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PREMIER VOLET DE L’ENFANCE… - Le site du ... 2 William - Joan ! - Oui, papa ? - Sais-tu quel jour nous sommes ? - Oui. Nous sommes le 24 mars. - Et que se passe-t-il le 24 mars

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  • PREMIER VOLET

    *

    DE LENFANCE

  • CHAPITRE 1

    July

    Joan est ma fille. Ma fille unique. Je n'aurai jamais d'autre enfant qu'elle. Sa naissance a t difficile, une preuve terriblement douloureuse pour moi. J'ai cru que je n'y survivrais pas. J'ai mis des semaines me remettre de cet accouchement, des semaines durant lesquelles je n'ai mme pas pu la tenir dans mes bras. C'est Salom, mon amie Salom, qui s'est occupe d'elle, alors qu'elle tait elle-mme enceinte. Je ne sais pas comment nous aurions fait sans Salom. Je lui dois tellement... Joan aussi lui doit tellement.

    Maintenant, je peux me lever, la prendre dans mes bras. Elle a dj six semaines. Ses yeux sont toujours sombres, mais elle commence avoir quelques cheveux. Elle ressemble son pre... je crois qu'elle n'aura pas beaucoup de moi.

    Je ne sais pas pourquoi, j'ai toujours peur maintenant qu'elle est l. Peur qu'il lui arrive quelque chose, qu'elle s'touffe la nuit, qu'elle soit malade... ma petite fille... je me sens si fragile, et son pre qui va repartir...

    ****

    Ma petite fille savance sur une grande plage de sable blanc. Lt est l. Le soleil Calenda a dj entam sa course vers le soir. Ma petite fille a de beaux cheveux blonds, et surtout de grands et magnifiques yeux bleus. Comme son pre. La couleur de ses cheveux, elle la tient de sa grand-mre paternelle, de ma belle-mre. Elle entre dans leau. Les vagues la soulvent. La mer a t agite ces derniers jours, par des vents forts dorage, mais le calme est revenu. Elle aime jouer dans les vagues. Elle na que cinq ans, mais la mer ne lui fait pas peur. Ne lui a jamais fait peur. La mer est son amie. Elle sait dj cela.

    Sur le bord de leau, ma nice, une autre petite fille, aussi brune que ma fille est blonde, avec de beaux yeux sombres, la regarde. A ses cts, un petit garon, sensiblement du mme ge.

    - Joan ! Reviens tout de suite ! Tu ne vas pas aller te baigner avec ces vagues ! Reste jouer au bord de leau.

    - Mais maman, il ny a aucun risque ce sont de toutes petites vagues

    - Mais tu es folle ma fille ! Tu fais toujours des choses compltement folles

    Joan fronce les sourcils. Elle ne sait pas encore quun jour, un homme lui dira aussi cela et quelle adorera entendre ces mots-l. Mais pour lheure, mes mots lagacent.

    - Je veux me baigner ! Ca fait deux jours quon doit rester la maison sous prtexte quil fait mauvais je vais juste faire un plongeon et je reviens !

    Et sans plus se soucier des autres, de ses amis et de moi-mme, de sa tante Salom, elle entre totalement dans leau. Une premire vague la fouette, lemporte. Elle plonge, remonte la surface, nage un peu, puis revient vers le bord en riant.

    - Joan ! Tu vas arrter et couter un peu, jen ai assez que tu ne mobisses pas !

    Je suis vraiment trs en colre. Joan baisse la tte, tant pis elle aurait bien fait un autre plongeon, mais elle se dit aussi quelle veut viter une punition qui pourrait sappeler interdiction daller jouer chez Jelle pendant deux jours . Et a a, elle ne le veut vraiment pas.

    ***

    Quest donc cette pe de feu qui entre dans ma tte ? Je nai plus de cur, je ne sens que cette pe de feu William vais-je te rejoindre ? Quelque part ?

    Joan ma petite fille pardonne-moi lpe de feu je ne peux plus lui rsister elle me tue adieu

  • CHAPITRE 2

    William

    - Joan !

    - Oui, papa ?

    - Sais-tu quel jour nous sommes ?

    - Oui. Nous sommes le 24 mars.

    - Et que se passe-t-il le 24 mars ?

    - C'est mon anniversaire.

    - Et quel ge ma grande fille, aujourd'hui ?

    - Six ans !

    - Bon anniversaire, ma chrie. Tiens, prends ce petit paquet, c'est mon premier cadeau. Les autres, nous te les offrirons ce soir avec maman, et avec tes amis.

    - On invite Jelle la maison ?

    - Bien sr !

    - Et Salom fait le gteau ?

    - Si on avait cout Salom, elle aurait prpar tout le repas, mais oui, je te rassure, c'est elle qui te prpare ton gteau d'anniversaire.

    - Et Davies ? Il vient aussi ?

    - Heu...

    - Ben, si papa ! Demande Jason et Marga s'il peut venir, s'il-te-plat, papa...

    - Bon, bon, je vais voir a... mais, tu ne veux pas ouvrir ton cadeau ?

    - Si !

    Et la petite fille s'empresse de dchirer le papier. Une petite bote apparat, petite bote qu'elle gardera toujours avec elle : plus tard, bien plus tard, la veille de son dpart d'Ixio pour la Terre, elle y mettra un peu de sable de sa petite plage, pour avoir toujours avec elle un peu de son enfance. Un jour, plus tard, bien plus tard encore, elle ajoutera ces quelques grains de sable un peu de la poussire lunaire. Et une graine de fleur.

    Mais pour l'heure, elle ouvre rapidement la petite bote et en sort un petit bracelet tout simple, patin par les annes.

    - Oh, il est joli !

    - Il te plat ?

    - Oui. Tu l'as trouv o, papa ?

    - C'est un bijou que ma mre m'a donn, alors qu'elle tait trs malade, elle me l'a donn pour toi, enfin, tu n'tais pas encore ne, tu sais. Si j'avais eu une sur, ce serait elle qui l'aurait reu, car c'est un petit bijou que toutes les femmes de la famille se sont transmis, de gnration en gnration, depuis bien longtemps. Tellement longtemps que je ne saurai pas te dire depuis quand... Elle voulait que je le garde pour le jour o j'aurai eu une fille, une grande fille. Et aujourd'hui, tu es une grande fille, n'est-ce pas ?

    - Oui !

    - Alors, ce petit bracelet est pour toi. Viens, je vais t'aider le mettre !

    - Je le porterai toujours, papa ! Je te promets !

    ***

    Laroport international dIxio. Le seul de la petite plante. Le jour se lve, le soleil Calenda merge de lhorizon. Tout un convoi est prt partir. Un convoi commercial, en direction de la constellation dOrion. Trois vaisseaux commerciaux plus deux accompagnateurs, pour la scurit. Ce genre de voyage dure longtemps, et les routes spatiales ne sont pas toutes scurises. Les pirates sont nombreux, attendre ainsi, en embuscade, les convois. Un grand et bel homme brun se tient prs de lun des vaisseaux accompagnateurs. Cest William Landore. Il sourit une belle jeune femme aux cheveux sombres, aux grands yeux noirs, et une petite fille blonde, aux yeux aussi bleus que les siens.

    - Mes chries, bientt. Je serai de retour lautomne, pour ton entre au lyce, ma puce. Travaille bien dici l et sois sage avec maman ! Ne lui fais pas des frayeurs insenses sur la plage, dans les vagues !

    - Promis papa, je serai sage et je ferai attention.

    - William

    - July ma douce, prenez soin de vous deux.

    Et William embrasse une dernire fois trs tendrement son pouse. Il passe une dernire fois les mains dans les cheveux de sa fille et monte bord du vaisseau. Il se retourne une dernire fois en haut de lescalier, avant de disparatre leur vue. Elles ne le reverront jamais.

  • CHAPITRE 3

    Jelle

    - Jelle, jaimerai que tu me dises tout ce que tu peux sur Joan, sur ce qu'elle est pour toi, sur votre amiti, votre histoire, son histoire...

    - Il y a tant dire...Tu as du temps ?

    - Oui.

    - Joan, c'est plus que mon amie, c'est ma sur. C'est la personne qui me connat le mieux au monde et que je connais le mieux au monde, en dehors de Curtis et Davies pour chacune d'entre nous, et encore... Elle n'est pas mon double, non, c'est juste... un pilier de ma vie, avec mes parents, Davies, mes enfants... Tu imagines perdre ta meilleure amie ? C'est une catastrophe, un sisme, cette douleur... c'est impossible imaginer, n'est-ce pas ?

    - Oui... je te comprends parfaitement.

    - On est des insparables, Joan c'est la blonde, moi la brune. Ses yeux sont aussi bleus que les miens sont sombres.

    Je suis fille unique, elle aussi. Je suis ne presque trois mois aprs elle. Elle le 24 mars, moi le 10 juillet. On a partag tout... sauf Davies ! Non, je rigole... quelque part, si, on a partag Davies, puisqu'il tait toujours avec nous, dans nos jeux. Bon, je vais essayer d'tre srieuse, c'est ce que tu veux, n'est-ce pas ?

    - Je veux surtout que tu me dises tout, Jelle !

    - Bon, je commence par le partage, ok ?

    - Tu commences par ce que tu veux.

    - On a tout partag... le mme berceau, les mmes vtements, les mmes jouets... sa naissance a t trs difficile pour sa maman, qui est reste couche longtemps. C'est ma maman, Salom, qui s'est occupe d'elle au dbut. Maman tait dj bien enceinte de moi, tu vois ?

    - Oui. Ta maman est trs gnreuse, Jelle, comme toi.

    - Moi, je ne sais pas, mais maman oui... Tout ce que mes parents ont fait pour Joan et moi... je leur en serai ternellement reconnaissante et Joan aussi.

    On a t l'cole ensemble, avec les autres enfants du hameau. On faisait un petit convoi tous les matins et tous les soirs. Maman et tante July, la maman de Joan, nous accompagnaient. Parfois il y avait aussi d'autres parents, parfois c'tait oncle William, le papa de Joan, qui venait avec nous quand il n'tait pas en mission. Trs rarement, on voyait Ezla, son parrain. Mais c'tait toujours une vraie fte quand Ezla venait nous voir... Joan l'aime beaucoup, et c'est rciproque. Il faut dire qu'avec tout ce qui est arriv, tout ce qu'ils ont partag... Joan, c'est comme sa fille, et William tait comme un frre pour Ezla, le frre qu'il n'a jamais eu (*) ...

    (*) Ezla a bien eu un frre, mais cela Jelle lignore

    Oui, je fais une parenthse, je dis "oncle William" et "tante July", comme Joan appelle mes parents oncle et tante, alors qu'il n'existe aucun lien de parent entre nous. Ce sont des liens d'amiti trs forts, c'est tout. Mais ces liens d'amiti parlent parfois mieux que les liens du sang, ils sont parfois plus inextricablement, plus troitement mls que des liens du sang. Tu es d'accord avec moi ?

    - Oui, Jelle, je suis d'accord. Continue.

    - On a jou ensemble, dans mon jardin. C'tait l'endroit o on s'installait toujours aprs l'cole, ce jardin tait beaucoup plus grand que celui de July et William. On s'asseyait sous la tonnelle, au printemps et en t, enfin, ds qu'il faisait beau et tant qu'il faisait beau. Maman nous prparait des goters dlicieux... tu n'as jamais eu la chance de manger un plat fait par maman, hein ? Et bien, je peux t'assurer que tu manques quelque chose...

    On allait la plage, ah oui ! Ca, je dois t'en parler absolument... Joan nage trs bien. Elle adore la mer, se baigner... c'est une excellente nageuse. Si elle avait eu le got de la comptition, mais elle ne l'a jamais eu, elle aurait pu faire des championnats. Elle adorait jouer dans les vagues, des fois, elle me faisait peur. Mme Davies, qui n'est pas trs impressionnable, a arrivait qu'elle fasse peur quand elle plongeait dans les rouleaux. On a beau savoir que notre plage n'est pas dangereuse... il suffit d'une fois, n'est-ce pas ?

