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Les journées thématiques Prévention : qualité et sûreté des espaces urbains Les intervenants Alice COLLET, Chercheure Consultante, Sociologue Urbaniste CSTB - Centre Scientifique et Technique du Bâtiment Bertrand VALLET, Chargé de projets PUCA - Plan Urbanisme Construction Architecture La journée organisée autour du programme « qualité et sureté des espaces urbains » lancé par le PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture) du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de la Mer a permis la parole et l’échange sur la prévention entre professionnels des collectivités, agents de l’Etat et délégués du préfet. De nombreuses villes étaient représentées et les professionnels présents issus de divers secteurs : prévention, médiation, gestion urbaine de proximité, développement social urbain, rénovation urbaine, habitat social. Le programme propose d’intégrer la sûreté sans compromettre les vertus de la vie urbaine, et de replacer les questions de prévention de la délinquance dans le cadre du fonctionnement social et urbain d’un quartier précis. L’exemple des deux quartiers nantais, objets de l’expérimentation PUCA, a permis d’éclairer la démarche proposée. Durant cette journée nous avons pu réfléchir sur les théories qui fondent le programme et sur la méthodologie mise en œuvre sur le terrain, du diagnostic au projet, en se posant régulièrement la question du sens : pourquoi et pour qui fait-on le projet ? que veut-on améliorer dans la vie des habitants ? Quelle est leur place dans le projet ? On assiste depuis une dizaine d’années à une transfor- mation de nos espaces urbains sous l’introduction de nouvelles préoccupations, celles liées à la sécurité des personnes et des biens. On cite souvent des aspects caricaturaux : résidences fermées (gated communities), espaces sous vidéo-surveillance, privatisation de l’es- pace, dispositifs anti-indésirables... Ces dispositifs font l’objet de nombreuses critiques et débats animés sur ce que l’on qualifie désormais « d’urbanisme sécuritaire ». Plusieurs auteurs ont ainsi mis en garde face au risque d’émergence d’une « ville des flux » où la recherche d’une fluidité maximale aurait pour conséquence une transformation de l’espace public en espace purement circulatoire. En effet, les interventions urbaines en cours aboutissent dans certains cas à une affectation de l’espace public qui se limite généralement à la fonction de transit, qu’il s’agisse des flux piétons, vélo, véhicules et transports collectifs. L’espace public ainsi envisagé sous le seul angle des flux permet, sinon d’éviter toute interaction sociale, du moins de limiter les tentatives d’appropriation. Le modèle de ville ainsi esquissé permet de rendre acceptable la coexistence de groupes sociaux différenciés mais n’encourage pas les interactions : c’est le régime de la coprésence. LE PROGRAMME PUCA La question qui se pose est donc la suivante : peut-on débusquer des pistes innovantes qui permettent de gérer l’insécurité sans pour autant compromettre les vertus de la vie urbaine, à savoir l’imprévu, l’échange, les libertés, la rencontre…? En d’autres termes, produire de l’urbanité 27 juin 2011, Nantes

Prévention : qualité et sûreté des espaces urbains · sensibilisés aux enjeux de sûreté. Les théories et les savoirs du ... que de révéler les atouts des sites, de s

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Lesjournées thématiques

Prévention : qualité et sûreté des espaces urbains

Les intervenants

Alice COLLET, Chercheure Consultante,

Sociologue Urbaniste

CSTB - Centre Scientifique et Technique

du Bâtiment

Bertrand VALLET, Chargé de projets

PUCA - Plan Urbanisme Construction

Architecture

La journée organisée autour du programme « qualité et sureté des espaces urbains » lancé par le PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture) du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de la Mer a permis la parole et l’échange sur la prévention entre professionnels des collectivités, agents de l’Etat et délégués du préfet. De nombreuses villes étaient représentées et les professionnels présents issus de divers secteurs : prévention, médiation, gestion urbaine de proximité, développement social urbain, rénovation urbaine, habitat social.

Le programme propose d’intégrer la sûreté sans compromettre les vertus de la vie urbaine, et de replacer les questions de prévention de la délinquance dans le cadre du fonctionnement social et urbain d’un quartier précis. L’exemple des deux quartiers nantais, objets de l’expérimentation PUCA, a permis d’éclairer la démarche proposée. Durant cette journée nous avons pu réfléchir sur les théories qui fondent le programme et sur la méthodologie mise en œuvre sur le terrain, du diagnostic au projet, en se posant régulièrement la question du sens : pourquoi et pour qui fait-on le projet ? que veut-on améliorer dans la vie des habitants ? Quelle est leur place dans le projet ?

