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Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac · grâce un mémoire de fin d’études universitaires. ... Rapport de stage ... Le projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

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Ce diagnostic a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec les CAUE de l’Aveyron et du Cantal, et grâce un mémoire de fin d’études universitaires21 qui a permis à l’Association d’émergence de disposer d’une synthèse de la connaissance sur les paysages et les actions menées dans ce domaine.

A. Le paysage, transversal par définition

Ce que dit la Convention européenne du paysage…

« La France reconnaît juridiquement le paysage comme composante essentielle du cadre de vie des populations, expression de la diversité de leur patrimoine commun culturel et naturel, et fondement de leur identité ».

La Convention européenne du paysage, entrée en vigueur en France le 1er juillet 2006, définit le paysage comme « une partie du territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action des facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ». Elle souligne la nécessaire intégration du paysage dans les politiques d’aménagement du territoire et d’urbanisme, ainsi que dans les politiques culturelles, environnementales, agricoles, sociales et économiques. Elle incite les régions et départements à mettre en place un inventaire systématique des paysages, au travers de l’atlas des paysages. Cette approche conduit à considérer ici le paysage, non comme une thématique à ajouter aux autres, mais comme un modèle d’approche du territoire englobant tous les autres, permettant de mettre en lien les facteurs humains et naturels, aussi bien dans le temps que dans l’espace. Les enjeux en termes de protection comme de développement qui en découleront pourront donc être identifiés à l’origine dans une approche thématique ciblée mais ré-envisagés dans leur impact sur le paysage.

… pour une approche transversale de l’Aubrac

En Aubrac, l’analyse des paysages est confrontée aux spécificités administratives : démarche menée à l’échelle départementale, calendrier, échelle, moyens et méthodologies différentes. La présentation des paysages du territoire a donc nécessité de recentrer des points de vue dispersés et hétérogènes et de trouver une échelle intermédiaire de description : les sous-entités éco-paysagères.

21 ROUSTAN Marine ; (2014), Pré-diagnostic paysager du projet de Parc naturel régional de l’Aubrac : entre harmonisation de la connaissance et perspectives territoriales – Rapport de stage (M2 Géographie de l’Environnement et du Paysage).

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B. Perceptions de l’Aubrac : un nouveau point de vue à créer

Des grands espaces : entre épure et contrastes

De l’horreur d’Adalard des Flandres22 à la sublimation du vide de Julien Gracq23, l’Aubrac est d’abord reconnu pour ses grands espaces. Mais il est aussi lieu de contrastes, des blancheurs de l’hiver à la polychromie des floraisons estivales, des horizontales des estives aux verticales des boraldes et des gorges, en passant par la palette variée des roches.

Pays de liens, il sait cultiver les nuances, lorsque forêts et pâtures se mêlent sur le Plateau fermé, ou lorsque, l’épuration des motifs avec l’altitude conduit à la disparition insensible de l’arbre.

L’Aubrac, d’un pays « aux confins » vers le « centre » du point de vue

La perception déterminant le paysage, l’Aubrac renvoie une image différente selon le point de vue :

- « horizon montagneux » en Aveyron, - « arrière-pays » pour la Lozère Languedocienne, - ou « dernière marche volcanique méridionale » du Cantal.

Le projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac donne l’occasion à ce paysage d’exception de devenir le centre du point de vue et non plus un pays aux « confins », aussi attirant soit-il.

En Lozère, c’est en se retournant que la vue plonge vers le midi. / Le paysage reste dominé par les Monts du Cantal dans le département qui porte leur nom

22 « C’était un lieu d’horreur et de profonde solitude ». 23 « Tonsures sacramentelles, austères, dans notre chevelu arborescent si continu, images d’un dépouillement presque spiritualisé du paysage, qui mêlent indissolublement, à l’usage du promeneur, sentiment d’altitude et sentiment d’élévation ».

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C. Le territoire dans son ensemble

Un massif interdépendant avec les piémonts et les vallées

Le terme « Aubrac » est en lui-même fortement identitaire : une abbaye mais aussi le territoire qu’elle gérait, un refuge devenu un village-carrefour, une race bovine et un fromage symboles d’une dynamique économique… et en terme géographique un massif montagneux.

Mais à quel paysage fait écho ce vocabulaire ? De façon sans doute consensuelle, au vaste plateau ouvert qui en occupe le centre et le sommet, même s’il recouvre une réalité déjà bien nuancée : secteurs basaltiques mais aussi glaciaires, estives mais également villages et leurs auréoles au parcellaire resserré, ourlets de hêtraies ou résineux soulignant la vacuité qui en fait la grandeur.

Cependant, malgré l’ampleur du « plateau » sommital, malgré la palette géologique et les variations morphologiques, végétales ou bâties qu’elle induit, l’Aubrac reste un massif montagneux à part entière et, à ce titre, interdépendant avec ses piémonts et ses vallées. Cette interdépendance s’exprime autant en termes économique dans le temps et l’espace (transhumance…), que par les interrelations visuelles et les progressions paysagères.

Un massif traversé, une destination de transhumance

Bien que réputé difficile d’accès, l’Aubrac a toujours été traversé par d’importantes voies de communication : voies romaines, chemin de pèlerinage… et A75 empruntant un itinéraire historique.

Destination herbagère pour les troupeaux, l’Aubrac a tissé des liens historiques grâce à ses drailles, aussi bien avec son environnement proche, qu’avec le Quercy ou le Languedoc qui y envoyaient leurs « bêtes à laine ». Cette position enviée de ressource pour les troupeaux a également contribué au partage historique du territoire (tribus celtes puis évêchés et enfin départements). Les grands domaines monastiques rationnaliseront l’élevage au détriment de la polyculture vivrière et constitueront, en partie, une unité de gestion à l’échelle du massif.