    Avec Davies, on formait un trio. On tait insparable. C'tait Joan que je confiais tout, vraiment tout... elle a t la premire savoir pour Davies, et quand je suis tombe enceinte, elle tait avec moi, on a lu ensemble les rsultats du test. Joan est la marraine de ma fille, Narna, comment pourrait-il en tre autrement ?

    - Raconte-moi la tonnelle, Jelle.

    - La tonnelle, c'est un endroit... j'adore cet endroit. On a chang bien des secrets sous cette tonnelle... c'est l que Davies m'a embrasse pour la premire fois, on avait huit ans... des enfants qui s'aiment... mais tu veux que je te parle de Joan et je me mets te parler de Davies, a ne va pas du tout, a ! Cette tonnelle, c'est mon grand-pre qui l'a fabrique. Ma grand-mre adorait les glycines et elle en a plant une, qui s'est appuye sur les supports de la tonnelle pour pousser. Au printemps, elle se couvrait de grappes de fleurs mauves, au parfum si dlicat. Avec Joan, on y faisait nos devoirs, on jouait aussi, avec nos poupes et ds qu'on a su jouer aux cartes, on y faisait des parties d'enfer ! Quand on tait adolescentes, il fallait nous arrter, sinon, on aurait jou toute la nuit.

    - Ce jardin, ton jardin, c'tait votre refuge, non ?

    - Oui. On y passait tout notre temps libre, ou presque. Sinon, c'tait la plage, le bois aussi... moins souvent. On allait aussi au village, enfin... le jardin, c'tait notre terrain

  • de jeu, a, c'est certain. Je peux te dire aussi que nous avons ce point commun, c'est le got pour les plantes. Si on n'avait pas eu d'autres centres d'intrt, d'autres envies, on aurait certainement fait des tudes de botanique, d'horticulture, enfin, quelque chose comme a, tu vois ?

    - On reparlera de vos tudes, un peu plus tard, si tu veux bien... Parle-moi plutt de l'poque o Joan a habit avec vous...

    - Ca... c'tait le premier grand drame de sa vie, de la ntre. Un jour terrible...

    - Ezla m'a racont ce jour, tu n'es pas oblige d'en reparler, tu sais...

    - Merci, je veux bien, a fait partie des jours noirs... Quand tante July est tombe malade, aprs la disparition d'oncle William, qu'elle ne parlait plus, qu'elle mangeait peine... maman et papa ont appel Ezla et lui ont dit qu'ils allaient s'occuper de Joan. Avec son travail, Ezla ne pouvait pas la prendre en charge. Je t'avoue que j'ai t trs soulage de cette dcision... je ne me voyais pas vivre sans elle ! J'avais trs peur qu'Ezla propose de la prendre sur Terre avec lui, et qu'elle n'aille en pension quand il aurait t absent. C'tait mieux ainsi, pour Joan, pour moi aussi... je te l'avoue bien gostement !

    - Vous avez donc continu grandir ensemble...

    - Oui on a travers ladolescence ensemble. Cet ge parfois difficile. Lge de tous les possibles, de toutes les errances, de toutes les dcouvertes En dehors du deuil quil fallait faire doncle William et quelque part aussi, de tante July, je peux dire aujourdhui que nous navons pas eu une adolescence difficile. Mes parents nous faisaient confiance, ils nous laissaient aller, mme le soir, mme la nuit, nous promener. Et puis, Davies tait toujours avec nous, son frre assez souvent aussi. Et puis, notre village est calme, il ne pouvait pas nous arriver grand-chose.

    - Joan et toi, vous ne vous tes jamais spares, en fait ?

    - Seulement l'ge adulte, quand Joan a commenc partir en mission. Puis aprs, quand elle a vcu sur la Lune. Mais je te raconterai a plus tard. Et encore, ce ntait quune sparation physique , on restait toujours en contact le plus possible.

    Oui, on a grandi ensemble. Mme quand jai commenc vivre avec Davies, elle tait avec nous quand mme. Je veux dire par l que mon histoire d'amour ne m'a pas loigne de mon amie. Et cest la mme chose pour elle.

    - Parle-moi un peu de vos tudes, maintenant, Jelle. Comment vous tes venus sur Terre, tous les trois

    - Ctait dur de quitter Ixio. Enfin, pour elle, car elle est trs attache notre plante natale. Moi, jtais plutt contente. On avait bataill elle et moi, et Davies aussi, durant des mois contre mes parents. Ils ne voulaient pas que je parte. Ils trouvaient que jtais trop jeune. Ils ne comprenaient pas pourquoi je voulais faire des tudes sur Terre, alors quil y a une bonne universit sur Ixio et que jaurai pu y trouver largement de quoi mintresser en matire de gologie. Jai toujours t passionne par le sol, par les pierres. Le

    sentiment que lon se pose quelque part, quon sappuie sur sa terre, et donc sur ce quelle contient, pour avancer dans sa vie. Limportance du pass pour prparer lavenir en quelque sorte. Mais Davies et Joan avaient dj pris leur dcision, au dbut de notre dernire anne de lyce. Un peu casse-cous comme ils taient tous les deux, ils voulaient intgrer lacadmie de police interplantaire. Pour Joan, ctait aussi parce quEzla travaillait dans la police. Il tait lautre lien avec ses parents, surtout avec sa mre. Tu sais que July tait sur Terre lpoque ?

    - Non, tu me lapprends, Jelle.

    - Bien, et donc, je pense que Joan esprait peut-tre aussi revoir sa mre cette occasion. Mais bon, revenons nos tudes. Moi, je voulais donc absolument partir avec eux. Je nimaginais pas les voir partir tous les deux, mon amie et mon amour, et moi rester sur Ixio ! Ctait impensable, inimaginable, impossible Et comme la gologie mintressait beaucoup, je voulais intgrer luniversit New York. On a boss comme des fous tous les trois durant cette dernire anne, non seulement pour russir nos examens de fin danne, mais aussi pour prparer nos diffrents concours. Le jour o jai annonc mes parents que javais russi celui de luniversit des sciences de la Terre, New York tu aurais vu leur tte ! Heureusement que Joan tait avec moi, sinon, jaurai peut-tre renonc pour rester avec eux. Cest elle qui les a convaincus et finalement aussi consols. Je suis leur seule fille, je te lai dit, et me voir partir, si jeune maintenant que je suis maman moi aussi, je comprends ce quils ont d ressentir. Ils laissaient partir Joan sans difficults particulires, je ne dis pas que a ne leur faisait pas quelque chose !, ils ladorent mais elle nest pas leur fille et puis elle rejoignait Ezla et elle devait faire son chemin dans la vie aussi. Mais moi, leur petite fille ctait une autre histoire pour eux. Et nous voir partir toutes les deux en mme temps, a allait crer un sacr vide dans la maison. Je pense que notre dpart a t la cause des premiers cheveux blancs de ma maman

    - Vous tes donc partis tous les trois ?

    - Oui, avec deux autres jeunes qui quittaient aussi Ixio pour la Terre. Mais on ne les connaissait pas vraiment et puis, ils nallaient pas suivre leurs tudes New York, mais lun Londres et lautre Bruxelles. Je ne sais pas ce quils sont devenus dailleurs. On a dbarqu dans la ville-monde par un beau matin de fin aot. Enfin, un beau matin on crevait de chaud, oui ! Cest l que jai dcouvert la chaleur dune ville par une fin dt sur Ixio, l o nous habitions, les ts taient beaux, mais il ny faisait jamais une telle chaleur, grce la mer. Ce jour-l, je me suis dit jespre que ce nest pas comme a toute lanne, ou je retourne sur Ixio !

    - Et donc, vous avez commenc vos tudes ? Vous tiez organiss comment ?

    - On vivait tous dans des chambres dtudiants. Davies et moi, on a fini par obtenir un petit appartement, sur le campus de lacadmie de police. Un truc minuscule mais on pouvait y vivre deux.

    - Vous tiez dj en couple alors ?

  • - Pff je suis incapable de te dire quand est-ce quon a commenc tre en couple, Davies et moi a remonte tellement longtemps depuis le dbut, on saime notre premire nuit, ctait sur Ixio. Ensuite, sur Terre, ctait logique quon habite ensemble. On a mis deux ans avant dtre autoriss prendre un appartement plus grand, en dehors du campus cette fois, dans lequel nous avons dailleurs habit jusqu notre dpart pour le Canada. Mais cest une autre histoire, a, un autre jour sombre

    Joan avait sa chambre, aussi, dans un btiment rserv cet effet lacadmie. En fait, ctait a la difficult pour Davies et moi : les jeunes tudiants de lacadmie de la police interplantaire doivent tous vivre sur les lieux-mmes de lacadmie, entre eux. Cest une faon de les prparer aussi ce qui les attend. De leur faire faire parfois des exercices dalerte, de les mettre en situation la formation est trs dure, trs exigeante. Mais leur mtier est dur aussi. Il leur faut une prparation vraiment rigoureuse pour affronter des situations difficiles, dangereuses et donc, Davies et moi, on a bataill ferme, il a fallu prouver quon tait ensemble, je te passe les dtails des interrogatoires que jai d subir et tout le saint-frusquin tout a pour vivre dans un deux-pices moche et avec un coin cuisine ridicule ! Va faire manger ton homme dans un espace pareil quand je pense quon arrivait quand mme y inviter des amis et y faire des soires crpes 6 ou 7 !

    - Et finalement, tu as bnfici un peu de leur prparation, jimagine, en habitant sur place ?

    - Eh oui ! Moi aussi jai eu droit aux alertes, aux exercices de secours, aux vacuations durgence par les fentres a ma aide, plus tard. Non que jai envie de quitter un huitime tage par les fentres nouveau, mais pour tout le reste. Ca ma permis de mieux supporter quand Davies et Joan partaient en mission, je ne ressentais pas moins dinquitude, cest juste que je la grais mieux.

    - Maintenant, Jelle, jaimerai que tu me racontes 2-3 petites anecdotes A commencer par me parler de Marcus Turner.

    - Ah celui-ltu tiens vraiment ce que je te parle de ce salaud ?

    - Oui, parce quil a jou un rle dans la vie de Joan, et je veux savoir tout ce quil y a eu dimportant dans sa vie.

    - Bon, allons-y, mais franchement, je prfrerai te parler de Curtis, cest bien plus important

    - Tu le feras aprs, cest promis.

    - Alors, a va. Donc, Marcus Turner, le cas Marcus Turner Le collectionneur de filles. Vraiment. Incapable daimer quelquun, part lui-mme, beau gosse, spirituel, le sourire ravageur sr de lui, imbuvable. Insupportable. Je ne dis pas que toutes les filles en tombaient amoureuses, mais beaucoup. Il savait y faire, les embobiner, et quand elles succombaient elles passaient la casserole, et aprs, il les jetait. Oh, il faisait a toujours trs bien de manire trs intelligente mais parce quil tait trs intelligent, il tait aussi trs dangereux ! Et Joan est tombe dans son pige. Hlas ! Ctait attend, que je reprenne des repres temporels, jtais encore luniversit, Davies comme Joan ntaient pas encore partis pour leur premire

    mission de fin dtudes, oui, cest a Joan avait 18 ans, et nous aussi, au passage. Ils se sont rencontrs une soire, en octobre ou novembre hum, oui, a me revient, ctait juste aprs Halloween ! Ctait une soire que des amis de Claire avaient organise ; alors, Claire cest une fille que jai connue durant ma premire anne dtudes, elle tait en deuxime anne quand moi, jtais en premire. Ctait une des meilleures amies de ma tutrice. On a bien sympathis, je dirai mme que je mentendais mieux avec elle quavec ma tutrice, ce sont des choses qui arriventDonc cette soireCe soir-l, Davies et moi, on avait prvu autre chose quest-ce que je men suis voulu de ne pas avoir t prsente cest peut-tre une des choses que je regrette le plus parce quaprs, jai pay cher pour remettre ma Joan sur pieds Mais Joan avait trs envie dy aller, donc elle y a particip sans nous. Et cest l quelle a rencontr Turner, quelle est vraiment tombe sous le charme. Il a agi avec elle, comme il faisait avec toutes les filles quil voulait avoir. Compliments, sourires ravageurs, illades, il la fait danser, etc

    - Il la sduite ds le premier soir ?

