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PRIORITÉS EN MATIÈRE DE CONSERVATION DES ESPÈCES À MADAGASCAR Occasional Papers of the IUCN Species Survival Commission (SSC) Documents occasionnels de la Commission de la sauvegarde des espèces (SSC) Union internationale pour la conservation de la nature et de ses ressources

PRIORITÉS EN MATIÈRE DE CONSERVATION DES ESPÈCES À MADAGASCAR · 2013-09-12 · Priorités en matière de conservation des Mammifères non Primates de Madagascar, R. Albignac

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PRIORITÉS EN MATIÈREDE CONSERVATION

DES ESPÈCESÀ MADAGASCAR

Occasional Papers of the IUCN Species Survival Commission (SSC)Documents occasionnels de la Commission de la sauvegarde des espèces (SSC)

Union internationale pour la conservation de la nature

et de ses ressources

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PRIORITÉS EN MATIÈREDE CONSERVATION

DES ESPÈCESÀ MADAGASCAR

Procès-verbaux d'un atelier de la SSC organisé dans le cadredu Séminaire scientifique international sur les écosystèmes forestiers

de Madagascar (28 au 31 octobre 1985)

30 octobre 1985

Antananarivo, Madagascar

Publié par les soins de :

RUSSELL A. MITTERMEIER

LALA H. RAKOTOVAO

VOARA RANDRIANASOLO

ELEANOR J. STERLING

DANIELE DEV1TRE

1987

Occasional Papers of the IUCN Species Survival Commission (SSC)Documents occasionnels de la Commission de la sauvegarde des espèces (SSC)

Numéro 2

Union internationale pour la conservation de la nature

et de ses ressources

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RÔLE DE LA SSC

La Commission de la sauvegarde des espèces (SSC) comprend environ 2000 membres et experts, répartis en 92groupes de spécialistes. Ce réseau de bénévoles est la source première des informations scientifiques et techniquesnécessaires à la conservation de la faune et de la flore vulnérables et menacées. Il recommande et encourage la prise demesures indispensables à leur conservation.

OBJECTIFS DE LA SSC

Garantir le maintien de la diversité biologique et, pour ce faire, assurer la surveillance continue des espèces et de leurspopulations, élaborer des plans d'action, promouvoir et mettre en oeuvre de tels plans, travailler avec un réseau debénévoles qui se consacrent aux problèmes de la conservation, conseiller les gouvernements et autres institutions en leurproposant des recommandations de politique.

Sous-objectif 1: entretenir un réseau international de bénévoles et entretenir un échange d'idées et de données scienti-fiques sur les espèces ou populations intéressant la conservation.

Sous-objectif 2: coopérer avec le Centre de surveillance continue de la conservation de la nature (CSC) afin de mettresur pied une banque de données sur l'état et le commerce de la faune et de la flore sauvages, en évaluant et en communi-quant ces données à la CITES et à ceux qui en ont besoin pour agir en matière de conservation.

Sous-objectif 3: préparer et réviser des plans et priorités de conservation pour les espèces et les populations.

Sous-objectif 4: promouvoir la mise en oeuvre de plans d'action en matière de conservation et réagir aux problèmes yrelatifs.

Sous-objectif 5: fournir des études, des avis et des recommandations aux gouvernements et autres institutions enmatière de conservation et de gestion des espèces et des populations.

Grenville Lucas

Président, SSC

UICN

Avenue du Mont-Blanc

CH-1196 Gland

Suisse

Stephen Edwards

Secrétaire exécutif, SSC

UICN

Avenue du Mont-Blanc

CH-1196 Gland

Suisse

ISBN 2-88032-924-8

Couverture :

En haut, à gauche: le Baobab de Grandidier (Adan-sonia grandidieri) est un Baobab spectaculaire que l'ontrouve dans une région limitée, à proximité de Moron-dava, au sud-ouest de Madagascar. (Photo: R.A. Mitter-meier)

En bas, à gauche: le Rat géant de Madagascar (Hypo-geomys antimena) est le plus grand de tous les Rongeursendémiques malgaches. C'est une espèce menacée quel'on ne trouve que dans une petite région de forêts déci-dues sèches occidentales, au sud-ouest de Madagascar.(Photo: R.A. Mittermeier)

En haut, à droite: l'Aye-Aye (Daubentonia madagas-cariensis) est le seul représentant vivant d'une famille de

Primates (Daubentoniidae) endémique de Madagascar.L'Aye-Aye vit principalement dans les forêts pluvialesorientales et sa sauvegarde est considérée comme un desobjectifs prioritaires de la conservation des Mammifèresau niveau mondial. Celui-ci a été photographié à l'étatsauvage, sur l'île de Nosy Mangabé. (Photo: R.A. Mit-termeier)

En bas, à droite: Pyxis planicauda est une petitetortue, peu connue, vivant exclusivement dans unerégion restreinte de forêts décidues sèches occidentales,au sud-ouest de Madagascar, à peu près dans la mêmerégion que le Rat géant. Après la Tortue à soc ou Ango-noka (Geochelone yniphora), c'est le Chélonien le plusmenacé de Madagascar. (Photo: R.A. Mittermeier)

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LISTE DES AUTEURS

Roland AlbignacUniversité de Franche-ComtéFaculté des Sciences et des TechniquesLaboratoire d'Ecologie AnimaleLa Bouloie - Route de Gray25030 Besançon CedexFRANCE

Joseph AndriamampianinaE.E.S.S.A.Département Eaux et ForêtsUniversité de MadagascarB.P. 175Antananarivo 101MADAGASCAR

J. E. AndriamantanaService de PaléontologieE.E.S.S.Université de MadagascarB.P. 906Antananarivo 101MADAGASCAR

Solofo AndriatsarafaraE.E.S.S.A.Laboratoire de ZoologieUniversité de MadagascarB.P. 906Antananarivo 101MADAGASCAR

Charles P. BlancLaboratoire de ZoogéographieUniversité de Montpellier 3B.P. 5043F - 34032Montpellier CedexFRANCE

David BurneyDepartment of ZoologyDuke UniversityDurham, Caroline du Nord 27706ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE

N. J. CollarT. J. DeeP. D. GoriupConseil international pour laprotection des oiseaux (CIPO)219(c) Huntingdon RoadCambridge CB3 ODLROYAUME-UNIR.E. DewarAnthropology DepartmentUniversity of ConnecticutStorrs, Connecticut 06268ETATS-UNIS D'AMÉRIQUELarry DorrAlwyn GentryMissouri Botanical GardenP.O. Box 299St. Louis, Missouri 63166-0299ETATS-UNIS D'AMÉRIQUELee DurrellJersey Wildlife Preservation TrustLes Augrès ManorJerseyChannel IslandsROYAUME-UNI

Gerald DurrellJersey Wildlife Preservation TrustLes Augrès ManorJerseyChannel IslandsROYAUME-UNI

Alison JollyThe Rockefeller University1230 York Ave.New York, N.Y. 10021ETATS-UNIS D'AMÉRIQUEGerald KuchlingLinzerstrasse 392A-1140 VienneAUTRICHE

Olivier LangrandB.P. 738Antananarivo 101MADAGASCAR

John MacKinnonKathy MacKinnon86 Aldreth RoadHaddenhamCambs CB6 3PNROYAUME-UNI

Ross D.E. MacPheeDepartment of AnatomyDuke University Medical CenterBox 3011Durham, Caroline du Nord 27710ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Nina MarshallYale University School of Forestry205 Prospect St.New Haven, Ct. 06520ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE

B.-U. MeyburgHerbertstrasse 14D- 1000 Berlin 13RÉPUBLIQUE FÉDÉRALED'ALLEMAGNE

Russell A. MittermeierWorld Wildlife Fund1250 24th St., NWWashington, D.C. 20037

et

Dept. of Anatomical Sciences, HSCState University of New YorkStony Brook, N.Y. 11794ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Sheila O'ConnorMark PidgeonDept. of Applied BiologyUniversity of Cambridge

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Pembroke St.Cambridge CB2 3DXROYAUME-UNI

J.-J. PetterMuseum National d'Histoire NaturelleLaboratoire d'Ecologie Générale4, Avenue du Petit Château91800 Brunoy (Essonne)FRANCE

Mark J. PlotkinWorld Wildlife Fund1255 23rd St., NWWashington, D.C. 20037ETATS-UNIS D'AMÉRIQUEJonathan I. Pollock25 Florence ParkWestbury ParkBristol BS6 7LSROYAUME-UNID.A. RakotondravonyUniversité de MadagascarB.P. 906Antananarivo 101MADAGASCAR

Pothin RakotomangaDépartement des Eaux et ForêtsEtablissement d'EnseignementSupérieurUniversité de MadagascarAntananarivo 101MADAGASCARMichel RakotonirinaMadagascar AirtoursHilton HôtelB.P. 959AntananarivoMADAGASCAR

Berthe RakotosamimananaMinistère de l'Enseignement SupérieurB.P. 4163Antananarivo 101MADAGASCAR

Lala H. RakotovaoDirection d'Appui aux Recherchessur les Sciences de l'EnvironnementMinistère de la Recherche Scientifiqueet Technologique pour le DéveloppementB.P. 4258Antananarivo 101MADAGASCAR

Armand RakotozafyParc TsimbazazaB.P. 561Antananarivo 101MADAGASCAR

ZigZag RandriaAdjoint Technique des Eaux et ForêtsLe Chef de Cantonnement Forestier etPoste RN 11Amboasary-SudMADAGASCAR

Voara RandrianasoloChef des programmes scientifiquesParc TsimbazazaB.P. 561Antananarivo 101MADAGASCAR

Chris Raxworthy3, Hillside GateSt. AlbansHerts. AL1 3QNROYAUME-UNI

Alison RichardDepartment of AnthropologyYale University51 Hillhouse Ave.New Haven Ct. 06511ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Elwyn L. SimonsDuke University Primate Center3705 Erwin RoadDurham, Caroline du Nord 27705ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Eleanor J. SterlingDepartment of AnthropologyYale University51 Hillhouse Ave.New Haven CT 06511ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Robert SussmanLinda SussmanDepartment of AnthropologyWashington UniversitySt. Louis, Missouri 63130ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE

M. Vuillaume-RandriamanantenaService de PaléontologieE.E.S.S.Université de MadagascarB.P. 906Antananarivo 101MADAGASCAR

N.A. WellsDepartment of GeologyKent State UniversityKent, Ohio 44242ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE

PUBLICATION RÉALISÉE PAR :

Russell A. MittermeierPrésident du groupe de spécialistesdes Primates SSC/UICNWorld Wildlife Fund1255, 23rd St. NWWashington, D.C. 20037

etDept. of Anatomical Sciences, HSCState University of New YorkStony Brook, N.Y. 11794ETATS-UNIS D'AMÉRIQUELala H. RakotovaoDirection d'Appui aux Recherchessur les Sciences de l'EnvironnementMinistère de la Recherche Scientifiqueet Technologique pour le DéveloppementBP 4258Antananarivo (101)MADAGASCAR

Eleanor J. SterlingDept of AnthropologyYale UniversityNew Haven, Connecticut 06511ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE

Voara RandrianasoloChef des programmes scientifiquesParc botanique et zoologique TsimbazazaB.P. 561Antananarivo (101)MADAGASCAR

Danièle DevitreUnion internationale pour la conservationde la nature et de ses ressourcesAvenue du Mont-Blanc1196 GlandSUISSE

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TABLE DES MATIERES

PagesRemarques d'introduction

Introduction, L. H. Rakotovao 3

Introduction au nom de la SSC, R.A. Mittermeier 5L'avenir de la flore et de la faune uniques de Madagascar: la première des grandes priorités de laconservation mondiale, G. et L. Durrell 7

Programmes de conservation en cours dans d'autres régions du monde semblablesà Madagascar

Conservation de la faune et de la flore de la région de forêts atlantiques du Brésil: la première desgrandes priorités de la conservation en Amérique du Sud, R.A. Mittermeier 11

Conservation des aires protégées

Etude du réseau des aires protégées du domaine afro-tropical: l'exemple malgache, J. et K. MacKinnon 21

Statut des parcs et réserves de Madagascar, J. Andriamampianina 27Un programme de conservation pour la Réserve d'Andohahela, S. O 'Connor, M. Pidgeon et Z. Randria 31Conservation de la Réserve de Zahamena, C. Raxworthy 37Beza-Mahafaly: formation et mesures de conservation, P. Rakotomanga, A. F. RichardetR. W. Sussman 41Beza-Mahafaly:recherchesfondamentalesetappliquées, A. F. Richard, P. Richard et R. W. Sussman 45La conservation des forêts naturelles dans la région de Morondava, J. -J. Petter 51

Priorités en matière de conservation des espèces

PrimatesPriorité dans l'étude des populations de Lémuriens, A. Jolly 59Etat de conservation et distribution des Lémuriens dans les forêts de l'est de Madagascar, J. Pollock 63Les Lémuriens de l'ouest de Madagascar, J. -J. Petteret S. Andriatsarafara 71La conservation des Lémuriens à Madagascar : leur statut dans le sud, R. Sussman, A. F. Richardet P. Rakotomanga 75

Mammifères autres que les PrimatesPriorités en matière de conservation des Mammifères non Primates de Madagascar, R. Albignac 85Les Rongeurs à Madagascar, D.A. Rakotondravony 93

OiseauxLa conservation de la nature à Madagascar: la perspective du CIPO, N. J. Collar, T. J. Dee et P. D. Goriup 97Notes sur la conservation des rapaces à Madagascar, B. -U. Meyburg et O. Langrand 109

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PagesReptiles et AmphibiensPriorités en matière de conservation des Reptiles et Amphibiens à Madagascar, Ch. P. Blanc 117Biologie et statut d'Erymnochelys madagascariensis, et commentaires sur d'autresChéloniens de Madagascar, G. Kuchling 121

PlantesConservation des plantes à Madagascar et importance internationale de la flore malgache,A. Rakotozafy, L. Dorr et A. Gentry 127Ethnobotanique et conservation à Madagascar: importance des plantes endémiques pourle développement, M. Plotkin, V. Randrianasolo, L. Sussman et N. Marshall 131

Environnement au cours de l'holocène et extinction de la mégafaune

L'environnement au cours de l'Holocène et la disparition de la mégafaune à Madagascar: quel rapportavec la conservation de la nature ?, D.A. Burney, R.D.E. MacPhee, R.E. Dewar, N.A. Wells,J.E. Andriamantana et M. Vuillaume-Andriamanantena 137

Propagation en captivité

La propagation en captivité en tant que stratégie de conservation de la faune menacée de Madagascar,L. Durrell 147Protection des Lémuriens malgaches par la captivité, E. L. Simons 151Exportation, récolte et capture d'espèces végétales et animales endémiques de Madagascar,B.R. Rakotosamimanana 153

Sensibilisation du public et conservation de la nature à Madagascar

Le potentiel de la faune et de la flore de Madagascar du point de vue du tourisme, M. Rakotonirina 161

Priorités en matière de conservation à MadagascarRecommandations

Recommandations de l'atelier de la Commission de la sauvegarde des espèces de l'UICN 167

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Remarques d'introduction

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Introduction

Lala H. Rakotovao

Mesdames, Messieurs,

Les organisateurs sont heureux de vous accueillir à nouveau en cet après-midi.

La présente réunion de la Commission de la sauvegarde des espèces (SSC) de l'UICN constitue la dernière desséances techniques du Séminaire sur les recherches relatives à l'équilibre des écosystèmes forestiers de Madagascar, ren-contre tenue sous l'égide du Ministère de la Recherche scientifique et technologique pour le développement.

En effet, les séances techniques précédentes ont porté sur les thèmes suivants:

— formation et programmes en matière de recherche sur les écosystèmes forestiers à Madagascar;

— biologie et évolution de la faune dans les écosystèmes forestiers naturels de Madagascar;

— biologie et évolution de la flore dans les écosystèmes forestiers naturels de Madagascar;

— équilibre dans les écosystèmes forestiers aménagés et mesures de conservation.

Il nous a paru, en conséquence, logique d'intégrer un thème sur la conservation, et c'est volontiers que nous avonsdonné notre acceptation à Monsieur Russell Mittermeier pour en faire une séance technique à part entière.

Une vingtaine de communications vont être présentées ici par des chercheurs individuels ou par des équipes mixtes denationaux et de participants de l'extérieur. Qu'avons-nous à conserver? A protéger? Quels objectifs pour la conserva-tion? Toutes les communications porteront sur les espèces de nos forêts, espèces animales et végétales, qu'il s'agisse desLémuriens si connus et si attirants, des Oiseaux, des Reptiles et Amphibiens, des plantes rares endémiques ou desplantes d'intérêt économique, notamment les plantes médicinales. Les interventions concerneront également les airesprotégées, les réserves naturelles des différentes régions de Madagascar, qui en font un véritable sanctuaire de la natureencore insuffisamment exploré.

La séance sera présidée par Monsieur Philémon Randrianarijaona, Directeur des Eaux et Forêts au Ministère de laProduction animale et des Eaux et Forêts, auquel nous présentons tous nos remerciements pour avoir bien voulu dis-traire de son temps pour participer à nos travaux.

Nous sommes sûrs qu'au terme de ce séminaire, nous serons tous ici convaincus de la nécessité de protéger le patri-moine génétique naturel de Madagascar, qui risque de disparaître si des mesures concrètes et pratiques ne sont pasprises à temps. Nous aurons tous pris conscience du danger que court cette richesse inestimée, non seulement pournotre Grande Ile, mais aussi pour le monde scientifique international.

Après ces quelques observations, nous allons entendre maintenant les diverses communications qui ont été prévuespour cette séance.

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Introduction au nom de la Commissionde la sauvegarde des espèces de l'UICN

Russell A. Mittermeier

C'est un plaisir et un honneur pour moi d'être aujourd'hui à Madagascar. Je regrette de ne pas parler votre langueaussi m'adresserai-je à vous en français.

Au nom de la Commission de la sauvegarde des espèces de l'Union internationale pour la conservation de la nature etde ses ressources, au nom des quelque 1500 membres de la Commission, je voudrais saisir cette occasion pour vous sou-haiter la bienvenue à notre atelier sur les priorités en matière de conservation des espèces, à Madagascar. Je voudraisaussi remercier madame Lala Rakotovao qui, très gentiment, a accepté que nous organisions cet atelier dans le cadre desa réunion sur les écosystèmes forestiers de Madagascar.

La Commission de la sauvegarde des espèces est ravie de pouvoir tenir cette première réunion dans ce pays trèsimportant pour la conservation de la nature. Nous espérons que cet atelier sera fructueux pour tout le monde et qu'ilapportera une contribution utile à la conservation à Madagascar.

L'objectif principal de cet atelier, comme la plupart d'entre vous le savent déjà, est de dresser une liste de recomman-dations sur les priorités en matière de conservation des espèces et des aires protégées de Madagascar. Nous espéronsque les exposés qui vont suivre stimuleront le débat et constitueront un fondement solide pour la préparation de recom-mandations.

Nous aimerions insister tout particulièrement sur le rôle très spécial de Madagascar pour la sauvegarde de la diversitégénétique de la planète. Nous pensons que le meilleur moyen d'y parvenir consiste à identifier les espèces qui sont leplus menacées d'extinction et méritent donc une attention prioritaire, ainsi que les parcs et réserves les plus importantsdu pays. La liste des recommandations que nous préparerons sera présentée pendant la Conférence sur la conservationdes ressources naturelles pour un développement durable qui aura lieu la semaine prochaine. Nous espérons pouvoirutiliser cette liste comme base d'un plan d'action de la SSC sur les priorités en matière de conservation à Madagascar,plan qui devrait contribuer à guider les organismes bailleurs de fonds souhaitant aider Madagascar à conserver sa fauneet sa flore absolument uniques.

Nous pensons que la conservation du patrimoine naturel unique de Madagascar doit être considérée comme la pre-mière grande priorité en matière de conservation dans le monde. Nous espérons de tout coeur que, dans les deux pro-chaines semaines, nous serons en mesure de déterminer comment nous pouvons conserver ce patrimoine de manièreoptimale et surtout comment des organisations telles que l'UICN, le WWF et bien d'autres peuvent le mieux aiderMadagascar. La Commission de la sauvegarde des espèces est reconnaissante de l'occasion qui lui est donnée de parti-ciper à ces deux semaines de réunion historiques et espère pouvoir apporter une contribution non négligeable à la sauve-garde du merveilleux patrimoine naturel que Madagascar a la chance de posséder.

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L'avenir de la flore et de la faune uniquesde Madagascar :

la première des grandes priorités de la conservation mondiale

Gerald Durrell et Lee Durrell

C'est à notre plus grande joie que nous avons étéinvités à inaugurer cette réunion de la Commission de lasauvegarde des espèces de l'UICN, non seulement parceque cela nous offre l'occasion de revenir à Madagascar,mais aussi parce que nous croyons qu'une telle réunion,tenue ici, est d'une importance capitale pour l'avenir dela conservation des espèces dans cette île si belle et siextraordinaire.

Je m'excuse de ne pas m'adresser à vous en français,mais ceux qui se souviennent de mes tentatives en lamatière savent qu'ils échappent à une expérience désa-gréable.

Nous arrivons de Toronto, au Canada, où nous noussommes rendus à l'aéroport en taxi. Le chauffeur étaitun charmant monsieur japonais, qui nous avait vus à latélé. « Où allez-vous maintenant? » a-t-il demandé. « AMadagascar », avons-nous répondu, attendant uneappréciation teintée d'envie. Mais après un silence, il arepris : « Et, où est-ce? » Nous avons expliqué. Aprèsune autre pause, il a dit, « Mais, est-ce qu'il y a des ani-maux là-bas? »

Quel dommage que ce monsieur n'ait jamais consultéd'atlas, ni lu que Madagascar est la quatrième île dumonde par la taille, et que sa flore et sa faune sont parmiles plus fascinantes qui soient.

Le plus étonnant est de rencontrer des naturalistesamateurs très intelligents, qui ne savent pas pourquoiMadagascar suscite un tel intérêt et une telle inquiétude.Qu'y a-t-il de si spécial là-bas?, demandent-ils. Aprèstout, il n'y a ni Gorilles, ni Lions, ni Girafes comme enAfrique; il n'y a ni Tapirs, ni Jaguars comme en Amé-rique du Sud; il n'y a ni Pandas comme en Chine, ni Elé-phants comme en Inde, ni Kangourous ni Ornithoryn-ques comme en Australie. Alors, pourquoi tant d'his-toire pour Madagascar? Pourquoi les zoologistes, lesbotanistes et les conservateurs de la nature s'enflam-ment-ils pour Madagascar?

La réponse, bien sûr, c'est que si Madagascar n'a pasla diversité d'ensemble des animaux et des plantes qu'ontrouve sur les grands continents, elle possède, en fait, uneportion exceptionnelle de notre planète. Comparer les

grands continents et Madagascar revient à comparer lerayon bijoux fantaisie d'un Prisunic et une petite collec-tion de bijoux conçus par Fabergé.

Par exemple, la diversité de certains groupes est sanségale. On sait que Madagascar possède plus de Prosi-miens, de Caméléons et de Baobabs que le reste dumonde. Elle possède plus de Libellules que l'Afrique toutentière (Millot, 1972), et plus de Grillons que l'Australie(Otte, 1983). De plus, l'ancienneté de plusieurs groupesest inégalée: les Tenrecs, par exemple, dont les ancêtresdirects sont les premiers placentaires (Millot, 1972).Enfin, il ne faut pas oublier l'endémisme étonnant de laflore et de la faune de Madagascar.

Parmi des plantes et les animaux dits inférieurs, la pro-portion des espèces endémiques est particulièrementélevée. (Veuillez nous pardonner de ne pas avoir les chif-fres exacts, mais vous savez que nous nous intéressonssurtout aux vertébrés supérieurs). Parmi les Reptiles, lesOiseaux et les Mammifères, il y a actuellement plus de400 espèces endémiques (Tableau 1). Soixante-sept de cesespèces représentent des genres monotypiques, et si uneseule de ces espèces disparaît, il en résulte une perte gravepour la diversité génétique mondiale.

TABLEAU 1ENDÉMISME DES VERTÉBRÉS

DE MADAGASCAR

Taxa

ReptiliaAvesMammaliaInsectivoraChiropteraPrimatesRodentiaCarnivoraTotal

Espèces endémiques

233 ( 95%)106 ( 46%)77 ( 90%)29 (100%)9( 41%)

22 (100%)10 (100%)7 (100%)

416

Genres endémiques

36 ( 63%)40 ( 24%)37 ( 71%)10 (100%)1 ( 7%)

12 (100%)7 (100%)7 (100%)

113

Genres endémiqueset monotypiques

17242671747

67

(Sources, par ordre taxonomique : Blanc, 1972 ; Dorst, 1972 et CIPO, comm.pers. ; de Balsac, 1972 ; Nowak et Paradiso, 1983 ; Tattersall, 1982 ; Petter,1972 ; Albignac, 1972).

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Malheureusement, la disparition des espèces n'est pasnouvelle à Madagascar. Depuis l'arrivée de l'hommedans l'île, deux espèces de Tortues, trois d'Oiseaux etonze de Lémuriens ont disparu (Mahé, 1972). LeTableau 2 montre qu'au moins 238 espèces d'animauxseraient menacées (CSC, 1984).

TABLEAU 2ESTIMATION DU NOMBRE D'ESPÈCES

DE LA FAUNE MALGACHE EN DIMINUTION

Bibliographie

PrimatesAvesReptiliaAmphibiaPiscesLepidoptera

Total

1828

110221545

238

(Source : CSC, 1984)

Il est vrai que les Malgaches se rendent compte de larichesse de leur patrimoine naturel ainsi que des dangersqui le menacent, et qu'ils s'efforcent d'arrêter la destruc-tion et de sauvegarder la flore et la faune. Mais ils ontbesoin de l'aide extérieure pour réussir, avant qu'il nesoit trop tard. Nous espérons que la Conférence interna-tionale proposera des idées concrètes quant aux moyensde contribuer à cette tâche énorme et vitale.

Trop souvent, les conférences sur la conservation de lanature ont été des conférences de conversations sur lanature. Le temps des palabres est terminé : il faut agir. Ilfaut faire savoir au monde entier que Madagascar est sapremière priorité en ce qui concerne la conservation de lanature, qu'il faut agir, sans plus tarder, faute de quoi,nous risquons de perdre Madagascar, au détriment detoute l'humanité.

Et si nous perdons Madagascar, que perdrons-nousprécisément?

Nous perdrons un mini-continent d'une complexitéprofonde, couvert d'un tissu de vie végétale aux motifsmultiples, riche en plantes épineuses, barbues comme desscientifiques étrangers, en orchidées aussi délicates quedes papillons. Certains papillons sont aussi grands quedes Oiseaux et certains Oiseaux aussi colorés que l'arc-en-ciel. Il y a des Tenrecs qui émettent des sons superso-niques lorsqu'ils s'occupent de leurs bébés, des Blattesqui sifflotent lorsqu'elles s'aiment, et de belles forêts oùvivent les Lémuriens, et surtout cette Callas parmi lesLémuriens, l'Indri, qui compose et interprète ses propresopéras.

Tout cela, nous ne pouvons et ne devons pas le laisserdisparaître.

Albignac, R. 1972. The Carnivora of Madagascar. En: Bigeographyand Ecology of Madagascar. R. Battistini et G. Richard-Vindard, eds.Junk, the Hague, pp. 667-682.

de Balsac, H. 1972. Insectivores. En: Biogeography and Ecology ofMadagascar. R. Battistini et G. Richard- Vindard, eds. Junk, TheHague, pp. 629-660.

Blanc, C. 1972. Les reptiles de Madagascar et des îles voisines. En:Biogeography and Ecology of Madagascar. R. Battistini et G. Richard-Vindard, eds. Junk, The Hague, pp. 501-614.

CIPO (Conseil international pour la protection des oiseaux). comm.pers. à Lee Durrell. Octobre, 1985.

CSC (Centre de surveillance continue de la conservation de la natu-re/IUCN) 1984. An environmental profile of Madagascar. (draft).

Dorst, J. 1972. The evolution and affinities of the birds of Mada-gascar. En: Biogeography and Ecology of Madagascar. R. Battistini etG. Richard-Vindard, eds. Junk, The Hague, pp. 615-628.

Mahé, J. 1972. The Malagasy subfossils. En: Biogeography and Eco-logy of Madagascar. R. Battistini et G. Richard-Vindard, eds. Junk,The Hague, pp. 339-366.

Millot, J. 1972. In conclusion. En : Biogeography and Ecology ofMadagascar. R. Battistini et G. Richard-Vindard, eds. Junk, TheHague, pp. 741-756.

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Programmes de conservation en coursdans d'autres régions du monde

semblables à Madagascar

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A.F. Coimbra-FilhoFig. 1: Le Tamarin-lion à queue jaune (Leontopithecus chrysopigus), dans l'Etat de São Paulo, est le plus rare et le plus menacé des Primates sud-américains.

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Conservation de la faune et de la florede la région de forêts atlantiques du Brésil:la première des grandes priorités de la conservation

en Amérique du Sud

Russell A. Mittermeier

A lire le titre de ma communication, vous avez pu vousdemander pourquoi un pays d'Amérique du Sud commele Brésil figure parmi les sujets traités par un groupe detravail sur Madagascar. C'est une très bonne questionqui, je l'espère, trouvera sa réponse dans cette communi-cation.

La principale raison qui m'a poussé à présenter unecommunication sur le Brésil, et plus particulièrement surla région forestière de la côte atlantique, est qu'à monavis, la situation de la conservation dans cette partie de laforêt brésilienne est à bien des égards similaire à celle deMadagascar. C'est pourquoi il m'a semblé qu'en compa-rant les deux, nous, qui travaillons au Brésil, pourrionstirer parti de l'expérience de la conservation à Mada-gascar et qu'inversément, quelques-unes des méthodes deconservation qui se sont révélées efficaces au Brésil,pourraient être appliquées à Madagascar.

J'aimerais préciser dès à présent en quoi ces deuxrégions sont similaires, étant donné qu'à première vue ilsemblerait qu'elles n'aient pratiquement rien encommun.

1. En premier lieu, j'estime que Madagascar et larégion forestière de la côte est du Brésil sont les deuxrégions prioritaires sur le plan mondial pour la conserva-tion des forêts tropicales. Il est incontestable que dans larégion néotropicale, la conservation de la forêt brési-lienne de l'Atlantique doit avoir la priorité; au niveau despriorités mondiales, elle ne passe qu'après Madagascarqui devrait être considéré comme le premier et principalobjectif de la conservation dans le monde.

2. Deuxièmement, Madagascar et la forêt brésiliennede l'Atlantique sont les deux régions prioritaires dans lemonde pour la conservation des Primates. Comme onpeut le constater au Tableau 1, le Brésil compte, de loin,le plus grand nombre de Primates, parmi lesquels le plusgrand nombre d'espèces menacées se trouvent dans laforêt de la côte atlantique. Madagascar occupe la qua-trième place mondiale pour la diversité de ses Primates.On peut ajouter que Madagascar a, de loin, le plus grandnombre de Primates endémiques — l'Indonésie se clas-sant deuxième, et le Brésil troisième (Tableau 2). Plus

important encore, Madagascar est largement en tête pourle nombre de ses Primates menacés. La forêt brésilienne

TABLEAU 1

PAYS OÙ LA DIVERSITÉ DES PRIMATES EST LAPLUS MARQUÉE

Pays

BrésilZaïreCamerounMadagascarPérouColombieIndonésieNigériaCongoGuinée équatorialeRépublique centrafricaineGabonOugandaBolivieAngola

Nombre d'espèces

5129-3228-29

282727

27-302322

21-2219-20

1919

17-1818-19

Nombre de genres

1613-15

141312128131412

11-121111

11-1210-11

TABLEAU 2

ENDÉMISME DES PRIMATES DANS LES 15 PAYSOU LA DIVERSITÉ DES PRIMATES EST LA PLUS

MARQUÉE

Pays

MadagascarIndonésieBrésilColombiePérouZaïreNigériaCamerounCongoGuinée équatorialeRépublique centrafricaineGabonOugandaBolivieAngola

% d'espècesendémiques

93%44-50%

35%11%7%

6-7%4%0%0%0%0%0%0%0%0%

% de genresendémiques

92%12,5%12,5%

0%0%0%0%0%0%0%0%0%0%0%0%

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de l'Atlantique vient en deuxième place dans cette caté-gorie, mais loin derrière, ce qui fait de Madagascar larégion incontestablement prioritaire au niveau mondialpour la conservation des Primates.

3. Troisièmement, tant à Madagascar que dans laforêt brésilienne de la côte atlantique, les Primates comp-tent parmi les éléments de la faune les mieux connus et lesplus visibles ; ils conviennent parfaitement comme sym-boles de la conservation des écosystèmes dans ces deuxrégions. Mais je reviendrai sur ce sujet un peu plus loin.

4. Quatrièmement, ces deux régions ont des pro-blèmes similaires. La forêt brésilienne de l'Atlantique aété dévastée ces 20 ou 30 dernières années, et l'on estimequ'il ne reste plus que 1% à 5% de la forêt d'origine. Lasituation est un peu meilleure à Madagascar, mais l'onestime que 80% de la forêt de ce pays a disparu.

5. Enfin, les deux régions considérées ont un vasteréseau d'aires protégées, Madagascar comptant 34 parcs,réserves et réserves spéciales, et les forêts brésiliennes del'Atlantique en ayant quelque 40 à 50. Toutefois, dans unpays comme dans l'autre, la situation de nombreux parcset réserves est incertaine. De gros efforts internationauxsont indispensables pour découvrir leur faune et leurflore, et pour veiller à leur maintien, de manière que dessections représentatives de la faune et de la flore des deuxrégions soient protégées efficacement pour les généra-tions futures des deux pays.

Que peut-on dire de la région forestière de l'Atlan-tique, au Brésil? C'est une série d'écosystèmes uniques,qui se distinguent des forêts amazoniennes du nord-

Fig.3: Biotope de forêt atlantique dans l'Etatbrésilien du Minas Gerias.

R.A. Mittermeier

Fig. 2: Superficie d'origine de la région des forêts atlantiques du Brésiloriental.

ouest, beaucoup plus vastes, qui s'étendaient autrefoispresque sans interruption de l'Etat du Rio Grande doNorte, de la pointe la plus orientale de l'Amérique duSud, jusqu'au Rio Grande do Sul, l'Etat brésilien le plusau sud (Fig. 2), et enfin qu'elle comporte quelques-unesdes plus belles, plus hautes et plus riches forêts qui soientsur terre (Fig. 3). Cependant, cette région fut la premièredu Brésil à être colonisée; elle est maintenant le centreagricole et industriel du pays, et deux des trois plusgrandes villes de toute l'Amérique du Sud s'y trouvent —Rio de Janeiro et São Paulo, qui est l'une des trois villesles plus peuplées de la Terre.

Il en est résulté une destruction forestière à grandeéchelle (Fig. 5), surtout pendant les 20 à 30 années deforte expansion économique, à cause de la demande debois, charbon de bois, de terrains pour les plantations, lepâturage et l'industrie.

Les cartes de São Paulo (Fig. 6) montrent très bien cequi est arrivé. Dans la partie supérieure gauche, on a ennoir la forêt originelle de l'Etat en l'an 1500; dans le coinen bas à droite, on a l'estimation du couvert forestierprévu pour l'an 2000, et en fait, c'est presque ce que l'ona déjà atteint aujourd'hui. C'est à peu près la mêmesituation dans toute la région, et, comme je l'ai déjà dit,il ne reste que 1% à 5% de la forêt originelle de l'est duBrésil.

Comme on pouvait s'y attendre, la situation des ani-

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Andy YoungFig. 4: Le Muriqui (Brachyteles arachnoides) est le plus grand des Primates sud-américains, celui qui ressemble le plus à un singe mais aussi le plusgrand Mammifère endémique du Brésil. Celui-ci a été observé lors d'une sortie sur le terrain dans l'Etat du Minas Gerais.

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maux de la forêt n'est pas brillante, et les Primates ensont un bon exemple. On rencontre 21 espèces et sous-espèces de singes dans la forêt atlantique, et les étudesqui y ont été faites depuis 1979 indiquent que 14 d'entreelles sont déjà menacées d'extinction et plusieurs sontpratiquement au bord de l'extinction. Des 14 espècesmenacées, 13 sont endémiques, et n'existent nulle partailleurs dans le monde. Et, bien sûr, la situation est lamême pour la plupart des autres groupes de plantes etd'animaux.

R.A. MittermeierFig. 5: Déforestation dans la région des forêts atlantiques.

Qu'avons-nous fait dans la forêt atlantique? En 1979,nous avons entrepris un programme qui était essentielle-ment, à l'origine, une étude des Primates des aires proté-gées. Ce projet avait pour but de déterminer si celles-ciconvenaient pour garantir la survie à long terme des 21espèces et sous-espèces de Primates de la région. Cepen-dant, en l'espace de six ans, ce programme est devenul'un des plus importants du WWF; il inclut plus de 30grands projets et plusieurs douzaines d'autres pluslimités, ce qui représente quelque 250 000 dollars améri-cains par an.

Autre élément d'importance considérable, au départ,notre programme comportait 50% de chercheurs et étu-diants brésiliens, et environ 50% d'Américains, et quel-ques Britanniques et Japonais. Toutefois, au fil des ansnous avons mis l'accent sur la formation, de sorte qu'il ya maintenant 95% de Brésiliens (Fig. 7). Bien que nouscontinuions à financer le programme pour une largepart, plusieurs institutions brésiliennes qui y participentfournissent elles aussi des fonds.

Les projets que nous avons réalisés se répartissent enplusieurs grandes catégories:

1. La première est l'évaluation et l'amélioration de lagestion des parcs et réserves existants. Comme je l'ai déjàmentionné, il y a quelque 40 à 50 parcs et réserves dans laforêt atlantique, et lorsque notre programme a débuté,l'on savait très peu de choses sur leur état et sur la fauneet la flore qui s'y trouvaient. Comme nous estimonsqu'un réseau de régions bien protégées est un élémentabsolument indispensable de tout programme de conser-vation, la première chose que nous ayons faite futd'entreprendre une étude de tous les parcs et réserves.Maintenant, six ans plus tard, nous avons étudié 35 deces parcs et disposons d'une bien meilleure compré*en-sion de leurs besoins et de ce qu'ils offrent pour garantirla survie des espèces animales et végétales qu'ils sontcensés protéger. Cependant, nous n'avons pas encorefini, et nous pensons que notre travail devrait se pour-suivre pendant plusieurs années encore. Cette étude nousa aussi permis de définir les priorités en matière d'airesprotégées dans la région, et nous avons plusieurs grandsprojets en cours dans six d'entre elles pour améliorer lespratiques de gestion et veiller à ce que ces régions en par-ticulier restent intactes.

2. Deuxièmement, nous avons la création de nouvellesaires protégées. Le réseau de réserves du Brésil de l'est,comme celui de Madagascar, était déjà assez completmais il apparaissait clairement que toutes les régionsprioritaires n'y étaient pas représentées. Alors, avec noscollègues brésiliens, nous avons veillé à ce qu'elles lesoient le plus tôt possible, et je suis heureux d'annoncerque cette année, une nouvelle aire protégée importante aété établie dans les montagnes côtières de l'Etat de SãoPaulo.

Fig. 6: Disparition des forêts dans l'Etat de São Paulo depuis 1500(adapté de Oedekoven, 1980).

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3. Troisièmement, nous avons mis l'accent sur la for-mation de spécialistes brésiliens de la conservation.Lorsque le programme a commencé, peu nombreuxétaient les professionnels qui travaillaient dans la régionde la forêt atlantique. Six ans plus tard, nous avons cinqBrésiliens qui préparent un doctorat aux Etats-Unis, etnous élaborons un programme de formation en conser-vation de la faune avec l'université de l'Etat brésilien duMinas Gerais. On a pu noter un intérêt particulièrementmarqué pour la conservation des Primates. Lorsque jesuis allé pour la première fois au Brésil, en 1971, il y avaitun primatologue brésilien à mi-temps. Il existe mainte-nant une société brésilienne de primatologie qui regroupeplus de 100 membres, et le nombre d'étudiants qui s'inté-ressent aux Primates augmente de façon importantechaque année.

4. Quatrièmement, nous avons mis l'accent sur le sou-tien aux institutions clés, gouvernementales et non gou-vernementales, dont nous pensons qu'elles jouent un rôleprépondérant dans la conservation. Nous travaillonsnotamment en étroite collaboration avec la Fondationbrésilienne pour la conservation et son dynamique prési-dent, l'amiral Ibsen de Gusmão Camara.

5. Cinquièmement, nous réalisons plusieurs activitésd'éducation en matière de conservation; nous aidonsnotamment à élaborer un texte de conservation pour lesécoles primaires de l'Etat brésilien du Minas Gerais, quia à peu près les mêmes dimensions et la même populationque Madagascar.

6. Et pour terminer, nous nous sommes attachés àl'étude de plusieurs espèces menacées, tant pour les con-naître mieux afin de garantir leur survie, que pour enfaire des symboles pour les campagnes de sensibilisationdu public vis-à-vis de la sauvegarde des écosystèmesforestiers dans lesquels elles vivent (Fig. 11).

Pour nous, les activités de sensibilisation de l'opinionrevêtent une importance toute particulière. Lorsque j 'aicommencé à travailler au Brésil, j 'a i été très surpris deconstater que la plupart des Brésiliens connaissaient trèsmal leur faune et leur flore, cela étant particulièrementvrai des citadins. Si la population d'un pays connaît mal oune s'intéresse pas à la nature, la conservation de la faune etde la flore est difficile, voire impossible, à réaliser à longterme. C'est pourquoi nous avons toujours jugé trèsimportant d'inclure des activités de sensibilisation — pourmontrer aux gens vivant dans des pays comme le Brésil,que leur patrimoine naturel est quelque chose de très spé-cial, qui, dans bien des cas, n'existe nulle part ailleurs.

Au Brésil, nous avons effectué plusieurs campagnes desensibilisation de l'opinion axées sur quelques espècesbrésiliennes parmi les plus menacées et les plus remar-quables, telles que le Muriqui (Fig.4), le Tamarin-liondoré (Fig.8) et le Tamarin-lion à queue jaune (Fig. 9).J'aimerais en dire un peu plus sur ces trois espèces, quisont d'excellents exemples de la manière dont nous utili-sons certains animaux comme fers de lances des campa-gnes que nous avons lancées pour les sauver, mais aussipour sauver l'écosystème forestier tout entier.

Fig. 7: Membres du groupe de recherche brasilo-américain du WWF, en visite de travail dans l'Etat de São Paulo. De gauche à droite : R.A. Mitter-meier, Claudio Padua, Carlos Alberto Machado Pinto, Antonio Audi et Celio Valle.

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Le Muriqui (Fig. 4), est le plus grand des Singes duNouveau Monde, et le plus semblable aux grands Singesanthropoïdes; c'est également le plus grand Mammifèreendémique du Brésil. A ce titre, il convient parfaitementcomme symbole du mouvement de conservation brési-lien, et sera bientôt au Brésil ce que le Grand Panda est àla Chine. La campagne que nous avons entreprise depuisquatre ans maintenant, en étroite collaboration avec laFondation brésilienne pour la conservation et plusieursuniversités brésiliennes, comporte plusieurs éléments.

Nous avons réussi à obtenir pour le Muriqui de trèslarges échos dans la presse brésilienne et internationale.Nous donnons des conférences sur l'animal et sonhabitat dans les villes et dans l'intérieur du pays. Nousorganisons des expositions dans les musées. Nous soute-nons des projets de recherche sur son comportement fon-damental et son écologie. Nous distribuons des T-shirts,des auto-collants, des affiches et toute une gamme dematériels pédagogiques (Fig. 9-10).

Nous avons, en outre, produit un film sur le Muriquiet son habitat dans la forêt atlantique, qui a été traduit enPortugais pour la télévision brésilienne, et qui est passédes centaines de fois au Brésil.

Le Muriqui est devenu si populaire qu'il apparaîtmaintenant sur la couverture d'un annuaire téléphonique(Fig. 12) et deux nouveaux timbres brésiliens, et qu'il estmême entré dans le folklore local. Ce n'était pas exacte-ment le but essentiel de notre programme de conserva-tion, mais cela indique néanmoins l'ampleur des résultatsde nos efforts pour une espèce qui, cinq ans auparavant,était pratiquement inconnue dans son propre pays.

Nous avons soutenu une action similaire pour leTamarin-lion (Fig. 8) avec, à l'appui, une campagne desensibilisation de l'opinion, une étude écologique, et unprojet de réintroduction dans lequel des Tamarins-lionsélevés en captivité aux Etats-Unis ont été envoyés auBrésil et relâchés dans leur milieu naturel. Ce projet estparticulièrement prometteur, et retient l'attention auBrésil.

Fig. 9: Distribution d'affiches au Brésil R.A. Mittermeier

R.A. MittermeierFig. 8: Tamarin-lion doré (Leontopithecus rosalia), dans l'Etat de Riode Janeiro.

Fig. 10: Ces affiches présentant des Primates ont été vendues auCongrès de zoologie de Belo Horizonte, Brésil R.A. Mittermeier

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Et quant au Tamarin-lion à queue jaune (Fig. 1), del'Etat de São Paulo, nous avons réussi à intéresser unegrande société, la Compagnie de l'énergie de l'Etat deSão Paulo, qui consacre près d'un demi million de dol-lars à la conservation de ce singe très menacé et à sonhabitat, cette aide étant répartie sur quelques années. Cesinge est le plus rare et le plus menacé de tous les Pri-mates d'Amérique du Sud; il y en a moins de 100 dans lanature. Il y a 15 ans, il était pratiquement inconnu, et lesrares spécialistes qui en avaient entendu parler, lecroyaient éteint. Actuellement, grâce à une autre cam-pagne de sensibilisation, il est devenu le symbole de laconservation dans l'Etat le plus puissant du Brésil, etl'espèce semble finalement avoir de bonnes chances desurvivre au-delà du 20e siècle.

En résumé, vous avez pu constater que notre pro-gramme dans la forêt brésilienne de la côte atlantique aconsidérablement progressé en six ans. Bien sûr, il restebeaucoup à faire, mais nous avons bon espoir de sauve-garder des exemples représentatifs de tous les animaux etplantes importants rencontrés dans cette partie dumonde.

Bien des activités que nous menons au Brésil se fontégalement ici, à Madagascar — mais pas toutes. Nous,qui faisons partie de la Commission de la sauvegarde desespèces de l'UICN, sommes prêts à travailler avec vous àtout ce que vous, peuple de Madagascar, jugerez utile defaire pour conserver votre patrimoine naturel spectacu-laire et unique.

Fig. 11: Emblème à l'effigie du Muriqui (Brachyteles arachnoides) surla carte du Brésil. C'est le plus grand des Primates d'Amérique du Sud.Le texte est le suivant : "C'est le nôtre. Le plus grand des Amériques".Divers matériels pédagogiques ont adopté ce symbole parmi d'autres.

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Fig. 12: Muriquis sur la couverture d'un annuaire téléphonique del'Etat du Mina Gerais.

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Conservation des aires protégées

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Etude du réseau des aires protégéesdu domaine afro-tropical: l'exemple malgache

John et Kathy MacKinnon

1. Introduction

Un des objectifs de l'UICN, du WWF et d'autres orga-nisations oeuvrant pour la conservation de la nature con-siste, comme énoncé dans la Stratégie mondiale de laconservation (1980), à établir un réseau mondial d'airesprotégées pour sauvegarder tous les types de commu-nautés biologiques (écosystèmes, espèces et ressourcesgénétiques).

Cette étude a été demandée par l'UICN pour déter-miner les lacunes du réseau actuel des aires protégées,recommander la création de nouvelles aires protégées,agrandir celles qui existent et faire quelques améliora-tions dans leur administration. L'étude essaie d'identifierles priorités, afin de recevoir une assistance technique etdes fonds de la part d'organismes extérieurs.

2. Méthodes d'étude

Le Centre de surveillance continue de la conservationde la nature (CSC) de l'UICN a préparé un répertoire desaires protégées de tous les pays du domaine biogéogra-phique afro-tropical qui a servi de base à cette étude. Cerépertoire donne des listes d'aires, des cartes et des infor-mations générales sur le statut, les conditions actuelles etl'administration de chaque aire protégée.

Cette étude évalue les quelques points suivants:

— superficie des aires proportionnellement à chaquesubdivision biogéographique,

— variations d'altitudes et de régions pour chaquesubdivision ethnique ayant besoin de protection,

— superficie par rapport à la richesse en espèces, auxmilieux des espèces endémiques et à la vulnérabilitérelative des habitats,

— superficie par rapport à la distribution des espècesde valeur pour le commerce ou pour l'utilisationpar les hommes (par exemple: ressources généti-ques),

— examen des statuts des aires protégées et révisionséventuelles,

— évaluation du réseau des aires protégées par rap-port aux théories de la biogéographie des îles,

— évaluation de l'efficacité de l'administration, et

— appréciation de l'usage des terres jouxtant les airesprotégées pour les habitats critiques.

3. Aspects pratiques

Pour la classification des unités biogéographiques,nous avons suivi les phytochoria botaniques de White(1983) de préférence aux biomes d'Udvardy (1985) quinous ont semblé inconsistants et dépassés pour la classifi-cation des types de végétation dans chaque unité biogéo-graphique; nous nous sommes aussi référés aux cartes deWhite/Unesco (1983).

Pour chaque type de végétation des unités biogéogra-phiques, nous avons évalué le degré de la protectionréelle et le degré de menace affronté. Le degré de protec-tion est estimé en prenant la superficie protégée multi-pliée par un chiffre basé sur une échelle de catégories deprotection et d'efficacité de l'administration (voirtableau ci-après), exprimé en pourcentage de l'aire d'ori-gine.

En ce qui concerne les unités biogéographiques, nousavons fait quelques mesures de l'importance de chacunepour la conservation. Par exemple, nous avons estimé sarichesse en espèces botaniques et faunistiques et lesdegrés d'endémisme. Nous avons également dressé uneliste des espèces d'importance particulière, par exempleles espèces mentionnées dans les « Red Data Book » del'UICN et les espèces ayant une valeur pour l'homme.

4. Méthode employée pour estimer lacontribution relative des aires protégées àla conservation de la nature

Nous ne voulions pas seulement utiliser les superficiestotales de quelques aires protégées; nous avons donc faitun tableau qui reflète, avec plus de réalisme, leurs contri-

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butions respectives à la conservation de la nature. Cetableau donne les ajustements respectifs pour toutes lescombinaisons de catégories de protection (objectifs degestion) et les niveaux de gestion actuels. Les chiffressont multipliés par la superficie de l'aire protégée (enkm2) pour donner la contribution totale.

Catégorieprotection

IIIIIIIVVIVIIIV & VII

Bonnegestion

1.00.90.80.70.60.40.2

Gestionmoyenne

0.80.70.60.50.50.30.2

Mauvaisegestion

0.50.50.40.40.30.20.1

Aucunegestion

0.30.30.20.20.20.10.1

Afin d'illustrer le traitement réservé à chaque unitébiologique, nous citons comme exemple l'unité duCentre régional d'endémisme de l'est de Madagascar.

5. Centre régional d'endémisme de Testde Madagascar

Etendue de l'unité

Cette unité est composée de toutes les basses terres del'est de Madagascar et de tout le centre de l'île au-dessusde 800 m. Il y a aussi une petite enclave du côté ouest,dans la région de Sambirano. L'unité a un rivage pro-longé de 1400 km et une superficie totale de 27 millionsd'hectares.

Division administrative

L'unité est comprise en totalité dans l'île de Mada-gascar.

Végétation dominante

La carte 1 illustre la végétation dominante de l'unité.L'unité était à l'origine entièrement recouverte de forêts— forêt ombrophile de basse altitude malgache (de loinle type d'habitat le plus riche de l'île) au-dessous de800 m et de trois types de forêts de montagne, c'est-à-dire, de forêt humide d'altitude. La plus grande partiedes forêts naturelles a été détruite par les activités del'homme et recolonisée par une mosaïque de terres culti-vées et des formations secondaires. Presque toute la zoneau-dessus de 800 m est maintenant transformée en savanesecondaire. Moins de 20% de l'unité est encore recou-verte de forêts et seuls 4,4% de celles-ci peuvent encoreêtre considérés comme forêt primaire (FAO 1981).

Différents habitats

Sur les montagnes les plus hautes (au-dessus de2000 m) on trouve des fourrés composés d'une seulecouche de plantes ligneuses ne dépassant pas 6 m et sou-vent impénétrables. Ce type de végétation est pauvre enflore et peut-être dérivé d'une forêt sclérophylle de mon-tagne.

D'autres types de végétation distincts forment les com-munautés rupicoles qui existent sur les terrains rocheuxdes montagnes centrales. Elles sont composées de petitsarbustes, mesurant rarement plus de 2 m.

Il y a aussi quelques régions de forêts inondées dans larégion des lacs de l'est, où on trouve en abondance despandanus (Pandanus), des grandes Aracées (Typhono-dorum lindleyanum) et des ravenala endémiques auxfeuilles en éventail (Ravenala madagascariensis).

Quelques types de savanes secondaires sont connus(White 1983): les savanes côtières, les savanes « Tanety »sur les collines, les savanes « tampoketsa » sur le plateauau nord de Tananarive, les savanes de montagne versl'ouest (ex-tapia) et les savanes des montagnes plushautes (au-dessus de 2000 m).

Utilisation courante de la terre

Beaucoup de forêts des basses-terres sont déjàdétruites par la pratique du « tavy » et remplacées pardes produits tels le riz, le manioc, le sucre, les patates, lespommes de terre et le maïs. Les terrains abandonnésaprès culture ou détruits par le feu ne sont pas recolo-nisés par les forêts secondaires indigènes mais par desarbustes exotiques ou par des herbes. Les savanesouvertes par le feu sont utilisées par les troupeaux debovidés, mais beaucoup de ces savanes d'altitude ne sontpas utilisées.

Richesse biologique et endémisme dans l'unité

L'unité est, du point de vue biologique, très riche ettrès caractéristique à l'échelon taxonomique de l'espèceet des autres taxons. La flore contient environ 6100espèces de plantes supérieures dont 79% sont endémi-ques et environ 1000 genres dont 16% sont endémiques(White 1983).

La faune malgache est unique, d'origine très ancienneet distincte par son isolement. La faune est caractériséepar un fort degré d'endémisme à l'échelon taxonomiquede l'espèce et des autres taxons plus élevés. Mais, commedans les autres îles, il y a moins d'espèces, au total, qu'onn'en escompte pour une aire semblable en Afrique conti-nentale. La plus grande partie des espèces malgaches sontforestières et pour cette raison l'unité de la zone orientaleest plus riche que l'unité occidentale.

Quatre-vingt cinq des 105 espèces d'Oiseaux endémi-ques se trouvent dans cette unité. 94% des Mammifèresmalgaches non volants sont endémiques et certainesfamilles sont entièrement endémiques comme parexemple les Lémuridés et les Tenrécidés, etc. Neuf des 28espèces de Chiroptères sont aussi endémiques. La plupartde ces espèces se trouvent dans les limites de l'unité orien-tale. Les Amphibiens (144 espèces) et les Reptiles (258espèces) sont richement représentés à Madagascar et ontaussi un degré d'endémisme extraordinaire (plus de 90%pour les Reptiles et 98% pour les Amphibiens). L'unitéorientale est aussi la plus riche pour ces espèces, surtoutpour les Amphibiens qui sont confinés dans les forêtshumides.

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Les espèces d'intérêt particulier pour la conservation

Les espèces de Mammifères inscrites comme espèces menacées dans le Red Data Book de l'UICN

Varecia variegataAllocebus trichotisPhaner furciferDaubentonia madagascariensisIndri indriAvahi lanigerPropithecus diademaHapalemur griseusHapalemur simusLepilemur microdonLepilemur dorsalisLepilemur mustelinusLemur fulvusLemur rubriventerLemur macaco

Lémur variAllocèbePhanerAye AyeIndriAvahiPropithèque à diadèmePetit HapalemurGrand HapalemurLépilémurLépilémurLépilémurLémur brunLémur à ventre rouxLémur macaco

menacéinsuff. connuvulnérablemenacémenacévulnérablemenacévulnérablemenacéinsuff. connuvulnérableinsuff. connuvulnérablemenacémenacé/vulnérable

Les espèces d'Oiseaux inscrites comme espèces menacées dans le Red Data Book des Oiseaux CIPO/UICN

Tachybaptus pelzelniiAythya innotataEutriorchis asturMesitornis unicolorSarothrura watersiCoua delalandeiTyto soumagneiBrachypteracias squamingerBrachypteracias leptosomusAtelornis crossleyiUratelornis chimaeraNeoorepanis nypoxanthaPhyllastrephus cinereicepsPhyllastrephus tenebrosusXenopirosths polleniCrossleya xanthophrysNewtonia fanovanae

Grèbe malgacheMilouin de MadagascarAigle autour de MadagascarMésite unicoloreRâle de WatersCoua de DelalandeEffraye de SoumagneBrachypterolle écailleBrachypterolle leptosomeBrachypterolle de CrossleyBrachypterolle à longue queueSouimanga caronculéOxylabe à tête griseBernière obscureVanga de PollenOxylabe à sourcils jaunesGobe-mouches de Newton

insuff. connumenacémenacéinsuff. connuindéterminééteintindéterminérarerarerarerareindéterminérarerarerareindéterminéindéterminé

Les espèces d'intérêt particulier pour lecommerce

On sait seulement qu'il existe peu de possibilités com-merciales en ce qui concerne la flore malgache. Plusieursdes groupes ethniques de l'île utilisent des espèces botani-ques pour la médecine, pour se nourrir et pour d'autresusages domestiques. Des études ethnobotaniques ontdéjà identifié de nombreuses espèces potentielles pour lecommerce (Plotkin, 1985).