On assiste depuis une dizaine d’années à une transfor-mation de nos espaces urbains sous l’introduction de nouvelles préoccupations, celles liées à la sécurité des personnes et des biens. On cite souvent des aspects caricaturaux : résidences fermées (gated communities), espaces sous vidéo-surveillance, privatisation de l’es-pace, dispositifs anti-indésirables... Ces dispositifs font l’objet de nombreuses critiques et débats animés sur ce que l’on qualifie désormais « d’urbanisme sécuritaire ». Plusieurs auteurs ont ainsi mis en garde face au risque d’émergence d’une « ville des flux » où la recherche d’une fluidité maximale aurait pour conséquence une

transformation de l’espace public en espace purement circulatoire. En effet, les interventions urbaines en cours aboutissent dans certains cas à une affectation de l’espace public qui se limite généralement à la fonction de transit, qu’il s’agisse des flux piétons, vélo, véhicules et transports collectifs. L’espace public ainsi envisagé sous le seul angle des flux permet, sinon d’éviter toute interaction sociale, du moins de limiter les tentatives d’appropriation. Le modèle de ville ainsi esquissé permet de rendre acceptable la coexistence de groupes sociaux différenciés mais n’encourage pas les interactions : c’est le régime de la coprésence.

LE PROGRAMME PUCALa question qui se pose est donc la suivante : peut-on débusquer des pistes innovantes qui permettent de gérer l’insécurité sans pour autant compromettre les vertus de la vie urbaine, à savoir l’imprévu, l’échange, les libertés, la rencontre…? En d’autres termes, produire de l’urbanité

27 juin 2011, Nantes

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esest-il conciliable avec le fait de garan-tir la sécurité sur un espace ? Peut-on imaginer des réponses urbaines aux problèmes d’insécurité qui s’appuient sur l’espace public ? C’est l’objec-tif du programme d’expérimentation « Qualité et sûreté des espaces urbains » lancé par le PUCA.

Parallèlement, les exigences régle-mentaires font apparaître des besoins croissants de méthodes de la part des professionnels de l’aménagement pour intégrer les préoccupations de sûreté. En effet, depuis le 1er octobre 2007, les projets d’équipement et d’aména-gement les plus importants doivent faire l’objet d’une étude préalable de sûreté et de sécurité publique. Celle-ci permet d’évaluer les risques pesant sur l’opération et de prévoir les mesures correspondantes en matière de construction, d’aménagement et de gestion des espaces. Comment les professionnels peuvent-ils répondre à cette nouvelle exigence ? C’est le deuxième objectif du programme « Qualité et sûreté des espaces ur-bains » : constituer un pôle de pro-fessionnels de la conception urbaine sensibilisés aux enjeux de sûreté.

Les théories et les savoirs du monde anglo-saxon

Pour répondre à ces deux objectifs, ce programme s’appuie en particu-lier sur un « faisceau de théories et de savoirs » issus du monde anglo-saxon. La prévention de la malveillance par l’aménagement urbain a en effet une double origine théorique résultant de la convergence de criminologues s’intéressant à la qualité des espaces et d’architectes se préoccupant des problèmes d’insécurité. Sans pré-senter l’ensemble de ces théories et les controverses auxquelles elles ont donné lieu, nous pouvons évoquer les

deux plus significatives et populari-sés. Tout d’abord, Jane Jacobs, critique américaine d’architecture, publie en 1961 « Déclin et survie des grandes villes américaines » dans lequel elle fait de la sécurité des personnes dans les espaces publics un critère déter-minant dans l’évaluation d’un projet d’aménagement urbain. Selon elle, l’enjeu est de parvenir à réunir au sein des espaces publics une densité humaine suffisante pour que s’exerce un contrôle social régulateur des dys-fonctionnements. L’objectif devient alors de favoriser l’animation urbaine. La fréquentation des rues, la séparation claire entre l’espace public et l’espace privé et la surveillance naturelle favo-risée par une grande visibilité au sein des différents espaces sont des condi-tions de sécurisation d’un espace . Elle suggère ainsi l’existence d’un lien entre la sécurité et la surveillance assurée par les habitants, le principe étant celui de « voir et être vu ».