    - Ah, non, ce nest pas le genre il fait monter la mayonnaise, tu vois ? Donc il la invite, le revoir, changer les contacts et voil ma Joan embarque dans cette relation Oh, a na pas dur longtemps ! Je veux dire, elle na jamais couch avec lui, heureusement ! Il naurait plus manqu que a Elle ne parlait que de lui, elle voulait le revoir, bref, elle tait amoureuse. Enfin, quand je compare sa raction, son comportement avec Turner, et sa raction et son comportement avec Curtis, a na rien voir. Avec Turner, a faisait penser un clair, genre une toile filante. Quelque chose de trs lumineux, mais trs court. Tu vois ? Alors quavec Curtis ctait, cest toujours !, un sentiment trs profond. Rien voir. Donc, elle semballe pour Marcus. Heureusement que je la connais et quon se confie tout, jai tout de suite flair lembrouille. Je ne connaissais pas particulirement Turner, il tait souvent invit des soires, mais on navait pas eu loccasion de le rencontrer encore, et sa rputation de tombeur ntait pas encore trop connue Il faut dire que les filles quil tombait ne sen vantaient pas forcment non plus et puis, a ne faisait que quelques mois quil tait New York. Il venait de Londres. Il avait travaill dans un grand laboratoire anglais, avant dobtenir un poste ici.

    - Ce qui explique que vous ne vous mfiiez pas trop de ce genre dhommes, en fait, vos amies et toi.

    - Moi, il me laissait de marbre. Daccord, jai Davies, et a peut sexpliquer aussi ainsi, mais mme mme sans Davies, je crois que jaurai t insensible ce genre de type. Mais dautres, non et il savait y faire, il se faisait les plus jolies et ma Joan, ce nest pas le laideron du coin, hein ? Il avait jet son dvolu sur elle, et il sy est bien employ pour arriver ses fins, sauf sauf quil na pas tenu compte de moi, quil a nglig Jelle Ashton, qui ntait pas encore Ashton lpoque, dailleurs, mais bon, passons. Et a a t une grossire erreur de sa part. Je pense quil men veut encore, mais je men fous. Jai sauv ma Joan, et cest lessentiel.

    - Justement, raconte-moi comment tu as tir Joan des griffes de Marcus ?

  • - Ctait une toute fin daprs-midi, en plein mois de novembre, il ne neigeait pas encore, dailleurs, je crois bien quil sest mis neiger le lendemain. A lheure o on hsite entre la soire et la journe. Ca faisait quoi une dizaine, une douzaine de jours quelle lavait rencontr, environ. Le coup de bol, cest que ce soir-l, javais dcid de faire une soire crpes la maison, mais quil me manquait de la confiture de myrtilles, or Joan adore la confiture de myrtilles. Javais tout prpar, ma pte, tout a quand je me rends compte que je nen avais plus. Je sors pour faire cette petite course, et je me dis en rentrant que je vais rcuprer Joan chez elle, en pensant quelle allait maider en attendant que Davies arrive (il avait ce soir-l un cours de tir qui se terminait un peu tard), on aurait commenc passer la soire entre filles, quoi ! Et heureusement que jai fait a elle me voit, un peu gne, un peu embte oui, que je sois l. Et a, a ma mis la puce loreille tout de suite. Je lui dis que je passais la chercher pour une soire crpes, et l, elle me dit quelle avait prvu autre chose quelle avait rendez-vous avec Marcus pour une soire en tte--tte. Je me revois toujours lui dire ah oui ? Et demain, tu fais quoi ?, et bien, jirai en cours. Et je lui balance : tu iras en cours, cest a et tu pleureras toutes les larmes de ton corps !. Elle ma regarde presquhorrifie. Pourquoi tu dis a, Jelle ? Pourquoi ?. Jtais folle de rage. Aprs Turner. Javais eu le temps de me renseigner un peu sur le bonhomme, tu ten doutes, ds que Joan mavait parl de lui, c'est--dire ds le lendemain de leur rencontre. Je lui demande o ils avaient rendez-vous. Elle finit par me lavouer, je sais my employer pour la cuisiner. Quand je veux savoir quelque chose jy arrive toujours, du moins avec Joan et Davies. Avec Curtis, jaurai plus de mal Jai dit, ok, on y va ensemble. Elle ma regarde dun air

    - Et tu las accompagne ?

    - Bien entendu. Tant pis pour les crpes. Je savais trs bien comment a allait se passer. En fait, Turner, quand il prvoit une soire avec une fille il a toujours une roue de secours. Monsieur a dcid que ce soir-l, il aurait un joli morceau dans son lit, peu importe le morceau en question et moi, je voulais mettre ma Joan devant les faits ! On est donc all au fameux rendez-vous, sauf quon sest planqu ! Turner attendait il a essay de la joindre (on avait la preuve) une fois, puis deux. Pas trois. Le troisime appel quil a pass, ctait pour une autre jolie fille, un peu plus ge que nous. Et on a vu la nana se pointer environ une heure aprs et Turner a pass la soire et la nuit avec elle.

    - La raction de Joan ?

    - Terrible elle narrtait pas de pleurer mais moi, je prfrais a ! Imagines quelle se soit laisse embarque il laurait jete quelques semaines plus tard, ds quil aurait eu envie dune autre

    - Tu disais quil faisait un concours ?

    - Oui, ctait mon expression favorite lpoque pour parler de Turner.

    - Et il na pas insist ?

    - Bien sr que si ! Il sest arrang pour revenir vers elle lors

    dautres soires, pour la draguer sauf quelle tait sur ses gardes et que moi, je veillais au grain ! Et Davies aussi. Il a mme failli en venir aux mains avec lui une fois, car Turner voulait absolument raccompagner Joan chez elle et que nous, on ne voulait pas ! Ca a t chaud. Mais Turner na pas insist : il naurait pas fait le poids. Davies tait entran se battre, il a fait du karat et connat bien des prises dautres sports de combat, cest normal, cest li son mtier, a fait partie de sa formation. Turner naurait pas voulu tre humili se retrouver par terre et salir son beau costume hors de prix

    - Et tu, vous je pense Davies aussi tes employs rconforter Joan

    - Oui. Lhiver a t dur pour a. Dautant que ctait sa dernire anne lacadmie, quil y avait des enjeux importants beaucoup dexamens, dpreuves de validation passer elle a carrment abandonn sa petite chambre dtudiante les trois derniers mois dailleurs, et elle est venue habiter avec nous. Notre premier vrai appartement ntait pas trs grand, mais on avait quand mme deux chambres. Moi, jtais plus tranquille je pouvais veiller sur elle, on rvisait ensemble mme si ce ntait pas les mmes matires. Quelque part, a ma rappel, a nous a rappel, nos annes de lyce sur Ixio. Quand on faisait nos devoirs ensemble. Jai fait tout mon possible pour lui remonter le moral, je lui faisais des bons petits plats de maman, des soires crpes, je lui disais quelle rencontrerait quelquun de bien, un jour, quelle serait heureuse (jai des dons de voyance ! non, je rigole). Jai simplement fait ce que toute amie fait pour soutenir sa sur de cur qui vient de vivre un gros chagrin damour.

    - Et donc, cest juste aprs quelle est partie pour Mgara, cest bien a ?

    - Oui. Tout lhiver, on a bch nos exams. Et dbut mars, aprs les validations, elle est partie aussi sec avec Ezla pour sa premire vraie mission. Davies, lui, est parti sur Bama. Jtais soulage quelle parte avec Ezla pour plusieurs raisons : dabord, ctait Ezla, ctait un des meilleurs grads de la police interplantaire, il avait beaucoup dexprience, de savoir-faire je savais que Joan ne serait pas en danger avec lui, enfin, le moins possible. Et puis, cest son parrain, donc il allait veiller tout particulirement, tout spcialement sur elle. Et quelque part, cette mission avec lui, a laiderait effacer les dernires traces de chagrin, les dernires blessures que Turner lui avait infliges. Si javais su que ce ne serait pas Ezla, mais Curtis qui en viendrait bout de ces blessures

    - Si tu avais su, tu aurais fait quoi ?

    - Jaurai sign des deux mains !!!

    Comme on parlait de Marcus, je lui ai demand aussi de me raconter la vie amoureuse de Joan, avant Curtis.

    - Ah ben, a va aller vite

    - Ah bon ?

    - Oui. Elle a eu deux petits copains quand on tait au lyce,

  • sur Ixio. Des gars sympas, vraiment, chouettes ! Micky et Ben. Si on tait rest sur Ixio peut-tre mme que a aurait t plus loin avec Micky, je le pense vraiment. Mais bon, on est parti

    - Et sur Terre, pendant vos tudes ? En dehors de Turner, quand mme il y a bien eu quelquun ?

    - Non !

    - Non ? Une jolie fille comme a, jai du mal le croire

    - Je sais. Mais je peux te lexpliquer bien simplement. Il y a plusieurs explications dailleurs, qui se croisent. Dabord, faut voir quon avait tout juste 15 ans - 15 ans et demi quand on a dbarqu sur Terre. On tait encore des gamins ! Et puis, sur Ixio, on avait eu une vie privilgie on avait grandi la campagne, dans un petit village, au bord de la mer. Du jour au lendemain, on se retrouvait en plein cur de la ville, de la mgalopole, de la ville-monde en plus ! Heureusement quon y tait tous les trois, je crois quaucun de nous naurait support dy tre seul. On aurait craqu. Dj, il a fallu du temps pour quon shabitue cet environnement, du coup, on restait trs solidaire, trs proche. On ne sest fait nos premiers amis qu la fin de cette premire anne dtudes. Ensuite, nos tudes taient trs prenantes, surtout pour Davies et Joan. Des cours denses, des entranements physiques durs le nombre de fois o Davies scroulait comme une larve en rentrant le soir ! Impossible den tirer quelque chose ! Et Joan tait dans le mme tat. Alors, les aventures amoureuses, il ny avait pas vraiment le temps dy penser.

    - Mais vous participiez des ftes, ne me fais pas croire que votre vie tudiante tait si srieuse !

    - Elle ltait beaucoup, mme si en effet, on participait des ftes. Dabord, il ny en avait pas tant que a, au moins durant nos deux premires annes. Aprs, on a pris le rythme des cours, et on sest fait plus damis, donc oui, on sortait plus. Et puis, Davies et moi avions pu obtenir ce petit appartement dont je tai parl, donc on pouvait recevoir aussi.

    Mais il est une autre raison pour laquelle Joan na pas eu dhistoire de cur, avant Turner. Cest une raison plus psychologique. Enfin, cest mon explication moi, a vaut ce que a vaut Rappelle-toi le contexte de notre enfance, encore une fois. Tous les couples qui nous entouraient taient des gens qui saimaient beaucoup, les liens qui les unissaient taient trs forts. Mes parents, ceux de Joan ce qui est arriv tante July sexplique aussi par lamour trs fort quelle portait oncle William. Quelque part, je pense que lune comme lautre, nous avons t influences par ces exemples que nous avions sous les yeux, cette image de lamour, profond, mais aussi romantique. Et puis, il y avait Davies et moi, et a on tait un exemple bien particulier pour elle. Je pense quelle a toujours cherch construire une relation qui ressemblait la fois la ntre et celle de nos parents. Elle ne pouvait pas aller vers quelquun avec qui a naurait pas t srieux.

    - Sauf Turner.