Carte 7 : L’Aubrac aux confins de 3 territoires, malgré le pouvoir « unificateur » de la domerie d’Aubrac

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Une riche histoire géologique : un condensé de celle du Massif central

Les cinq roches, héritières d’une histoire géologique particulièrement riche (Carte « La géologie »), trouvent leur traduction dans le bâti, en fonction des « terroirs »24.

Les 5 pierres : calcaire, grès, basalte, schiste et granite.

Une dynamique concentrique

Cette nouvelle prise en compte du massif dans son ensemble présente une configuration particulière de type « concentrique » qui le rapproche d’un fonctionnement montagnard. Le paysage central emblématique se caractérise par un habitat de type saisonnier, et des pratiques agricoles qui semblent d’une grande stabilité. Les autres pratiques marquent peu visuellement ce paysage. Dans les premiers replis du plateau, se lovent des fermes isolées en connexion directe avec les territoires d’estive. Une première « couronne » cumule pratiques agricoles et réseau de villages. Intimement liés à l’élevage, ces paysages présentent également une stabilité apparente. L’adéquation de l’élevage avec les évolutions économiques se traduit par la présence d’imposants bâtiments agricoles récents.

Une importante dissymétrie est-ouest marque le ratio agriculture/forêt. A support géomorphologique équivalent, un plateau granitique, le Plateau fermé et la Margeride présentent un aspect clairiéré où la prairie s’installe dans la forêt, alors que les bosquets de la Viadène émaillent un paysage bocager largement ouvert.

À l’interface du plateau de l’Aubrac, des boraldes et de la Viadène, seul Laguiole approche une typologie urbaine, rendue spécifique par la forte présence du tourisme. Image forte du territoire, ce bourg doit veiller à ne pas banaliser ses abords.

Une seconde couronne est donnée par les pentes marquées par la fermeture visuelle et la déprise agricole. Cette organisation se retrouve tant dans les Boraldes que dans les Coussanes et les gorges de la Truyère. Les axes routiers proposant une ascension rapide des dorsales, effaçant ainsi les pentes les plus abruptes.

24 Voir Parties « Le cadre biogéographique » et « Le patrimoine bâti et historique ».

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À l’est, c’est le vieil axe Nord-Sud, emprunté par l’ancienne RN9 et la voie ferrée, qui a généré les bourgs. Aujourd’hui, leur dynamique est relancée par l’autoroute A75 et se pose le problème de la cristallisation de l’étalement urbain autour des échangeurs, principalement par les zones d’activité.

C’est donc sur ses limites que le territoire voit se densifier la population, apparaître des bourgs qui atteignent une taille critique pour assumer l’ensemble de leurs fonctions, mais aussi émerger des enjeux de type urbain avec désaffection des centres anciens historiques et étalements monofonctionnels des périphéries.

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D. Les sous-entités paysagères de l’Aubrac

Entre convergences et divergences

La Convention européenne du paysage précise que des travaux d’identification et de qualification des paysages sont nécessaires pour « donner des bases solides à une action à long terme visant à protéger et à améliorer la qualité » des paysages. L’Atlas de paysage doit pour ce faire identifier des unités paysagères (Carte « Les régions éco-paysagères »), quel que soit leur caractère remarquable. Couvrant l’intégralité du territoire, elles doivent être cartographiées et décrites : formes, représentations et dynamiques. Document de connaissance, il doit être mis au service de projets de territoires, servir de référent, de cadre pour l’action.

Sur le territoire, seule la Lozère possède un « Atlas de paysage » à proprement parler, mais le Cantal et l’Aveyron ont également produit des documents de connaissance des paysages dont la démarche est similaire.

Trois documents de référence élaborés dans des contextes différents

a. Dans le Cantal

L’Inventaire départemental des paysages du Cantal a été réalisé en 1998 par le CPIE de Haute-Auvergne, avec l’aide du CAUE, sur commande de la DIREN Auvergne. Il avait pour objectif officiel de « faire ressortir les composantes principales et la sensibilité de ces paysages, afin qu’elles soient prises en compte dans les procédures et les opérations d’aménagement futures, tout en restant à un niveau global de précision étant donnée l’échelle d’approche ». Une refonte de ces données a été engagée à l’échelle régionale pour aboutir à l’« Atlas pratique des paysages d’Auvergne » en 2014.

b. En Lozère

L’Atlas des paysages du Languedoc-Roussillon a été produit par le bureau d’étude Folléa-Gautier sur commande de la DIREN Languedoc-Roussillon ; il est décliné à l’échelle de la Lozère depuis 2005. Les objectifs affichés sont de « mettre à disposition de tous une connaissance précise des paysages, qui doit nourrir les politiques qualitatives d’aménagement du territoire […]. Il a aussi pour ambition d’être suffisamment précis, concret et illustré pour nourrir les façons de « faire » dans les actions quotidiennes entreprises par les services techniques, les entreprises privées mais aussi les habitants, également acteurs du cadre de vie ».

c. En Aveyron

Côté Midi-Pyrénées, aucun atlas n’a vu le jour. À la différence des 2 autres régions, les travaux de connaissance des paysages ont été pilotés par l’Union Régionale des CAUE (URCAUE). En Aveyron, le CAUE, grâce à une longue expérience en matière de connaissance des paysages, a réalisé le document « Entités paysagères de l’Aveyron », sous forme de CD-Rom (2007) puis de blog : « Paysages de l’Aveyron ». Il a été produit à l’échelle des entités paysagères et avait pour objectifs de « connaitre, comprendre et s’approprier les paysages qui l’entourent à partir de ses éléments naturels et humains ; et permettre d’amener tout porteur de projet (public, privé, à petite et à grande échelle) à prendre en compte les caractéristiques paysagères dans les futurs aménagements ».