Les espèces suivantes sont déjà commercialisées:

Euphorbia intisyCryptostegia spp.Tachylobium verrucocum

Robre africainRobre sauvageCopal

latexlatexrésine

La faune unique des Lémuriens malgaches a unegrande valeur et présente un grand intérêt pour lesrecherches primatologiques.

Traits physiques qu'il faut aussi protéger

Il y a quelques cavernes très intéressantes avec unefaune particulière dans la région calcaire d'AnkaranaAmbilobe au nord de l'île.

Il y a aussi quelques formations volcaniques intéres-santes dans le massif du Tsaratanana qui est le point cul-minant de l'île.

Caractéristiques ethnologiques et historiquesqu'il faut protéger

L'unité contient quelques zones d'intérêt ethnologiqueet historique surtout dans les régions montagneuses prèsd'Antananarivo où on trouve le peuple Merina qui fut lepremier groupe à développer l'architecture et la métal-lurgie.

Il y a aussi quelques zones d'intérêt paléontologiqueoù on trouve des animaux fossilisés. Ces découvertessont très importantes pour l'interprétation et la compré-hension de l'évolution de la faune malgache et en parti-culier des Primates primitifs.

Le réseau des aires protégées de l'unité

La carte 2 donne la localisation des aires protégées quiexistent ou qui sont proposées dans l'unité. Le Tableau 1détaille pour chaque aire protégée le statut (catégorie),l'altitude, la superficie de chaque type de végétation, lasuperficie totale et l'efficacité de la gestion.

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TABLEAU 1

LES AIRES PROTÉGÉES DU CENTRE RÉGIONAL D'ENDÉMISME DE L'EST MALGACHE

No.

1234

56789

Nom

ZahamenaAndringitraMarojejyTsaratanana

Ambatovaky SRAnjanaharibe-SudMarotandranoAmbohitantelyManombo SR

10Kalambatritra

Catégorie

1111

444444

Alt.(m)

500-15001000-2658

90-2137700-2876

200-1000200-1000200-1000

1200-16500- 500

200-1000

Typehabit.

F1bS18M5M19cM5F1bM5S18S18F11bS18M5

Super/.habit.

732312601157330600321422

5650

142140

Superf.total

732312601487

600321422

5650

282

Oesteff.

3332

333333

Comptefinal

366156300390

2401281692220

113

TABLEAU 2

PROTECTION DES HABITATS MENACÉS

Typed'habitat

F1bM/G18M5M19cF/G11

TOTAUX

Superficed'origine

80,729121,35445,312

4,64621,875

272,916

Superficieactuelle

%

c.15c.30c.20c.30c.20

c.25

Superficieprotégée

1,332932

1,39215750

3,863

%

1.60.83.14.30.2

1.4

Additionsproposées

400——

400

%

0.40000

0.1

Analyse de la couverture des habitats parrapport à la menace relative

Le Tableau 2 indique les superficies originales, le degréde protection et une estimation relative de la perte ou dela dégradation de chaque type d'habitat.

Ces statistiques indiquent que les superficies protégéesde tous les types d'habitats sont insuffisantes.

Evaluation de l'importance relative des airesprotégées

La Réserve intégrale de l'Andohahela semble la plusimportante pour la protection des espèces endémiquesmalgaches parce qu'elle comprend des aires de la forêthumide de l'est et aussi des forêts sèches de l'ouest.

Les réserves de Zahamena et Marojejy ont aussi unepriorité plus haute pour la conservation des écosystèmes.

Evaluation du niveau de gestion et deprotection

Les niveaux de gestion et de protection des aires proté-gées sont encore très mauvais. La plupart des aires proté-gées ont peu ou n'ont aucun personnel permanent pourcombattre les menaces des feux, du pâturage et de l'agri-culture. Beaucoup d'aires protégées n'ont pas de poste decontrôle dans leurs limites. Il n'existe aucun plan d'amé-nagement pour ces réserves. Dans toutes les réserves ledegré de gestion est à un bas niveau à l'exception de Tsa-ratanana où les gendarmes chassent les exploitants illé-

gaux de leurs plantations, dans la réserve. Cette aire pro-tégée a une note moyenne pour l'efficacité de la protec-tion.

Adéquation du statut des aires protégées

Les catégories de la plupart des aires protégées sontadaptées aux objectifs d'aménagement si la gestion desréserves peut être améliorée. Cependant il n'y a aucunparc national dans cette région. On espère que la créationd'un ou de plusieurs parcs nationaux susciterait plusd'intérêt et plus de soutien pour le réseau des aires proté-gées de l'unité.

Identification des principales lacunes dans leréseau des aires protégées

Le réseau des aires protégées de l'est de Madagascarcomprend des échantillons représentatifs de tous les éco-systèmes mais les superficies de chaque type de végéta-tion ne sont pas suffisantes. Il y a, par ailleurs, desrégions et des espèces d'une grande importance pour laconservation qui ne bénéficient pas d'une protection juri-dique. Par exemple trois espèces de Lémuriens qui sontendémiques à la région ne sont protégées dans aucune desaires protégées: l'Allocèbe Allocebus trichotis, le Lémurvari roux Varecia variegata rubra et le Grand HapalémurHapalémur simus. Les distributions de ces espèces illus-trent quelques lacunes qui sont évidentes dans le réseaudes réserves, mais une étude plus complète de la distribu-tion des autres espèces mettrait d'autres lacunes en évi-dence.

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La grande variation climatique entre le nord et le sudde Madagascar doit inciter à créer quelques aires proté-gées dans chaque zone de végétation.

études de planification, à améliorer l'instruction desgardes et à fournir l'outillage nécessaire pour la gestiondes aires protégées.

Recommandations pour la création denouvelles réserves ou l'extension de cellesqui existent

a) Il faut rétablir une réserve dans la péninsule deMasoala. La réserve originale avait été établie en 1939mais fut supprimée en 1964 pour permettre l'exploitationde la forêt. Cette région est caractéristique et composaitle seul exemple protégé de la forêt côtière. Cette forêt estle seul habitat du Lémur vari roux. Elle contient aussibeaucoup d'autres espèces intéressantes.

b) Il faut faire d'autres études en cherchant une nou-velle réserve pour la protection de l'Allocèbe du plateaude Mahakira.

c) Il faut aussi protéger l'habitat du Grand Hapa-lémur à 50 km à l'ouest d'Ifanadiana. Il faut aussi fairedes études pour identifier d'autres endroits où cetteespèce peut être protégée.

d) Il faut étendre l'aire protégée de Périnet-Analama-zaotra à 10 000 ha, pour englober plusieurs forêts richesattenantes.

e) Il faut établir une aire protégée dans la région du lacAlaotra pour protéger la flore des forêts inondées etl'habitat de quelques Oiseaux rares, comme le Grèbemalgache et le Milouin de Madagascar.

f) Il faut établir une aire protégée dans la région assezbasse du Sambirano, où on trouve un type de forêt trèscaractéristique et où il y a beaucoup d'espèces endémi-ques.

Bibliographie1. IUCN. 1980. World Conservation Strategy: Living Resource

Conservation for Sustainable Development. IUCN/UNEP/WWF,Gland, Switzerland.

2. IUCN. 1985. An Environmental Profile of Madagascar. Cam-bridge Monitoring Centre.

3. IUCN. 1986. IUCN Directory of Afrotropical Protected Areas,IUCN

4. Jolly A., P. Oberlé et R. Albignac, Eds. 1984. Madagascar. KeyEnvironment Series. Pergamon Press.

5. Udvardy M.D.F. 1975. A Classification of the BiogeographicalProvinces of the World. IUCN Occasional Paper 18: 1-48

6. Udvardy M.D.F. 1984. A Biographical Classification System forTerrestrial Environments. In National Parks, Conservation and Deve-lopment edited by J.A. McNeely and K.R. Miller. Smithsonian Institu-tion Press. Washington.

7. White F. 1983. The vegetation of Africa. A descriptive memoir toaccompany the Unesco/aetfat/UNSO vegetation map of Africa.Unesco.

8. Wolfheim J.H. 1984. Primates of the World : Distribution,Abundance and Conservation. Harwood Academie, Switzerland.

Autres besoins en matière de conservation

a) Il faut faire des recherches pour entreprendre uninventaire des ressources de l'unité et pour développer etagrandir le réseau des aires protégées et comprendred'autres régions d'une grande importance pour la conser-vation, surtout les forêts ombrophiles des basses-terres.

b) Il faut améliorer la protection ainsi que la gestionet augmenter le nombre des employés dans toutes lesaires protégées.

c) Il faut étendre l'éducation et la sensibilisation deshabitants de Madagascar aux problèmes de la conserva-tion de leur environnement; faire cesser la chasse auxLémuriens etc.

d) Il faut faire des recherches sur la distribution del'Aye-aye et des autres espèces de Lémuriens. Autrefoisl'Aye-aye avait une distribution étendue dans les forêtsde la côte du nord-ouest et de l'est. L'Aye-Aye est pro-tégé sur l'île de Nosy Mangabé. Il est aussi probable qued'autres populations de cette espèce survivent et ontbesoin de protection.

e) Il est nécessaire que l'assistance internationale ren-force la capacité de l'administration malgache à faire des

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Statut des parcs et réserves de Madagascar

Joseph Andriamampianina

1. Introduction

A Madagascar, les aires protégées sont réparties dansl'une ou l'autre des trois catégories suivantes:

— Réserves naturelles intégrales

— Parcs nationaux

— Réserves spéciales

Si on veut porter un jugement sur leur statut actuel, onne peut faire autrement que de consulter les textes juridi-ques qui ont institué chacune de ces aires et les mettre enparallèle avec les conventions internationales ayant traità la protection et à la conservation de la nature, et qui ontété ratifiées par le Gouvernement. Ces conventions sont:

— la Convention internationale pour la protection de lafaune et de la flore en Afrique, adoptée par la Confé-rence internationale de Londres, en novembre 1933,que nous désignerons par Convention de Londres;

— la Convention africaine pour la conservation de lanature et des ressources naturelles, adoptée à Alger enseptembre 1968, que nous désignerons par Conven-tion d'Alger.

Pour plus de commodité, nous examinerons une à uneles trois catégories citées plus haut, en commençantchaque fois par un bref historique des motivations quiont amené à leur création.

2. Réserves naturelles intégrales

2.1 Historique

Si l'on se réfère à J. Coudreau, l'idée de classer cer-taines formations naturelles de Madagascar est née àpartir des travaux du Comité national pour la protectionde la faune coloniale, institué à Paris en 1923.

Ce comité conclut en 1925 qu'il fallait créer des parcsnationaux dans toutes les colonies franaises, sans doutedans l'intention d'imiter l'initiative américaine.

A Madagascar, trente territoires étaient alors proposéset après deux années d'intense activité, au bout des-quelles l'idée d'interdire l'accès dans les territoires à pro-téger fut retenue, on prit la décision de créer des réservesnaturelles et non des parcs nationaux. Les principes debase adoptés pour déterminer ces réserves naturellesétaient les suivants:

— surfaces pas trop importantes pour « ne pas gêner lacolonisation » et à cause du nombre restreint desgardes;

— territoires localisés le plus loin possible de la civilisa-tion pour ne pas faire souffrir l'économie et pourfaciliter la conservation.

Sur les trente territoires proposés, dix, représentantdifférentes formations de l'île furent retenus pourdevenir les premières réserves naturelles.

En 1939, une onzième réserve fut instituée et ce n'estqu'en 1952 que fut créée la douzième.

2.2 Les réserves naturelles intégrales d'aprèsles conventions

Il faut noter que les dix premières réserves naturellesont été créées avant la Convention de Londres et qu'ellesont même probablement été une source d'inspirationpour cette convention. A l'époque de leur fondation,elles n'étaient pas encore qualifiées d'intégrales, carl'expression « Réserve naturelle intégrale » n'a étéadoptée que par la Convention de Londres.

En résumé, une réserve naturelle intégrale est, d'aprèscette convention, une aire où la nature doit être livrée àelle-même, où toute activité humaine est interdite et danslaquelle la circulation et les recherches scientifiques nepeuvent être effectuées sans la permission des autoritéscompétentes.

La Convention d'Alger a repris les mêmes disposi-tions, mais il faut remarquer qu'elle désigne par« Réserve naturelle » toute aire protégée, qu'elle soitclassée en réserve naturelle intégrale, en parc national ouen réserve spéciale.

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2.3 Textes juridiques d'institution 3. Parcs nationauxLes différents textes qui ont porté création de ces

réserves sont:

— le Décret du 31 décembre 1927 qui a institué les dixpremières réserves naturelles;

— le Décret du 11 juin 1939 qui a créé la Réserve inté-grale no. 11 d'Andohahela;

— le Décret du 3 janvier 1952 qui a créé la Réserve natu-relle intégrale no. 12 de Marojejy;

— le Décret du 1er juin 1966 qui a abrogé les troisDécrets ci-dessus et qui régit actuellement les réservesnaturelles intégrales.

Ce dernier décret a repris, comme plus tard la Conven-tion d'Alger, les dispositions de la Convention de Lon-dres. On peut donc dire que les statuts actuels de nosréserves naturelles intégrales reposent entièrement sur lesconventions internationales et qu'à priori, il n'y a paslieu de changer le Décret en vigueur, à moins que leslimites des réserves portées dans ce Décret subissent elles-mêmes des changements.

Liste des parcs nationaux et autres aires protégées

Nom

Réserves naturelles intégralesNo 1No 2No 3No 4No 5No 6No 7No 8No 9No 10No 11No 12

BetamponaMasoala (annulée)ZahamenaTsaratananaAndringitraLokobeAnkarafantsikaTsingy de NamorokaTsingy de BemarahaTsimanampetsotsaAndohahelaMarojejy

Parcs nationaux

No 1No 2

IsaloMontagne d'Ambre

Réserves spéciales

No 1No 2No 3No 4No 5No 6No 7No 8No 9No 10No 11No 12No 13No 14No 15No 16No 17No 18No 19No 19No 20No 21

AmbohitantelyAmbatovakyMangerivolaNosy MangabéAnalamazaotra-PérinetKalambatritraManomboPic d'IvohibeAnalameranaAnkaraForêt d'AmbreAnjanaharibe SudManongarivoAndranomenaCap Sainte-MarieAmbohijanaharyBemarivoManingozoKasijyBora (avec jardin botanique)MarotandranoTampoketsa d'Analamaitso

Superficie

2,228

73,16048,62231,160

74060,52021,742

152,00043,20076,02060,150

81,54018,220

5,60060,050

800520810

28,2505,0203,450

34,70018,2204,810

32,10035,2506,4201,750

24,75011,5707,900

18,8008,491

42,20017,150

3.1 Historique

Nous avons vu qu'avant 1927, on voulait surtout créerdes parcs nationaux, mais bien que la Convention deLondres ait défini clairement ce type d'aire protégée, lepremier parc national malgache n'a été institué qu'en1958 et le deuxième, qui est aussi le dernier, ne l'a étéqu'en 1962.

En interprétant le fait que deux autres réserves natu-relles intégrales ont été encore créées avant ces parcsnationaux et aussi avant les réserves spéciales, commenous le verrons plus tard, on peut dire que l'administra-tion de l'époque voulait protéger de manière plus efficaceles milieux qu'elle désirait préserver.

3.2 Les parcs nationaux, d'après lesconventions

Pour la Convention de Londres, un parc national estune aire mise à part pour la propagation, la protection etla conservation des espèces de faune et de flore, et aussipour la conservation des sites d'intérêt esthétique, géolo-gique, préhistorique, historique, archéologique et scienti-fique au profit du public et pour sa récréation; ce qui ledifférencie d'une réserve naturelle intégrale est donc lefait que le public peut y accéder et y circuler mais sous lecontrôle des autorités qui en sont responsables.

La Convention d'Alger a aussi repris ces dispositions,mais a autorisé l'abattage, la chasse, la capture et larécolte pour des raisons scientifiques ou pour les besoinsde l'aménagement des parcs.

3.3 Textes juridiques d'institution

Le Décret du 28 octobre 1958 portant création du Parcnational de la Montagne d'Ambre ne donne aucune défi-nition du terme « Parc national » mais signale seulementque les dispositions de la Convention de Londres sontapplicables, et que la circulation à pied ou en automobileainsi que le campement à l'intérieur seront réglementéspar décisions administratives.

Compte tenu de ce qui précède, il n'y a donc aucuneremarque particulière à faire sur les statuts actuels de ceparc national.

Le Décret du 19 juillet 1962 soumet aussi le Parcnational de l'Isalo, qu'il a institué, aux dispositions de laConvention de Londres mais ajoute une clause spécialequi autorise la cueillette des cocons de Landibe (Boro-ceras madagascariensis) et des fruits de Tapia (Uapacabojeri) dans le secteur ouvert chaque année à cetterécolte.

On peut relever que cette clause spéciale constitue uneentorse aux dispositions de la Convention d'Alger quin'autorisent les récoltes, comme nous l'avons signaléplus haut, que pour des raisons scientifiques ou pour lesbesoins d'amémagement. Mais ne peut-on considérercette mesure particulière comme une application del'article XI de cette Convention qui stipule que des

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mesures législatives nécessaires seront prises « pourmettre les droits coutumiers en harmonie avec les disposi-tions de la présente Convention »? Il faut signaler eneffet que les cocons de Landibe constituent la matièrepremière dans la confection des linceuls, de tout tempspratiquée par les habitants de la région.

4. Réserves spéciales

4.1 Historique

Les réserves spéciales constituent un cas particulier àde nombreux points de vue. La Convention de Londresen a parlé mais les premières institués à Madagascar nel'ont été qu'en 1956, après la parution de textes législatifsy afférents.

En 1965, Madagascar en comptait déjà vingt, et nuldoute que la plupart d'entre elles étaient parmi les vingtterritoires déjà choisis avant 1927 et qui n'ont pu êtreclassés en réserves naturelles intégrales.

En 1970, une réserve spéciale a été encore établie et ladernière en date l'a été en 1982. Il faut signaler qu'unautre territoire est actuellement en instance de classe-ment, ce qui portera à 23 le nombre de réserves spécialesà Madagascar.

4.2 Les réserves spéciales d'après lesconventions

Nous avons signalé que la Convention de Londres aparlé des réserves spéciales mais elle n'en a donné aucunedéfinition précise. Elle a seulement prévu et encouragéleur établissement pour « la conservation d'espèces defaune et de flore que l'on désire conserver, mais qui nesont pas autrement suffisamment protégées ».

Il faut se référer à la Convention d'Alger pour con-naître l'interprétation donnée à cette forme de classe-ment d'aire protégée. D'après cette convention, l'expres-sion "réserve spéciale" désigne trois sortes de zones pro-tégées et qui sont:

— les réserves de faune pour la conservation de la vieanimale sauvage;

— les réserves partielles ou sanctuaires pour la protec-tion de communautés caractéristiques d'animaux oude végétaux particulièrement menacées;

— les réserves des sols, des eaux et des forêts pour laprotection de ces ressources particulières.

Il faut noter que ni l'une ni l'autre de ces deux conven-tions n'a pris des mesures réglementant la pénétration oula circulation à l'intérieur de ces réserves.

réserves naturelles intégrales est insuffisant et que desmesures moins sévères que celles que prévoit la Conven-tion de Londres peuvent suffire.

Ces « mesures moins sévères » ont été déterminéesdans un autre Arrêté paru en décembre 1955. Elles por-tent sur la possibilité d'interdire ou de réglementer la cir-culation à l'intérieur des réserves spéciales.

Après la parution de ces deux Arrêtés, l'institutionlégale des réserves spéciales a été faite par des décrets spé-cifiques soit par un groupe, comme c'est le cas pour leshuit réserves établies en 1956 et les sept autres établies en1958, soit pour chacune comme c'est le cas pour le reste.Aucun de ces décrets spécifiques n'a cependant interditou réglementé la circulation à l'intérieur de ces terri-toires, laissant ainsi considérer qu'on est libre d'yaccéder.

On peut donc dire que la législation qui a créé cesréserves manque d'uniformité et de suite. La Conventiond'Alger elle-même, en définissant la réserve spéciale pardivers types de réserves particulières, semble vouloirappliquer cette dénomination à toute aire de valeurincontestable qui ne peut être classée en réserve naturelleintégrale ou en parc national en raison de ses caractéristi-ques trop particulières. Il s'ensuit que toute aire méritantd'être protégée contre des usages inconsidérés ou incom-patibles avec son maintien pour la postérité, peut êtrebaptisée réserve spéciale. C'est le cas des 22 territoires deMadagascar déjà classés dans cette catégorie de réserve.

5. Conclusion

Notre conclusion est brève. Les textes régissant lesparcs et réserves de Madagascar sont suffisammentadaptés au contexte international pour qu'il ne soit pasnécessaire de les reconsidérer. Les statuts qu'ils définis-sent ne présentent aucune confusion majeure qui puisseempêcher l'élaboration d'une politique claire et précisedans la gestion de nos aires protégées.

4.3 Textes juridiques d'institution

Le premier texte ayant motivé, pour ainsi dire, l'appel-lation et les buts de ce type d'aire protégée est un Arrêtéparu en octobre 1952. La note de présentation de cetArrêté relate qu'en raison de la complexité de la floremalgache et de sa grande diversité d'une région à l'autrede l'île, le classement des zones essentielles à protéger en

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Un programme de conservation pour la Réserved'Andohahela

Sheila O'Connor, Mark Pidgeon et ZigZag Randria

1. Introduction

La Réserve naturelle 11, Andohahela, mérite, de touteurgence, de retenir l'attention des experts de la conserva-tion. C'est la seule réserve qui comprenne trois types deforêts bien distincts: la savane épineuse, la forêt humide,et la forêt de transition avec le palmier endémique, Neo-dypsis decaryi. Au moins 23 espèces de Mammifères etbien plus de 100 espèces d'Oiseaux habitent cette réserve.Son importance comme bassin versant est indiscutable.On suggère des projets d'aménagement précis quiincluent:

— Révision des limites

— Tracé net de ces limites

— Accroissement du nombre de gardiens

— Transport pour le chef de cantonnement forestier

— Projets de développement local.

Avec un financement suffisant, ces projets pourraientpermettre la sauvegarde d'une réserve de valeur inesti-mable.

La Réserve naturelle intégrale No. 11 d'Andohahelaest une des plus grandes zones protégées de Madagascar,avec une superficie totale de 76 020 ha. Elle englobe troisparcelles (Fig. 1).

La réserve fut créée en 1939 et couvrait alors 30 000 ha.En 1966 les limites furent étendues. Aujourd'hui, ceslimites sont un peu confuses parce que les bornes de lapremière parcelle ne sont pas bien localisées. La réserveest sous la juridiction du Fivondrona de Tolagnaro etd'Amboasary-Sud. Elle a un poste de surveillance à Emi-niminy (sur la frontière est de la parcelle No. 1), sous laresponsabilité du chef de secteur, M. ManamboatsyEdmond. Il y a aussi un poste à Imoty (côté ouest de laparcelle No. 1) mais il n'y a pas de responsable perma-nent et c'est le chef de cantonnement forestier, M. Ran-dria ZigZag, qui s'en occupe.

Nous avons visité la parcelle No. 1 plusieurs fois enjuin, août et octobre 1985. Nous avons inspecté la par-celle No. 2 en mai et juillet 1985 et l'avons parcourue àmoto pour évaluer les conditions des trois frontières.

Une visite du côté ouest de la parcelle No. 3 et plusieursremarques sur les conditions de la route complètent lesobservations de Mark Pidgeon et Sheila O'Connor.M. Randria a passé six semaines à faire la reconnaissancedes limites de la première parcelle, en août 1985.

2. La Parcelle 1

La première parcelle de la réserve No. 11 se situe à 35km au nord-ouest de Fort Dauphin et à 84 km au nord-est d'Amboasary-Sud, où est en poste le chef de laréserve. L'accès est difficile par toutes les routes. Ce

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Fig. 1 : Réserve N° 11 - ANDOHAHELA

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défaut d'accès a sans doute protégé la réserve contre uneexploitation intensive. Cependant, il y a trois cheminsqui suivent les limites et permettent aux gens d'entrerdans la réserve; un quatrième chemin traverse la forêtd'est en ouest (Andonabe à Evasia).

La végétation de cette parcelle se caractérise par desespèces à feuilles persistantes, typiques de la forêthumide tropicale de moyenne altitude. L'altitude de laparcelle varie, allant d'à peu près 100 m dans les vallées à1956 mètres au pic d'Andohahela, qui est probablementcouvert d'une forêt à lichens. La température moyenneest d'environ 23°C, avec des précipitations annuellesmoyennes de plus de 2000 mm (Donques, 1972).

Dans cette parcelle, les secteurs couverts de forêts sontplus ou moins intacts. Cependant, il y a des zones éten-dues, à l'intérieur de la parcelle, qui ont été exploitéespour le bois de chauffage et pour le tavy. Le riz est cul-tivé dans les vallées où les pentes ne sont pas tropabruptes et, plus haut sur ces pentes, il ne reste que de lasavane qui est brûlée chaque année pour améliorer lespâturages. Il faut dire que la plupart de ces clairièressemblent être d'origine ancienne. Au nord-est de cetteparcelle, près du village de Vohibaka, Randria a com-mencé un programme pour protéger la parcelle des feuxde brousse. Les gens du village l'aident à établir une zonepare-feu le long de la frontière. Cette zone a une doubleaction : protéger du feu et marquer les limites. Les villa-geois reçoivent une compensation en viande, achetée jus-qu'ici par Randria lui-même.

Il y a plusieurs arbres typiques de la forêt humide

Fig. 2: S. O'Connor sur le terrain, dans la Parcelle 1.M. Pidgeon

(grandes racines, contreforts, grands troncs, et plus de40 m de haut par endroits mais, en moyenne, 25 m). Il y ades épiphytes en abondance et, plus haut, on trouve desmousses et des lichens. Une formation végétale intéres-sante, les Humbertacées, se trouve dans cette parcelle.Fougères arboricoles, Cycathacées, et Orchidées sontcommunes, et Rhipsalis (de la famille des Cactacées) estégalement présent. Selon Koechlin (1972), quelquesreprésentants du genre Tambourissa, Symphonia et Dal-bergia sont aussi présents. Sur les pentes escarpées, ontrouve les familles Lauracées, Compositacées et Rubia-cées (Guillaumet, 1981, 1984).

Cette parcelle de la réserve possède la faune la plusdiverse, notamment des représentants des espèces quiviennent strictement de la forêt humide, comme Propi-thecus diadema, et des espèces plus typiques de la forêtdécidue comme Propithecus verreauxi (Tableaux 1 et 2).

M. PidgeonFig. 3: Déforestation et cultures dans la partie sud de la Parcelle 1.

3. La Parcelle 2

La deuxième parcelle est dominée par la forêt épineuseavec de la brousse, des broussailles et une forêt-galerie, lelong du Menanara, vers le nord de la parcelle. Les col-lines les plus hautes sont dépourvues de forêt et couvertesd'herbes. On y trouve l'Aloe nain, et quelques espèces dePachypodium sur les pentes les plus élevées. L'altitude,dans cette parcelle, se situe approximativement entre110 m et 1005 m, au pic de Vohidagoro. Sur les plaines,au pied des collines, il y a une variété de végétation xéro-phyte. Cette végétation est caractérisée par des forma-tions végétales bien adaptées à la sécheresse permanente(Rabesandrantana, 1984).

La famille des Didieraceae, endémique de Mada-gascar, est bien représentée dans cette parcelle par lesgenres Alluaudia et Didierea. Euphorbiacées, Légumi-neuses et Crassulacées sont également abondantes.Adansonia za (Bombacées) un des arbres les plus impres-sionnants de Madagascar est endémique de cette régionde la réserve. La forêt épineuse du sud-est de Madagascarse distingue de celle du sud-ouest du point de vue diver-sité et composition, et Adansonia za n'est pas la seuleplante endémique de la vallée du Mandrare. La forêt

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TABLEAU 1

MAMMIFÈRES DE LA RÉSERVE ET PARCELLES OÙ ILS SE TROUVENT

Ordre

Primates

Carnivora

Insectivora

Artiodactyla

Espèce

Lemur fulvus collarisLemur cattaHapalemur griseusLepilemur m. mustelinusLepilemur m. leucopusMicrocebus murinusMicrocebus rufusCheirogaleus mediusCheirogaleus majorPhaner furciferAvahi laniger lanigerPropithecus diadema holomelasPropithecus verreauxi verreauxiDaubentonia madagascariensisCryptoprocta feroxFossa fossaGalidia elegans elegansGaladictis fasciata striataSalanoia concolorViverricula indicaEchinops telfairiHemincentetes semispinosusMicrogale sp.Oryzorictes sp.Setifer setosusSuncus sp.Tenrec ecuadatusPotomochaerus larvatus

Nom malgache

VarikaMaki, HiraHaloMahiaboalaSongikyPondiky, HatakaPondiky—TsyTsy—FotsyfeSifaka mainty/simponaSifakaHayHayFosaFanalokaVontsira———Sora———Sokina—TandrakaLambo

Parcelle

1 •1 2 31 •12 3 2 31 •2 3121 •1 •1 2 311 2 311 •1

1311111 3

•1 2 31 2 31 2 3

Vu par un des auteurs Identifié par le garde forestier ou les villageois de la région Probable selon cartes publiées

Selon Albignac (1972, 1973, 1984), Eisenberg et Gould (1984), Heim de Balsac (1973), Nicoll (pers. comm.), Paulian (1981), Petter et al. (1977) Richard (pers. comm.),Tattersall (1982).

* Cette liste n'inclut pas les Rodentia ou Chiroptera et pour les Insectivora et Carnivora, elle n'est pas complète. Il est probable que 5 espèces de rongeurs se trouvent dansla réserve (Martin, pers. comm.).

TABLEAU 2

LISTE DES OISEAUX VUS DANS LA RÉSERVE ET PARCELLES OÙ ILS SE TROUVENT

Espèce

Dicrurus forficatusPhyllastrephus sp.Hypsipites madagascariensisMotacilla flaviventrisTersiphone mutataNewtonia brunneicaudaNeomyxis viridisNeomyxis striatigulaZosterops maderaspatonaNectarinia souimangaNectatinia notataPloceus sakalavaPloceus nelicourviFoudia madagascariensisLonchura nanaCisticola cherinaLeptosomus discolorEurystomus glaucurusCoracina cinereaApus sp.Upupa epopsCaprimulgas madagascariensisAcridotheres tristisOtus rutilus

Nom vernaculaire

Drongo malgacheBerniérieBulbul malgacheBergeronnette malgacheGobe-mouches de paradis malgacheGobe-mouches de NewtonEroesse verteGrande éroesseZostérops malgacheSouimanga malgacheSouimanga angaladianFoudi sakalaveTisserin nélicourviFoudi rougeSpermeste nainCisticole malgacheKirombo courolRollier malgacheEchenilleur malgacheMartinetHuppe de MadagascarEngoulevent de MadagascarMartin tristeScops malgache

Parcelle

1 2 311 2 311 222 32 31 21 21211 21 21 2 31 2 3211 221 221

*I1 y a certainement bien d'autres espèces dans la réserve.

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épineuse disparaît au fur et à mesure que l'utilisation ducharbon et du bois pour la construction augmente, paral-lèlement à la croissance des villes de la région. La cueil-lette de fantsilotra ou Alluaudia est facile à cause de laproximité des routes.

La parcelle No. 2 est plus accessible que la premièreparcelle parce qu'on peut suivre la route d'Amboasary àHazafotsy, à l'ouest, qui est praticable toute l'année.Cette route traverse la limite nord jusqu'à Ambatoabo etil y a un chemin qui va directement vers le sud et rejointla route nationale No. 13 près de Bovilany. Une forêt épi-neuse étendue entoure la réserve surtout à l'ouest, et ilfaut étudier la possibilité de l'inclure dans la parcelle.

Les conditions édaphiques sont dures dans cette par-celle de l'ouest. Les précipitations sont faibles, ne dépas-sant généralement pas 500 mm par an. Bien que la tempé-rature annuelle moyenne soit de 23°C (comme dans lapremière parcelle), la variation est beaucoup plus impor-tante (Donque, 1972).

Fig. 4: Vue de la Parcelle 2 M. Pidgeon

4. La Parcelle 3

Cette parcelle d'Andohahela fut inclue dans la réserveen raison de la forte population de palmier endémique,Neodypsis decaryi qu'elle contient et de l'existence d'unevégétation de transition entre la forêt épineuse de l'ouestet la forêt humide de l'est. Parmi les autres familles deplantes identifiées, on note les Légumineuses, et surtoutles Mimosées, Cucurbitacées et Euphorbiacées. Le longd'un des fleuves saisonniers, l'Andehamara, pousse uneforêt décidue de Tamarindus indica. En outre, l'Euca-lyptus s'est établi à l'est de cette parcelle.

Bien que la parcelle soit saccagée par le bétail et lesfeux de brousse, elle conserve un couvert végétal impor-tant. Cependant, sa proximité à la route nationale No. 13nous inquiète. Il faut noter, d'ailleurs, que la superficieest petite (500 ha) et donc, particulièrement vulnérableaux déséquilibres écologiques. On voit souvent des trou-peaux dans cette région, et les gens se servent régulière-ment du chemin sur la frontière ouest.

La troisième parcelle se trouve à l'ouest du Col deRanopiso et, principalement, au nord de la grande route.

R.A. MittermeierFig. 5: Baobab (Adansonia za) typique de la Parcelle 3.

Les conditions climatiques ressemblent à celles de ladeuxième parcelle avec une température moyenneannuelle de 23°C à peu près. Les précipitations se situententre celles des deux autres parcelles (Donque, 1972).

La faune de cette petite parcelle n'est pas bien connue,mais le Lemur catta a été observé par un des gardes fores-tiers.

5. Perturbations de la forêt

Dans chaque parcelle se posent plusieurs problèmes.Le bétail paît généralement dans la réserve. Dans les troisparcelles, il y a des zones couvertes d'une végétation her-bacée, dépourvue d'arbres: nous supposons que c'est lerésultat des feux de brousse du passé. Dans les parcellesNo.1 et No.2, ces zones sont assez vastes. Le feu est unproblème important pour la première parcelle, sur lesfrontières jouxtant les villages. Cela nous paraît particu-lièrement évident sur les pentes proches d'Eminiminy quise trouvent aux frontières de la parcelle. Ces pentes sontdéjà dénudées et il est probable que les villageois estimentqu'elles ne font plus partie de la réserve. On a déjà prisdes mesures dans le nord pour établir des zones de pro-tection contre le feu ce qui sera utile, d'ailleurs, dans lessecteurs qui ne sont pas encore transformés en savane.Des feux de brousse ont été aussi observés près de la troi-sième parcelle, ce qui peut être dangereux si on ne lesmaîtrise pas.

Il semble que les gens augmentent les surfaces cultivéesdans le sud de la parcelle No. 1, au nord du villaged'Isaka Ivondro. Nous y avons vu des maisons ainsi quequelques nouvelles clairières le long du fleuve Ambahibe.Plusieurs clairières, sur les collines, sont d'origineancienne, comme nous l'avons déjà mentionné, et il con-vient de considérer à nouveau leur intégration dans laréserve car elles facilitent l'accès à la forêt.

La récolte de bois pose un problème là où les villagessont situés en lisière de la forêt. Le bois de la parcelleNo.1 est principalement exploité pour le bois de feu,tandis que le bois collecté dans la deuxième parcelle estutilisé comme bois à brûler, pour la construction desmaisons, ou vendu aux marchés à Ambovombe, Amboa-sary, et Fort Dauphin. Des camions chargés de bois ont

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été observé sur la route d'Hazafotsy à l'ouest et au sud deMananara, bien qu'il n'y ait encore aucune indication dedéfrichement dans la réserve elle-même.

La chasse doit également être citée bien qu'elle ne posepas encore un grand problème. L'alimentation de base decette région est constituée par le riz et le manioc dans lesrégions humides: le manioc, le maïs et la patate doucedans les zones plus sèches. Les sources de protéines sontle bétail et les poulets. La chasse aux Lémuriens, Oiseauxet Tenrecs est un passe-temps plus qu'un mode sérieuxd'acquisition de protéines. Il est probable que quelquesanimaux sont attrapés et vendus pour la domesticationet, de temps en temps, on nous offre des Lémuriens.D'après ce que nous avons pu constater, beaucoup degens ignorent que tous les animaux sont protégés par lalégislation forestière: on m'a dit une fois que « lesOiseaux ne comptent pas ». La chasse est un problèmeplus grave dans le nord et l'est de la première parcelle oùse cachent les Malaso ou voleurs de boeufs. Il est pro-bable que les Malaso chassent plus souvent que les gensdes villages avoisinants.

6. Recommandations

Moyens de transport pour le chef de cantonne-ment forestier

Il n'existe pas de moyen de transport pour le chef : ilhabite à 84 km de la parcelle No.1 et à 35 km de la par-celle No.2. Des moyens de transport seraient très utiles àla surveillance de la réserve, à la coordination entregardes, et au déplacement entre les parcelles de la réserveet les bureaux centraux.

Programmes de développementDans le cadre d'échange de terrains cultivés à l'inté-

rieur de la réserve et de parcelles couvertes de forêt, setrouvant à l'extérieur de la réserve, il serait souhaitablede prendre des mesures pour augmenter la productionagricole, afin d'encourager les villageois. Saboreau(1966) a proposé une amélioration de la mise en valeuragricole comme moyen de faliciter des relations plus cor-diales. Un programme est déjà en cours à la réserve deBeza Mahafaly, dans le sud-ouest. Il faut envisager desplantations d'arbres sur les pentes dégarnies pour pro-curer du bois de chauffage, etc. Si on aménage bienl'endroit, les espèces choisies (par exemple des Légumi-neuses) pourraient servir de fourrage au bétail et stabi-liser les sols contre l'érosion.

Réévaluation des frontières actuellesDe grandes superficies sont dénudées et pourraient être

échangées pour des terrains de dimensions égales, cou-verts de forêts climaciques. La forêt épineuse étantexploitée intensivement pour l'Alluaudia, une augmenta-tion de cette formation serait souhaitable.

Tracé des limitesLes limites le long des chemins et des pistes doivent

être indiquées par plusieurs moyens: pancartes, peinturesur les arbres, rochers ou bornes en ciment. Il faut lesentretenir régulièrement. Dans la parcelle No. 1, un pro-gramme de tracé des limites a été initié par Randria, lechef de cantonnement forestier; on doit continuer ce pro-gramme à grande échelle. Les chemins qu'on est en traind'établir faciliteront la surveillance. On pourrait clôturerla parcelle No. 3 en raison de sa petite taille, ce qui seraitbénéfique étant donné sa situation par rapport à la routenationale.

Engagement de gardesLe chef de cantonnement forestier et le chef de secteur

est ne peuvent pas surveiller 76 020 ha. Il serait souhai-table d'engager cinq gardes pour la parcelle No. 1, troispour la parcelle No.2 et un pour la parcelle No.3. Cesgardes doivent être recrutés localement, à proximité de laréserve car la population locale connaît déjà la forêt. Ilsauraient l'avantage d'appartenir au groupe ethniquelocal et pourraient inculquer aux autres villageois lafierté de leur patrimoine naturel. Les salaires seraientsans doute les bienvenus. Les gardes ont besoin d'uni-formes et, dans la forêt humide, l'imperméable est néces-saire.

Fig. 6: Palmier endémique (Neodypsis decaryi),dans la Parcelle 3. R.A. Mittermeier

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7. Conclusions Bibliographie

La Réserve naturelle intégrale No.11 d'Andohahela estun des sites les plus importants de Madagascar, du pointde vue de la conservation de la nature. La diversité de laflore et la faune sur les trois parcelles de la réserve estétonnante, malgré le manque d'informations. Il n'y a quedeux autres sites qui protègent la forêt épineuse, laRéserve No.10, du lac de Tsimanampetsotsa et la petiteréserve de Beza-Mahafaly. Ces deux zones protègent lavégétation typique du sud-ouest mais seule, la parcelleNo.2 de la Réserve No.11 possède des espèces endémi-ques de la région du Mandrare comme Alluaudia ascen-dens et Adansonia za. Cette réserve n'englobe pas seule-ment cette forme végétale unique mais aussi, une grandesuperficie de forêt humide de moyenne altitude, et laforêt de lichens montagneuse. La troisième parcelle con-tient d'ailleurs, une densité assez importante du palmierrare et endémique, Neodypsis decaryi.

Du point de vue faunistique, la réserve No.11 est égale-ment intéressante et variée. Il y a au moins 30 espèces deMammifères dont quatorze Primates. L'avifaunedépasse 100 espèces, soit près de la moitié de toutes lesespèces qui se reproduisent à Madagascar. Il n'y a quepeu de documentation sur les Amphibiens et les Reptileset la faune d'invertébrés est presque inconnue.

La conservation de la réserve No.11 est importantenon seulement du point de vue de la faune et de la floremais aussi parce qu'elle fonctionne comme bassin ver-sant important. Plus de 10 rivières prennent leur source àl'intérieur de la parcelle No.1. Les réserves protègent leszones hydrographiques et sont donc essentielles pourl'utilisation rationnelle des ressources naturelles. La pro-tection ne va pas sans les moyens de protéger. Avec descrédits suffisants, un programme de conservation et dedéveloppement pourrait être entamé dans la réserveNo.11 qui serait bénéfique pour le peuple malgache etpour le monde entier.

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Conservation de la réserve de Zahamena

Chris Raxworthy

1. Introduction

La réserve de Zahamena (R.N.I.3) est située à l'est dulac Alaotra. D'une superficie de 731 km2 , c'est la plusgrande réserve (à l'est) de la forêt tropicale de Mada-gascar. La plus grande partie de la réserve est constituéepar une forêt tropicale, à feuillage persistant, demoyenne altitude (entre 700 et 1500 mètres). En 1985,une expédition de cinq membres a entrepris une étudebiologique de la réserve pendant six semaines, d'août àseptembre. Les principaux groupes étudiés étaient lesOiseaux, les Reptiles, les Amphibiens, les Mammifères etles fougères. Cette région a été choisie pour une étudebiologique parce qu'il est reconnu que Zahamena estsituée très près des forêts de Sianaka où de nombreusesespèces rares d'Oiseaux ont été trouvées par le passé. Deplus, malgré la taille et (par conséquent l'importanced'une telle réserve de forêt tropicale), Zahamena n'a faitl'objet que de brèves visites de la part des biologistesavant cette expédition, et reste en grande partie inex-plorée.

2. Méthodes

Six camps ont été utilisés dans la réserve entre le10.8.85 et le 17.9.85. A chaque fois, les travaux suivantsont été réalisés:

— observations de la faune avicole;

— pose de filets très fins pour la capture d'Oiseaux pourobtenir des données biométriques;

— une étude du nourrissage de groupes d'Oiseauxd'espèces différentes;

— identification et observation des Reptiles locaux;

— ramassage des Amphibiens (larves et adultes);

— observations faites sur les Lémuriens;

— petits Mammifères capturés vivants dans des pièges;

— ramassage de fougères (et d'autres plantes), y com-pris de spécimens séchés et vivants et collecte despores.

De plus, en se rendant d'un camp à l'autre il a été pra-tiqué des observations et des ramassages. Trois filets àmailles très fines (d'un total de 120 pieds) ont été utiliséspour la capture d'Oiseaux. On a bagué les Oiseaux avecdes bagues de couleur de façon à identifier ceux quiseraient capturés à nouveau. Nous n'avons utilisé que 4pièges pour Mammifères, du type Shermann (2 grands et2 petits). Tous les Oiseaux et Mammifères capturés ontété relâchés après identification et mesures.

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3. Résultats

3.1 Les Oiseaux

Au total 61 espèces ont été recensées à l'intérieur de laréserve, et 9 autres espèces ont été observées dansl'enclave (que la réserve entoure). Les résultats les plussignificatifs comprennent deux observations (à desendroits différents) du Brachypteracias leptosomus quele Red Data Book (livre rouge des espèces) classe "indé-terminé" et l'Euryceros prevostii, qui a été découvertbien en dehors de son territoire connu des forêts tropi-cales du nord-est. Six autres espèces mentionnées dans lesannexes du Red Data Book pour les Oiseaux africainsont été également observées: Zoonavena grandieri, Pseu-dobias wardi et Hypositta corallirostris, tous relative-ment communs, l'Epervier de Madagascar (Accipitermadagascariensis) n'a été vu qu'une seule fois, on n'atrouvé qu'une seule colonie de Martinets de type Phedinaborbonica et 13 Oriolia bernieri ont été vus.

La capture par filets très fins a été effectuée pendantun total de 141 heures et 61 Oiseaux ont été capturés entout (montrant la faible densité de ces espèces nichant enforêts tropicales). Les groupes d'Oiseaux d'espèces diffé-rentes se regroupant pour le nourrissage sont composésd'au moins 50% d'Oiseaux insectivores. Trente-deuxespèces ont été observées dans ces groupes et lesméthodes de nourrissage ont été notées pour la plupart

des espèces dans l'intention éventuellement, une foisl'analyse finie, de décrire les niches de nourrissage de cesOiseaux en utilisant des groupes d'espèces mixtes.

3.2 Les Reptiles

A cause de la date de l'expédition (à la fin de l'hivermalgache) peu de Reptiles étaient actifs et de ce fait, onn'a trouvé que sept espèces dans la réserve. Le fait le plussignificatif fut la découverte de trois boas arboricoles(Sanzinia madagascariensis), l'un d'eux étant gravide. Ceserpent a été observé près de l'eau dans des clairièresensoleillées. Tous les Reptiles identifiés sont des espècestypiques des forêts tropicales de l'est, et on peut penserque Zahamena contient des Reptiles dépendant, pour laplupart, de ce fragile écosystème. Un intérêt supplémen-taire a été apporté par le témoignage des habitants de larégion qui affirment que le Crocodile du Nil (Crocodylusniloticus) est présent dans le fleuve qui coule le long de lafrontière sud de la réserve. Ils ont affirmé qu'il était dif-ficile de le voir en octobre.

3.3 Les Amphibiens

Un total de 28 spécimens de grenouilles a été recueilli àl'intérieur de la réserve et on pense qu'elles représententau moins 21 espèces. Cependant, on ne pouvait pasidentifier les grenouilles avant l'examen détaillé en

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Propithèque à diadème (Propithecus diadema diadema)

Deux Avahis ou Makis à bourre (Avahi laniger)

P. Thompson

C. Raxworthy

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laboratoire à cause des détails taxonomiques nécessitéspar la seule clé d'identification des Amphibiens de Mada-gascar. Environ 200 têtards ont été ramassés dans lespetits cours d'eau et ruisseaux. La plupart étaient à unstade de développement antérieur au développement desmembres postérieurs, et seront identifiés grâce à la struc-ture de la bouche. Vers la fin de l'étude, deux grappesd'oeufs de grenouille ont été trouvées et une grandevariété d'appels vocaux ont été entendus le soir.

3.4 Les Mammifères

Les Lémuriens, Indri indri et Lemur fulvus sont trèsrépandus dans la forêt. Deux troupes de Propithèques àdiadème (Propithecus diadema) ont été observés et leLepilemur mustelinus et l'Avahi laniger ont été trouvésen des occasions différentes. Les pièges pour Mammi-fères ont été garnis avec du riz et des cacahuètes et n'ont,par conséquent, attiré que des rongeurs. Deux espècesendémiques ont été capturées, Eliurus myoxinus etEliurus minor qui peut être une espèce nouvelle (nosrecherches en cours essaient de le déterminer). Les ratsnoirs (Rattus rattus) sont communs dans les villages del'enclave, mais ont été attrapés une seule fois à l'intérieurde la réserve elle-même, près d'une clairière.

3.5 Les plantes

Un total de 50 espèces, principalement des fougères(quelques mousses et angiospermes également) ont étéséchées et quelques échantillons supplémentaires ont étélaissés dans le parc de Tsimbazaza. Cent autres espècesont été ramassées comme échantillons vivants (enferméesdans des sacs en plastique) pour être cultivées aux Jardinsbotaniques de Kew et une collection de spores rassem-blée. On doit encore identifier la plupart des espècesquoique les espèces Selaginella suivantes aient été identi-fiées: 5. lyacili; S.fissidentoides, et S. hildebrandtii. Uneidentification préliminaire, à l'université d'Antanana-rivo, indique que l'on a probablement ramassé une nou-velle espèce de Lycopode dans la réserve.

La plus grande partie de la réserve — surtout les zonesde forêt à l'ouest et au sud-est de l'enclave — ne peut pasêtre explorée car il n'y a pas de sentiers et il est probableque ces régions sont intactes. Environ 2000 personnesvivent à l'intérieur de l'enclave centrale et elles conti-nuent à abattre les arbres en dehors des limites de laréserve elle-même. Cependant, comme il n'y a pas delimites naturelles à l'enclave, la réserve n'a pas de fron-tières définies, et il est difficile de déterminer l'endroitexact où elle commence. Il y a un problème similaire surla frontière ouest de la réserve et on craint que le grigno-tage continuel de la forêt dans ces zones n'atteigne rapi-dement la réserve elle-même. La réserve est égalementvulnérable aux ravages des incendies. L'expédition afinancé un coupe-feu de 2 km de long qui sera construitsur la limite occidentale, à la demande du Service desEaux et Forêts. A l'heure actuelle, la réserve est, pourautant que l'expédition ait pu en juger, presque intacte.Cependant, malgré ses dimensions importantes, on doiten prendre un soin extrême à l'avenir, pour empêcher ledéboisement en bordure.

5. Remerciements

Nous aimerions remercier tous ceux qui ont financél'expédition et sans l'aide desquels elle n'aurait pu avoirlieu. Nous voudrions également remercier l'IAGS(GICS), en particulier L. Durrell, qui s'est occupée denotre demande, le Ministère de l'Enseignement supérieuret le Parc de Tsimbazaza pour le temps et l'aide qu'ilsnous ont consacré à Madagascar, et enfin le Service desEaux et Forêts qui nous a fourni une Land Rover pouratteindre la réserve et qui nous a aidés dans la forêt. Desremerciements tout particuliers vont à tous ceux qui nousont aidés à Zahamena, surtout à Félix Rakotondrapa-rany (chercheur à Tsimbazaza), Rabe Mazawa (Eaux etForêts), Raymond (Chef forestier à Zahamena) et nosguides forestiers, M. Razolsafa et M. Ramatratra.

4. Discussion

On a découvert dans la réserve une bonne diversité à lafois de plantes et d'animaux. La condition de la réserveest excellente dans son ensemble. La plus grande partiede la forêt, pour autant que nous puissions en juger, estune bonne forêt primaire, avec une « voûte de type A »complète et des espèces de plantes secondaires, telles queles bambous, Ravenala et Clydemia, absents en dehorsdes clairières et des sentiers. De grands arbres dont letronc dépasse un diamètre de un mètre sont présents dansquelques endroits de la réserve et il y a une grande quan-tité de bois en décomposition sur le sol de la forêt.Cependant, à proximité des chemins on a pu remarquerdes signes d'abattage sélectif, d'enlèvement du boismort, et dans deux zones un défrichement pour la cul-ture. Il a été trouvé près d'un camp trois pièges à Lému-riens, probablement destinés à la capture de Lemurfulvus.

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Beza-Mahafaly:formation et mesures de conservation

Pothin Rakotomanga, Alison F. Richard et Robert W. Sussman

1. Introduction

Dans cette présentation nous considérerons lesmesures pour la conservation de la nature qui ont étéprises à Beza-Mahafaly et les initiatives prises sur le planéducatif. Cependant, nous voudrions d'abord présenterquelques observations générales sur ces deux sujets pourexpliquer un peu la stratégie, ou la philosophie, qui sous-tend nos interventions.

Premièrement, nous proposons une distinction entre laconservation traditionnelle ou statique et la conservationdynamique. La conservation traditionnelle comprend lesmesures concrètes qui empêchent l'entrée dans la réserve,soit de l'homme, soit du bétail — nous parlons ici desbarrières, zones contrôlées, gardiens, et affiches. La con-servation dynamique consiste plutôt à établir des rela-tions durables, et des échanges entre ceux qui voudraientconserver et ceux qui risquent de tout perdre en consé-quence.

Deuxièmement, il convient de distinguer entre la for-mation générale et la formation spécialisée du point devue de la conservation de la nature. Par formation géné-rale, nous entendons le niveau des écoliers, des habitantsd'une région et de la population entière de Madagascar.La formation spécialisée désigne la formation universi-taire sous toutes ses formes.

2. Mesures pour la conservation

2.1 Mesures traditionnelles

La Réserve spéciale de Beza-Mahafaly englobe deuxparcelles. Celle de l'ouest comprend 500 ha., celle de l'estune centaine d'hectares. A l'est où la superficie n'est pastrop grande, nous avons pu délimiter entièrement la par-celle à l'aide d'une barrière composée de trois rangées defil de fer barbelé. A l'ouest, les limites de la parcelle ontété déterminées sur trois côtés par un layon de 2 mètres

de large. Au sud, la frontière est marquée par la routemenant de Beza-Mahafaly à Betioky-Sud. Pour mieuxprotéger cette parcelle, contre le bétail surtout, nousavons installé une bordure d'Opuntia qui est encorepetite mais qui formera une belle barrière d'ici quelquesannées.

Les limites sont bien tracées, protégées même, et laprésence de la réserve est annoncée par trois grandes pan-cartes bleues. La surveillance de la réserve, l'entretien desbarrières, et les travaux sur le terrain sont tous effectuéspar cinq gardiens dont le chef, M. Behaligno, a déjàl'expérience de ce genre de travail. De temps en temps lenombre de gardiens est augmenté jusqu'à dix pour effec-tuer de grands travaux, comme la préparation des layons.

2.2 Mesures dynamiques

Les mesures décrites ci-dessus sont nécessaires, nousn'en doutons pas. Elles ne sont pas suffisantes cepen-dant. A notre avis une barrière de cinq mètres de hauteuret une trentaine de gardiens n'empêcheront pas les gensde défricher la réserve s'ils n'approuvent pas son exis-tence et ne sont pas partie prenante dans cet effort.

Dès la création de la réserve nous avons veillé à:

— faire participer les gens de la région aux décisionsconcernant la réserve;

— expliquer à chaque pas, nos idées, nos buts;

— chercher les moyens d'établir un échange dynamiqueavec cette population.

La réserve a été créée avec la bonne volonté de la popu-lation qui a, elle-même, déjà reconnu l'importance de laprotection du patrimoine naturel et accueille avecenthousiasme les représentants de l'Université qui se ren-dent sur place. Après ces débuts heureux, nous avonsdemandé régulièrement l'avis et les conseils des responsa-bles du Firaisana, et à chaque étape nous avons parlé denos projets d'une façon approfondie.

La question de réciprocité est plus difficile. Grâce àl'intervention du WWF-Etats-Unis nous avons pu

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répondre à quelques besoins pratiques des gens de larégion: en particulier, une salle de réunion est en cons-truction dans le village de Beza-Mahafaly. Ce bâtimentservira pour les réunions du village et les présentations auvillage sur le thème de la conservation de la nature.

Pour améliorer la vie pendant la longue sécheresse quisévit dans cette région neuf mois par an, nous sommesprêts à installer un piège à sable d'eau qui conserveral'eau, véritable mine d'or là-bas, comme partout dans lesud.

Finalement, nous sommes heureux d'annoncer quegrâce à l'intervention du Bureau de Projets Microréalisa-tions du Gouvernement Malgache, un grand projet dedéveloppement a été entamé près du village de Beza-Mahafaly. Six cents hectares seront irrigués, et la pistequi mène du village au marché de Betioky-Sud seraremise en état pour rester ouverte à la circulation toutel'année. Il faut insister encore sur le fait que ces gens doi-vent vivre: les charbonniers attendent le moment où ilspourront exploiter les forêts de cette région. Si nousn'offrons pas d'autres possibilités, tôt ou tard les char-bonniers seront tentés de déboiser.