    - Oui, sauf Turner. Lexception qui confirme la rgle. Mais

    comme je tai dit, une sorte de flash, de coup de cur. Sans lendemain. La blessure qui ne permet peut-tre pas de savoir ce que lon veut, mais qui permet au moins de savoir ce que lon ne veut pas

    - Do aussi toute la gense de son histoire avec Curtis ?

    - Exactement. Un amour absolu, comme celui qui a li ses parents.

    On a fait une pause. Et puis on a repris notre change. Et l, Jelle a commenc me parler de Joan et de Curtis.

    - Je reverrai toujours ce jour. Quand elle est revenue de cette premire mission, avec Ezla, sur Mgara. Ca faisait des mois qu'on ne s'tait pas vues... Jusqu'au dernier moment, j'ai cru qu'elle ne serait pas avec nous pour la fte de fin d'tude, mi-juillet, fte qui tait organise par tous les tudiants qui venaient de dcrocher leur diplme et j'en faisais partie. Quand je l'ai vue, j'tais folle de joie qu'elle soit l. Mais ds la premire seconde o nos regards se sont recroiss, aprs des mois de sparation, j'ai compris qu'il y avait quelque chose de nouveau. Qu'il lui tait arriv quelque chose d'important. A un moment, elle s'est isole un peu, mais je l'ai vite retrouve. Elle tait dehors et elle regardait la Lune. Elle aurait pu regarder des toiles ou je ne sais pas, la ville au loin, non, c'tait la Lune qu'elle regardait. Le nombre de fois o elle a regard la Lune... si tu savais...

    - Je sais, Jelle, je sais...

    - Ah c'est vrai, tu as crit un peu de son histoire...

    - Et donc, tu avais devin alors ?

    - Oui. Elle ne peut rien me cacher... et moi, non plus, je ne peux rien lui cacher. Mais quand elle m'a annonc qu'elle tait tombe amoureuse du Capitaine Flam, tu te rends compte de la nouvelle ?

    - Oui, oui, a a d te faire un choc !

    - Ben disons que je ne m'attendais pas a... Et puis, je t'avoue, si j'avais su o tout cela allait nous mener, enfin surtout elle, o a allait la mener... sur le moment, j'en tais folle de joie, tellement heureuse pour elle... mais hein, il lui en a fait voir quand mme... ce qui me console un peu, c'est quelle aussi. Bon, je rigole...

    C'est surtout qu'ils ont pris leur temps, ah a... c'est vrai qu'ils n'taient pas toujours aids par les circonstances, je le reconnais, mais quand mme... entre le super hros qui se prend la tte, qui hsite, qui tergiverse, et elle qui n'ose pas... pff... on n'avanait pas ! 5 ans qu'il a mis lui faire sa dclaration, tu te rends compte, 5 ans ! Enfin, c'est vrai que a n'aurait pu tre que 4 s'il n'y avait pas eu cet imbcile de gnral Swan, celui-l, je le retiens... mais je m'en fiche, je me suis bien venge de lui plus tard, et Curtis et Joan aussi, d'ailleurs, par la mme occasion...

    - ll faudra que tu me racontes cette anecdote, Jelle, mais plus tard, si on a le temps Reviens Curtis...

    - Oui, 5 ans... je l'aurai baff. Je te jure. Et elle qui se languissait, qui tait prte tout laisser tomber... si je

  • n'avais pas t l... Et c'est ma Joan qui est tombe sur un gars pareil... une vie de super hros en plus... En mme temps, je prfre avoir Curtis Newton comme beau-frre, qu'un imbcile, un coureur de jupons ou un jean-foutre... mais hein, elle n'a pas choisi la facilit...

    - Est-ce qu'elle a choisi, seulement, Jelle ? Est-ce qu'elle a choisi... ?

    - Non, tu as raison... hum, a ne va pas du tout, a, d'habitude, c'est moi qui ais raison... Bref, 5 ans... j'en devenais folle. Ma patience lgendaire en prenait un sacr coup (rires)... Ah puis, il tait malin cette poque-l, le Capitaine. Il se dbrouillait toujours pour ne jamais se retrouver un petit moment seul avec moi, parce que l, je vais te dire qu'il aurait drouill... je te l'aurai secou, moi...Cela dit cela dit, je dois beaucoup Curtis Newton. Il a sauv Joan et il la rend heureuse. Et cest le plus important mes yeux.

    - Jelle, je voudrais que tu me racontes la premire fois o tu as rencontr Curtis. Tu savais dj pour Joan, nest-ce pas ?

    - Oui, oui, je savais quelle tait amoureuse, bien sr que je le savais ! Ca faisait environ quoi 5-6 mois peut-tre quils se connaissaient. Ils avaient dj men trois missions ensemble. Ma Joan tait folle de joie chaque fois, lide de repartir avec lui, de le revoir Il y a mme une fois o elle ne pensait pas le croiser et ils se sont finalement retrouvs ensemble. Cest dailleurs aprs cette histoire que jai rencontr Curtis. Ctait face ce fou mgalo qui se faisait appeler le Docteur Zaro. Un anti-professeur Simon, celui-l. Mme moi je suis plus docteur que lui ! Mais dangereux, forcment dangereux je me souviens de lambiance quil y avait dans New York ce moment-l, ctait assez terrible. Un sentiment de guerre civile. Jen frissonne encore. Et dire que javais la responsabilit de Ken puisque Joan tait partie

    Cest Davies qui a eu linformation, qui a su quils rentraient. Il faut dire quils ont le don de cultiver le secret, dans la police interplantaire. Pour protger les agents. Ce nest pas inutile, mais des fois cest dur vivre aussi pour les proches. A ce moment-l, Davies ntait pas en mission, et il a su un peu par hasard que le colonel Garnie rentrait. Et qui disait colonel, disait aussi Joan. Ds quil ma prvenue, je me suis prcipite avec Ken laroport interplantaire, l o atterrissent les vaisseaux des services de scurit. Ctait la premire fois que je voyais le Cyberlabe. Jtais franchement trs impressionne, mme si Joan men avait parl et Ken je ne te raconte mme pas combien Ken pouvait men parler du vaisseau du Capitaine, du Capitaine lui-mme, et de tout lquipage. Javais dj limpression de bien les connatre, tous, mme si je ne les avais encore jamais rencontrs.

    Je revois encore ma Joan descendre du vaisseau, le Capitaine juste derrire elle. Tu aurais vu comment il la regardait et elle osait me dire quelle ne savait pas quoi penser ! Elle osait me dire quelle ntait sre de rien le concernant. Moi, jai su. Tout de suite. Je ne sais pas si quelquun dautre avait devin, je veux dire cette poque-l. Peut-tre Simon, et encore enfin, si, certainement Simon. Ca se voyait quil laimait. Je ne sais pas comment texpliquer a. Est-ce que cest mon intuition qui

    me faisait voir dans son cur lui comme si a avait t un livre ouvert ? Un livre quil nouvrait pourtant que rarement et peu de gens moi, jai vu, jai lu. Et je peux te dire que je men suis donne cur joie ! Pour ma Joan. Javais le sentiment que jallais pouvoir, l, dsormais, vraiment, laider, la soutenir lui apporter lnergie ncessaire aussi pour aller vers lui, pour franchir les barrires, toutes les barrires. Celles du Capitaine, comme les siennes propres.

    - Donc, tu les vois descendre et aprs ?

    - Quand elle ma vue elle sest prcipite vers moi. Ken, lui, avait couru vers le Capitaine. Curtis semblait vraiment trs heureux de revoir Ken aussi. Il laime bien, ce gosse. Joan me demande ce quon fait l, je lui explique en deux mots et puis le Capitaine savance vers moi, me sourit et me dit : Ravi de te rencontrer Jelle, jai beaucoup entendu parler de toi. Joan ne tarit pas dloges sur toi ! Et il parat que tu fais la cuisine presquaussi bien que ta maman ?. Je lui ai rpondu que moi aussi, javais beaucoup entendu parler de lui. Tu aurais vu le fard quelle a piqu ma Joan ! Je ne voulais pas quelle se sente gne, alors jai aussitt ajout que ctait Ken qui men parlait beaucoup. Hem. Ca faisait plus naturel. Merci Ken, pour le coup Et je lui ai dit que sil voulait goter la cuisine de ma maman, enfin, les recettes de ma maman, il sinvitait quand il voulait la maison ! Et toc. Histoire de. Histoire de trouver dj un bon prtexte pour quils se voient ma Joan et lui et dans un autre contexte que ces missions ultra srieuses.

    - Et cest aussi comme a que tu as eu lide de linviter la soire de linstitut

    - Oui. Bon, a ctait beaucoup plus tard. Ca faisait 4 ans quils se connaissaient, et franchement on en tait quasiment au mme point. Du surplace. Bon, cest vrai que a avait un tout petit peu avanc quil tait, comment dire, moins farouche avec nous tous. On tait devenus ses amis aussi. Mais avec Joan quest-ce quil se prenait la tte Jy vais, jy vais pas A chaque fois quils partaient ensemble, quils se voyaient, je me disais, bon, cest pour cette fois. Et bien non, elle revenait et ctait toujours je te sers la main et au revoir Joan, au revoir Curtis et bientt, et nia nia nia. Insupportables. Ils taient insupportables. Et je tavoue que jen suis trs fire de cette invitation. Parce que je pense que si je navais pas invit Curtis, on y serait encore il fallait bien provoquer le destin puisquaucun de ces deux idiots ntaient capables de faire le premier pas ! Tu les aurais vus ensemble quest-ce quils taient beaux, quest-ce quils taient amoureux Ca crevait les yeux de tout le monde. Mme ce serpent de Turner sen est rendu compte.

    Cette soire, en tant que membre de linstitut, je lavais prpare, je navais pas beaucoup de temps pour moi, je donnais un coup de main, droite gauche, pour que tout se passe bien. Mais de temps en temps, je surveillais. Je veillais au grain ! Ils ont beaucoup dans ensemble, et ctait hem ctait limite trs chaud ! Faut dire quil faisait trs chaud aussi sur New York, je tai dit quon faisait a dbut juillet ?

    - Ca avait vraiment bien commenc. Sauf quil y a eu cet appel du Prsident et quil la plante l. Enfin, plante non il ne pouvait pas faire autrement. Moi, je nai rien vu

  • de tout cela. Jtais occupe ailleurs, en cuisine. Quand jen suis sortie, je ne les ai plus vus sur la piste et l je me suis dit : super ! Ils sont rentrs Ca yest, cest pour cette nuit Et bien non ! Ca aurait t trop simple, nest-ce pas ? Trop beau aussi Jai aperu ma copine Claire et je lui ai demand ngligemment si elle avait vu Joan. Elle ma dit quelle tait partie avec Davies. Jai d la regarder avec des yeux Quest-ce quelle fichait avec Davies, ma Joan ? Jai aussitt appel Davies qui ma expliqu ce qui stait pass. Alors, je nai pas hsit jai fil chez elle. Mais elle ny tait plus. Je me suis dit que le seul endroit o elle pouvait tre, ctait laroport. Elle pourra dire quelle maura fait courir ce soir-l. Cest l en effet que je lai retrouve, et quelle ma annonc que Curtis voulait quelle le rejoigne avec Ezla sur Endoran. Je nen revenais pas de ce quelle me disait. Je crois bien que je lui ai fait rpter cela trois fois pour tre bien sre davoir bien compris. Ca voulait dire que ce que javais vu ce soir, ce qui les avait rapproch ce ntait pas une illusion. Ce ntait pas un rve ou un espoir. Ctait leur histoire, leur amour tait une ralit. Devenait une ralit.

    - Donc bravo, Jelle, sinon comme tu disais, on y serait encore !

    - Oui, et un grand merci Linia aussi daprs ce que ma racont Joan, elle y est pour beaucoup, elle a aid Curtis prendre sa dcision. Enfin, cest ce que Joan ma racont.

    - Curtis ne ta pas racont a ?

    - Tu te moques, l. Tu vois Curtis raconter quelque chose de personnel ?