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Présentation et analyse des 9 sous-entités paysagères

Le diagnostic des paysages de l’Aubrac est réalisé à partir des connaissances existantes, leur hétérogénéité dans la méthodologie, l’échelle et l’actualité a conduit à effectuer un travail spécifique de synthèse. Pour cela, une échelle intermédiaire de description entre les entités (échelle régionale) et les unités (échelle de base des atlas) a été retenue. Dénommé « sous-entités paysagères », ce niveau de découpage poursuit le double objectif de fournir une trame commune de description aux trois départements et d’harmoniser les limites interdépartementales.

Les sous-entités retenues s’appuient sur une reconnaissance des paysages par la population en s’adossant largement à des « pays » » souvent identifiés par leur nom. Dans cette optique qui met en avant l’occupation humaine, les vallées secondaires sont rattachées aux plateaux avec lesquels elles entretiennent un fonctionnement complémentaire. Seule la vallée du Lot, par l’existence de bassins de vie, accède au statut de sous-entité. Un travail de caractérisation des paysages, à échelle plus fine, demeure à réaliser : une analyse détaillée à mener sous-entité par sous-entité.

La carte des « sous-entités paysagères » (voir carte : « Régions éco-paysagères ») propose une approche de l’organisation des paysages et de la structure du territoire. La délimitation des sous-entités paysagères a été tracée au 1/100 000e, avec pour appuis principaux : la carte géologique25, une carte d’occupation des sols26 et une carte de végétation. Le tracé a été affiné à l’aide de la carte des peuplements forestiers27.

Les neuf sous entités paysagères sont décrites en détail ci-après. L’état actuel des connaissances et des investigations réalisées dans le cadre de l’élaboration des atlas explique les différences de traitement qui sont perceptibles dans la description des neuf sous entités.

25 BRGM. 26 CORINE Land Cover. 27 IFN.

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LE PLATEAU OUVERT Approche sensible

Les très larges ondulations du plateau dont les couleurs varient au fil des saisons (blanches en hiver, colorées au printemps, verdoyantes ensuite), et le réseau de sources et ruisseaux qui en dessine les creux, impriment une vision particulièrement forte à l’abord du plateau de l’Aubrac. L’absence de ripsylve sur les rives du Bès conforte l’horizontalité du plateau. En contrepoint, les rares éléments verticaux (empilement de basalte ou de granite, bosquets ou bandes boisées…) soulignent la grandeur du paysage.

Analyse du paysage

Le plateau ouvert de l’Aubrac s’élève entre 1 200 et 1 469 m d’altitude et couvre 393 km² (soit 17% du territoire d’étude). Associé à d’immenses étendues herbeuses où pâturent les vaches de race Aubrac, il offre les paysages les plus emblématiques du pays. Les vues s’ouvrent sur le plateau et sur le grand paysage plus au sud : boraldes, vallée du Lot et horizons aplanis des grands causses. Outre les estives, on y voit aussi des prairies de fauche, souvent sur les parcelles les plus épierrées et proches du siège des exploitations. La hêtraie longe la crête côté Sud-Ouest et annonce le passage vers les boraldes ou la Viadène (cf. ci-contre). Peu visible dans le paysage, l’eau est en fait omniprésente, imbriquée au sein des estives, des prairies. Chaque dépression, chaque fond de vallée est en fait occupé par une zone humide, un ruisseau qui serpente vers le Bès, vers un lac glaciaire ou vers une cascade : c’est seulement dans ces sites particuliers que l’eau, si discrète ailleurs, apparaît. La densité de population est ici inférieure à 10 habitants au km². Les villages sont rares, ils se protègent grâce aux plis du relief. L’axe sommital, soumis à des conditions climatiques rudes, est le domaine quasi exclusif des burons. Lorsque le basalte cède la place au granite et aux terrains morainiques, le paysage se modifie, les rochers affleurent davantage dans les prairies ; les prairies de fauche se font plus nombreuses.

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Géologie, relief, eau Le Plateau ouvert repose au sud-ouest sur les épanchements volcaniques de l’Aubrac (à l'origine d'un empilement de coulées basaltiques successives) et au nord-est sur le granite de la Margeride.

Proche des sommets, entre Laguiole et Saint-Urcize, les basaltes s’expriment de différentes façons : coulées prismatiques qui se découpent dans le paysage, éboulis de roches, scories...

En remontant au nord (Trinitat) et à l’est d’une ligne Nasbinals/Saint–Urcize, les basaltes disparaissent progressivement, trop éloignés des points d’émission. Sans réelle rupture topographique, ils laissent alors place aux affleurements granitiques du grand massif de la Margeride, recoupé par des masses de leucogranites plus clairs.

Vers l’Est, le granite, toujours présent, est moins visible car recouvert par les dépôts glaciaires qui ont adouci le relief. L’érosion par la glace puis par l'eau est à l'origine de paysages spectaculaires : vallées en auge (Bès), moraines, drumlins, blocs erratiques, roches moutonnées, chaos...

La topographie mollement moutonnée, les creux topographiques occupés par et les fortes précipitations s’abattant sur les sommets expliquent la grande surface occupée par les prairies humides et tourbières, la densité du chevelu de cours d’eau : le Plateau ouvert constitue la tête du bassin versant du Bès et de plusieurs autres cours d’eau (boraldes dans leur partie tout à fait amont, sur de faibles surfaces).

Climat Le Plateau ouvert reçoit un climat montagnard, qui crée une dualité saisonnière plus marquée que sur le reste du territoire.