3. Formation

3.1 Formation spécialisée

Si la réserve de Beza-Mahafaly joue un rôle importantdu point de vue de la conservation de la nature, elle joueaussi un rôle comme terrain de formation et derecherche, surtout pour les jeunes étudiants malgaches.Jusqu'ici, un étudiant de l'Etablissement de l'Enseigne-ment supérieur des sciences agronomiques (l'EESSA),Raymond Randrianaivo, a fait son mémoire de finsd'études sur les Lémuriens de Beza-Mahafaly. Cetteannée, deux étudiants feront leurs études là-bas: JoelisoaRatsirarson fera une étude sur l'écologie du comporte-ment de Lemur catta dans la forêt sèche et basse dominéepar l'Euphorbiaceae, à l'ouest de la réserve. Léon Raza-findrakoto entamera des recherches sur les Reptiles deBeza-Mahafaly avec une étude détaillée de la Tortueradiée (Geochelone radiata). Cette grande Tortue grave-ment menacée abonde dans la forêt.

Cette année nous avons institué un cours en broussepour les étudiants de l'EESSA qui viennent de finir leursétudes et commencent la rédaction de leur mémoire.Quinze sont venus à Beza-Mahafaly pour une semaine,au mois de mai, et dix-neuf au mois de septembre 1985. Ils'agissait de (1) donner l'occasion aux étudiants de dis-cuter d'une façon approfondie des stratégies pour la con-servation de la nature à Madagascar, non plus dans unesalle de classe mais sur les lieux mêmes où ces stratégiesdoivent être implantées, (2) montrer aux étudiantsl'importance de la recherche pour la conservation, (3)proposer aux étudiants une expérience directe de larecherche débouchant sur la conservation, et (4) aug-menter les connaissances générales des étudiants sur la

nature malgache. Ces objectifs ont été réalisés par unecombinaison de travail sur le terrain et de séminairesorganisés pendant la soirée. Nous avons divisé les étu-diants en trois groupes. Chaque groupe devait travailleravec les trois responsables qui s'occupaient chacun, d'unprojet différent: (1) une étude de la composition, lastructure et la régénération de la végétation à l'intérieuret hors de la réserve; ce projet a été mené par SheilaO'Connor; (2) une étude de la dynamique de la popula-tion du Propithèque de Verreaux ou Sifaka, Propithecusverreauxi qui vit dans la réserve; ce projet s'appuie surl'importance de la recherche démographique pour lesquestions de gestion des populations dans la nature; ilétait mené par Pothin Rakotomanga; (3) une étude sur lerégime alimentaire et l'écologie générale de Propithecusverreauxi et de Lemur catta, fondée sur l'importance decette recherche pour les questions d'aménagement, sur-tout dans le contexte de l'utilisation multiple des res-sources naturelles. Ce projet était mené par AlisonRichard.

La formation spécialisée est poursuivie d'une troisièmemanière: Pothin Rakotomanga a été envoyé au Labora-toire de biogéographie et d'écologie des vertébrés àl'USTL de Montpellier, pour un stage spécialisé. Grâce àl'appui du projet et du Directeur du Laboratoire, il a pus'inscrire comme élève régulier à l'Ecole pratique deshautes études de Montpellier et poursuit ses études etrecherches à Beza-Mahafaly dans le cadre de cette école.

3.2 Formation générale

Au commencement de cette présentation, nous avonsidentifié trois niveaux de formation générale: celle desécoliers, celle du peuple malgache et celle de la popula-tion régionale. C'est surtout au troisième niveau quenous avons essayé d'apporter notre contribution par deséchanges de vue fréquents avec les élus et particulière-ment avec le président du Comité exécutif du Firaisana,qui nous transmettent l'avis et les desiderata de la popu-lation et nous font part des mesures à prendre pour unecompréhension mutuelle en vue d'une conservation plusefficace qui ne nuise ni aux uns ni aux autres.

4. Conclusions

Les efforts décrits dans cette présentation n'ont pasencore trouvé de conclusion et, à vrai dire, ils n'en trou-veront jamais: la formation comme la conservation de lanature ne sauraient avoir de fin. Au lieu de présenter desconclusions nous préférons donc discuter un peu de nosquatre objectifs sur le plan de la formation et de la con-servation de la nature pour les cinq ans qui viennent:

a) Nous tenons à continuer les activités déjà en pro-grès à Beza-Mahafaly: (a) la réserve sera entretenue etnous espérons consolider les deux parcelles dans unesuperficie continue de 1000 ha; (b) nous comptons orga-niser le cours en brousse au moins une fois par an.

b) Avec Beza-Mahafaly comme projet pilote nous

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espérons aider les responsables de la Réserve NaturelleNo. 11 (Andohahela) située au nord ouest de Tolagnaroà renforcer les frontières de cette réserve importante quienglobe également la forêt humide typique de l'est et laforêt sèche de l'ouest.

c) Nous comptons soutenir financièrement le recy-clage à l'Ecole forestière au Cameroun de deux chefs deRéserve naturelle sélectionnés par le Ministère de la Pro-duction animale et des Eaux et Forêts.

d) Nous nous proposons de participer à la réactualisa-tion de la carte de la végétation du sud de Madagascar.Outre l'objectif général: la mise à jour de la carte, nousespérons surtout pouvoir délimiter les zones forestièresdominées par les Didiereaceae. Cette formation végétaleunique n'est pas différenciée des autres types de forêtépineuse sur les cartes de végétation généralement dispo-nibles et pourtant il s'agit peut être de la formation laplus gravement menacée de la région.

Le Propithèque de Verreaux (Propilhecus v. verreauxi) peut-être observé dans toute la Réserve de Beza-Mahafaly.

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R.A. Mittermeier

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Beza-Mahafaly:recherches fondamentales et appliquées

Alison F. Richard, Pothin Rakotomanga et Robert W. Sussman

1. Introduction

Dans cet article, nous présentons un survol des recher-ches déjà accomplies à la Réserve spéciale de Beza-Maha-faly et du travail projeté pour les quelques années àvenir. Bien que notre centre d'intérêt soit la réserve deBeza-Mahafaly, nous mettons aussi en évidence lesobjectifs plus ambitieux du projet sous les auspicesduquel la réserve fut créée. Ce projet est basé sur unaccord entre l'université de Madagascar, l'université deYale et l'université de Washington. Il a été financé pen-dant les cinq dernières années par le WWF-Etats-Unis.

Dans le titre de notre présentation, nous faisons la dis-tinction traditionnelle entre la recherche fondamentale etla recherche appliquée, mais nous aimerions souligner lefait qu'en réalité, cette dichotomie a très peu, voireaucune raison, d'être dans le contexte du travail en coursà Beza-Mahafaly. A notre avis, toute la rechercheaccomplie et projetée contribue à la fois à une compré-hension fondamentale de la faune et de la flore uniquesde Madagascar et débouche pratiquement sur le meilleurmoyen de conserver ce patrimoine naturel. Cette idée estun thème principal de notre présentation.

2. La Réserve spéciale de Beza-Mahafaly

La réserve est composée de deux parcelles qui, à ellesdeux, entourent le gradient écologique climacique quel'on trouve près des cours d'eau, dans le sud-ouest. Dansles cinq années à venir nous espérons gagner le soutien dela population locale dans le but d'unifier ces deux par-celles et de créer ainsi une réserve de 1000 ha, mais la des-cription suivante est celle de la réserve dans son étatactuel.

La réserve se situe à 35 km au nord-est de Betioky-Sud,juste à l'ouest du fleuve Sakamena. Le Sakamenapénètre dans l'Onilahy à 10 km environ au nord de laréserve. Il y a habituellement de l'eau dans le Sakamenapendant la saison des pluies, de novembre ou décembre àmars. Pendant le reste de l'année, il est à sec. Ces condi-tions permettent l'existence d'une bande forestière peu

élevée à domination de kily (Tamarindus indica), sur larive occidentale; sur la rive orientale, la forêt a été défri-chée pour les cultures et les pâturages. Actuellement, lapremière parcelle de la réserve est composée de 100 ha dela bande forestière bordant le Sakamena. Les frontièresde cette parcelle sont délimitées par une barrière de fil defer barbelé, et des layons ont été coupés nord-sud et est-ouest tous les 100 m à travers la forêt afin de faciliter lesdéplacements et la localisation des animaux.

Plus on s'éloigne du Sakamena, plus la structure et lacomposition de la forêt changent: la végétation est plusbasse, les kilys se font plus rares et disparaissent; lesEuphorbiaceae, les Didiereaceae et les Mimosaceae sontles familles de plantes dominantes. La deuxième parcellese situe à 5 km environ à l'ouest du Sakamena et com-prend 500 ha de forêt épineuse à dominante d'Alluaudiaprocera. Les frontières de cette parcelle sont délimitéespar une voie de 3 mètres de large et une plantationd'Opuntia qui va rapidement constituer une barrière effi-cace.

3. Recherches sur la fauneà Beza-Mahafaly

3.1 Etudes et inventaires

L'inventaire de la faune d'une région est la premièreétape de tout programme de recherche, que ses butssoient de conserver la faune ou de la soumettre à uneétude scientifique détaillée. Nous résumons les inven-taires poursuivis jusqu'ici dans la réserve puis, nousdécrivons nos études axées sur les Primates.

a) Les populations d'Insectes, plus particulièrementles Guêpes et les Abeilles ont été étudiées en 1984-1985par Robert Brooks et John Wenzel de l'université duKansas, laquelle participe à un accord international dontles mandants sont le Parc de Tsimbazaza et le Jardinbotanique du Missouri. L'identification des Insectes estun procédé long et laborieux de sorte que les conclusionsde la recherche effectuée cette année ne sont pas encoredisponibles. Un simple exemple statistique servira cepen-

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TABLEAU 1

OISEAUX DE BEZA-MAHAFALY(d'après les missions de reconnaissance de Georges Randrianasolo et Mark Pidgeon)

Genre et espèce

Ardeola sp.Bubulcus ibis ibisEgretta garzetta dimorphaNycticorax nycticoraxScopus umbrettaNumida mitrataOena capensisStreptopelia picturataTurnix nigricollisTreron australisPterocles personatusMilvus migronsFalco eleonoraeF. concolorF. newtoniOtus rutilusNinox superciliarisAccipiter francesiiA. madagascariensisPolyboroides radiatusButeo brachypterusAgapornis canaCoracopsis nigraC. vasaCuculus poliocephalusEurystomus glaucurusLeptosomus discolorCentropus toulouCoua cristataC. cursor

Nom malgache

biditratsikotsy, vorompotsyvoromaintytsikotripotakatakatraakangatsikototodehokibodehofonehatrakatrakatsimalaho, papangofihaoka ; kibotomamavorihitikatorotorokavorondolohitikitikafiraoka, finaokabobakahindriasarivazo, farivazasihotra, sihobatosihobe, vazataotaokafotsirarakotreotreo, vorondreotolohotivokaaliotse

Genre et espèce

C. gigasCaprimulgus sp.Apus barbatusTerpsiphone mutataNewtonia brunnicaudaUpupa epopsCopsychtis albospecularisSarkidiomis melanotosNeomixis tenellaN. striatigulaNectarinia souimangaCoracina cinereaDricrurus forficatusHypsipetes madagascariensisFalculea palliataXenopirostris xenopirostrisVanga curvirostrisLeptopterus viridisL. chabertFoudia madagascariensisF. sakalavaCorvus albusMerops superciliosus

Signalés par les gardiens :Dryolimnas cuvieriGallinula chloropusMargaroperdix madagascariensisTyto albaAlcedo vintsiodesDendrocygna viduata

Nom malgache

eoky, aoakylangoapakakinakinadadikatsibakiabakiatsikodarapitsy, pidaongongokinimitsy, tsimitsytsipaikosoy soy—railovytsikoninavoronjaza—tsilovangotratraka—fodyfolinjagoakatsikiriokirioke

akohondranotikosakibonaombyrefario—vivo

TABLEAU 2

INSECTIVORES ET RONGEURS À BEZA-MAHAFALY

Famille

Tenrecidae

Soricidae

Muridae

Sous-famille

OryzorictinaeTenrecinae

* Non capturé mais signalé par les gardiens

Genre et espèce

I N S E C T I V O R A

Geogale auritaEchinops telfairiTenrec ecaudatus*Setifer setosus*

Suncus madagascariensis

R O N G E U R S

Mus musculus

Nom malgache

batikosoratrandrakasokina

drodrobato

dant à souligner l'importance potentielle de ce travail. Lenombre total d'espèces d'Abeilles à Madagascar n'estpas connu mais dépasse probablement 600, dont 95%sont endémiques. A ce jour, une centaine d'espèces seule-ment ont été décrites.

b) Les populations d'Oiseaux de la première parcellede la réserve ont été étudiées en premier lieu par GeorgesRandrianasolo, en 1978 et la liste des espèces présentesqu'il a préparée fut ensuite complétée par Mark Pidgeon,en 1984-1985. Cette année, avec Pidgeon et les quinzeétudiants de l'Etablissement d'enseignement supérieurdes sciences agronomiques (EESSA) participant alors au

cours sur le terrain, nous avons passé une journée àrecenser la faune de la deuxième parcelle. Le nombretotal des espèces identifiées pendant la période de recen-sement (trois jours en août et six jours en décembre etmai respectivement) fut de 60 (Tableau 1). Ce chiffre secompare bien avec le total de 72 espèces recensées parPidgeon à Berenty, une autre forêt-galerie du sud(Pidgeon, comm. pers.).

c) Les insectivores et les rongeurs de la première par-celle ont été étudiés par Felix Rakotodraparany et MartinNicoll sur une période d'une semaine cette année, avecune pose de pièges et des recherches actives sur les micro-

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habitats susceptibles d'abriter de petits Mammifères.Quatre espèces ont été capturées, et les gardiens de laréserve en signalent encore deux qui n'ont pas été captu-rées à ce jour (Tableau 2).

d) Les Primates de la réserve ont été inventoriés parRaymond Randrianaivo, en 1978, dans le cadre de sonmémoire de fins d'études. Deux espèces diurnes sont pré-sentes en abondance: Propithecus verreauxi verreauxi etLemur catta. Les deux espèces nocturnes signalées parRandrianaivo sont Lepilemur mustelinus leucopus etMicrocebus murinus. Nous n'avons pas encore d'estima-tion de leur densité mais elles sont abondantes dans laforêt et plusieurs individus peuvent habituellement êtrevus en une heure de marche dans la forêt, de nuit. Nouspensons que, par deux fois, un Cheirogaleus medius a étéaperçu, mais une recherche plus approfondie est néces-saire pour confirmer la présence de cette espèce qui estsoit rare, soit extrêmement discrète, soit les deux.

3.2 Démographie et comportement desPrimates

L'année passée, deux d'entre nous (Richard et Rakoto-manga) ont lancé un programme d'étude de la popula-tion de P. v. verreauxi vivant dans la première parcelle.Nos objectifs sont de déterminer les paramètres démo-graphiques de cette espèce, comprenant l'espérance de

Le Maki catta (Lemur catta) est un des deux Lémursnocturnes de Beza-Mahafaly R.A. Mittermeier

vie, l'âge et le taux de mortalité suivant le sexe, l'âge de lafemelle à la première naissance et les intervalles entre lesnaissances, et d'étudier les fluctuations à long terme dansla structure de la population. Ces données recueillies surdes animaux vivant dans une forêt étendue et relative-ment intacte, fourniront une référence permettantd'estimer l'état de santé et d'établir un pronostic surl'avenir des populations vivant dans des zones forestièresdégradées, plus petites ou dans des forêts rélictuelles.

Pour faciliter cette étude démographique, nous avonscapturé 57 animaux en utilisant des fléchettes imprégnéesd'un agent anesthésique, la kétamine, et lancées à l'aided'une sarbacane. Chaque animal fut attrapé dans undrap quand il tomba de l'arbre, et ramené au camp. Lànous avons déterminé le sexe, la taille et le poids ; nousavons évalué l'épaisseur de la peau et pris une empreintedes dents. Les animaux ont été tatoués, l'oreille a étéentaillée et finalement nous leur avons fixé un collieravec une étiquette numérotée. Ils ont ensuite été ramenéssur les lieux de la capture puis relâchés dès que les effetsde l'anesthésique se sont dissipés. Les 57 animaux cap-turés viennent de 22 groupes sociaux différents et sont unéchantillon de la population étudiée de 80 à 90 animauxen tout. La population étudiée se trouve à l'intérieur deslimites de la réserve et fait elle-même partie d'une popu-lation bien plus étendue.

Les mâles adultes et pré-adultes dépassent en nombreles femelles adultes et pré-adultes dans un rapport de0,73 (femelle par mâle). En utilisant le degré d'usure den-taire comme indicateur des âges relatifs des individus,nous avons subdivisé la population en cinq « classesd'usure » que nous supposons correspondre approxima-tivement aux classes d'âge. Le changement dans le rap-port des sexes à travers les classes d'usure successives vade pair avec l'idée que le taux de mortalité est plus impor-tant chez les adultes femelles que chez les adultes mâles,mais cette idée reste spéculative tant que les données àlong terme ne seront pas disponibles. Comment expli-quer cette mortalité différentielle? Des informationsrecueillies par Martin Nicoll, sur le métabolisme de baseà Beza-Mahafaly, suggèrent que les femelles éprouventune perte énergétique exceptionnelle lors de la reproduc-tion, ce qui peut contribuer à leur taux de mortalité élevé(Richard et Nicoll, en prép.).

La recherche sur le comportement menée en 1984-1985avait pour centre d'intérêt le système social et l'accouple-ment du Propithèque ou Sifaka. Les résultats les plusfrappants de cette recherche sont, brièvement, les sui-vants: 1) les femelles dominent socialement les mâles,comme précédemment observé pour cette espèce etd'autres espèces de Lémuriens ; 2) lors de la seule occa-sion où l'accouplement fut observé, la femelle en oestrusrefusa de s'accoupler avec le mâle adulte de son groupe etfit appel à des mâles des groupes voisins en employant uncri de contact normalement utilisé entre les seuls mem-bres d'un même groupe. Quatre mâles visiteurs apparu-rent à la périphérie du groupe dans la même journée etengagèrent une série de poursuites et de bagarres avec lemâle résident. Finalement le quatrième réussit à accéderà la femelle — peut-être parce que le mâle résident étaittrop fatigué pour se battre plus longtemps. Le mâle vain-

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queur n'avait pas encore atteint la taille adulte et sesdents ne faisaient montre d'aucune usure. Nous estimonsqu'il n'avait probablement pas plus de 22 mois et que lesmâles n'atteignent pas leur taille définitive avant quatreans.

La raison pour laquelle les femelles préfèrent parfoiss'accoupler avec des mâles d'un autre groupe n'est pasconnue. Nous émettons l'hypothèse de travail selonlaquelle les femelles préfèrent s'accoupler avec des mâlesavec lesquels elles ne sont pas familières avant la matu-rité, mais seules des données à long terme sur l'accouple-ment et les relations généalogiques entre individus nouspermettront d'étudier cette hypothèse.

3.3 La flore

Avant la clôture de la réserve avec du fil de fer barbelé,en 1979, le bétail et les chèvres erraient à travers la forêt.Ils continuent à paître et à se promener autour de laréserve qui représente ainsi un terrain d'expérimentation.En 1978, avant la clôture, des échantillons de végétationfurent ramassés à intervalles réguliers le long d'une lignes'éloignant perpendiculairement du Sakamena en utili-sant la méthode du point quadrat. Ce procédé d'échantil-lonnage a ensuite été répété en 1981. Cette année, SheilaO'Connor a entrepris une étude bien plus poussée sur lastructure et la composition de la végétation à l'intérieuret à l'extérieur de la réserve. Le processus de régénéra-tion, comme indiqué par la présence de semis et de jeunesarbres dans l'herbe et par les marcottes d'arbrisseaux, estvital pour le maintien de toute formation végétale. Desanalyses préliminaires de nos données suggèrent que le

Alluaudia procera, membre de la famille des Didiereaceae endémiquedu sud de Madagascar est commun à Beza-Mahafaly.

R.A. Mittermeier

T-shirts produits par le Fonds mondial pour la nature, pour la Réservede Beza-Mahafaly.

taux de régénération de la végétation, surtout du kily, estaujourd'hui beaucoup plus élevé à l'intérieur de laréserve qu'avant la clôture et que le taux de régénération,surtout du kily, à l'extérieur de la réserve est beaucoupplus bas qu'à l'intérieur.

3.4 Projets de recherches 1985-1990

a) La faune. Deux étudiants d'EESSA vont mener àterme leur mémoire de fin d'études à Beza-Mahafaly en1986. Joelisoa Ratsirarson mènera une étude sur l'éco-logie du Lemur catta dans la forêt sèche et basse,dominée par l'Euphorbiaceae à l'ouest de la premièreparcelle. Sur les cartes, l'habitat de Lemur catta est habi-tuellement localisé dans toute la partie méridionale maisen réalité nous n'avons pas d'idée précise sur les types deforêts et de buissons dans lesquels cette espèce vit.L'étude de Ratsirarson sera donc d'un intérêt considé-rable car il identifiera les choix de nourriture de Lemurcatta dans la forêt sèche qui s'échelonne dans la forêt-galerie dans laquelle cette espèce a été le plus souvent étu-diée.

Léon Razafindrakoto entamera des recherches sur lacommunauté reptilienne de Beza-Mahafaly avec uneétude détaillée de la Tortue radiée, Geochelone radiata.Cette grande Tortue menacée se trouve en abondancedans la forêt et l'un des objectifs de la recherche de Raza-findrakoto sera de déterminer le sexe, le poids et la taillede chaque individu et de marquer tous les individus de laréserve. Cela procurera une base d'étude pour un pro-gramme à long terme sur la structure et la stabilité de lapopulation délimitée par les frontières de la réserve. Ledeuxième objectif de sa recherche sera de documenterl'écologie de cette espèce. A notre connaissance, nulleétude de ce type n'a encore été menée sur aucune des Tor-tues de Madagascar. Des données seront réunies sur leurrégime alimentaire, la durée de leur journée, les dimen-sions de leur territoire, leurs types d'activités, le compor-tement social et l'accouplement chez les individus mar-qués. Ces informations contribueront de façon impor-tante aux décisions prises en faveur de la conservation decette espèce dans des forêts où le bétail et les chèvresdétruisent la plupart des plantes se trouvant au niveau du

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sol, qui autrement auraient été disponibles pour laTortue radiée.

L'étude de Lemur catta par Ratsirarson sera suivie parune étude d'une année, accomplie par Sussman et Rako-tomanga. L'un des buts de cette deuxième étude sera decapturer et de marquer la plupart des animaux vivantdans la réserve afin qu'une étude démographique à longterme puisse être établie parallèlement à celle qui est déjàentreprise sur la Tortue radiée. Le deuxième objectif serad'amorcer une étude à long terme sur le dynamisme deLemur catta dans le contexte des relations généalogiquesentre les individus. Une étude de cette espèce en captivité,faite par Taylor et Sussman, suggère que les relationsgénéalogiques jouent un rôle important dans l'établisse-ment des relations sociales entre animaux. Cependant,une étude à long terme des individus vivant en liberté estnécessaire pour pouvoir explorer cette éventualité plus àfond.

Les programmes structurés sur le Propithèque,entamés l'année dernière, seront poursuivis et élargis.Tous les groupes contenant des individus marqués serontrecensés trois fois par an : en avril, juste après la saisond'accouplement; en août, juste après la période des nais-sances et en novembre au début de la saison des pluies.Nous projetons aussi la capture de 40 individus de plusprovenant de 22 groupes sociaux contenant des individusdéjà marqués, pour un nombre total d'échantillons de100 à peu près. Nous ne capturons pas d'animaux dansleur première année de vie mais un effort particulier seraeffectué afin de les marquer dans leur deuxième année.En les recapturant dans les années à venir et en exami-nant la différence d'usure dentaire chez ces animauxdont les dates de naissance sont connues, nous serons àmême de calibrer les données d'usure dentaire. Ceci nouspermettra d'estimer l'âge précis des individus nés avant lecommencement de l'étude et cela augmentera l'exacti-tude de nos estimations sur la structure par rapport àl'âge et au sexe de la population.

b) La flore. L'étude de la structure et de la diversité dela forêt ainsi que du processus de régénération sera pour-suivie et étendue à la deuxième parcelle. Nous nous pro-posons de constituer sur place un herbier des espèces deplantes identifiées par leurs noms malgache et scienti-

fique. Nous espérons aussi explorer la phénologie et lapollinisation écologique des espèces dominantes d'arbreset d'arbustes dans les deux parcelles.

c) Les interactions entre les habitants et leur environ-nement. La recherche dans ce domaine sera amorcée en1986-1987 grâce aux études entreprises par LindaSussman et Falihery Rakotomanga, spécialistes en ethno-médecine. Leurs recherches identifieront les espèces deplantes forestières utilisées par les populations localespour prévenir ou guérir des maladies, la nature de cesmaladies, et l'efficacité générale du traitement. Ces cher-cheurs travailleront en collaboration avec l'un d'entrenous (Sussman) et avec Voara Randrianasolo sur uneétude ethnobotanique plus large de la région. Toutes lesplantes forestières utilisées par les populations localesdans quelque but que ce soit seront identifiées et leur uti-lisation décrite.

d) Etudes liées. Pendant les cinq prochaines années lesobjectifs de recherche seront élargis afin d'inclure un cer-tain nombre d'efforts qui s'y rapportent mais ne sont paslocalisés dans la réserve. Premièrement, nous nous pro-posons d'amorcer des études socio-économiques, prisesen charge comme mémoire de fin d'études par deux étu-diants d'EESSA, au sujet du ravitaillement en combus-tible de la population de Betioky-Sud. Il nous semble quela production de charbon est le problème le plus impor-tant du point de vue de la conservation de la forêt, dansles alentours de Beza-Mahafaly. Mais ce n'est qu'uneimpression et il faut des études approfondies avant qu'onpuisse proposer des mesures concrètes pour reconcilierles besoins du peuple avec les besoins de la forêt natu-relle.

Plus loin de la réserve mais toujours dans le cadre dutravail qui y est effectué, nous nous proposonsd'amorcer des études parallèles sur la faune et la flore desdeux secteurs d'Andohahela, réserve naturelle No 11,située au nord-ouest de Tolagnaro. Ces études serontfaites en consultation avec les responsables de la réserve,et elles auront pour but d'élargir nos connaissances decette réserve et de fournir des informations de base quipeuvent être utiles pour l'amélioration de son rôle dans laconservation des forêts du sud et du sud-est.

Le professeur Pothin Rakotomanga et des villageoisde la région de la Réserve.

R.A. Mittermeier

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Le Lémur brun (Lemurfulvus), dans la Réserve d'Analabe R.A. Mittermeier

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La conservation des forêts naturelles dans la régionde Morondava

Jean-Jacques Petter

1. Introduction

Les forêts naturelles de la région de Morondava sontactuellement gravement menacées. Leur destructions'accomplit de façon si rapide que dans quelques annéesil ne restera plus rien de l'immense massif qui entourait laville.

Après la destruction de la majeure partie de la forêtpériphérique, les déboisements désordonnés se sontétendus illégalement jusqu'à plus de 40 km, y comprisdans la Réserve spéciale, au nord de la ville. La dégrada-tion se fait de manière progressive. Elle commence par leprélèvement des bois précieux et se poursuit par l'abat-tage des bois de moyen et petit diamètre. Le feu estensuite mis par endroits, facilitant l'entrée du bétail quiva brouter le sous-bois.

La forêt d'Analabe, constituant pourtant une pro-priété privée située à 60 km au nord de Morondava, aelle-même subi des dégâts considérables au cours de cesdernières années. La responsabilité de ces dégradationsincombe essentiellement à des exploitants abusifs maisles destructions ont été réalisées par des paysans etbûcherons malgaches généralement étrangers à la région.

Le déboisement a été fait dans ces zones de façonbeaucoup plus franche. Après le pillage des bois pré-cieux, débités par des bûcherons et enlevés clandestine-ment avec des charrettes tirées par un tracteur, la forêt aété préparée pour être brûlée.

Cette forêt adaptée à la sécheresse ne brûle pas facile-ment et le feu mis dans une petite clairière ne s'étendgénéralement qu'à une faible distance avant de s'éteindrenaturellement. C'est pourquoi, une préparation estnécessaire si l'on veut faire un déboisement suffisant. Letravail préliminaire consiste à couper le sous-bois pen-dant l'hiver et à le répartir en fagots au milieu des troncs.

Une forêt ainsi préparée est très difficle à traverser. Lebois coupé sèche jusqu'en novembre. C'est alors seule-ment que le feu est mis et de grandes surfaces de forêtpeuvent ainsi brûler. La chaleur intense dégagée par lacombustion des fagots tue la plupart des grands arbresqui restent sur place, souvent encore dressés, en partie

consumés. Du maïs est ensuite semé sur les cendres, justeavant les premières pluies.

Après un premier brûlage, la forêt pourrait partielle-ment se régénérer si elle était protégée mais les hautesherbes qui poussent après la récolte de maïs forment untrès bon combustible pour brûler à nouveau l'année sui-vante. La destruction devient alors définitive: la forêt nerepoussera plus. Les herbes et les petits buissons qui cou-vrent la terre n'abritent plus qu'une faune extrêmementréduite.

2. La destruction de la faune

C'est au moment où l'on enlève les arbres précieux etles gros porte-graines que les premiers éléments de lafaune disparaissent.

Les Lémurs (Lemur fulvus rufus) et les Propithèques(Propithecus verreauxi verreauxi) sont pris au piège outués par des projectiles lancés avec adresse par les bûche-rons.

Les Lepilemur sont capturés dans les troncs d'arbres.Les Tenrecs sont chassés avec des chiens de même que lesOiseaux coureurs du sous-bois, comme les Couas. Lesautres Oiseaux familiers de la forêt sont abattus à lafronde. Le reste de la faune nocturne et certains animauxdiurnes épargnés sont ensuite détruits par le feu qui nelaisse aucune chance de fuite aux animaux.

Une évaluation de la densité des différentes espèces,faite en 1973 dans une zone d'étude témoin, discrètementlayonnée, de la forêt d'Analabe (C.M. Hladik, P.Charles Dominique et J.-J. Petter), permet de connaîtrel'ampleur des destructions qui s'y sont opérées en 3 ans.Sur environ 400 ha de forêts totalement détruites, en plusdes milliers d'Oiseaux, de Caméléons, de Geckos, onnote la disparition, pour les espèces de Lémuriensdiurnes, d'au moins:

— 400 Lemur fulvus rufus et

— 550 Propithecus verreauxi verreauxi

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et pour les espèces nocturnes, d'au moins:

— 1400 Cheirogaleus medius

— 1600 Microcebus murinus

— 120 Microcebus coquereli

— 200 Phaner furcifer

— 1000 Lepilemur ruficaudatus

Tous ces animaux nocturnes se réfugiant pendant lajournée dans des troncs d'arbre ont été, soit étouffésdans leur abri, soit asphixiés et tués par la chaleur en ten-tant d'en sortir.

Les bûcherons nous ont dit avoir ainsi ramassé denombreux cadavres plus ou moins carbonisés aprèsl'incendie.

Lepilemur ruficaudatus, un des cinq Lémuriens nocturnes de la Réserved'Analabe R.A. Mittermeier

3. La Fondation Analabe

C'est pour tenter d'empêcher la destruction totale de laforêt de la grande propriété privée d'Analabe, jadis enpartie consacrée à la culture du sisal, que Monsieur JeanDeheaulme a proposé, en 1984, sa mise en réserve et adécidé de créer une fondation « pour la juste apprécia-tion, le respect et la préservation de la Nature mal-gache ».

Son but converge avec les principes du programmeMAB (Programme de l'Unesco sur l'homme et la bios-phère). Grâce à cette fondation, il devrait être possible defaire participer les habitants des villages environnants àla conservation, en développant à proximité des limitesde la forêt totalement mise en réserve des aménagementsdestinés à obtenir leur coopération: cultures, reboise-ments, projet touristique avec zone aménagée pourobserver la flore et la faune, Ecole primaire, Ecole fores-tière et agricole, dispensaire, Musée, laboratoire derecherche, bibliothèque etc...

La population voisine, intéressée par ces aménage-ments devrait favoriser le maintien de la réserve fores-tière, si on lui en explique le but, et accepter plus facile-ment les contraintes nécessaires.

Les autorités régionales soutenant vivement ce projet,une requête relative à la reconnaissance d'utilité publiquede la Fondation a été déposée le 16 juillet 1985.

D'après son statut, les activités de cette Fondationseraient les suivantes:

— édition de plaquettes destinées à faire connaître sesbuts, à accroître son rayon l'action, à favoriser laconnaissance des espèces;

— réalisation de documents concernant les espèces pro-tégées;

— organisation d'un enseignement sur la flore et lafaune;

— octroi de bourses à de jeunes chercheurs;

— sensibilisation de la population locale à la nécessité dela conservation dans le cadre du développementrégional.

Elles peuvent en outre être développées en fonction despossibilités, en respectant l'orientation de départ.

L'existence de cette fondation présentera de nombreuxavantages pour la protection de la nature dans l'ouest deMadagascar et pour le développement culturel de larégion de Morondava. Son intérêt est encore renforcé parl'activité d'une équipe de la Coopération suisse sur uneconcession forestière de 10 000 ha située à la limite sud dela forêt d'Analabe prévoyant notamment dans son pro-,gramme l'étude et l'enrichissement de la forêt. Une colla-boration locale doit bénéficier aux deux entreprises. Ellea déjà débuté dans plusieurs domaines.

Grâce à l'existence de cette fondation, une protectionbeaucoup plus solide et durable de cette zone sera assuréeet des recherches à long terme notamment sur l'évolutiondu climat, la croissance de la végétation et l'équilibre dela faune pourront être menées. Des expériences de reboi-sement pourront en outre être suivies sans crainte de des-truction prématurée.

4. Le programme du patrimoine mondialde l'Unesco

L'étude des zones naturelles malgaches de grandevaleur, susceptibles d'être désignées pour la liste du patri-moine mondial de l'Unesco, ainsi que l'évaluation deleur état de conservation actuel et des possibilités de pro-

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tection future nous ont conduit à sélectionner la régionforestière, lacustre et côtière située entre Morondava etAntsalova sur la côte ouest de Madagascar comme unensemble susceptible d'être proposé.

En effet, la totalité de la forêt côtière de l'ouest deMadagascar est en cours de destruction et si l'on veutsauver une partie un peu conséquente de cette richesseirremplaçable, le temps presse.

La rapidité des destructions en cours nous incite à sou-haiter la mise en réserve totale des parties forestièresencore intactes de cette région.

La zone proposée comporte:

Au sud de la rivière Tsiribihina:

— la Fondation d'Analabe

— la parcelle de la Concession suisse

— la zone forestière située entre la limite nord de la Fon-dation d'Analabe et la Tsiribihina

— l'ensemble des bassins versants situés à l'est de cesterritoires

— l'ensemble de la partie côtière correspondant à cesterritoires.

Au nord de la rivière Manombolo :

— la zone forestière bordant les lacs Bemamba, Masama... et les zones intermédiaires

— le sud de la réserve karstique du Bemaraha avec lesgorges de la Manombolo.

Ces différentes zones forment en fait 3 ensemblesséparés qu'il faudrait unifier administrativement afind'en assurer la gestion conforme aux règles établies parl'Unesco.

a) Le centre administratif pourrait être constitué parla Fondation d'Analabe qui possède sur son terrain tousles éléments nécessaires pour permettre l'organisationd'une gestion correcte et assurer la surveillance del'ensemble (bâtiments d'accueil avec l'eau et l'électricité,laboratoire, bibliothèque, atelier, terrain d'aviation, dis-pensaire, e t c . ) .

La ville de Morondava est desservie par un avion régu-lier et la route Morondava — Analabe (60 km) est en bonétat.

Il est prévu de développer en bordure de la stationd'Analabe:

— un centre d'enseignement et de gestion agricole etforestier

— une importante pépinière

— une implantation touristique avec un territoire amé-nagé pour l'observation de la faune en forêt et dans lazone de mangrove.

Un petit embarcadère en bordure de la mangrove doiten outre permettre des expéditions en bateau le long de lacôte et sur la Tsiribihina.

Le projet de création d'un centre de formation et degestion forestière pourrait être réalisé avec la Directiond'appui aux recherches de l'environnement du Ministèrede la recherche scientifique et technologique pour ledéveloppement et en collaboration avec la Coopération

Suisse. Il devrait permettre la formation des techniciensnaturalistes de terrain, utiles à l'ensemble des réserves deMadagascar (dont certains pourraient être utilisés surplace).

b) La zone des lacs représente une cuvette avec deslacs permanents entourés d'une forêt particulièrementriche. Elle représente l'une des plus grandes concentra-tions d'Oiseaux aquatiques de Madagascar.

Comme la zone littorale de l'ensemble précédent, ellehéberge certaines des espèces les plus rares dont le Héronde Humblot et la Sarcelle de Bernier.

c) La réserve naturelle intégrale du Bemaraha située àl'est de la ville d'Antsalova est constituée principalementpar des massifs calcaires très accidentés comprenant desgrottes et des sources.

A l'est du massif, il existe 3 rivières coulant du nord ausud et séparées par des crêtes successives.

A l'ouest, le relief forme un plateau avec des paliersarrondis descendant d'abord rapidement puis en pentedouce.

Cette réserve était considérée comme une des plusbelles de Madagascar. Elle contient une forêt, dense etsèche une partie de l'année, coupée de savanes avec uneflore typique des zones calcaires. On y trouve des boisprécieux comme Diospyros perrieri (l'ébène de l'ouest) etdes espèces originales comme Musa perrieri (le bananiersauvage de Madagascar) ainsi que des Adansonia, desAloes et des Liliacées adaptés à la sécheresse.

L'accès à la réserve est très difficile bien qu'une piste latraverse d'est en ouest. Elle se trouve ainsi naturellementprotégée bien qu'une importante population de Zébusvive dans les clairières.

Cette réserve a une grande valeur scientifique mais peude recherches y ont encore été entreprises. Elle contienten outre de nombreux cimetières anciens.

R.A. MittermeierLepilemur ruficaudatus, un des cinq Lémuriens nocturnes de la Réserved'Analabe

BibliographieHladik, C.M., P Charles-Dominique et J.-J. Petter. 1980. Feeding

strategies of five nocturnal prosimians in the dry forest of the westcoast of Madagascar. En : Nocturnal Malagasy Primates Ecology Phy-siology and Behavior. Charles-Dominique et al., eds. Academic Press,pp. 41-71.

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Priorités en matière de conservationdes espèces

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Primates

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Priorités dans l'étude des populations de Lémuriens

Alison Jolly

1. Introduction

Il n'y a aucune raison — aucune raison valable — pourqu'une espèce de Lémuriens, quelle qu'elle soit, dispa-raisse. Par rapport à d'autres Primates, les Lémurienssont de petits animaux peu menacés. Ils s'attaquent peuaux récoltes et ne sont pas recherchés pour la consomma-tion. Ils vivent dans de petites parcelles forestières et ladensité des populations rappelle davantage celle des ron-geurs que celle des singes.

Imaginez que Madagascar ait la responsabilité, commele Rwanda, de protéger les derniers Gorilles de mon-tagne. Le Gorille est un animal paisible mais, quand il sesent menacé, il peut mettre un homme en pièces. Il ne secontente pas de manger quelques bananes: il dévore lecoeur du bananier. Sa densité est de 2 animaux au kilo-mètre carré tandis que dans les endroits favorables, ontrouve plus de 200 Lémuriens au kilomètre carré. Pourabriter une population de grands singes, il faut uneréserve environ cent fois plus grande que pour les Lému-riens.

Protéger les Lémuriens devrait donc être facile. Maisla responsabilité n'en est pas moins lourde. L'île deMadagascar, à elle seule, abrite quatre des douze famillesde Primates. Gerald et Lee Durrell, au cours de ce col-loque, ont proposé Madagascar comme la première prio-rité mondiale pour la conservation: c'est tout à fait jus-tifié pour l'ordre des Primates, ancêtres et cousins del'homme.

2. Distribution des espèces de Lémuriens

A mon avis, aucun chercheur n'a de certitude quant àla distribution de quelque Lémurien que ce soit maisj'espère que je me trompe.

Les cartes publiées par Tattersall (1982) et par Petter,Albignac et Rumpler (1977) localisent les sous-espècespar région générale mais, faute de connaître la distribu-tion à une échelle plus précise, on ne peut estimer l'abon-dance des populations actuelles.

Petter et Peyrieras (1969) ont fait des études de la dis-tribution des Ayes-ayes. De même, les efforts de Petter,de G. Randrianasolo, d'Albignac et de Rumpler ontmené à la découverte de Hapalemur griseus occidentaliset à la redécouverte de Hapalemur simus. Il se peut quequelques formes très rares, tels Hapalemur simus et Pro-pithecus diadema perrieri, soient localisées dans desendroits ponctuels — de ce fait, nous connaissons leurdistribution complète (Petter et al. 1977).

En ce qui concerne la plupart des formes, en revanche,constater leur présence dans une forêt est loin de signifierque l'on connaît les limites de leur répartition. Deux desexposés les plus encourageants de ce colloque sont celuide M. J. Ratsirarson sur la zone qui sépare Lepilemurmustelinus et L. septentrionalis, et celui de M. Andriat-sarafara sur les Lémuriens du nord-ouest. Ils doiventservir de modèle à beaucoup de travaux futurs.

La première chose à faire, pour aborder les questionsde distribution, consiste à établir une carte des forêtsactuelles à partir des données obtenues par satellite. M.Rakotozafy et Mme Faramalala nous ont présenté desprojets en cours, dans ce sens. Il faudrait les encouragerà préparer une carte préliminaire, même avec peu de don-nées de terrain, comme instrument de travail pour toutnaturaliste et forestier.

En regardant les photos transmises par satellite, onpeut faire deux remarques. Premièrement, la forêt situéeà l'ouest de Tsiromandidy, sur les hauts plateaux, appa-raît comme une forêt humide. Ce n'est pas une réserve, etelle n'est pas connue de beaucoup de naturalistes. G.Ramanantsoa (comm. pers.) a signalé qu'elle abritaitPropithecus verreauxi coronatus, espèce qui fut peut-êtrele premier occupant du petit bois d'Analakely à Antana-narivo. En regardant la carte, il apparaît immédiatementque cette forêt humide de l'ouest mérite au moins desvisites scientifiques, et peut-être même d'être mise enréserve ou dotée d'un gardiennage. Deuxièmement, lesforêts de Berenty et de Bealoka sont les seules forêts-galeries à Tamarindus (kily) qui subsistent aujourd'huidans les bassins de la Mandraré et du Mananara. Les 200hectares de Berenty sont un paradis pour les touristes etla télévision, mais ne suffisent pas comme seul refuge

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pour les espèces. Bealoka, également conservé par lafamille Deheaulme, ne comprend que 100 ha. MelleO'Connor nous a expliqué que Bealoka ne présente pasde sous-bois et que les arbres ne s'y régénèrent pas pourl'instant. Ces forêts étant d'accès facile, on a tendance àcroire qu'elles représentent la richesse de la faune et laflore du sud. En réalité, ce sont les derniers îlots de cetype d'habitat dans ce bassin versant.

Il faut donc repenser le statut de Lemur catta, le Makicatta, qu'on a toujours considéré comme étant le moinsmenacé des Lémuriens. Il s'adapte à la vie dans lesrochers, court au sol et on peut le voir sans difficulté.Cependant, il a besoin de boire (le feuillage des plantessucculentes ne suffit pas à satisfaire entièrement à sesbesoins en eau comme c'est le cas pour le Propithèque oule Lépilémur. La distribution du Maki catta est unemosaïque. Or, si l'on continue à détruire la forêt quienveloppe les rivières et les points d'eau comme on l'afait autour de la Mandraré, une à une, les pièces de lamosaïque disparaîtront.

Une carte constituée d'après les données obtenues parsatellite est donc un outil dont il faut se doter de touteurgence. La deuxième étape nous ramène de la hautetechnologie aux techniques traditionnelles. Le satellite neremplace pas l'expérience personnelle. Melle O'Connornous a expliqué que 98 hectares de la forêt de Berentyabritent 340 Lémuriens diurnes (P. verreauxi, L. catta,L. fulvus rufus) tandis que les 100 ha de Bealoka n'encontiennent que 66. Les deux forêts, photographiées ausatellite, ont l'air identique mais Bealoka est dégradéepar le bétail.

Des visites à pied, et des enquêtes dans les villages,sont les seuls moyens de constater la présence desespèces. Les travaux cités plus haut, de M. Ratsirarson etM. Andriatsarafara, en sont des exemples. MelleO'Connor et M. Pidgeon nous ont signalé que les villa-geois d'Eminiminy près de la réserve No 11 reconnaissentl'Aye aye sur les photos, connaissent son nom, et signa-lent sa présence dans la réserve. M. Randria ZigZag areconnu le Propithèque à diadème (Propithecus diademaholomelas) près de Vohibaka, au nord de la réserveNo 11. Ce genre d'étude exige quelques heures ou quel-ques jours de visite à pied et n'est pas à la portée dechercheurs qui comptent être dans la semaine qui suit àWashington ou à Tokyo.

J'insiste, parce que ce genre d'étude n'est pas envogue. Lorsqu'on a des prétentions académiques, on sebraque sur les chromosomes, la physiologie, ou au moinsl'éco-éthologie quantitative. Pour quantifier et appro-fondir, on cherche une population d'accès facile et ons'installe à proximité, le plus longtemps possible — unmois, un an ou mieux encore, deux ans. Les exigences dethèse de doctorat ne permettent pas des inventairesexhaustifs.

La seconde priorité exige donc de mettre tout enoeuvre pour encourager à dresser les inventaires néces-saires. Budgets et bourses pourraient venir de sourcesextérieures; le travail d'inventaire est l'affaire de tous etpourrait être conduit dans le cadre de mémoires de find'études, ou de travaux de maîtrise ou de doctorat.

3. Populations ponctuelles

Lorsque l'on abandonne les généralités pour se tournervers des études plus précises, la situation est beaucoupplus encourageante. Les concentrations de Lémuriens encertains endroits étudiés atteignent des chiffres considé-rables. (Voir tableau)

QUELQUES DENSITÉSDE POPULATIONS PONCTUELLES

pop/km

Analabé : Forêt dense sèche à dominance de Adansonia grandi-dieri 50 km au Nord de Morondava. Calculé à partir de 30 haautour d'un étang saisonnier (Charles-Dominique et al., 1980)

Microcebus murinusCheirogaleus mediusMirza coquereliPhaner furciferLepilemur ruficaudatusLemur fulvus rufusPropithecus v. verreauxi

Ampijoroa : Forêt dense à feuilles caduques,No 7, Ankarafantsika. Calculé à partir de 16(Albignac, 1981).

Microcebus murinusCheirogaleus mediusLepilemur edwarsiAvahi laniger occidentalisLemur f. fulvusLemur mongoz

Propithecus verreauxi coquereli

Antseranomby : Forêt-galerie à dominanceCalculé à partir de 10 ha. (Sussman, 1974).

Microcebus murinusCheirogaleus mediusPhaner furciferLepilemur m. ruficaudatusLemur f. rufusLemur cattaPropithecus v. verreauxi

400350

3050-60

250présentprésent

dans la Réserveha sur sable sec

7512

25060-80

3-120 (4/km 2

près de l'eau)75

de Tamarindus.

présentprésentprésent

2001227215

présent

Bérenty : Forêt-galerie à dominance de Tamarindus. Calculé àpartir de 98 ha, avec habitat plus riche près de la rivière, ethabitat moins riche plus éloigné (Russell, en prép., nocturnes ;O'Connor, 1986, diurnes)

Microcebus murinusCheirogaleus mediusLepilemur leucopusLemur cattaLemur f. rufusPropithecus v. verreauxi

3937

450-520125

18 (introduits)175

Hazafotsy : Forêt épineuse à dominance d'AIluaudia d'après 10ha. (Russell, en prép. nocturnes ; Richard, 1978, diurne).

Microcebus murinusLepilemur leucopusPropithecus v. verreauxi

123230160

Dans la forêt d'Analabe, au nord de Morondava, ontrouve environ 1080 Lémuriens nocturnes, de 5 espècesdifférentes, au kilomètre carré. Ces chiffres concernentun terrain d'études de 30 ha, près d'un étang saisonnier,donc un habitat riche. (Charles-Dominique et al., 1980).Dans l'Ankarafantsika, on trouve 470 Lémuriens de six

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espèces différentes, au kilomètre carré. Le chiffre con-cerne l'étude de 16 ha de forêt sur sols sableux, éloignésde l'eau (Albignac, 1981). Pour Berenty, j 'a i déjà cité les340 Lémuriens que trouve Melle O'Connor sur 98 ha,chiffre qu'il faut au moins doubler pour tenir compte desLémuriens nocturnes.

A l'est, nous ne disposons pas de chiffres comparablespour les populations de toutes les espèces d'un seul site.Il est clair que la densité de l'Indri, par exemple àPérinet, n'est que de 9 à 16 au kilomètre carré, et celle deHapalemur griseus de 47 à 62, ce qui corrobore la fai-blesse de densité généralement constatée pour la forêthumide (Pollock, 1979). Cette faiblesse ne fait que ren-forcer les inquiétudes, surtout pour Indri et Propithecusdiadema, vu la disparition accélérée de la forêt humide.

Il faut également être prudent en ce qui concerne lesforêts de l'ouest, étant donné les différences marquéesentre les petites vallées bien arrosées et les terrains légère-ment plus en hauteur et beaucoup plus secs. M. Raman-gason en a fait une bonne démonstration pour l'Ankara-fantsika, où les arbres poussent jusqu'à 8 m dans leszones sèches, et 25 m dans les zones plus arrosées. A l'estaussi, les vallées peuvent être beaucoup plus riches queles crêtes, comme à Périnet; on peut aussi trouver desmosaïques complexes, selon la direction du vent. Ce der-nier phénomène a été bien décrit par Lenormand pour laMontagne d'Ambre et Razafimamonjy pour la région deRanomafana.

Il se peut qu'une partie de la richesse taxonomique deMadagascar soit le résultat de ces mosaïques, surtout àl'ouest où les régions humides sont quasi isolées les unesdes autres.

On peut au moins en tirer la conclusion que de petitesforêts, même isolées, sont loin d'être négligeables. Il nefaut pas présumer qu'il n'y a plus de Lémuriens là oùl'on protège quelques hectares de forêts, autour de tom-beaux ou encore là où une falaise naturelle sert de pare-feu.

Mais on ne peut pas non plus vivre de l'espoir que cespetites réserves suffisent à protéger les Lémuriens à toutjamais. Nous avons été témoins d'un cas désolant auxEtats-Unis. On a redécouvert, il y a 4 ans, une colonie defurets à pieds noirs, Mustela nigripes, espèce que l'oncroyait éteinte. En 1984, cette colonie comptait 128 ani-maux. Après une épizootie propagée par les chiens, iln'en reste que 6, tous en captivité. On découvrira peut-être de nouvelles colonies sauvages, mais on estime qu'ilfaudrait au moins une population de 500 pour offrir unegarantie génétique suffisante, même en l'absence d'acci-dents comme l'épizootie en question.

Outre les mesures qu'il faudrait prendre pour protégerles Lémuriens, il faudrait aussi protéger la végétationd'une petite réserve. A Bérenty, la couverture végétale esten voie de régression. Les grands kily meurent; les jeunessouches sont étouffées par une vigne succulente, Cissusquadrangularis, qui peut pousser d'un mètre par mois!(Pidgeon et O'Connor, comm. pers.). On ignore lescauses de ce phénomène.

Cette fragilité de la végétation se retrouve ailleurs.Lovejoy (sous presse), en étudiant des parcelles fores-

tières isolées, en Amazonie, a trouvé que les populationsd'animaux augmentaient dès que la forêt était défrichéeautour des parcelles. Les animaux qui recherchentl'ombre de la forêt s'y réfugiaient, tandis que d'autres,comme les papillons, profitaient du soleil à la lisière. Enrevanche, un an ou deux plus tard, les grands arbres eux-mêmes commençaient à dépérir, ne résistant pas auxeffets du soleil et du vent.

J'en viens donc à la troisième priorité: pour gérer lesréserves des Lémuriens nous devons collaborer avec lesforestiers. Il faut surtout encourager des études sur larégénération et les successions naturelles dans la forêtindigène, telles que celles qui ont été présentées à ce col-loque par M. Sorg, M. Covi et M. Andrianirina. Une trèsgrande réserve peut être laissée telle quelle et simplementdotée d'un bon gardiennage. Mais les petites réserves, etles bois soumis à l'exploitation, même légère, doiventêtre surveillés et, au besoin, gérés activement.

Il convient, en particulier, d'inciter les bailleurs defonds à rétablir les écoles provinciales d'agents forestierstechniques. Il convient aussi de contribuer à tout effortdéployé par les ingénieurs forestiers et les botanistes pourétudier, et au besoin gérer, les forêts naturelles.

4. Conclusion

L'effort de dénombrement des populations de Lému-riens est entravé par un manque de connaissances sur leurdistribution actuelle. La première priorité consiste donc àétablir une carte d'après les données obtenues par satel-lite afin de localiser les forêts survivantes, ainsi quel'étendue des forêts disparues. Il faudra ensuite dresserdes inventaires sur le terrain et procéder à des enquêtesdans les villages éloignés des routes, pour déterminer lesespèces de Lémuriens (et autres) présentes dans chaquerégion.

Un certain optimisme est justifié car les populations deLémuriens sont très denses dans les forêts qui leur con-viennent. Dans l'ouest, au moins, il y a toujours eu desmosaïques de populations. Une protection efficace detoute espèce de Lémurien exige moins d'espace que laprotection des Primates d'autres pays. En revanche, laprotection des arbres, et la régénération de la forêt, sontfondamentales. La troisième priorité sera donc l'étude etla gestion de la forêt indigène, en particulier avec la for-mation de nouveaux agents techniques et dans le cadre dela formation des ingénieurs forestiers.

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Etat de conservation et distribution des Lémuriensdans les forêts de Test de Madagascar

Jonathan Pollock

Les spécialistes de la biogéographie de Madagascars'accordent en général pour diviser l'île en quatre ou cinqzones: l'ouest, le sud, les hauts plateaux, l'est et le nord-est. L'exceptionnelle diversité biologique des forêtshumides de l'est fait de celles-ci un biotome distinct. Lepremier traité général sur la flore de Madagascar, rédigéen 1921 par Perrier de la Bathie, dénombrait 200 genreset 1800 espèces dans l'ouest, contre 500 genres et 5500espèces dans l'est. Comme dans les autres forêts tropi-cales humides du monde, cette diversité est due en partieaux conditions de températures et de précipitations quifavorisent la croissance de la végétation. Le relief monta-gneux, qui impose des variations de drainage, d'exposi-tion au soleil et au vent, et des extrêmes de température,est en grande partie responsable de la plus grande diver-sité des forêts humides de l'est de Madagascar.

Les forêts tropicales de l'est de Madagascar varientégalement du nord au sud, et sont réparties en un étroitrectangle de 1500 km de long, du 13°S au 25°S. La struc-ture forestière et la composition des espèces varient aussiselon l'altitude. La forêt sempervirente formée de myris-ticaceae et d'Anthostema s'élève jusqu'à 800 m et faitplace aux Tambourissa et Weinmannia jusqu'à une alti-tude moyenne de 1300 m; ceux-ci disparaissent au profitdes lichens en haute altitude (moins de 2900 m). Enrevanche, à l'ouest et au sud, les forêts ne dépassent pasl'altitude de 200 m.

La diversité des espèces semble particulièrement élevéedans les forêts de l'est. Perrier de la Bathie (1921), avec lechiffre de 102 espèces végétales sur 100 m2 — échantil-lonnage effectué à l'altitude de 220 m, près de Maroant-setra — dépasse légèrement les chiffres obtenus parl'auteur sur certains terrains de mêmes dimensions : 68espèces à l'altitude 560 m à la réserve nationale Nol deBetampona, et 57 espèces à une altitude de 1000 m, dansla réserve nationale No 3, à Zahamena. Ces chiffresmontrent un effet de l'altitude sur la diversité des plantescomparable à ce que l'on trouve ailleurs, et témoignentd'une flore relativement riche. Les estimations récentesde diversité des espèces végétales effectuées à Mada-gascar par Rauh (1979), White (1983) et Guillaumet(1984) indiquaient 8200 à 12 000 espèces. Ces chiffres,

s'ils sont corrects, feraient passer l'index de richesse desrégions de Lebrun (1960), fondé sur le nombre d'espècesoccupant 10 000 km2 , de 5406 à un chiffre situé entre5684 à 8318 — valeur supérieure, par exemple, à celle laProvince du Cap, en Afrique du Sud, où la valeur maxi-male à l'index est de 5636.

Bien que les formations de forêts humides malgachessoient généralement basses comparées aux normes mon-diales, (rares sont les arbres qui dépassent 45 m), la den-sité des arbres y est élevée (Fig. 2).