    - Il va bien falloir.

    - Tu as lintention de le titiller aussi ?

    - Eh oui !

    - Et bien bon courage !

    - Merci Jelle. Merci beaucoup pour tout ce rcit, ces petites histoires sur vous deux

    - De rien. Jadore raconter ce genre de choses !

  • CHAPITRE 4

    Salom

    Ce jour-l, Salom avait envoy Jelle voir sa grand-mre, lui apporter quelques restes dun rti quelle avait cuisin la veille. Elle sortit de la maison un moment, pour jeter quelques miettes aux oiseaux et eut la surprise de voir que sa fille blonde navait pas accompagn sa fille brune. Joan tait assise, dans lherbe, sous le pommier, les bras passs autour de ses genoux, dans une position quelle affectionnait particulirement.

    Salom resta quelques instants regarder la fillette, qui lui tournait le dos. Elle prit une longue respiration et traversa son jardin, passant ct de la tonnelle et gravissant les trois marches de pierre qui menaient la partie un peu plus leve du jardin, l o ils cultivaient des lgumes et faisaient pousser toutes sortes de petits arbustes fruitiers, groseilliers, framboisiers, cassis, myrtilles, et des poiriers en espalier. Elle sassit aux cts de Joan, lui passa la main autour des paules.

    - Tu nas pas accompagn Jelle ?

    - Non, tante, je voulais rester un petit moment toute seule.

    - Quelque chose ne va pas ?

    Joan secoua doucement sa tte.

    - Tante... pourquoi maman est-elle malade ?

    - Ta maman, mme les mdecins ont du mal expliquer ce qui lui arrive. Elle sera bien sur Terre, il y a des mdecins beaucoup plus comptents quici, du moins pour traiter sa maladie. Il faut que tu gardes espoir quun jour elle nous reconnatra tous, et toi, en particulier.

    - Tu crois que cest une bonne chose alors que Parrain lait emmene ?

    - Oui. Je pense quelle sera bien l-bas. Ce ntait pas une dcision facile prendre, mais je pense quil faut essayer. Il ne faut jamais baisser les bras, Joan, jamais. Toujours garder espoir et confiance en la vie.

    - Tante la vie jai du mal lui faire confiance. Elle est cruelle !

    - Joan la vie la vie, cest comme la mer, cest comme une vague. Elle apporte sur le sable des toiles minuscules. Il faut les saisir, quand elle nous les donne, car la vague repart et les emmne si on ne sait pas les retenir.

    - Alors, cest vraiment difficile de retenir une toile

    - Ce nest pas facile non, mais cest possible. Et puis

    - Et puis ?

    - Et puis, la vague revient, la mer revient toujours au rivage, et elle rapporte dautres toiles. Ne dsespre jamais de la vie, ma petite fille, jamais. Mme si tu souffres aujourdhui, nous sommes l, Jelle est l, tu as dautres amis, Davies plus tard, en grandissant, tu te feras dautres amis aussi. Tu croiseras aussi la route de gens dtestables, de gens qui te feront du mal tu ne pourras pas toujours les viter. Mais limportant, le plus important, ce sont ceux qui taiment. Ceux sur qui tu peux compter. Tu pourras toujours compter sur Jelle, jen suis certaine.

    - Oui. Jen suis certaine aussi et elle pourra toujours compter sur moi.

    - Cela, jen suis certaine moi aussi, lui rpondit Salom avec un sourire, ce sourire trs chaleureux quelle pouvait avoir, ce sourire qui encourage et rconforte tout la fois.

    Le mme sourire que Jelle.

    - Tante laisse-moi un petit peu seule, sil te plat.

    - Daccord. Tu maideras plier les draps tout lheure ?

    - Oui, promis.

    Salom tait repartie vers sa maison, sactiver comme elle le faisait toujours. En repassant prs des parterres de fleurs, elle sarrta pour respirer lodeur prcieuse dune rose ancienne. Un cadeau, ce parfum. Il faudra que je la fasse sentir aux filles, la tombe du soir, pensa-t-elle, elle sentira encore meilleur.

    Elle retourna sa cuisine, prit un pot de crme quelle se mit battre, pour faire le dessert. Elle enverrait les filles cueillir des petits fruits, quand Jelle serait de retour. Tout en sactivant, elle jetait un il de temps en temps par sa fentre, regardant son jardin, son domaine, son royaume. Le domaine des filles aussi. Elle comprenait la tristesse de Joan, cela faisait deux ans maintenant que son pre avait disparu, et sa mre, July, avait sombr dans une sorte de folie. Ca avait t comme une lente descente aux enfers, elle avait cess de parler, puis ne salimentait plus que de petits morceaux de pain quelle grignotait peine. Elle avait considrablement maigri. Il avait fallu lhospitaliser, pour quelle ne se retrouve pas anmie. Quand Salom stait rendue compte de cette dchance, elle avait aussitt pris Joan la maison, et avec Victor, ils avaient prvenu Ezla. Ils avaient propos de garder la fillette chez eux, de soccuper delle, aussi longtemps que ce serait ncessaire. Leur fille, Jelle, et Joan, taient insparables. Plus que des amies, pensa Salom en donnant un dernier coup de battoir dans sa crme. Oui, plus que des amies, des surs. Et elle regarda nouveau par la fentre. Aux cts de la toute jeune adolescente blonde, une autre jeune adolescente, brune, avait pass sa main autour de ses paules. Oui. Deux surs. Deux surs de cur.

  • CHAPITRE 5

    Davies

    Trois enfants jouent sur une plage de sable blanc. Deux filles, lune blonde aux yeux bleus, lautre brune aux yeux sombres, et un garon, brun aux yeux bruns. Il regarde la fille brune, il adore quand elle lui sourit et quelle le regarde aussi. Pour rien au monde il nirait jouer avec dautres filles. Dailleurs, il prfre souvent jouer avec elles deux quavec les autres garons du hameau. Et puis elles sont les seuls enfants de son ge.

    Avec la fille blonde, il aime jouer dans les vagues, avec la brune, faire la course. Mais elle le bat souvent. Ce nest pas grave. Il aime quand elle rit.

    Avec la fille blonde, il aime grimper aux arbres, surtout pour cueillir des cerises pour la fille brune et la voir fermer les yeux quand elle en croque une.

    Avec la fille blonde, il aime construire des cabanes dans la fort, des cachettes, une cachette quil transforme en maison douillette pour la fille brune.

    Avec la fille blonde, il aime lancer des dfis aux autres garons, mais il dfend toujours la fille brune contre ces mmes garons.

    Avec la fille blonde, il aime avoir des regards complices pour pouvoir embrasser la fille brune.

    Avec la fille blonde, il rvise des cours dastronomie, de logistique, de criminologie, il sentrane au karat. Et si la fatigue lassomme, cest pour mieux trouver le repos entre les bras de la fille brune.

    Un jour, il partira pour chercher la fille blonde. Pour ne pas voir les larmes et la dtresse dans les yeux de la fille brune.

    Car son amie et son amour, cest ce quil a de plus prcieux en ce monde.

  • CHAPITRE 6

    Ezla

    Le matin-mme, elle stait tenue bien droite, devant la plaque des pris en mer, dans le petit cimetire. Sa mre tait effondre, je la soutenais du mieux possible. Elle Salom, la mre de Jelle, lui avait pass un moment les bras autour des paules, mais elle stait dgage. Jelle pleurait en silence ses cts. Elle, Joan, navait toujours pas vers la moindre larme.

    ***

    Elle se tient dsormais face moi. Nous sommes assis sous la tonnelle, dans le jardin des parents de Jelle. A deux pas de la maison.

    - Joan, voil ce que nous te proposons, Salom, Victor et moi. Ta maman ta maman doit tre hospitalise. Elle est tombe en pleine dpression. Elle ne peut pas soccuper de toi, tu en es bien consciente ?

    - Oui, parrain, je le sais, je men rends compte. Il faut que quelquun soccupe bien de maman.

    - Il y a une clinique, spcialise Ixiopolis, o elle sera bien, tu nas pas tinquiter. Tu pourras la voir souvent.

    - Et donc, pour moi ?

    - Pour toi Victor et Salom sont prts continuer soccuper de toi, ce que tu vives avec eux. Moi, avec le mtier que je fais je ne pourrais pas moccuper de toi, je suis toujours en mission, dans la galaxie Il vaut mieux que tu restes, ici, o tu as grandi, entoure par tes amis, avec Jelle.

    - Mais comment ils feront, je veux dire a fait une personne de plus quand mme

    Je suis rest pensif un moment : mme 10 ans, Joan tait dj bien mre pour son ge et avait conscience de certaines ralits. La disparition de son pre expliquait certainement cela hlas. Jaurais prfr quelle garde encore un peu de son insouciance, de son enfance

    - Je les aiderai tlever, Joan. Moi, je nai personne, tu sais pas de femme, pas denfants juste toi, ma filleule, dont je dois prendre soin, je lai promis ton pre, quand tu tais bb, quand il ma demand dtre ton parrain. Tu ne resteras pas sans aide, sans soutien, Joan. Mme si je suis loin, je viendrai te voir autant que je le pourrai.

    Es-tu daccord pour rester ici ? Tu continuerais vivre presque comme avant, jai bien dit presque

    - Je ne vois pas ce que je pourrai faire dautre, nest-ce pas ? Et je suis trs touche que Salom et Victor me proposent de rester avec eux. Je les aime beaucoup, tu sais, et puis, il y a Jelle je ne veux pas tre spare de Jelle, et elle, ne veut pas non plus.

    - Cest bien pour cela que nous avons envisag cette solution. Tu es donc daccord ?

    - Oui.

    Je suis reparti deux semaines plus tard, soulag. Ma filleule ne restait pas sans soutien. Elle allait continuer grandir, vivre. Je savais que Victor et Salom lentoureraient de beaucoup daffection, damour mme, de tendresse. Et puis, elle aurait lamiti de Jelle, de Davies

    ***

    Les premiers mois furent difficiles. Salom sinquitait beaucoup pour Joan, Moi aussi. Mais petit petit, la vie reprit son cours. Son papa lui manquait parfois terriblement, et dans ces moments-l, elle se rfugiait sur sa petite plage. Petit petit, elle apprit enfouir cette douleur au fond delle-mme. Elle continuait aller au lyce, avec Jelle et Davies. Ils continuaient faire leurs devoirs sous la tonnelle, aller jouer sur la plage. Elle, elle se baignait toute lanne, hormis lhiver. Et encore, ctait bien parce que Jelle len empchait Elle lui disait pourtant quil suffisait de se baigner tous les jours pour ne pas perdre lhabitude de la temprature de leau !

    Je venais les voir une deux fois par an, selon mes disponibilits. Mais je les contactais souvent, ds que je revenais de mission. Quand je restais sur Terre, jappelais mme chaque semaine. Puis on a fait le choix demmener July sur Terre, car sur Ixio, mme sils taient pleins de bonne volont, les mdecins taient impuissants face son cas. La dcision na pas t facile prendre, mais Joan a compris que ctait pour le bien de sa maman. Au dbut, je lui donnais des nouvelles de sa mre, puis petit petit, jai cess de le faire, ltat de July Landore tait toujours le mme. Aucun traitement, aucune mdecine, navait pu la sortir de sa folie, de son hbtude. Je lui rendais visite de temps en temps, et je ressortais toujours trs malheureux du centre de soin o elle avait t interne. Rien, je le craignais, ne pourrait faire sortir July de ce monde doucereux o elle vivait dsormais. Et je me disais que ctait peut-tre le mieux pour elle, elle ne souffrait pas. Mais pour eux tous, pour Joan surtout ctait dj bien difficile de vivre, de grandir sans son pre, mais de savoir en plus que sa mre tait vivante mais, dune certaine manire, comme morte aussi

    Joan sest rapproch de moi partir de ses quinze ans. Quand elle a mis le souhait dentrer lacadmie de la police interplantaire. Jtais un peu embarrass au dpart, elle sengageait dans un mtier difficile, exigeant elle avait les capacits et le caractre pour supporter les tudes longues, et pour remplir les missions, parfois physiquement prouvantes. La premire anne, a na pas t facile pour elle. Certains pensaient quelle avait bnfici de piston, du fait que je me trouvais haut plac dans le service dAnders, puisque jtais un de ses principaux adjoints, un de ceux auxquels il confiait les missions les plus dlicates. Mais Joan a fait ses preuves, patiemment, vaillamment. Jai eu beaucoup dadmiration pour elle, cette priode de sa vie. Je la voyais plus souvent que sur Ixio, bien entendu, mais jtais souvent parti aussi. Heureusement, elle avait ses

  • cts ses amis Jelle et Davies. Elle ntait pas seule, perdue dans New York.