Les hivers sont longs et froids, avec un enneigement variable mais souvent important, plus fréquent sur les sommets. Les précipitations neigeuses s’étalent de la fin octobre à mai (exceptionnellement juin). Ces dernières années, elles ont toutefois été irrégulières et ont accusé de forts déficits. La période de gel est importante (plus de 100 jours par an). Le printemps est relativement tardif mais très bref (fin en juin) et laisse place à un été chaud où plusieurs semaines d’affilée peuvent afficher 25°C.

Les précipitations sont constantes tout au long de l’année. Leur moyenne annuelle est de 1 400 mm (station de Deux-Verges), elle peut atteindre 2 000 mm sur les versants ouest les plus exposés. Les températures moyennes annuelles sont fraîches (de 7 à 10 °C). Elles peuvent connaître des évènements climatiques extrêmes : - 25°C le 12 janvier 1987 à Nasbinals et + 33,3°C le 30 juillet 1983.

Les vents d’Ouest soufflent majoritairement, en alternance avec le vent du Nord en période hivernale. Le vent d’Autan, remontée d’air chaud en provenance du sud, peut souffler au cours de la période estivale mais aussi à d’autres saisons, quoi que restant assez rare.

Le plateau constitue d'autre part une véritable barrière physique face aux précipitations océaniques et méditerranéennes, à l'origine d'un effet d’abri par rapport aux autres sous-entités.

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Milieux naturels Le Plateau ouvert est dominé par les prairies d’altitude.

Ces pâtures, parfois séparées par des murets (limites entre « montagnes »), sont très grandes (plusieurs dizaines d'hectares) sur les estives () mais restent plus petites aux abords des villages.

Les arbres sont très rares. Seules quelques bandes boisées () marquent le paysage.

Les paysages sont également marqués par la présence des burons (), vestiges de l'époque laitière du plateau entre le XVIIIème et la première moitié du 20ième siècle.

Les prairies et pelouses

Les prairies constituent les paysages emblématiques de l'Aubrac : immenses pâturages d’estives soulignés par des murets de pierre sèche. Fruits de la géologie, du climat et de l’histoire, ces paysages pastoraux résultent d’un usage ancestral par l’homme. Peu à peu depuis le Néolithique, puis très largement à partir du Haut–Moyen-Âge, le défrichement a repoussée la hêtraie initiale en limite de la sous-entité, et a donné naissance aux estives et aux pâtures, qui ont permis la pratique de la transhumance des ovins puis des bovins.

Ce système qui s’est perpétué jusqu’à nos jours, a conduit à la formation de plusieurs groupements végétaux herbacés « sous influence humaine » : aux pelouses acidophiles au sol pauvre en nutriments et à la végétation rase, s’opposent les prairies dont la biomasse témoignent de sols plus fertiles.

Constituées d'une végétation herbacée à Nard raide et à Agrostis capillaire, les pelouses accueillent une grande biodiversité. Une faible utilisation d'engrais constitue un gage de leur pérennité et de leur diversité floristique : les plantes particulièrement emblématiques de ces pelouses sont la Grande Gentiane, le Narcisse des poètes (toutes deux encore récoltées) et le Cistre. Ces pelouses présentent une variété de micro–faciès, en fonction des pratiques pastorales (fauche, pâture, fertilisation, pression...), de leur localisation et du degré d’humidité.

Les prairies se développent sur des sols naturellement riches en nutriments ou bien à la faveur de pratiques agricoles : fertilisation, pâturage plus intensif. Elles sont alors dominées par le Dactyle aggloméré, le Trisètre jaunâtre, le Fromental, l’Achillée millefeuille... Dans le détail, la gestion agricole (fauche/pâturage, niveau de fertilisation) et la situation écologique (niveau hydrique et pH du sol) individualisent des cortèges végétaux particuliers. Les pâturages les plus riches en nutriments se situent dans la zone volcanique. En zone granitique, le sol est en général moins profond et plus pauvre. On trouve fréquemment des landes à Genêt purgatif, à fougère ou à Callune quand le sol est très peu épais. Si la partie granitique du Plateau ouvert n’accueille pas d’aussi riches pâturages, elle offre néanmoins des paysages fascinants, constitués de vastes étendues de landes jonchées de pierres aux formes étranges.

② ③

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Le maintien d’un élevage extensif a d'autre part permis de maintenir une biodiversité animale. Nombre d’oiseaux sont attirés par les hauts plateaux, faciles à explorer. On peut notamment citer la présence de passereaux (Tarier des prés, Traquet motteux...), de rapaces rares (Milans royal, Circaète Jean-le-Blanc). Les boisements

Ce sont principalement des bosquets de hêtres qui accueillent la flore de la hêtraie claire : Thé d'Aubrac, Luzule blanc de neige... La flore des lisières est également bien représentée : Géranium des bois, Aspérule odorante... Quelques plantations d'épicéas sont aussi présentes, moins riches en végétation d'accompagnement.

Monospécifiques, les bandes boisées présentent quant à elles peu d’intérêt en termes de biodiversité telles qu’implantées et gérées actuellement. Cependant, une évolution de cette gestion, voir du renouvellement de leur peuplement, augmenterait fortement leur fonctionnalité écologique (lieu de reproduction, de nourrissage mais aussi de déplacement de la faune). Ces structures présentent par ailleurs une originalité du territoire de l’Aubrac, caractérisant à la fois le paysage du Plateau ouvert et une adaptation de l’homme au climat de ce territoire.

Les milieux humides

Situés dans de petites dépressions alimentées par des petites sources ou par les eaux de précipitation, ils trouvent leur origine dans la période postglaciaire.

