière fiscale

La souveraineté du Parlement dans la création des normes fiscales n’est pas

aussi effective que pourrait laisser le supposer la lecture des articles 96 et 98. Deux

types de limites viennent atténuer ce principe de souveraineté : d’une part, les

limites externes, d’autre part, les limites internes. Le pouvoir financier s’est établi

au niveau de l’Etat central, entre pouvoir législatif et Exécutif, pour se « prolonger

» dans la décentralisation territoriale et fonctionnelle (les finances sociales)197. Cette

dernière en particulier met en présence des acteurs de plus en plus nombreux et

divers, publics, mais également issus de la société civile (partenaires sociaux par

exemple). Les limites externes résultent du développement d’un droit externe en

matière fiscale. Il s’agit notamment du développement des conventions fiscales

internationales (A) et du développement du droit communautaire (B).

A- Le développement des conventions fiscales internationales

Les règles établies dans la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 et la

loi organique n° 86-021 du 26 septembre 1986 relative aux lois de Finances n’ont

pas pour autant amoindri le rôle politique du Parlement dans les débats

budgétaires qui demeure toujours aussi essentiel. Les deux corps de règles,

constitutionnelles et organiques, sont cependant confrontés aux enjeux et

pressions externes à leur ordre juridique. Les conventions fiscales internationales

sont des accords ou traités bilatéraux entre des Etats. Ces accords ont un objet

197 R. HERTZOG, « Une grande première : la réforme du droit budgétaire de l’Etat par le Parlement », in RFFP, n°73, 2001, p.

17.

Page 83: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

83

précis : éviter le phénomène de double imposition (par exemple une entreprise qui

a plusieurs domiciles dans des Etats différents). Le droit fiscal ignore la nationalité

du contribuable qui est taxé automatiquement dès lors qu’il se trouve sur le

territoire national ; par conséquent une personne peut être soumise aux exigences

fiscales de plusieurs Etats simultanément, et un de ces Etats devra consentir à un

abandon de créance pour éviter le phénomène de double imposition. Parlement et

Gouvernement ne sont plus seuls à déterminer le contenu des finances publiques

et doivent prendre en compte une série de contraintes et de normes externes. Il

s’agit le plus souvent de la conséquence de leur participation à des organisations

internationales (UE, FMI, OCDE, CEDEAO, UA, UEMOA, OHADA) dotées pour

certaines d’un pouvoir contraignant en matière budgétaire et financière198.

Le droit fiscal béninois se trouve confronté avec des normes provenant non

pas du Parlement, mais de sources extérieures résultant du développement des

conventions fiscales internationales et du droit communautaire en matière fiscale.

La discipline budgétaire étant à l’ordre du jour dans les systèmes financiers des

Etats africains199, les conventions internationales restreignent donc le pouvoir du

Parlement. Dans le cas des conventions, le Parlement ne conserve qu’un rôle

formel en ratifiant le traité. Son pouvoir d’appréciation effectif est limité car il n’est

pas à l’origine de la convention qui a été conçue de Gouvernement à

Gouvernement, et il ne peut pratiquement pas refuser de ratifier le traité (pour la

sécurité des relations internationales). Dans le contexte de la hiérarchie des

normes, et selon le principe établissant que les dispositions internationales

résultant d’un traité ratifié ont une valeur supérieure au droit interne, les

198 M. BOUVIER, « Mutations des finances publiques et crise du pouvoir politique ? », ibid., p. 255. Ces contraintes résultent

aussi de la dépendance de l’Etat et des autres personnes publiques par rapport aux marchés financiers évoquée par R.

HERTZOG, « La mutation des finances publiques : manifeste pour une discipline rajeunie ! », ibid., p. 270.

199 S. YONABA, « Le système financier des Etats africains francophones à l’épreuve de l’impératif de « discipline

budgétaire » », in Mélange en l’honneur de Robert HERTZOG, Réformes des finances publiques et modernisation de

l’administration, Economica, 2011, p. 621.

Page 84: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

84

conventions supplanteront les normes fiscales internes, restreignant ainsi le rôle

du Parlement.

B- Le développement du droit communautaire en matière fiscale

Le droit fiscal communautaire ne concerne pas tous les impôts. Le

processus d’harmonisation fiscale communautaire ne concerne pour l’instant que

ceux inscrits au Tarif Extérieur Commun (T.E.C). L’objectif de cette harmonisation

est de rapprocher les législations nationales en matière de Droit de douane, de

redevance statistique, de prélèvement communautaire de solidarité, de la taxe

conjoncturelle à l’importation, de la taxe dégressive de protection, pour faciliter la

libre concurrence à l’échelle régionale, et en réduisant les disparités entre les Etats

en matière de règles d’assiette et de taux d’imposition en matière d’importation.

L’harmonisation ne signifie pas l’uniformisation des législations nationales. Le

droit fiscal communautaire se matérialise par la transposition de directives de

l’UEMOA dans les législations internes des Etats membres. Le Gouvernement par

voie législative va donc transposer une directive qu’il n’a pas élaborée lui même :

les grandes lignes lui ont été imposées. En matière du T.E.C, les règles relatives au

taux et à l’assiette résultent des obligations établies par les directives.

Au plan interne, le Parlement, même s’il est officiellement souverain en

matière fiscale, ne l’est souvent que formellement : c’est le phénomène d’« érosion

de la fonction législative ». On peut déceler dans le contenu des lois fiscales aussi

bien que dans leur origine que le Parlement n’est que formellement leur créateur.

Dans le système constitutionnel, l’Exécutif a un droit d’initiative en matière

législative (projets de loi). L’initiative en matière législative est partagée entre

l’Exécutif et le Législatif, sauf en matière budgétaire (le budget de l’Etat est une loi

réservée à la compétence du Gouvernement). Compte tenu du phénomène

majoritaire, les projets de loi ont toutes les chances d’être approuvés par le

Page 85: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

85

Parlement. La rédaction des projets de loi en matière fiscale provient la plupart du

temps de l’administration fiscale. Les normes fiscales se caractérisent par un

contenu souvent extrêmement général. Le contenu très général de la loi fiscale

permet au pouvoir réglementaire de se déployer très largement.

L’« opposabilité de la doctrine administrative en droit fiscal » représente un

cas extrême dans lequel le Parlement a renoncé à ce que la loi soit la norme

supérieure en matière fiscale. La « doctrine administrative » est ici un

commentaire des textes par l’administration fiscale à l’intention de ses agents et

des contribuables. Les contribuables peuvent se conformer à la doctrine

administrative ; ce qui pose un problème dans le cas où un agent de

l’administration fiscale interprète la loi de manière différente.

L’harmonisation des politiques économiques de la communauté

européenne postule une limitation ou un transfert de la compétence normative

nationale200. La politique agricole commune repose sur le principe de l’unité de

prix, par produit, dans l’ensemble de la communauté. Cette tendance de l’Union

Européenne et de l’UEMOA conduit à la déduction d’une inévitable réduction des

pouvoirs financiers des Parlements des Etats. Les objectifs à long terme de

l’UEMOA, de la CEDEAO, de l’OHADA et de l’UA sont des facteurs de réduction

des pouvoirs financiers du Parlement béninois.

Au nombre de tous ces facteurs, il vient s’ajouter, dans les pratiques

parlementaires le phénomène du fait majoritaire qui, à son tour vient mettre à mal

l’exploitation par le Parlement de sa fonction de contrôleur financier.

200 D.LINOTTE et R. ROMI, Services publics et droit public économique, Paris, Litec, 2001, p. 102.

Page 86: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

86

CHAPITRE II : LE CONTROLE PARLEMENTAIRE EN MATIERE FINANCIERE,

L’ULTIME POUVOIR MAL EXPLOITE DU PARLEMENT.

Si les pouvoirs de contrôle des parlementaires sont certes limités, ils n’en

demeurent pas moins réels. Mais, il faudra d’abord voir si dans

l’institutionnalisation des mécanismes de contrôle, aussi bien sur l’activité du

Gouvernement que, sur la gestion des finances publiques, on note une évolution

significative du rôle des assemblées parlementaires africaines et en particulier

celui du Bénin à l’instar de ce qui se passe dans certains pays occidentaux où le

contrôle est plus ou moins effectif. On peut en douter pour plusieurs raisons. En

réalité, bien que les nouveaux textes constitutionnels qui régissent le

fonctionnement des Etats en Afrique depuis 1990, ouvrent formellement, pour la

première fois depuis les indépendances, la voie à ce type de contrôle, sa portée

réelle est considérablement réduite du fait d’une rationalisation excessive ainsi

qu’à une absence totale de volonté politique qui trouve sa source dans une culture

politique qui accorde plus d’importance au pouvoir Exécutif qu’aux représentants

du peuple. C’est dans cet environnement miné par le fait majoritaire que

s’exercice le contrôle politique de l’exécution des finances publiques (section I)

complètement annihilé par des entraves politiques, techniques et au musèlement

du rôle de l’opposition parlementaire (section II) qui rendent difficile la mise en

jeu de la responsabilité politique du Chef de l’Etat et de son Gouvernement.

Page 87: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

87

SECTION I : DU CONTROLE POLITIQUE ET LE FAIT MAJORITAIRE

Depuis que Lord BRYCE a écrit Modern Democraties, « le déclin des

Parlements », les positions n’ont plus cessé dans la doctrine de stigmatiser les

Parlements qui seraient devenus vassaux de l’Exécutif à cause du fait majoritaire.

Le souci de la rénovation des Parlements tend à rechercher une opposition au sein

des institutions parlementaires pour réellement assumer le rôle du contrôleur que

devrait être celui des Parlements au sein desquels les commissions d’enquête sont

enrhumées par le fait majoritaire (paragraphe 1) et où le règlement des comptes de

l’Etat (paragraphe 2) se fait de manière désintéressé.

Paragraphe 1 : Des commissions d’enquête Parlementaire et le fait

majoritaire

Si les commissions d’enquête parlementaire ont des pouvoirs étendus, le

fait majoritaire, s’il n’arrive à l’annuler entame au moins ses pouvoirs. Le fait

majoritaire se manifeste aussi bien au sein de la commission des finances (A) que

des commissions d’enquête parlementaire (B).

A- La Commission des Finances et le fait majoritaire.

Les commissions permanentes examinent les budgets sectoriels des

départements relevant de leur compétence. Les différentes commissions font leurs

rapports à la commission mère, qui est la commission des finances et des échanges

de l’Assemblée nationale. Elles peuvent également enquêter sur tout problème.