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Fig. 1 : Distribution des réserves naturelles et spécialesselon leur taille et les régions

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Il faudrait disposer de davantage de données sur lastructure des forêts de l'est de Madagascar pour savoir,par exemple, si la diversité apparemment élevée desespèces dépend de leur abondance. Cette sorte d'infor-mation aura une grande importance comme critère demise en place des réserves. Quoi qu'il en soit, l'endé-misme élevé (environ 90%, Perrier de la Bathie, 1936) etla grande densité et diversité de la végétation donnent àces forêts leur caractère unique et exceptionnel.

La répartition de la faune dominante de l'est de Mada-gascar est mal connue, aussi son étude devient-elle trèsnécessaire. Cependant, les rapports d'observation ou decapture de Lémuriens repris par Tattersall (1982), indi-quent que les principales barrières zoogéographiques de

l'est de l'île sont les grands réseaux fluviaux — Mana-nara, Mangoro, Antainambala — et les hautes terres deTsaratana (Fig. 4). A l'heure actuelle, les secteurs dunord sont plus riches en diverses espèces de Lémuriensque ceux du sud — bien qu'il ne soit pas certain que celaait toujours été le cas — de sorte que c'est vers les sec-teurs du sud que les mesures de protection se porterontinitialement.

La biologie et la dynamique de population des Lému-riens sont le deuxième élément important dont on doittenir compte dans la conservation des Lémuriens de l'estde Madagascar. A l'exception de Microcebus rufus, lesespèces de l'est sont plus grandes que celles de l'ouest etdu sud. De plus, leur maturation est plus lente et certainséléments donnent à penser que leur taux de reproductionest également plus lent (Pollock, 1975). Les quelques rap-ports disponibles suggèrent une mortalité des petits plusélevée à l'ouest et au sud qu'à l'est (Jolly, 1966; Richard,1975; Budnitz et Dainis, 1975). Il ressort des seulesétudes disponibles que la diversité des espèces de Lému-riens est plus grande à l'est, mais que leur abondance et

TABLEAU 1DIVERSITÉ DES LÉMURIENS ET BIOMASSE

SELON LES RÉGIONS

Région

Ouest/Sud (1)Sud (2)Est (3)

Nb totald'espèces

75

11

Nb d'espècesfolivores

438

Biomasse(kg/ha)

58-7418

4.6-5.8

(1) Antserananomby, données de Sussman (1972)(2) Berenty, données de Charles-Dominique et Hladik (1971)(3) Analamazoatra, données de Pollock (1975)

la biomasse y sont plus faibles (Tableau 1). Ces quelquesdonnées indiquent que les Lémuriens des forêts orien-tales de Madagascar présentent un groupe de caractèresvitaux équivalant à ceux choisis pour la faune et la floredes forêts tropicales humides du continent. En consé-quence, leur capacité de contrecarrer une forte diminu-tion de population par la reproduction est limitée, et lesréserves doivent être soigneusement conçues pour réduireau minimum les perturbations sur l'environnement.

A Madagascar, la réévaluation du système de protec-tion de la nature devrait commencer par l'examen duvaste réseau de réserves déjà en place. Ce dernier se com-pose de 36 réserves nationales, réserves spéciales et parcsnationaux bien répartis dans les différentes zones devégétation et de climat. De manière générale, le réseau deréserves jouit d'un soutien juridique adéquat, même sidans la pratique, se posent des problèmes de manque depersonnel et de transport.

Autre problème fondamental: la taille des réserves.Les études théoriques, et maintenant la recherche pra-tique, montrent qu'à long terme, les dimensions d'uneréserve sont un facteur critique dans le ralentissement du

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Fig. 3 : Taux de disparition de dix pour cent pour desréserves de taille différente, où le nombre d'espècesest différent (d'après Terborgh, 1975)

Fig. 2 : Densité d'arbres dans les forêts tropicalespluviales du monde et de Madagascar(d'après Richards, 1966)

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Fig. 4 : Distribution des espèces de Primates.

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Le Lémur à ventre roux (Lemur rubriventer), espèce peu connue vivant dans les forêts orientales. R.A. Mittermeier

Le Grand Hapalémur (Hapalémur simus) est un des Primates de Madagascar les plus rares et les plus menacés. R.A. Mittermeier

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taux d'extinction des espèces (Frankel et Soulé, 1981). Laplus petite réserve officielle de Madagascar compte520 ha; 13 autres ont moins de 1000 ha. Bien que lamoitié des réserves se trouvent à l'est, leur superficiemoyenne (23 300 ha) est la plus réduite (au sud:27 560 ha; à l'ouest: 27 190 ha; au nord: 30 070 ha). Ence qui concerne le couvert forestier restant dans les airesprotégées des diverses zones, l'est a un pourcentage inter-médiaire (le sud a 3,8%, l'est 6,1% et l'ouest 11,7%).

A titre d'exemple, on peut calculer le taux d'extinctionde 10% des espèces dans des réserves de tailles différentesen commençant par différents nombres d'espèces. A lafigure 3, le coefficient d'extinction calculé pour lesOiseaux des Antilles par Terborgh (1975) a été appliqué àMadagascar en utilisant un nombre d'espèces du mêmeordre que le nombre de vertébrés (885 espèces), de Mam-mifères (112 espèces) et de Primates (21 espèces) malga-ches. Il est probable qu'au moins dans le cas des Mammi-fères et des Primates, les taux d'extinction avancés sonten dessous de la réalité, du fait de la grande mobilité desOiseaux. Cette approche, qui ne donne pas un pronosticquantitatif de l'extinction des espèces à Madagascar,illustre néanmoins fort bien le problème:

1. Comme près de la moitié des réserves dans l'est dupays ont moins de 10 000 ha, le nombre d'extinctionsdans les régions actuellement protégées pourrait être con-sidérable au cours des 100 à 200 prochaines années. Uneréduction de 90% de la taille d'une réserve augmente letaux d'extinction d'environ 50%.

2. En conséquence, il vaudrait mieux considérer lesréserves plus petites telles que Analamazoatra (810 ha),Nosy Mangabé (520 ha), Mangerivola (800 ha) et Betam-pona (2228 ha) comme des refuges d'espèces particulièresplutôt que comme vastes réservoirs de diversité biolo-gique. De telles réserves, axées sur les espèces, nécessite-ront de plus en plus l'attention et l'intervention au niveaude la gestion, de la part d'administrateurs compétentssur le plan scientifique et en matière de conservation.

Les objectifs de la conservation de la nature dans l'estde Madagascar ne sont heureusement pas limités aumaintien ou à la création de vastes zones de forêts dunord. Il en est ainsi parce que la communication géné-tique est maintenue dans une certaine mesure entre lesréserves de l'est et les zones forestières avoisinantes,malgré une fragmentation du couvert forestier quidevient de plus en plus préoccupante. Cependant, lesforêts sont perturbées ou détruites peu à peu par l'exploi-tation locale.

A mesure que les aires protégées deviennent de plus enplus isolées, l'analogie qu'on peut faire avec les commu-nautés insulaires apparaît toujours plus évidente.DeLord (1965) estime que, pour faire place à la rizicul-ture, la forêt de l'est est défrichée au rythme de150 000 ha par an, dont au moins 10 000 ha ne pourrontplus se régénérer.

De plus, la population locale continue d'empiéter surles réserves. Cela prend la forme d'un abattage sélectif et

L'Aye-Aye (Daubentonia madagascariensis) est le seul taxon de Primates menacé au niveau de la famille. R.A. Mittermeier

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d'une lente érosion au pourtour des réserves, notammentlà où les limites ne sont pas indiquées physiquement. Lesconséquences de cette diminution sont très visibles, sur-tout dans les petites réserves où des zones importantessont facilement perturbées ou détruites. Dans la réservenaturelle No 1 (Betampona) — l'une des rares forêts pro-tégées de la côte est — la pression humaine sur les habi-tats naturels est forte, et la zone intacte de la réserve estpassée des 2228 ha officiellement établis en 1927, àenviron 1000 ha (observation personnelle).

En conclusion, le peu d'informations disponibles don-nent à penser que les Lémuriens (et leurs prédateurs) peu-vent être considérés comme les espèces clés autour des-quelles doivent être axés les principes régissant le choix etla protection des réserves naturelles dans l'est de Mada-gascar. Comme celles-ci risquent d'être particulièrementsujettes à l'influence des fluctuations de population, leuravenir à long terme réside probablement dans des aires degrande taille, à grande diversité, et où la pression del'homme est faiblement ressentie, comme c'est le cas desréserves de Zahamena (73 160 ha), Marojejy (60 150 ha),Masoala (30 000 ha, actuellement déclassée), et Ambato-vaky (60 050 ha). Il vaudrait mieux gérer les réserves demoins de 5000 ha comme réserves d'espèces à fort poten-tiel pour la recherche, l'éducation et le tourisme. Il con-vient de souligner l'absence d'information scientifiquesur laquelle fonder une politique de conservation ration-

nelle. Il est certain que la connaissance des facteurs régis-sant les populations de Lémuriens et d'autres vertébrésjouera un rôle central dans la prise de décisions concer-nant leur avenir. Enfin, des efforts doivent être faitspour s'assurer que le courant d'informations génétiquesest maintenu entre les réserves et les autres régions natu-relles ou semi-naturelles. Cela implique une stratégienationale de protection et de gestion des forêts, fondéesur des principes biologiques, sur le développement éco-nomique du pays et les besoins locaux des paysans malga-ches.

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R.A. MittermeierLe Grand Cheirogale (Cheirogaleus major) est une espèce nocturnecommune dans les forêts orientales.

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L'Indri (Indri indri), le plus grand de tous les Lémuriens contemporains ne vit que dans les forêts orientales.

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Les Lémuriens de l'ouest de Madagascar

Jean-Jacques Petter et Solofo Andriatsarafara

1. Introduction

L'Ouest de Madagascar comprend deux zones climati-ques différentes: l'une, au nord, le Sambirano, qui esttrès limitée et plus humide; l'autre, au Sud de la premièrequi est très vaste et plus sèche.

Le climat y est caractérisé par deux saisons bien tran-chées: cinq mois de fortes chaleurs avec des orages fré-quents, de novembre à mars et sept mois de sécheresseintense d'avril à octobre.

La végétation varie assez peu du Nord au Sud. Elle semodifie au contraire beaucoup d'Est en Ouest en suivantla variation des couches géologiques et celle de la pluvio-sité qui diminue régulièrement.

Les différentes espèces de Lémuriens peuvent soittrouver, malgré les variations climatiques, des zones quicorrespondent à leurs exigences métaboliques (Cheiroga-leidae) et étendre ainsi leur répartition géographique(zones côtières, forêts-galeries), soit s'adapter (en se dif-férenciant en sous espèces différentes) à des conditionsparticulières.

Le volume No 44 de la Faune de Madagascar, consacréaux Lémuriens et paru en 1977, comprend 12 cartes derépartition qui, pour la faune de l'ouest, demeurentencore à peu près valables malgré la forte diminution del'étendue des forêts depuis cette époque. Peu de recher-ches ont pu être entreprises après 1970 et peu d'informa-tions nouvelles sont venues compléter les connaissancesacquises.

Certaines précisions peuvent cependant y être ajoutéeset quelques questions demeurent.

2. Cheirogaleus

En ce qui concerne les Cheirogaleidae notamment, unproblème reste à éclaircir: Cheirogaleus medius et Chei-rogaleus major peuvent-ils être sympatriques?

Cheirogaleus major crossleyi est une forme normale-ment typique de l'est tandis que Cheirogaleus medius vitdans l'ouest et le sud. Or, des Cheirogaleus major ont été

capturés (A. Peyrieras et J.-J. Petter) dans le massif duBongolava au nord-ouest de Tsiroanomandidy où vitpeut-être Cheirogaleus medius et un Cheirogaleus majora vraisemblablement été observé dans la forêt de l'Anka-rafantsika où le Cheirogaleus medius est abondant.

3. Microcebus

De même, des Microcebus murinus rufus qui viventnormalement à l'est ont été observés dans des zones del'ouest où vivent les Microcebus murinus murinus: forêtde l'Ankarafantsika et forêt de Morondava.

Microcebus coquereli a une aire de répartition qui dansl'ouest se superpose presque totalement à celle duPhaner, sauf peut-être au sud de cette aire où il ne dépas-serait pas la limite du Mangoky. On ne le trouve cepen-dant ni dans l'extrême nord ni dans l'est. On ignore demême s'il existe dans les zones du Bemaraha et les restesforestiers voisins.

4. Phaner

Les Phaner furcifer ont une répartition assez disloquéesur la côte ouest et leur aire de dispersion s'étend àl'extrême nord et même dans le nord-est puisque nous enavons observé dans la forêt du cap Masoala. On ignore sicette espèce est présente sur les pentes du Tsaratanana.

Un exemplaire naturalisé que nous avons vu dans lacollection Audebert du Musée de Leyden portant l'indi-cation « Passumbe Est de Madagascar » est plus gris et aune taille presque double de celle des exemplaires deMorondava.

Nous n'avons pu trouver sur la carte une telle localité.Il se pourrait qu'il s'agisse d'un Ampasimbe situé dansune région entre Nosy-Varika et Ambositra dont la fauneest encore très mal connue ou d'une zone située à l'est dulac Alaotra.

Si l'exemplaire n 'a pas été déformé, une espèce de plusgrande taille existe peut-être encore dans la forêt de cetterégion.

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On sait maintenant que le Phaner existe dans le Bema-raha et à l'est de Sakaraha dans la forêt du Zombitsy(Georges Randrianasolo) mais on ignore encore s'il existedans plusieurs autres points situés au nord de cette for-mation. Sa présence reste à préciser entre les rivières Tsi-ribihina et Manombolo.

5. Daubentonia

Daubentonia madagascariensis avait été signalé dansla presqu'île d'Ampasindava en 1931 (un exemplairerécolté par l'expédition franco-anglo-américaine).

Un animal fut tué en 1957, près du village d'Ambalihaet les bûcherons Sakalavas de la région le connaissent.

Kaudern, en 1914, avait même signalé sa présence pos-sible dans la forêt de l'Ankarafantsika, sur la rive droitede la Betsiboka.

On sait maintenant qu'il existe dans le Bemaraka :selon Georges Randrianasolo, le garde de la réserved'Antsalova en a découvert un à demi dévoré par deschiens, en octobre 1985.

Dans le nord, on nous a signalé la présence d'Aye-Ayes à l'est de la montagne d'Ambre et nous en avonstrouvé une dépouille exposée à l'entrée d'un village, prèsde la petite forêt de Sahafary.

En tenant compte de toutes ces informations, il paraît

Lémur macaco (Lémur m. macaco) mâle dans l'île de Nosy Komba,près de Nosy Bé. R.A. Mittermeier

possible que l'on trouve encore quelques Aye-Ayes dansune zone comprise entre Ambilobe et Analalava ainsi quedans les forêts les plus humides de la région d'Antsalova.Cet animal étant partout très menacé, directement etindirectement (par la disparition des forêts), il serait sou-haitable, si d'autres exemplaires sont capturés, qu'ilssoient introduits dans une zone protégée comme laréserve de Lokobé à Nosy-Bé ou celle d'Ambohitantelyqui, l'une et l'autre, semblent pouvoir en permettre lasurvie.

6. Lemur

Huit formes de Lemur vivent dans l'ouest de Mada-gascar: Lemur coronatus et Lemur fulvus sanfordi dansl'extrême nord; Lemur macaco macaco et Lemur macacoflavifrons dans le Sambirano; Lemur mongoz, Lemurfulvus fulvus (forme claire), Lemur fulvus rufus etLemur catta plus au sud.

Lemur mongoz qui existait tout le long de la Betsibokasubsiste encore à Madagascar près du Lac Ampijoroadans la forêt de l'Ankarafantsika où il est assez rare, etaussi autour du lac Kinkony.

Aucune information n'a pu être apportée sur sa pré-sence dans une autre zone de cette forêt. Il existeraitaussi sur une petite montagne sacrée totalement isolée oùil est « fady » près de la source d'un affluent de la Betsi-boka, au nord de Tananarive (montagne « Vohilena » aunord d'Anjozorobe) si toutefois il s'agit bien de cetteespèce.

En 1984, André Peyrieras a retrouvé une petite coloniede Lemur macaco flavifrons entre Maromandia et Befo-taka. L'aire de cette espèce se trouverait actuellementlimitée à quelques taches de forêts, le long de la route etd'une piste partant de cette route vers l'ouest et condui-sant à Analalava. La limite sud serait la petite rivièreMaevarano. Il existerait peut-être aussi dans la forêtsituée à environ 30 km à l'est de la route, mais cela reste àvérifier.

Entre Antsonihy et Befandriana, c'est le Lemurfulvus qui est présent. C'est cette forme aussi qui existesur le plateau de Bealanana (près de Bemanelika à1800 m). On ne connaît rien sur le peuplement du flancouest du Tsaratanana.

7. Hapalemur

Des Hapalemur griseus (H. g. Occidentalis) ont ététrouvés dans deux zones de l'ouest: près du LacBemamba au nord de la Manambolo et dans la forêtd'Ambanja ainsi que dans la presqu'île d'Ampasindava.Cet animal pourrait exister aussi dans plusieurs autrespoints de l'ouest.

8. Lepilemur

La répartition des Lepilemur n'a pas fait l'objet denouvelles recherches dans l'ouest depuis 1977.

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Propithecus verreauxi coquereli, dans la R. A. MittermeierRéserve d'Ankarafantsika, ouest de Madagascar.

Lemur macaco flavifrons, sous-espèce de R.A. MittermeierLémur macaco mal connue mais distincte, du nord-ouest de Madagascar.

Un animal de grande taille avait été observé sur le Tsa-ratanana il y a quelques années mais aucune observationplus précise n'a permis de préciser s'il s'agissait d'unenouvelle forme.

Le P. v. coquereli a été signalé entre Antsonihy etBefandriana, ce qui étend vers le nord son aire de réparti-tion. On ignore pourquoi il n'y a pas de P. verreauxi aunord de cette zone.

9. Avahi

A vahi laniger occidentalis ne semble exister que dansune zone comprenant la réserve de l'Ankarafantsika etles forêts plus au nord jusqu'à la Sofia, mais une vérifica-tion serait nécessaire.

10. Propithecus

Parmi les cinq formes de Propithecus de l'ouest, toutesappartenant à l'espèce Verreauxi, Propithecus verreauxicoronatus semble la plus menacée. Elle n'occupe qu'unpetit territoire entre les cours inférieurs de la Betsiboka etla Mahavavy où subsistent quelques restes de forêts etsurvit dans des vestiges de forêts en disparition s'éten-dant vers le sud jusque dans la région de Tsiroanoman-didy.

Les animaux de cette région sont irrémédiablementcondamnés et pourraient être capturés pour être intro-duits dans la réserve d'Ambohitantely actuellement plussérieusement protégée et où l'espèce existait il y a unevingtaine d'années.

BibliographieKaudern, W. 1914. Einige Beobartungen über die Zeit der Fortpflan-

zung der Madagisichen Saügetiere. Ark. Zool. 9:1- 22.

Petter, J.-J., R. Albignac et Y. Rumpler. 1977. Mammifères Lému-riens. Faune de Madagascar ORSTOM - CNRS Paris 44:1-513.

Rand, A.L. 1935. On the Habits of the Madagascar Mammals.Journal of Mammalogy. 16:89-104.

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R.A. MittermeierPhaner (Phaner furcifer), dans la Réserve d'Analabé au sud-ouest deMadagascar.

R.A. MittermeierLepilemur edwardsii, dans la Réserve d'Ankarafantsika, ouest deMadagascar.

Le Lémur mongoz (Lemur mongoz) est une espèce menacée, vivant dans le nord-ouest de Madagascar. R.A. Mittermeier

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La conservation des Lémuriens à Madagascar:leur statut dans le sud

Robert W. Sussman, Alison F. Richard et Pothin Rakotomanga

De nombreux biologistes pensent que Madagascardevrait être la région du monde prioritaire du point devue de la conservation de la nature. L'isolement de cetteîle et ses climats variés ont produit une richesse excep-tionnelle en espèces végétales. Il y a au moins 10 000espèces d'angiospermes dans l'île et, pour certainsgroupes, plus de 80% des espèces ne se trouvent qu'àMadagascar. Cinq pour cent des espèces mondiales s'ytrouvent et les deux tiers d'entre elles sont endémiques.Ainsi, 3% des espèces végétales du monde sont endémi-ques de Madagascar. Parmi toutes les zones de végéta-tion de l'île, le domaine du sud est le plus original. C'estdans cette région aride, parsemée de forêts décidues rive-raines, de brousse, de maquis denses et de prairies que setrouvent les forêts de Didiereaceae xérophytes (Fig. 1).Ses forêts ressemblent beaucoup, d'un point de vue phy-sionomique, aux déserts du sud-ouest des Etats-Unis etdu Mexique, mais elles sont composées d'espèces qui nesont pas apparentées aux formes américaines. En fait, lesud de Madagascar a l'un des pourcentages les plus élevésd'endémisme végétal générique et spécifique dans lemonde. Près de 50% des genres de la végétation vierge dusud ne se trouvent qu'à Madagascar, ce qui est égalementvrai pour 95% des espèces (Koechlin, 1972). La familledes Didiereaceae est endémique des régions arides du sudde l'île.

Les Lémuriens du domaine du sud de Madagascarcomprennent deux espèces diurnes, Lemur catta et Pro-pithecus verreauxi, et 4 espèces nocturnes, Microcebusmurinus, Cheirogaleus medius, Lepilemur mustelinus etPhaner furcifer. Bien que beaucoup de ces espèces occu-pent les mêmes régions, elles occupent toutes des habitatsdifférents et prospèrent donc le mieux dans des types dif-férents de végétation. Très peu d'études biologiques ontété faites ces dernières années, il est donc presque impos-sible de fournir une estimation exacte de l'état actuel dela forêt ou des populations de Lémuriens dans le sud deMadagascar. Cependant, grâce à notre connaissance deshabitudes de ces Lémuriens et de la répartition généralede la végétation primaire, une impression générale dustatut actuel de conservation de ces espèces peut êtreformée.

R.W. SussmanFig. 1: Forêt de Didiereaceae. La physionomie de ces forêts rappellecelle des déserts du sud-ouest des Etats-Unis et du Mexique mais lafamille des Didieraceae est endémique du sud de Madagascar.

Habituellement, les cartes de répartition des espèces dePrimates indiquent une délimitation de la région totaledans laquelle on trouve cette espèce. Par exemple, lesfigures 3a et 3b comprennent les limites des aires derépartition de L. catta et P. verreauxi dans le sud deMadagascar. Cependant, seulement 1/3 de la région sud

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Fig. 2: Types de végétation de Madagascar et localisation des réserves dans la partie sud de l'île.

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(20 450 km2 sur un total de 59 400 km2) contient unevégétation forestière primaire (d'après les photographiesde Landsat prises en 1985). De plus, toute la végétationforestière disponible n'est pas occupée par chaque espècede Primate.

La dernière carte de la végétation de Madagascar a étéimprimée en 1965, probablement d'après les données ras-semblées au début des années 50 (Humbert et Darne,1965). Cette carte fait état de 5 types principaux de végé-tation naturelle dans le domaine du sud de Madagascar.Ces types sont: la brousse élevée (qui comprend à la foisla forêt de Didiereaceae et la brousse densed'Euphorbia); des régions de brousse discontinue ; de lasavane boisée; de la prairie; et des forêts riveraines lelong des principaux fleuves. Bien sûr, on trouve de laforêt humide aux arbres à feuilles persistantes dans lesud-est de l'île. Seules, les régions de brousse continue etles forêts-galeries riveraines sont utilisées extensivementpar les Lémuriens du sud. Cette région couvre moins —probablement beaucoup moins — de 20 000 km2.

La région qui est, en général, disponible pour les popu-lations de Lémuriens est beaucoup plus petite qu'on nepourrait le penser si on se fiait aux cartes de répartitionqui ont été publiées. De plus, si l'on examine la réparti-tion de chaque espèce individuellement, on trouved'autres restrictions dans cette répartition dues à desnécessités écologiques spécifiques pour des espèces parti-culières. Nous rappellerons brièvement les préférencesdes Lémuriens du sud de Madagascar et signalerons enquoi celles-ci sont liées à la répartition de chaque espèce.

Il semble que Lemur catta, le Maki catta (Fig. 4), soitl'espèce à la répartition la plus large dans le sud. Sa capa-

Fig. 3a: Distribution géographique de Lemur catta. Les populations nesont pas contiguës dans ces régions. On ne les trouve que lorsque lavégétation primaire qui leur convient est présente.

Fig. 3b: Distribution géographique de Propithecus verreauxi. Commepour Lemur catta, les populations ne se trouvent que là où la végétationprimaire qui leur convient est présente.

cité à exploiter à la fois les ressources des arbres et du solfait que ce Lémurien peut s'adapter assez aisément(Sussman, 1974). Cependant, contrairement à beaucoupde Primates qui vivent au niveau du sol, Lemur catta neprospère pas bien dans la savane arborescente ouverte oudans la prairie. En outre, bien qu'il mange certainesplantes cultivées, celles-ci ne composent qu'une toutepetite partie de son régime alimentaire. Ainsi, Lemurcatta ne devient commensal de l'homme dans aucunepartie de sa région de répartition, et ne devient pas nonplus un parasite agricole important. Les habitats de basedu Lemur catta sont les types de végétation naturelle debrousse dense d'Euphorbia, de forêt riveraine et leslisières de ces deux habitats. Le Lemur catta ne se trouvepas au coeur des forêts de Didiereaceae (Sussman, 1977).Si l'on considère que ce Lémurien dépend de ces deuxtypes de végétation plutôt restreints et localement endiminution, la plus grande prudence est de rigueur avantd'affirmer que c'est une des espèces de Lémuriens lesmoins en danger. Il représente la seule espèce de Lému-riens essentiellement restreinte au domaine du sud. Enoutre, le Maki catta, qui se déplace surtout à terre, estsouvent chassé à l'aide de chiens et est devenu vulnérableaux pressions de la chasse dans certaines régions. Il estimpératif d'obtenir de meilleures estimations sur larépartition de ces espèces dans le sud et le sud-ouest del'île et de disposer d'estimations de la densité de popula-tion dans des types de végétation variés. Il se peut que leLemur catta ait des densités de population bien plus fai-bles que nous ne l'ayons jamais imaginé.

Le Propithèque de Verreaux, Propithecus verreauxi

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verreauxi, (Fig. 5) du sud et du sud-ouest, est largementrépandu (Sussman, 1977). On le trouve dans la forêt deDidiereaceae et dans la forêt riveraine mais pas dans labrousse dense ou le maquis. De même, comme Lemurcatta, il n'apparaît pas dans les savanes boisées ou dansles prairies ouvertes. P. verreauxi ne prospère pas dansles végétations de lisière ni dans les régions qui l'obligentà des parcours prolongés au niveau du sol (Sussman,1977). Il ne s'attaque pas aux récoltes. En conséquence,bien que cette espèce ait une répartition géographiquelarge, elle dépend entièrement de deux types de végéta-tion naturelle dans le sud: des voûtes continues et relati-vement élevées et des supports peu espacés et relative-ment hauts et verticaux. La forêt de Didiereaceae et laforêt-galerie sont plutôt restreintes en terme de climat etde région, et il se peut qu'elles le deviennent encore plus.Le sud doit être étudié afin de déterminer le statut de cesdeux types importants de végétation. La présence duPropithèque du sud dépend du bon état de ces forêts uni-ques. De plus, le grand Propithèque blanc est la cible laplus facile dans le sud pour les chasseurs de Lémuriens etnous pensons qu'il a déjà disparu de certaines forêts quilui offrent un habitat adéquat.

Le Microcèbe, Microcebus murinus (Fig. 6), est l'undes Lémuriens qui s'adapte le plus facilement et qui a larépartition géographique la plus vaste. Il atteint sa plusforte densité dans des zones de végétation transitoires etgénéralement basses et dans des endroits où les arbressont tombés à l'intérieur des forêts de Didiereaceae oudes forêts-galeries, dans la brousse et le maquis (Martin,

1973). Sa densité est la plus faible dans la forêt profonde.Le Microcèbe est nocturne et entre dans une période detorpeur pendant les mois d'hiver les plus froids. Ces ani-maux vivent habituellement dans les régions de brous-sailles denses et leur habitat idéal peut, par conséquent,être détruit dans le sud par le pâturage des vaches ou deschèvres. On doit également insister sur le fait que leMicrocèbe peut exister à des densités naturellement peuélevées et nous n'avons que peu de données sur sa répar-tition spécifique et ses préférences écologiques dans lesud de Madagascar.

Le Petit Cheirogale, Cheirogaleus medius, (Fig. 7) estune autre espèce nocturne qui se trouve dans le sud. Nousn'avons pratiquement aucun renseignement sur sa répar-tition dans cette région. Bien que sa densité de popula-tion puisse être élevée dans des forêts riveraines d'arbresà feuilles caduques, cette espèce apparaît normalementavec une faible densité et est difficile à localiser. Le C.medius emmagasine de la graisse dans sa queue pendantl'hiver et peut hiberner pendant 6 à 8 mois de suite(Hladik et al., 1980). Probablement à cause de son besoinen alimentation riche avant la période d'hibernation et ensites convenables pour celle-ci, il semble qu'il soit res-treint aux forêts riveraines naturelles du sud, surtout aucentre de celles-ci, et n'apparaît que rarement dans leshabitats de lisière. Pour autant que l'on sache, on ne letrouve pas en forêt de Didiereaceae.

Le Lepilemur mustelinus (Fig. 8) est un Lémurien noc-turne et folivore. Sa répartition et le choix de ses habitatsressemblent beaucoup à ceux de Propithecus. On ne le

Fig. 4: Le Maki catta (Lemurcatta), une des deux espèces de Lémuriens diurnes du sud de Madagascar. R.W. Sussman

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R.W. SussmanFig. 5: Propithèque de Verreaux (Propithecus verreauxi), l'autre espècede Lémuriens diurnes du sud de Madagascar.

B.Z. FreedFig. 6: Le Microcèbe (Microcebus murinus), le plus petit Lémurienvivant.

Fig. 8: Lepilemur mustelinus, folivore nocturne du sud de Madagascar.R.W. Sussman

Fig. 7: Le Petit Cheirogale (Cheirogaleus medius), espèce nocturnetrouvée dans le sud, qui hiberne six à huit mois de l'année.

B.Z. Freed

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trouve qu'en forêt de Didiereaceae et dans les forêts-gale-ries restantes de la région ; sa densité de population estplus élevée (2 fois plus) dans ce dernier type d'habitat(Russell, s.d.). Le Lepilemur n'a été étudié que dans lesforêts relativement riches près de Berenty dans le sud-estet dans les forêts d'arbres décidus de l'ouest (Charles-Dominique and Hladik, 1971; Russell, 1977 ; Hladik etal., 1980), on ne sait donc pratiquement rien de sa répar-tition exacte ou des densités de population dans la partiela plus méridionale du domaine du sud. L'alimentationdu Lepilemur est assez spécialisée et monotone, quelquesespèces seulement représentant une grande proportion deleur nourriture. Ce Lémurien dépendant de quelquesespèces de plantes seulement, il se peut que cela affecteses densités dans différentes régions.

On peut trouver le Phaner, Phaner furcifer (Fig. 9),dans une petite région de forêt-galerie dans le sud, dansla Réserve no. 11, le long du fleuve Mananara (Russelland McGeorge, 1977). Mais si on l'y trouve encore, sadensité y est très faible. Il est peu probable que Phanerfurcifer existe ailleurs dans le sud de l'île.

Le Tableau 1 donne un résumé des préférences géné-rales d'habitat pour les cinq espèces du sud de Mada-gascar.

Il y a deux réserves naturelles dans le sud de l'île, Tsi-manampetsotsa (No. 10) et Andohahela (No. 11), et uneréserve spéciale (la réserve de l'université, Beza-Maha-faly). La réserve privée de Berenty se trouve égalementdans cette région. On peut trouver les espèces suivantes

dans toutes ces réserves: Lemur catta, Propithecus ver-reauxi, Lepilemur mustelinus et Microcebus murinus.Cheirogaleus medius s'y trouve également mais à unefaible densité. On ne trouve Phaner furcifer que dans laréserve No 11, et ceci n'est même pas certain. La réserved'Andohahela est unique car elle comporte des régions àla fois dans le domaine du sud aride et dans les forêtshumides du domaine de l'est. Selon O'Connor etPidgeon, il peut y avoir certaines espèces telles queLemur fulvus, Propithecus diadema, Avahi laniger,Microcebus rufus, Cheirogaleus major, Hapalemur gri-seus, et les sous-espèces orientales de Lepilemur muste-linus dans les forêts humides de la réserve.

La réserve spéciale de l'université, Beza-Mahafaly, etla réserve privée de Berenty sont bien limitées, clôturéeset gardées. Elles sont toutes les deux assez petites. Des

TABLEAU 1

ESPÈCES DE LÉMURIENS DU SUDET LEURS HABITATS

espèces

L. cattaP. verreauxiM. murinusC. mediusL. mustelinusP. furcifer

forêt-galerie

XXXXXX

Didierea

XX

X

brousse etmaquis peu élevés

X

X

habitats delisières denses

X

X

Fig. 9: Le Phaner (Phaner furcifer), est un consommateur de gomme spécialisé qui n'existe peut-être plus que dans une réserve au sud deMadagascar. R.W. Sussman

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études sur les densités de population et sur le comporte-ment et l'écologie des Lémuriens dans ces réserves ontdéjà été faites ou sont en projet. A Beza-Mahafaly, unprogramme intensif d'éducation et un projet d'apprentis-sage agricole parallèle sont en cours. Des programmessemblables sont en projet pour la réserve naturelle No 11.Cependant, la réserve No 10 n'a pas été étudiée ces der-nières années. De plus, ces réserves ne sont pas bien déli-mitées et on a beaucoup empiété sur leurs limites, surtoutà Andohahela. En conséquence, on ne connaît pas, àl'heure actuelle, la région précise de végétation naturellerestante ou les conditions dans lesquelles ces forêts setrouvent.

Recommandations pour une action immédiate

Nos connaissances étant extrêmement limitées en cequi concerne l'état de ces forêts naturelles, le statutactuel et la répartition précise des populations de Lému-riens dans le sud, et enfin l'état présent des réserves natu-relles de cette région, les recommandations spécifiquessuivantes devraient être immédiatement mises en oeuvre:

1. des études et examens approfondis de la végétationet des types d'habitats doivent être entrepris;

2. la production d'une carte de la végétation doit fairepartie intégrante des études et examens de la végétation;

3. des études doivent être faites sur les raisons etl'étendue de l'empiétement sur la végétation naturelle dela région, et selon les résultats obtenus, des suggestions(de même qu'une aide pratique) doivent être offertes afinde changer les méthodes de production qui détruisentcette végétation;

4. des études sur la répartition et la densité de popula-tion des Lémuriens doivent être menées parallèlement àdes études sur la végétation. Les Lémuriens servirontpeut-être d'indicateurs d'espèces, nous fournissant desrenseignements sur l'état de santé de la végétation natu-relle;

5. les réserves naturelles No. 10 et 11 doivent être étu-diées, bien délimitées et gardées; on doit y faire unerecherche de base sur la flore et la faune; enfin, on doitinitier des programmes pédagogiques, d'apprentissage,et de développement pour la population locale, sembla-bles à ceux qui sont en cours à Beza-Mahafaly;

6. enfin, nous suggérons que de nouvelles régions —qui pourraient être déterminées lors des études recom-mandées ci-dessus — soient proposées comme réservesnaturelles plus vastes ou comme petites réserves spé-ciales; on devra alors examiner avec soin si ces régionsconviennent à la fois en tant que réserves et pour la popu-lation locale. En ce cas, de nouvelles réserves devrontêtre établies, surtout dans les régions protégeant lesforêts de Didiereaceae ou les forêts-galeries.

Fig. 10: Sussman avec un Propithèque de Verreaux (Propithecusverreauxi)

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Mammifères autres que les Primates

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Priorités dans la conservation des Mammifèresnon Primates de Madagascar

Roland Albignac

1. Introduction

Les Mammifères non Primates de Madagascar présen-tent une grande originalité, si on les compare à la fauneafricaine pourtant toute proche. Il n'existe aucun Onguléendémique et les Carnivores sont tous classés dans uneseule famille, celle des Viverridae.

Les autres représentants terrestres (Insectivores etRongeurs notamment) sont représentés par des formessouvent primitives, avec un nombre assez limitéd'espèces toutes forestières et encore mal connues dansleur ensemble. Les Cheiroptères sont moins originauxbien que certaines espèces soient uniques à la Grande Ile.

Je prendrai ici en compte le problème plus particulierdes Carnivores, mieux connus et, de façon plus limitée,celui des Insectivores pour lesquels des mesures particu-lières de protection s'imposent: les Carnivores provo-quent des effets négatifs par prédation dans les élevagesdomestiques (poules et canards) ils sont donc assez sou-vent piégés; d'un autre côté certains Insectivores fontl'objet d'une chasse alimentaire relativement importante.

Pour ce qui concerne les Rongeurs et les Cheiroptèresnos connaissances biogéographiques et biologiques res-tent encore superficielles, si bien qu'il est malaisé deprendre en compte ces groupes pour constituer les basesd'un aménagement des milieux ou de mesures de protec-tions particulières.

Il faut ici noter que toutes les actions de protectionconcernant les Carnivores et les Insectivores entraînentpar voie de conséquence, au niveau des biotopes, uneapproche de la préservation de l'ensemble des Mammi-fères endémiques de Madagascar pratiquement tousforestiers!

2. Les Carnivores

Les Carnivores de Madagascar comptent 7 espècesautochtones toutes endémiques; 3 espèces ont été intro-duites par l'homme, une est restée sauvage et deux autressont domestiques avec des formes sauvages (Chat etChien).

Cette faune est donc relativement pauvre, si on la com-pare à la diversité des Carnivores africains ou asiatiques;elle est pauvre aussi en comparaison avec les autresgroupes de Mammifères malgaches, Lémuriens et Insec-tivores, par exemple.

Les 7 espèces endémiques sont classées dans trois sous-familles également endémiques (Fossinae, Galidiinae etCryptoproctinae) appartenant toutes trois à la familledes Viverridae.

TABLEAU DE CLASSIFICATION DESCARNIVORES MALGACHES AUTOCHTONES

Famille des Viverridae

Sous-famille des Fossinae: cette sous-famille exclusivementmalgache comprend deux genres monospécifiques:

Genre Fossa G.E. Gray, 1864Fossa fossana P.L.S. Mülier, 1776

Genre Eupleres Doyère, 1835Eupleres goudotii goudotii Doyère, 1835Eupleres goudotii major Lavauden, 1929

Sous-famille des Galidiinae: exclusivement malgache, cettesous-famille se divise en 4 genres monospécifiques :

Genre Galidia I. Geoffroy Saint-Hilaire, 1837Galidia elegans elegans I. Geoffroy, 1837Galidia elegans dambresis G.H.H. Tate,A.L. Rand, 1941Galidia elegans occidentalis R. Albignac, 1971

Genre Salanoia G.E. Gray, 1984Salanoia concolor I. Geoffroy, 1839

Genre Mungotictis R.I. Pocock, 1915Mungotictis decemlineata decemlineataAgrandidier, 1867Mungotictis decemlineata lineata Pocock, 1915

Genre Galidictis I. Geoffroy Saint-Hilaire, 1839Galidictis fasciata fasciata Gmelin, 1788Galidictis fasciata striata E. Geoffroy, 1826

Sous-famille des Cryptoproctinae : exclusivement malgache,elle ne comprend qu'un genre monospécifique :

Genre Cryptoprocta Bennett, 1833Cryptoprocta ferox Bennett, 1833

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L'ensemble des espèces autochtones de Carnivores ades caractères et affinités nettement forestiers, seul leCryptoprocte ou Fosa (Cryptoprocta ferox) vit en forêtpour ses zones refuges, mais peut s'aventurer très loin enmilieu ouvert, à la recherche de ses proies.

Les espèces malgaches présentent un certain nombred'autres caractères assez originaux qui les différencientdes espèces africaines de Viverridae. Leur vie sociale estle plus souvent organisée sous la forme type familial,avec quelques variantes; seul le Fosa se distingue nette-ment des autres en vivant plus isolé. Nous pouvons égale-ment citer certains caractères particuliers de la reproduc-tion, avec, pour tous, une seule portée annuelle et un seulpetit (à l'exception du Fosa qui en a de 2 à 4).

2.1. Sous-famille des Fossinae

Elle compte 2 espèces à caractères assez proches:

— Fossa fossana (à ne pas confondre avec le Fosa,Cryptoprocta ferox),

— Eupleres goudotii ou Fanaloka.

Ces deux espèces sont nocturnes et uniquement terres-tres; elles occupent plus particulièrement les milieuxhumides, Fossa le bord des cours d'eau forestiers de l'estmalgache (Fig. 1), Eupleres les marais à Raphia et à Pan-danus de l'est et du nord-ouest du pays (Fig. 2).

Fossa et Eupleres sont tous deux capables de faire desréserves graisseuses à l'approche de la période hivernale,ceci au niveau du corps et surtout de la queue; cesréserves peuvent atteindre le quart de leur poids.

Ce ne sont pourtant pas des hibernants mais cesréserves permettent de faciliter un déficit alimentaire net-tement marqué de juin à août.

2.1.1 Fossa fossana: la Genette fossane est peu abon-dante et toujours extrêmement discrète. Le jour, les ani-maux s'abritent en groupe familial dans des souchescreuses ou des anfractuosités de roche, au niveau du sol.Le domaine vital est large (quelques centaines d'hectares)et semble très stable, au moins pendant une ou deuxannées.

Le régime alimentaire est composé de Rongeurs maisaussi de Batraciens et même d'Anguilles, capturées sansdifficultés apparentes lorsqu'elles progressent dans quel-ques centimètres d'eau. Cette Genette se nourrit aussi devers de terre, d'Insectes et de Crustacés, parfois mêmed'Oiseaux.

La reproduction est saisonnière.

Le développement du jeune est relativement lent; ilmarche à l'âge de 3 jours et commence à s'alimenter deviande un mois après la naissance mais le sevrage n'auralieu qu'à 2 mois et demi. Le jeune est capable de saisir depetites proies telles que des Insectes et des Batraciens àpartir du quatrième mois mais ce n'est pas avant l'âged'un an qu'il pourra saisir les mêmes proies que lesadultes. C'est à ce moment que le jeune peut quitter sesparents.

2.1.2 Eupleres goudotii a un pelage uniformément brunfauve plus ou moins foncé; la partie ventrale est plusclaire, une zone orangée est nettement visible sur lacuisse. Les griffes développées des pattes antérieures per-mettent de fouiller le sol à la recherche d'Arthropodes ;ces griffes jouent également un rôle dans les comporte-ments de défense. Pour éviter leur usure l'animal lesredresse fortement au-dessus du sol en se déplaçant, cequi lui impose une démarche lourde et disgracieuse.

La denture est exceptionnellement fine pour un Carni-vore; les dents sont petites, coniques ou aplaties.

L'Euplère peut être localement assez abondante mais ilsemble généralement qu'elle soit rare, sinon très rare ;ceci est d'autant plus net qu'elle est assez fréquemmentpiégée pour sa chair souvent fort appréciée.

L'Euplère se nourrit plus particulièrement de vers deterre.

L'Euplère peut aussi se nourrir d'Insectes et de Batra-ciens et, en captivité, on peut aussi compléter son régimeavec de la viande coupée en lamelles.

La mise-bas a lieu en période estivale. Le petit est déjàbien développé à la naissance; la fourrure est importante,beaucoup plus foncée que chez l'adulte, brun foncé,presque noire. Les yeux sont ouverts dès la mise-bas.

2.2. Sous-famille des Galidiinae

Elle compte 4 espèces qui se présentent sous la formede petites mangoustes. Elles en ont un peu les caractèresmorphologiques et surtout des modes de vie assez voi-sins.

La taille est réduite, environ 50 cm de long, dont plusde 20 cm pour la queue. Le poids est faible de 600 g à1 kg. Ce sont des animaux à activité diurne, exceptionfaite de Galidictis qui est nocturne. Ils sont à la fois ter-restres et arboricoles avec des surfaces plantaires et pal-maires glabres et munies de coussinets développés per-mettant un déplacement et une grande agilité dans lesarbres. Le museau est plus court que chez les Fossinae, lacarnassière plus apparente, en liaison avec la régressionet même la perte de certaines dents.

2.2.1 Galidia elegans (nom malgache Vontsira ou Kokia)ce genre subit de nombreuses variations chromatiques,souvent mêmes liées à des variations chromosomiques.

La couleur générale du pelage est d'un beau marronroux plus ou moins foncé selon les sous-espèces. Laqueue, de la même couleur que le corps, présente 5 à 6anneaux brun foncé très apparents dans tous les cas. Onen distingue pour le moment 3 sous-espèces:

— G. elegans elegans— G. elegans dambrensis— G. elegans occidentalis

Le Galidia se rencontre dans toutes les forêts ombro-philes de l'est de Madagascar mais aussi dans les forma-tions de calcaire karstiques (« Tsingy ») de l'ouest et dunord. Ces animaux sont relativement abondants et iln'est pas rare de les apercevoir en forêt (Fig. 3).

Le Galidia s'abrite le plus souvent dans des terriers

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Fig. 1 : Répartition actuellede Fossa fossana

Fig. 2 : Répartition actuellede Eupleres goudotii

Fig. 3 : Répartition actuelle de :

Galidia elegans elegans

Galidia elegans dambrensis

Galidia elegans occidentalis

Fig. 4 : Répartition actuelle de :

Mungotictis decemlineata lineata

Mungotictis decemlineata

Salanoia concolorFig. 5 : Répartition actuelle de

Galidictis fasciata Fig. 6 : Répartition actuellede Cryptoprocta ferox

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qu'il confectionne lui-même, il peut également occuperles souches creuses, parfois à plusieurs mètres de hau-teur, ou même s'installer dans les anfractuosités deséboulis rocheux.

A la fois terrestre et arboricole, l'animal progressegénéralement à terre mais il grimpe très souvent dans lesgros arbres à la recherche de proies arboricoles (petitsVertébrés ou Arthropodes) ou parfois même sans raisonapparente.

Les moyens d'intercommunication sonores sont trèsvariés par rapport à ceux des autres Carnivores malga-ches. Au cours des déplacements les animaux émettentun petit sifflement proche d'un cri d'oiseau (cri de con-tact).

Les Galidia vivent en petits groupes familiaux de 3 ou 4individus au plus. Les animaux du groupe ont toujoursun gîte commun. Pendant la journée de longs momentssont consacrés aux jeux.

Dans le milieu naturel les densités semblent assezfortes. Il y a approximativement 4 ou 5 groupes fami-liaux pour 100 hectares ce qui donne des tailles de 40 à50 km pour les domaines vitaux qui se chevauchent assezlargement.

La période d'accouplement est limitée à la fin del'hiver austral et au printemps, entre juillet et novembre.

La durée de gestation est légèrement inférieure à3 mois (de 74 à 90 jours dans les élevages). Les naissancess'étalent entre août et avril mais sont très nombreuses denovembre à janvier.

Le développement du jeune est plus lent que chez lesFossinae. Le petit ne commence à marcher correctementqu'à l'âge de 12 jours; il s'intéresse à la viande à partir de

Galidia elegans, un des Carnivores endémiques de Madagascar.

un mois mais le sevrage définitif n'a lieu qu'entre deuxmois et deux mois et demi.

A l'âge de trois mois le jeune s'empare facilement desauterelles et parfois de petites Grenouilles. Il est trèsjoueur avec ses parents; ces jeux consistant essentielle-ment en des simulacres d'attaques ou de défense.

A 10 mois le jeune est capable de pêcher mais il ne cap-ture les Rongeurs qu'à l'âge de 14 mois. C'est à partir dece moment là qu'il peut quitter ses parents dont il sesépare au plus tard à l'âge de 2 ans.

2.2.2 Mungotictis decemlineata (nom malgache Boky-Boky). Cette espèce subit quelques variations chromati-ques liées à sa répartition géographique.

Il est ainsi possible de justifier la subdivision de cetteespèce en deux sous-espèces différente:

— M. d. decemlineata— M. d. lineata.

Le museau est relativement court chez Mungotictis, etles oreilles mobiles sont bien apparentes. La queue, éga-lement presque aussi longue que le corps, n'est pasannelée; les poils sont très longs et en pinceau. L'animalrelève la queue et hérisse les poils dans tous les comporte-ments d'intimidation.

La fourrure est dense; la couleur générale du corps estgris clair tirant parfois sur le beige, le dos et les flancssont tachetés de lignes brun foncé plus ou moins appa-rentes. La queue est uniformément blanchâtre ou grisbeige.

Le Mungotictis se concentre uniquement dans lesforêts caducifoliées sur sable de l'ouest et du sud-ouest

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de Madagascar ; la rivière Tsiribihina marque la limiteseptentrionale (Fig. 4).

Cet animal s'abrite dans des terriers en période sèche(juin à octobre). Ces terriers, peu profonds, sont creuséspar l'ensemble des individus d'un groupe qui s'installentau fond d'une loge ovale simple munie d'une seule sortie.

Pendant la saison des pluies (novembre à mai) ils utili-sent un trou d'arbre situé parfois à plus de 10 m au-dessus du sol.

Le Mungotictis se nourrit de petits Rongeurs et deLémuriens mais aussi de proies très variées: Reptiles,Mollusques et surtout de larves d'Insectes du sol pendantla saison sèche.

L'organisation sociale présente aussi un certainnombre de points particuliers. La composition du groupechange au cours du cycle annuel. Un travail réalisé sur 14mois dans l'ouest du pays a montré que pendant la saisondes pluies, de petits groupes sociaux de 10 à 12 individusoccupaient ensemble un domaine vital d'environ 150 ha.Pendant la saison sèche ce groupe se scinde en 2 ou 3sous-unités qui établissent des domaines vitaux pluslimités, tout en restant dans la même zone d'influence.Nous avons assité à cette occasion à des groupements demâles qui s'associent même parfois à des juvéniles. Legroupe social se constitue ensuite de la même manière àla saison des pluies suivantes. La stabilité du domainevital d'un groupe social paraît très grande puisque nousn'avons pas noté de différences notables dans la compo-sition individuelle des groupes étudiés, 5 ans après ce pre-mier travail.

2.2.3 Salanoia concolor (nom malgache Vontsira). Cetteespèce vit sur la côte est de Madagascar, en forêt demoyenne altitude. On le rencontre plus fréquemmentdans le nord-est, (Cap Masoalo) au-dessus de 4000 md'altitude (Fig. 4).

Le régime alimentaire présente une tendance insecti-vore marquée: il consomme notamment des larvesd'Insectes xylophages; ce régime évite ainsi la compéti-tion alimentaire avec Galidia elegans sympatrique deSalanoia concolor.

Les moyens d'intercommunication et la reproductionsont, d'après quelques observations réalisées ponctuelle-ment, identiques à ceux de Galidia.

2.2.4 Galidictis fasciata (nom malgache Vontsirafotsy).Ce Gatidiinae est le seul à rythme de vie nocturne. Il estcaractérisé par une couleur gris clair rayé de bandes lon-gitudinales brun foncé. Cette espèce se rapproche beau-coup de Mungotictis, même sur le plan chromosomique.

Cette espèce occupe toutes les formations forestièresde l'est (Fig. 5); sa biologie est par contre très mal pré-cisée encore de nos jours puisque les captures et les obser-vations restent exceptionnelles.

2.3. Sous-famille des Cryptoproctinae

Cryptoprocta ferox (nom malgache Fosa qui ne doitpas être confondu avec le genre Fossa, nom latin deFossa fossana).

Roland WirthLe Cryptoprocte ou Fosa (Cryptoprocta ferox) est le plus grand Carni-vore malgache.

C'est le plus grand des prédateurs autochtones; ilatteint 1,50 m de longueur avec la queue (elle en repré-sente environ la moitié) et un poids de 7 à 12 kg. C'est leseul représentant actuel de cette sous-famille.

Le Cryptoprocte se rencontre dans toute l'île à l'excep-tion d'une zone limitée des hauts plateaux où la pressionde l'homme est probablement trop forte. Malgré celaaucune variation n'est connue. On signale pourtant par-fois des formes mélaniques, mais aucune récolte sérieusen'a pu le confirmer (Fig. 6).

La couleur générale du pelage, non tacheté, est brunroux tirant parfois plus ou moins sur le gris à la partiedorsale du corps. La queue est bien musclée et n'accu-mule pas de réserves graisseuses; elle a un rôle importantdans la locomotion arboricole.

La denture est de type coupant avec des carnassières etcanines très développées.

Le rythme d'activité est essentiellement crépusculaireet nocturne mais il est relativement fréquent de le rencon-trer pendant le jour, surtout en fin d'après-midi. LeCryptoprocte occupe toutes les zones boisées de l'île maisil vit aussi en partie dans la savane où il s'aventure pen-dant la nuit à la recherche de proies.

Le Cryptoprocte est à la fois terrestre et arboricole.Certaines particularités anatomiques des pattes et de laqueue lui permettent en effet de grimper avec grandeaisance aux arbres et même de sauter de branche enbranche. La plante des pattes est glabre est munie denombreux coussinets comme chez les Galidiinae ; laqueue, joue un rôle important de balancier.

Le Cryptoprocte utilise souvent les pattes antérieurespour immobiliser les proies, au moment de leur capture,et avant de les tuer en les mordant derrière la tête. Cemode de capture n'existe pas chez les autres Viverridésmalgaches qui n'immobilisent jamais les proies à l'aide

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des pattes antérieures mais les saisissent directemententre les mâchoires.

Les moyens d'intercommunication sonores sont assezpeu variés. Ce sont surtout des grognements saccadésd'intimidation pouvant aller jusqu'au miaulement pro-longé. Les jeunes émettent fréquemment un ronronne-ment très perceptible au début des tétées et pendant lesjeux collectifs.

Le comportement social du Cryptoprocte est encoremal défini. Cet animal vit isolé. Au moment des accou-plements on peut cependant rencontrer des groupestemporaires de 3 ou 4 mâles autour d'une femelle enoestrus.

La reproduction est saisonnière, comme chez les autresViverridés malgaches. La période d'accouplement sesitue de septembre à novembre. Les préludes à l'accou-plement s'accompagnent de miaulements plaintifs aigus.Le premier coït est long, il peut durer plus d'uneheure.

Le développement des jeunes est lent si on le compareaux autres Viverridés malgaches. Le sevrage ne se faitqu'à 4 mois et demi et les animaux n'atteignent la tailledes adultes qu'à deux ans. Il faut 3 ou 4 ans aux jeunespour avoir sensiblement le poids des adultes.

2.4 Conclusion sur les Carnivores

On peut dire que les Carnivores malgaches vivent dansles milieux forestiers qui constituent leur habitat presqueunique.

La biologie de la reproduction est également assez

Jeune Cryptoprocte ou Fosa (Cryptoprocta ferox).

unique: ces Carnivores n'ont en effet qu'un seul jeune etune seule portée par an, à l'exception de Cryptoprocta.Le développement des jeunes et leur maturité sexuelle estlongue puisqu'il faut attendre entre 1 an 1/2 et 3 ans 1/2pour atteindre le stade adulte.

La structure sociale est le plus souvent du type fami-lial, et même parfois de petits groupes sociaux (chezMungotictis), seul Cryptoprocta se distingue de ce pointde vue. Nous avons aussi toujours été étonnés par la sta-bilité territoriale de ces animaux; ils peuvent en effetrester plusieurs années dans un même domaine vital quise déforme tout au plus avec le temps.

Le régime alimentaire de ces Carnivores présente parcontre de plus grandes variations spécifiques:

— Fossinae: ces animaux sont liés aux milieux fores-tiers humides (bord de cours d'eau ou marais) le spectrealimentaire est assez large pour Fossa (il est composé deCrustacés, d'Anguilles, d'Amphibiens et parfois de Ron-geurs) il est au contraire très étroit pour Eupleres (essen-tiellement vers de terre et éventuellement quelquesArthropodes).

— Galidiinae: le régime alimentaire des représentantsde cette sous-famille a une tendance plus carnassière maisencore peu spécialisée surtout chez Galidia (Arthro-podes, Poissons, Amphibiens, Reptiles, Oiseaux et petitsMammifères). D'autres représentants ont des régimesplus spécialisés, à tendance insectivore nettement mar-quée (chez Mungotictis et Salanoia). Ces Galidiinae peu-vent être piégés à proximité des forêts où les dégâts surles volailles ne sont pas négligeables.

Roland Wirth

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Galidia elegans dans la nature à Ranomafana, au sud-est de Madagascar. R.A. Mittermeier

— Cryptoproctinae: le régime alimentaire de Crypto-procta est uniquement composé d'Oiseaux et de Mammi-fères de taille moyenne (notamment de Lémuriens dugenre Lemur et de certains Rongeurs, comme Hypo-gemys). Ce Carnivore peut provoquer d'importantsdégâts dans les basses-cours et il est, de ce fait, souventpiégé par les villageois.