Les tourbières présentent plusieurs formes : tourbières hautes actives (Vergne Noire), bas marais, lacs tourbeux (Salhiens), landes tourbeuses (Buffières), tourbières de pente (sources du Roc). Leurs intérêts sont multiples du point de vue du patrimoine naturel :

- véritables archives du passé : elles témoignent des périodes plus froides passées ; - floristique rare : Ligulaire de Sibérie, Andromède, Airelle des marais ;

- faune rare : Nacré de la Canneberge, Agrion à lunules, Dolomède, Grenouille rousse, Lézard vivipare, Vipère péliade, Bécassine des marais, Loutre...

Quatre lacs glaciaires sont présents dans la partie amont du bassin versant du Bès. Outre le fait qu’ils accueillent des tourbières et zones humides sur leurs rives, leurs étendues d’eau marquent le paysage, blotties au sein des ondulations du plateau.

Les bords des ruisseaux et les mégaphorbiaies accueillent également une flore spécifique : Aconits tue-loup et napel, Renoncule à feuilles d’aconit (①), Pigamon à feuilles d'ancolie, Adénostyle à feuilles d’alliaire (②, assez rare en Aubrac), Benoîte des ruisseaux (③)...

① ② ③

Les fonds de vallée, pauvres en arbres (Aulnes, Bouleaux…) sont occupés par des prairies humides dont le rôle est important vis-à-vis de l’eau et de la biodiversité (Fritillaire pintade).

La vallée du Bès est large et ressemble beaucoup au plateau : prairies permanentes fauchées ou pâturées. Les parcelles aux abords des habitations sont plus petites, entourées de murets bordés de haies de Frênes émondées en têtards, vestige d’une époque où son feuillage servait de fourrage d’appoint.

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Les grands blocs erratiques, les chicots de granite en fonds de vallées, les escarpements basaltiques façonnés en orgues confèrent à ce paysage une note minérale exceptionnelle.

Les milieux rupestres

Les hauts sommets et les forts dénivelés liés à divers particularités géologiques (coulées de laves, blocs de granite d’origine glaciaire) permettent le développement de divers milieux rupestres : falaises, éboulis, amas de blocs ou blocs isolés, cascades... Il s’y développe une flore et une faune originale : fougères, reptiles et divers animaux recherchant des anfractuosités.

Diagnostic de la sous-entité paysagère « Plateau ouvert » L’Aubrac ouvert est par essence une sous-entité déterminée par l’agro-pastoralisme. Cette activité a conduit à la mise en place des prairies permettant l’alimentation des troupeaux. A ces écosystèmes agropastoraux sont associés divers motifs paysagers : murets, drailles, burons. L’activité agricole constitue donc un atout pour les paysages et la biodiversité du Plateau ouvert. Aujourd’hui, l’évolution des milieux prairiaux dépend des pratiques agropastorales. Si les habitats ne sont pas immédiatement menacés, deux dynamiques s’observent : déprise et colonisation par le Genêt à balais ou la Callune, ou bien intensification par drainage ou par dérochement et amendement. La gestion du troupeau, notamment de sa taille, du chargement, de l’accès direct aux cours d’eau, s’avère donc déterminante pour maintenir la multifonctionnalité des prairies (richesse floristique, cueillettes, qualité organoleptique du fourrage, attrait paysager...). L’omniprésence de l’eau se traduit localement par la richesse des zones humides et notamment des tourbières. La préservation qualitative et quantitative de cette ressource est nécessaire tant localement que pour les secteurs aval qu’elle alimente. Aujourd’hui, si l’élevage reste l’activité dominante, une certaine diversification des activités humaines s’observe sur le Plateau ouvert. Les activités de pleine nature sont très présentes : randonnée en été, ski de fond et de piste en hiver et équipements associés (six stations avec bâtiments, téléskis...). Leur gestion n’est pas toujours favorable aux écosystèmes herbacés (zones d’érosion, sur-fréquentation, cueillette d’espèces fragiles et dérangement de l’élevage) et mérite d’être optimisée. La pression d’urbanisation, bien que faible à moyenne, est centrée autour des rares bourgs du plateau et des stations de skis : sa maîtrise doit être particulièrement soignée. Enfin, quelques carrières sont présentes sur cette sous-entité, essentiellement consacrées à l’extraction de sables et graviers (Marchastel, Saint-Laurent-de-Muret). Elles peuvent impacter des zones humides comme ce fut le cas sur la carrière d’Usanges (Prinsuéjols, Saint-Laurent-de-Muret) ou présenter des impacts paysagers qu’il est nécessaire d’amoindrir.

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LE PLATEAU FERMÉ Approche sensible

Le plateau fermé est marqué par une succession de motifs : prairies et forêts s’entremêlent, évoquant tour à tour le Plateau ouvert et la Margeride. Le granite est omniprésent, formant par ses ressauts des supports au bâti ou des obstacles faisant sinuer les cours d’eau, tels la Rimeize et le Bès qui termine son parcours en y creusant des gorges spectaculaires.

Analyse du paysage

Des massifs boisés importants couvrent les rebords Est et Nord de l’Aubrac, comme le massif du Truc de l’Homme qui s’étend sur 2 000 hectares ou encore le Puy de la Tuile. Mais ce ne sont pas eux qui marquent le paysage du Plateau fermé : les prés-bois, plus réguliers, plus disséminés et imbriqués avec l’activité pastorale, commencent à être présents et constituent la transition entre le Plateau ouvert prairiale et la Margeride « agroforestière ». Ailleurs, dans le Plateau fermé, on retrouve une imbrication étroite de bois, le plus souvent mixtes, et de prairies. Cette organisation rend la transition Aubrac-Margeride floue et progressive. Les doux sommets offrent de larges ouvertures vers les vastes étendues mamelonnées autour de la Truyère et, barrant l’horizon à l’Est, la ligne sombre du rebord de la Montagne de la Margeride. L’eau est présente par les nombreux ruisseaux qui parcourent cette zone, au sein de vallée occupées par de prairies humides. Les villages s’organisent autour d’amples « courdercs ». Comme en Margeride, Le bâti traditionnel est en granite à toits de lauzes en écailles.