Les commissions permanentes constituent les structures de base de l’organisation

parlementaire. La coopération de la commission des finances est une nécessité,

pour tout ministre des finances désireux d’assurer l’adoption de son budget. Cette

commission joue ainsi un rôle très important dans la procédure budgétaire et

même pendant l’examen de la loi de règlement qui permet à l’Assemblée nationale

Page 88: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

88

de s’assurer de l’exécution du budget voté par elle201. Le contrôle budgétaire

s’appuie sur les pouvoirs propres des rapporteurs spéciaux des commissions des

finances qui peuvent faire des contrôles sur pièces et sur place202. La commission

des finances et des échanges exerce le contrôle parlementaire des finances

publiques et le contrôle parlementaire de l’action gouvernementale. Le pouvoir de

contrôle des finances publiques reconnu à l’Assemblée nationale fait, du Président

de la commission des finances et de son rapporteur, les agents de renseignement

du Parlement sur la gestion budgétaire de l’Etat. Conscient de cela, dès la mise

sur pied de ces commissions, la majorité soutenant les actions du Gouvernement

s’arrange pour ne pas laisser les places importantes de ces commissions aux

députés de l’opposition.

Le fait majoritaire poserait surtout le problème de la collaboration entre

parlementaires : il demeurerait très difficile de dépasser les clivages partisans,

alors même que le contrôle et l’évaluation devraient être accomplis en commun

par l’ensemble des élus203. Malgré son pouvoir d’investigation et de contrôle

poussé de l’action gouvernementale, la commission des finances n’est pas non

plus à l’abri du fait majoritaire, rendant plus délicate la mission du « rapporteur

spécial, en particulier s’il appartient à la majorité » qui « doit assumer politiquement

les difficultés que son contrôle peut soulever »204. L’attribution de la présidence de la

commission des finances de l’Assemblée nationale à un membre de l’opposition

est, à cet égard, intéressante. Elle permettra d’améliorer l’accès à l’information de

201 G. NINGATA, Député, 1er Vice-président de l’Assemblée nationale de la République Centrafricaine, « Rôle et

fonctionnement des Parlements en Afrique », Symposium international de Bamako, 2001, p. 86.

202 A. DELCAMP, « La perception du contrôle parlementaire. Comment le rendre plus attractif ? », in Pouvoirs n° 134, 2010,

p. 112.

203 J. GICQUEL, « Le contrôle parlementaire », in Séminaire du Groupe d’Etudes sur la vie et les institutions parlementaires

(GEVIPAR), lundi 11 octobre 2010, p.3.

204 Ph. DAUTRY, Ph. LAMY, « Le contrôle de la gestion publique par la Cour des comptes et par le Parlement : concurrence

ou complémentarité ? », in RFFP, n° 80, décembre 2002, p. 138.

Page 89: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

89

l’opposition afin de mieux jouer son rôle face à la majorité et au gouvernement, en

renforçant le contrôle de ce dernier205.

Le fait majoritaire tel qu’il est pratiqué au Bénin constitue l’une des

meilleures garanties de la stabilité de notre jeune démocratie. Il convient donc

d’imaginer un système qui puisse combiner les indéniables avantages du fait

majoritaire et le respect dû à l’opposition parlementaire, facteur, quelle que soit sa

couleur, de vitalité des Assemblées. Ce mariage dit « de la carpe et du lapin » peut

être envisagé au sein du Parlement et en particulier au sein de la commission des

finances pour ne pas faire de la démocratie, la dictature de la majorité206. « La

majorité parlementaire peut être une majorité au Parlement, mais être opposition par

rapport à la mouvance présidentielle ; de même la minorité parlementaire peut être dans la

mouvance présidentielle ; la distinction majorité/minorité doit donc être comprise « intra

muros » c’est-à-dire au sein de l’Assemblée nationale sans contingence ni lien avec

l’Exécutif »207. Il est donc facile de déterminer la majorité et la minorité au sein

d’une Assemblée, par le comportement et le vote des députés. Une fois identifié, il

deviendra aisé d’en tenir compte dans la constitution des commissions d’enquête

parlementaire au fin du respect du principe à valeur constitutionnelle de la

représentation proportionnelle consacré par la Cour Robert DOSSOU dans sa

décision DCC 11-047 du 21 juillet 2011208. Ainsi, les commissions d’enquête

parlementaires, dans leurs missions, se conforment dans leur composition au

respect du principe de la représentation proportionnelle.

205 P. AVRIL, « L’improbable statut de l’opposition », in LPA 2006, n° 138, p. 7.

206 K. SOMALI, Le parlement dans le nouveau Constitutionnalisme en Afrique : Essai d’analyse comparée à partir des exemples du

Bénin, du Burkina Faso et du Togo, op. Cit, p. 306.

207 A. KPODAR, « DECISION DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE. DCC 09-002 du 08 janvier 2009. « Une bonne année à

la démocratie pluraliste » », sur http://www.ddata.over-blog.cour/xxxyyy/1/35/48/78/Benin/commentaire-KPODAR-DCC-

09-002doc, consulté en juillet 2011 (7 p.)

208 H. AKEREKORO, « Entrer dans la joie de la démocratie libérale, à propos de la décision DCC 11-047 du 21 juillet 2011 de

la Cour constitutionnelle du Bénin », commentaire de décision, in droit & lois, Revue Trimestrielle d’Information Juridiques et

Judiciaires, n° 28, p. 81.

Page 90: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

90

B- Des commissions d’enquête Parlementaire

La création d’une commission d’enquête est une opération difficile. Cette

difficulté ne tient pas à l’initiative de cette opération puisqu’un ou plusieurs

députés peuvent demander par le biais d’une résolution, la création d’une

commission d’enquête209. La vraie difficulté réside dans l’ordre procédural de mise

en œuvre de ce procédé d’information. Les textes en vigueur soumettent la

création et la composition des commissions d’enquête ou de contrôle à la stricte

règle de la majorité. Ainsi, toute initiative d’enquête se trouve rejetée si elle n’est

pas cautionnée par la majorité parlementaire. La configuration politique des

commissions et le Bureau de l’Assemblée nationale qui participe à la conférence

des Présidents est déterminant. Au sein de ces organes, la majorité parlementaire

soutenant l’action gouvernementale écrase l’opposition et l’empêche de

déclencher à sa guise, tout processus d’enquête qui ne jouit pas de l’approbation

de la majorité.

Le fait majoritaire pourrait empêcher l’opposition d’abuser de cette

procédure, mais elle ne doit pas pour autant constituer une entrave dirimante à la

faculté de contrôler le Gouvernement et sacrifier les droits de l’opposition. Le

règlement intérieur de l’Assemblée nationale retient la procédure minutieuse et

solennelle des propositions de résolution pour les décisions de création des

commissions d’enquête. La proposition est, d’abord, examinée par une

commission compétente qui doit déposer son rapport dans le mois de la session

ordinaire suivant l’affectation de cette proposition210 ; ensuite, ont lieu la

discussion en séance plénière et le vote. Le Gouvernement a dans la pratique une

maîtrise de l’ordre du jour par le biais du soutien des fidèles alliés qu’il dispose au

209 114 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale du Bénin.

210 L’article 114-2 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale du Bénin.

Page 91: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

91

sein des commissions et de la conférence des Présidents. Il s’en suit que la

procédure retenue pour la création des commissions d’enquête ou de contrôle

ressemble fort bien à une course d’obstacles où les nerfs des opposants sont mis à

rudes épreuves. Le règlement intérieur de l’Assemblée donne à l’Exécutif les

moyens de s’opposer à une curiosité excessive des parlementaires. En premier

lieu, l’enquête ne doit porter que sur des faits. Cette notion de « faits » reste

incertaine puisqu’on n’exige pas que ces faits soient des faits matériels. En

deuxième lieu, le déclenchement de poursuites judiciaires limite un peu plus les

pouvoirs d’investigation des commissions.

Lorsque la justice est saisie, ni la commission d’enquête parlementaire, ni le

Gouvernement ne doit troubler ses investigations ou empiéter sur la mission de la

justice. Le pouvoir Exécutif, notamment le Garde des Sceaux, ministre de la justice

se sert de cette règle de la séparation des pouvoirs pour juguler la création des

commissions d’enquête aussitôt qu’une commission est créée au Parlement pour

faire la lumière sur une affaire de mauvaise gestion ou de corruption. Le même

problème est déféré à la justice par l’Exécutif. La commission devient alors

caduque, parce que considérée comme sub judice.

S’agissant de la création des commissions d’enquête ou de contrôle, les

pouvoirs du Parlement en la matière sont juridiquement limités dans leur objet. Et

si la commission arrive à franchir ses différentes étapes minées d’obstacles, elle va

s’organiser, faire les investigations nécessaires et établir un rapport. Là encore, le

couple Exécutif-majorité peut bloquer sérieusement l’exercice du pouvoir de

contrôle en refusant d’accorder aux commissions les moyens dont elles ont besoin

dans l’exercice de leurs missions.

Le déroulement de l’enquête reste largement tributaire de la bonne volonté

du Gouvernement. C’est ce dernier qui est en position de force par rapport au

contrôleur. On aboutit ainsi à une « investigation dépendance ». « Sentinelle de

l’orthodoxie et de la transparence des politiques publiques », les commissions

d’enquête parlementaire font état d’une inefficacité dans les mécanismes de

Page 92: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

92

contrôle du Parlement. Des 34 commissions parlementaires d'information,

d'enquête et de contrôle créées de la première législature à la cinquième, très peu

ont vu leur rapport aboutir211. Le fait majoritaire et le contrôle parlementaire qui a

fait l’objet du colloque régional sur le Parlement et la bonne gouvernance dans

l’espace UEMOA, a montré que le fait majoritaire empêche le pouvoir législatif

d’exercer son rôle de contrôleur. Le député sénégalais Seydou DIOUF, rapporteur

général de la commission de l’Economie générale, des Finances, du Plan et de la

Coopération note que les députés de la majorité parlementaire flétrissent souvent

la prégnance des partis politiques sur le fonctionnement de l’Assemblée nationale.

« La réalité des majorités confortables acquises sous la bannière des partis politiques, la

personnalisation du pouvoir exacerbée par les médias, tendent à promouvoir la primauté

présidentielle sur toutes les autres institutions ». Cette situation affaiblit selon lui

l’institution parlementaire qui peine à s’affranchir du diktat de l’Exécutif qui, au

terme de la Constitution est pourtant comptable de ses actes devant les députés.