3. Les Insectivores

Les insectivores, comme les autres Mammifères de laGrande Ile sont très originaux. Ils sont tous placés dansune famille primitive les Tenrecidae, qui comprennent 2sous-familles endémiques de Madagascar:

— les Tenrecinae— les Oryzoryctinae

3.1. Les Tenrecinae

Cette sous-famille renferme des espèces de taillemoyenne ou petite; le corps est recouvert de piquantsplus ou moins mêlés de poils souples. Tous ont unmuseau allongé avec 40 dents.

La biologie de ces Tenrecinae a fait l'objet d'un certainnombre d'études sur la reproduction, l'hibernation et lesmoyens de communication sonores. Ils ont tous unereproduction saisonnière et des portées composées d'ungrand nombre de petits (jusqu'à 32 dans le cas duTenrec). Ils hibernent totalement ou partiellement pen-dant la saison plus fraîche et sèche de l'hiver austral. Lessystèmes de communication sonores présentent la parti-cularité d'être des stridulations ultra-sonores produitesen cas d'alerte par le frottement d'un groupe de 12 à 18piquants situés en position médio-dorsale. Le régime ali-

mentaire est surtout composé de vers de terre et de larvesd'Insectes.

Le plus commun de ces Tenrecinae est le genre Tenrec(nom malgache Trandraka) qui se rencontre dans toutel'île, en zone boisée. Certains mâles adultes peuventatteindre 3 kg et ils sont très recherchés pour leur chairfort appréciée, surtout au début de la phase d'hiberna-tion en avril-mai.

Il existe trois autres genres de Tenrecinae : Hemicen-tetes, dans les forêts humides de l'est; Setifer et Echi-nops assez largement distribués et qui ont le dos totale-ment recouvert de piquants rigides leur permettant de serouler en boule pour se protéger.

Hemicentetes est la seule forme diurne, de couleur noirrayé de bandes blanches ou jaunes. Ce petit Insectivore(de 100 g environ) est très visible dans le sous-bois, enraison de son mécanisme de défense particulier: au pré-dateur éventuel, il présente son dos hérissé de piquants àbarbe détachable.

3.2. Les Oryzoryctinae

Ce sont des Insectivores de petite taille, à museauallongé, dont le poids atteint rarement plus de 100 g ; ilssont recouverts d'une fourrure dense, très soyeuse. Ilsont, comme les Tenrecinae, une tendance forestière mar-quée.

Il a été recensé plus de 25 espèces d'Oryzonyctinae.Citons par exemple, le genre Oryzoryctes, forme fouis-seuse des plateaux et du nord-ouest de Madagascar. LeGeogale de la région sud et ouest. Le genre Microgaleavec 21 espèces décrites mais dont le statut reste entière-ment à définir.

On peut enfin citer le genre Limnogale (L. mergulus) à

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patte palmée et qui a un mode de vie très différent desautres Oryzorectinae: c'est une forme typiquement aqua-tique mais rarement rencontrée dans les cours d'eau desplateaux et de la falaise orientale.

4. Les Rongeurs

Madagascar ne compte, actuellement que 17 espèces deRongeurs non importées, appartenant à 8 genres endémi-ques; ils relèvent tous de la famille des Cricetidae et de lasous-famille des Nesomynae.

On les rencontre surtout dans les forêts ombrophilesorientales (notamment le genre Nesomys) et une grandeespèce qui atteint près de 1 kg (Hypogeomys antimena)vit dans les forêts sèches de la région de Morondava,dans l'ouest du pays.

5. Problèmes de la protection desMammifères non Primates

Comme nous le voyons au travers des connaissancesactuelles des Carnivores et Insectivores, les mesures deprotection les plus appropriées sont celles qui préserventles habitats naturels même de petites dimensions, étantdonné la grande stabilité territoriale presque généralechez les Mammifères de Madagascar.

Ces milieux subissent actuellement des pressionsimportantes de la part de l'homme et les zones humides(vallées, bords de cours d'eau et marais) sont tout parti-culièrement touchées par les aménagements agricoles.

La forêt subit aussi de son côté des dégradations detype irréversible, inquiétantes par leur amplitude.

Il est, par contre, très délicat de prendre des mesuresde protection totale de ces espèces du fait qu'elles provo-quent parfois des dégâts non négligeables. Il ne me paraîtpas réaliste de leur donner le statut d'espèces intégrale-ment protégées dans l'immédiat. Par contre une régle-mentation des exportations et un contrôle rigoureux desélevages me paraît nécessaire.

Le faible taux de renouvellement des populations,assez général, et la grande stabilité territoriale plaident enfaveur d'une protection efficace, hors des zones proté-gées. C'est dans ces conditions qu'il me semble primor-dial de développer des plans de sauvetage d'individusmenacés par l'exploitation humaine, de secteurs fores-tiers ou de zones humides où les individus sont, paravance condamnés. L'élevage et la reproduction de cesespèces ne pose pas, dans l'ensemble, de problèmesinsurmontables; il me paraît intéressant d'envisager et depromouvoir ces solutions, trop souvent négligées jusqu'àprésent. Dans le même temps il reste, bien entendu,nécessaire de préserver efficacement tous les habitatsparticuliers et ceci de manière à assurer la pérennitéd'une population numériquement suffisante.

Tenrec (Hemicentetes semispinosus) de l'est de Madagascar. Toutes les espèces connues de Tenrecs, à l'exceptiond'une seule, sont endémiques de Madagascar. R.A. Mittermeier

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Les Rongeurs à Madagascar

Daniel A. Rakotondravony

1. Répartition géographique desdifférentes espèces

A Madagascar, les rongeurs occupent des niches écolo-giques variées: forêts, zones de steppes, environnementsagricoles, villes et villages, maisons d'habitation.

Ils appartiennent à deux familles; la première; les Cri-cetidae est endémique et la deuxième: les Muridae, intro-duite.

1.1 Cricetidae

Cette famille regroupe une seule sous-famille: celle desNesomyinae qui comprend 7 genres avec au total 18espèces décrites (F. Petter, 1962). La répartition quenous avons rapportée ici est celle de F. Petter.

1.1.1 Brachytarsomys albicauda

B. albicauda Günther, 1875: inféodé à la forêt de l'estde l'île.

Brachytarsomys albicauda villosa Petter, 1962 : répar-tition inconnue.

1.1.2 Brachyuromys Forsyth Major, 1896

Brachyuromys ramirohitra Forsyth Major, 1896

« Forêt des pays Betsileo et Andringitra (Fiana-rantsoa). Probablement dans une grande partie de laforêt orientale de l'île ».

B. betsileoensis, Bartlet, 1879

Présent dans le sud-ouest des pays Betsileo et dansl'Andringitra.

1.1.3 Eliurus Milne Edwards, 1885

E. myoxinus Milne Edwards, 1885Répartition probable: côte occidentale de Madagascar,forêts reliques de l'ouest, forêts reliques du centre et del'est.

E. m. myoxinus Milne Edwards, 1885

Répartition probable: forêts reliques de l'ouest.

E. m. majori Thomas, 1895: forêt du centre de l'île.

E. m. tanala Forsyth Major, 1896: forêt de l'est.

E. m. penicillatus Thomas, 1908: forêt du nord-est despays Betsileo (Ampinambe).

E. m. webbi Ellerman, 1949: forêt du nord-est despays Betsileo.

Eliurus minor Forsyth Major, 1896: forêts de l'est.

1.1.4 Gymnuromys Forsyth Major, 1896.

Gymnuromys roberti Forsyth Major, 1896: forêts del'est.

1.1.5 Hypogeomys Grandidier, 1869.

Hypogeomys antimena Grandidier 1869: forêt deMorondava.

1.1.6 Macrotarsomys Milne Edwards et Grandidier,1898.

M. bastardi Milne Edwards et Grandidier, 1898: forêtsde l'ouest. Les limites de répartition semblent être l'iso-therme de 20°C (F. Petter et G. Randrianasolo).

M. b. occidentalis Ellerman, 1949: forêt de Beroboka,Morondava.

M. ingens Petter, 1959: forêt d'Ankarafantsika (nord-ouest). Cette espèce est sub-fossile au sud-ouest de l'île.

1.1.7 Nesomys Peters, 1870.

Nesomys rufus Peters, 1870.

N. rufus rufus Peters, 1870: forêt de l'est.

N. r. audeberti Jentik, 1879: forêt du nord-est de Mada-gascar.

N. r. lambertoni Grandidier, 1928: forêt de Mainti-rano (côte ouest).

1.2. Muridae

Une seule sous-famille: Muridae

Rattus rattus Linné: présent dans toute l'île, il occupe

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toutes les niches écologiques terrestres (forêts, villes,steppes, champs de culture).

Rattus norvegiens: présent dans les villes portuaires etles grandes villes des hauts plateaux desservies par la voieferrée (Antananarivo, Antsirabe, Fianarantsoa).

Dans la ville d'Antananarivo, nos études actuellesmontrent que l'espèce forme les 97% des peuplements deRongeurs, laissant le reste aux R. rattus et Mus mus-culus.

La présence de R. norvegiens dans les différentes garesferroviaires est probable:

— entre Toamasina et Antananarivo

— entre Antananarivo et Antsirabe

— entre Fianarantsoa et Manakara.Mus musculus: présent dans toute l'île; occupe toutes

les niches écologiques terrestres.

2. Intérêt d'une étude scientifique sur lesrongeurs à Madagascar

L'étude des rongeurs à Madagascar est intéressante àplus d'un titre:

— intérêt scientifique fondamental pour les Crice-tidae;

— intérêt agronomique et social pour les Muridae.

2.1. Cricetidae

Les Cricetidae sont des rongeurs des milieux forestiers.Une prospection systématique des forêts reliques devraitêtre entreprise pour compléter l'inventaire de ces Ron-geurs.

La description de la dernière espèce nouvelle trouvée aété faite en 1962 par F. Petter.

La répartition géographique exacte des différentesespèces mérite une révision et un complément d'étudepour lever les incertitudes.

Très peu d'études ont été faites sur la biologie et l'éco-logie des Cricetidae malgaches.

Nous avons suivi la vie d'une population d'Elyuruspendant 2 ans dans la forêt d'Andranomay, à 100 km aunord d'Antananarivo. Cette population partage sonmilieu avec Rattus rattus. Nous avons constaté que les 2espèces se relaient dans le temps pour exploiter les res-sources de la forêt.

Nous nous proposons d'élucider une partie de ce pro-blème au cours de notre travail actuel, par une étude decaryotype.

Une étude de la biologie et de l'écologie de chaqueespèce est également commencée pour des raisons agro-nomiques telles que la défense des cultures, et des raisonssociales : par exemple pour lutter contre les transmis-sions de maladie comme la peste. L'étude de l'épidémio-logie de la peste est faite en collaboration avec l'InstitutPasteur de Madagascar.

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Randrianarivo, 1981. Réflexion sur la peste à Antananarivo. Minis-tère de la Santé, Tananarive. 16 pp.

2.2. Muridae

Les espèces de Muridae existant à Madagascar présen-tent des variations de pelage telles que certains auteursparlent de sous-espèces R. rattus rattus, R. r. alexan-drinus, R. r. frugivorus.

Nous avons pourtant capturé des individus de pelagetrès différent correspondant aux spécimens décritscomme sous-espèces aux mêmes endroits, parfois mêmedans le même piège, en même temps. La notion de sous-espèce n'est donc pas fondée ici.

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Oiseaux

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La conservation de la nature à Madagascar:la perspective du CIPO

N.J. Collar, T.J. Dee et P.D. Goriup

1. Introduction

Le Conseil international pour la protection des oiseaux(CIPO) part du principe simple que la disparition desespèces d'Oiseaux est à combattre et, dans ce rapportnous nous engageons à appliquer ce principe aux circons-tances particulières de Madagascar. Nous souhaitonssouligner l'idée que cette politique de conservation nedoit pas s'appliquer uniquement aux Oiseaux: au con-traire, c'est une méthode que l'on pourrait appliquer àtoute la faune sauvage malgache. L'île possède un sigrand nombre d'espèces animales et végétales menacées,que d'en traiter individuellement serait impossible, tantsur le plan pratique que sur le plan financier; de la mêmemanière, s'occuper des quelques espèces dont il est pos-sible de financer la sauvegarde serait largement insuffi-sant et proprement injuste.

La capacité de vol des Oiseaux ainsi que la proximitédu continent laisseraient croire que beaucoup d'espècesmalgaches sont également présentes en Afrique; en fait iln'en est rien, car l'avifaune de Madagascar est très large-ment endémique. D'après la taxonomie reconnue deMorony et al. (1975), et avec quelques petits ajustementspour tenir compte des opinions subséquentes, on trouveque sur les 197 espèces d'Oiseaux nicheurs de Mada-gascar 106 (53%) sont endémiques de l'île (auxquelles ilfaut ajouter 25 espèces qu'on ne trouve ailleurs que dansles Comores, soit 131 espèces (ou 66%) d'Oiseaux endé-miques de Madagascar et des îles). De ces 106 espècestotalement endémiques, 32 (30%) appartiennent à desgenres endémiques (on compte 8 genres supplémentairesqui ne se trouvent qu'à Madagascar et aux Comores). Iln'y a donc pas moins de cinq familles endémiques, lesMésites Mesitornithidae (trois espèces), les Brachypté-rolles Brachypteraciidae (cinq espèces), les Courols Lep-tosomidae (une espèce, se trouvant également auxComores), les Philépittes Philepittidae (quatre espèces) etles Vangas Vangidae (14 espèces, dont une égalementcommune aux Comores), plus une sous-famille, lesCouas Couinae (dix espèces, dont une en commun avecles Comores) de la famille des Coucous Cuculidae.

Les données publiées sur la répartition et l'écologie des

Oiseaux endémiques de Madagascar sont résumées dansDee (1986), et l'analyse la plus récente des espèces mena-cées de disparition sur l'île est celle de Collar et Stuart(1985). Ces derniers déterminent, au total, 28 espècesmenacées dont seulement une a été vue en dehors deMadagascar (voir Tableau 1). Ils individualisent aussi 14espèces qui peuvent devenir menacées, dont deux existentaussi en dehors de l'île. Le pourcentage d'espèces mena-cées à Madagascar est donc remarquablement élevé (26%de l'avifaune endémique, 40% si l'on inclut les espècespotentiellement menacées); on attribue en grande partiece phénomène à la spéciation sur l'île, résultat du simplepartage écologique, qui a fait que des populations de cer-taines espèces se sont souvent concentrées sur de petiteszones vulnérables. Même certaines espèces bien répan-dues semblent être peu abondantes, ce qui est inquiétant.C'est surtout l'apparente destruction de la forêt denseorientale qui est responsable de la forte estimation desespèces menacées sur l'île: en effet, 83 (ou 78%) desespèces endémiques vivent dans cette zone (dont 32(30%) ne se trouvent que dans ces forêts, les autres pou-vant fréquenter plusieurs habitats).

Les 28 espèces menacées devront être à la base de lastratégie de conservation Ornithologique à Madagascar,et les initiatives majeures devront partir de cette optique.Néanmoins, nous croyons que les espèces endémiquesd'un pays doivent toujours être considérées comme prio-ritaires (jusqu'à un certain point) dans la stratégie natio-nale de conservation, même si elles ne sont pas spécifi-quement en danger. L'effort consacré à ces espèces seranaturellement variable selon leur abondance et leurrépartition; il est quand même important de veiller à ceque des espèces présentes à la limite de leur domainevital, ne deviennent pas plus importantes dans la stratégiede conservation du pays que d'autres espèces dont cemême pays assure entièrement, ou presque entièrement,la survie (ce problème apparaît couramment dans lesLivres rouges nationaux comme le disent Collar et Stuart(1986). L'analyse suivante vise donc à proposer les élé-ments de base d'une stratégie qui tente de traiter de latotalité de l'avifaune endémique de Madagascar.

Il faut donc insister sur le point suivant: la distribution

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TABLEAU 1

ESPÈCES D'OISEAUX MENACÉESA MADAGASCAR

KEKVEEERKRIKRExIRRRRI

RRRRRKII

ExEV*

Tachybaptus pelzelniiTachybaptus rufolavatusArdea humblotiAnas bernieriAythya innotataHaliaeetus vociferoidesEutriorchis asturMesitornis variegataMesitornis unicolorMontas benschiSarothrura watersiAmaurornis olivieriCharadrius thoracicusCoua delalandeiTyto soumagneiBrachypteracias leptosomusBrachypteracias squamigerAtelornis crossleyiUratelornis chimaeraNeodrepanis hypoxantha

Phyllastrephus appertiPhyllastrephus tenebrosusPhyllastrephus cinereicepsXenopirostris damiiXenopirostris polleniMonticola bensoniCrossleyia xanthophrysNewtonia fanovanae

= Eteinte= Menacée= Vulnérable= Non spécifique à l'île

Grèbe de PelzelnGrèbe roussâtreHéron de Humblot*Sarcelle de BernierMilouin de MadagascarPygargue malgacheAigle autourMésite variéeMésite unicoloreMonias de BenschRâle de WatersMarouette d'OlivierPluvier à bandeau noirCoua de DelalandeEffraye de SoumagneBrachyptérolle leptosomeBrachyptérolle écailléBrachyptérolle de CrossleyBrachyptérolle à longue queueNéodrepanis caronculé deSalomonsenBulbul d'AppertBulbul obscurBulbul à tête griseVanga de Van DamVanga de PollenMonticola de BensonOxylabe à sourcils jaunesGobe-mouche de Fanovana

I = Statut indéterminéR = RareK = Peu connue

TABLEAU 2

ESPÈCES POTENTIELLEMENT MENACÉESA MADAGASCAR

* Ardeola idaeLophotibis cristataAviceda madagascariensisCircus maillardiAccipiter henstiiAccipiter madagascariensisFalco zoniventrisCoua verreauxiAtelornis pittoidesOriolia bernieriHartertula flavoviridisDromaeocercus brunneus

* = Non spécifique à l'île

Crabier blancIbis à cimierBaza malgacheBusard de la RéunionAutour de HenstEpervier de MadagascarFaucon à ventre rayéCoua de VerreauxBrachyptérolle pittoideOriolie de BernierEroesse à longue queueDromaeocerque brun

des Oiseaux à Madagascar est encore très peu connue.Par conséquent, la stratégie dont nous allons poser lesgrandes lignes est principalement composée d'un travaild'inventaire. Le reste des recommandations sont cellesqui nous semblent les plus appropriées, compte tenu desrenseignements disponibles, mais elles devront êtrerevues à mesure que les nouvelles enquêtes modifierontnos connaissances des espèces en question.

2. Sites comme unités de conservation

Dans la plupart des cas, il n'est pas nécessaire desauver les Oiseaux menacés, espèce par espèce. Collar etStuart (sous presse) ont démontré que les forêts quihébergent deux ou plusieurs espèces sympatriques peu-vent être considérées comme unités de conservation. Ceprincipe s'applique naturellement à tous les habitats etlocalités où les espèces menacées (quelles qu'elles soient)sont sympatriques. On peut diviser Madagascar enquatre types d'habitats: la forêt dense orientale, la forêtclaire occidentale, la région méridionale subdésertique etles prairies du plateau central (Fig. 1); en ce qui concerneles Oiseaux menacés, il faut aussi prendre en considéra-tion plusieurs zones humides et littorales. Treize espècesmenacées fréquentent la forêt dense orientale, troisvivent dans la forêt claire occidentale, deux se trouventen zone subdésertique et une sur le plateau central. Surles zones humides, on compte huit espèces en danger(dont trois se trouvent uniquement dans l'ouest) et sur lelittoral on compte encore deux espèces, dont une égale-ment commune aux zones humides.

Une carte de la répartition de ces espèces (Fig. 2)montre leur degré de sympatrie. Sur cette figure ons'aperçoit que, dans des circonstances idéales, il suffiraitde protéger entièrement cinq zones (voir Fig. 3) pourassurer la conservation de 22 des 28 espèces menacées.Ainsi, la "forêt de Sihanaka", au sud-est du lac Alaotra,héberge 11 des 13 espèces menacées qui sont inféodéesaux forêts denses; l'ensemble des lacs Bemamba/Ma-sama possède quatre espèces d'Oiseaux d'eau (ou espècesassociées); le plateau de L'Ankarafantsika (déjà protégé)héberge deux espèces inféodées à la forêt claire; enfin,entre les fleuves Mangoky et Fiherenana, on trouve lesdeux espèces subdésertiques (le lac Ihotry, à l'intérieur decette zone, possède aussi une espèce menacée d'oiseaud'eau).

Nous ne prétendons pas, bien sûr, que la protectiontotale, et la gestion adéquate, de ces cinq régions pour-raient remplacer tous les efforts de conservation enversces 22 espèces menacées. En outre, il est possible que l'unde ces sites, le lac Alaotra, ne vaille plus la peine d'êtresauvé. Cela n'empêche pourtant pas que de tels sitespuissent être le point de départ d'une approche ration-nelle de la conservation de l'avifaune de Madagascar. Enfait, les espèces endémiques non menacées ou potentielle-ment menacées qui profiteraient de la protection de cescinq sites (d'après Dee, 1986) sont au moins au nombrede 62, dont 30 à Sihanaka, neuf à Alaotra, cinq àBemamba, une à Ankarafantsika, et 27 dans la région dulac Ihotry. Ces chiffres sont des minima, car ces zonesn'ont fait l'objet que d'enquêtes superficielles; il fautconsidérer que le total calculé du nombre d'espèces pré-sentes sur chaque site n'est pas un chiffre réel, puisquebeaucoup d'espèces endémiques se trouvent indifférem-ment dans deux ou plusieurs sites.

Il y a de nombreuses autres zones où les espèces mena-cées présentent une importante sympatrie (Fig. 2). Eneffet, si l'on considère la forêt dense orientale, il est évi-dent que la totalité de ce biotope est une zone de sympa-trie pour beaucoup d'espèces menacées (et même vrai-

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semblablement, pour la plupart d'entre elles). Les rai-sons pour lesquelles Sihanaka semble particulièrementfréquentée, ainsi que les problèmes liés au manquegénéral d'exploration et à l'absence de connaissances surl'état des autres forêts denses, seront traités ci-après (sec-tion 5). A cet égard, il est clair qu'il faut faire connaîtrel'importance du plus grand nombre possible de sites pos-sédant des espèces menacées, afin qu'ils profitent d'uneprotection (quelle que soit son ampleur), et qu'ils ne dis-paraissent pas par simple négligence. Dans la section 3,nous discuterons des zones de forêt dense (dans l'axenord-sud) qui hébergent plus d'une espèce menacée, etnous ferons de même pour les autres types d'habitatsdans la section 4 (dans les deux cas, nous chiffrerons lenombre d'espèces non menacées, y compris celles quisont potentiellement menacées). La section 5 traitera dessites qui nous semblent importants, bien que les preuvesmanquent. Dans la section 6, on considérera les zonesimportantes pour les espèces endémiques non menacées,ainsi que les sites hébergeant des populations notablesd'espèces non endémiques. Finalement, dans la septièmesection, on trouvera une évaluation de l'efficacité desaires protégées déjà existantes. Toutes ces discussionspréliminaires mènent à la section 8, où se trouve exposéenotre stratégie pour la conservation des Oiseaux deMadagascar, et à la section 9, notre plan d'action priori-taire pour la mise en oeuvre de la stratégie.

3. Zones importantes de forêt dense

Le massif du Tsaratanana, grande région de monta-gnes assez isolée, s'étend des forêts denses orientales versle nord, et aboutit au nord-ouest dans la région ver-doyante du Sambirano; l'avifaune de ce massif est encoremal connue, mais on a signalé la présence d'Atelorniscrossleyi, Phyllastrephus cinereiceps et Crossleyia xan-thophrys. Au moins 27 espèces endémiques (mais nonmenacées) y ont été dénombrées.

Marojejy et la région à l'ouest d'Andapa constituentune autre grande étendue montagneuse, où les espècesSarothrura watersi, Brachypteracias leptosomus, B.squamiger, et Atelornis crossleyi ont été déterminées; oncroit aussi y avoir vu Eutriorchis astur et Xenopirostrispolleni. Il est possible que la forêt à l'ouest d'Andapa, oùl'on a identifié les quatre premières espèces ci-dessus,n'existe plus car elle a été explorée seulement une fois en1930. Quoi qu'il en soit, on lui attribue au moins 43espèces endémiques non menacées.

Les forêts situées autour de la Baie d'Antongil (saufcelle de Masoala) possédaient les espèces Eutriorchisastur, Mesitornis unicolor, Brachypteracias leptosomus,B. squamiger et Xenopirostris polleni lors des explora-tions des années 1870 et de 1930. Aujourd'hui, l'état deces forêts est inconnu, mais la plupart (sinon toutes) deszones à basse altitude ont apparemment été défrichées.On y a déterminé au moins 39 espèces endémiques nonmenacées.

La presqu'île de Masoala est une région escarpée, enpartie déboisée, où Brachypteracias leptosomus et B.squamiger sont connues; on suppose que Tyto souma-

gnei y est présente et on soupçonne l'existence d'Eutrior-chis astur. Au moins six espèces endémiques non mena-cées ont été identifiées dans cette région.

La « forêt de Sihanaka » doit son nom (inexact,puisque les Sihanaka vivent à l'ouest de cette forêt) à desexplorateurs d'une époque antérieure. Il s'agit d'uneétendue de forêt dense parallèle à la côte est, formant unebande au sud et à l'est du lac Alaotra. De 1880 à 1925,cette région (surtout la partie située entre Didy et Fito) afourni bon nombre de spécimens aux museums, mais onl'a depuis presque complètement négligée sur le planOrnithologique, à tel point qu'il est difficile de savoir cequ'il en reste (voir Collar et Stuart, sous presse). Eutrior-chis astur, Mesitornis unicolor, Tyto soumagnei, Bra-chypteracias leptosomus, B. squamiger, Atelornis cros-sleyi, Neodrepanis hypoxantha, Phyllastrephus tene-brosus, P. cinereiceps, Xenopirostris polleni et Cros-sleyia xanthophrys ont été vues à Sihanaka. En tout, aumoins 30 espèces endémiques non menacées y sont con-nues.

Les forêts de Périnet et de Fanovana et leurs environspossèdent les mêmes espèces que la "forêt de Sihanaka"avec en plus Sarothrura watersi et Newtonia fanovanae.Pourtant, ces forêts sont adjacentes à la route principalequi relie la capitale à son port le plus important, et ellesont subi énormément de déboisement; par exemple, àFanovana, la forêt d'où provient le seul spécimen, et laseule observation, de Newtonia fanovanae n'existe plus.L'importance apparente du déboisement est telle qu'ellemet en doute l'existence du reste de ces forêts, sauf pourles 810 ha à Périnet même. (Il faut attribuer le nombreélevé d'espèces menacées repérées dans ces forêts à laforte pression d'observation dans cette zone faciled'accès; ceci renforce notre argumentation (sections 5et 8) qui veut que les parties les plus mal connues de laforêt dense fassent l'objet d'enquêtes urgentes). Il y a aumoins 46 espèces endémiques non menacées connuesdans cette région.

« Forêts d'Imerina, partie est » est une appellationapparaissant sur des étiquettes de spécimens de Tyto sou-magnei, Neodrepanis hypoxantha, Xenopirostris polleniet Crossleyia xanthophrys capturés au 19e siècle. Il s'agitdes parties hautes de la forêt à l'est d'Antananarivo(comprenant Andrangoloaka, d'un intérêt tout particu-lier pour N. hypoxantha) que l'on dit déboisées à l'heureactuelle. La présence d'au moins 14 espèces endémiquesnon menacées a été notée.

La forêt de Lakato héberge, d'après les archives, Mesi-tornis unicolor et Crossleyia xanthophrys. Ce site n'estpas indiqué sur la figure 2, mais il se trouve directementau nord-ouest du « FQ » qui représente Ampasimaneva.

Ampasimaneva, dans la vallée du Mangoro (19°24'S,48°04'E) représente l'habitat type d'Eutriorchis astur etd'Atelornis crossleyi (et, d'après son profil, peut-êtremême de Crossleyia xanthophrys). Depuis 1874, annéeoù ces espèces ont été déterminées, cette région ne semblepas avoir été visitée. Pourtant, la vallée du Mangoro estcréditée de neuf espèces endémiques non menacées.

Les forêts de Tsarafidy et de Nandihizina (21°11'S,47°15'E et 20°47'S, 47°10'E) sont deux vestiges minus-

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Fig. 1

Fig. 2

Fig. 3

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cules de forêts à l'ouest de la bande supérieure de forêtdense près de Fianarantsoa, dont la première explorationet documentation date des années 1880. Tsarafidy a étéredécouverte en 1960 et revisitée en 1971, mais Nandihi-zina « est réduite à quelques lambeaux forestiers isolés »(I. Tattersall in litt., 1985). On y a noté la présence dePhyllastrephus cinereiceps, Xenopirostris polleni etCrossleyia xanthophrys. On compte en tout 14 espècesendémiques non menacées pour cette région.

4. Autres zones importantes

les fleuves Mangoky et Fiherenana). Au moins 27 espècesendémiques, mais non menacées, ont été aperçues sur cesite.

La forêt Zombitsy possède l'une des deux ou troispetites populations de Phyllastrephus apperti encoreexistantes et Monticola bensoni y a également étéobservée en dehors de la saison de reproduction.

5. Sites mal connus probablementimportants

A la pointe nord de l'île, la côte ouest héberge appa-remment une colonie d'Ardea humbloti, l'espèceHaliaeetus vociferoides et, dans le passé, l'espèce Anasbernieri. Pourtant, l'imprécision dans la déterminationdes localités fréquentées par ces espèces rend impossiblel'identification d'éventuelles zones de sympatrie.

Sur Nosy Bé, on trouve Ardea humbloti et Haliaeetusvociferoides, bien que leur abondance soit peut-êtrefaible. On y compte huit espèces endémiques non mena-cées.

Mahajanga (Majunga) et la Baie de Bombetoka consti-tuent une région qui héberge Ardea humbloti, Anas ber-nieri et Haliaeetus vociferoides. En tout, 16 espèces nonmenacées se trouvent dans cette région.

Le lac Kinkony est un site important pour Ardea hum-bloti, Anas bernieri et Haliaeetus vociferoides. Il y a aumoins trois espèces endémiques non menacées dans cetterégion.

Le plateau de l'Ankarafantsika et le lac Ampijoroaconstituent un site important pour quatre espèces mena-cées, deux dans les forêts du massif (Mesitornis varie-gata et Xenopirostris damii), et deux sur le lac et ses alen-tours (Ardea humbloti et Haliaeetus vociferoides).Lophotibis cristata y a été noté aussi.

Le lac Alaotra est le site majeur pour les espècesTachybaptus rufolavatus, et Aythya innotata T. pel-zelnii existe (ou existait) également à cet endroit. On y avu aussi Ardea humbloti, de même qu'Anas bernieri(bien qu'elle n'apparaisse pas sur la figure 2). La chasse,la pisciculture et la riziculture se sont accrues dans cettezone à un point tel que presque toute la faune localesemble être menacée. Au moins neuf espèces endémiquesnon menacées y ont été aperçues.

L'ensemble des lacs Bemamba et Masama, à l'ouestd'Antsalova, s'est révélé être d'une importance capitalepour Anas bernieri et Haliaeetus vociferoides; présenceégalement de Ardea humbloti et Amaurornis olivieri. Ona localisé au moins cinq espèces non menacées dans cetterégion.

Le lac Ihotry, et ses environs subdésertiques, est un siteimportant pour quatre espèces menacées, dont deux setrouvent sur le lac même (Tachybaptus pelzelnii et Ardeahumbloti), les deux autres (Monias benschi et Uratelornischimaera) fréquentant les broussailles subdésertiquesadjacentes (mais uniquement celles qui sont situées entre

La discussion qui suit est obligatoirement spéculative,vu le peu d'informations disponibles. Néanmoins, le tra-vail de compilation effectué par Collar et Stuart (1985) adémontré que toute une gamme de documents existe, quece soit sous forme de spécimens ou d'écrits antérieursdepuis lors oubliés, l'ensemble fournissant la preuve quele domaine vital de nombreuses espèces est en fait plusétendu qu'on ne le croit. Il y a, par exemple, des localitésde la côte est qui hébergeaient auparavant Haliaeetusvociferoides et Charadrius thoracicus, mais elles n'ontpas fait l'objet de visites au 20e siècle; on ne peut doncpas supposer que ces espèces n'y sont plus présentes, niqu'aucune autre localité sur le littoral avoisinant n'abritede telles populations.

Collar et Stuart (1985) sont les premiers à établir queMesitornis unicolor a été vue au nord aussi loin que lesforêts denses de la Baie d'Antongil, et que les deuxespèces Brachypteracias squamiger et Xenopirostris pol-leni ont été notées au sud jusque dans l'arrière-pays deTaolanaro (Fort Dauphin); de la même manière, Ate-lornis crossleyi a été observée dans la région de Vondrozo(contact le plus méridional) lors d'une mission Ornitholo-gique effectuée en 1984. Ces données, auxquelles on peutajouter la découverte des espèces Phyllastrephus cinerei-ceps et Crossleyia xanthophrys dans le massif du Tsara-tanana, à des centaines de kilomètres au nord de leurdomaine vital reconnu, comme celle de l'espèce Mesi-tornis unicolor à Manantenina (reconfirmée par Appert,1985) à des centaines de kilomètres au sud de son aire,confortent la thèse suivante: beaucoup, si ce n'est la plu-part, des espèces endémiques de la forêt dense (y comprisles espèces menacées) colonisent toute la bande compriseentre Sambirano et les chaînes Anosyennes. La réparti-tion des espèces apparaît morcelée, mais c'est en fait lerésultat de la manière inégale dont furent faites lesenquêtes Ornithologiques. (L'inégalité de la couverture,comme la possibilité que les migrations à travers la forêtmodifient les chiffres de répartition, justifient lesréflexions supplémentaires faites à la section 8). Donc,l'importance apparente de la « forêt de Sihanaka » et dela région de Périnet est vraisemblablement due à un arté-fact lié à la distribution inégale du travail de terrain.

La forêt dense à la latitude de Nosy Borah (Ile SainteMarie) est, d'après l'IGNT (1964) et d'autres cartescomme celles de la distribution forestière ayant servi àl'élaboration de la figure 1, la région où la partie orien-tale de cet habitat atteint sa largeur maximale (la forêt de

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Falculea palliata est un membre de la famille endémique des Vangidae. Celui-ci a été photographié au nord du Tuléar.

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R.A. Mittermeier

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Sihanaka au sud en forme au contraire la partie la plusétroite). Il n'est pas évident que cette région ait faitl'objet d'investigations Ornithologiques, bien que le récitassez vague de Humblot (1882) laisse croire qu'il l'a peut-être traversée (ce serait alors ici qu'il aurait obtenu sesspécimens d'Eutriorchis astur et Tyto soumagnei). C'estégalement le seul endroit où l'on pourrait encore espérertrouver l'espèce Coua delalandei. Nous considérons quel'exploration de ces forêts, si tant est qu'il en existeencore de grandes surfaces, est une priorité absolue puis-qu'elles hébergent vraisemblablement des populationsd'Oiseaux de toutes les espèces inféodées à la forêt densede Madagascar.

La forêt dense de Périnet jusqu'à Fianarantsoa au sudconstitue une bande beaucoup plus étroite que la forêtnord, mais presque complètement inconnue, sauf autourde Fianarantsoa même (explorée par Deans Cowan,1882). On ne sait rien sur l'état actuel des lieux.

La forêt dense de Fianarantsoa jusqu'à Taolanaro(Fort Dauphin) est encore plus étroite, mais elle possèdequatre espèces menacées endémiques (bien que l'enquêtequi a produit cette information soit apparemment peuapprofondie). On peut donc s'attendre à trouver d'autresespèces dans les parcelles de forêts toujours existantes.

Les zones humides du plateau central couvrent à peuprès 300 km au nord et au sud d'Antananarivo. Dans lepassé, on y a noté Tachybaptus pelzelnii, T. rufolavatus,Ardea humbloti, Aythya innotata et Sarothrura watersi,sans qu'il soit toujours possible de trouver des référencesquant aux localités. Vu sa taille, on pense que cetterégion héberge encore des populations de ces espèces àdes endroits encore mal connus.

Les zones humides de la côte est, de Sambava vers lenord, n'ont apparemment pas été explorées au 20e siècle.Au 19e siècle pourtant, on y a vu Haliaeetus vocife-roides et vraisemblablement Ardea humbloti et Anas ber-nieri, ce qui semble indiquer que les enquêtes peuvent serévéler fructueuses.

Les zones humides de la côte est, de Tamatave vers lesud, semblent ne pas avoir été explorées depuis 1900. Vules espèces présentes à l'époque (Charadrius thoracicus),ou susceptibles de s'y trouver encore (Ardea humbloti,Anas bernieri et Haliaeetus vociferoides), nous recom-mandons des enquêtes dans la région.

Les zones humides de la côte ouest, surtout autour duCap St André, sont des localités vraisemblables pour lesespèces menacées caractéristiques des marais et lacs del'ouest de Madagascar (par exemple, Ardea humbloti,Anas bernieri, Haliaeetus vociferoides et Amaurornisolivieri). Cette région est très vaste car elle comprend leszones de mangroves et de marais depuis Nosy Bé jusqu'àMahajanga (Majunga), et de Mahajanga encore plus ausud jusqu'aux lacs Bemamba et Masama, soit la moitiéde la côte ouest. Certains endroits ont été explorés maisle très fort degré d'échancrure de la côte entre Nosy Bé etMahajanga suggère que les explorations n'ont pas étéconduites de manière exhaustive. En outre, les zoneshumides entre Ankasakasa/Cap St André et Tamboho-rano (voir l'IGNT, 1984) semblent avoir été entièrementnégligées par les ornithologues.

6. Sites importants pour les espèces endé-miques non menacées et les espèces nonendémiques

Toute zone importante pour les espèces menacées deMadagascar est également importante pour les espècesendémiques non menacées. Les mesures de protectiondestinées aux espèces endémiques menacées peuventdonc être favorables à l'avifaune non menacée. Le tra-vail de localisation de Sarothrura watersi, par exemple,incluera la cartographie de l'habitat de l'espèce allopa-trique, Dromaeocercus (Amphilais) seebohmi, actuelle-ment non menacée, et toute action pour la conservationde la première espèce sera sûrement bénéfique à laseconde. La plupart, sinon la totalité, des espèces endé-miques de Madagascar profitera de la stratégie de conser-vation décrite à la section 8.

Les espèces non endémiques de Madagascar ont ététrès peu étudiées; on connaît seulement quelques-uns deleurs habitats les plus importants. En ce qui concerne lesOiseaux de mer, citons les îles Nosy Tsara au large de lacôte nord-est (avec les espèces Sterna dougallii, S. bergiiet 5. fuscata), Nosy Dombola, au large de la côte est (S.dougallii, S. bergii, S. fuscata et Anous stolidus), NosyMborono, au large de la côte sud-ouest (Sterna caspia, S.anaethetus et S. fuscata) et Nosy Manitra, au large de lacôte sud-ouest (S. anaethetus, S. dougallii et S. fuscata),qui sont des sites méritant tous un statut de protection.En 1948, on a dénombré 4000 couples dans la colonie deS. dougallii sur Nosy Manitra, et c'est peut-être la seulepopulation d'Oiseaux nicheurs non endémiques impor-tante au niveau mondial (à l'avenir, cette espèce entrerasûrement dans le Red Data Book: Collar et Stuart, 1985).

L'intérêt que manifestent les populations locales pourles oeufs d'Oiseaux de mer, principalement les oeufs desternes, constitue une menace pour les colonies. Pourautant qu'on sache, il n'y a pas de prédateurs dans lesîles, hormis l'homme, et il n'y a pas non plus de projetsde protection des colonies. Dans un premier temps, ilfaut donc initier des enquêtes permettant de localiser lesdifférentes populations qui fréquentent ces îles, jusqu'iciinexplorées, pour déterminer ensuite l'impact des col-lectes d'oeufs sur les colonies de Sternes déjà connues,afin de les protéger si nécessaire.

Le lac Ihotry, à l'ouest, et le lac Tsimanampetsotsa, ausud-ouest, sont des sites déjà connus pour leur impor-tance et hébergent des colonies de Flamants Phoenicop-terus ruber et Phoeniconaias minor. Bien que les moda-lités de leur conservation ne soient pas évidentes, lespopulations de Faucons Falco eleonorae et F. concolor(hivernants, non nicheurs) sont encore plus précieuses auplan international. En effet, Madagascar est la zone pré-férée de ces deux espèces en dehors de la saison de repro-duction, et on les trouve dans plusieurs localités et habi-tats différents des mois de novembre à mai (F. concolorfréquente plus volontiers les plans d'eau de l'ouest et dusud-ouest). Même si la protection de ces deux espècess'avère difficile, il faudrait au moins faire disparaître legenre Falco de la liste des espèces nuisibles.

Madagascar possède également d'importantes popula-

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tions de Hérons nicheurs, dont Ardea humbloti (espècemenacée) et Ardeola idae (potentiellement menacée),auxquelles il faut ajouter des sous-espèces endémiquesd'Ardea cinerea et d'A. purpurea. Ces héronnières méri-tent une protection totale, car la loi actuelle va àrencontre de cette idée (A. cinerea et A. purpurea,malgré l'endémisme de leurs sous-espèces, sont considé-rées comme vermines). Madagascar héberge aussi deuxsous-espèces de Falco peregrinus (radama) et Upupaepops (marginata) parfaitement individualisées, et assezrépandues bien que la première soit considérée par King(1978-1979) comme menacée. Ceci est un argument sup-plémentaire à la suppression du genre Falco de la liste desespèces nuisibles.

7. Valeur des zones protégées existantes

Les zones protégées de Madagascar sont décrites parAndriamampianina et Peyrieras (1972), ainsi que parAndriamampianina (1981). Nous suivrons ici leur pré-sentation, en commençant tout d'abord par les réservesintégrales de 1 à 12, puis par les deux parcs nationaux,pour terminer par la réserve spéciale (cf. Fig. 3). Les don-nées sur l'avifaune de ces réserves proviennent des deuxauteurs nommés ci-dessus, de même que de Collar etStuart (1985) et Dee (1986).

R.N.I. No 1: le massif de Betampona (2228 ha) pro-tège une très petite partie de la forêt dense orientale àl'est de la « forêt de Sihanaka » et on ne lui attribue pasd'espèces d'Oiseaux menacées. L'espèce potentiellementmenacée Lophotibis cristata y est présente, accompagnéed'au moins quatre espèces endémiques non menacées.

R.N.I. No 2: la forêt de Masoala (30 000 ha, déclassée)protégeait auparavant une vaste surface de forêt, s'éten-dant de la côte jusqu'à une altitude de 1000 mètres. On ya localisé au moins six espèces endémiques non mena-cées.

R.N.I. No 3: le massif du Zahamena (73 160 ha) setrouve à l'intérieur de la « forêt de Sihanaka », au nordde Didy et Fito et à l'est du lac Alaotra. Il n'y a pas derapports précis sur la présence d'espèces d'Oiseaux, àl'exception de Lophotibis cristata, qui est potentielle-ment menacée; grâce à la disposition de cette réservedans la « forêt de Sihanaka », elle est pourtant la zoneprotégée la plus importante de Madagascar. On ditqu'elle possède "la plupart des Oiseaux de l'est" et on ya repéré au moins 30 espèces endémiques non menacées.(Cette aire protégée a fait l'objet d'une étude du CIPOorganisée par l'université de Londres en 1985 ; les résul-tats devraient être publiés en 1987).

R.N.I. No 4: le massif du Tsaratanana (48 622 ha)s'étend sur une grande partie du massif; la présenced'Atelornis crossleyi, Phyllastrephus cinereiceps et Cros-sleyia xanthophrys est prouvée pour la région en général,mais pas pour la réserve. Au moins 27 espèces endémi-ques non menacées y ont été vues.

R.N.I. No 5: le massif d'Andringitra (31 160 ha), à80 km au sud de Fianarantsoa, comprend une partie deforêt dense à moyenne altitude sur ses versants sud-est, lereste étant pour la plupart dégradé en prairies. Il n'y a

aucune information disponible sur l'avifaune de cemassif.

R.N.I. No 6: la forêt de Lokobe (740 ha), sur l'île deNosy Bé, est en partie composée de forêt sempervirentehumide où les Oiseaux sont "abondants". Par contre, onne lui attribue pas l'habitat fréquenté par Ardea hum-bloti ou Haliaeetus vociferoides.

R.N.I. No 7: le plateau de l'Ankarafantsika(60 250 ha) à 40 km au nord-ouest d'Ambato-Boéni,possède d'importantes étendues de forêt décidue pri-maire et secondaire où se trouvent Mesitornis variegataet Xenopirostris damii (ce dernier ne se trouve nulle partailleurs) et un éventail d'espèces « assez représentatif »de ce biotope. On a trouvé Ardea humbloti et Haliaeetusvociferoides au lac Ampijoroa (adjacent au plateau),mais c'est un site non protégé.

R.N.I. No 8: Tsingy de Namoroka (21 742 ha) à100 km au sud-ouest de Mahajanga (Majunga) et au sudde Soalala, comprend plusieurs habitats, dont la forêtsèche dense et la savane. Les espèces d'Oiseaux sont« nombreuses », mais la seule dont on donne le nom estCoua coquereli. Amaurornis olivieri a été repérée près deSoalala, mais sur une localité se trouvant à l'extérieur dela réserve. On a compté au moins huit espèces endémi-ques non menacées dans la région.

R.N.I. No 9: Tsingy de Bemaraha (152 000 ha), à l'estd'Antsalova, renferme plusieurs types d'habitats dont lasavane et la forêt sèche dense. On y a déterminé Tachy-baptus rufolavatus et au moins cinq autres espèces endé-miques non menacées.

R.N.I. No 10: le lac Tsimanampetsotsa (43 200 ha), à100 km au sud de Toliara (Tuléar), est un lac saumâtrepeu profond; la réserve comprend le lac entier avec plu-sieurs types de végétation subdésertique. Son avifauneest de loin la mieux connue de toutes les zones protégéesde Madagascar, à l'exception possible de Périnet.L'espèce menacée Charadrius thoracicus y est présente.Le site héberge des populations nicheuses de flamantsPhoenicopterus ruber et Phoeniconaias minor, et aumoins 16 espèces endémiques non menacées.

R.N.I. No 11: le massif d'Andohahela (76 020 ha), à40 km au nord-ouest de Taolanaro (Fort Dauphin), con-tient les habitats subdésertiques du sud ainsi que la par-celle de forêt dense orientale la plus méridionale de l'île.On dit que l'avifaune y est « très riche », mais on n'avraiment identifié qu'une espèce, Brachypteracias squa-miger (menacée), à la limite de la réserve (peut-être mêmeen dehors).

R.N.I. No 12: le massif de Marojejy (60 150 ha), justeau nord-ouest d'Andapa, est en grande partie formée deforêt dense primaire et, naturellement, l'avifaune y estdite « riche ». Le nombre d'espèces menacées vues dansla réserve est pourtant limité; seuls les brachyptérollesBrachypteracias leptosomus, B. squamiger et Atelorniscrossleyi la fréquentent certainement, et on suppose laprésence d'Eutriorchis astur et Xenopirostris polleni.Dans l'ensemble, la région compte au moins 43 espècesendémiques non menacées.

Le Parc national de l'Isalo (81 540 ha) est une régionde massifs fortement déboisés au sud de la partie centrale

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de l'île. Son principal intérêt Ornithologique est la protec-tion d'une population de Monticola bensoni en saison denidification (elle migre vers l'ouest après la reproduc-tion).

Le Parc national de la Montagne d'Ambre (18 200 ha)dans le nord de Madagascar, directement au sud d'Ant-seranana (Diego Suarez), est composé en grande partiede forêt humide, mais n'héberge, à notre connaissance,aucune espèce d'oiseau menacée. On compte au moins 13espèces endémiques non menacées pour l'ensemble de larégion.

La Réserve de faune (Réserve spéciale) de Périnet Ana-lamazaotra (810 ha) se trouve à l'est de Moramanga, surla route d'Antananarivo à Toamasina (Tamatave). Elleest située dans la grande forêt dense orientale et, pourcette raison, a été beaucoup visitée par les ornithologues.Le nombre d'espèces menacées sur la réserve et ses envi-rons atteint le chiffre le plus élevé de toutes les réservesmalgaches (il faut considérer que la pression d'observa-tion est plus forte ici qu'ailleurs) avec: Eutriorchis astur,Mesitornis unicolor, Sarothrura watersi, Tyto souma-gnei, Brachypteracias leptosomus, B. squamiger, Ate-lornis crossleyi, Neodrepanis hypoxantha, Phyllastre-phus tenebrosus, Xenopirostris polleni, Crossleyia xan-thophrys. Cependant, il n'est pas évident que des popula-tions viables de ces espèces soient présentes. On compteau moins 46 espèces endémiques non menacées dans larégion.

Il y a encore 20 autres réserves spéciales à Madagascar(dont Andriamampianina (1981) donne la liste en indi-quant les superficies); quelques-unes sont très grandes,mais aucune information n'est disponible, ni sur leurfaune et leur flore, ni sur leur état présent.

Le bilan des réserves ci-dessus montre que les zonesactuellement protégées ne sont pas suffisantes pourassurer la protection des Oiseaux menacés de Mada-gascar. Seulement 17 (10, si on écarte Périnet en raisondes doutes déjà exprimés ci-dessus) des 28 espèces mena-cées sont sûrement présentes (ou l'ont été) sur les 14 sitesque nous avons décrits, tandis que certains sites d'uneimportance évidente ne bénéficient d'aucune protection.Il serait néanmoins prématuré de critiquer trop sévère-ment le réseau existant, car on ne pourra juger de savaleur réelle qu'après avoir effectué des enquêtessérieuses.

8. Une stratégie pour la conservationdes Oiseaux de Madagascar

Tout ce qui précède a pour but de situer et de justifierun programme immédiat d'inventaire, de recherche et deconservation de l'avifaune de Madagascar. Cependant, ilfaut savoir que toutes les mesures concrètes de protectionse révèleront inefficaces si elles ne reposent pas sur unevolonté populaire et institutionnelle favorable à la con-

Le Coua à cimier (Coua cristata), endémique de Madagascar. R.A. Mittermeier

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servation. Les fonds consacrés à des réalisations con-crètes seront en grande partie, sinon totalement, gaspilléssi on ne renforce pas, parallèlement, les institutions res-ponsables de la protection de la nature. Ceci impliqueune révision complète des lois afférentes, l'extension et larationalisation des services de conservation, ainsi qu'unecampagne importante et active d'éducation populaire.En définitive, il est nécessaire de réévaluer toute la struc-ture socio-économique malgache pour y incorporer desprincipes de gestion des sols plus sains au plan écologiquecomme pour limiter la croissance de la population. Pourarriver à un environnement naturel stable (conditionnécessaire à une conservation à long terme), il faut stabi-liser son mode d'exploitation, et cela d'autant plus quel'économie elle-même dépend de la stabilité de l'environ-nement.

Il faut également reconnaître qu'il serait injuste et peuéconomique de prendre des mesures pour conserver lesespèces ou classes d'animaux individuellement, à moinsd'intégrer de telles mesures dans un plan général de con-servation de la faune. Le premier objectif est de s'assurerque nos projets s'intégrent bien aux projets traitantd'autres types de faune et de flore. Si de tels projetsn'existent pas encore, il faut les développer pour que laconservation à Madagascar ne soit pas limitée à uneaction spécifique, de manière aussi à éviter la multiplica-tion inutilement coûteuse de projets monospécifiques,nécessitant une duplication sans fin et aboutissant à unbiais sévère et à des inégalités flagrantes des mesures deprotection. Nous ne voulons pas, par exemple, que lesOiseaux prennent la place des Reptiles dans le pland'ensemble, mais nous ne voudrions pas non plus qu'ilssoient oubliés au profit des seuls Lémuriens. C'est pour-quoi nous préconisons le recrutement d'équipes de zoolo-gistes et de botanistes opérant conjointement, ou biend'équipes de spécialistes capables d'apprécier les pro-blèmes des autres domaines, pour réaliser les enquêtesnécessaires à la préparation des recommandations défini-tives. La promotion de l'intérêt individuel du spécialisterisque d'être le moyen le plus efficace de favoriser la dis-parition des espèces, et cela avec les meilleures intentionsdu monde. Une méthode possible pour parvenir à l'inté-gration des domaines et à l'échange d'informations surles sites consisterait à établir une fiche d'inventaire nor-malisée qui assurerait la collecte des données de base surles sites visités par les biologistes. Après l'avoir remplie,le chercheur déposerait cette fiche dans un centre scienti-fique, au Museum national par exemple. A la suite d'unerelecture destinée à détecter les imprécisions ou leserreurs, des exemplaires des fiches seraient mis à la dis-position des planificateurs régionaux et nationaux, ainsiqu'à la disposition des scientifiques visitant les sites ulté-rieurement. Une partie de ces données pourrait aussi êtreremise aux organismes internationaux de conservationchargés de surveiller le statut mondial des espèces et deshabitats (le PNUE, l'UICN et le CIPO par exemple).

En ce qui concerne l'avifaune, nous préconisons sixmesures évidentes qui présentent toutes l'avantage depouvoir être réalisées rapidement et simultanément. Cesont:

— la protection des plus vulnérables et des moins coû-teux des sites reconnus comme importants;

— une enquête sur chaque zone protégée existante;

— des enquêtes sur les sites présumés importants pourles Oiseaux;

— l'identification et l'évaluation d'habitats naturels (enutilisant la télédétection);

— l'étude écologique des espèces afin de connaître leursbesoins annuels, notamment pour déterminer leurdistribution exacte et leurs migrations éventuelles; et

— des campagnes pour sensibiliser le public au besoinurgent de conservation. Nous traitons de ces sixmesures, l'une après l'autre, dans les paragraphes sui-vants.

La protection des sites importants implique (selon nosconnaissances actuelles) les projets suivants: meilleuresauvegarde de ce qui reste de la « forêt de Sihanaka »;création d'une réserve sur le complexe des lacs Bemambaet Masama, de préférence par extension à l'ouest de laR.N.I. No 9; création d'une réserve qui comprendrait aumoins une partie du lac Ihotry ainsi qu'une importantesurface adjacente de végétation subdésertique possédantd'assez bonnes populations de Monias benschi et Urate-lornis chimaera; mise en réserve des forêts de Tsarafidyet de Nandihizina, ainsi que de la forêt de Zombitsy (unpeu moins urgente); enfin, la protection de certains lacset étangs contre l'introduction de poissons exotiquesfavoriserait la présence de Tachybaptus pelzelnii. En der-nier lieu, il est très souhaitable de protéger certaines colo-nies d'Oiseaux de mer et des héronnières, surtout cellesde Nosy Manitra; au cours de la conférence durantlaquelle ce rapport a été présenté, nous avons appris (O.Langrand comm. pers. 1985) que les îles situées au nordde Nosy Bé abritent un bon nombre d'Haliaeetus vocife-roides et ceux-ci méritent aussi d'être protégés.

Des enquêtes Ornithologiques (ainsi que zoologiques etbotaniques) des zones déjà protégées sont indispensables.On y trouvera peut-être de grandes, ou au moins viables,populations d'Oiseaux (ou d'autres animaux ou plantes)dont la protection est urgente. En tout cas, il sera impos-sible de décider de la suite des mesures à prendre pour laconservation sur l'île tant que nous ne saurons pas exac-tement ce qui est protégé par le réseau actuel.

Une partie fondamentale de l'exploration biologiquegénérale de Madagascar serait une enquête sur les zonesprésumées importantes. Tous les sites mentionnés dans lasection 5 de ce rapport méritent une exploration soignée,le plus important étant de loin la forêt dense à la latitudede Nosy Borah où on peut espérer encore trouver l'espèceCoua delalandei. En outre, il faut souligner que de nom-breux sites des sections 3 et 4 méritent d'être réexplorésou mieux étudiés (par exemple le lac Alaotra) car, en cequi les concerne, nos connaissances sont très limitées. Eneffet, ils hébergent peut-être plus d'espèces menacéesqu'on ne le croit à l'heure actuelle.

L'utilisation de satellites et techniques associées estprimordiale pour obtenir des informations sur l'état del'environnement; de cette manière, on pourra évaluerrapidement les pressions qui pèsent à la fois sur les

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espèces et les habitats (en particulier pour détecter lesconséquences de l'incendie, de l'érosion, du développe-ment industriel et urbain et du drainage des zoneshumides. Nous recommandons une étude détaillée de ladistribution et de l'évolution de la végétation en utilisantla télédétection en association avec un équipement por-table de contrôle au sol qui permet maintenant un repé-rage précis des sites. Ceci facilitera la réalisation des troisrecommandations émises ci-dessus.