Géologie, relief, eau

L’armature rocheuse est celle de la Margeride (granites), à laquelle le Plateau fermé appartient géologiquement. Les témoignages glaciaires deviennent progressivement plus discrets avec l’éloignement du Plateau ouvert, pour disparaître complètement vers la Margeride. Le relief, constitué de croupes arrondies, est constamment vallonné. Son organisation est assez classique pour ce type de contexte géologique :

- sommets des collines aux sols de type podzol, riches en éléments grossiers filtrants et secs ; - pâtures et près de fauche sur les pentes douces bien drainées ; - prairies humides, sagnes et zones tourbeuses en extension des petits ruisseaux ; - des pointements basaltiques sont présents çà et là : Roc de Peyre, Roc du Cheylaret...

Dans ce secteur et jusqu’à la confluence avec la Truyère, le Bès a profondément entaillé les granites. Sa vallée offre alors des paysages de gorges extrêmement spectaculaires, avec de nombreux rochers surplombants.

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65 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Climat Il présente des caractéristiques proches de celles du Plateau ouvert et de la Margeride : climat froid (entre 100 et 120 jours de gel par an en moyenne), mais moins pluvieux que celui de l'Aubrac ouvert (précipitations inférieures à 1 000 mm), du fait de la tendance continentale plus affirmée (secteur abrité des vents d’ouest par les sommets). Les vents dominants sont de secteur Sud-Est ou Nord ; cependant, la partie cantalienne du plateau fermé est aussi soumise aux vents d’ouest car elle bénéficie moins de l’abri des sommets de l’Aubrac.

Milieux naturels Le Plateau fermé présente une grande uniformité paysagère, même si les « micro paysages » changent constamment, du fait des variations topographiques.

Les boisements sont dominés par le Pin sylvestre qui supporte bien le climat froid et la sécheresse édaphique. Il s’agit en fait de prés-bois où la strate herbacée du peuplement de Pins sylvestre est pâturée et intégrée à des parcs avec les prairies voisines. Quelques massifs forestiers importants subsistent : massif du Truc de l'Homme, Puy de la Tuile. Les versants des gorges du Bès sont colonisés par des boisements clairs de Hêtre et de Pin sylvestre. Les zones les plus pentues, au sol superficiel, accueillent des landes sèches, des pelouses xérophiles. Enfin, on rencontre dans les secteurs les plus escarpés (gorges du Bès), des rapaces rupestres : Circaète Jean-le-Blanc, Faucon pèlerin, Hibou grand-duc.

Concernant les habitats agropastoraux, les parcelles sont de grande taille. Des prairies artificielles apparaissent de façon significative. Les prairies naturelles, encore assez nombreuses, sont de véritables tapis de Narcisses au printemps. Sur les flancs supérieurs, où les pentes sont marquées, le recul de l’agriculture favorise le développement de landes (Genêt à balais, associé à la Fougère aigle).

Les ruisseaux permettent la présence de prairies humides nombreuses où se développent la Fritillaire pintade, l’Œnanthe à feuille de peucédan... Certains de ces ruisseaux abritent la Moule perlière, bivalve d’eau douce en régression, inféodé aux eaux acides des ruisseaux montagneux. Parmi elles, on compte quelques sites d’intérêt du point de vue du patrimoine naturel le long de la Crueize, de la Rimeize ou de la Bédaule.

A la faveur de particularités locales, des tourbières se développent sur les pentes exposées ou dans les dépressions : tourbière de Bonnecombe, tourbière de la Bédaule, tourbières de pente du Puy de la Tuile... Ces sites accueillent une flore (Fluteau nageant, Saule rampant, Andromède, Laîche pauciflore...) et une faune (Sympétrums jaune d’or et noir, Loutre) patrimoniales.

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66 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Diagnostic de la sous-entité paysagère « Plateau fermé » Le Plateau fermé est fortement marqué par l’activité d’élevage bovin : il constitue un atout pour les milieux agropastoraux, mais parfois aussi une menace (intensification ou abandon des parcelles). Les prés-bois, imbrication des boisements et des prairies, et la transparence des lisières qu’elle induit, doit amener à gérer les transitions pâturages – forêt (par l’agro-sylvo-pastoralisme par exemple) et la gestion douce de ces espaces et intégrant les prairies humides. La sylviculture, seconde activité, est facilitée par le relief peu contraignant qui autorise un accès assez aisé aux boisements, malgré le manque de dessertes adaptées. Il induit la présence de plantations de conifères (Douglas, Pin noir, Épicéa ou Sapin). Dans les années à venir, on doit s’attendre à des coupes sur les plantations réalisées entre les années 1950 et 1980 dans le cadre du Fonds Forestier National. Ces pratiques exposent le Plateau fermé à une modification paysagère conséquente mais sont aussi l’opportunité de tendre vers une sylviculture diversifiée et durable. Plusieurs aménagements sont présents sur le plateau fermé. Un parc de sept éoliennes a été mis en place en 2014 dans le massif du Truc de l’Homme. Visibles depuis le Col de Bonnecombre et le col d’Aubrac, son impact paysager est conséquent. D’autres projets sont en cours et peuvent constituer une menace pour certaines espèces (grands oiseaux, chauves-souris), ainsi qu’une pression paysagère supplémentaire. On devra d’ailleurs à l’effet de cumul des pressions (paysagères, écologiques) entre plusieurs parcs éoliens. Enfin, la pression urbaine reste assez faible, la qualité du bâti granitique nécessite d’apporter un soin particulier à sa rénovation et à ses extensions. La qualité et la lisibilité des implantations urbaines (en appui sur les saillies granitiques) doit-être une référence pour tout projet urbain.