Si, le contrôle parlementaire n’est effectivement jamais spectaculaire,

l’ensemble des procédures de contrôle ou d’évaluation, une fois mises bout à bout,

constitueraient tout de même une contribution considérable aux politiques

publiques. Le rôle de l’opposition est évidemment fondamental, parce qu’une

majorité est toujours encline à soutenir le Gouvernement. Au Bénin comme sur le

continent africain, l’information parlementaire est largement insuffisante puisque,

d’une part, le Gouvernement répond aux demandes d’information quand il veut,

d’autre part, le processus des commissions d’enquête et de contrôle se déroule

sous le poids de « l’impérialisme majoritaire »212 qui cherche à étouffer tout ce qui

pourrait nuire à l’action du pouvoir Exécutif.

Le contrôle parlementaire des finances publiques serait incomplet sans

l’assurance que le budget tel qu’approuvé a été correctement exécuté. A cette fin,

211 Voir annexe n° 1

212 C. BIDEGARAY et C. EMERI, « Le contrôle parlementaire », in RDP, 1973, p. 1719.

Page 93: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

93

un organisme national, au Bénin la Chambre des Compte de la Cour suprême est

chargée de vérifier et d’informer le Parlement sur la sincérité des comptes ainsi

que sur l’efficience et l’efficacité des dépenses publiques. Sans cette vérification

finale dans le processus du contrôle financier, les organismes dépensiers ne

seraient pas incités à se conformer aux souhaits du Parlement tels qu’exprimés

dans le budget approuvé.

Paragraphe 2 : Le règlement des comptes de l’Etat par le Parlement

Le contrôle du pouvoir est inhérent au système démocratique parce qu’il

permet de modérer le pouvoir en vue d’éviter l’arbitraire. La préoccupation

d’aménager des modalités de l’exercice du contrôle se retrouve dans tous les

domaines de la vie institutionnelle des Etats modernes et demeure encadrée et

régie par le droit. A l’exigence de l’exercice du contrôle financier considérée

comme fondamentale au point que les auteurs de la DDHC du 26 août 1789 l’ont

proclamé à l’article 14 de ladite Déclaration : « les citoyens ont le droit de

constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la

contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en

déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée », s’ajoute des

dispositions juridiques interne et communautaire qui font de cette affirmation la

nécessité de vérification de la mobilisation et de l’emploi des ressources publiques,

l’un des principes fondateurs des finances publiques modernes.

Autrefois appelé « loi des comptes » en France, la loi de règlement du

budget et des comptes de l’Etat a été instituée par la loi du 15 mai 1818 qui

l’instaure comme « le principe de l’apurement législatif des comptes budgétaires

de l’Etat ». Si, une place importante est faite pour les instances suprêmes de

contrôle comme la Chambre des comptes de la Cour suprême du Bénin, le rôle

primordial incombe à l’Assemblée nationale qui constitutionnellement règle les

Page 94: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

94

comptes de l’Etat. Le retard traditionnellement observé dans le vote des lois de

règlement (A) montre quelle est une modalité de contrôle négligée (B) par l’Etat

béninois.

A- De La loi de règlement.

L'article 2 de l'ordonnance organique française de 1959 donne à la loi de

règlement le caractère de loi de Finances. Il en est de même dans la disposition de

l’article 48213 de la loi organique n° 86-021 du 26 septembre 1986 relative aux lois

de Finances au Bénin. Elle a un double objet : constater les résultats (...) et

approuver les différences entre les résultats et les prévisions (...). Texte de

constatation et d'ajustement, le projet de loi de règlement se distingue

radicalement des autres projets de loi de Finances, qui sont des textes de prévision

et d'autorisation. Le processus administratif d’élaboration de la loi de règlement

débute dès l’arrêté définitif des comptes. Les comptes de gestion des comptables

principaux de l’Etat sont déposés in fine à la Chambre des Comptes pour son

contrôle juridictionnel. Il est accompagné d’un rapport de présentation, qui

indique notamment les changements des méthodes et des règles comptables

appliquées au cours de l’exercice. La discussion du projet de loi de règlement est

l’occasion pour le Parlement d’apprécier la portée des autorisations budgétaires

par rapport aux réalisations constatées. Dans l’appréciation des résultats généraux

de l’exécution de la loi de Finances, les rapports de la Chambre des Comptes

décèlent souvent un catalogue d’infractions à la réglementation comptable mais,

l’aspect politique des choses qui à considérablement contribué à affadir l’éclat de

l’Assemblée nationale et par là celui des pouvoirs financiers qu’elle détient214

conduit à approuver mécaniquement les lois de règlement au Bénin. Le projet de

213 Voir annexe n° 2

214 J.F. AÏVO, « Parlement béninois sous le renouveau démocratique : Réussites et échecs », in 50 ans de vie parlementaire au

Bénin, op. Cit., p. 159.

Page 95: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

95

loi de règlement est préparé, à partir des données du Compte Général de l’Etat et

des comptes certifiés des ministres. L’ensemble (projet de loi de règlement plus les

données du Compte Général de l’Etat) est ensuite transmis à la Chambre des

Comptes qui a une double mission : procéder à la certification des comptes et

produire son rapport annuel sur l’exécution des lois de Finances. Le Projet de loi

de règlement est ensuite validé en Conseil des ministres puis transmis au

Parlement. La directive n° 05/97/CM/UEMOA du 16 décembre 1997 relative aux

lois de Finances dispose en son article 44 : « le projet de loi de règlement doit être

déposé et distribué au plus tard à la fin de l’année d’exécution du budget ». En outre, ce

même article interdit de mettre en discussion le Projet de loi de Finances de

l’année n+1 devant l’Assemblée nationale avant le vote par celle-ci, du projet de

loi de règlement de l’année n-1. Le texte de la loi de règlement devrait être

examiné au cours de l'année qui suit l'exécution du budget. Par son vote,

l’Assemblée nationale donne quitus au Gouvernement pour la gestion de

l’exercice budgétaire concerné, avalise les écarts constatés entre les encaissements

des recettes et les ordonnancements des dépenses et autorise le report du déficit

ou de l’excédent constaté sur l’exercice suivant.

Pour ce faire, elle est aidée par la Chambre des Comptes qui produit à

l’appui du projet de loi de règlement, d’une part, la déclaration générale de

conformité entre les comptes individuels des comptables et le compte de

l’ordonnateur, d’autre part, un rapport sur l’exécution de la loi des Finances

concernée. Les députés devraient se garder de le voter mécaniquement. Il est l’une

des phases des contrôles de l’exécution du budget ; c’est l’ultime étape de la

procédure budgétaire et comptable qui permet d’apprécier l’action

gouvernementale et les résultats des prévisions. La loi de règlement apparaît selon

le propos de Moussa ZAKI comme un « instrument de révélation de la vérité

budgétaire ». Ses résultats sont importants pour l’appréciation de l’action

gouvernementale sur le plan financier et comptable. Après avoir procédé à toutes

Page 96: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

96

ses investigations et vérifications des actes de la comptabilité publique, le

Parlement doit exercer une double mission de règlement des comptes et de

règlement rétroactif du budget. La loi de règlement permet au Parlement de

modifier les comptes en procédant à des régularisations des irrégularités ou à les

sanctionner par un vote négatif. Le vote de la loi de règlement a ainsi pour finalité

comptable de délivrer un quitus à la gestion des opérations budgétaires et de

régulariser des opérations budgétaires qui n’ont pas été respectueuses de la

légalité budgétaire en couvrant leurs responsables. C’est pour cela que F.J. FABRE

écrit : « les lois de règlement couvrent (<) de leur autorité l’ensemble des actes

d’exécution du budget, soustrayant ceux-ci à tout contrôle contentieux ». Ce qui veut

dire qu’a contrario, le refus de voter la loi de règlement pourrait constituer la base

juridique d’actions en justice visant à l’annulation des opérations de dépenses et

de recettes exécutées au titre de la loi de Finances de l’année et des lois de finances

rectificatives. Le refus du vote de la loi de règlement expose les agents

responsables de l’exécution (ordonnateurs et les comptables) du budget à des

poursuites devant les juridictions compétentes. La loi de règlement se vote

conformément à l’article 99215 de la Constitution, des articles 48 et 49 de la loi

organique n° 86-021 du 26 septembre 1986 relative aux lois de Finances et aux

articles 44 et 90 de la directive n° 05/97/CM/UEMOA du 16 décembre 1997.

Le Parlement ne peut pas et ne doit pas renoncer à exercer son contrôle

politique à l’occasion du vote de la loi de règlement, qui est et demeure le seul vrai

instrument lui permettant d’apprécier à partir des informations financières vrais «

instruments de mesure » selon la formule Paul Marie GAUDEMET de l’action du

Gouvernement dans tous les domaines de la vie politique, économique et sociale.

L’importance du contrôle politique s’explique par la nature de l’organe habilité à

cet effet : « le Parlement, incarnation de la représentation nationale, qui exerce en

215 …. « Les lois de règlement contrôlent l'exécution des lois de finances, sous réserve de l'apurement ultérieur des comptes de la

Nation par la Chambre des Comptes de la Cour suprême».

Page 97: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

97

l’occurrence un contrôle démocratique de la gestion des finances publiques. Contrôle dont

l’effectivité correspond à l’idéal démocratique ayant présidé à la naissance de l’esprit du

droit budgétaire qui postule la perception des impôts et la réalisation des dépenses dans le

sens de l’autorisation des représentants du peuple ». Pour l’auteur Luc SAÏDJ « ce

contrôle devrait être le plus important car l’autorité délibérante serait la première

intéressée à l’exécution du budget qu’elle a voté et son contrôle émanant d’une autorité

politique, peut porter sur tous les aspects y compris l’opportunité de la gestion ainsi que

sur toute personne participant aux opérations financières ». Le vote de la loi de

règlement est une sorte de sanction pouvant être positive ou négative. Le vote

positif consiste en une ratification de la gestion budgétaire du Parlement alors que

le vote négatif est une désapprobation de la gestion budgétaire et un désaveu de la

politique du Gouvernement. La loi de règlement constitue une modalité

importante de contrôle de l’exécution du budget négligée dans la pratique et que

les textes communautaires essayent de réhabiliter.

B- Une modalité de contrôle négligée en voie de réhabilitation

Même si l’importance du contrôle parlementaire a posteriori de l’exécution

du budget est avérée dans le droit financier béninois, force est de constater dans la

pratique qu’il s’agit d’une modalité de contrôle négligée. Sous la houlette de

l’émergence de nouvelles exigences financières exprimées tant au niveau national

qu’au niveau communautaire et international, des initiatives normatives et

pratiques ont été prises dans le sens de la réhabilitation de la loi de règlement. Il

paraît trivial que de rappeler que l’espoir placé au contrôle parlementaire de

l’exécution du budget n’est pas à la hauteur des résultats souhaités. Le premier

constat qui s’impose dans les systèmes financiers africains en général et dans le

droit financier béninois en particulier est que le contrôle par la loi de règlement a

une portée pratique faible voire inexistante. Les facteurs d’explication sont

nombreux mais peuvent se ramener essentiellement à deux : le caractère technique

Page 98: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

98

marqué du contenu de la loi de règlement et le grand retard qui s’observe entre la

fin d’un exercice budgétaire et sa loi de règlement.