    Nous sommes partis ensemble pour sa premire mission, une fois ses tudes valides. Elle tait devenue agent de la police interplantaire. Ctait son rve. Elle avait travaill dur pour cela. Je nai jamais regrett de lavoir emmene avec moi, et la russite de notre travail sur Mgara, a dailleurs permis que jobtienne dAnders de toujours travailler avec elle. Depuis plusieurs annes, je navais en effet pas de partenaire de travail attitr, je partais un peu avec qui Anders dsignait. Je navais pas particulirement de prfrence, et jaimais bien changer dquipier. Japprenais ainsi connatre beaucoup dagents. Mais ds que Joan a t en mesure dtre avec moi, je nai pas voulu repartir avec quelquun dautre. Cest la seule faveur que jai demande Anders, et quil ma accorde, avec laval du Prsident, du fait de mes tats de service. Sil y a eu jamais favoritisme concernant Joan, cest juste sur ce point.

    Cest sur Mgara quelle a fait la connaissance de Curtis

    Newton. Je connaissais le Capitaine Flam depuis plusieurs annes, je lavais rencontr lors de son premier priple dans le systme solaire, en compagnie de son quipe. Cest un homme quon noublie pas quand on le rencontre, mme sil tait encore jeune, il manait de lui une maturit, une force, une intelligence que peu de gens possdent, ou du moins, peu de gens possdent toutes ces qualits runies. Nous nous sommes vus plusieurs fois, aprs quil ait propos ses services au Prsident Cashew. Curtis est trs vite devenu un ami, malgr notre diffrence dge. Jai lge dtre son pre, mais je nai jamais vcu notre amiti sous cet angle. Et je ne pense pas me tromper en disant que lui non plus. Il a une faon particulire dtre avec les gens. Respectueux, exigeant quand il faut ltre. Il sait diriger une quipe et couter les divers avis.

    Mais je naurai jamais pens quils seraient tombs amoureux. Parce qu lpoque, ma filleule tait trs investie dans son mtier, et javais le sentiment que rien naurait pu len dtourner. Quant Curtis, il tait trop secret pour quon puisse deviner ses sentiments. Il a fallu plusieurs mois avant que je ralise ce qui leur arrivait.

  • CHAPITRE 7

    Curtis

    - Curtis, je voudrai que tu me parles de Joan.

    - Que je te parle de Joan ? Tu veux que je te parle de Joan ?

    - Oui.

    - Et que je te dise quoi ?

    - Tout !

    - Tout ? Hum

    - Non, ctait une blague, la Mala. Non, au moins le dbut.

    - Ah, a me rassure mais tu es sre ?

    - Oui, oui. Tous les autres lont fait.

    - Tous les autres ?

    - Oui, toutes les personnes qui ont connu Joan durant son enfance et son adolescence mont parl delle. A leur manire. Maintenant, cest ton tour.

    - Mais je ne lai pas connue ces priodes-l de sa vie ! Et mme si je peux te raconter certaines choses, certains vnements, je pense que Jelle ta tout dit

    - Jelle ma dit beaucoup de choses, bien sr. Mais tu vois, ces parties de lhistoire de Joan sintitulent De lenfance lge adulte. Et ce qui viendra aprs ton rcit, cest lge adulte et a commence par toi. Donc tu ne peux pas y couper. Tu dois faire la transition, dsole.

    - Les auteurs sont bien exigeants avec leurs personnages

    - Tu ne devrais pas te plaindre, Curtis Newton !, Hamilton a racont toute la suite, dautres aussi, et jessaye de raconter ce qui vient avant

    - Je ne peux pas y couper, cest a.

    - En effet, tu ne peux pas y couper. Aprs, je te vous laisserai tranquille(s).

    - Alors, vas-y, la premire fois que tu las vue ?

    - Hum, la premire fois Ctait Tycho. Avec Ezla.

    - Hein ?

    - Tu me laisses parler, oui ?

    - Ok, je ne dis plus rien.

    - Ctait la premire fois quEzla venait Tycho. Nous avions fait connaissance un an plus tt, alors que Simon avait lanc une srie de voyages dans le systme solaire et ses environs pour me le faire dcouvrir. Javais 17 ans

    quand on est parti ainsi, pour de longs mois dexploration. Cest sur Pluton que jai fait la connaissance dEzla. Nous avons sympathis tout de suite, et il a t le premier Terrien tre invit chez nous, lors de son retour de Pluton la Terre. Jai vu Joan pour la premire fois cette occasion, un soir que nous parlions tous les deux. Il me racontait que sa filleule lavait rejoint sur Terre pour y poursuivre des tudes lacadmie de la police interplantaire. Il tait heureux de revenir sur Terre pour la revoir, il esprait que ses tudes se droulaient bien. Il ma montr une photo delle, quand elle avait 6-7 ans, au moins 6 oui, puisquelle portait dj le bracelet de sa grand-mre. Elle tait avec ses parents, sur Ixio. La photo a t prise devant leur maison. Il ma racont, sans entrer dans les dtails car Ezla est quelquun de trs pudique, quil soccupait delle depuis quelle avait entam ses tudes. Je nai pas os lui poser de questions sur ses parents. Cest plus tard que jai appris ce qui tait arriv William et July. Mais cest ce jour-l que jai entendu parler de Jelle et de Davies pour la premire fois.

    - Dcris-moi mieux cette photo ?

    - Je nen garde quun vague souvenir le papier tait bien abm, a faisait des annes quEzla portait cette photo sur lui, et il a bourlingu durant tout ce temps. Les parents de Joan taient assis, sur un petit banc, devant leur maison, on ne voyait de cette maison quune partie dun mur et dune fentre. Je crois quon voyait quelques fleurs sur son rebord, mais jdulcore peut-tre Joan tait debout entre eux deux. Juste une petite fille aux cheveux longs et blonds entre ses parents. Une simple photo de famille et damiti. Cest Ezla qui avait pris la photo.

    - Et votre premire rencontre, en chair et en os ?

    - Ctait sur Mgara. On y tait arriv la veille aprs dj une escarmouche avec des hommes de lEmpereur de lEspace. Avec Mala dguis en Mgarien, jtais parti en ville. Lui de son ct, devait infiltrer le milieu mgarien, et moi du mien, jallais la rencontre du gouverneur. Je passais tranquillement dans la rue, quand soudain, la porte dun bar sest ouverte, laissant sortir un homme victime de la rtrogradation. Ctait le premier que je voyais se transformer ainsi, ctait impressionnant car trs rapide. Lhomme est sorti dans la rue, tout le monde sest enfui, pour sloigner de lui rapidement. Sauf une femme et son enfant, avec le petit, je pense quelle na pas pu aller assez vite. Lenfant est tomb, lhomme menaait de lcraser jai voulu intervenir mais Joan ne men a pas laiss le temps. Elle lui a fait une prise de karat, il est tomb lourdement au sol, il avait perdu connaissance. Aussitt, elle a pris les choses en main, comme quelquun habitu grer des situations difficiles, organiser lintervention des secours. Bref, elle faisait son job, elle savait ce quelle avait faire et elle le faisait bien. Moi, jtais un peu scotch, je me souviens que je suis rest un moment sans bouger, la regarder, je crois que jtais plus impressionn encore par elle, parce quelle avait fait, que par la rtrogradation dont javais t tmoin linstant davant. Tout tait all trs vite !

  • - Tu es tomb amoureux ce moment-l ?

    - Non enfin je ne sais pas exactement. Cest une question difficile. Je me la suis pose souvent. En fait, je nen sais rien. Je sais juste quelle ma impressionn. Et quaprs

    - Aprs ?

    - Quand je me suis rendu chez le gouverneur, avant mme de la voir, jai reconnu sa voix. Et je me suis senti heureux, car jallais la revoir, jallais faire sa connaissance.

    - Et tu as fait le lien avec Ezla, quand ? Tu las reconnue

    quand ?

    - Plus tard, bien plus tard ! Quand il tait venu sur la Lune, il ne mavait dit que son prnom des Joan, il y en a des milliers. Des Joan Landore, il ny en a quune. Enfin, pour moi. Cest durant notre retour sur Terre que jai fait le rapprochement. Un moment o ils discutaient tous les deux, o Joan lui disait quelle tait heureuse de rentrer et avait hte de revoir Jelle et Davies. Le prnom de Jelle est suffisamment rare pour quil me soit revenu lesprit.

    - Donc, cest un peu grce Jelle que tu as compris

    - En quelque sorte, oui.

  • DEUXIEME VOLET

    *

    A LAGE ADULTE

  • CHAPITRE 1

    The man I love

    Joan entra dans la vaste pice, une salle de repos de luniversit des sciences de la Terre de New York. La fte y battait son plein. On tait la fin juin, il faisait trs beau et dj lt savanait, brlant, sur la ville-monde. Ctait une fte de fin dtudes, durant laquelle les tudiants clbraient tout la fois : fin de lanne universitaire, fin des concours et examens, diplmes.

    Elle aperut Marcus Turner, mais lignora. Elle cherchait Jelle des yeux. Ce fut finalement Davies qui la trouva en premier.

    - Joan ! Te voil ! On ne tesprait plus. Tu es bien rentre de Mgara ? Ca sest bien pass ?

    - Bonjour Davies ! Un sacr dfi pour une premire mission mais oui, tout sest bien pass et termin. Je suis rentre avec Ezla et un petit garon, un orphelin, qui ma t confi, Ken. Je vous le prsenterai loccasion. Il est rest avec Ezla ce soir, pour me permettre davoir ma soire de libre pour Jelle. Je suis si fire delle ! Cest formidable. Elle a russi ce quelle voulait faire depuis si longtemps

    - Oui tiens, viens, elle est l-bas, avec Claire et Sybille.

    Ils se dirigrent vers un groupe un peu bruyant, joyeux. Plusieurs filles et garons trinquaient, chantaient

    - Joan ! Ma Joan ! Oh que je suis contente de te voir !, lui dit une belle jeune femme aux longs cheveux bruns en lui sautant au cou. Je me demandais si tu allais venir

    - Tu crois que jallais rater a ? Une fte comme a ? Jamais de la vie !

    - Alors, tout va bien ?

    - Oui, tout va bien. Sers-moi donc quelque chose que je puisse trinquer avec cette bande de fous !

    Et Jelle clata de rire. Elle lui servit un verre, et Joan sincrusta dans le petit groupe damis.

    Plus tard, elle sortit dans la nuit. Leva les yeux vers la Lune. Elle ne savait pas encore quelle lverait souvent, durant des annes, les yeux vers cette Lune la clart si douce. Il tait reparti sur sa base. Elle ne savait pas quand elle le reverrait, ni si elle le reverrait. Elle savait juste quelle ne pourrait jamais loublier.

    - Joan, a va ? Besoin de solitude ?

    - Jelle ! Tout va bien, je tassure. Juste que je nai plus lhabitude dautant de monde, dautant de bruit mais a fait du bien aussi, aprs une mission de changer dambiance. Je commence comprendre ce que veut dire Ezla parfois.