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Diagnostic territorial

LA MARGERIDE Approche sensible

Pin sylvestre et granite sont les motifs récurrents de la Margeride. Ils laissent une image un peu austère, surtout en hiver, lorsque les aiguilles sombres maintiennent une opacité visuelle. Les zones ouvertes, parfois cultivées et l’axe autoroutier traduisent une activité humaine marquée.

Analyse du paysage

La Margeride se maintient autour de 1 000 m d’altitude et occupe 175 km² (7,7 % du territoire d’étude). Elle se présente comme une succession de collines aux formes arrondies séparant des fonds aplanis. Le pin sylvestre domine largement et forme des lisières progressives entre espaces boisés et ouverts. Paysages boisés et agricoles s’enchainent en un fondu très original qui fait le caractère de cette région. Les frênes émondés sont présents, notamment dans les vallées. L’arène granitique s’accumule et aplanie régulièrement les fonds de vallée. Associée aux éléments fins : la stagnation de l’eau y forme des prairies humides directement associées aux petits ruisseaux qui les parcourent. L’habitat est dominé par le granite et la lauze et se structure en petits villages disséminés.

Géologie, relief, eau Le batholite de la Margeride constitue le soubassement de cette sous-entité éco-paysagère. Le granite porphyroïde (« granite de la Margeride » aux grands cristaux de feldspath potassique qui lui ont valu la dénomination de granite à « dents de cheval ») est omniprésent, quoique parfois recoupé par des masses de leucogranites de couleur plus claire.

L’érosion a conduit à la formation d'amas de gros blocs arrondis et à des accumulations de sédiments fins plus ou moins argileux dans le fond des petites dépressions.

Ces alluvions récentes, au comportement hydromorphe, tapissent le fond des larges vallées et vallons pour former prairies humides et divers écosystèmes associés (mégaphorbiaies...).

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Diagnostic territorial

Climat Carrefour d’influences entre les masses d’air continentales à l'est, atlantiques à l'ouest et méditerranéennes au sud, le climat est froid mais relativement sec. Les monts du Cantal et de l'Aubrac permettent à la Margeride de bénéficier d'une position relativement abritée.

Les températures sont globalement basses : étés frais et hiver froids, 120 jours de gel par an en moyenne, avec des extrêmes très marqués (jusqu’à – 35°C en hiver). Comprises entre 950 et 1 000 mm, les précipitations moyennes annuelles restent moyennes. Le sud du massif reçoit à intervalles réguliers de fortes précipitations venant de la Méditerranée, en particulier lors des épisodes cévenols.

La région est relativement ventée : vents océaniques de secteur Ouest et Nord–Ouest (Auro Negro) et continentaux de secteur Nord (bise).

Milieux naturels La Margeride, située à l’étage montagnard, reste un territoire méconnu du point de vue des milieux naturels et des espèces.

Les parcelles ouvertes en pente douce sont occupées par des prairies, voire des cultures, alors que les fonds de vallon hydromorphes accueillent des prairies humides. L'élevage bovin laitier est bien présent en Margeride, avec des prairies temporaires et des parcours souvent humides, qui alternent avec des parcelles cultivées en céréales. En effet, le climat moins contraignant que sur le Plateau ouvert, autorise quelques cultures.

Les boisements sont très majoritairement des forêts de Pins sylvestre et des plantations de conifères. Des parcelles en déprise sont présentes : associé aux genêts, les pins sylvestres croissent naturellement, avec d'autres accrus de résineux issus de plantations.

La richesse écologique de la Margeride est surtout liée à la densité de son réseau hydrographique. Le substratum granitique favorise les prairies humides (Fritillaire pintade...) et les zones tourbeuses (sphaignes, Ményanthe trèfle d’eau et parfois Bouleau nain). La Rimeize et la Crueize poursuivent ici leur cheminement avec les mêmes enjeux que sur le Plateau fermé. Les têtes de bassins versants des cours d’eau accueillent aussi la Loutre et l’Écrevisse à pieds blancs.

Diagnostic de la sous-entité paysagère « Margeride » Bien que l’élevage (bovin lait et viande) reste l’activité prépondérante, il domine moins largement les autres activités que sur le reste du territoire d’étude. La forte prégnance de la forêt implique que la gestion du paysage passe par la qualité de la gestion forestière. La Margeride est le secteur qui subit le plus de défrichements sur le territoire d’étude du PNR de l’Aubrac, en partie au dépend des prés-bois. Par ailleurs, les plantations de résineux réalisées dans le cadre du Fonds Forestier National (années 1950 à 1980) arrivent à maturité et occasionneront des coupes rases impactantes dans le paysage. Une sylviculture durable est donc à favoriser en Margeride, s’appuyant d’une part sur un véritable sylvo-pastoralisme, d’autre part sur la gestion durable de parcelles forestières en production. La présence de l’axe autoroutier et de ses échangeurs tend à produire un paysage caractérisé par une banalisation de type périurbain, notamment pour les zones d’activités ou les façades commerciales et leur cortège d’enseignes et de signalétique. Les efforts d’intégration paysagère fournis au moment de la construction de l’A75 devraient être maintenus pour les nouvelles implantations urbaines (visibles ou pas de l’autoroute). La même vigilance s’impose pour faire face au risque de mitage du paysage et de fragmentation des écosystèmes induit par le développement des zones d’activité.

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Diagnostic territorial

LE CALDAGUES Approche sensible

Le Caldaguès forme un paysage atypique, étape entre l’Aubrac et la Planèze de Saint-Flour. Ses plateaux aux lignes tendues contrastent avec l’embroussaillement des gorges que les genêts illuminent au printemps. L’empreinte de l’ancienne route de Paris s’oppose également aux routes secondaires accidentées. Le regard porte loin et « occulte » l’entaille étroite formée par la Truyère.