Par son contenu, la loi de règlement est un document technique comportant

des concepts, des chiffres et tableaux dont la compréhension n’est pas toujours

laissée à la portée de la connaissance de nos parlementaires dont le confort

intellectuel en matière financière fait douter l’opinion publique sur leur capacité à

pouvoir réellement apprécier le contenu. Raymond MUZELLEC écrit dans ce sens

: « le caractère technique du contrôle est indiscuté ». La lecture des lois de règlements

montre un contenu empreint d’une forte aridité et d’une complexité comptables.

La préparation du projet de loi de règlement par le ministre des finances fait que le

projet porte la marque du ministère des finances. Même l’exposé des motifs, censé

être en général une présentation simplifiée des dispositifs d’une loi, est en

l’occurrence chiffré. La technicité inhérente, pour l’essentiel, aux lois de Finances

contribue à diminuer l’intérêt des parlementaires pour les questions financières

dont le traitement demeure pour une large part l’affaire des adeptes.

Il est donc difficile aux parlementaires non initiés d’apprécier les

informations contenues dans la loi de règlement et donc d’exercer un contrôle

dominé finalement par une logique financière et comptable tant occulte que

rébarbative. La technicité de la loi de règlement serait donc la première cause de

son délaissement par les parlementaires dépourvus de l’assistance d’experts

pouvant leur expliquer les questions de finances publiques. Le contrôle effectué

par le juge des comptes étant essentiellement un contrôle de stricte régularité

budgétaire avec une argumentation purement comptable n’est pas susceptible

d’éclairer les délibérations et décisions des parlementaires préoccupés par

l’exercice d’un contrôle de nature politique qui transcende les éléments d’ordre

comptable pour embrasser des aspects d’efficacité et d’équité.

Il est évident qu’à travers le rapport sur l’exécution de la loi de Finances et

la déclaration de conformité, la Chambre des Comptes joue un rôle d’ «

informateur du Parlement ». La pratique montre que désarmés face à l’arsenal

Page 99: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

99

d’explications comptables et financières contenues dans le projet de loi de

règlement, confortées par les rapports de la Chambre des Comptes, les

parlementaires ne peuvent que se fier qu’à la présentation censée plus simplifiée

que dresse à leur intention la Chambre des Comptes dont les connaissances en

matière de finances publiques laisse à désirer.

Par ailleurs, les rapports élaborés par la commission des finances de

l’Assemblée nationale sont rarement critiques et se bornent plutôt à reprendre de

façon furtive dans leurs grandes lignes l’économie générale des projets de loi de

règlement tels qu’ils arrivent du ministère de l’économie et des finances. Les

parlementaires adoptent à l’unanimité et sans réserve les lois de règlement en

faisant totalement confiance au juge des comptes qui leur fait savoir

traditionnellement par une formule qui outrepasse, que « rien ne s’oppose au vote

de la loi de règlement ».

L’examen très décalé dans le temps du projet de loi de règlement par les

députés lui fait perdre tout son intérêt et toute sa pertinence. Le contrôle perd en

actualité et en portée pratique car un tel contrôle ne peut être efficace que s’il

intervient dans un laps de temps suffisamment rapproché de l’exécution du

budget concerné. Mais intervenant à des années d’intervalle du budget dont il est

chargé d’apurer les comptes, la loi de règlement perd son actualité et de sa portée

car les données financières dont il est question ont perdu leur fraîcheur et leur

pertinence. Raymond MUZELLEC écrit fort justement à ce propos : « un budget

réglé dix ans après la réalisation de ses recettes et ses dépenses n’est qu’un passe temps

inoffensif. Seuls les savants peuvent y prendre plaisir mais autant s’intéresser à quelque

tombeau mégalithique ». Ce contrôle posthume s’avère d’autant plus inefficace qu’il

ne fait pas l’objet de débats et de sanctions si nécessaire et annihile l’impact de la

loi de règlement sur l’amélioration de la gestion budgétaire. Cette renonciation des

parlementaires à leur pouvoir de contrôle disqualifie la portée de l’autorisation

budgétaire et montre à merveille que le Parlement n’est plus le titulaire du

pouvoir financier obvenu dans la pratique budgétaire contemporaine à l’Exécutif.

Page 100: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

100

Bien que la directive n° 05/97/CM/UEMOA du 16 décembre 1997 relative aux lois

de Finances, procède à une définition claire de la loi de règlement et, met fin à

l’incertitude liée au délai de dépôt du projet de loi de règlement des comptes en

prévoyant en son article 44 alinéa 1er que « le projet de loi de règlement est déposé au

plus tard à la fin de l’année qui suit l’année d’exécution du budget », on constate encore

du retard dans le vote des lois de règlement. De ce fait, il s’avère donc important

de renforcer le rôle de l’opposition parlementaire au sein de l’institution afin de lui

permettre pendant l’étude des autres lois de Finances elle puisse contribuer à

l’amélioration de nos finances publiques.

SECTION II : LE ROLE DE L’OPPOSITION PARLEMENTAIRE DANS LE

CONTROLE PARLEMENTAIRE

A l’ouverture de la session budgétaire, le Président de l’Assemblée

nationale du Bénin reconnaît la constitution récente d’une majorité parlementaire

soutenant l’action gouvernementale à travers le groupe parlementaire « Le

renouveau ». Tout en félicitant les collègues restés dans l’opposition malgré,

ajoutera-t-il, « le vent du large qui pousse imperceptiblement aux délices supposés du

pouvoir, qui ne sert en réalité que les rivages du monolithisme », il adresse

subrepticement une critique au Gouvernement en évoquant les questions de

politique économique216. Cette reconnaissance du rôle de l’opposition dans le

contrôle financier de l’Etat est une preuve qui témoigne que l’assainissement des

finances publiques et, le véritable contrôle parlementaire ne peuvent se faire sans

la participation de l’opposition dans les organes directeurs de l’Assemblée

nationale et dans la commission des finances (paragraphe 1). Une telle

216 F. AKINDES, et V. TOPANOU, « Le contrôle parlementaire de l’action gouvernementale en République du Bénin :

Une lecture sociologique », Démocratie, gouvernance et droits de l’homme, Document du programme no. 18 octobre

2005, p. 30.

Page 101: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

101

organisation pourrait contribuer à une meilleure participation du Parlement dans

la procédure des contrôles budgétaires (paragraphe 2) au Bénin.

Paragraphe 1 : Du rôle de l’opposition dans les organes directeurs de

l'Assemblée nationale et dans les commissions des finances.

S’il est vrai que les organes directeurs du Parlement ne sont pas à

proprement parler des organes de contrôle, il n’en demeure pas moins qu’ils

peuvent influencer, voire orienter les travaux au sein des instances de travail de

l’Assemblée nationale en fonction des proportions qu’occupe la majorité/minorité

(mouvance ou opposition) en leur sein. En matière du contrôle financier, une place

importante est faite à la commission des finances et des échanges en particulier, à

son Président, à son Rapporteur Général, à ses rapporteurs spéciaux ainsi qu’à ses

assistants. Une forte présence de l’opposition dans ces instances pourrait

contribuer à la rénovation du Parlement qui semble souffrir d’une anorexie en

matière du contrôle des finances publiques. Pour ce faire, la redistribution des

postes dans les organes directeurs de l’Assemblée nationale (A) et la commission

des finances (B) entre mouvance et opposition s’avère indispensable.

A- Dans les organes directeurs de l'Assemblée nationale.

Le règlement intérieur de l’Assemblée nationale encadre juridiquement la

formation et le fonctionnement des organes directeurs du Parlement béninois. Son

article 14 dispose : « L'Assemblée nationale est dirigée par un Président assisté d'un

Bureau. Le Bureau de l'Assemblée nationale, outre le Président se compose de : un premier

Vice-président · un deuxième Vice-Président · un premier Questeur · un deuxième

Questeur · un premier Secrétaire parlementaire · un deuxième Secrétaire parlementaire ».

Page 102: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

102

« Le Président dirige l'Assemblée nationale »217. « Il préside les séances plénières de

l'Assemblée nationale, les réunions du Bureau et de la conférence des Présidents. Il a la

haute direction des débats. Il est le chef de l'administration de l'Assemblée nationale et

l'ordonnateur du budget »218. « Il prononce l'irrecevabilité des projets, propositions de loi

et amendements qui ne sont pas du domaine de la loi, après délibération du

Bureau »219. « Le Bureau de l'Assemblée nationale assiste le Président dans sa fonction de

direction de l'Assemblée »220. « Il délibère sur l'irrecevabilité des projets et propositions de

loi, d'amendements qui ne sont pas du domaine de la loi »221. « Il fixe l'ordre du jour de

l'Assemblée nationale, en tenant compte des dispositions de l'article 76.2 du présent

règlement intérieur »222. L’article 19.2 dispose que « le Bureau organise les travaux de

l'Assemblée nationale et de ses commissions. A cet effet, il détermine notamment: · l'ordre

du jour de chaque session, sur proposition de son Président, après consultation de la

Conférence des Présidents;· la durée de chaque session ; · la durée des interventions, la

limitation du nombre des orateurs, leur répartition entre différents groupes et le temps de

parole attribué à chacun d'eux ; · la constitution de groupes de travail s'il y a lieu ».