    - Comment va-t-il ? Ctait vraiment une chance pour toi davoir pu partir avec lui pour ta premire vraie mission. Il

    faudra que tu me racontes tout

    - Oui, je ny manquerai pas, mais l, on a autre chose faire : on a ton diplme fter !

    - Hum

    Jelle regarda plus attentivement son amie. Dj ds la premire seconde o leurs regards staient croiss, quelques heures plus tt, elle avait peru un imperceptible changement sur son visage, dans ses yeux. Il y avait une toile qui ny tait pas lors de son dpart, une nouvelle clart. Elle se tut pendant un moment. Puis une lueur amuse apparut dans ses propres yeux et un sourire claira son visage.

    - Oui, il faudra vraiment que tu me racontes tout. Et surtout que tu me dises comment il sappelle et que tu me racontes tout sur lui.

    - Qui ? De qui parles-tu, Jelle ?

    - De celui qui a fait sauter les verrous de ton cur, ma belle.

    Joan regarda son amie. Jelle ltonnerait toujours. Elle la connaissait vraiment trs bien. Elle ne dit rien, non, ce ntait pas la peine de dire quoique ce soit, de tenter dchapper aux questions, ce regard perant, ces beaux yeux sombres. Jelle savait. Mieux peut-tre quelle-mme.

    - Jelle tu promets de ne pas te moquer ?

    - Arrte ma belle ! Depuis quand je me moquerai ?

    - Cest assez incroyable, tu sais

    - Je ne vois pas ce quil peut y avoir dincroyable ?

    - Si

    - Bon, alors, il sappelle comment ?

    - Curtis Newton. Cest le Capitaine Flam.

    Jelle tait prte entendre peu prs tout et nimporte quoi, mais pas a. Pas que son amie soit tombe amoureuse de lun des hommes dont on commenait beaucoup entendre parler, que Davies et les autres jeunes agents de la police interplantaire considraient dj comme un hros, un exemple.

    - Viens, dit-elle Joan. On rentre. On se fera un dernier verre, tu me raconteras tout la maison.

    - Mais ta fte enfin, cest quand mme un peu ta fte

    - Men fiche. Je veux que tu me racontes TOUT !

    Joan sourit. Elle aimait lenthousiasme de Jelle, sa force dplacer des montagnes. A tout bousculer. Cette foi

  • inbranlable en la vie, aussi.

    Elles sapprtaient quitter le campus discrtement, lorsquune voix les hla :

    - Et bien, les filles, on part comme a, sans dire au revoir et mme, sans avoir dit bonjour, Joan, il me semble. Je navais pas souvenir que tu pouvais tre impolie.

    - Fiche-nous la paix, Marcus !, rtorqua Jelle, passablement agace en reconnaissant limportun.

    - Ho, Jelle, arrte avec tes grands airs, tu veux ! Tu te crois suprieure tout le monde, maintenant que tu as dcroch ton fameux diplme mais de toute faon, cest avec Joan que javais envie de passer un petit moment, pas avec toi. Cela fait bien longtemps que je nai pas pu profiter de son joli minois.

    - Dsole, Marcus, mais je nai vraiment pas envie de passer un petit moment avec toi. Je nai pas vu Jelle depuis plusieurs mois, et cest avec elle que je souhaite passer le reste de ma soire.

    - Davies va tre jaloux

    Jelle ne rpondit pas. Elle ne supportait pas Marcus Turner. Il avait fait trop de mal Joan, et maintenant, il jouait le joli cur. Il tait vraiment insupportable. Elle lui tourna le dos, entranant Joan qui ne voulait vraiment pas se retrouver avec lui non plus.

    Elles gagnrent lappartement que Jelle occupait avec Davies, depuis deux ans maintenant.

    - Tu veux boire quoi ?, demanda Jelle Joan, alors quelles sinstallaient confortablement dans les fauteuils.

    - Hum rien dalcoolis, jai dj bu un peu tout lheure, a va suffire. Si tu veux que je te raconte les choses clairement, il vaut mieux viter.

    - Je nous prpare un th glac ?

    - Trs bien !

    Jelle sactiva dans la cuisine, revint avec une grande thire.

    - Allez, raconte ! Depuis que je tai vue, je savais que tu allais avoir des choses me raconter, mais l quand mme le Capitaine Flam !

    - Pff ma belle, si tu savais moi-mme, jai bien du mal y croire !

    Et Joan commena son rcit. Elle raconta dabord Jelle son arrive sur Mgara, avec Ezla. La rencontre avec le gouverneur, la gestion des hommes devenus monstres. Lpidmie qui se dveloppait, cette rtrogradation qui commenait toucher de plus en plus de personnes, essentiellement des hommes, sans quon puisse expliquer le phnomne. Comment Ezla et elle-mme avaient enqut, mais sans avoir abouti rien de satisfaisant. Puis elle raconta sa premire rencontre avec Curtis.

    - Jtais chez le gouverneur. On avait encore eu trois cas

    de rtrogradation emmener lhpital, enfin, lancienne prison, le matin-mme. Il fallait vraiment faire quelque chose. Ctait horrible de voir ces hommes se transformer ainsi en btes. Ctait trs impressionnant. Ezla mavait demand daller voir le gouverneur, pour obtenir des moyens supplmentaires. Jtais en pleine discussion avec lui, quand le Capitaine est arriv. Il nous a surpris tous les deux, car il avait russi franchir les portes scurises sans que le gouverneur en soit inform. Je ne sais pas comment il a fait.

    - Et alors ? Le coup de foudre ?

    - Ben

    - Ben oui, quoi, dis-le ! Ah !!!!

    - Oui, et Joan rougit lgrement. Oh Jelle, je me sens tellement bte, tu sais

    - Allons ! Il ny a pas de raisons ! Bon, et la suite, alors ? Jimagine que tu ne las pas vu quune seule fois ?

    - Non, en effet. On peut mme dire que nous avons pass plusieurs moments ensemble, dans le cadre de la mission. Il avait t envoy par le Prsident Cashew pour soccuper, comme Ezla et moi-mme de cette affaire. Il a d affronter celui qui se faisait appeler lEmpereur de lEspace et

    - LEmpereur de lEspace ! Rien que a ! Il avait les chevilles qui enflaient celui-l

    - Je ne sais pas, je nai pas eu loccasion dtudier vraiment son caractre. Tout ce que je sais, cest que cet homme tait redoutable. Il avait conu une terrible machination pour semparer de Mgara, et terme de notre systme solaire.

    - Et donc, vous avez combattu cte cte ?

    - Oui. On sest mme retrouvs prisonniers ensemble, avec Mala. Un de ses quipiers, un androde. Tu sais, il a une quipe vraiment originale. Outre landrode, il y a un grand robot, Grag, trs gentil, mais il ne faut pas avoir sy frotter il est trs fort. Et un cerveau volant, le professeur Simon.

    - Quoi ? Un cerveau volant ?

    - Oui, le professeur Simon Wright tait un trs grand scientifique. Il lest toujours dailleurs. Il a travaill avec les parents de Curtis, du Capitaine Flam, pardon. Mais il tait atteint dune terrible maladie et pour viter que son cerveau ne soit atteint, les parents de Curtis et lui-mme ont procd une sorte dopration et de transfert dans un botier qui se rgnre et soxygne automatiquement. Le cerveau du professeur continue ainsi vivre et mener des recherches. Cest quelquun de trs impressionnant. Peut-tre plus que les deux autres, Mala et Grag, tu sais.

    - Je te crois. Bon, mais revenons-en Curtis, ma belle, tu ne vas pas y chapper. Et ensuite ? Prisonniers ensemble ?

    - Oui. Ctait de ma faute, dailleurs. Je lui avais dsobi

    - Dsobi ? Rien que a !

  • - Oui. Il ne voulait pas que jaille enquter lusine de lun des hommes quil souponnait dtre lEmpereur de lEspace, - qui ne ltait dailleurs pas -. Mais cest dans cette usine que ce fameux Empereur ma faite prisonnire.

    - Et le Capitaine est venue te dlivrer quel esprit chevaleresque, ajouta-t-elle.

    - Oui, je te passe les dtails, mais en venant me librer, on sest retrouv prisonniers, avec Mala. On sen est sortis grce Grag et au professeur. Et puis, il a fallu que le Capitaine se batte avec lEmpereur de lEspace. Il aurait pu mourir, car lEmpereur avait mis au point une technique lui permettant de passer travers les murs, dtre comme transparent. On ne pouvait pas se battre contre lui avec des moyens traditionnels, sauf russir dtruire le botier qui lui permettait justement de devenir transparent. Ca a t un combat pique, jai eu vraiment trs peur pour Curtis, tu sais.

    - Oui, ben, a je men doute, surtout si tu tais sous le charme Bon, et physiquement, et de caractre, il est comment ton super hros (lexpression allait devenir lune des prfres de Jelle pour parler du Capitaine) ? Petit, malingre, bossu le cheveu ras et lil torve, je parie ! Et forcment compltement stupide

    - Jelle

    Joan avait clat de rire. Elle adorait lhumour de son amie. Cet humour qui pouvait aussi briser les plus paisses falaises de glace.

    - Il est grand, plus grand que Davies qui nest pourtant pas petit. Roux, les cheveux toujours un peu en bataille. Les yeux gris, avec un regard trs doux (enfin quand il me regardait). Un trs joli nez. Jaime vraiment beaucoup son nez.

    - Ben voyons

    - Et il est trs courageux et possde des connaissances scientifiques impressionnantes. Je pense quil a appris tout cela grce au professeur. Je les ai entendus parler tous les deux, propos des cas de rtrogradation de lespce et ctait vraiment oui, impressionnant ! Je ne trouve pas dautres mots.

    - Et avec toi ? Il a t comment ?

    - Trs gentil mais aussi trs protecteur. Je ne suis pas certaine quil apprcie particulirement quune jeune femme se lance dans des aventures prilleuses comme celle que nous avons vcue. Mais en mme temps, il sait que je seconde Ezla, donc, que jai les capacits remplir certaines missions difficiles ou dlicates.

    - Bon, pas mal tout cela, ma belle. Maintenant, va falloir le revoir et puis concrtiser tout a !

    - Hum, a cest une autre affaire. Tu sais, il est toujours parti aux quatre coins de la galaxie, soit lexplorer, soit remplir des missions pour le compte du gouvernement interplantaire.

    - Peut-tre, mais comme tu le disais, toi aussi, tu vas tre

    amene faire ce genre de missions. Vous vous reverrez certainement.

    - Cest possible, dautant quEzla et lui se connaissent trs bien.

    - Ah mais a, cest une chose importante ! Jignorais quEzla avait de telles relations .

    - Tu sais que parrain est quelquun de trs discret mais de trs fidle en amiti aussi.

    - Tout fait Allez, je te sers autre chose que ce th, car quoique tu en dises, on na pas que mon diplme fter ce soir ma belle

    Joan avait souri son amie. Oui, il ny avait pas que le diplme de Jelle fter. Il y avait du nouveau dans sa vie

    ***

    Du nouveau qui avait donc pris lallure dun grand jeune homme roux, aux cheveux toujours en bataille, au sourire clatant et aux yeux gris qui la fixaient avec une douceur incroyable. Elle nosait pas penser cette douceur. Quant il la regardait, elle avait limpression de fondre sur place. Ctait un sentiment trange et nouveau pour elle. Jamais un homme ne lui avait fait cet effet-l, pas mme Marcus Turner qui, pourtant, avait su la charmer.

    Ils avaient eu loccasion de se revoir rapidement, pour deux autres missions. Dont lune sur Bama et lautre face au dangereux Docteur Zaro. Il lui avait sauv la vie, et rciproquement, et elle sentait bien aussi quils devenaient plus proches. Mais sans pour autant quil y ait eu le moindre geste de tendresse entre eux. Juste des regards. Des regards quelle trouvait lourds de sens.