Les recherches que nous recommandons sur l'écologiedes espèces fourniront les lignes directrices de leur con-servation. Ces études peuvent et devraient être effectuéessimultanément sur plusieurs espèces; elles peuvent enplus être réalisées au cours des enquêtes sur les sites men-tionnés ci-dessus. Ces résultats seront surtout utiles pourdéterminer les exigences d'habitat des différentesespèces, et donc pour donner une idée de leur répartitionpossible. Nous avons également besoin de comprendreles migrations qu'effectuent les Oiseaux à l'intérieur deMadagascar, surtout en ce qui concerne de possiblesmouvements nord-sud à travers la forêt dense (ce quisemble bien avoir lieu chez Atelornis pittoides). Il fautenfin adapter les mesures de protection aux caractéristi-ques des migrations, car une seule zone protégée seratotalement inutile aux espèces qui occupent toute unesérie de sites au cours du cycle annuel.

Pour tous ses grands projets de conservation Ornitho-logique, le CIPO essaie d'assurer le plus grand degré pos-sible de diffusion de l'information sur le travail effectué,ses résultats et ses répercussions, et cela auprès des gou-vernements comme du public. L'éducation et l'éveil de laconscience publique sont d'une importance capitale pourfaire apprécier l'impact qu'il peut avoir, collectivementet individuellement, sur les milieux, comme son degré dedépendance à l'égard d'un environnement nécessaire à sasurvie. En effet, l'un des tous premiers efforts de conser-vation du CIPO à Madagascar était la réalisation d'uneaffiche pour les écoles où figuraient des Oiseaux endémi-ques. Tous les organismes participant à la conservation àMadagascar doivent donc mettre en valeur l'intérêt deleur travail pour le public et, sur le plan pratique, êtreprêts à aider ceux qui ont besoin de formation, ou del'aide d'un expert dans le domaine de la conservation.

9. Un plan d'action prioritaire pour laprotection des Oiseaux

La stratégie de la conservation ébauchée ci-dessustente d'analyser de façon systématique les mesures néces-saires qu'il faudrait prendre pour assurer la protectiondes Oiseaux à Madagascar dans les années à venir. Lesmesures n'y sont pas classées par ordre d'importance etcette stratégie devrait être intégrée, de préférence, à unestratégie générale de la conservation à Madagascar.Cependant, afin que les besoins spécifiques essentiels del'avifaune malgache ne soient pas omis durant la mise enoeuvre d'un programme de conservation provisoire dansle pays, nous étudions de nouveau dans cette section cer-tains éléments de la stratégie pour élaborer un pland'action prioritaire consacré aux Oiseaux. Ceci exclut

donc, à dessein, les mesures relatives à une politique deconservation plus générale comme la législation, l'éduca-tion et la télédétection. Nous pensons que les problèmesles plus importants y sont traités, mais il est nécessaire dese rapporter aux paragraphes précédents pour obtenirune meilleure vue d'ensemble.

Selon les informations dont nous disposons, présen-tées et analysées dans ce rapport, cinq catégories princi-pales de mesures semblent être nécessaires pour assurer laprotection des Oiseaux à Madagascar:

— amélioration de la protection et de la gestion desaires protégées existantes, en particulier Tsaratanana(R.N.I. No 4), Marojejy (R.N.I. No 12) et Zahamena(R.N.I. No 3);

— augmentation de la superficie de certaines airesprotégées existantes pour inclure d'autres sites trèsimportants pour les Oiseaux, (par exemple) une exten-sion vers le sud de Zahamena (R.N.I. No 3) englobantainsi une plus grande superficie de forêt humide, uneextension vers l'ouest de la Réserve du Tsingy de Bema-hara (R.N.I. No 9) pour inclure les lacs de Bemamba etde Masama, et l'extension de la Réserve de l'Ankarafant-sika (R.N.I. No 7) vers le sud-ouest et pour inclure le lacAmpijoroa;

— création de nouvelles aires protégées pour inclure(par exemple) le lac Alaotra, le lac Kinkony, le lac Ihotryet la zone aride avoisinante, les lambeaux forestiers deTsarafidy et de Nandihizina, la forêt de Zombitsy, l'îlede Nosy Manitra, les îles s'étendant le long de la côte dunord-ouest au nord de Nosy Bé, et bien entendu, lesrégions encore peu connues mais qui méritent d'être étu-diées;

— études des zones forestières (et de certaines zoneshumides) encore inconnues et non protégées, en particu-lier la péninsule de Masoala et la région de la baied'Antongil, la région située à la latitude de Nosy Borah(l'arrière-pays du Manompana), et la région s'étendantau sud de Périnet à Taolanaro;

— élevage en captivité de quelques espèces comme leGrèbe roussâtre (ou d'Alaotra) et le Milouin de Mada-gascar à la suite de recensements et d'études démontrantla nécessité et les possibilités à long terme d'une tellemesure.

10. La coopération, clé de la réussiteAprès avoir présenté (d'un point de vue extérieur) ses

idées sur les priorités à adopter pour la conservation desOiseaux à Madagascar, le CIPO est prêt aussi à travailleren coopération avec d'autres organismes pour réaliser lesobjectifs de la stratégie nationale de conservation deMadagascar. Le CIPO peut rechercher des fonds auniveau international pour de nombreuses sortes de pro-jets qui concernent indirectement les Oiseaux, mais quiseront bénéfiques au-delà de leur domaine propre: parexemple, la formation de gestionnaires, des études écolo-giques des espèces menacées, des activités d'éducationsur la conservation, et des inventaires de terrain. Cepen-dant, ces plans ne seront efficaces que si le gouvernementde Madagascar montre son engagement à l'égard desmesures préconisées par la Stratégie mondiale de la con-

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servation. Un bon moyen pour le gouvernement de mon-trer sa résolution serait d'établir un Memorandumd'accord avec les organismes internationaux de conserva-tion, ceci pour décider des moyens de réaliser en communles projets de la Stratégie nationale de conservation. Detels accords existent déjà avec l'Indonésie, l'île Mauriceet le Ghana; ils fournissent le support le plus efficace et leplus pratique, nécessaire pour mener à bien un pro-gramme de conservation.

Note : La forêt de Ranomafana (21°16'S 47°28'E) aété étudiée en 1984 et 1985 et l'on a découvert son impor-tance pour plusieurs espèces endémiques, menacées etnon menacées ; Mesitornis unicolor, Phyllastrephuscinereiceps, Xenopirostris polleni et Crossleyia xantho-phrys s'y reproduisent tandis qu'on y a répertorié Bra-chypteracias leptosomus, Atelornis crossleyi et au moins26 espèces endémiques non menacées (O. Langrand inlitt. 1986).

Cette information renforce considérablement les argu-ments du dernier paragraphe de la section 1 et dudeuxième paragraphe de la section 5.

11. Remerciements

Nous adressons nos plus sincères remerciements aumembre du personnel de la Station Biologique de la Tourdu Valat, Camargue, qui a traduit ce rapport en françaisdans des délais relativement courts, à la demandeadressée par le CIPO à Monsieur Luc Hoffmann ; nousdésirons aussi remercier Jackie Sharpe du CIPO, Cam-bridge, pour la traduction en français de tous les docu-ments supplémentaires.

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Notes sur la conservation des rapaces à Madagascar

B.-U. Meyburg et O. Langrand

1. Introduction

Madagascar avec sa superficie de 587 000 km2 se placeau quatrième rang des îles du monde par sa taille, quiéquivaut à celle de la France, celle de la Belgique et celledes Pays-Bas réunies. L'île mesure 1580 km dans sa plusgrande longueur N-S et 580 km de largeur maximale.C'est, au point de vue biologique, l'une des régions lesplus fascinantes du monde. La faune de Madagascar pré-sente des aspects si particuliers qu'on discute toujours dela situation spéciale de cette île au point de vue faunis-tique.

Huit des 14 espèces de rapaces nichant à Madagascarsont endémiques: Falco zoniventris, Aviceda madagasca-riensis, Eutriorchis astur, Haliaeetus vociferoides, Buteobrachypterus, Accipiter madagascariensis, Accipiterhenstii, Polyboroides radiatus. Quatre autres espèces deFalconiformes y sont représentées par une race particu-lière, la distribution de l'espèce elle-même étant danstrois de ces cas, limitée à Madagascar et quelques autresîles de l'océan Indien (Falco newtoni, Accipiter francesii,Circus maillardi), alors que seul Falco peregrinus pos-sède une large répartition. Deux espèces de rapaces mal-gaches seulement ne présentent aucune différenciationsubspécifique (Milvus migrons, Macheiramphus alcinus).Les Falconiformes de Madagascar présentent donc, ainsique le reste de la faune et la flore, un haut degré d'endé-misme. Il n'existe que deux espèces de rapaces hivernantrégulièrement sur l'île (Falco eleonorae et F. concolor).

On trouve au moins deux fois plus d'espèces derapaces dans les zones boisées de Madagascar que dansles milieux ouverts de savane, alors que sur le continentafricain trois fois plus d'espèces environ habitent lasavane que la forêt. Il semble probable que les rapacesont évolué à Madagascar dans les milieux forestiers quicouvraient pratiquement tout le pays avant l'arrivée del'homme. Toutes les espèces malgaches vraiment fores-tières sont endémiques. On peut sans aucun doute attri-buer la relative rareté des espèces des habitats ouverts aufait qu'elles sont d'origine relativement récente, aumoins dans leurs proportions actuelles et que l'adapta-tion et la différenciation de formes locales, de même que

l'immigration de formes continentales, n'ont pu avoirlieu.

Toutes les formes de végétation qui occupaient degrandes surfaces sur l'île ont aujourd'hui presque dis-paru et sont remplacées par une végétation secondaireappelée Savoka. La destruction de la forêt a commencé ily a environ 1000 ans. Les brûlis, toujours en usage,détruisent chaque année davantage de cette végétationprécieuse. Cette destruction massive menace gravementet risque de provoquer l'extinction de nombreusesespèces animales, les rapaces n'étant nullement épargnés.

Nous avons passé à Madagascar un total de 26 mois en1978, 1980, 1981, 1982, 1983 et 1985, nous consacrantexclusivement aux observations Ornithologiques sur leterrain et visitant toutes les parties de l'île. Les deuxauteurs ont généralement voyagé séparément, O. Lan-grand étant accompagné le plus souvent par LucienneWilmé et B.-U. Meyburg, pour son premier voyage, parsa femme Christiane Meyburg et, lors du second, par lecouple J.-M. Thiollay. Les observations effectuées avant1984 ont déjà été publiées (Thiollay et Meyburg 1981,Langrand et Meyburg 1984, Meyburg et Langrand 1985).

Afin de nous procurer une vue d'ensemble de l'abon-dance relative des rapaces, nous avons entrepris dedécompter tous les rapaces aperçus lors de nos déplace-ments en voiture pendant 75 heures sur un parcours totalde 2524 km. Nous avons ainsi pu recenser 379 individusappartenant à six espèces, soit en moyenne un rapacetoutes les 12 minutes ou tous les 6,6 km. Ces décomptesle long des routes ont été effectués entre Antananarivo etPerinet, Antananarivo et Majunga, ainsi qu'entreMajunga et Mitsinjo, Antalaha, Sambava et Andapa etaussi Nosy Bé.

B.-U. et C. Meyburg ont remarqué, en 1978, à l'occa-sion de leur première visite la situation critique duPygargue de Madagascar (Haliaeetus vociferoides). Onsavait déjà alors que l'Aigle autour de Madagascar(Eutriorchis astur) devait être considéré comme peut-êtreéteint, en tout cas il n'avait pas été observé depuis undemi-siècle. Cette situation avait été mise en évidencelors de la Conférence mondiale sur les rapaces à Vienne

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en 1975 et il avait alors été proposé d'envoyer une expédi-tion à Madagascar afin de constater si l'espèce existaitencore. Ceci a été ensuite inscrit en tant que Projet No.1368 dans la Stratégie mondiale de la conservation pourles rapaces diurnes et nocturnes du CIPO/UICN/WWFpour les années 1978-1979 et inclus les années suivantescomme projet de protection dans les campagnes duWWF.

En décembre 1978, le CIPO, l'UICN et le WWF ainsique d'autres organisations internationales ont étéinformés de la situation critique des deux espèces d'aiglesde Madagascar par un memorandum de B.-U. Meyburget deux propositions détaillées de projet ont été présen-tées à ces organisations en mars 1979. Malgré la grandeurgence de ces projets, il n'a pas été possible d'obtenir definancement des organisations précitées. Seul le FIR(Fonds d'intervention pour les rapaces) a fait imprimerun dépliant en langues française et malgache sur lePygargue de Madagascar dans lequel on sensibilise lapopulation aux mesures de protection et demande decommuniquer des informations sur la situation. Plu-sieurs milliers de ces tracts ont été imprimés et envoyés àMadagascar.

Puisqu'il n'avait pas été possible pendant toutes cesannées d'obtenir un financement pour ces deux projetsd'aucune des organisations internationales, bien qu'ilsaient toujours été inclus tous les deux dans le programmedu CIPO, nous nous sommes tournés vers d'autres orga-nisations nationales de protection de la nature.

En 1984 et 1985 le DBV (Deutscher Bund für Vogel-schutz, Ligue allemande pour la protection des Oiseaux)a mis à notre disposition deux sommes assez importantespour le projet concernant le Pygargue. Le projet ayantpour titre « Statut, distribution, écologie et préservationdes rapaces menacés de l'ouest de Madagascar » a étéprésenté en 1984 à l'approbation des autorités de Mada-gascar au travers du GICS (Groupe consultatif interna-tional de chercheurs scientifiques). L'autorisation deconduire ce projet a été obtenue du Ministère de l'Ensei-gnement supérieur en février 1985.

En ce qui concerne l'Aigle autour de Madagascar lasituation est toujours très préoccupante. Dix ans après laConférence mondiale sur les rapaces de Vienne, il n'atoujours pas été possible de trouver de l'argent afin derechercher cette espèce.

Les deux espèces d'aigles de Madagascar ont étéincluses dans la « Liste rouge » des 34 animaux les plusmenacés du monde, établie par la SSC (Commission de lasauvegarde des espèces) de l'UICN. En vérité elles nefigurent pas dans la liste finale des « Douze espèces lesplus menacées » mais dans la liste des « candidats » (voirla circulaire de la Commission de la sauvegarde desespèces No 5, mai 1985).

A Madagascar quatre espèces seulement sont relative-ment abondantes et largement distribuées (Falco new-toni, Milvus migrans, Buteo brachypterus et Accipiterfrancesii). Toutes les autres espèces sont soit rares, soittrès localiséees, ou bien les deux. Les deux espècesd'aigles doivent être considérées comme faisant partiedes cinq espèces de rapaces les plus menacées du monde.

2. Statut des espèces

2.1. Faucon pélerin (Falco peregrinus radama)

Cet oiseau est vraisemblablement présent dans toutesles régions de l'île dans les milieux favorables mais ennombre extrêmement restreint. A part un couplenicheur nous n'avons observé que des individus isolés. Lebiotope fréquenté était très variable, allant d'îlesrocheuses le long de la côte près de Diego-Suarez jusqu'àla brousse épineuse de l'extrême sud, mais égalementdans les milieux dégradés tant à l'est qu'à l'ouest.

Un individu observé près de Diego-Suarez vivait surune île rocheuse proche de la côte. Il chassait des limi-coles qui se cachaient entre les rochers du rivage ets'immergeaient même pour échapper aux attaques. Nousavons observé à deux reprises la prédation sur desoiseaux de basse-cour (à ces deux occasions des poussinsâgés de quelques jours). Le Faucon les a mangés sur unarbre mort au milieu d'un village. Selon les autochtones,de telles attaques sont courantes, de même que la captured'anatidés, y compris une espèce aussi imposante que leCanard à bosse (Sarkidiornis melanotos).

Un nid, le premier pour cette race de Faucon pélerin, aété trouvé le 7 août 1983 près d'Antsirabe. Il contenaitquatre oeufs de couleur roux crème très légèrementtachetés de brun et de forme relativement ronde. Laniche contenant le nid, très difficile d'accès et bien pro-tégée des intempéries, était située dans la paroi nord-estd'un cratère, à 60 m environ du lac occupant le fond decelui-ci.

2.2. Faucon d'Eléonore (Falco eleonorae)

Cette espèce nichant dans le bassin méditerranéen,hiverne à Madagascar; on peut l'y observer du 16 octobreau 2 mai environ. Trois oiseaux bagués près de la Crèteont été repris au nord de l'île. Ces Faucons ont été rare-ment observés en solitaires mais plutôt en groupes de 3 à21 individus, souvent en compagnie de Faucons conco-lores (Falco concolor). L'espèce ne semble pas avoir debiotope de prédilection : on a pu observer des individustant au-dessus de la forêt tropicale dense que sur leshauts plateaux dénudés, dans des zones marécageuses, enville et en forêt sèche occidentale.

2.3. Faucon concolore (Falco concolor)

C'est, avec le Faucon d'Eléonore, la seule espèce derapaces hivernant sur l'île. Les Oiseaux peuvent êtreobservés d'octobre à mai, souvent associés aux Fauconsd'Eléonore. Ils chassent souvent en groupes comprenantjusqu'à 11 individus. Leur activité s'intensifie vers lesoir. Ils chassaient des insectes de concert avec des Fau-cons d'Eléonore sous les projecteurs éclairant la gared'Antananarivo.

On les observe fréquemment aux abords des zoneshumides, comme le long des grandes rivières de l'est ouautour des lacs de l'ouest (comme les lacs Kinkony etMitsinjo). Leurs proies y étaient les grosses libellules. On

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les rencontre également dans des milieux aussi différentsque la forêt humide tropicale ou l'habitat urbain. Aucunoiseau de phase sombre n'a été observé.

Il est étonnant que deux espèces de rapaces seulementhivernent à Madagascar et qu'aucun autre rapace hiver-nant n'y ait été observé, même occasionnellement, bienque l'on pense que beaucoup de migrateurs d'Asie cen-trale et même d'Extrême-Orient survolent l'océan Indien(Falco naumanni, F. amurensis). La rareté des migra-teurs a probablement contribué à laisser la compétitioninterspécifique comparativement réduite. Dix fois plusd'espèces de rapaces environ hivernent sur le continent,de l'autre côté du canal du Mozambique.

2.4. Crécerelle malgache (Falco newtoninewtoni)

C'est, avec le milan noir, le rapace le plus abondant etle plus répandu; on le trouve dans toute l'île et il s'estadapté à pratiquement tous les milieux. La fréquencemoyenne observée en voiture le long des routes était d'unindividu tous les 21,6 km ou toutes les 38 mn, ce qui estcomparable aux résultats de Siegfried et Frost (1970). Ilest le seul rapace de l'île qui ait été nettement avantagépar la déforestation. On le rencontre fréquemment surles hauts plateaux, sur des poteaux télégraphiques etautres perchoirs. Nous avons trouvé en octobre 1980 plu-sieurs nids dans d'anciens nids de Milans et dans des car-rières. D'autres couples nicheurs ont été trouvés parexemple dans les falaises du cap d'Ambre, dans la cathé-drale de Majunga et dans des Baobabs. Nous avons puobserver un accouplement le 25 septembre et une femellenourrissant un jeune poussin le 7 octobre.

Cette méthode de chasse dans la forêt tropicale dense luia permis de s'adapter à une niche écologique qui n'ad'équivalent ni en Afrique ni en Asie. Les autres rares« Faucons forestiers » chassent en général des Oiseaux,des Chauves-souris ou des Insectes volants. On est parti-culièrement frappé, outre son apparence assez étrange,avec sa grosse tête, son bec fort et ses yeux clairs, par sonpeu de méfiance permettant une approche à environquatre mètres. On ne sait pratiquement rien de la bio-logie de cette espèce intéressante.

2.6. Baza Malgache (Aviceda madagasca-riensis)

C'est un rapace très rare à Madagascar. Nous n'avonspu observer que 11 individus de cette espèce endémiquede Madagascar en six endroits, dont trois situés en forêttropicale humide (forêts d'Ambre, Nosy Bé et NosyKomba, Perinet), alors qu'un oiseau a été rencontré enpleine ville de Maintirano posé sur un cocotier. De ceperchoir il a chassé, après un vol plané de 70-90 mètres,un Caméléon de 15 cm de long dans le feuillage épaisd'un letchi; il s'est ensuite envolé avec sa proie, d'un vollourd, pour la manger dans un autre arbre. Le 25novembre 1982 un couple nourrissait ses jeunes avec degrosses Cigales à Perinet. Le 2 octobre 1983 un couple aété observé au même endroit près des bassins d'élevagepiscicole. Un individu a survolé le 23 septembre 1983 uneconcentration de Canards qui furent visiblementinquiétés et dont certains se sont même envolés (Antana-narivo, île d'Alarobia). Les Oiseaux n'ont jamais étéobservés volant au-dessus des arbres comme la Buse mal-gache mais préfèrent de beaucoup les clairières et autrestrouées forestières.

2.5. Faucon à ventre rayé (Falco zoniventris)

C'est la seule espèce de Faucons endémiques de Mada-gascar. Il est assez rare et n'habite pas seulement la forêttropicale humide de l'est comme des monographiesrécentes en font état (Cade 1982) mais également la forêtsèche de l'ouest, la brousse du sud-ouest et même desbiotopes dégradés et des rizières. Ce Faucon a été observéassez fréquemment dans les milieux dégradés aux envi-rons de Morondava, mais nous l'avons également vurégulièrement à Perinet. Il semble apprécier les zones oùla végétation a été brûlée depuis peu. Il se perchait prèsde Morondava sur une branche morte d'une hauteurn'excédant généralement pas 7 à 8 m. Trois ou quatre deces perchoirs, dominant toujours la végétation environ-nante, sont utilisés comme affûts par chaque oiseau. Lesproies ayant pu être identifiées étaient des Insectes quiappartenaient toujours à la famille des Coléoptères.D'après Colebrook-Robjent (1973) il capture principale-ment des Caméléons dans le nord-est, même dans la forêtla plus dense.

Nous avons pu observer un de ces Faucons chassantdans la forêt tropicale humide du nord-est, le 7 octobre1980 et le 6 février 1982: il s'envola soudain de son per-choir, une branche morte, disparut en vol direct entre lesarbres et revint à son affût avec un insecte, après 30secondes. Il a mangé sa proie en une minute environ.

C'est le rapace le plus commun, se rencontrant danstoute l'île. Le long des routes il représente presque unrapace sur deux. En 75 heures et 2524 km nous avonsdécompté 184 exemplaires, soit un individu tous les13,7 km ou toutes les 24 minutes. En dehors de ces recen-sements nous avons rencontré de grandes concentra-tions : 300 individus environ, par terre, près de ladécharge d'ordures de Diego-Suarez le 4.8.1980, 40exemplaires dans un dortoir, un arbre au bord du fleuveMandra le 2.7.1982 dans le sud. Le 9.7.1982 une dou-zaine de Milans suivaient un tracteur en se nourrissant delarves. On peut voir fréquemment des Milans au-dessusdes rizières. L'espèce est relativement plus rare dans leszones de forêt humide de l'est, p. ex. Maroantsetra,Antalaha, Sambava et Andapa. Plusieurs nids ont ététrouvés où les femelles couvaient au mois d'octobre.

2.8. Milan des chauves-souris (Machaeram-phus alcinus anderssoni)

Ce rapace n'a été observé qu'en un seul endroit, prèsde Morombe dans le sud-ouest. A la tombée de la nuitdeux individus de phase sombre évoluaient en vol rapideau-dessus de la forêt sèche occidentale; en effectuant detrès brefs crochets ils capturaient de petites Chauves-

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2.7. Milan noir (Milvus migrans parasitus)

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souris et les mangeaient en vol. Leurs ailes longues etétroites ainsi que leur longue queue les rendent particuliè-rement aptes à ce type de vol. Les autochtones ayant parailleurs une bonne connaissance des autres rapaces con-naissent très peu cet oiseau ce qui confirme sa rareté et ladiscrétion de son mode de vie.

2.9. Aigle Autour de Madagascar (Eutriorchisastur)

Cet aigle est le seul genre monospécifique de rapacessur l'île très nettement différencié. Sa conservation estpar conséquent d'une importance scientifique toute par-ticulière. Son équivalent écologique sur le continent afri-cain est le Serpentaire du Congo (Dryotriorchis specta-bilis) de taille légèrement plus petite. Il n'existe pas, dansla forêt tropicale humide de Madagascar, de grandeespèce d'aigle correspondant à l'Aigle couronné (Stepha-noetus coronatus) et au Spizaète de Cassin (Spizaetusafricanus) en Afrique bien qu'il existe des proies adé-quates: les différents Lémuriens.

Cette espèce, si elle n'est pas déjà disparue, est lerapace le plus rare de l'île, l'un des plus menacés dumonde. D'après les critères de la CITES il entre mêmedans la catégorie « éteint » car, depuis plus de 50 ans,aucun spécimen n'a pu être observé par un zoologue.

Bien que la recherche de cet oiseau ait été l'un de nosobjectifs principaux, nous n'avons jamais pu le voir.Notre ami résidant à Maroantsetra, Dominique Halleux,n'a pu, en cinq ans passés dans ce site favorable, nil'observer lui-même ni obtenir le moindre renseignementsur lui de la population ou du personnel forestier. Cecientre en contradiction avec l'opinion fréquemmenténoncée que l'espèce est seulement très difficile àobserver dans ce milieu de forêt humide dense mais n'estpas forcément très rare. Il n'existe dans les différentsMuseums (Tring, Paris, Grenoble, New York, Dresde)que huit spécimens. Seul l'oiseau de Grenoble estempaillé et permet une comparaison intéressante avec lestrois autres espèces d'Accipiter de Madagascar. D'aprèsWeick (1980) le plumage juvénile de cette espèce estinconnu. Un des oiseaux du Museum d'histoire naturelleà Paris (Mission Delacour) présente en comparaison desautres spécimens observés à Paris, Grenoble et New Yorkdes bordures de plumes claires sur le dos et le haut desailes. Cette caractéristique, commune à beaucoup derapaces immatures (p. ex. Balbuzard pêcheur, Milannoir), est donc également présente chez cette espèce.

2.10. Pygargue de Madagascar (Haliaeetusvociferoides)

Le plus grand rapace de Madagascar, endémique del'île. Son plus proche parent est le Pygargue vocifer (H.vocifer) dont le plumage immature lui ressemble. La dif-férenciation est cependant si nette que tous les auteurs leconsidèrent comme une espèce indépendante.

Il est certain que l'oiseau était encore relativementcommun au nord-ouest il y a un demi-siècle (Rand 1936)alors qu'il est actuellement l'un des rapaces les plus raresdu monde. Sa régression spectaculaire était passée ina-

perçue jusqu'à notre première visite en 1978. Il fut par lasuite inclus dans le « Red Data Book » du Conseil inter-national pour la protection des oiseaux (CIPO) et del'Union internationale pour la conservation de la natureet de ses ressources (UICN) (King 1978/1979). Nousavons donc conçu le projet d'étudier sa distribution, sonstatut et les causes de son déclin de façon aussi préciseque possible afin de pouvoir en tirer des conclusions des-tinées à aider la conception d'un programme de protec-tion. Nous avons mené ces recherches à nos propres fraisjusqu'en 1983 mais avons enfin obtenu en 1984 et 1985deux sommes assez importantes du DBV (Ligue alle-mande pour la protection des Oiseaux) qui ont permis audeuxième auteur de consacrer trois mois en automne1985 exclusivement aux recherches sur cette espèce. Pourla première fois à cette occasion un recensement de lapopulation et de nombreuses observations nouvelles surcet aigle ont pu être effectuées. Ces recherches doivent seterminer en automne 1986. Il sera ensuite possible defaire des recommandations pour la poursuite des recher-ches et les mesures de protection à prendre.

L'aire de répartition du Pygargue est comprise entreDiego-Suarez au nord et Morondava au sud-ouest, surune étroite bande côtière pouvant atteindre 200 km delarge par endroits. Il ne semble pas que l'ancienne aire derépartition ait été plus étendue. Quelques rares observa-tions ont été réalisées en dehors de cette zone, en particu-lier aux environs du lac Ihotry au sud de Morombe, situéà 200 km au sud de son aire de répartition. Il s'agit pourla plupart d'individus immatures dont le comportementerratique est connu.

Dans son aire de répartition, le Pygargue fréquentetrois types de biotopes différents, bien marqués, situéspresque tous au niveau de la mer et, au plus haut, à1400 m d'altitude.

Le premier est constitué par les lacs permanents dontla surface varie peu tout au long de l'année, présentantdes berges boisées de grands arbres. La surface de l'eaudoit être pratiquement exempte de végétation flottante etprésenter peu d'îlots de végétation de type Phragmitaie.L'eau ne doit pas être trop boueuse et abriter une ichtyo-faune riche en espèces de surface. Les plans d'eau présen-tant des îles ou des langues de terre sont très appréciés. Ilpeut se contenter de lacs de dimensions très réduites(minimum observé de moins de 5 ha) si toutes les condi-tions écologiques énumérées ci- dessus sont réunies. Lesrivières aux berges boisées ou les rivières encaissées pré-sentant des falaises, dont la largeur du lit varie peu aucours de l'année, sont également habitées à condition quel'eau ne soit pas trop boueuse ou les courants troprapides.

Le deuxième grand biotope est constitué par la man-grove, surtout si celle-ci est dense et présente de nom-breux chenaux. Les palétuviers de grande taille sontnécessaires et l'eau ne doit pas être trop trouble. La diffi-culté de pénétration de ce milieu rend la collecte de don-nées relatives aux Pygargues y vivant très difficile. C'est,sans aucun doute, le biotope dans lequel la population estla moins connue et peut-être la plus sous-estimée.

Le troisième grand biotope est constitué par les îlotsrocheux que l'on rencontre entre l'île de Nosy Bé et la

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ville de Diego-Suarez au nord. Ce biotope fréquenté assi-dûment par le Pygargue a révélé récemment une popula-tion importante de l'espèce dans cette région de Mada-gascar. Près de 13 sites occupés ont été répertoriés sur lesîles et 10 sur la côte représentant 20 individus observés(sept couples cantonnés). Dans ce type de milieu, il neniche pas comme dans les deux biotopes précédents ausommet d'un arbre de grande taille près du bord d'unplan d'eau, mais sur des amas rocheux dans des falaises.Le site de nidification est établi sur une falaise de la côte,à l'abri des vents alizés qui soufflent du sud-est pendantprès de sept mois par an.

L'activité de pêche est pratiquée dans les eaux calmeset claires, protégées du vent par la hauteur des falaises.Les proies de prédilection sont des poissons de surfaceappartenant à la famille des Fistulariidae, mais en cas deconditions climatiques défavorables, il se nourrit decrabes de rocher qui, capturés à marée basse, constituentsa seule proie de substitution.

L'étude que nous avons menée en 1985 dans le cadredu Groupe de travail mondial sur les rapaces permetd'ores et déjà de dire que le Pygargue de Madagascar estune espèce inféodée à un type de biotope bien défini (lacset rivières, mangroves et îles rocheuses). Tous les sitesqui présentent les critères écologiques requis énumérés ci-dessus sont colonisés par l'espèce. L'oiseau n'est nimenacé par la disparition de son biotope, ni par un déni-chage systématique bien que les Malgaches le pratiquenthabituellement sur d'autres espèces (Ardéidés parexemple). Son aire de répartition vaste dans la zone con-sidérée semble le protéger contre un "accident" écolo-gique. Il y a désaffection d'un site en cas de déforestationmassive des berges du lac, généralement perpétrée pourla mise en culture. La meilleure protection est actuelle-ment la misère économique du pays où il est presqueimpossible de se procurer des munitions et où beaucoupde routes et de pistes sont impraticables.

Le 2 août 1982, un nid de cette espèce a été trouvé surune petite île, à l'ouest de Diego-Suarez; il contenait unpoussin de deux jours environ et un oeuf blanc de68 x 54 mm dont l'éclosion avait commencé. Il s'agit dupremier nid occupé découvert et décrit par un ornitho-logue. Il se trouvait sur un bloc rocheux à six mètres au-dessus du niveau de la mer sur la rive sud-ouest de l'île etavait un diamètre de 120 cm, la dépression centrale mesu-rant 70x50 cm. Quinze jours plus tard il ne restait aucunetrace du deuxième jeune (ou oeuf) dans le nid. Les don-nées de Milon et al. (1973) laissaient déjà présager le caï-nisme, la disparition régulière et prématurée du secondjeune, chez cette espèce ainsi qu'on l'observe chez aumoins 27 espèces d'aigles (Meyburg, 1974, 1978). Il estéventuellement possible d'utiliser cette particularité pourles mesures de conservation: en empêchant la mort dujeune dernier-né, ainsi que cela peut se faire chez de nom-breuses autres espèces de rapaces (Meyburg 1978, 1983).Ce problème ainsi que tous les autres aspects de la bio-logie de cet aigle nécessitent de plus amples recherches.

Il est surprenant qu'il n'ait jusqu'à présent pas été pos-sible de trouver un autre nid occupé. En 1985 le coupleétait à un endroit dans la falaise qui n'était ni accessibleni visible. Aucun des autres couples n'a laissé conclure à

un comportement de reproduction et les dates de cettereproduction restent donc un grand mystère.

Il semble actuellement possible, grâce aux recherchesapprofondies menées cette année, d'estimer la popula-tion totale du Pygargue de Madagascar à 50 couplesenviron.

2.11. Buse malgache (Buteo brachypterus)

Cette buse endémique a été rencontrée régulièrementdans tous les milieux boisés, à certains endroits elle étaitétonnamment abondante. Nous avons ainsi pu observerhuit couples dans un périmètre de 20 km2 environ, sur lapresqu'île de Masoala. La construction du nid et descopulations ont été observées début octobre. Le 1ernovembre un nid contenait déjà deux jeunes.

Elle est, avec le Faucon à ventre rayé, la secondeespèce ne trouvant aucun équivalent sur le continent afri-cain ou même asiatique. Bien que l'espèce chasse volon-tiers à l'orée des forêts, elle peut aussi être exclusivementforestière, plongeant dans la forêt la plus dense à la pour-suite de ses proies. Il n'existe en Afrique aucune busehabitant la forêt et, même sur d'autres continents, onn'en trouve pratiquement aucune habitant la forêt tropi-cale humide.

2.12. Epervier de Madagascar (Accipitermadagascariensis)

Cette espèce a été rarement observée, en cinq endroitsseulement et toujours en forêt. L'hypothèse de Thiollayet Meyburg (1981) selon laquelle sa distribution se limite-rait à la moitié sud et à l'ouest de l'île et sa zone de répar-tition serait complémentaire de celle de A. francesii, nes'est pas confirmée. Au contraire, les trois espècesd''Accipiter de l'île peuvent habiter ensemble dans lesmilieux boisés, la forêt de Madagascar est donc aussiriche en espèces que celle de l'ouest de l'Afrique.

2.13. Autour de Henst (Accipiter henstii)

La plus grande des trois espèces d'Accipiter de l'île serencontre aussi bien dans la forêt humide de l'est quedans la forêt sèche de l'ouest; elle est cependant très rareet n'a pu être observée que deux fois: sur la presqu'île deMasoala et au lac Ihotry où deux Oiseaux effectuaientdes vols de parade le 22.8.1983 au-dessus de la forêt,dans la vicinité du village Ihotry. Le nombre très réduitdes observations qui est également confirmé par d'autresornithologues, ne peut pas seulement s'expliquer par sonmode de vie discret, il n'existe cependant aucune causeévidente de la rareté de cet oiseau. Il ressemble surtout àl'Autour des palombes (A. gentilis) des régions tempé-rées de l'hémisphère nord et à l'Autour de Bürger (A.buergersi) de Nouvelle-Guinée.

2.14. Autour malgache (Accipiter francesiifrancesii)

Ce petit rapace peu farouche est le plus commun destrois espèces d'Accipiter de l'île. Nous l'avons rencontré

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dans tous les types de forêts, sauf dans le sud, y comprisdes plantations de caféiers, girofliers et manguiers. Unnid près de Maroantsetra à 4,50 m de hauteur contenaitun oeuf le 16.10.1980. Un autre nid dans un manguier àproximité d'un village, à 7 m de hauteur, contenait troisoeufs blancs (370 x 290 mm) le 28.12.1981. Le diamètredu nid était de 35 cm, celui de la dépression centrale15 cm. Un troisième nid dans cette même région, trouvéle 21.10.1982, contenait quatre oeufs. Il était construitdans un manguier d'une plantation proche d'un village, à7 m de hauteur.

2.15. Petit Serpentaire de Madagascar(Polyboroides radiatus)

Cet Oiseau endémique ressemble beaucoup dans sonapparence et son comportement à l'espèce africaine,Polyboroides typus, dont il est un proche parent, bienqu'il s'en distingue très nettement dans son plumageimmature. L'espèce est présente dans tous les milieuxboisés aussi bien à l'ouest qu'à l'est, elle est parfois, loca-lement, relativement commune, comme dans les savanesà palmiers entre Majunga et Mitsinjo. Nous avons pu ydécompter, de notre voiture, un exemplaire tous les 8 kmen moyenne. Cette espèce se place au quatrième rangpour la fréquence des observations effectuées le long desroutes, après M. migrans, F. newtoni et B. brachypterus,mais dans la réalité elle est probablement dépassée ennombre par A. francesii qui ne se laisse pas facilementrecenser par cette technique. Nous avons vu un individutous les 105 km ou toutes les 3 h 7 mn en moyenne, alorsque l'oiseau est absent des hauts plateaux déboisés ducentre de l'île. Nous avons observé des Oiseaux explorantles palmiers, épiphytes, fourmilières, etc. à la recherchede proies. La végétation basse dans l'extrême sud près deFort-Dauphin contraint l'Oiseau à rechercher sa nourri-ture sur le sol. Il y retourne systématiquement les pierreset les bouses de Bovidés et explore les trous d'arbres et lestermitières. Avant de retourner complètement ou de sou-lever les pierres et les bouses, l'Oiseau regarde en dessousafin de pouvoir mieux surprendre les Grillons et lesBlattes. Lorsqu'une pierre est trop lourde l'Oiseau prendun peu d'élan avec les ailes.

colonie d'Ardéidés à 20 km à l'est d'Antananarivo. Lesautochtones connaissent à peine cette espèce. Sa distribu-tion réduite semble difficile à comprendre étant donnél'abondance des milieux favorables.

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2.16. Busard de Maillard (Circus maillardimacrosceles)

Ce Busard est considéré par de nombreux auteurscomme cospécifique avec le Busard des roseaux (C. aeru-ginosus), présent dans presque tout l'Ancien Monde. Ilnous semble cependant ressembler davantage à la formeasiatique C. spilonotus qu'au Busard grenouillard (C.ranivorus) ou au Busard des roseaux eurasien.

C'est un Oiseau rare à Madagascar bien que les bio-topes favorables y soient très nombreux. Nous n'avonsobservé l'espèce qu'en six endroits: régulièrement dansles environs de Maroantsetra (au moins un couplenicheur), au lac Alaotra (cinq individus), au lac Ihotry(au moins un couple nicheur), un couple et un mâleimmature au lac Tritriva, un exemplaire dans la régiond'Antsalova et à deux reprises un Oiseau dans une

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Reptiles et Amphïbiens

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Priorités en matière de conservation des Reptileset Amphibiens de Madagascar

Charles P. Blanc

1. Reptiles

Avec environ 250 espèces et sous-espèces et 60 genres,des taux d'endémisme respectifs voisins de 95% et 65%,la faune actuelle des Reptiles est, à Madagascar, caracté-risée à la fois par une richesse et une originalité remar-quables. La survie de lignées anciennes, l'existence deradiations adaptatives spectaculaires renforcent l'intérêtscientifique de ce groupe.

Les priorités pour la conservation des Reptiles diffè-rent très largement selon les ordres.

1.1. Crocodiliens

La seule espèce, Crocodylus niloticus, a subi, il y aquelques décennies, une réduction extrême de ses effec-tifs par la chasse et la collecte de ses oeufs; elle ne sub-siste plus qu'en quelques points épars, d'accès très diffi-cile. Sa distribution dans toute l'île est le meilleur garantd'une totale éradication.

1.2. Chéloniens

Qu'ils soient terrestres, dulçaquicoles ou marins, lesChéloniens sont tous plus ou moins menacés. Les prio-rités s'adressent spécialement aux espèces terrestres à dis-tribution limitée et, au tout premier rang d'entre elles, àGeochelone yniphora, la Tortue à soc ou Angonoka lenombre d'individus survivants, de l'ordre de quelquesdizaines, en fait la Tortue la plus rare du monde. J'aidéfini, en 1972, les conditions de sauvegarde de cetteespèce, à Cap Sada, dans sa région d'origine (conventionWWF No 64).

Parmi les Tortues d'eau douce, le statut d'Erymno-chelys madagascariensis, espèce de grande taille, doitêtre, au moins provisoirement considéré comme vulné-rable. J'ai préparé pour la Commission de survie ad hocun projet d'observations biologiques et de recensementde ses effectifs, indispensable pour promouvoir desmesures de conservation.

1.3. Lacertiliens et Ophidiens

Les priorités concernent notamment des espèces à airede répartition restreinte, inféodées aux forêts primitivesou vivant sur des supports arbres ou hautes herbes. Cesespèces sont particulièrement sensibles aux impacts de larégression des forêts naturelles, de la transformationd'un couvert végétal d'une extrême variété en savanesmonotones et des feux de brousse.

Sauf cas particuliers, nos connaissances actuelles sur lasystématique restent trop lacunaires pour dresser uneliste correcte des priorités en matière de conservation desSquamates. Ces carences sont encore aggravées par uneméconnaissance des exigences biologiques de la quasitotalité des espèces. Aussi, en règle générale, la conserva-tion d'une grande variété de milieux naturels intactsreste-t-elle la meilleure garantie de protection des Squa-mates à Madagascar.

Parmi les cas particuliers évoqués ci-dessus, nous men-tionnerons:

— les espèces à distribution limitée à la région sommi-tale d'un seul massif montagneux: c'est le cas exemplairede Lygodactylus arnoulti et L. blanci issus de deux phy-lums différents et isolés sur le mont Ibity, près d'Antsi-rabé. D'un grand intérêt évolutif, la survie de ces deuxlézards est menacée par les feux sauvages échappés desvallées et qui parcourent ce sommet sans valeur pasto-rale.

— les espèces forestières, soit de litière, comme lesBrookesia, ..., soit arboricoles, comme les Caméléons,les Uroplates,... Les plus menacées sont, ici, les formescôtières, en raison de la presque totale disparition de laforêt de basse altitude. Le célèbre Uroplatus fimbriatus avu son aire de répartition fragmentée et trouve refuge surdes îles: Sainte-Marie et Nosy Mangabe où il est protégémaintenant.

— les Boïdés malgaches qui se raréfient par suite de lamodification des milieux naturels, de leur collecte à desfins soit alimentaires, soit d'emploi en pharmacopée, ouparce qu'il est facile, à cause de leur lenteur et de leurgrande taille, de les tuer sans raison.

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Ces quelques exemples ne visent qu'à identifier cer-taines des menaces les plus graves pour la survie desSquamates. Ils ne constituent en aucun cas une liste cohé-rente des priorités en ce domaine, liste qui reste à établiraussitôt que les recherches préliminaires indispensablesauront pu être réalisées.

2. Amphibiens(par Ch. P. Blanc et R.M.A. Blommers)

L'intérêt scientifique de la faune des Batraciens malga-ches tient:

— à sa richesse spécifique considérable: 133 espècesactuellement recensées mais l'inventaire reste, de touteévidence, incomplet;

— à un taux d'endémisme élevé: si l'on fait abstrac-tion de l'espèce Rana tigrina, d'importation récente, lestaux d'endémisme s'établissent à plus de 99% au niveauspécifique (131 espèces sur 132), 88% au niveau géné-rique (15 genres sur 17) et 29% au niveau subfamilial (2sous-familles endémiques: Scaphiophryninae et Cophy-linae);

— à la survivance de phylums anciens et à une intensespéciation dans quelques genres.

En termes de priorités pour la conservation de la batra-chofaune malgache, il est important de remarquer que111 espèces sur les 131 espèces endémiques ont une distri-bution qui englobe au moins une aire protégée (réservesnaturelles intégrales, parcs nationaux, réserves spécialesou de faune, stations forestières, e tc . ) .

La conservation de l'équilibre biologique de cesespaces, placée sous la responsabilité directe des autoritésmalgaches compétentes, est une condition suffisantepour assurer la survie d'une fraction importante (85%)de la batrachofaune. En conséquence, nous considéronsque le statut d'espèce sensible doive être réservé:

— aux 20 espèces dont la distribution connue se situehors des périmètres protégés et dont les plus connuessont: Dyscophus antongili et D. guineti, Rhombophrynetestudo, ainsi que quelques représentants des genresHeterixalus, Laurentomantis, Mantidactylus et Boophis;

— à 12 espèces connues uniquement par le ou les typeset non retrouvées depuis dans la nature, parmi lesquellescinq espèces de Plethodontohyla sur les 12 que compte legenre et trois espèces du genre Platypelis sur cinq;

— en particulier, la survie des quatre espèces sui-vantes: Plethodontohyla brevipes, Platypelis cowani,Laurentomantis ventrimaculata et Boophis callichromus,qui n'ont plus été récoltées depuis leur description, res-pectivement en 1882, 1882, 1935 et 1928, et qui ne sontpas incluses dans une aire protégée, est éminemmentdouteuse;

— enfin, cinq espèces n'ont qu'une distributionconnue très restreinte: Heterixalus nossibeensis, sur l'îlede Nosy Bé et dont la présence dans la réserve naturelleintégrale de Lokobe n'est pas confirmée; trois espècesmontagnardes: Stumpffia grandis, Anodonthyla rouxae,Madecassophryne truebae et, enfin, la "star" des Gre-nouilles malgaches, Mantella aurantiaca dans des maraisprès de Périnet-Analamazaotra.

Brookesia peyrierasi, à Nosy Mangabé. Le genre Brookesia est endémique de Madagascar R.A. Mittermeier

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La Tortue à soc ou Angonoka (Geochelone yniphora), dans la baie de Baly, au nord-ouest de Madagascar, est peut-êtrela Tortue terrestre la plus menacée du monde.

R.A. Mittermeier

La Tortue radiée (Geochelone radiala), espèce très répandue au sud de Madagarsar. R.A. Mittermeier

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3. Conclusion

En conclusion, nous soulignerons l'importance desrecherches fondamentales qui restent à effectuer pourcompléter les inventaires et préciser les caractéristiquesécologiques indispensables pour assurer la sauvegarde dupatrimoine si riche et si original que constituent, à Mada-gascar, les Vertébrés Tétrapodes Hétérothermes.

Dans l'état actuel de nos connaissances, une préserva-tion rigoureuse, d'un large ensemble représentatif demilieux naturels me paraît la meilleure garantie de pro-tection de ces animaux. Quelques espèces méritent toute-fois une attention particulière. Ainsi, pour Geocheloneyniphora, des élevages, soit à l'intérieur, soit à proximitéde son aire de distribution, doivent être entrepris de touteurgence si l'on veut sauver cette espèce; quelques autres,comme Mantella aurantiaca, doivent bénéficier d'unestricte protection des effectifs de population dans leurbiotope.

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Biologie et statut d'Erymnochelys madagascariensiset commentaires sur d'autres Chéloniens

de Madagascar

Gerald Kuchling et Russell A. Mittermeier

1. Introduction

Erymnochelys madagascariensis est la seule espèce del'Ancien monde appartenant à la sous-famille des Podoc-néminae (famille des Pélomédusidae) — Tortues tropi-cales fluviatiles, dont sept espèces vivent en Amérique duSud. Si l'évolution et les données zoogéographiques d'E.madagascariensis ont été discutées par plusieurs auteurs,l'on ne dispose que de peu d'informations sur sa biologieet sa répartition.

Au début du 20e siècle, Voelzkow déposait une grandecollection de carapaces de E. madagascariensis au muséed'Histoire naturelle de Vienne; elles avaient été obtenuesà Majunga, sur la côte ouest de Madagascar. ...Decary(1950) indiquait une répartition de E. madagascariensissituée entre la baie d'Ampansindava (rivière Sambirano)au nord, et la baie de Saint Augustin (rivière Onilahy) ausud.

2. Recherches actuelles

2.1. La zone de recherche

Lors d'un séjour sur le terrain (G.K.) effectué ennovembre et décembre 1984, l'on a envisagé en plusieursendroits de l'ouest de Madagascar la possibilité d'étudierla biologie d'E. madagascariensis. Il est assez difficiled'obtenir de la population locale des renseignements surces Tortues. Les pêcheurs qui les capturent les mangent ;elles ne sont en général pas vendues sur les marchéslocaux. Le nom malgache des Tortues est "rere", quidésigne aussi bien Pelusios que Pelomedusa et Erymno-chelys. La plupart des gens ne connaissent que Pelusioset Pelomedusa, qu'ils consomment régulièrement. Lacapture d'Erymnochelys est en général due au hasard.Le bassin du Betsiboka, qui est le plus grand fleuve deMadagascar, comporte des lacs en plus du fleuve et de sesaffluents, notamment dans la région située entre AmbatoBoeni et Maevatanana. Dans ces lacs, qui couvrent devastes zones à la saison des pluies, les pêcheurs pêchentau filet, et capturent parfois E. madagascariensis parmi

le poisson. En décembre 1984 et en novembre 1985, il aété possible d'examiner 20 E. madagascariensis vivantes(G.K.), qui s'étaient prises dans les filets.

2.2. Régime hydrologique saisonnier

Le Betsiboka et toutes les grandes rivières de l'ouest deMadagascar ont un régime hydrologique mixte dû àl'étendue de leur bassin versant. Les crues sont enmoyenne les plus fortes de décembre à avril, diminuentde mars à novembre, l'étiage se situant en octobre. Lescrues peuvent être très brutales et atteindre un niveaucent fois supérieur à celui de l'étiage. (Aldegheri, 1972).

2.3. La végétation

L'eau des rivières et des lacs est rouge et boueuse, et iln'y a pratiquement pas de plantes aquatiques submergéesdans cet habitat. A la saison sèche, quand le niveau del'eau est bas, une large bande de sol sablonneux ou latéri-tique dépourvue de végétation, borde les rives plates descours d'eau et des lacs. La végétation des zones inondéespendant toute la saison humide est essentiellementformée de communautés de Phragmites mauritianus. Ontrouve également d'autres plantes comme des cypéracées,des graminées, etc. Dans les lacs, de vastes parties de lazone aquatique touchant aux rives sont couvertes dechamps d'Eichhornia crassipes et quelques autres plantesflottantes qui forment des îles flottantes, surtout quandle niveau des eaux est haut.

Ce type de végétation couvre souvent de vastes zonesde rives sablonneuses temporairement inondées, et lessols alluviaux le long des rivières et des lacs de l'ouest deMadagascar (Koechlin, J. et al., 1974).

Après cette zone, on trouve la forêt décidue sèche,dégradée ou la brousse de l'ouest de Madagascar. A lasaison des pluies, une bonne partie des terres peut êtreinondée pendant des semaines, ce qui permet les migra-tions des poissons et des Tortues dans les forêts et labrousse inondées.

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2.4. Période de capture

La variation saisonnière du niveau de l'eau conduit lespêcheurs à pêcher au filet d'avril ou mai au début dedécembre. Des E. madagascariensis peuvent être captu-rées par hasard pendant toute la saison de la pêche, maisla plupart des Tortues sont prises d'octobre à décembre.Cela peut indiquer une période de forte activité des Tor-tues.

2.5. Proportion par sexe

Le nombre limité de Tortues examinées ne permet pasde tirer des conclusions définitives quant à la proportionpar sexe. Les pêcheurs indiquent que le même nombre demâles et de femelles sont pris pendant toute la saison dela pêche; il semble donc que la proportion soit bien équi-librée.

2.6. Maturité et dimorphisme sexuels

L'on a pu examiner les gonades des Tortues tuées parles pêcheurs. Un mâle dont la carapace mesurait 20,6 cm(1,1 kg) avait des testicules et des organes secondairestotalement immatures. Un mâle dont la carapace mesu-rait 24,6 cm (1,685 kg) était sexuellement mûr. Lesfemelles adultes avaient toutes des carapaces mesurantplus de 30 cm; mais aucune de taille inférieure n'a pu êtreexaminée.

Erymnochelys madagascariensis, à Beroboka,sud-ouest de Madagascar. R.A. Mittermeier

Il n'y a pas de dimorphisme sexuel visible chez les ani-maux jeunes ou semi-adultes. Chez la Tortue adulte, ladistance du cloaque à l'extrémité du plastron est plusgrande chez le mâle que chez la femelle. (La distance duplastron au cloaque est d'environ 5,25 chez le mâleadulte, et de 6,85 chez la femelle adulte. Elle est de 10,43chez la Tortue de moins d'un an ; on note donc une dimi-nution avec la croissance de l'animal. La valeur était de7,12 pour un mâle immature à la carapace de 20,6 cm delong. On peut donc dire que la distance relative du

cloaque au plastron est encore plus longue chez la femelleadulte que chez le mâle immature).

Les mensurations de la tête ne font pas apparaître dedimorphisme sexuel, mais il peut en aller différemmentpour les très vieux animaux (qui n'ont pu être mesurés).

2.7. La saison de la ponte

Le 20 novembre 1985, l'on a pu étudier une femellemature tuée par les pêcheurs. Elle présentait des ovairespost-ovulatoires typiques, dépourvus de follicules mûrs(plus de 2 mm de diamètre) et d'oeufs dans les oviductes.Une autre femelle a pondu deux oeufs dans les jours quiont suivi sa capture (25.11.85). Cela signifie que lapériode de ponte était pratiquement terminée à cetteépoque. D'après les indications des pêcheurs, E. mada-gascariensis pond essentiellement en octobre. L'on n'apas pu obtenir d'informations sûres concernant les sitesde ponte; on peut penser que les oeufs sont enfouis dansle sol sablonneux à la lisière de la forêt.

Les oeufs ont une forme ovale, et mesurent 3,8 cm delong, 2,4 cm de large, et pèsent 10,2 g.

2.8. Sélection de l'habitat

Deux jeunes Tortues de moins d'un an (5,80 et 5,85 cmde longueur de carapace) ont été trouvées dans les eauxpeu profondes (10 cm de profondeur) d'un lac, dans unchamps d'Eichhornia crassipes. Des spécimens suba-dultes (carapaces mesurant 10 à 15 cm de long) ont étépris par des filets lancés près de champs flottants d'Eich-hornia. De grands animaux ont également été pris dansles parties libres du lac. Deux adultes ont été observés(janvier 1985, G.K.) au repos sur des troncs d'arbresdans la rivière Tsiribihina, dans les gorges du massif deBemeraha, où la rivière est rapide.

Il est intéressant de constater qu'aux périodes d'obser-vation, les deux autres Tortues aquatiques de Mada-gascar, Pelomedusa subrufa et Pelusios subniger (casta-neus) n'ont jamais été prises dans des filets. Les deuxespèces habitent la même région qu'E. madagasca-riensis ; on a parfois trouvé des carapaces brûlées dePelusios dans des zones brûlées, plantées de Phragmitesmauritianus, le long des lacs. Il semble que ces Tortuespréfèrent les ruisseaux, canaux et mares, aux lacs ouvertsque fréquente E. madagascariensis.

2.9. Alimentation

La technique de l'évacuation du contenu stomacaldonne des résultats très insuffisants pour E. madagasca-riensis; l'on n'a pu obtenir que de petits fragments deracines de Phragmites mauritianus chez des animaux dedifférentes tailles. Quand on met les animaux dans desconteneurs remplis d'eau après évacuation stomacale, lesintestins se vident rapidement.

Chez les Tortues très jeunes (5,80 et 5,85 cm de lon-gueur de carapace) ou jeunes (10 à 15 cm), on a pu déter-miner essentiellement des résidus végétaux. La nourriturese composait pour 90% à 95% de nouvelles pousses etracines de Phragmites mauritianus. D'autres résidus

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Erymnochelys madagascariensis.

végétaux n'ont pas pu être déterminés mais pouvaientêtre Eichhornia crassipes. Quelques rares élytres de sca-rabées, petites écailles de poissons et dans un cas, desfragments de crâne de souris, ont été reconnus. L'on aégalement trouvé de petites coquilles cassées (10 -14 mm)d'une espèce d'escargot conique très commune dans leseaux peu profondes, mais en très faible proportion parrapport au matériel végétal.

Le contenu de l'estomac et de l'intestin de troisE. madagascariensis tuées par des pêcheurs était beau-coup plus différentié. Un mâle immature (20,6 cm delongueur de carapace, le 18.11.1985) avait dans l'estomacet l'intestin une grande quantité de coquilles cassées ouentières de ce petit escargot conique, qui représentait100% de la nourriture détectable. Chez un adulte mâle,(carapace de 28,1 cm, le 13.11.1985), le contenu del'estomac et de l'intestin était très digéré ; on a pu ydétecter des résidus de poissons (arêtes et vertèbres) etdes coquilles d'escargots, mais pas de restes végétaux. Lecontenu de l'estomac et de l'intestin d'une femelle adulte(carapace de 32,4 cm, le 20.11.85), était essentiellementconstitué de fragments de racines de Phragmites mauri-tianus (environ 90%), et quelques résidus de poissons(arêtes, vertèbres et écailles).