Conformément à l’article 15 alinéa 2 b du règlement intérieur de

l’Assemblée nationale, l’élection des deux vice-présidents, des deux questeurs et

des deux secrétaires parlementaires tient compte autant que possible de la

nécessité de reproduire au sein du Bureau la configuration politique de

l’institution parlementaire. La présence de l’opposition au sein du Bureau de

l’Assemblée nationale est une simple faculté et les parlementaires béninois, toutes

tendances confondues, n’acceptent généralement pas que des élus d’une autre

217 Article17.1-a du règlement intérieur de l’Assemblée nationale du Bénin

218 Article17.1-c du règlement intérieur de l’Assemblée nationale du Bénin

219 Article17.1-i du règlement intérieur de l’Assemblée nationale du Bénin

220 Article17.2-a du règlement intérieur de l’Assemblée nationale du Bénin

221 Article17.2-d du règlement intérieur de l’Assemblée nationale du Bénin

222 Article17.2-e du règlement intérieur de l’Assemblée nationale du Bénin

Page 103: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

103

tendance siègent au sein du Bureau avec ceux qui ont remporté les élections

législatives. La pratique avait été plutôt, à chaque fois, de partager les postes de

responsabilité au sein du Bureau de l’Assemblée nationale entre les différents

partis appartenant, selon les résultats de l’élection, au groupe majoritaire qui est,

tantôt la majorité présidentielle, tantôt, l’opposition non encore déclarée. Pour

mettre fin à cet état de chose, la Cour constitutionnelle a érigé en principe à valeur

constitutionnelle la représentation proportionnelle majorité-minorité au sein des

organes de gestion ou d’autres institutions de l’Etat où les députés sont appelés à

siéger223. La « Cour Robert DOSSOU » dans sa décision DCC 11-047 du 21 juillet

2011 « oblige l’Assemblée nationale à s’y conformer dans le cadre de l’élection tant des

membres du Bureau de l’Assemblée nationale que des membres des Bureaux des

commissions permanentes »224. Ainsi, la Cour considère que la composition du

Bureau de l’Assemblée nationale élu le 21 mai 2011 « reflète autant que possible la

configuration politique de l’Assemblée nationale »225, mais que celui des quatre autres

membres des Bureaux des commissions permanentes « ne reflètent pas la

configuration politique de l’Assemblée nationale<que ces élections sont contraires à la

Constitution et doivent être reprises sans délai selon le principe à valeur constitutionnelle

de la représentation proportionnelle majorité/minorité »226.

La place de l’opposition doit, être préservée dans le cadre d’un Parlement

aux pouvoirs encadrés, qu’il s’agisse des fonctions législatives et de contrôle, par

la rationalisation des mécanismes de fonctionnement, voulus par les constituants

et amplifiés par le fait majoritaire dans les démocraties pluralises « fondées

223 Voir décision DCC 09-002 du 08 janvier 2009. Cette position de la Cour constitutionnelle a été confirmée dans la décision

DCC 11-047 du 21 juillet 2011. Lire, H. AKEREKORO, « Entrer dans la joie de la démocratie libérale, à propos de la décision

DCC 11-047 du 21 juillet 2011 de la Cour constitutionnelle du Bénin », ibid., pp. 78-84.

224 H. AKEREKORO, « Entrer dans la joie de la démocratie libérale, à propos de la décision DCC 11-047 du 21 juillet 2011 de

la Cour constitutionnelle du Bénin », ibid., p. 81.

225 Cf. le dix-septième Considérant de la Décision DCC 11-047 du 21 juillet 2011, ibid., p. 10.

226 Cf. le vingt-et-unième Considérant de la Décision DCC 11-047 du 21 juillet 2011, ibidem.

Page 104: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

104

essentiellement sur la philosophie politique de la dialectique constructive affublée par la

doctrine juridique et science politiste »227. À l’Assemblée nationale, l’exercice de la

fonction d’information et de contrôle se fait plus par les élus de l’opposition dans

les structures de l’Assemblée. Ainsi, l’opposition participant, par le biais de son ou

ses groupes politiques, aux structures et au fonctionnement de l’Assemblée joue sa

partition au sein de l’institution. Sans toujours réussir à surmonter son caractère

minoritaire, trouver une place au sein du bureau politique de l’Assemblée lui

permettra, au fil des législatures, d’améliorer sa position dans le cadre du contrôle

de l’action du Gouvernement. Si la place de la présidence du Bureau revenait à

l’opposition parlementaire, on pourrait peut être voir moins apparaître l’idée

négative d’un Parlement vassalisé à l’Exécutif. Au vu de la pratique parlementaire

au Bénin, il s’avère indispensable d’associer l’opposition à la détermination de

l’ordre du jour de l’Assemblée et aux activés des commissions. La présence

effective de l’opposition « rationalisée » est souhaitable dans le contexte politique

béninois au sein des organes directeurs de l’Assemblée nationale. Au vu des

prérogatives ci-dessus énoncées du Président et du Bureau, cet organe principal,

est le lieu où se jouent tous les enjeux des pouvoirs du Parlement. L’appartenance

de la majorité de ses membres à la majorité parlementaire soutenant l’action du

Gouvernement, facilite le phagocytage des pouvoirs financiers du Parlement par

l’Exécutif ce qui justifie le souhait de faire participer l’opposition dans les

structures fonctionnelles de la commission des finances.

227 A. KPODAR, « DECISION DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE. DCC 09-002 du 08 janvier 2009. « Une bonne année à

la démocratie pluraliste » », sur http://www.ddata.over-blog.cour/xxxyyy/1/35/48/78/Benin/commentaire-KPODAR-DCC-

09-002doc, consulté en juillet 2011 (7 p.), p. 2.

Page 105: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

105

B- Dans les commissions des finances.

La commission des finances est cheville ouvrière du contrôle financier de

l’Etat par l’Assemblée nationale. La preuve est qu’en 2009, pendant la période de

l’examen de la loi de Finances de 2010, le Rapporteur Général de la commission

des finances faisait noter dans le rapport qu’au total, au 30 juin 2009, les

réalisations de recettes du budget général de l’Etat sont de 372 993,3 millions de

FCFA sur une prévision révisée de 1 102 891 millions de FCFA correspondant à un

taux de réalisation de 33,8% or ; il n’y avait pas eu de collectif budgétaire au cours

de l’année 2009. Les dépenses quant à elles ont été engagées à hauteur de 446 103

millions de FCFA sur une prévision annuelle de 1 076 786 millions de FCFA, soit

un taux d’engagement de 41,4 %, ce qui fait douter de la sincérité des prévisions

de l’année. Selon le Gouvernement, la cause fondamentale des difficultés

économiques que connaît notre pays est la crise financière et économique

internationale. Or, le rapporteur notait qu’il était aisé de constater que des

dépenses improductives ont été engagées sur le budget national ; le non respect de

l’orthodoxie budgétaire à travers une fréquence élevée de dépenses

extrabudgétaires, un recours exagéré aux Ordres de Paiement (OP) et aux

décharges provisoires à régulariser, ont affecté les finances publiques ;

d’importantes subventions et exonérations fiscales et douanières allant jusqu’en

2010 ont été octroyées souvent anormalement au détriment du Trésor Public.

Toutes ces observations contenues dans son rapport montrent son

importance et le rôle primordial qu’est celui du Rapporteur Général de la

commission des finances. Sur la base de ce travail de la commission, le poids de

l’opposition parlementaire a permis de rejeter le projet de loi de Finances exercice

2010. En réalité, le véritable travail d’analyse du projet de loi de Finances se ferait

au sein de la commission des finances si le fait majoritaire le permettait et que

l’opposition pouvait. C’est à l’intérieur des commissions que les partis politiques,

Page 106: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

106

par l’entremise de leurs groupes tentent d’influer sur le travail législatif. Après

l’examen en commission, le texte est soumis en séance publique pour discussion.

A ce niveau, le Gouvernement sur sa propre initiative ou par l’entremise de sa

majorité oriente le débat dans le sens qu’il veut, soit par des moyens juridiques

tirés de la Constitution, soit par des moyens partisans dont le fondement principal

doit être recherché dans la pression morale qu’exerce le Chef de l’Etat sur les

parlementaires. C’est dans cette commission que la loi de Finances s’examine

dans le fond. C’est elle qui mène, étudie, critique, discute et amende le texte du

projet de loi ; place doit être faite à l’opposition au sein de cette commission. Le

poids des critiques de l’opposition ont été déterminantes lors du débat budgétaire

de 2009 et a conduit au rejet par l’Assemblée du budget général de l’Etat exercice

2010. Ce rejet n’aurait pas eu lieu si les parlementaires de l’opposition n’avaient

pas joué pleinement leur partition dans la procédure budgétaire.

Paragraphe 2 : Pour une meilleure participation du Parlement dans la

procédure des contrôles budgétaires.

Au vu de la pratique du fait majoritaire soutenant l’action du

Gouvernement, les députés qui s’alignent derrière l’action gouvernementale

n’usent plus souvent de leur pouvoir de contrôle. La persistance de ces pratiques

pousse à considérer le législatif comme un organe de « décor » chargé d’entériner

simplement leurs décisions et non comme un interlocuteur valable. Déjà que les

parlementaires manquent d’audace politique et psychologique pour assumer

pleinement leurs fonctions de législateur. Politiquement, leur statut et les

conditions de leurs élections, leur interdisent d’observer une attitude critique et

encore moins de contester l’action du Gouvernement qu’épousent certains.

Psychologiquement, la crainte de l’exclusion ou du non renouvellement du

mandat et par conséquent la perte des avantages et privilèges qui s’y rattachent,

les poussent à la complaisance et à l’abandon des missions pour lesquelles ils sont

Page 107: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

107

élus. Les espoirs de la rénovation des pouvoirs financiers de nos Parlements

semblent être dans les mains de l’opposition. Ce qui laisse penser que pour une

meilleure participation du Parlement dans les procédures des contrôles financiers,

il faudrait, d’une part, revaloriser l’opposition parlementaire à l’Assemblée

nationale (A), d’autre part, réviser les normes fondatrices des pouvoirs financiers

du Parlement (B).

A- la revalorisation de l’opposition Parlementaire à l’Assemblée

nationale.

La volonté d’accorder des droits spécifiques à l’opposition bute d’abord sur

sa définition. Selon le dictionnaire du droit constitutionnel, il existe plusieurs sortes

d’oppositions : opposition au régime, opposition à l’ensemble des forces

politiques, opposition au pouvoir en place228. La loi n° 2001-36 du 14 octobre 2002

portant Statut de l’opposition au Bénin définit en son article 2 que « L’opposition

est constituée de l’ensemble des partis, alliances de partis ou groupes de partis politiques

qui, dans le cadre juridique existant, ont choisi de professer pour l’essentiel, des opinions

différentes de celles du Gouvernement en place et de donner une expression concrète à

leurs idées dans la perspective d’une alternance démocratique ». La loi portant statut de

l’opposition fait référence aux « critères d’appartenance à l’opposition » et non aux

critères d’appartenance à la minorité ou à la majorité parlementaire. L’opposition

ici est analysée par rapport à l’Exécutif. Pour peut être plus d’efficacité, la majorité

parlementaire doit pouvoir être soumise au respect de principes supérieurs qui

incarnent le consensus national approuvé par le peuple lors de la conférence des

forces vives de la nation.