    Et puis, Jelle avait eu loccasion de le rencontrer, au dbut de lhiver, il y a deux mois de cela. Et a, a avait tout chang. Enfin, tout chang pour Joan. Ca lui avait donn plus confiance en elle. En ce quelle ressentait. Jelle tait persuade que Curtis prouvait aussi des sentiments pour Joan. Une sorte dintuition. Et Jelle tait trs forte en intuitions. Au point parfois que Joan se demandait pourquoi elle tudiait les pierres et les minraux, lments figs, alors quelle tait si forte en psychologie humaine

    Jelle avait raison, une fois de plus. Oui, les verrous de son cur avaient vraiment saut. Ctait bon. Une libert quelle pouvait saccorder dsormais. La libert daimer. Son amour pour Curtis grandissait, au fil des jours, malgr lloignement. Et ds quelle le revoyait, elle sentait son cur battre si fort quelle se sentait comme emporte par cet amour.

    ***

    Maintenant, lhiver tait l, il emprisonnait la ville-monde dans un carcan de givre et de neige. Elle sortit du bureau, emmitoufle dans un chaud manteau. Mais le froid la saisit quand mme. Le froid et une peur qui ne quittait plus son cur, depuis quelques jours, depuis quelle avait tent de lempcher de partir pour cette aventure, pour lempcher de remonter le temps. Le reverrait-elle jamais ?

  • Elle se dpcha de gagner la gare du cyber-mtro, pour se mettre labri du vent coupant. Mais rien, elle le savait, rien ne pourrait abriter son cur. Rien ne pourrait la rassurer. Il fallait pourtant quelle trouve le moyen de rester calme et confiante, ne serait-ce que pour ne pas effrayer Ken. Ils avaient trouv un mois plus tt un appartement assez grand pour eux deux avec chacun leur chambre, un beau salon et une vraie cuisine. Elle avait entam den refaire la dcoration, mais lhiver ne se prtait pas vraiment aux grands travaux. Elle ne voulait pas cependant que lappartement ait un air de camping . Ken avait besoin de stabilit, de tendresse aussi, pour se reprendre aprs le dcs de ses parents dans un accident. Elle en prenait soin, comme elle lavait promis Curtis. Curtis

    Elle se sentait parfois si fragile Si fragile face cet amour qui emportait tout, qui lemportait, elle ne savait o. Oui, elle se sentait fragile. Surtout ces jours-ci. Ces jours dhiver glacial.

    Elle secoua la tte, se disant que Jelle, pour une fois, navait peut-tre pas raison. Il ntait vraiment pas facile daimer. Les premiers mois, elle avait vcu cet amour comme une grande joie. Son cur, bris par Turner, reprenait vie, recommenait battre. Elle se mettait nouveau goter la vie, la joie dtre en vie. Aux bonheurs simples de lexistence, bonheurs quelle navait plus t capable dapprcier cause du beau chercheur. Mais l, au cur de lhiver, alors que le Capitaine tait parti pour une des missions les plus dangereuses qui soient, elle avait bien du mal garder confiance. Confiance en lui, en elle, en son amour.

    Pourtant, elle navait pas le droit de flancher, pour Ken aussi. Ken qui lattendait lappartement.

    - Bonsoir Joan !

    - Bonsoir Ken, tout va bien ? Tu as pass une bonne journe ?

    - Oui, a va et toi ?

    - Ca va

    Le jeune garon stait, comme son habitude en rentrant de lcole, vautr sur un des grands fauteuils du salon et regardait des dessins anims dun autre ge racontant lhistoire dun hros venu dune autre plante bord dun robot gant. Il adorait ces histoires !

    - Ctait quand mme dingue, limagination quils avaient lpoque faire voler des robots, tu te rends compte ?

    - Oui

    Joan essayait de se rendre compte.

    - Compltement has been, mais jadore trop !

    - Jadore trop vraiment ?

    - Oui ! Mais ct, le Cyberlabe, cest quand mme tellement plus classe ! Tu nes pas daccord ?

    - Si si

    Ken finit par regarder la jeune fille. Elle parlait si peu ce soir elle avait lair trs proccupe Il frona les sourcils, voulut poser une question, mais elle tait dj partie dans la cuisine.

    - Tu veux manger quoi, ce soir, Ken ?

    - Comme toi !

    - Hum, cest que je nai pas trs faim. Je vais me faire un bon th avec une compote, a suffira.

    - Tes pas malade au moins ?

    - Non, non, je tassure, juste pas trs faim.

    - Bon, alors, tu me fais des ptes ? Un grand plat de ptes avec plein de ketchup et beaucoup, beaucoup de gruyre rp

    - Va pour la moiti de la bouteille de ketchup et un grand bol de gruyre rp

    - Extra, super, gnial !

    Ils sinstallrent peu aprs pour dner, autour de la table du salon. Enfin, plutt, Ken sinstalla et se mit dvorer son assiette (a faisait plaisir voir) et Joan sirotait son th, le regard dans le vague. O tait-il ? Lui son amour Dans quelle nbuleuse du temps tait-il all se perdre ? Il lui avait dit que sil partait, ctait parce quil tait certain de pouvoir revenir mais quand ? Comment ?

    - H, Joan, tas pas entendu ma question ?

    - Excuse-moi, Ken, tu disais ?

    - Rien, tes bizarre

    - Non, je tassure une grosse journe de boulot, cest tout

    - Je vais dire Ezla de te mnager. Tu travailles trop. Tes toute ple et tu ne dis rien. Tes pas drle.

    - Dsole je ne vais pas traner, Ken, ne regarde pas tous les pisodes dun coup, surtout, tu as encore cole demain le wLimaye-end, ce nest que demain soir, hein ?

    - Ouais, ouais, promis juste encore 2-3 enfin, peut-tre 4 ?

    Joan navait rien rpondu. Elle savait quil lui faudrait se relever dici une heure pour arrter la tlvision et obliger le garon se coucher. Mais quil ne servait rien de se battre avant. Elle gagna sa chambre, aprs un rapide passage dans la salle de bain. Elle regarda le ciel par sa fentre. Un ciel dun gris sale et sombre, les lumires de la ville se refltaient dans les nuages. Il ny aurait pas dtoiles, ni de lune ce soir. Comme souvent en hiver. Pourtant, voir la Lune laurait rassure ctait idiot, puisqu il ny tait pas

    Elle sentit soudain comme quelque chose qui craquait en elle. Comme la glace qui souvre et laisse passer un torrent fou. Elle se jeta sur son lit et se mit pleurer, pleurer

  • Une main se posa sur son paule. Ctait Jelle. Quest-ce que Jelle faisait l ?

    - Joan, cest moi. Quest-ce qui ne va pas ?

    - Jelle quest-ce que tu fais l ?

    - Cest Ken. Il ta entendue pleurer. Il ma appele je crois que tu lui as fait peur ce soir.

    - Oh ma Jelle je je ne sais plus, je nen peux plus

    Jelle avait regard son amie. Il tait grand temps quelle vienne. Grand temps que Ken lappelle, en effet.

    - Davies ?

    - Oui, ma chrie.

    - Emmne Ken chez nous, sil te plat. Je vais rester avec Joan. Ken, pas de soucis, je men occupe. Ca va aller. Il faut juste quon parle et quon soit tranquille un peu, ok ?

    - Ok, Jelle. Tes vraiment sre que a va aller ?, avait rpondu le jeune garon.

    - Oui, oui, ne tinquite pas.

    Jelle avait le don de prendre les choses en main quand quelque chose nallait pas. Surtout quand Joan nallait pas bien, et depuis quelques temps, elle tait sujette beaucoup de sautes dhumeur. Un jour, clatante de bonheur, un autre jour au dsespoir. Il avait du mal suivre. Aprs tout, il ntait quun petit garon de 8 ans

    ***

    Jelle avait investi la cuisine. Elle avait prpar du th, comme son habitude. Elle ne buvait que a, elle aimait lapaisement que lui donnait cette boisson, la force aussi. Et boire quelque chose de chaud, de doux, de lgrement parfum, ferait du bien Joan, elle le savait.

    - Tiens, prends une tasse, calme-toi et raconte-moi ce qui ne va pas.

    - Oh Jelle tu vas en avoir marre la fin cest finalement toujours la mme chose.

    - Men fiche. Tu peux me bassiner avec Curtis Newton jusqu la fin des temps, a mest gal. Je suis ton amie, je suis prte tout entendre, nimporte quelle heure du jour ou de la nuit. Les pires btises, les plus grosses neries, les plus beaux mots aussi. Je suis toute oue.

    - Jelle il est reparti.

    - Ca, je men doutais. Zro rvlation. Continue.

    - Un voyage dans le temps.

    - Dans le temps ? Mais ils sont cingls ?

    - Je le pense aussi mme sil ma dit quils avaient tout prvu. Que le professeur Simon avait beaucoup travaill

    sur la machine, quil ny avait pas de risques derreur Et que sil partait, ctait parce quil tait sr de revenir et quil fallait absolument venir en aide ce peuple du pass.

    - Et il na pas assez faire avec le prsent, peut-tre ? Sil ne sait pas quoi faire de son temps, il pourrait soccuper de toi Ce que jen retiens, en tout cas, cest que a te plonge dans une angoisse pas possible. Je vais finir par lui coller un gage ma sauce, ton super hros

    - Jelle

    Joan essayait de sourire, travers ses larmes, malgr la peur qui rsistait toutes les remarques de son amie. Jelle tait championne pour vaincre la peur. Une championne hors pair aurait dit Davies. Jelle avait une force intrieure impressionnante. Une foi inbranlable en la vie. Un penchant pour lespoir quelques soient les preuves, les dfis. Jelle tait persuade quelle trouverait le bonheur avec Curtis. Mais cela Joan se linterdisait encore trop dy croire. Ctait peut-tre aussi pour cela que, ce soir, elle avait autant peur pour lui, pour elle, quelle avait du mal croire en eux Mais Curtis pouvait se montrer si distant, si froid vis--vis delle Eprouvait-il seulement autre chose quune simple amiti ? Il lui arrivait den douter frquemment. Pourquoi aimer tait-il si douloureux ?

    - Jelle ?

    - Oui ?

    - Pourquoi est-ce quaimer fait si mal ? Parfois, jaurai voulu ne jamais aller sur Mgara, ne jamais le rencontrer ne jamais tomber amoureuse

    - Tu veux que je te dise quelque chose ?

    - Je tcoute.

    - Tu nes pas amoureuse de Curtis. Cest plus que a. Tu laimes. Cest diffrent. Cest plus fort.

    - Jai du mal saisir la nuance

    - Prenons le cas Marcus Turner, que tu as encore bien en tte, hein, nest-ce pas ?

    - Oui, pas la peine de remuer de vilains souvenirs

    - Je ne souhaite pas que tu ravives des souvenirs douloureux, simplement que tu repenses toi, ce que tu ressentais pour lui, ce qui se passait alors. Tu nas jamais aim Marcus, Joan. Tu tais amoureuse, simplement, et encore. Je dirai plutt que tu tais sous le charme. Un charme terriblement envotant, jen conviens, mme si je me suis toujours demand ce que les filles pouvaient trouver cette espce de serpent venimeux. Mais enfin tu te ltais mis en tte, je ne reviens pas l-dessus. Ce que tu prouves pour Curtis est totalement diffrent. Bien sr, tu te demandes ce quil ressent pour toi. Mais surtout, tu tinquites pour lui. Tu vis pour lui. Tu laimes vraiment. Tu veux partager des choses avec lui, ta vie sa vie construire aussi. Tu ressens vraiment quelque chose pour lui et pas une simple attirance, ok ? Et si je peux parler un peu crment, le jour o tu coucheras avec lui, ce ne sera pas un simple passe-temps !

  • - Ca narrivera jamais

    - Arrte de dire des c Ca arrivera ! Jen suis certaine ! Et ce sera un jour ou une nuit (men fous que vous fassiez a le jour ou la nuit !) absolument magique !

    - Jelle tais-toi

    - Non, je ne me tairai pas. Jai raison. Je le sais. Et tu le sais aussi.