En résumé, Phragmites mauritianus est la principalenourriture des juvéniles et des femelles adultes d'E.madagascariensis. Seuls, deux mâles présentaient une ali-mentation entièrement Carnivore. Toutefois, il faut tenircompte de ce que ces résultats ont été obtenus à la fin dela saison sèche, au moment où le niveau des eaux com-mençait à monter. Les régimes alimentaires pourraientbien être différents quand les eaux sont hautes et inon-dent de vastes régions, où au contraire, à l'étiage. LesTortues gardées en conteneurs se nourrissaient sans pro-blème de pousses de Phragmites mauritianus, de fruits(mangues, papayes, etc.) et de poissons.

R.A. Mittermeier

3. Etat de conservation

3.1. Modifications de l'habitat

Les rivières et les lacs inondés qui constituent l'habitatd'E. madagascariensis ne sont pas directement modifiéspar les activités humaines. Toutefois, les zones inondéesqui bordent les rivières sont de plus en plus utilisées parles paysans, notamment pour la culture du riz. Il est diffi-cile de dire si cela peut influencer la densité de populationd'E. madagascariensis.

Du fait du déboisement dans l'ouest de Madagascar, laforce des eaux a augmenté, d'importants dépôts sableuxse déposent dans le cours inférieur des rivières et, à lasaison sèche, le débit de l'eau diminue. La biologie d'E.madagascariensis semble être adaptée à ces modificationsécologiques, mais certains points concernant les sites deponte optimaux restent à éclaircir.

3.2. La pression de la consommation humaine

L'augmentation de la population humaine à Mada-gascar avec son corollaire, l'augmentation des besoinsalimentaires semble être le plus grand danger pour lasurvie d'E. madagascariensis. L'augmentation de lapêche dans les rivières et les lacs pourrait entraîner ledéclin de la densité de population de cette Tortue,puisque c'est un aliment très apprécié. Dans certainesrégions, des pêcheurs se sont même spécialisés dans lacapture d'E. madagascariensis et d'autres Tortues, etvivent entièrement de cette occupation. La capture desTortues semble plus facile dans les lacs que dans lesrivières. Il faudrait entreprendre une étude comparativede ces deux habitats — rivières elles-mêmes et bords delacs inondés par l'eau courante à la saison des pluies —pour évaluer la menace représentée par la chasse.

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3.3. Comparaison avec les autres Tortuesd'eau douce de Madagascar

E. madagascariensis est plus vulnérable que Pelome-dusa subrufa et Pelusios subniger (castaneus) qui sontécologiquement moins spécialisées, notamment quant autype des eaux habitées. Du fait de leur taille (la carapacepeut atteindre plus de 50 cm) et de leur maturité sexuelletardive (carapace de plus de 20 cm), les Tortues del'espèce E. madagascariensis sont consommées bienavant d'atteindre la maturité sexuelle. Une consomma-tion plus forte et un déclin de la densité de populationpourrait causer une baisse considérable du potentielreproductif d'E. madagascariensis, plus grave que pourles autres Tortues d'eau douce de Madagascar.

3.4. Aspects futurs

Si E. madagascariensis ne semble pas courir un risqueimmédiat d'extinction, nos connaissances actuelles decette espèce ne nous permettent pas de préciser le degréde menace qui pèse sur elle. Dans certaines régions,comme les lacs du bassin du Betsiboka qui ont été étu-diés, E. madagascariensis n'est pas très rare. Quoi qu'ilen soit, il faudrait entreprendre d'urgence une étudedétaillée de la biologie et de la densité de population dansles différents habitats, pour se faire une idée des mesuresde conservation qui permettrait la sauvegarde d'E.madagascariensis dans son habitat naturel.

Pyxis planicauda, tortue menacée du sud-ouest de Madagascar. Celle-ci vit dans la forêt d'Analabc.

R.A. Mittermeier

4. Situation des Tortues terrestres de Mada-gascar

On trouve à Madagascar cinq espèces de Tortues ter-restres dont quatre sont endémiques. Toutes vivent dansl'ouest et le sud-ouest de l'île, et deux d'entre elles sontrares et sont limitées à des zones très restreintes quis'amenuisent du fait des activités humaines. Des mesuresde conservation immédiates sont indispensables pourgarantir la survie de ces espèces.

Geochelone radiata: G. radiata vit dans la région sud-

ouest de Madagascar, entre les rivières Onilahy et Man-drare. Cette Tortue ne court pas un danger immédiatd'extinction, mais elle est néanmoins soumise à une pres-sion due à la consommation et au commerce illicite àMadagascar même. On la trouvait autrefois plus au nordque l'Onilahy, mais on ne sait rien de l'état actuel de sespopulations. L'étude de sa situation impliquerait l'explo-ration de son aire de répartition exacte et de la dyna-mique de sa population.

Geochelone yniphora: G. yniphora est l'une des Tor-tues terrestres les plus rares du monde. Son habitat sesitue dans les forêts décidues sèches qui bordent la baiede Baly, à l'ouest de Madagascar; ces forêts sont de plusen plus réduites par des feux. Le porc sauvage, quis'attaque aux nids et aux jeunes, semble égalementmenacer l'espèce, de même que les indigènes qui captu-rent les animaux adultes et les gardent comme animauxfamiliers. Cette espèce est en voie d'extinction et a besoinde mesures de protection immédiates, notamment unprogramme de reproduction en captivité dans son milieunaturel.

Pyxis arachnoides: P. arachnoides a la plus vasterépartition géographique de toutes les Tortues terrestresde Madagascar. Trois sous-espèces de la zone côtièreallant de Morombé au lac Anony dans le sud, ont étédécrites. Il existe des témoignages plus anciens de popu-lations de P. arachnoides plus au nord, sur la côte ouestde Madagascar, comme Maintirano et Mahajanga. Lespopulations vivant au sud de la rivière Onilahy ne parais-sent pas menacées, mais il convient de rechercher etd'étudier la répartition et la situation de P. arachnoidesplus au nord, sur la côte ouest.

Pyxis (Acinixys) planicauda: P. planicauda a une airede répartition limitée à quelques forêts au nord deMorondava, qui sont son seul habitat. Le défrichementpar les paysans indigènes pour l'agriculture constitue laprincipale menace pesant sur cette espèce qui n'est parailleurs pas consommée par les Malgaches. La survie del'espèce dépend de la conservation de ces forêts. L'exacterépartition et l'écologie de P. planicauda feront l'objetd'une étude ultérieure (G.K.).

Kinixys belliana: K. belliana — Tortue commune enAfrique tropicale — vit dans la région de Sambirano, aunord-ouest de Madagascar (Ambanja). Cette Tortue peutvivre dans les zones cultivées de son aire de répartition,comme Nosy Faly, où elle a une forte densité de popula-tion. Les hommes ne lui font pas de mal. Cette espèce,qui a peut-être été introduite par l'homme à Madagascar,ne semble pas menacée.

BibliographieAldegheri, M. 1972. Rivers and streams on Madagascar. En: Biogeo-

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Koechlin, J. et al. 1974. Flore et végétation de Madagascar. J.Cramer, Vaduz.

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Plantes

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Conservation des plantes à Madagascaret importance internationale de la flore malgache

A. Rakotozafy, L. DOIT et A. Gentry

Madagascar, par la prodigieuse richesse de sa flore, estremarquablement dotée par rapport à l'Amérique duSud, au continent Indo-malais et à la France. Sur les 400familles de plantes du monde entier, l'île de Madagascarà elle seule, en possède actuellement 210, soit plus de lamoitié.

En 1921, Perrier de la Bathie le premier a mis claire-ment en évidence les principaux caractères de la phyto-géographie malgache, et en 1927, le professeur H. Hum-bert décrivant les principaux aspects de la végétationmalgache, reprenait les subdivisions établies par Perrierde la Bathie.

Nous n'insisterons pas sur la végétation, mais nousnous permettrons d'aborder les plantes qui attendent denous une précieuse conservation. Cette opération de con-servation des plantes, travail de longue haleine, nécessi-tant surtout des agents sur le terrain consiste d'abord àles aimer. Nous scientifiques, sommes, les premiers, res-ponsables de la conservation des ressources naturelles.Devons-nous aimer les plantes, plus particulièrement lesplantes malgaches et pourquoi? Il va sans dire que, voustous ici réunis, êtes du même avis que nous.

Nous devons aimer les plantes, non seulement parcequ'elles ont de belles fleurs bleues, rouges, roses, blan-ches (Orchidées), etc., répandent des senteurs agréablespurifiant l'air, sont la parure des vallées, des prairies, desmontagnes, décorent les maisons et les rues, ou encoreparce que les 85% des plantes malgaches sont médici-nales, d'autres industrielles, et alimentaires, mais aussiparce qu'elles sont notre patrimoine national.

La connaissance de la Flore de Madagascar est un desmoyens efficaces pour mener à bien la conservation desespèces végétales existantes et répandues dans l'île; c'estun travail qui n'est pas facile à réaliser, demandant beau-coup de patience, mais qui doit être fait en vue de dresserl'inventaire floristique, car d'innombrables espèces res-tent encore à découvrir dans beaucoup de stations.

Pendant la période de la récolte, le ramassage desgraines destinées aux semis ainsi que l'apport des jeunesplantes de certaines espèces sont rigoureusement à con-seiller afin d'empêcher leur disparition. Nous insistons

beaucoup sur le fait que, parmi les quelque mille espècesmalgaches, celles qui sont rares et en voie de disparitiondoivent être recherchées sans relâche. Le choix d'une sta-tion ou d'un emplacement favorable pour les multiplierest de première importance.

En l'état actuel des choses, les espèces végétales dimi-nuent d'année en année. Ceci est peut-être dû à leursnombreux usages industriels et locaux. Citons parexemple la rareté de Baudouinia rouxevillei H. Perr(Manjakabetany) localisée seulement entre Sakaraha etTuléar: c'est à peine si on arrive à découvrir un piedfleuri après avoir circulé sur un plateau calcaire de 1 km2;Humbertia madagascariensis Lamk, bon bois de cons-truction, très dur, localisé à Manantenina, demeureintrouvable à l'heure actuelle. Il est donné en annexe,une liste des plantes rares et en voie de disparition publiéepar H. Humbert, R. Decary et complétée par des cher-cheurs malgaches.

Chaque pays a sa propre flore. Ainsi sur le plan inter-national, la richesse floristique malgache, et plus particu-lièrement les espèces endémiques, incite beaucoup depays étrangers à envoyer à Madagascar des chercheursspécialisés ou étudiants pendant une période déterminée,en vue de contribuer à une étude phytosociologique, eth-nobotanique ou à d'autres recherches dans le cadre de lapréparation de thèses et diplômes. Les touristes étrangersqui ont passé quelques jours dans la province de Tuléar,étaient en admiration devant les merveilles végétales, pré-sentes sous différentes formes (arbres en bouteille,arbustes épineux ou lactifères, et lianes quelquefoisdépourvues de feuilles). Les Drosera madagascariensis,Voacanga thouarsii, Catharanthus roseus et Centellaasiatica, étudiés depuis fort longtemps en France etd'autres pays, en vue de recherches chimiques sont lestémoignages vivants et visibles de l'abondance desplantes utiles pour la pharmacopée malgache; beaucoupd'autres espèces ont une utilisation industrielle.

Puisque les 210 familles de la flore malgache sontrépandues dans le monde entier, nous espérons qu'unnombre croissant de chercheurs spécialisés, s'intéressantaux plantes de Madagascar, se révèlent d'année en année.En consultant la liste des chercheurs membres de l'Asso-

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R.A. MittermeierAloe suzanna, Aloes menacé du sud de Madagascar dont on ne connaîtaujourd'hui que deux spécimens.

R.A. MittermeierPetit Baobab (Adansonia fony) de la région située au nord de Tuléar.

C'est à Madagascar que les Baobabs (genre Adansonia) atteignent leurplus grande diversité. R.A. Mittermeier

Didierea madagascariensis, autre membre de la famille des Didierea-ceae qui rappelle les Cactées. Cette famille est endémique du sud deMadagascar. Photo prise au nord de Tuléar. R.A. Mittermeier

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dation pour l'étude taxonomique de la flore d'Afriquetropicale (AETFAT) on constate qu'ils sont très nom-breux, de différents pays, et que la plupart des travauxqu'ils ont entrepris concernent beaucoup de plantes mal-gaches. Nous ne perdons pas de vue, les quelquesrécentes recherches faites par certains spécialistes:

— R.M. Pommel - 1982. Crotalaria in Africa andMadagascar (511 espèces dont 32 malgaches).

— A.J.M. Leeuwenberg. 1984. Les Loganiacées deMadagascar.

— Jacques Felix. 1984. Les Memecylon de Mada-gascar.

— David Lorence. A monograph of the Monimiaceae(Laurales) in the Malagasy Region (South-West IndianOcean).

Si nos connaissances des plantes de Madagascar ont pus'améliorer de jour en jour, c'est grâce à la parution de laFlore, aux publications faites par des chercheurs spécia-listes et aux revues périodiques qui nous sont parvenuesde temps à autre. Nous nous permettons de faire mentiondes quelques ouvrages dans lesquels des espèces malga-ches ont été publiées récemment:

— Acta Botanica Hungarica 1984: Diplasiolejeunia(Mousses)

— Acta Botanica Neerlandica 1985: Buxus madagas-cariensis (Buxacées)

— Adansonia 1980: Orchidées de Madagascar et Mas-careignes.

— Blumen 1985: Podocarpus de Madagascar (Podo-carpacées)

— Botanische Jahrbücher 1974: Browringia madagas-cariensis (Amaranthacées)

— Bulletin de la Société Botanique de France 1982:Diplocyclos palmatus (espèce nouvelle) Cucurbitacées.

— Flore d'Afrique centrale, Zaïre, Rwanda, Burundi1974: Araliacées.

— Kew Bulletin 1964: Révision des Lentibulariacées

Nous espérons qu'un grand nombre de scientifiques etamateurs quel que soit leur pays d'origine s'intéressent àla connaissance et à la conservation des ressources natu-relles de leur pays.

Il serait aussi souhaitable qu'on puisse créer un centrede documentation moderne pour la conservation de lanature.

Alluaudia procera, membre de la famille des Didieraceae, endémiquede Madagascar. R.A.Mittermeier

Liste des

Adansonia grandidieriAloe helenae et suzannaeAlluaudiopsisAngraecum leonisBaudouinia rouxevilleiBeccariopsis madagascariensisBrachylaena microphyllaCryptocarya louvelleiCyathea sp.Diospyros microrhombis, perrieriEulophiellaEuphorbia pschypodioides,

pirahazo quartziticolaGrammangisHernandia voyronii

plantes rares

BombacacéesLiliacéesDidiéréacéesOrchidéesLégumineusesPalmiersComposéesLauracéesCyatheacéesEbenacéesOrchidées

EuphorbiacéesOrchidéesHernandiacées

et en voie de disparition

Humbertia madagascariensisIsaloa lepidaKhaya madagascariensisLemuropisum edulePachypodium decaryiPerriera madagascariensisPhyllarthron megapterumRaveneaSantalina madagascariensisSideroxylon gerrardianaSwartia madagascariensisTakhtajania perrieriVonitra utilis, crinitaet thouarsiana

Zygosicyos sp.

HumbertiacéesScrophulariacéesMeliacéesLégumineusesApocynacéesSimarubacéesBignoniacéesPalmiersRubiacéesSapotacéesLégumineusesWinteracées

PalmiersCucurbitacées

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Le palmier du voyageur (Ravenala madagascariensis) est la plante la plus connue de Madagascar. C'est en réalité une plantede la famille des bananiers et non des palmiers.

R.A. Mittermeier

Ces Baobabs de Grandidier (Adansonia grandidieri) si impressionnants bordent la route de Morondova, au nord-ouest de Madagascar.R.A. Mittermeier

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Ethnobotanique et conservation à Madagascar:importance des plantes endémiques pour le développement

Mark Plotkin, Voara Randrianasolo, Linda Sussman et Nina Marshall

1. IntroductionEn 1961, David Attenborough comparait Madagascar

à un grenier de la nature, une salle splendide, pleine despécimens biologiques du passé. Face au danger de ladestruction du biotope malgache, sous la pression d'unecroissance démographique galopante, la principale ques-tion qui se pose est la suivante: ces végétaux et animauxanciens et uniques arriveront-ils à survivre dans le mondemoderne?

Madagascar est hautement concernée par la protectionde la nature. Il est intéressant de remarquer que dans cer-taines formations forestières, comme les forêts tropicaleshumides de l'est, l'endémisme des espèces s'élève à 90%(Guillaumet, 1984). P. Raven mentionnait que l'endé-misme des plantes malgaches peut être cinq fois plusélevé que celui des pays d'Afrique de l'Est de dimensionscomparables. Ce pourcentage élevé d'endémisme vautégalement pour les genres et les familles.

La diversité de la flore et de la faune malgaches va depair avec le patrimoine culturel et social. Les origines dupeuple malgache sont variées: africaines, indonésiennes,arabes. La plupart des ethnologues reconnaissentapproximativement 18 ethnies mais Poirier et Dez (1963)ont subdivisé la population en 39 groupes.

2. Importance de l'ethnobotanique

La science de l'ethnobotanique, définie par Schultescomme la relation entre l'homme et le milieu végétal,joue un rôle spécial dans le développement économiquede Madagascar. La richesse et la diversité des plantes tro-picales à travers le monde fut d'abord connue des peu-ples tropicaux qui vivaient dans ces forêts. Les plantestelles que le maïs et le riz n'ont pas été découvertes dansleur milieu naturel par les explorateurs européens. Danschaque cas, ce sont les indigènes, vivant dans les régionsd'origine de ces plantes qui ont exploité le trésor de ladiversité biologique.

Actuellement, Madagascar importe une grande partiede ses produits pharmaceutiques. En 1977, l'Organisa-

tion mondiale de la santé a adopté une politique de sensi-bilisation de plusieurs gouvernements en vue de susciterl'intérêt et de promouvoir des recherches sur les systèmesmédicaux traditionnels. A la base de cette politique setrouvait l'idée selon laquelle, là où la médecine tradition-nelle est efficace, elle peut apporter une améliorationnette de la santé dans les pays en développement, car elleest acceptée socialement et rentable du point de vue éco-nomique (Akerele, 1984).

Conscient de la richesse et de l'originalité tant de lasociété malgache que de sa flore, le gouvernement mal-gache a manifesté un intérêt pour la recherche sur lamédecine traditionnelle et les plantes médicinales. Celas'est matérialisé par la création du Département d'ethno-botanique du Centre national de Recherche pharmaceu-tique (CNRP).

Le potentiel économique des plantes médicinales estbien illustré par le cas historique de Rauwolfia serpen-tine. Cette plante, de la famille des Apocynacées estemployée par les Indiens comme remède contre lespiqûres de serpents, la fièvre et la dysenterie. Cette planteest mentionnée dans les Veda indiens datant de 1400avant Jésus-Christ. Des études chimiques préliminairesde Rauwolfia ont été conduites entre 1887 et 1895, maisson aptitude à abaisser la pression sanguine ne fut pasentièrement acceptée avant 1930 environ. L'utilisation del'alcaloïde de Rauwolfia par la médecine moderne nedate que de 1950. C'est seulement quatre ans plus tardque 24 compagnies pharmaceutiques américaines ontlancé la reserpine sur le marché, créant ainsi une indus-trie qui rapporte 18 à 20 millions de dollars par an (R.E.Schultes, pers. comm.).

La fameuse pervenche rose de Madagascar (Catharan-thus roseus) appartient à la même famille que Rau-wolfia. Cette pervenche est la source de 75 alcaloïdes,dont deux ont été utilisés pour traiter la leucémie chez lesenfants et les autres pour traiter certains cancers avec unpourcentage élevé de réussites. Il est à remarquer queC. roseus a fait l'objet d'une étude en laboratoire depuisqu'on a découvert que les Malgaches l'utilisent commeagent hypoglycémique (Cordell et Farnsworth, 1976). Onestime qu'en 1980, la vente de ce médicament contre le

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cancer a rapporté 50 millions de dollars dans le mondeentier (Svoboda, 1981; Myers, 1984). Myers (1984) aprévu que la demande de ce produit pharmaceutique aug-menterait de 15% par an. Il est décevant, cependant, deconstater que Madagascar ne reçoit aucun droit pour cesventes, car le principe actif lui-même est extrait de per-venches cultivées ailleurs et non à Madagascar. J'aime-rais mentionner qu'il existe plusieurs espèces de Catha-ranthus à Madagascar. L'une d'elles, C. coriaceous estconsidérée comme en voie de disparition (Thompson,1984).

Le potentiel actuel de l'utilité de la flore malgache nese limite pas seulement au champ de la médecine. Nousavons deux produits agricoles importants de Madagascarqui sont le café (Coffea arabica) et la vanille (Vanilla pla-nifolia). En 1980, Madagascar produisait 80 000 tonnesde café, ce qui représentait 35% de la valeur en dollarsdes revenus d'exportation du pays (FAO, 1981). Quoiquele C. arabica soit d'origine éthiopienne, Madagascar estun centre de diversité d'espèces sauvages de café, aunombre de 40 au moins (Guillaumet et Mangenot, 1975).Certaines espèces pourraient permettre d'améliorer desvariétés à faible teneur en caféine mondialement recher-chées sur le marché international (Guillaumet, 1984).

Le café se place second, après le pétrole, parmi les pro-duits commerciaux importants du marché international,d'autant plus qu'il est le soutien de l'économie de plu-sieurs pays tropicaux (Imle et al., 1977). Le caféier com-mercial, principalement C. arabica, est vulnérable à cer-taines maladies cryptogamiques. Les spores de ces cham-pignons ont une durée de vie très courte. Cependant, onsait, par exemple, que les moyens de transport rapides (leConcorde, par exemple) favorisent l'introduction demaladies de l'Ancien Monde vers le Nouveau Monde(R.E. Schultes, pers. comm.). Heureusement, une variétérésistante à la rouille de l'Ethiopie a permis de surmonterles problèmes d'épidémies dans les plantations decaféiers. Guillaumet (1984) mentionnait la présence de 5espèces différentes de caféiers dans une zone forestièrede 2 km de rayon, à l'intérieur de la réserve de Zaha-mena. Il pense que la plupart des espèces de caféiers mal-gaches se trouvent seulement dans les réserves et les airesprotégées. Il serait très malheureux qu'un jour lescaféiers malgaches soient détruits par des maladies, parmanque de vigueur rustique. Ceci pourrait cependantêtre résolu par des croisements avec les espèces résis-tantes et indigènes avant qu'elles ne disparaissent à causede la destruction de la végétation naturelle qui a lieu pourfaire place aux plantations commerciales.

La pollinisation artificielle de la vanille commerciale(Vanilla planifolia) a été mise au point vers la fin desannées 1800, permettant ainsi sa culture dans plusieurspays y compris Madagascar (CORALL, 1953).Aujourd'hui, Madagascar est le principal producteur devanille commerciale au monde: en 1982, l'exportation devanille se chiffrait à 16,76 milliards de francs (Fondsmonétaire international, 1985). Bien que la vanille cul-tivée ait un germoplasme étroit (G. Wilkes), pers.comm.) et que les plantations de vanille soient ravagéespériodiquement par des maladies (Guillaumet, 1984),nous ne connaissons pas encore la situation actuelle du

germoplasme des 5 ou 6 espèces de vanille sauvage endé-miques de Madagascar.

Les plantes à fibre malgaches comme les palmiers et lesRaphia peuvent aussi être étudiées en vue de leur exploi-tation commerciale. Le rotin d'Asie du Sud-Est est labase d'une industrie extrêmement prospère. CependantDransfield (1981) et Myers (1984) ont déjà remarqué uneréduction de leur population en raison de la surexploita-tion. Plusieurs compagnies péruviennes ont commencé àexpérimenter la culture d'une espèce indigène de palmierpour remplacer le rotin. Ils commencent à obtenir desrésultats qui sont plus que satisfaisants (A. Gentry, pers.comm.).

3. L'ethnobotanique à Madagascar

Plus de 70 livres et articles concernant l'utilité de laflore malgache ont été publiés à ce jour. La publicationde Debray et al. (1971) est parmi les plus documentées.La majorité des travaux sont plutôt taxonomiques ouanthropologiques et servent seulement de point de départà l'ethnobotanique. Les travaux de synthèse de Heckel,1910; Perviet et Meyer, 1957; Boiteau, 1974; etc. contien-nent des informations sur l'utilité de certaines des plantesmalgaches; les noms vernaculaires et scientifiques sontprésentés avec leurs usages mais il n'y a pas d'exemplesni de méthodologie et les méthodes de préparation nesont pas toujours données.

Des travaux plus détaillés sur l'ethnobotanique de larégion du lac Alaotra ont été terminés par M. ZafereAntoine Rabese actuellement Ministre de la Recherchescientifique et technique pour le développement. Uneétude similaire est en voie d'achèvement pour la provincede Mahajanga. C'est, en fait, ce type de travaux conduitspar un scientifique malgache qui méritent d'être pour-suivis et financés par les organisations internationales deconservation, des compagnies pharmaceutiques et jar-dins botaniques.

4. Plan d'action sur l'ethnobotanique àMadagascar

Russell Mittermeier (1985), dans son plan d'actionpour la conservation à Madagascar disait, « Notre but...devrait être de garantir la survie à long terme d'unereprésentation des espèces et écosystèmes variés de cepays unique ». Pour parvenir à cela du point de vue eth-nobotanique, nous aimerions faire les suggestions sui-vantes:

4.1. Elaborer un programme d'inventaire eth-nobotanique pour rassembler des données debase solides sur les plantes de Madagascar

Le premier pas consiste à rassembler et à organisertoutes les informations actuellement disponibles sous uneforme normalisée. Nous avons déjà initié ce projet parun rapport adressé à l'UICN et au WWF (Plotkin et al.,1985).

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L'étude des différents groupes ethnologiques malga-ches s'avère nécessaire pour l'avancement des études eth-nobotaniques.

Dans chaque cas, une équipe formée de scientifiquesmalgaches et d'un chercheur étranger si possible, seraitappropriée. Cet effort intégré donnerait à l'étude ethno-botanique une dimension internationale qui permettraitd'améliorer les possibilités de financement. Ces étudescomprennent 5 parties:

— collecte des échantillons

— connaissance des systèmes médicaux traditionnels

— collecte des données sur les remèdes à des maladiesspécifiques

— observation de l'évolution de la maladie selon lestraitements donnés

— collecte des informations sur les autres plantes etanimaux utilisés pour des raisons notoirement nonmédicinales.

Il est évident que la conduite de ces recherches se feraen collaboration avec plusieurs scientifiques: des bota-nistes, anthropologues, écologistes, pharmacologistes,agronomes, nutritionistes et médecins.

4.2. Elargir le réseau de pares et réservesnaturels

La plus ancienne zone protégée de Madagascarremonte à une soixantaine d'années. Le réseau actuel deparcs et réserves protège théoriquement une représenta-tion raisonnable de la flore et de la faune malgaches.Cependant, une étude de l'état actuel de ces régions estnécessaire. Un inventaire biologique nous permettrad'évaluer le statut de protection des espèces utiles. Y-a-t-il par exemple, des espèces sauvages de caféiers dans telleou telle réserve? Possèdent-ils des caractères agronomi-ques intéressants tels que résistance aux maladies, rende-ment élevé, faible teneur en caféine, etc.? Certainesvariétés peuvent-elles servir de base à des industries phar-maceutiques locales? Peuvent-elles être sources de ger-moplasme pour l'amélioration de plantes à fibres et orne-mentales susceptibles d'être exploitées?

4.3. Augmenter la collection de germoplasmedu caféier et de la vanille

Comme il a été mentionné plus haut, l'amélioration dela culture de ces deux produits d'exportation malgachedépend en particulier de l'utilisation du germoplasmeexistant à Madagascar.

4.4. Former des cadres malgaches enethnobotanique

La formation scientifique des cadres malgaches doitêtre un élément important dans ce programme de conser-vation intégrée au développement. Il importe d'organiserdes séminaires et des ateliers, à Tananarive, avec desexperts internationaux et le personnel malgache. Desstages à l'étranger pour des étudiants et du personnelqualifié devront compléter la formation exigée par unprogramme international bien conçu.

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L'environnement au coursde l'Holocène et l'extinction

de la mégafaune

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L'environnement au cours de l'Holocèneet la disparition de la mégafaune à Madagascar:

quel rapport avec la conservation de la nature?

D.A. Burney, R.D.E. MacPhee, R.E. Dewar, N.A. WellsJ.E. Andriamantana et M. Vuillaume-Randriamanantena

La réussite d'une stratégie pour la conservation de lanature relève de défis lancés aux temps présents et àl'avenir. Cependant, il est tout aussi essentiel d'avoir unecompréhension claire de ce qui s'est déroulé au cours destemps passés.

Par exemple, il est nécessaire de connaître l'impor-tance des éléments qui constituaient la faune de vertébrésqui se sont éteints au cours des siècles les plus récents.Comprendre quand et pourquoi de tels animaux se sontéteints peut fournir des indications capitales pour éla-borer une stratégie pour la protection des espèces actuel-lement menacées. De même, déterminer le rôle du climat,de l'homme et d'autres facteurs dans les changements del'environnement peut nous en apprendre autant sur lepassé que sur l'avenir.

Madagascar est un laboratoire naturel unique pourl'étude des changements de l'environnement. Les événe-ments biologiques, environnementaux et humains quiont façonné la Madagascar d'aujourd'hui, sont encoreassez mal connus; mais des efforts sont actuellemententrepris dans ces recherches sur l'île par de nombreuxindividus ou par des institutions; ils devraient contribuerà nous faire mieux connaître les causes et la nature depréoccupations aussi graves et pressantes que l'extinctiondes espèces et la désertification.

A peu près tout ce que nous savons de l'histoire bio-tique récente de Madagascar, se résume à de nombreusesénigmes encore inexpliquées. On aura plus de chances deles résoudre si tous les éléments encore existants dupuzzle, continuent à exister. Ainsi, la conservation de lanature nous apparaît comme une composante essentielledu travail scientifique nécessaire à l'étude de ces pro-blèmes.

On s'accorde en général à dire que les conditions bioti-ques de Madagascar ont subi des bouleversements pro-fonds pendant la fin de l'Holocène (Battistini, 1976; Bat-tistini et Vérin, 1972; Dewar, 1984; Koechlin, 1972; Tat-tersall, 1982; Walker, 1967). Par exemple, un rapidesurvol de la faune de vertébrés actuels montre l'absencede Mammifères pesant plus de 12 kg (exception faite dePotamochoerus, le Sanglier, qui a dû être introduit asseztôt par l'homme).

Ceci n'est pas étonnant en soi puisque les espèces insu-laires sont fréquemment plus petites que leurs congénèresdes continents. Cependant, à Madagascar, quelque chosede bizarre s'est produit parce qu'une mégafaune trèsdiversifiée a, un jour, existé, et que beaucoup de ces trèsgrandes espèces se sont éteintes, il y a moins de mille ans.

L'un des membres les plus originaux de cette méga-faune subfossile était l'Aepyornis, un Oiseau géant. On apu calculer que la plus grande espèce devait atteindreenviron 3 m de haut et peser plus de 400 kg (Amadon,1947). La disparition de ces Oiseaux-éléphants est uneénigme. Ces Ratites géants existaient partout à la fin del'Holocène; on a, en effet, trouvé leurs os dans des gise-ments situés au coeur de l'île, aussi bien que dansd'autres situés sur les côtes. Ils ont dû être extrêmementnombreux: certains rivages sont comme pavés de frag-ments de leurs oeufs (Battistini et Vérin, 1972).

Nous ne savons pas quand les populations des diffé-rentes espèces de ce genre ont commencé à disparaîtremais d'anciennes chroniques françaises rapportent,qu'un Oiseau géant original, le « Vorompatra », vivaitdans des lieux inhospitaliers, pondait des oeufs sembla-bles à ceux d'une autruche et était rarement aperçu deshumains (Grandidier, 1875-1921).

Il est relativement aisé d'imaginer le comportementlocomoteur des Oiseaux-éléphants: en effet, il y a encoredes Ratites, plus petits, dans d'autres régions du mondeet aucun n'est capable de voler. Mais aucune créaturevivante, ni même aucun fossile hors de Madagascar nepeut fournir un modèle pleinement satisfaisant pour cer-tains Lémuriens géants disparus. La plus grande espècede Magaladapis pouvait peser jusqu'à 100 kg; il étaitpeut-être trop grand pour être entièrement arboricole.Certaines reconstitutions la montrent comme une sortede Primate qui aurait été l'équivalant écologique d'unOurs (Zapfe, 1963).

Le Palaeopropithecus présente l'adaptation la plusbizarre parmi les Primates malgaches disparus (Fig. 1).L'hypermobilité des membres antérieurs et postérieurs decet Indridé géant dépasse tout ce qui est connu chez lesautres Primates. Le caractère excessif même de l'adapta-tion des membres de Palaeopropithecus complique

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Fig. 1 : Le squelette complet de Palaeopropithecus ingens trouvé dans la grotte d'Anjohibe (près de Mahajanga). A. Benson

l'interprétation de son comportement locomoteur pro-bable (Jungers, 1980; MacPhee, 1985; Vuillaume-Ran-driamanantena, 1982; Walker, 1974). Le Palaeopropi-thecus a pu être une forme convergente avec ces singesqui pratiquent le mode de locomotion que l'on appelle« brachiation »: ils se balancent et avancent d'unebranche à l'autre, à l'aide des bras. Une autre théorieaffirme que le Palaeopropithecus devait, plutôt que pra-tiquer une brachiation active, grimper et se suspendreaux branches avec précaution. Une des raisons qui mèneà cette interprétation est en rapport avec sa taille: ceLémurien a dû peser jusqu'à 60 kg, et la plupart des Pri-mates qui se balancent grâce aux membres antérieurspèsent moins de la moitié de ce poids. C'est pour cela, etpour un certain nombre d'autres raisons que l'on pour-

rait bien comparer le Palaeopropithecus à l'Orang-outan, qui se déplace plutôt lentement et avec précau-tions. Comment l'évolution a-t-elle abouti à une telleforme, et par l'intermédiaire de quels ancêtres? Cela res-tera un mystère aussi longtemps que Madagascar n'aurapas livré de fossiles cénozoïques.

En plus des grands Lémuriens et des grands Oiseaux,la faune mammalienne subfossile comprenait des Hippo-potames, des Mangoustes, des Insectivores, des Ron-geurs, et même un Oryctérope. Sans doute, pas un seulde ces animaux ne se trouvait sur Madagascar quandcelle-ci s'est séparée de l'Afrique, il y a peut-être 150 mil-lions d'années. Comment des Mammifères ont-ils pualors se rendre sur cette île?

Etant donné que la plupart des Mammifères malga-

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ches, mais non pas tous, ont des affinités africaines, celarésoudrait beaucoup de problèmes si nous pouvions toutsimplement proposer qu'un pont terrestre enjambait unjour le canal du Mozambique. Mais il n'y a aucunepreuve à l'appui. Au contraire, le fond du canal est ungrand géosynclinal qui n'a cessé de se remplir de sédi-ments au moins pendant les 60 à 70 derniers millionsd'années (Rubinowitz et al., 1983). Comme il est engénéral admis qu'il n'existait alors aucun vrai Primate, ycompris les Lémuriens (Szalay et Delson, 1979), savoirs'il y a eu ou non un pont terrestre plus tôt n'a plusd'intérêt.

Certains proposent une autre explication. C'est "l'hy-pothèse du radeau flottant (Darlington, 1957), selonlaquelle des Lémuriens étaient en train de traverser lesberges d'un fleuve tropical africain quand la berge vint àrompre, créant ainsi un radeau de végétation naturelleemportant un animal. Le radeau a été entraîné vers lamer. Le radeau serait resté intact pendant tout sonvoyage en haute mer, jusqu'à Madagascar, soit sur unminimum de 450 km et avec des vents dominants con-traires. Il aurait ensuite touché terre avec l'animal quiaurait survécu aux rigueurs de cette traversée. Enfin,l'animal en question aurait été une femelle enceinte, desorte qu'elle pouvait assurer la continuité de sa lignéedans le nouveau monde qui s'ouvrait à elle.

Les biogéographes connaissent cette théorie comme« la traversée à la course-loterie », ou sweepstake, àcause de la probabilité très faible, bien que non nulle,qu'un tel événement se réalise.

Ainsi, non seulement les scientifiques ne sont pas sûrsdes causes qui ont mené à l'extinction de cette remar-quable faune subfossile mais, de plus, ils ne savent pas àquoi ressemblaient les ancêtres de ces animaux, ni quandils sont arrivés sur l'île et encore moins comment ils l'ontatteinte et ont survécu.

L'énigme est encore plus troublante quand on consi-dère le fait que de proches parents du groupe de Mammi-fères le plus diversifié à Madagascar, les Lémuriens,étaient communs, il y a 40 ou 50 millions d'années, enAmérique du Nord, en Europe et en Asie, mais quedepuis, ils se sont éteints partout, sauf à Madagascar(Szalay et Delson, 1979).

Laissons de côté ces questions sans réponse, et consi-dérons maintenant d'autres problèmes qui leur sont liés :les causes, la chronologie et l'importance des modifica-tions de l'environnement durant les derniers millénaires àMadagascar.

Comment un paysage comme celui que nous voyonsaujourd'hui dans le centre a-t-il pu être hanté par unanimal aussi évidemment adapté à la vie arboricole que lePaleopropithecus? En fait, on trouve les os de cet Indridégéant dans des endroits situés au centre des 300 000 km2

de savanes qui couvrent la majeure partie de l'intérieur.Il est bien évident que les choses ont dû être différentes ily a 2000 ans, quand le Paléopropithèque était en pleineprospérité.

L'explication habituellement donnée est que l'environ-nement de Madagascar a subi une dégradation récente

d'une amplitude extrême, et que celle-ci est due en partie,sinon dans sa totalité, à l'action de l'homme.

Dans les travaux classiques de Humbert (1927, 1955) etde Perrier de la Bathie (1921, 1936), l'argumentation està peu près la suivante:

Depuis au moins le début du Cénozoïque, c'est-à-diredepuis environ 70 millions d'années, Madagascar a tou-jours été recouverte de formations forestières; maisquand les ancêtres des Malgaches sont arrivés, il y a toutau plus 2000 ans, ils ont amenés avec eux l'élevage dubétail et la culture du riz. Les premiers habitants ont dûdéfricher la terre, ce qu'ils ont fait en brûlant la végéta-tion, ainsi qu'ils le font encore aujourd'hui, jusqu'à ceque la majeure partie de l'île soit dénudée. Les feux con-tinuels ont enlevé le couvert végétal qui protégeait les solstropicaux, vulnérables à l'érosion; ceci a créé des condi-tions qui ne conviennent qu'aux herbes drues.

Pour la faune, il s'ensuivit une réduction de l'habitat,des réserves en nourriture, des aires de répartition desespèces, et des occasions de rencontre nécessaires à lareproduction; à tout ceci se sont peut-être mêlées descauses accessoires comme une chasse limitée. L'ensemblede ces causes signifiait soit l'extinction (celle-ci a touchépas moins de 17 espèces de grands Mammifères, desOiseaux et des Reptiles) soit une sévère réduction desaires de répartition des espèces.

Il y a beaucoup de points qui ne sont pas satisfaisantsdans cette hypothèse traditionnelle. Cette communica-tion traitera brièvement et uniquement de ce que nousconsidérons comme le coeur du problème: comment étaitvraiment Madagascar avant l'arrivée de l'homme dans cepays? Est-il vrai que l'île était plus ou moins complète-ment couverte de forêts, comme le soutiennent lestenants de l'action humaine? Ou bien, certaines commu-nautés végétales ouvertes sont-elles en réalité beaucoupplus anciennes qu'on ne le pense en général? Si cette der-nière hypothèse est la bonne, alors la destruction de laforêt en soi ne s'avèrerait pas une explication suffisam-ment complexe pour rendre compte de l'extinction detoutes les espèces subfossiles.

Il y a un peu moins de 20 ans, la plupart des écologistescroyaient que la végétation correspondant au « climax »de toutes les régions tropicales était une certaine sorte deforêt. En conséquence, la plupart des savanes et toutesles steppes tropicales était interprétées comme des« régions dégradées », et le plus souvent comme lerésultat des activités de l'homme. Cependant, des étudesrécentes suggèrent une origine beaucoup plus anciennepour certaines savanes tropicales (Hamilton, 1982;Livingstone, 1980). Van Couvering (1975) décrit dessavanes d'Afrique orientale datant du Miocène, c'est-à-dire de quelque 20 millions d'années.

Livingstone et Van der Hammen (1983) ont résumé lesrésultats d'études palynologiques de plusieurs sites enAfrique et en Amérique du Sud, et datant de la fin duQuaternaire, c'est-à-dire, de quelques milliers oudizaines de milliers d'années. Ils confirment que des prai-ries s'étendaient sur de vastes régions dans ces conti-nents, aux dépens des communautés forestières; ceci pen-dant les périodes arides, lesquelles correspondaient aux

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grandes glaciations de l'hémisphère nord. Beaucoup desites montrent aussi une diminution de l'aridité à la fin del'Holocène; elle a commencé en général il y a 2000 ou4000 ans environ.

C'est pourquoi il n'y a pas de raison de croire a priorique le plateau du centre, à Madagascar, ait toujours étécomplètement recouvert de forêts, ni de croire que lespremiers Malgaches aient rencontré un paysage uniformede forêt sur ce plateau.

Il est important de souligner qu'il existe très peu defaits tangibles qui puissent être utilisés pour décrirel'environnement de Madagascar, il y a 3000 ans et plus.Quelques faits, limités certes, sont cependant suscepti-bles de prouver qu'il a pu y avoir des régions du plateaucentral qui ne portaient pas de forêts épaisses avantl'arrivée de l'homme.

Premièrement, beaucoup d'animaux qui ont disparuau cours des deux derniers millénaires, n'étaient sûre-ment pas tous des habitants des forêts; ils ont très bien pupréférer des types de végétation plus ouverte. En particu-lier, les Tortues géantes, le plus grand Aepyornis, et quel-ques-uns des grands Lémuriens ont dû préférer les sur-faces sans forêts (Godfrey, 1977; MacPhee et al., 1985).Ces animaux sont très communs dans les sites paléonto-logiques du plateau central.

Deuxièmement, bien qu'il n'y ait eu encore que peu derecherches palynologiques à Madagascar, certainsd'entre nous (MacPhee et al., 1985) ont récemmentpublié deux spectres polliniques du début de l'Holocèned'Ampasabazimba, le plus célèbre et le plus diversifié dessites subfossiles du centre de Madagascar. Bien que leséchantillons soient peu nombreux et difficiles à inter-préter, il semble que les pollens déposés dans ce marais, ily a 7000 à 8000 ans, provenaient d'une végétation variéeavec, peut-être, des savanes boisées, des forêts-galeries,et de petites surfaces de prairies ouvertes. Cette interpré-tation est provisoire, mais elle contredit aussi tout à faitcelle de Perrier de la Bathie (1928) qui croyait que lespentes du massif de l'Itasy étaient complètement recou-vertes de forêts; il se basait alors sur des macrofossilesvégétaux.

Tant que d'autres recherches paléo-écologiquesn'auront pas éclairci ce point, nous ne pourrons pas êtrecertains de la nature de l'environnement dans le plateaucentral lors de sa première occupation par l'homme.Mais il nous semble raisonnable de considérer au moinscomme une possibilité le fait que la forêt n'ait pas étéuniforme.

David Burney et d'autres palynologues et paléo-écolo-gistes, malgaches et américains, appartenant au Groupede Recherche sur le Cénozoïque (GRC), travaillent sur leproblème de l'extinction de la faune du point de vue dupaléo-environnement, et ceci au moyen de deux appro-ches parallèles. Ils comparent les communautés végétalesactuelles et les spectres polliniques actuels: ils analysentune série d'échantillons pris sur une surface représenta-tive pour les pollens, puis ils comparent ces échantillonsavec l'extension des types de végétation adjacents; cesdonnées sont déterminées par la combinaison de techni-ques de télédétection et de collectes de plantes (Burney,

en prép.). Ce travail a pour but de fournir les donnéesnécessaires pour pouvoir interpréter les spectres pollini-ques fossiles qui représentent l'ancienne végétation.

De plus, des carottes de sédiments de 1 à 10 m de longont été recueillies par le GRC dans 7 étangs et marécagesdes parties centrales et septentrionales de l'île (Fig. 2).Les résultats préliminaires nous font penser que lesmicrofossiles, qui sont abondants dans ces carottes,pourront fournir les données nécessaires pour caracté-riser l'environnement à l'Holocène et les changementsqui sont intervenus. Par exemple, l'une de ces carottes,prise dans le lac Kavitaha de la région de l'Itasy, d'aprèsles mesures de concentration en charbon, contient desrestes, datés au radiocarbone, de l'action du feu (Burneyet al., 1986) Les spectres polliniques dans la stratigraphiede la même carotte reflètent certainement les modifica-tions survenues dans la végétation alentour, dues à ce quisemble être un accroissement soudain de l'action du feudurant les derniers 1400 ans. Trois carottes des lacs de larégion d'Antsirabe contiennent plusieurs couches de cen-dres volcaniques et des microfossiles indiquant des chan-gements environnementaux dans cette importante régionfossilifère. Une autre carotte recueillie dans un marais, àla limite actuelle de la forêt de la Montagne d'Ambre,pourra fournir des informations sur les changements aucours de l'Holocène dans cette région de l'extrême nordactuellement couverte de forêts, datant d'environ 36 000ans.

Des données diachroniques concernant le paléo-envi-ronnement et les modifications de l'environnementseront très utiles pour pouvoir distinguer les diversescauses et les divers effets liés à l'extinction de la méga-faune et à la détérioration de l'environnement à Mada-gascar.

Cependant d'autres types de données sont essentielspour avoir une image globale.

Pendant la campagne de 1985, un détail qui n'avait

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Fig. 2: Des carottes de sédiments ont été recueillies par le GRC danssept étangs et marécages des parties centrales et septentrionales de l'île(par exemple, le lac Andranotoraha près du lac Itassy).

P. Chatrath

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Fig. 3 : Emplacement de certains sites subfossiles à Madagascar. Le site sans nom de la Montagne des Français est indiqué par une flèche.

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cessé d'intriguer les chercheurs a été éclairci. A l'excep-tion d'Hippopotamus lemerlei, aucun reste de Mammi-fères disparus n'avait jamais été trouvé dans le tiers nordde l'île, au nord et à l'est d'une ligne allant de Majunga àAmpasambazimba, puis vers le sud (Fig. 3).

Cette répartition a posé des problèmes à bien des cher-cheurs parce que plusieurs des Lémuriens géants, parexemple, se trouvaient dans de nombreux sites du centreet du sud. Lors d'une visite dans une grotte sans nom dela Montagne des Français, près d'Antsiranana (Diego-Suarez) à la fin de juillet de cette année, l'équipe a trouvéun fragment maxillaire bien conservé d'Archaeolemur(MacPhee et al., 1985), un genre commun dans beaucoupd'autres sites fossiles et dont l'anatomie montre certainesadaptations pour la vie terrestre.

Un autre élément intrigant trouvé lors de la campagnede 1985 concerne la population ancienne de Madagascar.Les archéologues se sont toujours demandé comment ungroupe qui avait apparamment modifié si gravementl'intérieur de Madagascar pouvait avoir laissé aussi peude traces de sites d'habitation et d'objets (Dewar, 1984).

Bien qu'auparavant on n'ait pas relevé l'utilisationd'abris sous roche, Robert Dewar a maintenant localiséun certain nombre de sites d'habitation de ce type dans larégion d'Antsiraba (Fig. 4), avec des poteries d'un styledistinctif ressemblant à celui qu'on attribue à la céra-mique la plus ancienne à l'intérieur de Madagascar(1979). Bien que les fouilles n'aient encore fourni aucunepreuve montrant que ces populations chassaient la faunesubfossile, quelques fragments de restes d'animaux nondomestiqués ont été récoltés et sont actuellement ana-lysés.

Qu'est-il donc arrivé à la mégafaune de Madagascar?Il est clair que des découvertes sont encore nécessairesmais plusieurs moyens d'étude mettent en lumière desdétails significatifs.

En dépit d'affirmations péremptoires et contraires, lacorrélation entre la colonisation par l'homme et la crise

Fig. 4: Le site archéologique d'Antsetsindrano (Mt. Ibity), où on atrouvé des poteries anciennes d'un style distinctif.

R. MacPhee

faunistique à Madagascar reste une corrélation et nonune relation démontrée de cause à effet. Le problèmen'est pas de savoir si des populations sans techniquessophistiquées pouvaient entraîner une extinctionmajeure. Il est clair qu'elles le pouvaient, comme elles lefont à présent partout dans le monde. Le problème est desavoir si elles l'ont fait, dans ce cas précis. Sur un autreplan, le problème est aussi de savoir si l'homme est enfait le responsable direct de la disparition de la méga-faune qui a eu lieu dans tant de parties du monde, commeune poussée de fièvre, au début des temps post-glaciaires.

Du fait de ses proportions de petit continent, de sadiversité faunistique, de son occupation récente parl'homme, Madagascar est l'endroit presque idéal pourvérifier le bien-fondé des différentes hypothèses qui fontintervenir, à des degrés divers, tantôt l'activité humaine,tantôt des causes naturelles pour expliquer les extinctionsdu Pléistocène. C'est, du moins, ce que nous espérons.

En nous basant sur les récentes découvertes paléonto-logiques, paléo-écologiques et archéologiques, nous pou-vons formuler quelques suggestions concernant la stra-tégie de la conservation pour les temps présents:

1. Les restes fossiles indiquent qu'une remarquablemégafaune de la fin du Quaternaire s'est éteinte à Mada-gascar au cours du dernier millénaire, pour des raisonsqui ne sont pas encore très claires. A cause des rapportsétroits et évidents avec ce problème et avec d'autres ques-tions scientifiques importantes, la conservation des plusproches parents vivants de la plupart des créatures dispa-rues, comme les Lémuriens, devrait être considéréecomme la plus haute priorité. De même, les sites archéo-logiques et subfossiles ont besoin d'une forme de protec-tion plus active, de sorte que les restes fragiles des événe-ments préhistoriques soient utilisables pour des étudesfutures.

2. Les données paléo-écologiques sur Madagascarsont rares, mais des trouvailles récentes montrent que deschangements de végétation, d'une grande amplitude, onteu lieu à la fin de l'Holocène. Ces découvertes montrentaussi que des changements similaires se sont égalementproduits au cours des siècles proches et qu'ils continuentà entraver les efforts de conservation de l'île.

Beaucoup de communautés végétales susceptibles defournir des informations valables sur ces modificationssont maintenant très rares, et certaines ont dû dispa-raître. Du point de vue scientifique, les efforts de protec-tion de la nature devraient être centrés sur l'identificationet la préservation d'ensembles représentatifs de tous lesenvironnements préhistoriques importants de l'île, passeulement ceux des forêts humides.

3. Les feux de brousse, l'érosion du sol et la déforesta-tion doivent être compris comme des processus qui sesont produits dans un contexte préhistorique tardif, etpas seulement au cours du présent siècle. Aucun desefforts faits au niveau du gouvernement ou des institu-tions pour corriger les abus dans l'utilisation des res-sources naturelles par les pratiques traditionnelles nesemble être en mesure d'aboutir. Ceci, à moins que lespopulations elles-mêmes ne comprennent les torts que detelles pratiques causent. Une des façons de faire quelque

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chose en ce sens, serait de rendre les populations, àMadagascar et ailleurs, conscientes de ce qui a déjà étéirrémédiablement perdu. C'est l'une des gageures les plusimportantes pour ceux qui interprètent le passé mal-gache.

4. Bien que les détails sur le passé de Madagascar inté-ressent en premier lieu les spécialistes qui travaillent danscette région, certains des problèmes scientifiques rencon-trés ont une portée plus large et sont d'une nature pra-tique immédiate. Ceux qui travaillent pour la conserva-tion à Madagascar ou en faveur de Madagascar devraientavoir à coeur de se rendre compte que l'étude de la floreet de la faune uniques de l'île peut donner lieu à d'impor-tantes découvertes touchant à des problèmes aussi vasteset pressants que les extinctions et la désertification.

5. Au cours des derniers millénaires, Madagascar asubi des pertes importantes qui sont, en partie au moins,dues aux conséquences nuisibles de l'activité humaine.Cependant, compte tenu de la fragilité des faits connus àce jour, reprocher ce qui est arrivé aux seuls Malgaches età leurs ancêtres serait une démarche ni correcte, ni scien-tifique. Il convient plutôt de poursuivre avec prudencel'évaluation des idées anciennes et des données nouvellesconcernant le passé de Madagascar. Quels que soient lesrésultats de ces recherches, la conservation des espècesvégétales et animales uniques de l'île est une des pre-mières priorités.

Remerciements

Nous exprimons notre gratitude à Mme B. Rakotosa-mimanana, H. Rakotoarivelo, D.A. Livingstone, tousles autres membres du Groupe de Recherche sur le Céno-zoïque de Madagascar, la National Geographic Society,et la National Science Foundation (ATM-8304488 etBSR-8501079).

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Propagation en captivité

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La propagation en captivitéen tant que stratégie de conservationde la faune menacée de Madagascar

Lee Durrell

Tout le monde s'accorde à reconnaître qu'une espècene doit pas disparaître du fait des activités de l'homme, etque le but même de la conservation de la nature est desauvegarder les espèces à l'état sauvage. Ces vingt der-nières années, cependant, il s'est avéré que la dégrada-tion du milieu naturel est si rapide que les populations denombreuses espèces ne peuvent plus survivre d'elles-mêmes. En effet, pour plusieurs espèces, l'élevage encaptivité représentait la dernière chance de survie. Jeparle, par exemple, de l'Oryx algazelle, en Arabie, duCheval du Przewalski, en Asie, du Cerf du père David,en Chine, du Bison d'Europe, de la Sarcelle de Laysan etdu Faisan d'Edward, en Asie du Sud-Est. Toutes cesespèces ont disparu dans la nature, mais elles s'accom-modent bien de l'élevage en captivité.

La question n'est donc pas de savoir si l'on doit cap-turer des espèces en voie de disparition, mais plutôtquelles espèces capturer, à quel moment les capturer,comment les capturer, et comment s'assurer que lespopulations en captivité survivront d'elles-mêmes.

Tout d'abord, quelles espèces choisir? Récemment, ona recommandé de préserver un maximum de diversitédans les espèces vivantes (SMC, 1980). S'il faut, parexemple, faire un choix entre deux espèces à sauvegarder,que l'une est d'un genre polytypique et l'autre monoty-pique, cette dernière doit être choisie. De plus, on s'inté-resse actuellement à la faune des îles, parce qu'elle estpresque toujours endémique et disparaît très vite à causedes activités de l'homme. Par exemple, dans l'île deGuam dans le Pacifique, la moitié des espèces endémi-ques d'Oiseaux est déjà éteinte, et l'espoir de survie del'autre moitié repose sur l'élevage en captivité (Flesness,comm. pers.).

Examinons ensuite la question de savoir à quelmoment une espèce doit être prise en charge. Presquetout le monde estime qu'il vaut mieux intervenir trop tôtque trop tard: l'histoire tragique du Condor de Cali-fornie nous le rappelle. Dans ce cas précis, la décision decapturer quelques condors ne fut appliquée que plusieursannées plus tard. Il reste à présent sept représentants âgésde cette espèce à l'état sauvage, et la plupart des spéci-

mens en captivité sont trop jeunes pour se reproduire(Flesness, comm. pers.).

Prenons, enfin, la troisième question: comments'assurer que les populations en captivité survivrontd'elles-mêmes ? Elle fait aujourd'hui l'objet de nom-breuses controverses. Le premier critère est évident: ilfaut démontrer que les animaux peuvent bel et bien êtreélevés en captivité, c'est-à-dire que la population captiven'est pas maintenue artificiellement par des apports de lanature. Le deuxième critère, c'est la définition d'unepopulation qui survit d'elle-même: si après 200 ans d'éle-vage, une population garde 90% de sa variation géné-tique, on peut dire que cette population survit d'elle-même (Soulé et al., sous presse). Pour appuyer ce critère,il existe certains critères démographiques, par exemple,combien de mâles et de femelles, de quel âge, de quelparentage, etc.? Mais ces critères varient suivantl'espèce, et même pour les taxons bien connus, tels queles Primates et les Ongulés, il reste encore beaucoup àapprendre. Malgré cela, il existe une méthode approxi-mative, utilisée à l'heure actuelle pour décider si unepopulation survit d'elle-même, ou non : si la populationcaptive comporte plus de 100 individus, parmi lesquels50% ont été élevés en captivité, on peut dire que cettepopulation survit d'elle-même (Perry et al., 1972).