Renforcer le rôle de l’institution parlementaire passe aujourd’hui par un

substantiel accroissement des droits et prérogatives reconnus à l’opposition, tant

228 M. DE VILLIERS, Dictionnaire du Droit Constitutionnel, Armand Colin, 2005.

Page 108: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

108

en matière législative que dans le domaine du contrôle. Il serait par conséquent

souhaitable que l’opposition puisse bénéficier d’une partie de l’ordre du jour

parlementaire, voire même déterminer l’ordre du jour de la plénière, ceci ne

manquerait pas de concourir à l’amélioration du débat démocratique. Il apparaît

nécessaire de permettre à l’opposition parlementaire de susciter la création de

commissions d’enquête sans que les membres de l’organe principal directeur de

l’Assemblée ne s’y opposent. L’opposition peut apparaître ici comme le porte-

parole de l’institution parlementaire elle-même en suscitant un développement de

ses instruments de contrôle.

En l’état actuel du droit, à quelques exceptions près, les organes internes

aux Assemblées représentent la composition politique de l’Assemblée elle-même.

Par conséquent, la conférence des Présidents, le bureau ou les commissions

permanentes, en un mot les organes directeurs des Parlements sont le reflet de la

majorité parlementaire. Ces organes ne sont donc pas naturellement portés à faire

vivre l’institution parlementaire contre le Gouvernement. Il conviendrait dès lors

d’y associer statutairement l’opposition en envisageant, une présidence tournante.

Dans la configuration actuelle de l’Assemblée nationale, l’alignement de la

majorité Parlementaire derrière l’Exécutif écarte l’opposition parlementaire de

l’information régulière et légitime sur l’exécution du budget. Compte tenu du

caractère instable de l’opposition parlementaire et de la transhumance politique au

Bénin, il serait intéressant de mener une réflexion approfondie sur le statut que

devra avoir l’opposition parlementaire pour mieux exercer les pouvoirs financiers

du Parlement. Il faudrait bien réfléchir à trouver dans quel couvert présenter ce

menu où « renard et cigogne » se trouvent convier. La réponse à une telle énigme

ouvre la porte à révision de certaines normes fondant les pouvoirs financiers du

Parlement.

Page 109: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

109

B- La révision des normes fondant les pouvoirs financiers du Parlement.

L’intérêt du débat budgétaire, il faut le reconnaître, s’est érodé au fil du

temps. Son formalisme excessif le fait bien souvent sombrer dans la routine. La

nouvelle loi organique relative aux lois de Finances pourrait contribuer à

redynamiser la discussion du projet de loi de Finances en lui donnant un caractère

contradictoire229. Cette loi devra également permettre au Parlement de participer

aux débats d’orientation budgétaire ou aux débats sur les prélèvements fiscaux

afin de permettre une meilleure évaluation par le Parlement du cap fixé par le

Chef du Gouvernement et qui, est traduit dans la loi de Finances. Offrir au

Parlement la possibilité de créer des programmes, de faire des arbitrages entre

programmes relevant d’une même mission, romprerait avec l’examen actuel des

textes budgétaires enferré dans une nomenclature et procédure bridant à l’excès

l’initiative des parlementaires. Ainsi, le Parlement pourra faire valoir sa vision des

priorités de l’action publique, sans que cette liberté à lui offerte, ne conduise à

remettre en cause le principe fondamental sur lequel repose l’architecture de nos

institutions, et selon lequel, le Chef du Gouvernement, le Chef de l’Etat détermine

et conduit la politique de la nation.

Redonner vie au débat budgétaire, mieux contrôler la dépense publique et

mieux évaluer les politiques, tels devront être les deux axes d’une reforme

capitale, qu’il nous faudra mettre en œuvre230. La réussite d’une telle entreprise

suppose que l’Assemblée nationale soit pleinement associée en amont à la

définition des missions, des programmes et des indicateurs de performance. La

qualité du travail de chaque parlementaire est en jeu et celle des relations entre

l’Exécutif et le législatif, en cause. La définition des missions, des programmes et

des indicateurs ne doit pas être un exercice technique consistant à reconduire, à

229 J-L DEBRE, « Une reforme capitale à mettre en œuvre », in RFFP n° 82, juin 2003, p. 14.

230 Idem

Page 110: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

110

peu de chose près, les agrégats budgétaires et indicateurs actuels. Dans ce cas,

l’esprit de la nouvelle loi organique serait à l’évidence compromise231.

Un autre axe de la réforme qui serait souhaitable dans la nouvelle loi

organique concerne l’évaluation et le contrôle qui, jusqu’ici, occuperait une place

centrale dans l’activité du Parlement. En contrepartie d’une plus grande souplesse

qu’on devra accorder au Gouvernement dans la gestion de la dépense publique,

gage d’une efficacité accrue, le contrôle exercé par la représentation nationale doit

être renforcé. Il devra pouvoir déboucher sur des sanctions aussi bien pénale,

civile, qu’administrative des responsables identifiés, auteurs de la faute.

Bien que les prérogatives actuelles dont disposent le Président de la

commission des finances, son rapporteur général et les rapporteurs spéciaux

constituent un atout majeur dans leurs mains pour assurer au plus près le contrôle

de la dépense publique, il est encore possible d’aller plus loin à la double

condition de conforter la place des rapporteurs spéciaux qui, au-delà du rôle qu’ils

jouent pendant la durée de l’examen du projet de loi de Finances, qu’ils soient

investis d’une mission de contrôle permanente des administrations, et de

développer une collaboration plus étroite entre la Chambre des Comptes ou la

Cour des Comptes et l’Assemblée nationale. Le Parlement aurait tout à gagner en

s’investissant dans l’évaluation des politiques publiques en créant une

commission permanente qui servira de mission permanente d’évaluation et de

contrôle des politiques publiques. Cette nouvelle commission devra avoir à sa tête

un député de l’opposition parlementaire, place qu’il perdra s’il devenait membre

de la majorité/minorité parlementaire soutenant l’action gouvernementale.

Le rééquilibrage des pouvoirs financiers du Parlement passe

nécessairement par une rénovation du droit d’amendement. Pour le faire, on

pourrait donner une place importante à l’article 103 de la Constitution qui dispose

que « les députés ont droit d'amendement » et ne faire aucune restriction comme le

231Ibidem., p 20.

Page 111: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

111

fait la disposition de l’article 107 de la Constitution. Il faudrait aussi peut être

pensé à revoir le contexte de l’article 54 de la Constitution qui dispose que « le

Président de la République est le détenteur du pouvoir Exécutif. Il est le chef du

Gouvernement, et à ce titre, il détermine et conduit la politique de la Nation ». Il faudra

aussi empêcher le Chef de l’Etat d’user de ses pouvoirs exceptionnels dans le

domaine des finances publiques.

Page 112: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

112

CONCLUSION

Les facteurs expliquant le déclin des pouvoirs financiers du Parlement sont

le poids des contraintes normatives, le développement du droit communautaire, la

complexité et la technicité du budget, l’interdépendance du budget et de

l’économie, la pratique mercantiliste des députés. Sinon, loin d’être dépourvu de

pouvoirs en matière budgétaire, le fait majoritaire a poussé le Parlement à

renoncer à l’usage de ses pouvoirs. Les députés de l’opposition malgré leur

volonté de jouer pleinement leur rôle dans le processus budgétaire, sont

confrontés de leur côté au jeu politique et aux influences du pouvoir de l’argent.

Entre autre, le mandat du député devrait être considéré comme un « job à temps

plein » et non comme un « job à temps partiel », telle que la pratique de la chaise

vide souvent constatée dans l’hémicycle la montre. Cet état de chose peut se

justifier par le confort intellectuel des élus qui les tiennent à carreaux du caractère

technique que revêtent les discussions sur les projets de loi de Finances. Malgré

l’assistance technique que peuvent lui apporter, la Chambre des Comptes, la

CAPAN, l’UNACEB, et les assistants de la commission des finances et des

échanges, le Parlement ne se retrouve pas au même pied d’égalité avec l’Exécutif

en matière budgétaire.

La technostructure dont émane le projet de loi de Finances est loin d’être

concurrencée par les appuis techniques que peuvent apporter les structures ci-

dessus citées au Parlement. La délocalisation de la production normative due au

fait du développement du droit communautaire est un facteur justificatif de la

perte du pouvoir fiscal des Assemblées nationales. Pour bon nombre de pays en

voie de développement comme le Bénin, l’Exécutif et le Législatif ne sont plus les

seules matrices des finances publiques. La mondialisation et l’interdépendance des

marchés économiques accroissent de plus en plus l’intervention des acteurs

nouveaux dans la sphère financière de l’Etat. Les objectifs d’éradication de la

pauvreté dans ces pays posent souvent la problématique des réformes budgétaires

Page 113: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

113

et par là, des Etats. Les aides au développement sont désormais conditionnées par

la modernisation des processus budgétaires, l’harmonisation régionale ou sous-

régionale du droit budgétaire. Le pacte de convergence de l’UEMOA, la

déclaration de Paris de 2005, le consensus de Washington, sont autant

d’instruments qui influent sur les finances publiques de nos Etats. La dépendance

de nos Etats aux aides au développement, tend à lier les mains du Gouvernement

et du Parlement en matière financière.

Par ailleurs, le fait majoritaire a contribué dans une large mesure à

l’abaissement des pouvoirs financiers du Parlement qui, déjà, n’avait aucune

emprise sur le contenu chiffré des projets de lois de Finances. Son droit

d’amendement, rigidement encadré aussi bien dans la Constitution que dans le

règlement intérieur de l’Assemblée, ne lui laissait plus que la possibilité d’un

contrôle a priori et a postériori à travers les commissions d’enquête parlementaires

aussi vicié par le fait majoritaire. Le fait majoritaire tend à rendre obsolète ce

contrôle qui, a proprement parler, est le seul pouvoir non érodé de nos Parlements

malgré l’efficacité peu probant de ce dernier. La discipline du groupe et la

configuration politique des commissions d’enquête tend à les résumer en des

miroirs aux alouettes.