Autre théorie popularisée sur ces questions : celle de la « vitre brisée » (« broken windows ») développée en 1982 par les criminologues James Wilson et Georges Kelling. Selon eux, l’insécurité serait liée à la qualité de conception et d’entretien de l’espace suivant une « spirale négative » : une simple vitre cassée et non réparée suf-firait à donner l’impression que l’espace environnant n’est pas contrôlé et que des actes incivils peuvent s’y dérouler, développant en retour le repli des ha-bitants sur l’espace privé au détriment des espaces publics, voire pour ceux qui le peuvent la fuite hors du quartier.

Les désordres mineurs dans un quar-tier, s’ils sont tolérés, produisent un environnement susceptible d’attirer de la délinquance. Ils signalent aux délinquants potentiels que l’espace n’est pas géré, surveillé. Le succès de la théorie est lié au fait qu’elle popularise une nouvelle relation entre délinquance et sentiment d’insécurité : ce n’est plus la délinquance qui est première mais le sentiment d’insécurité qui se crée en négligeant les petits faits objectifs qui l’alimentent. Les démarches de gestion urbaine de proximité visant l’amélio-ration de la vie quotidienne des habi-tants s’inscrivent bien dans cet objectif.

Les premiers enseignements de L’expérimentation PUCA

Le programme « Qualité et sûreté des espaces urbains » regroupe dix col-lectivités locales et autant de groupe-ments interdisciplinaires (architectes, urbanistes, paysagistes, sociologues, programmistes…) dans l’objectif de faire émerger des projets innovants sur les treize sites expérimentaux. Ces projets devront apporter des ré-ponses aux questions d’insécurité, en s’appuyant sur les ressources des lieux et les compétences des usagers. La question de l’espace public y est déterminante.

A ce stade, et sans rentrer dans le détail des projets ni des résultats, quelques premiers enseignements émergent :

• la confirmation qu’un « problème de sécurité » ne relève pas toujours du « champ de la sécurité », et renvoie souvent à des questions de qualité du cadre de vie et de confort : l’urbanisme a donc sa place, relative mais réelle, dans les démarches de prévention ;

• L’attention aux questions de sûreté, de conflits d’usage et de dysfonction-nements est un moyen de prendre en compte, dans la conception des projets urbains, les éléments de quotidienneté. Loin de toute conception normative ou formelle de l’aménagement, il s’agit au contraire de « prendre soin » du quotidien. C’est, par exemple, l’occasion de redéfinir la gestion en s’appuyant sur les pratiques habitantes ;

• Une réponse à des dysfonctionne-ments constatés ne peut faire l’écono-mie d’une valorisation des ressources de l’espace : c’est bien l’objet du diagnostic, que de révéler les atouts des sites, de s’appuyer sur eux, et de sortir d’une vision uniquement négative du territoire. Enfin, les premiers travaux menés par les différents experts confirment la diversité des situations locales, qui pouvaient parfois paraître relativement homogènes au regard des grandes catégories de problèmes rencontrés. Cela renforce la nécessité de mettre à l’épreuve les connaissances et les intentions et d’accepter, parfois, de ne pas avoir de réponses immé-diates.

Pour avancer dans la compréhension des situations d’insécurité, de leurs causes et être en capacité d’identi-fier des registres pour l’action, il nous semble important de laisser de côté les débats et postures idéologiques et de construire un diagnostic fin et objectivé de chaque situation et des enjeux auxquels elle renvoie. Poser la sécurité comme un élément du fonctionnement social-urbain revient à considérer les situations d’insécu-rité comme le résultat de processus sociaux urbains qui sont alimentés par les interactions entre quatre registres. Nous les décrivons ci-après à partir de l’analyse des deux quartiers nantais de la Bottière et du Clos Toreau présents dans le programme PUCA, le premier étant concerné par un projet urbain à venir et le second par un projet urbain en voie d’achèvement.

L’intérêt de cette approche est égale-ment d’identifier les différents registres d’actions sur lesquels travailler pour améliorer les situations et le sentiment d’insécurité. Les solutions apportées doivent ainsi prendre en compte l’or-ganisation urbaine et le cadre bâti, l’espace public, l’action publique et la gestion urbaine mais plus largement les réponses d’ordre social et le lien entre les institutions et les habitants.