A Madagascar, la détérioration rapide des commu-nautés naturelles et la diminution des populationsd'espèces endémiques sont bien connues. Etant donné lesquestions actuelles relatives à l'élevage en captivité,Madagascar est un cas non seulement spécial mais aussiurgent. La question de savoir quelles espèces choisir estdifficile, à cause d'une très forte proportion d'endé-misme à un niveau taxonomique élevé (Durrell et Dur-rell, ce volume). De plus, il est difficile de dire s'il esttrop tard ou non pour quelques espèces, parce que leurstatut dans le milieu naturel est très peu connu (Durrell,1984) et c'est donc ici que réside l'importance vitale desrecherches sur le terrain.

Enfin, quelle est la situation actuelle des espèces mal-gaches en captivité en dehors de Madagascar? LeTableau 1 indique combien d'espèces parmi les Mammi-fères, les Oiseaux et certains Reptiles sont en captivité,

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combien sont élevées, et combien satisfont le critèreapproximatif pour qu'une population survive d'elle-même. Les chiffres sont extraits du International SpeciesInventory System (ISIS), rapport de juin 1985 et duInternational Zoo Yearbook (IZY), de décembre 1981,datant malheureusement de quatre ans déjà. Parmi lesReptiles, j 'a i examiné le statut en captivité de neuf genresbien connus seulement, mais il est peu probable qu'il y enait d'autres enregistrés en captivité (Bloxam, comm.pers.).

On peut remarquer qu'il n'y a que 24 espèces élevéesen captivité. Cela ne représente que 6% des vertébréssupérieurs endémiques de Madagascar. Il n'y a guère quesept espèces qu'on peut considérer comme survivantd'elles-mêmes en captivité.

Le Tableau 2 détaille les spécimens en captivité. Lestrois chiffres figurant après le nom de chaque espèceindiquent le nombre de mâles, de femelles et d'animauxde sexe indéterminé dans la population; le chiffre suivipar « coll. » indique combien de collections zoologiquesconservent l'espèce; le pourcentage indique la proportiond'individus nés en captivité. A noter que les chiffresd'ISIS et IZY ne correspondent pas, parce qu'il y a desinstitutions qui informent l'un mais pas l'autre. De plus,les chiffres ne comprennent pas les animaux des institu-tions et des collections privées qui n'informent jamais cesinventaires internationaux, mais de tels chiffres sont pra-tiquement impossibles à obtenir.

Il faut considérer que les espèces en question ont despopulations qui survivent d'elles-mêmes. Le critère de100 spécimens dont 50% sont élevés en captivités'applique seulement si la population entière est géréecoopérativement, c'est-à-dire si les institutions veulentbien échanger les spécimens pour former les couples lesplus aptes à conserver la variation génétique de la popu-lation captive dans son ensemble.

La stratégie idéale dans la gestion coopérative d'uneespèce est l'entretien d'un « livre d'élevage » (« stud-book »). C'est un registre des naissances, des morts, desliens familiaux et de la localisation des spécimens, quipermet de recommander rapidement et aisément les meil-leurs couples, pour définir le meilleur plan de gestion.Pour les espèces malgaches il n'existe que deux de ceslivres d'élevage à l'heure actuelle: un pour Lemur m.macaco et un pour Varecia variegatus. Il existe aussi unlivre d'élevage régional pour le Boa Acrantophis dume-rilli comprenant les spécimens d'Amérique du Nord, eton prépare là-bas un livre pour A. madagascariensis.

La tenue de livres d'élevage est la stratégie idéale pourla gestion coopérative, parce qu'il y a un seul coordonna-teur pour chaque espèce, mais, en fait, il est souvent dif-ficile de trouver des personnes suffisamment dévouées.Donc, faute de mieux, il faudrait que chaque institutionayant des spécimens tienne ISIS au courant des nais-sances, morts, etc., parce que ISIS est capable de conce-voir très rapidement le meilleur plan de gestion.

De la discussion qui précède, il ressort que la tâcheconsistant à aider à sauvegarder la faune malgache parl'élevage en captivité n'est pas simple.

Je voudrais décrire brièvement la stratégie adoptée par

une institution en particulier pour accomplir cette tâche,non seulement pour la faune malgache mais aussi pour lafaune d'autres pays en développement: il s'agit du Wil-dlife Preservation Trust, fondé il y a 25 ans par monmari. Aujourd'hui, il montre la voie en matière d'élevageen captivité contribuant à la conservation.

Nous essayons de gérer nos populations captives surune base internationale et notre philosophie veut quetout individu d'une espèce menacée soit sans prix — nousprocédons à des échanges et à des prêts, et les animauxque nous prélevons de la nature appartiennent au gouver-nement de leur pays d'origine. Nous nous tenons au cou-rant du statut des espèces à l'état sauvage, souvent enenvoyant un membre de notre équipe travailler sur le ter-rain.

Notre stratégie est la suivante: premièrement, conclureun accord avec le gouvernement du pays concerné pourdéfinir la tâche à accomplir; deuxièmement, former destechniciens du pays concerné sur notre lieu de travail àJersey, pour leur apprendre à soigner et à élever les ani-maux ; troisièmement, envoyer régulièrement unmembre de notre équipe dans le pays concerné, pour con-seiller et aider les techniciens formés à Jersey et leurs col-lègues dans le zoo local ou l'installation spéciale d'éle-vage. A cette étape, nous offrons une aide financière aupays pour entretenir et développer ses propres pro-grammes d'élevage sur place. Nous pensons que les ani-maux doivent être aussi bien élevés dans leur pays d'ori-gine que dans les institutions étrangères.

Nous en sommes à cette étape dans notre accord avecMadagascar. Je voudrais vous lire quelques mots del'invité de marque qui vient visiter Madagascar lasemaine prochaine, le prince Philip, duc d'Edimbourg. Ila prôné, il y a longtemps, l'aide internationale pour leszoos, dans les pays qui n'ont pas les moyens d'en mettresur pied, « les pays ... où la plupart de la population atrès peu de possibilités de voir ses animaux dans lanature. Ce serait une façon de montrer aux peuplesl'importance et l'urgence de la conservation de la nature.La conservation et l'intérêt public devraient être le but àlong terme. » Je vous recommande de visiter le ParcTsimbazaza, le jardin botanique et zoologique nationalde Madagascar, pour voir le bon travail effectué par leDr. Voara Randrianasolo et son équipe.

L'étape suivante de la stratégie du Wildlife Preserva-tion Trust pour contribuer à la conservation par l'élevageen captivité, consiste après les recensements sur le terrainen vue de déterminer quelles espèces bénéficieront del'élevage en captivité et après une consultation avec lesautorités pour convenir du nombre d'animaux et du sitede la capture, à monter une expédition menée par desspécialistes des méthodes de capture et de transport desanimaux et qui savent comment les soigner pendant lapériode délicate du transfert de l'état sauvage à la capti-vité. Enfin, nous distribuons les spécimens aux institu-tions compétentes, normalement Jersey et le zoo ou l'ins-tallation du pays concerné. Ainsi débute le long pro-cessus d'élevage en captivité.

Le but ultime de l'élevage en captivité est, bienentendu, de rétablir l'espèce à l'état sauvage. Nous parti-

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TABLEAU 1

INVENTAIRE DE SPÉCIMENS DE LA FAUNE MALGACHEEN CAPTIVITÉ EN DEHORS DE MADAGASCAR

A. ... Spécimens seuls :Aves

Coracopsis vasaC. nigra

*PrimatesMicrocebus rufus

B. ... Pas d'élevage :Reptiles

Pyxis arachnoidesAves

Montas benschi

C. ... Elevage :Reptiles

Geochelone radiataGeochelone yniphoraSanzinia madagascariensis

Acrantophis madagascariensis

A. dumerilii

AvesAnas melleri

InsectivoraSetifer setosus

•PrimatesPropithecus verrauxi

Lemur coronatus

L. rubriventerHapalemur griseus

Microcebus coquereliCheirogaleus major

C. medius

CARNIVORAFossa fossa

Galidia elegansCryptoprocta ferox

0.1.

1.

5.

0.

43.2.

20.22.11.9.

37.48.

19.

13.0.

1.

12.

5.7.

8.2.3.

25.34.

1.1.3.7.1.

D. Populations qui survivent d'elles-mêmes:

INSECTIVORAEchniops telfairii

*PRIMATESLemur cattaL. macaco

L. fulvus

L. mongoz

Microcebus murinus

Varecia variegatus

24.20.

283.90.70.

356.170.60.19.56.36.

165.216.

1.0.

0.

8.

0.

45.3.

25.23.8.

13.43.58.

31.

16.1.

0.6.

13.6.6.6.5.7.0.1.

14.27.

1.0.2.8.1.

35.26.

250.77.69.

329.161.54.15.58.33.

124.167.

00

0

0

2

59 (+57)0

1211056

13

40

05. 005. 0204. 000000

00000

3761

84005

1500

1246

30

38%20%65%

40%

66%

100%

100%

100%9%

100%72%

100%46%55%73%0%

50%100%95%

100%20%40%

100%

100%99%

91%100%95%

100%88%

100%35%

100%99%

100%94%

5 coll.

1 coll.

32 coll.2 coll.

13 coll.12 coll.7 coll.

12 coll.17 coll.12 coll.

7 coll.

9 coll.

1 coll.1 coll.3 coll.1 coll.3 coll.4 coll.1 coll.1 coll.1 coll.1 coll.4 coll.3 coll.

1 coll.1 coll.2 coll.4 coll.1 coll.

19 coll.22 coll.

87 coll.20 coll.17 coll.71 coll.34 coll.34 coll.7 coll.

13 coll.5 coll.

49 coll.24 coll.

(ISIS)(ISIS)

(IZY)

(IZY)

(ISIS)

(IZY; Swingland)(IZY)(IZY)(Slavens)(IZY)(Slavens)(IZY)(Slavens)

(IZY)

(IZY)(ISIS)

(IZY)(ISIS)(IZY)(ISIS)(ISIS)(IZY)(ISIS)(ISIS).(IZY)(ISIS)(IZY)(ISIS)

(IZY)(ISIS)(IZY; ISIS)(IZY)(ISIS)

(IZY)(ISIS)

(ISIS)(IZY)(ISIS)(IZY)(ISIS)(IZY)(ISIS)(IZY)(ISIS)(IZY)(ISIS)

Les chiffres IZY et ISIS arrangés selon systématiques des Primates, d'après Tattersall (1982)

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TABLEAU 2

LE STATUT DE LA FAUNE MALGACHE EN CAPTIVITÉ EN DEHORS DE MADAGASCAR

NOMBRE D'ESPÈCES POUR LESQUELLES ......IL N'Y A... ...IL Y A...

TAXA

REPTILIA(espècessélectionnées)

AVES

MAMMALIAINSECTIVORESCHIROPTERAPRIMATESRODENTIACARNIVORA

TOTAL

NOMBRED'ESPÈCES

REPRÉSENTÉES

6

4

192

—14—

3

29

QUE DESSPÉCIMENS SEULS

2

1—

1—

– – –

3

...PAS D'ÉLEVAGE

1

1

2

...ÉLEVAGE

5

1

111

7—

3

17

DES POPULATIONSQUI SURVIVENTD'ELLES-MÊMES

71

6—

– – –

7

*suivant critère minimal, c'est-à-dire 100 spécimens parmi lesquels 50% élevés en captivité (Perry et al., 1972)

cipons à des programmes plus ou moins avancés, pour lerapatriement de huit espèces dans quatre pays. La con-servation de la nature à l'état sauvage dépend des gouver-nements et d'institutions plus grandes que la nôtre; néan-moins nous sommes associés à quelques projets derecherche, de protection et de restauration des régions oùl'on planifie la remise en liberté des animaux élevés encaptivité.

Ce n'est que récemment que l'élevage en captivité a étéreconnu comme aide de valeur à la conservation de lanature. Je crois que pour la faune malgache c'est uneaide vitale. Je voudrais donc proposer une stratégie pourMadagascar.

Il conviendrait, tout d'abord de conclure des accordsinternationaux avec Madagascar, lesquels sont très effi-caces pour une stratégie à long terme. Actuellement, il ya quatre accords: l'un avec le Wildlife PreservationTrust de Jersey, deux autres avec le Duke PrimateCentre et l'Université de Strasbourg pour l'élevage desLémuriens et le dernier avec le Missouri Botanical Gar-dens qui je crois, s'occupe, en plus de la recherche sur leterrain, de la culture des plantes, c'est-à-dire de « l'éle-vage en captivité » pour les plantes.

L'intérêt accru des zoos et autres installations d'éle-vage pour la faune des îles, montre que le moment estvenu de leur conseiller vivement d'orienter leurs effortsvers la faune malgache. Les résultats de ce séminaire etde la conférence internationale, qui aura lieu la semaineprochaine, seront largement diffusés et devraient être uti-lisés pour encourager des institutions compétentes à con-clure des accords avec Madagascar. Les termes de cesaccords devraient augmenter le nombre d'espèces de lafaune malgache destinées à l'élevage en captivité, et cer-tains aspects de ces accords devraient être modelés surl'accord passé entre le Wildlife Preservation Trust etMadagascar.

Le deuxième point de la stratégie que je propose est

d'établir aussitôt que possible des livres d'élevage inter-nationaux pour les espèces déjà en captivité, surtout pourcelles qui sont actuellement élevées, et aussi pour lesespèces qui vont être en captivité, au moment de la cap-ture.

J'espère que les autorités malgaches vont sérieusementconsidérer cette stratégie pour contribuer à la conserva-tion de leur patrimoine naturel spectaculaire.

BibliographieBloxam. Q. 1985 pers. comm.Durrell, G. et L. Durrell. 1986. L'avenir de la flore et de la faune

unique de Madagascar: la première des grandes priorités de la conser-vation mondiale. Ce volume.

Durrell, L. 1984. Recent biological research by foreigners in Mada-gascar. Paper presented at meetings of BOu and FFPs at Regent'sPark, London.

Edinburgh, Duke of , HRH Prince Philip. 1964. Welcome to dele-gates and observers. From "Zoos and Conservation" symposium.IUCN Publications, New Species, Suppl. paper No. 3. Gland, Switzer-land.

Flesness, N. 1985. pers. comm.

International Species Inventory System. 1985. Species distributionreport 30/06/85. ISIS, Minn. Zool. Gdns., 12101 Johnny ApplecakeRd., Apple Valley, Minn. 55124, USA.

Perry, J., D. Bridgewater et D. Horseman. 1972. Captive propaga-tion: a progress report. Zoologica, Fall : 109-117.

Slavens, F. 1984. Inventory of live reptiles and amphibians in capti-vity. F. Slavens, Woodland Park Zoo, Seattle, Wa. USA

Soule, M. M. Gilpin, W. Conway and T. Foose. Sous presse. Themillenium ark: how long the voyage, how many staterooms, how manypassengers? Zoobiology

Swingland, I. 1985. pers. comm.

Tattersall, I. 1982. The Primates of Madagascar. Columbia Univer-sity Press, New York. 382 pp.

SMC (Stratégie mondiale de la conservation) 1980. Union internatio-nale pour la conservation de la nature et de ses ressources, Gland,Suisse.

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Protection des Lémuriens malgaches par la captivité

Elwyn L. Simons

Le Parc de Tsimbazaza et le Duke University PrimateCenter se consacrent tous deux à la protection des Lému-riens en captivité. Le but est de fournir à ces Primates endanger une seconde ligne de défense contre l'extinction.Bien que la prévention du braconnage soit difficile(même dans des réserves protégées), elle doit être conçuede façon plus efficace à Madagascar, car c'est un moyenimportant de protéger les Lémuriens sauvages. Néan-moins, les feux de brousse et de forêt, les cyclones, lacompétition avec des animaux domestiques, les épidé-mies, et d'autres facteurs qui ne sont pas strictement con-trolables par l'homme pourraient à tout moment réduireles populations de Lémuriens sauvages, au point de lesconduire à l'extinction.

Pour toutes ces raisons, la protection en captivité doitconstituer une deuxième ligne de défense pour les Lému-riens de Madagascar. Grâce à la captivité, le principaldroit d'une espèce animale peut être assuré: celui d'êtresauvé de l'extinction. Car comme certains l'ont déjà dit:« l'extinction est définitive ».

La protection des Lémuriens malgaches en captivitépose un grand problème: selon la classification de Tatter-sall (1982), il y a 22 espèces vivantes de Lémuriens malga-ches. Parmi les chercheurs qui font autorité, la plupartpensent qu'un nombre similaire d'espèces de Lémuriensmalgaches se sont éteintes pendant les 1700 dernièresannées.

Cinq des espèces survivantes: Lemur catta, Lemurmacaco, Lemur fulvus, Varecia variegata et Microcebusmurinus, sont assez communes en captivité pour fournirce qui est probablement un potentiel génétique suffisant,car chacune a, dans le monde entier, une population cap-tive qui dépasse 200 animaux (400 dans certains cas). Unautre groupe d'espèces, Hapalemur griseus, Lemur coro-natus et Cheirogaleus medius, se reproduit en captivité etforme des populations de l'ordre de 30 à 100 individus.Ces espèces n'ont pas encore la diversité génétique quecertains experts jugent nécessaire pour une surviegarantie de l'espèce. Quelques autres espèces, Propi-thecus verreauxi, Cheirogaleus major et Mirza coquerelisont représentées par de petites populations qui se repro-duisent avec plus ou moins de succès. Une autre espèce

encore, Lemur mongoz, ne se reproduit pas bien en cap-tivité, bien qu'elle y soit relativement commune.

Presque toutes les espèces de Lémuriens vivent et sereproduisent facilement en captivité. Ceci est certaine-ment vrai des Lémuridés, des Cheirogaléidés et de Dau-bentonia. Seuls les Indridés, avec 4 espèces vivantes,semblent présenter des problèmes à cause de leur régimefolivore spécialisé. Cependant, le Duke University Pri-mate Center a récemment progressé dans la protection del'une d'elles, Propithecus verreauxi, en découvrant 8plantes feuillues nord-américaines, et d'autres alimentstels que le maïs, capables de la maintenir en bonne santépendant sa captivité.

Un certain nombre de décès sont survenus chez lesIndridés juste après leur capture, mais peuvent aussi êtredus à des techniques d'alimentation et d'hydratationinappropriées. Les chercheurs du Duke University Pri-mate Center ont aussi réussi à trouver un moyen de con-tourner ces problèmes. Il est probable que les trois autresespèces d'Indridés pourront finalement être protégées etse reproduire en captivité. Comme les Indridés n'ontqu'un petit à la fois, et qu'ils ne se reproduisent pas tousles ans (Indri), ou qu'ils perdent souvent leurs nouveaux-nés quelques jours ou quelques semaines après la nais-sance (le taux de mortalité juvénile cité par Richard, en1978, est parfois de 50% dans certaines populations sau-vages), il se peut que chez les Indridés, la propagation del'espèce en captivité soit lente.

Le problème du Lemur mongoz est plus difficile àcomprendre. La protection en captivité est à ce jour blo-quée ; en effet, bien que les couples capturés à l'état sau-vage se reproduisent en captivité, les individus nés encaptivité ne le font pratiquement jamais. Des recherchessont en cours au Duke Primate Center pour déterminer sice sont les mâles ou les femelles qui perdent leur fécon-dité. Nous savons que, lorsque la saison de la reproduc-tion approche et que de jeunes animaux sont appariés, ilsse reproduisent au moins une fois. Seuls, un ou deux cou-ples de Lemur mongoz parmi ceux qui ont été élevés encaptivité se sont reproduits de façon continue pendant 10ou 12 ans. Cette espèce est rare à l'état sauvage et, àmoins de trouver rapidement comment mieux propager

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la population en captivité, elle sera une des prochainesespèces à s'éteindre (Stuart et Schaaf, 1983). Même si ceproblème venait à être résolu, la protection en captivitépourrait cependant faire beaucoup pour l'espèce, car lesLémurs mongoz se portent bien en captivité. A notreconnaissance, aucun problème de ce genre n'affecte lareproduction en captivité des vingt-et-une autres espècesde Lémuriens.

Dans cette brève discussion, le temps manque pourciter tous les cas de succès rencontrés dans la reproduc-tion en captivité, mais je citerai quatre exemples:

1. En 1982, le Duke University Primate Center aimporté 3 couples de Cheirogaleidés rares, Mirza coque-reli. Dans les 3 ans qui se sont écoulés, nous avons eu 18naissances, pour 2 générations nées en captivité. Notrecolonie est la seule des Etats-Unis où cette espèce sereproduise.

2. En 1969, le Duke University Primate Center a reçu3 Cheirogaleus medius, un mâle et deux femelles. 118animaux descendent de ces trois individus, dont l'un vittoujours. En 1983, on a implanté à l'Université deKarlsrhuhe, en RFA, une petite colonie satellite de 4 cou-ples d'animaux venant de Duke, pour faire des recher-ches et étudier la propagation de l'espèce en captivité.Cinq petits sont nés à ce jour. Rien que cette année, leDUPC a vu naître 36 Cheirogaleus medius. Naturelle-ment, maintenant que la population captive est si impor-tante, nous avons grand besoin de capturer des animauxsauvages pour renouveler le matériel génétique. Heureu-sement, les populations sauvages sont suffisammentnombreuses pour justifier de telles importations. Ce quiest plus remarquable encore, c'est qu'un tel programmen'aurait peut-être jamais été tenté, parce qu'il n'y a pas silongtemps un chercheur réputé et faisant autorité a écritqu'on ne pouvait pas élever Cheirogaleus medius pour lareproduction en captivité. Si on s'en était tenu à cetteinterprétation, on n'aurait peut-être jamais essayé defaire se reproduire l'espèce en captivité à Duke. Dans cecombat mené par les écologistes pour aider ces espèces endanger à survivre, les efforts doivent se concentrer sur larecherche des conditions nutritionnelles, sociales et envi-ronnementales qui permettent d'obtenir une reproduc-tion maximale en captivité. Pour ce faire, les animaux encaptivité doivent constituer des noyaux de petits groupes,dans quelques centres professionnels où les problèmes dereproduction sont résolus. Quand des espèces telles queC. medius et M. coquereli auront commencé à se déve-lopper et à former une grande population, il sera néces-saire pour une survie optimale en captivité, que desgroupes secondaires se répartissent largement dans deszoos et dans d'autres centres de reproduction.

3. Notre troisième exemple est celui de Varecia varie-gata, le Lémur vari, qui a été sauvé de l'extinction grâce àsa reproduction en captivité lors des 10 dernières années.Cette espèce comprend deux populations fondatricescaptives, une pour chacune des deux sous-espèces. Pourle Lémur vari roux, Variecia variegata rubra, les fonda-teurs sont au nombre de 9. Pour le Varecia variegatavariegata, le Lémur vari noir et blanc, le nombre est de29. Il y a dix ans, en 1975, il y avait seulement 5 ou 6Varecia nés en captivité, et personne n'aurait pu affirmer

que cette espèce pourrait être sauvée de l'extinction.Maintenant nous savons que sa reproduction en captivitéest un succès, grâce aux efforts communs du zoo du SanDiego et du Duke Primate Center. Bien que chacune desdeux sous-espèces de Varecia puisse encore tirer avan-tage, pour la reproduction, d'un supplément d'effectifcapturé à l'état sauvage, cette espèce a peut-être bien étésauvée de l'extinction par la production de 400 animauxcaptifs qui pourront finalement être relâchés.

On dit, à Madagascar, où la chasse du Varecia varie-gata est interdite (comme celle de tous les autres Lému-riens), que le Varecia est bon à manger. Espérons que lesprogrammes éducatifs que le Parc de Tsimbazaza, Dukeet Jersey espèrent parrainer renforceront l'opinionpublique de Madagascar contre l'utilisation des Lému-riens dans l'alimentation humaine. Entre-temps, leDUPC a construit un enclos de 3,2 hectares où lesVarecia nés en captivité et élevés dans des cages s'accou-tument à une vie plus naturelle, en semi-liberté. Aprèsune étape d'accoutumance en semi-liberté, les Lémuriensnés en captivité peuvent retourner à l'état sauvage. LeParc de Tsimbazaza et le personnel du Duke PrimateCenter espèrent ardemment que cela finira par se réa-liser.

4. Avec le programme de modernisation du Parc deTsimbazaza, financé par le Duke University PrimateCenter, le Missouri Botanical Garden, et le Jersey Wil-dlife Preservation Trust, on peut s'attendre à ce que leParc se développe et devienne un centre de reproduction.Par exemple, ces dernières semaines ont vu naître desLemur fulvus albifrons jumeaux, ainsi que, pour la pre-mière fois en captivité, un Lemur macaco flavifrons.

Enfin, nous espérons que, grâce à une gestion efficace,certains des autres Lémuriens rares qui n'existent pasactuellement en captivité pourront être amenés au Parcde Tsimbazaza, au DUPC et ailleurs pour permettre leursauvegarde en captivité. Lors d'une conférence organiséeà San Diego, Californie, en juin 1985, la Morris AnimalFoundation et le Zoo de San Diego ont rassemblé plus de500 participants s'intéressant à la formation, en auto-suf-fisance, de colonies de Primates en danger. Ces « écolo-gistes » éminents, dont plusieurs sont présents aussi àcette conférence, ont demandé que certaines des espècesde Lémuriens qui ne sont pas, actuellement, protégées encaptivité, soient mises en captivité. Nous espérons quecela pourra bientôt être fait, particulièrement pourl'Aye-Aye. Il est clair, en tout cas, que la propagation encaptivité est un programme de dimension internationalequi nécessite une coopération internationale.

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Exportation, récolte et capture d'espèces végétaleset animales endémiques de Madagascar

Berthe R. Rakotosamimanana

Madagascar, en sa qualité d'île détachée de la plaqueafricaine depuis la fin de l'ère primaire, renferme denombreuses espèces végétales et animales très particu-lières dont l'endémicité est due à cet isolement ancien del'île.

En effet, ces espèces se sont multipliées par spéciation,en vase clos, dans ce milieu caractérisé par un équilibreécologique instable, ce qui explique leur valeur si bienconnue, tant dans le milieu commercial que scientifiqueet médical.

Depuis de nombreuses décennies — sinon depuis ledébut de l'époque coloniale, les différents voyageurs depassage dans toutes les régions de l'île, ont été attirés parla particularité des plantes et des animaux qui peuplaientles luxuriantes forêts primaires rencontrées au cours deleurs longues randonnées et leur première réaction a été,automatiquement, d'exporter vers l'Europe ces plantes,ces animaux, ces roches et minéraux, ces formes fossilessi curieuses et si rares. Presque chaque missionnaire venudes colonies avait sa collection personnelle de roches etde minéraux. Les herbiers européens renfermaient obli-gatoirement des espèces endémiques de Madagascar et lesmusées européens se devaient d'avoir leurs spécimensmalgaches en Lémuriens et en restes fossiles et ossementssubfossiles.

Il y eut ainsi, pendant plusieurs générations, pillage deces forêts de leurs plantes et bois précieux et de leurs ani-maux endémiques, pillage des sites géologiques en miné-raux rares et des sites fossilifères en formes fossilesdignes de curiosité pour leur beauté et leur valeur scienti-fique incontestable.

Il n'était donc pas rare de voir, sur les étalages dumarché et dans les vitrines des magasins, des Ammonitesde Madagascar transformés en cendriers ou en pied delampe et des coquillages exportés nous revenir sousforme de boutons de nacre ou de camées.

Les scientifiques et universitaires malgaches se sontalors rendus compte de la dégradation de la situationd'autant qu'ils devaient souvent parcourir les muséeseuropéens pour pouvoir étudier les échantillons de

Madagascar qu'ils avaient souvent de la peine à trouversur place.

Il est toutefois à remarquer qu'au cours de la Confé-rence internationale sur la conservation de la nature et deses ressources à Madagascar qui s'est tenue, en 1970, àAntananarivo, la communauté scientifique internatio-nale s'est émue d'une telle situation et a adopté la résolu-tion No 6 sur la collecte et le commerce des objets d'his-toire naturelle, la résolution No 10 sur la conservationdes Tortues marines et la résolution No 11 sur les espècesmenacées parmi les recommandations présentées à l'issuede la Conférence.

Des services administratifs se sont mis alors à délivrerdes autorisations d'exportation, suite à la sortie de cer-tains textes réglementaires nationaux (OrdonnanceNo 73-050 du 7 septembre 1973 sur la sauvegarde, la pro-tection et la conservation des biens culturels, Ordon-nance No 75-014 du 5 août 1975 portant ratification de laConvention sur le commerce international des espèces defaune et de flore sauvages menacées d'extinction).

Nous citons pour mémoire:— le Service des Eaux et Forêts qui a délivré des auto-

risations pour réglementer la sortie d'animaux sauvageset de plantes ornementales, la visite des réserves natu-relles, la capture et la récolte de ces biens naturels.

— le Service des Mines qui s'occupait des autorisa-tions concernant la collecte et l'exportation des échantil-lons de minéraux et de spécimens géologiques et fossiles.

— la Direction des Echanges Extérieurs a délivré,après visa du Service des Douanes, les autorisations con-cernant l'exportation des plantes commercialisées dont lasortie constituait depuis longtemps une source de devisesétrangères pour le pays.

Malgré ces mesures, les universitaires continuaient às'inquiéter et cela, à juste titre En effet, ils avaient lanette impression d'être doublés dans leurs projets derecherche divers car les mêmes travaux se faisaient paral-lèlement dans les laboratoires étrangers sur des plantesou des animaux de Madagascar dont la capture ou larécolte et l'exportation avaient reçu l'autorisation desServices administratifs malgaches.

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Ce fut alors que le Gouvernement lui-même a décidéde suspendre certaines recherches sur le terrain notam-ment les fouilles des sites fossilifères et des mesures dra-coniennes furent prises concernant la sortie de certainesespèces menacées (Orchidées, plantes xérophytes, Tor-tues, Crocodiles)... Madagascar semblait vouloir faire lepoint de la situation, en cette époque de transformationprofonde de son histoire.

Puis ce furent les années 1976 et 1977 et la création, ausein du Gouvernement, de plusieurs départements minis-tériels nouveaux à partir de l'ancien Ministère de l'Edu-cation nationale (MEN), notamment:

— le Ministère de l'Art et de la Culture révolution-naire (MCAR)

— le Ministère de la Population, de la Conditionsociale et des Sports (MPCS)

— le Ministère de l'Enseignement secondaire et del'Education de base (MinESEB)

— le Ministère de l'Enseignement supérieur et de laRecherche scientifique (MESup-RES).

En matière d'exportation des espèces végétales et ani-males endémiques et compte tenu de la dégradation de lasituation littéralement hémorragique qui prévalait pourles espèces tant fossiles qu'actuelles, le Ministère del'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifiquevoulut, à son tour, faire le point, en vue de mieux con-naître les réalités. La Direction de la recherche scienti-fique, au sein de ce département ministériel, fut dotée, àcet effet, d'un Service de la documentation et des collec-tions scientifiques.

Ce Service avait pour rôle, entre autres, de faire unsuivi strict de la capture, la récolte et l'exportation desespèces endémiques malgaches notamment les plantes,les animaux (Invertébrés et Vertébrés) et les fossiles.

En effet, il était courant d'entendre, dans les milieuxscientifiques que les plantes médicinales étaient exportéespar tonnes chaque année à partir de différents ports deMadagascar et que de nombreux spécimens de Lému-riens, d'Orchidées ou de coquillages rares étaient sortisclandestinement ou avec autorisations dûment signéesdes responsables.

Ce n'était pas une accusation mais l'expression d'unegrande inquiétude. Devant une telle situation, le Minis-tère de l'Enseignement supérieur et de la Recherchescientifique, voulant comprendre le bien-fondé et la véra-cité de ces rumeurs, s'est mis, à cet effet:

— soit, à donner un avis scientifique sur les autorisa-tions d'exportation, de capture ou de récolte formuléespar le Service de conservation de la nature de la Directiondes Eaux et Forêts rattachée à l'ancien MDRRA puis auMPARA, enfin au MPAEF;

— soit, à cosigner les autorisations d'exportation desplantes médicinales ou des produits commercialisés dumême type par des sociétés souvent privées;

— soit encore, à délivrer lui-même des autorisationsd'exportation de spécimens qui font l'objet de rechercheou d'échange entre laboratoires, ou d'échantillons queles touristes désirent personnellement emporter au coursde leurs voyages — il s'agit souvent, dans ce cas, de quel-

ques grammes de plantes médicinales faisant partie de lapharmacopée traditionnelle.

Concernant l'exportation des plantes médicinales, ilest à noter la participation effective du Centre nationalde recherches pharmaceutiques (CNRP) lequel fut invitéà donner, le premier, son visa technique pour l'autorisa-tion d'exportation d'une plante médicinale, et ce, en saqualité de centre national responsable des recherches surles plantes médicinales. Ce visa donné par le Départe-ment ethnobotanique du CNRP était ensuite confortépar le visa scientifique délivré par le Ministère de l'Ensei-gnement supérieur et de la Recherche scientifique(MESup-RES).

Cette prise de responsabilité dans la délivrance de cesautorisations n'était faite qu'à titre d'expérimentation envue d'une prise de décision concernant la protection deces espèces endémiques malgaches.

Mais l'expérience a été concluante. En effet, le suivi leplus strict possible de ces espèces végétales et animalesactuelles et fossiles a été effectué sur quatre ans — 1980,1981, 1982, 1983 — l'année 1979 n'ayant été qu'uneannée de tâtonnement dans les techniques, les procédureset les formulaires à utiliser.

Les résultats de cette expérience sont consignés dansles tableaux 1 et 2 qui permettent de dire que:

1. Deux sortes d'autorisations sont délivrées par lesservices responsables des différents départements minis-tériels:

— une autorisation de récolte ou de capture; et

— une autorisation d'exportation.

L'autorisation de capture ou de récolte peut être posi-tive ou négative et elle est toujours de caractère scienti-fique, c'est-à-dire que la demande en est formulée pardes scientifiques nationaux ou étrangers.

L'autorisation d'exportation, quand elle est positive,est de caractère:

— personnel quand elle s'adresse à des demandes sou-vent formulées par les touristes qui désirent exporter desplantes — plantes médicinales en l'occurence pour leurusage personnel.

— commercial quand elle correspond à des demandesformulées par des sociétés privées d'exportation, les-quelles désirent exporter des plantes médicinales pour dessociétés industrielles de production pharmaceutique sisesen France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Républiquefédérale d'Allemagne — pour ne citer que ces pays — ouencore exporter des animaux vers des petites sociétés oudes adresses bien connues pour s'occuper de la vente deces animaux.

— scientifique quand elle s'adresse à des laboratoiresou des musées. Elle permet, par conséquent, aux recher-ches et aux échanges de se faire au niveau des scientifi-ques et universitaires nationaux et de divers laboratoiresde différents pays étrangers.

2. Le nombre d'exportations de plantes médicinalesutilisées, comme « raokandro » ou en « pharmacopéetraditionnelle », l'emporte de beaucoup sur celui desexportations des plantes médicinales à titre commercial.(Tableau 1).

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TABLEAU 1

AUTORISATIONS D'EXPORTATION, RÉCOLTES DE PLANTES ET CAPTURESD'ANIMAUX ENDÉMIQUES A MADAGASCAR (1979 À 1985)

Nature des autorisations

1. Exportation— à caractère scientifique

(= recherche, échange)* Plantes* Animaux* Insectes* Sols/Eaux* Autres (Documents,

fossiles,lames microscopiques,préparations en flacons)

— à caractère commercial* Plantes* Animaux* Autres

— à caractère personnel* Plantes* Animaux* Insectes* Autres

2. Capture ou Récolte(Avis favorable)

* Plantes* Animaux* Insectes* Autres

1979

44

27971

541

—298298

———

1468

1980

40

25348

6247132

205199

15

1054

—1

1981

69

301122

24

5844131

9592

111

227

132

1982

63

22153

23

665313—

128126

11

14—12

11

1983

46

3385

844935—

105104—

1—

261

154

1984

26

9222

11

11

——

11

———

171

1321

1985 — Août

27

18121

5

—————————

7241

TABLEAU 2

PLANTES ET ANIMAUX ENDÉMIQUES EXPORTÉS SUITE À LA DÉLIVRANCE D'AUTORISATIONSDE 1979 A 1985

Quantités autorisées suite à

1. Exportation de plantesmédicinales— à caractère personnel

— à caractère commercial

Devises en Fmg

2. Exportation d'animaux— à caractère commercial

(Oiseaux*)

Devise en Fmg

— à caractère scientifique

* Lémuriens* Carnivores* Insectivores* Oiseaux* Reptiles* Amphibiens* Poissons* Insectes

3. Capture ou Récolte

* Lémuriens* Carnivores* Insectivores* Oiseaux* Reptiles* Insectes

(* Nombre inconnu)

1979

130 248 kg3 trimestres

5 200 kg?

3?

7——2115——

100

434

——

1—

1980

93 535 kg1 semestre892 059 kg

397 712 575

3 788*

3 492 250

15——

1————

9———

1—

1981

126 20 kg

1 077 714 kg

483 928 000

3 329*

3 250 760

164

—35102

12 flacons+ 11

658

—3

15illimité

1982

129 274 kg

1 195 499 kg

391 358 278

4 293*

16 173 215

42——————

1 300

628***

1983

131 417 kg

1 067 207 kg

575 680 266

5 529*

75 495 000

14———55——

51 107

378

—*

66****

1984 1985 — Août

2 250 kg —

96 kg —

403 200 —

— —

16 —— —— —— —— —— —— —

221 40

41 118 —8 196 —

30 —— —

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Cependant, la quantité exportée dans le premier cas estinfiniment moindre que celle qui est exportée pour lecommerce — le rapport entre les deux étant de 1 à 8000,voire 1 à 9000 suivant les années considérées.(Tableau 2).

En effet, tandis que les nombreux touristes de nationa-lité malgache ou étrangère n'emportaient chacun quequelques grammes de plantes médicinales lors de leurvoyage, les quelques sociétés commerciales qui s'adon-naient à de telles exportations demandaient la sortie deplusieurs dizaines de tonnes de plantes, à chaque envoi,sous forme d'écorces, de racines, de feuilles ou degraines.

Les espèces les plus exportées sont:

— Catharanthus roseus— Pygeum africanum— Hazunta— Herba drosera— Drosera madagascariensis— Vouacanga thouarsii— Vinca rosea, Vinca lancea

3. Pour ce qui concerne l'exportation des animaux, cesont presque uniquement les Oiseaux qui sont exportés àdes fins commerciales - les genres Foudia, Lonchura,Agapornis, Coracopsis avec les espèces nana, les perru-ches, et vasa ou perroquets, mais les devises obtenuessont relativement peu élevées par rapport à celles quefournit le commerce des plantes médicinales.

Ces Oiseaux sont exportés vers la Belgique, en particu-lier, mais également vers les Pays-Bas et la France.

4. Concernant la capture et l'exportation à caractèrescientifique des animaux, ce sont les Lémuriens qui inté-ressent le plus les scientifiques, les travaux de rechercheétant nombreux sur la biologie, la spéciation — étudescytogénétiques — l'éthologie, l'écologie et l'évolution deces animaux. Ces travaux ont trait à l'étude de tous lesgenres et espèces de Lémuriens, tant les formes subfos-siles que les formes actuelles.

Il est à remarquer que la capture d'une soixantaine deLémuriens par an pour les besoins des travaux scientifi-ques effectués tant à l'Université de Madagascar ou dansle Parc zoologique de Tsimbazaza que dans les labora-toires étrangers (France, Etats-Unis, URSS, Royaume-Uni) ne risque pas, à notre avis, de détruire l'équilibreécologique de ces animaux dans les différents milieux oùils ont l'habitude de vivre.

Les autres Mammifères endémiques — les Carnivorescomme Cryptoprocta, Fossa, Galidia, — les Insectivorestels que les Tenrecs et les Cheiroptères — ne sont cap-turés qu'épisodiquement. C'est également le cas desOiseaux et des Reptiles — différentes espèces de Lézardset de Serpents —, les Tortues étant étudiées sur place.

Ce sont enfin les Insectes endémiques — Lépidoptères,Hyménoptères, Diptères — qui attirent l'attention deschercheurs tant nationaux qu'étrangers. Mais les chiffresindiqués se répartissent dans différentes familles et mêmedans différents ordres d'Insectes, ce qui ne prête pas àconséquence pour la régénération et le renouvellementdes espèces.

C'est pourquoi, il faudrait reconsidérer et mêmereviser certains points de vue qui ont souvent cours con-cernant les animaux et les plantes endémiques malgaches.

Ce qui les menace et risque de les faire disparaître cen'est ni la récolte ni la capture faites pour les besoins dela science, en vue d'une meilleure connaissance de cesespèces actuellement considérées dans le monde scienti-fique comme un patrimoine scientifique international.

Ce n'est pas non plus la récolte des plantes médicinalesfaite à titre commercial (1200 tonnes par an suivant leschiffres obtenus — cf. Tableau 2) quoiqu'il faille, malgrétout, prendre certaines précautions et tenir compte de larégénération annuelle de ces plantes dans leur milieunaturel et même, à défaut, prévoir une culture indus-trielle de ces plantes dans les régions où elles poussentnaturellement et ce, en vue de leur éventuelle exporta-tion.

C'est encore moins l'exportation des plantes médici-nales à titre personnel par les touristes (10 à 15 kg enmoyenne par mois, cf. Tableau 2).

Ce qui risque de faire disparaître ces plantes et ces ani-maux et cela, dans un proche avenir, ce sont les feux debrousse et probablement la chasse périodique qui lesdéciment, d'autant que leur reproduction notammentcelle des Lémuriens, n'est pas rapide comme celle desautres animaux — les Rongeurs en l'occurrence — maissemble plutôt lente d'après les résultats préliminairesobtenus par les chercheurs. Cette reproduction lenten'arrive pas, en effet, à renouveler assez vite la popula-tion qui subit un génocide périodique provoqué par lesfeux de brousse annuels.

C'est la raison qui pousse encore les spécialistes àapprofondir davantage l'étude de ces plantes et de cesanimaux afin de mieux apprendre à les connaître en vuede leur meilleure conservation.

Il est, en effet, à remarquer que ces plantes et ces ani-maux sont les indicateurs de bonne santé du milieu où ilsvivent. Leur présence rassurante signifie que leur terri-toire est encore viable.

Et depuis 1983, certains projets de recherche ont pourobjet l'étude de la génétique des populations de ces diffé-rentes espèces de plantes et d'animaux. Ces recherchessont en cours actuellement et effectuées en collaborationpar les enseignants et chercheurs nationaux et les cher-cheurs de divers laboratoires étrangers. Des résultats pré-liminaires montrent déjà que certaines espèces commen-cent à reculer, voire disparaître dans certaines régions.

Si ces espèces commencent toutefois à se raréfier dansun milieu, c'est plutôt un signe de situation de détressetant pour eux que pour l'homme, leur congénère. Et letemps n'est plus loin alors pour l'homme de songer àquitter ce territoire s'il veut survivre.

Par conséquent, les responsables nationaux qui doi-vent s'occuper de la délivrance d'autorisations de récolte,de capture ou d'exportation de ces espèces endémiques àprotéger sont tenus de se mettre au courant des progrèsdes connaissances les concernant afin de ne pas se laisserdépasser par les flots de demande qui leur parviennent.

Il existe bien sûr des textes réglementaires qui régissent

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ces exportations et auxquels se réfèrent les responsables,mais ces textes doivent être remis de temps en temps àjour pour tenir compte, d'une part des nouvelles connais-sances acquises sur ces espèces à conserver et d'autre partdes nouvelles structures de décision qui sont toutes inté-ressées par la protection et la conservation de ces espèces.

Afin de permettre toutes ces actions, une large diffu-sion des connaissances acquises concernant ces espècesendémiques s'avère indispensable pour accélérer la for-mation et l'information non seulement des décideursmais aussi des simples citoyens de ce pays, lesquels sont àla base de la plupart des actions à mener en vue d'unemeilleure conservation de ces espèces.

Enfin, une meilleure conservation de la nature àMadagascar devrait reposer sur des actions concrètes àentreprendre et non pas uniquement sur l'existence destructures administratives souvent dépassées, carfigées... En effet, les structures passent au gré de l'His-toire, seules les actions restent. Et pourtant ces actionsdevraient être entreprises par tous: les responsables, leschercheurs, les formateurs et éducateurs, les techniciens,les citadins et les paysans, bref toute la population de cepays.

Ces chiffres que nous publions parlent d'eux-mêmes etdoivent répondre à nos inquiétudes et nous permettre dereconsidérer avec des yeux nouveaux les données quipréoccupent tant les responsables que les scientifiques.Le temps est donc venu de repenser le renouvellement desdivers paramètres qui sont à la base de l'exportation, dela récolte et de la capture des espèces végétales et ani-males endémiques de Madagascar.

Accepterons-nous de le faire? Nous savons que cetteinvitation risque de déranger, voire de changer certainesde nos habitudes, acquises de longue date. Mais c'est à ceprix pourtant que nous pourrons participer pleinement,avec efficacité, aux actions de conservation de la naturemalgache.

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Curl, D. 1984. L'Angonoka de Madagascar. Statut et distributionhabituels. Sommaire des conclusions d'un Rapport.

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Sensibilisation du publicet conservation de la nature

à Madagascar

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Brochure publiée par Madagascar Airtours, représentant des Propithèques ou Sifaka.

Les Lémurs macaco, sur l'île de Nosy Komba, près de Nosy Bé sont une attraction touristique importante. R.A.Mittermeier

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Le potentiel de la faune et de la flore de Madagascardu point de vue du tourisme

Michel Rakotonirina

Qui que vous soyez: homme d'affaires, touriste,employé de bureau, étudiant, etc..., vous ne pourriezrester indifférent au spectacle des Lémuriens évoluantdans leur milieu naturel.

A Madagascar, qualifiée à juste titre de sanctuaire dela nature, les 32 espèces de Lémuriens qui ont chacuneleur particularité se répartissent différemment dans toutel'île. Ces « singes » de l'Ancien Monde, nous dironsmême ces aninaux archaïques, ont été choisis commeemblème par notre organisme, Madagascar Airtours, lepremier opérateur dans le domaine du voyage et du tou-risme du pays, et leur découverte constitue le thème debien de nos circuits les plus demandés.

Malheureusement, aujourd'hui, ces premiers habitantsde l'île, sont menacés de disparition totale. Aussi, nouspensons que la suprématie de ces spécimens rares doitêtre ardemment défendue dans l'intérêt de tous ceux quisont curieux de connaître leur évolution. Une stratégie deconservation et de protection s'impose pour la sauve-garde de ces témoins vivants de l'histoire naturelle uni-verselle. Tout doit être mis en oeuvre dans ce but: créa-tion de commissions nationales ou internationalesmixtes, renforcement des dispositions déjà prises par lesministères concernés, mise à contribution de la gendar-merie nationale et des collectivités décentralisées.

La dégradation du milieu, l'empiétement de l'homme,la négligence des valeurs naturelles ont entraîné peu à peule déséquilibre de l'écosystème et du patrimoine faunis-tique et floristique menaçant la survie de ces espèces fra-giles, et détruisant une bonne partie de nos richessesnaturelles. Plus que jamais donc, la conservation revêtici un caractère d'importance universelle. Une des acti-vités de notre entreprise est de faire découvrir aux visi-teurs ce qu'il y a d'unique, de particulier à notre pays :soit la faune, la flore, la population, les sites, etc., répon-dant à leur motivation. Chaque région a ses attraits:

— le Faritany de toliary: les tombeaux Vezo deMorondava, Mahafaly de Betioky. Les forêts épineusesdu Sud (Morombe, Betioky et Berenty);

— le Faritany de Toamasina: la ligne ferrovière TCE

et ses forêts humides de l'Est, Andasibe, Maroantstra, lebord des Pangalanes;

— le Faritany de Mahajanga: la forêt caduque del'Ouest, Ampijoroa, le bord de la Betsiboka et les tsingyd'Antsalova et Bemaraha;

— le Faritany d'Antsiranana: la forêt escarpée de laMontagne d'Ambre et la végétation du littoral de Sambi-rane et Lokobe, sans parler de Nosy Bé, perle de l'océanIndien, et ses possibilités de plongée sous-marine;

— Antananarivo et Fianarantsoa sont marquées pardes paysages de grands espaces et de mosaïques derizières, les massifs ruiniformes de l'Isalo.

A Madagascar, on constate deux formes de tourisme:

— le tourisme classique: visite des sites touristiques ethistoriques, puis séjour dans les stations balnéaires (NosyBohara, Nosy Bé, Toliary)

— le tourisme découverte pour ceux qui s'intéressentparticulièrement à l'histoire naturelle, l'ornithologie, labotanique, la zoologie, la minéralogie et autres....

Mais quelle que soit la motivation, les Lémuriens res-tent une attraction prisée par les touristes. Même les plusblasés ne peuvent rester insensibles à leur charme mysté-rieux. Les sites les plus fréquentés pour les rencontrersont:

— la Réserve de faune d'Analamazaotra pour l'Indri,le Hapalémur;

— la Réserve de Bérenty pour le Propithèque ouSifaka, le Lépilémur;

— le village d'Ampangoriana, (Nosy Komba), pour leLémur macaco.

Cependant, nous avons aussi essayé de promouvoirdes endroits encore peu fréquentés, en raison du manqued'infrastructure routière ou hôtelière tels que:

— la Réserve d'Ampijoroa: Propithecus verreauxicoquereli et Avahi laniger

— la Réserve spéciale de Nosy Mangabé: Vareciavariegata, Aye-Aye et Lemur fulvus.

A part les espèces déjà répertoriées, d'autres espèces

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Autocollant pour la Réserve de Berenty, au sud de Madagascar

Brochure sur la réserve de Berenty, au sud de Madagascar.

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restent encore à découvrir en vue de susciter un intérêttoujours croissant pour notre pays.

Que faut-il pour favoriser cet afflux de touristes,« source de devises »:

a) la sensibilisation et l'éducation de la population surla valeur inestimable que la nature leur a offert, et quipeut engendrer des avantages non négligeables sur le plandes échanges économiques, culturels et sociaux pour lesrégions visitées;

b) l'implantation d'un comité de vigilance danschaque région à vocation touristique boisée et peuplée deLémuriens de façon que la faune et la flore jouissentd'une protection totale contre les braconniers et les prati-ques inconscientes des populations périphériques. De cefait la présence et la fonction des agents forestiers sontd'importance vitale;

c) création de nouveaux sentiers et aménagement desvoies forestières déjà existantes (Montagne d'Ambre,Anelamazaotra, Nosy Mangabe, Zombitsy);

d) entretien et restauration des gîtes d'étape dans lesréserves spéciales ou réserves de faune et stations fores-tières: Montagne d'Ambre, Ranohira, Périnet Ampi-joroa, Manantantely et Nosy Mangabe;

e) équipement de chaque endroit cité avec du matérielde camping dont l'utilisation par les visiteurs seraitpayante;

f) publication et mise en vente de brochures, cartespostales et plans des endroits visités.

Outre la location des gîtes d'étape et du matériel decamping, il pourrait être perçu un droit d'entrée du parc,permettant ainsi l'auto-financement de chaque réserve.

Des travaux considérables ont été entrepris pour lacréation du centre d'élevage des Lémuriens d'Ivoloina(Toamasina) et la station forestière de Marohogo (Maha-janga). Nous pensons qu'il est malheureux de laisser cesréalisations à l'abandon faute de disposer d'un budgetadéquat pour leur entretien. Et la solution à ce problèmepourrait être dans cet auto-financement dont nous par-lions auparavant.

Bien des personnes pensent que les touristes sont desvandales, ne respectant ni les valeurs sociologiques, nil'importance écologique et biologique du pays visité. Or,sans vouloir les défendre, nous avons constaté plus d'unefois en les accompagnant que, mieux que la populationlocale, ces visiteurs manifestent un esprit conservateur.Ils sont conscients de la valeur de ce patrimoine que nousdevons défendre jalousement. La majorité nous donned'ailleurs des suggestions quant à la manière de protégernos sites. Un groupe du WWF-Danemark qui avait visitéMadagascar a voulu d'emblée contribuer pour protégerla réserve de Lokobe à Nosy Be.

Nous estimons qu'après la déclaration politique gou-vernementale pour l'ouverture au tourisme, et si les visi-teurs sont encadrés par nos soins, l'accès des réservesnaturelles intégrales jusqu'ici interdit, devrait être rendupossible. Le Kenya, la Tanzanie, le Rwanda et le Zaïreutilisent leurs ressources naturelles pour soutenir leuressor économique, alors pourquoi pas Madagascar?

Nous invitons tous les responsables à étudier sérieuse-ment cette question étant donné que Madagascar orienteà l'heure actuelle sa politique vers un tourisme sélectif etnon un tourisme de masse comme certains pays avoisi-nants.

Nos particularités dans tous les domaines faunistique,floristique, ethnologique et tectonique peuvent jouer unrôle important pour l'économie du pays. Un nombreaccru d'organisations de voyages étrangères veulent col-laborer avec nous: Anglais, Américains, Allemands del'Ouest, Japonais, Suisses, Scandinaves. Pour eux,l'important c'est la nature, que cela soit sous forme detourisme classique ou de circuits découverte. Nous pen-sons que c'est une justification suffisante pour instaurerune stratégie à long terme sur le plan de la conservationet de la protection de l'environnement, catalysée par desretombées économiques immédiates. De fait, sur les 4000ou 5000 touristes que nous recevons chaque année, 20 à30% sont intéressés par les Lémuriens, les orchidées et lesOiseaux.

A notre connaissance, à Madagascar, deux localitésseulement pratiquent ce système d'auto-financement etde protection des Lémuriens: la réserve de M. Dehaulmeà Bérenty, et la collectivité du Fokontany d'Amppango-riana où chaque visiteur doit payer un droit de visite.Pour le cas de Berenty, cette réserve impressionne beau-coup les visiteurs par ses animaux, les lieux d'héberge-ment, et l'organisation parfaite qu'on y trouve.

De l'avis général, il est juste et normal que la contribu-tion des visiteurs serve à améliorer, voire à accélérer leprocessus visant à vulgariser l'esprit de conservationdans l'intérêt bien compris du plus grand nombre. Cesystème permettra d'atteindre une efficacité beaucoupplus grande servant les intérêts de chacun.

Pour notre part, étant la Société nationale malagasypour le développement des échanges et du tourisme, noussommes ouverts à toutes les suggestions et critiques pou-vant nous aider à mieux concilier les contraintes desobjectifs économiques et des objectifs de conservation dupatrimoine naturel.

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Priorités en matière de conservationà Madagascar

Recommandations

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Recommandations de l'atelier dela Commission de la sauvegarde des espèces

de l'UICN

Reconnaissant le rôle essentiel de la conservation pour le développement national,

Reconnaissant le rôle privilégié, sinon unique, de Madagascar, dans la conservation de la diversité de la faune et de laflore dans le monde, et en vue d'assurer la survie de ce patrimoine biologique, à l'issue de sa réunion technique tenue àAntananarivo, la Commission de la sauvegarde des espèces (SSC) de l'UICN propose les recommandations suivantes:

— Les aires protégées (parcs et réserves naturelles spéciales, privées, etc...), encore peu connues, jouent pourtant unrôle de banque génétique irremplaçable pour la conservation de la diversité biologique; ces aires doivent faire l'objetd'une attention spéciale, quant à leur statut, leur protection et l'établissement de plans de gestion pour chacune d'elle.Il convient de déterminer si ces aires protégées sont encore appropriées à la survie des espèces; une étape importante estl'installation de stations de recherche et la réalisation de programmes de recherche à long terme dans des régions tellesque les réserves de Zahamena, Andohahela, Ankarafantsika, etc... La protection de nouveaux sites dans des zones-clésest à envisager (exemple: péninsule de Masoala).

— Les inventaires biologiques sont à effectuer au niveau d'une ou de plusieurs institutions; outre les inventaires pro-prement dits, il devra être tenu compte de l'état de conservation actuel de chaque espèce. De même, la mise à jour de lacarte de végétation de Madagascar est nécessaire. L'accent a été mis sur l'intérêt de l'ethnobotanique à des fins médi-cales et économiques.

— La reproduction en captivité est un moyen efficace pour la conservation de certaines espèces animales malgaches;les efforts entrepris sont à encourager, mais ils doivent être coordonnés sur le plan national et au niveau international.Un système d'information est à créer pour chaque espèce concernée.

— Les répercussions de l'éducation, de la formation des cadres spécialistes de la conservation et de la sensibilisation(notamment par le tourisme) sur la conservation ont été abordées. En outre, la législation nationale et internationale,concernant la conservation des espèces et des espaces protégés, ne correspondant plus à la situation, devrait être réac-tualisée.

— En vue d'apporter une aide encore plus efficace aux activités de conservation à Madagascar, une meilleure coor-dination des actions de recherche internationale est à envisager.

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