Les députés de la majorité soutenant l’action gouvernementale, au nom de

la discipline du groupe, ont du mal à jouer pleinement leur rôle de contrôle de

l’action gouvernementale et de l’évaluation des politiques publiques, obstruant

ainsi les conclusions des commissions d’enquête où ils sont majoritairement

représentés. La rénovation des pouvoirs financiers du Parlement passe

nécessairement par la participation de l’opposition parlementaire à toutes les

structures de décisions ayant rapport avec le processus budgétaire. Cette place de

choix à l’opposition serait un gage de redynamisation du débat budgétaire au

Bénin. Il serait important d’envisager la possibilité d’un contrôle ex ante du

Parlement dans le processus d’élaboration de la loi de Finances. Le concept de la

gestion axée sur les résultats, pour prendre corps, nécessite la révision de la loi

Page 114: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

114

organique n° 86-021 du 26 septembre 1986 relative aux lois de Finances. Il faudra

désormais intégrer à la nouvelle loi organique, les dispositions permettant la

création de la Cour des Comptes, la philosophie de la gestion axée sur les résultats

contenue dans le décret n°2005-789 du 29 décembre 2005, portant approbation du

Cadre de Réforme de la Gestion Budgétaire Axée sur les Résultats (Car-GBAR) au

Bénin, donner plus de flexibilité au pouvoir d’amendement des élus, mettre à jour

les grands principes budgétaires en y ajoutant le principe de la sincérité de

l’évaluation des recettes et des dépenses (les prévisions budgétaires). Renforcer si

possible les droits de l’opposition parlementaire contenus dans la loi portant statut

de l’opposition au Bénin et, assurer leur effectivité afin que les critiques et les

observations de ses députés puissent participer à l’amélioration de la gestion

financière de l’Etat. Elle doit participer en temps que membre permanent aux

travaux de la commission des finances et des échanges afin d’avoir un regard

continu sur les documents financiers que le ministère des finances communique

tout le long de l’année à cette commission. La démocratie est essentiellement un

système de surveillance et de contrôle et, c'est précisément sur cette fonction de

contrôle que doivent se recentrer les pouvoirs financiers élargis d'un Parlement

rénové. Les pouvoirs financiers du Parlement retrouveront tout leur éclat si le

confort intellectuel des députés s’améliorait en matière financière et qu’il y avait

des députés capables de jouer pleinement leur rôle juridiquement consacré dans le

droit financier béninois.

Page 115: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

115

ANNEXES

Annexe n°1 : CRÉATION DE COMMISSIONS PARLEMENTAIRES

D'INFORMATION, D'ENQUETE ET DE CONTROLE.

Première, deuxième, troisième, quatrième et

cinquième législatures

Première législature (1991-1995)

1-Création d'une commission parlementaire d'information, d'enquête et de

contrôle sur la gestion et les activités du Président de l'Assemblée nationale

(23 décembre 1992), Président : Théophile PAOLETI

Deuxième législature (1995-1999)

1- Création d'une commission parlementaire d'information, d'enquête et de

contrôle sur les activités du Port Autonome de Cotonou PAC (09/07/1996),

Président : Abdoulaye Malam IDI

2- Création d'une commission parlementaire d'information, d'enquête et de

contrôle sur le projet "SANTE et POPULATION" (23/01/1997), Président : Albert

SINATOKO

3- Création d'une commission parlementaire d'information, d'enquête et de

contrôle sur l'organisation du 6ème Sommet de la Francophonie (24/01/1997),

Président : Rémy AHOUADI.

4- Création d'une commission parlementaire d'information, d'enquête et de

contrôle sur la rénovation de l'hôpital de Porto-Novo (24/01/1997), Emile

AHOUANGONOU.

Page 116: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

116

5- Création d'une commission parlementaire d'information, d'enquête et de

contrôle sur les tentatives vivant a empêcher la proclamation des résultats des

élections présidentielles de mars 2006 (24/01/1997) finalement annulée par les

mêmes députés ;

6- Création d'une commission parlementaire d'information, d'enquête et de

contrôle sur la zone sanitaire de la région Nord de l'Atacora (27/01/1997),

Président : Félix ESSOU DANSOU.

7- Création d'une commission parlementaire d'information, d'enquête et de

contrôle sur les prêts relatifs a la construction et l'aménagement des routes et

pistes de desserte rurale accordes à la République du Benin (27/01/1997),

Président :

8- Création d'une commission parlementaire d'information, d'enquête et de

contrôle sur la SONAPRA (27/01/1997), Président : Roger OROU GARBA.

Troisième législature (1999-2003)

1- Création d’une commission parlementaire d’information, d’enquête et de

contrôle suite à l’incident du 15 novembre 1999 dont est victime le

Président de l’Assemblée nationale (19/11/1999), Président :

2- Création d’une commission parlementaire d’information, d’enquête et de

contrôle pour connaître l’affaire de véhicule d’occasion (02/12/1999,

Président : Candide AZANNAÏ.

3- Création d'une commission parlementaire d'information, d'enquête et de

contrôle sur le Cabinet BETA (21/02/2000), Président :

4- Création d'une commission parlementaire d'information, d'enquête et de

contrôle relative à l'organisation des écoutes téléphoniques au Bénin

(21/02/2000), Président : Ismaël TIDJANI SERPOS

Page 117: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

117

5- Création d'une commission parlementaire d'information, d'enquête et de

contrôle sur les logements sociaux (10/07/2000), Président : Léopold FAÏZOUN

6- Création d'une commission parlementaire d'information, d'enquête et de

contrôle sur le point des entreprises d'Etat dénationalisées (10/07/2000), Président :

Quatrième législature (2003 – 2007)

1- Commission parlementaire d'information, d'enquête et de contrôle sur

l'acquisition d'une centrale électrique à Tacoradi (créée le 14/07/2004), Président :

Ismaël TIDJANI SERPOS; rapport examiné le 10/02/2005) ;

2- Commission parlementaire d'information, d'enquête et de contrôle sur la

gestion et la survie du commerce de véhicules d'occasion de l'escorte de ces

véhicules ainsi que l'impact de la filière sur la vie socio-économique et

environnementale de la République du Bénin (créée le 14/07/2004), rapport

examiné les 08 et 10/02/2005) ; Président : Isidore TOSSOU ;

3- Commission parlementaire d'information, d'enquête et de contrôle sur le

pèlerinage marial a la grotte Arigbo de Dassa-Zoumè (14/07/2004), rapport

examiné le 03/02/2006), Président : Théophile NATA .

4- Commission parlementaire d'information, d'enquête et de contrôle sur le

guichet unique au Port Autonome de Cotonou (14/07/2004), rapport examiné les

04 et 07/04/2005Président : Domonique HOUNGNINOU.

5- Commission d'information relative aux déclarations de l'ex-Ministre chargé des

relations avec les institutions, la société civile et les béninois de l'extérieur sur la

réalisation et la confection de la LEPI. (23/12/2004), Rapport examiné le

18/04/2006) ; Président : Bernard DAVO ;

Page 118: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

118

6- Mission d'information sur l'interaction de monsieur Isidore K. TOSSOU,

député à l'Assemblée nationale, avec certains agents de la Brigade anti-criminalité

(dossier confié à la C5), rapport examiné le 04/08/2005) ; Président Bernard DAVO

7- Commission parlementaire d'information, d'enquête et de contrôle sur les

problèmes liés à la sous filière intrants agricoles (28/02/2005), rapport examiné le

02/05/2006 ; Président : Daouda TAKPARA.

8- Sept (07) Commissions parlementaires spéciales et temporaires chargées de

contrôler les comptes de l'Assemblée nationale des budgets 1999 à 2005 (créées le

10/07/2006 et examiné les 05 et 06 février 2007), Président :

9- Commission parlementaire d'information, d'enquête et de contrôle sur le

complexe cimentier d'Onigbolo (rapport examiné le 08/02/2007), Président : André

DASSOUNDO.

Cinquième législature (2007-2011)

1- Proposition de résolution tendant à la Constitution d'une commission

parlementaire d'enquête sur la situation qui prévaut dans les CAR et URCAR et

les actions concrètes que mène le Gouvernement pour la relance de la filière

palmier à huile( crée le 12/01/09) ; rapport déposé non examiné; Président : Jean-

Baptiste EDAYE

2- Proposition de résolution tendant à la Constitution d'une commission

parlementaire d'enquête relative à la destitution d'un Président de la CENA (mise

en place de la commission attendue) ;

3- Mission d'information envoyée à Tchaourou suite au drame survenu dans

certains villages ayant pour cause l'intoxication alimentaire des populations ; le

point a été fait par le Député Dominique SOHOUHLOUE lors d’une séance

plénière.

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119

4-Mission d'information parlementaire en direction des personnes et structures

impliquées dans le démantèlement des populations d'Agla Zone "C", Président :

Epiphane QUENUM.

5-Commission parlementaire d’enquête chargée de vérifier les activités et la

gestion du Président de l’Assemblée nationale (00/00/09) rapport déposé non

examiné ; Président : Ismaël TIDJANI SERPOS.

6- Commission parlementaire d’enquête chargée de vérifier la gestion des

microcrédits aux plus pauvres (23/01/09), rapport non déposé Président : Jude

LODJOU.

7-Commission parlementaire d’information, d’enquête susceptible de déboucher

sur l’adoption d’un projet de loi portant création, organisation et fonctionnement

des Offices à caractères social, culturel et scientifique (30/01/09),rapport non

déposé ; Président : André DASSOUNDO.

8-Commission parlementaire d’information, d’enquête et de contrôle sur la gestion

de l’escorte des véhicules d’occasion (26/05/09), rapport non déposé ; Président :

9-Examen du rapport relatif à la mise en place d’une commission spéciale et

temporaire sur le contrôle annuel de l’examen du budget 2007 de l’Assemblée

nationale (rapport examiné le 12/06/09).

10-Examen du rapport relatif à la mise en place d’une commission spéciale et

temporaire sur le contrôle annuel de l’examen du budget 2008 de l’Assemblée

nationale (rapport examiné le 12/06/09.

Porto-Novo, le 15 octobre 2009

Source : Service des séances et questions, Transcription et rédaction.

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Annexe n° 2 : Loi Organique n° 86-021 du 26 Septembre 1986 relative aux

lois de Finances.

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Annexe n° 3 : Tableau des amendements (2002-2010)

Assemblée nationale du Bénin.

Années

Nombre

d’amendements

déposés

Nombre

d’amendements

acceptés

Nombre

d’amendements adoptés

2002 60 4 3

2003 45 3 3

2004 50 1 1

2005 40 4 4

2006 Pas disponible

2007 Pas disponible

2008 Pas disponible

2009 64 7 4

2010 38 9 0 (loi rejetée)

Source : Commission des Finances de l’Assemblée nationale du Bénin

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135

Annexe n° 4 : Tableau du déroulement des grandes phases

préparatoires du projet des lois de Finances

PERIODE TRAVAUX A EXECUTER

Début Avril N-1 Demande des propositions budgétaires des ministères, institutions de l’Etat et

organismes autonomes (demande contenue dans la lettre de cadrage).

Mai et Juin N-1 - Réception des propositions budgétaires des ministères, institutions et

organismes autonomes ;

- Discussions des prévisions de recettes avec les règles financières.

Juillet Août N-1 Dépouillement, centralisation et synthèse des propositions budgétaires.