L’organisation urbaine et la conception architecturale et paysagère des espaces urbains

L’organisation et les formes urbaines et architecturales peuvent majorer le sentiment d’insécurité voire contribuer au développement d’actes délictueux. C’est par exemple le cas des espaces vides, monotones et démesurés qui ont un effet angoissant pour les usagers et sont assimilés à des espaces sans

vocation et sans règles d’usage. Les espaces qui ne bénéficient pas de lieux de convivialité ne permettent pas un investissement et une appropriation positive. Les espaces labyrinthiques ou organisés avec des flux ségrégués empêchent une « surveillance naturelle » et une « attention à autrui », selon les principes de Jane Jacobs. L’enjeu de la sécurité est ainsi de concilier visibilité (pour permettre cette surveillance naturelle) et protection de l’intime (pour développer appropriation, investissement des espaces et sentiment d’appartenance).

Si l’organisation urbaine a une incidence sur la sécurité, les interventions dites de «résidentialisation» ne résolvent pas de manière mécanique les situations d’insécurité. La résidentialisation répond en effet à des finalités très différentes : valorisation, différenciation, développement de l’appropriation et appartenance résidentielle, sécurisation, etc. La qualité de son fonctionnement suppose un traitement adapté des espaces publics de proximité et notamment le développement de lieux publics de convivialité, supports de pratiques collectives.

Sur la Bottière, la galerie commerciale surélevée et située sous un auvent est propice aux regroupements parce qu’elle constitue un abri naturel et apporte une visibilité en surplomb sur l’entrée de quartier. La monotonie des façades des bâtiments et de la qualification des espaces extérieurs créent une situation peu conviviale et peu propice à l’appropriation de leur cadre de vie par les habitants. De même, l’extrême dilution des cheminements piétons (on peut passer partout) ainsi que l’absence de traitement différencié des avant et arrières des bâtiments ne permettent pas de hiérarchiser les circulations et de créer de véritables cheminements publics bénéficiant d’une densité de passage, d’une surveillance naturelle et d’une animation. Par rapport à ces difficultés, le projet urbain à construire doit intervenir de manière prioritaire sur la galerie commerciale, différentes

alternatives au déplacement des commerces étant de notre point de vue envisageables (fermeture du passage sous porche, suppression de l’auvent, retournement des halls pour les dissocier du fonctionnement des commerces). Une réflexion sur la hiérarchisation des circulations est également nécessaire pour conforter la rue principale du quartier qui accueille déjà plusieurs équipements et pourrait drainer des cheminements publics majeurs. Les questions du sens et du contenu attendu de la résidentialisation envisagée et de son échelle (découpage des îlots) sont également essentielles à poser, car il s’agit de s’entendre sur ce à quoi la résidentialisation doit répondre. Doit-elle permettre d’améliorer la qualification des espaces extérieurs, de hiérarchiser les circulations publiques et résidentielles, de sécuriser les bâtiments ou de différencier leurs avants et arrières ? Vise-t-elle à développer une identité résidentielle, un sentiment d’appartenance ou une appropriation nouvelle des espaces extérieurs ? Il est nécessaire de poser ces questions en amont pour construire le programme de résidentialisation et son articulation avec les espaces publics de proximité.

La gestion urbaine des espaces

La faible tenue des espaces d’un quartier donne le sentiment qu’ils ne sont plus régulés par les institutions, que les règles de vie sociales ont disparu. La conséquence est la dévalorisation de l’image que les habitants ont d’eux-mêmes. Ces situations favorisent le développement du sentiment d’insécurité, et les conflits entre habitants. Elles perturbent le processus de socialisation entre individus et contribuent au développement de phénomènes délictueux.

Sur la Bottière, le sentiment d’insécurité est pour partie lié à la vétusté et au faible niveau d’entretien du cadre de vie : les habitants citent l’éclairage ainsi que la forte visibilité des encombrants, qui renvoient une image négative du quartier et peuvent attirer des personnes

APPROChE dE LA séCURité COMME éLéMENt dU fONCtiONNEMENt sOCiAL-URbAiNL’expertise sur les territoires de la Bottière et du Clos Toreau (Nantes)

Centre de ressources politique de la ville Bretagne Pays de la Loire

23 rue des Renards - 44300 Nantes

Telephone 02 40 58 02 03 - Telecopie 02 40 58 03 32 - [email protected] - www.resovilles.com

extérieures qui viennent fouiller et sont susceptibles d’intrusions dans les bâtiments.

Les situations résidentielles et sociales des habitants

Le sentiment d’insécurité renvoie à plusieurs phénomènes : faits subis, connus par des proches ou rapportés par la rumeur. Il est également construit sur le registre de l’imaginaire et de plus en plus sur des préoccupations sociales et politiques pour les phénomènes délinquants, et avec d’autant plus d’acuité que les individus ont le sentiment de ne pouvoir les expliquer ou les comprendre. Sans qu’il y ait d’effet mécanique, on peut observer que certaines situations individuelles de vulnérabilité majorent le sentiment d’insécurité (isolement, repli, absence de perspective résidentielle etc.). D’autre part, le sentiment d’insécurité ne s’exprime généralement pas de la même façon pour les populations anciennes d’un quartier, qui en connaissent le fonctionnement social mais peuvent être particulièrement sensibles à son évolution et pour les populations les plus récemment installées, qui ne maitrisent pas l’ensemble des codes sociaux et des règles d’usage. Il s’exprime avec d’autant plus d’acuité que les individus ont le sentiment d’être en insécurité dans la sphère du proche et de l’intime, c’est-à-dire dans leur logement ou à proximité.

Sur la Bottière, les caractéristiques sociales de la population, en termes d’âge, de pauvreté et d’isolement lui confèrent une plus grande vulnérabilité aux faits d’insécurité. Le sentiment d’insécurité est très fortement majoré chez les plus anciens qui évoquent une dégradation sociale et une dévalorisation de l’évolution du quartier, renvoyant à un « avant» perçu comme plus favorable. Ce

phénomène est lié à l’arrivée de nouvelles familles qui est vécue comme fragilisant les équilibres de peuplement, favorisant les comportements incivils et atténuant la qualité des relations sociales. En lien avec ces évolutions, des phénomènes de racisme se sont développés. Si le quartier a effectivement connu un renouvellement de sa population, cette perception est également fondée sur une construction imaginaire, peut-être liée à l’importance des relogements dans le cadre des opérations de rénovation urbaine nantaises. Pour les habitants les plus récemment installés, le sentiment d’insécurité est plus largement lié aux caractéristiques individuelles et au parcours résidentiel.

Les politiques et l’action publiques

La sécurité est liée aux stratégies et modalités d’intervention et de coopération des différents acteurs de la prévention et de la sécurité sur un territoire (police nationale, ville, gestionnaires urbains etc.) : degré de présence et de visibilité, interventions préventives ou répressives, ponctuelles ou dans la durée. Leur capacité d’écoute, de « coproduction » et de dialogue avec les habitants participent pleinement du sentiment de sécurité. Plus largement, le sentiment de sécurité renvoie à la perception du rôle et de l’action politique des institutions par les habitants. Une incompréhension du sens du projet freine le sentiment d’appartenance et peut contribuer à développer ou entretenir un sentiment

d’abandon, de dévalorisation ou de déclassement social, les habitants ne percevant pas les finalités de l’action publique et le sens des évolutions de leur quartier.

Sur la Bottière, le sentiment d’insécurité est alimenté par un sentiment d’abandon et de dévalorisation qui crée du repli. Cette situation est en partie liée au fait que l’intervention publique y est historiquement moins conséquente que sur d’autres quartiers prioritaires de Nantes Métropole mais aussi que la première intervention urbaine significative a été la création du nouveau quartier Bottière Chesnaie en limite du quartier, opération d’envergure et qui se veut exemplaire mais concerne l’environnement du quartier.

Si on ne peut pas parler de sentiment d’insécurité sur le Clos Toreau par comparaison à la Bottière, l’incompréhension de la transformation urbaine engagée nourrit un ressentiment des habitants vis-à-vis des institutions, situation qui n’est pas favorable à la construction d’une confiance et d’un sentiment d’appartenance. La question des destinataires du projet urbain est implicitement posée, le projet visant la densification du quartier et l’arrivée de populations nouvelles.

De notre point de vue, poser la sécurité comme un élément du fonctionnement social urbain permet de renouveler l’approche de cette question, et de la considérer non plus comme un frein à l’urbanité, mais comme un élément constitutif des processus sociaux urbains à l’œuvre et de la qualité urbaine.