Septembre N-1 - Discussions budgétaires avec les ministères, les institutions de l’Etat et

organismes autonomes à la Direction Générale du Budget ;

- Conférences budgétaires ;

- Présentation de l’avant-projet de loi de Finances au Gouvernement par le

ministre chargé des finances, pour adoption.

Octobre N-1 Transmission du projet de loi de Finances au Conseil Economique et Social

pour avis consultatif puis à l’Assemblée nationale pour examen et vote.

Source : Guide de procédures, de lecture et d’analyse des projets de lois de Finances, document de travail à l’usage des députés, novembre 2008, p.25 .

Page 136: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

136

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rajeunie ! », RFFP, n° 79, 2002.

­­ R. HERTZOG, « Une grande première : la réforme du droit budgétaire de l’Etat par le

Parlement », RFFP, n° 73, 2001.

­­ R. PELLET, « Réformer la Constitution financière : pour de nouveaux principes

budgétaires », RDP, N° ½, L.G.D.J, 2002, 313 p.

­­ Revue de l’OCDE sur la gestion budgétaire – « Le cadre juridique des

systèmes budgétaires : une comparaison internationale », OCDE, volume 4 – numéro

3, 2004.

­­ S. MAHIEUX, « La loi organique relative aux lois de Finances du 1er août 2001 »,

RFFP, n° 76, 2001.

­­ S. YONABA, « Le système financier des Etats africains francophones à l’épreuve de

l’impératif de « discipline budgétaire » », in Mélange en l’honneur de Robert

HERTZOG, Réformes des finances publiques et modernisation de l’administration,

économica, 2011, 621 p.

­­ V. OGIER-BERNAUD, « L'évolution décisive de la jurisprudence constitutionnelle

relative à l'exercice du droit d'amendement en cours de navette Parlementaire »,

RFDC, 2006/3 n° 67.

­­ X. CABANNES, « L’Etat, le Parlement et le consentement à l’impôt », RFFP, n° 77,

2002, 227 p.

­­ X. VANDENDRIESSCHE, « Le Parlement entre déclin et modernité », Pouvoirs, n° 99,

2001/4.

III- TEXTES JURIDIQUES

- Constitution du 11 décembre 1990

- Loi organique n°86-021 du 26 Septembre 1986 relative aux lois de Finances

- Loi organique n° 2001-692 relative aux lois de Finances (« LOLF ») du 1er août 2001.

- Règlement Intérieur de l’Assemblée nationale

- Ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de

Finances

- Directive n°05/97/CM/UEMOA, relative aux lois de Finances

- Directive n°06/2009/CM/UEMOA relative aux lois de Finances

Page 141: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

141

IV- Jurisprudence constitutionnelle

­­ Décision DCC 06-108 du 11 août 2006

­­ DC 00-078 du 07/12/2000 in Cour constitutionnelle du Bénin, Recueil des décisions et

avis 1998, p. 333 et 2000, p. 287

­­ DCC 00-058 du 10/10/00

­­ DCC 98-068 du 19/08/1998

V- Commentaire de la Jurisprudence constitutionnelle

­­ A. KPODAR, « DECISION DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE. DCC 09-002 du

08 janvier 2009. « Une bonne année à la démocratie pluraliste » », sur

http://www.ddata.over-blog.cour/xxxyyy/1/35/48/78/Benin/commentaire-KPODAR-

DCC-09-002doc, consulté en juillet 2011

­­ H. AKEREKORO, « Entrer dans la joie de la démocratie libérale, à propos de la

décision DCC 11-047 du 21 juillet 2011 de la Cour constitutionnelle du Bénin »,

commentaire de décision, in droit & lois, Revue Trimestrielle d’Information Juridiques et

Judiciaires, n° 28, pp. 78-84.

VI- RAPPORTS

­­ Rapport général de la Commission des Finances et des échanges sur le

budget 2010, Assemblée nationale.

­­ A. ACHOUR, S. BRIGNONEN et M. ZOUNON, Evaluation des finances publiques

selon la méthodologie PEFA en République du Bénin, Programme FED de l’Union

Européenne pour le Bénin, Rapport final, 2007.

Page 142: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

142

TABLE DES MATIERES

Introduction ..........................................................................................................................2

PREMIERE PARTIE : LA CONSECRATION DU ROLE DU PARLEMENT EN

MATIERE FINANCIERE. ................................................................................................... 12

SECTION I : L’AFFIRMATION NORMATIVE DU ROLE DU PARLEMENT EN

MATIERE FINANCIERE ................................................................................................. 14

Paragraphe 1 : Les pouvoirs financiers du Parlement dans la

Constitution et les conventions internationales ...................................... 15

A- Des normes Constitutionnelles ............................................................ 15

B- Des normes conventionnelles. .............................................................. 18

Paragraphe 2 : Les pouvoirs financiers du Parlement dans la loi et

les règlements ............................................................................................................... 21

A- Des dispositions législatives................................................................... 21

B- Des dispositions règlementaires........................................................... 22

Section II : LA RATIONALISATION DES PROCEDURES BUDGETAIRES . 24

Paragraphe 1 : Du respect des grands principes budgétaires ............. 24

A- Les grands principes budgétaires ........................................................ 24

B- Les limites pratiques aux principes budgétaires........................... 31

Paragraphe 2 : Du pouvoir d’amendement des Parlementaires ............ 36

Page 143: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

143

A- Des encadrements du droit d’amendement ...................................... 37

B- Les limites du droit d’amendement ........................................................ 40

CHAPITRE II : UNE CONSECRATION « ATTENUEE » ........................................... 42

SECTION I : LES AUTORISATIONS PARLEMENTAIRES COMME

ELEMENTS D’ATTENUATION DU ROLE DU PARLEMENT EN MATIERE

FINANCIERE. .................................................................................................................... 42

Paragraphe 1 : Des recettes et des dépenses de l’Etat ........................... 43

A- Des recettes de l’Etat ................................................................................ 44

B- Des dépenses publiques .............................................................................. 47

Paragraphe 2 : Des contrôles institués ........................................................... 50

A- Les contrôles en cours d’exécution. .................................................. 51

B- des contrôles a postériori ....................................................................... 53

SECTION II : L’UTOPIE DES AUTORISATIONS PARLEMENTAIRES ........... 56

Paragraphe 1 : Le théâtre des Parlementaires et les débats

budgétaires ...................................................................................................................... 56

A- La discussion en commission du projet de loi de Finances ....... 57

B- La discussion en plénière du projet de la loi de Finances ............ 59

Paragraphe 2 : L’omnipotence de l’Exécutif dans la procédure

d’adoption des lois de finances ............................................................................. 62

A- Une prépondérance non contestée de l’Exécutif ........................ 62

Page 144: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

144

B- L’introuvable pouvoir financier du Parlement ............................ 64

DEUXIEME PARTIE : L’ABAISSEMENT DU ROLE DU PARLEMENT EN

MATIERE FINANCIERE. ................................................................................................... 66

CHAPITRE I : L’EFFACEMENT DU PARLEMENT DANS LA PROCEDURE

BUDGETAIRE........................................................................................................................ 67

SECTION I : LA PRIMAUTE DE L’EXECUTIF DANS LA PROCEDURE

BUDGETAIRE .................................................................................................................... 67

Paragraphe 1 : Le monopôle non contesté de l’Exécutif en matière

financière. ........................................................................................................................ 68

A- L’initiative budgétaire, la chasse gardée de l’Exécutif. ........... 68

B- La perte par le Parlement du calendrier du débat

budgétaire. ................................................................................................................... 70

Paragraphe 2 : Le Parlement, un acteur secondaire ou facultatif .. 71

A- Un acteur secondaire ................................................................................. 72

B- Un acteur facultatif, mais nécessaire............................................... 73

SECTION II : LA PERTE DES POUVOIRS FISCAUX DU PARLEMENT ........ 75

Paragraphe 1 : Du principe du consentement à l’impôt et des limites

du Parlement................................................................................................................... 75

A- Du principe juridique................................................................................... 76

Page 145: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

145

b- Des limites pratiques ....................................................................................... 78

Paragraphe 2 : Des limitations dues au développement du droit

communautaire en matière fiscale ...................................................................... 82

A- Le développement des conventions fiscales internationales .

................................................................................................................................. 82

B- Le développement du droit communautaire en matière fiscale

................................................................................................................................. 84

CHAPITRE II : LE CONTROLE PARLEMENTAIRE EN MATIERE

FINANCIERE, L’ULTIME POUVOIR MAL EXPLOITE DU PARLEMENT. ........ 86

SECTION I : DU CONTROLE POLITIQUE ET LE FAIT MAJORITAIRE.......... 87

Paragraphe 1 : Des commissions d’enquête Parlementaire et le fait

majoritaire ....................................................................................................................... 87

A- La Commission des Finances et le fait majoritaire. ..................... 87

B- Des commissions d’enquête Parlementaire ...................................... 90

Paragraphe 2 : Le règlement des comptes de l’Etat par le

Parlement ......................................................................................................................... 93

A- De La loi de règlement. ............................................................................... 94

B- Une modalité de contrôle négligée en voie de réhabilitation

97

Page 146: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

146

SECTION II : LE ROLE DE L’OPPOSITION PARLEMENTAIRE DANS LE

CONTROLE PARLEMENTAIRE ................................................................................... 100

Paragraphe 1 : Du rôle de l’opposition dans les organes directeurs

de l'Assemblée nationale et dans les commissions des finances. ..... 101

A- Dans les organes directeurs de l'Assemblée nationale. ....... 101

B- Dans les commissions des finances. ................................................... 105

Paragraphe 2 : Pour une meilleure participation du Parlement dans

la procédure des contrôles budgétaires. .................................................... 106

A- la revalorisation de l’opposition Parlementaire à

l’Assemblée nationale. ........................................................................................ 107

B- La révision des normes fondant les pouvoirs financiers du

Parlement. .................................................................................................................. 109

CONCLUSION ..................................................................................................................... 112

ANNEXES ............................................................................................................................. 115

Annexe n°1 : CRÉATION DE COMMISSIONS PARLEMENTAIRES

D'INFORMATION, D'ENQUETE ET DE CONTROLE. ........................................ 115

Annexe n° 2 : Loi Organique n° 86-021 du 26 Septembre 1986 relative

aux lois de Finances. ................................................................................................. 120

Annexe n° 3 : Tableau des amendements (2002-2010) ............................... 134

Page 147: Pouvoirs financiers du parlement au Bénin

147

Annexe n° 4 : Tableau du déroulement des grandes phases

préparatoires du projet des lois de Finances ............................................. 135

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................ 136

TABLE DES MATIERES ................................................................................................... 142