Analyse du paysage

Le « Pays de Chaudes Aigues » (158,7 km², 7 % du territoire d’étude) qui entoure ce pôle thermal et touristique, constitue les contreforts nord de l’Aubrac. Ce plateau est entaillé profondément par les nombreux affluents de la Truyère, créant un paysage très compartimenté où les ruptures de pentes sont brutales. Les interfluves prennent l’aspect de plateaux très découpés, ponctués de petites collines. Ils sont le domaine des prairies et cultures de céréales. Seule Chaudes-Aigues, contrainte par son histoire thermale et sa situation de bourg de services sur la route de Paris, s’est implantée en fond de vallée, en bordure du Remontalou. Les villages, comme les domaines agricoles, cherchent généralement une position plus élevée et plus proche du plateau, juste à l’abri des crêtes, ce qui impose une vigilance vis-à-vis de l’esthétique du bâti très visible. Les ruisseaux, encaissés au fond de vallons très abruptes, impactent peu le paysage, si ce n’est la Truyère qui forme la limite nord de cet ensemble éco-paysager. La chaîne de barrages hydro-électriques et l’ennoiement de la vallée de la Truyère qu’elle provoque, atténuent l’impression d’encaissement de cette vallée.

Géologie, relief, eau Les roches métamorphiques (gneiss, schistes...) dominent, interrompues par quelques affleurements basaltiques, ainsi que par le granite de Margeride, au sud du Caldaguès dans la zone de transition vers le Plateau fermé.

Ces roches constituent ici la partie nord du plateau de l’Aubrac, à 1 000 m d’altitude environ. Celui-ci est très incisé par les torrents qui le parcourent du sud au nord.

La Truyère, constituant la limite nord de cette sous-entité, est le principal cours d’eau. Il structure les autres écoulements en Caldaguès. Le Bès est son principal affluent. Quelques autres ruisseaux, de taille plus modeste, drainent du sud au nord le reste de cette sous-entité. Ils restent cependant peu nombreux et courts (inférieurs à 15 km).

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70 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Climat Le climat du Caldaguès est intermédiaire entre celui de la façade ouest de l’Aubrac (Viadène) et celui de la Margeride. Il est ainsi caractérisé d’une part par une certaine douceur des températures : 20 à 30 jours chauds annuels et 90 jours de gel par an environ ; d’autre part, par des précipitations relativement faibles : de l’ordre de 800 mm par an. Cela en fait l’une des zones les moins pluvieuses de l’Aubrac, ce qui semble dû à un effet de foehn lié aux monts du Cantal voisin.

Milieux naturels Les secteurs ouverts sont essentiellement occupés par des prairies temporaires ou permanentes, accompagnées de quelques rares cultures. Le bocage de Frênes têtards est bien présent, quoi que assez irrégulier. Vers le Sud, il s’étiole progressivement avec l’altitude.

Les versants abrupts (ceux de la Truyère compris) sont occupés de boisements dominés par la chênaie sessiliflore acidiphile, parfois accompagné du Pin sylvestre. Dans les secteurs les plus en altitude (amont des vallées de la Truyère et du Bès) apparaît la série montagnarde du Hêtre et du Pin sylvestre. On trouve aussi dans ces zones des landes à Genêt purgatif, sur les sols les plus squelettiques où l’humidité est trop faible pour permettre le développement des arbres. Parmi les vallées, celle du Bès, ici à l’aval de son cours, est remarquable. Elle y présente des gorges abruptes occupées par des boisements de Chêne sessile et de Pin sylvestre, des landes et des pelouses pionnières. Elles sont un lieu de prédilection pour les rapaces des falaises et des boisements sur versants abrupts (Circaète Jean-le-Blanc, Faucon pèlerin, Hibou grand-duc, Aigle botté, mais aussi Autour des palombes, Faucon hobereau, Bondrée apivore...).

Les cours d’eau qui s’écoulent au fond de ces gorges accueillent le Cincle plongeur et le Chevalier guignette.

Diagnostic de la sous-entité paysagère « Caldaguès » L’élevage bovin (viande et lait) détermine les paysages ouverts, dominés par des prairies temporaires et permanentes au sein d’un bocage de frênes têtards. Malgré les tendances observées à l’intensification de la gestion des prairies, l’élevage reste un pilier de la diversité des paysages et des écosystèmes du Caldaguès. Les fortes pentes des versants qui plongent vers la Truyère et ses affluents, permet la constitution d’une ressource boisée conséquente mais sous-valorisée : la topographie et le manque de dessertes forestières limitent la réelle gestion forestière et les coupes rases peuvent être fréquentes. Une véritable gestion sylvicole serait un atout pour lever les contraintes d’accessibilité (topographie) et mettre en valeur ces terrains. Cependant, les plantations de Douglas resteront mieux valorisables que les boisements naturels de chênes, de Hêtre voire de Pin sylvestre. Son relief particulier a fait de la Truyère un lieu majeur d’implantation de retenues hydroélectriques : barrages de Sarran, de Grandval et de Lanau. Ils constituent des interruptions de la continuité sur ce cours d’eau et vers ses affluents amont, bien que les espèces sensibles ne constituent pas ici de gros enjeux (saumon absent antérieurement aux barrages). Enfin, l’activité thermale a positionné Chaudes-Aigues en fond de vallée encaissée, en situation plutôt atypique. Cela nécessite une attention particulière pour assurer la mutation de la ville d’un lieu de passage vers un lieu de séjour.

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71 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

LA VIADENE Approche sensible

Continuité de la Margeride par son substrat granitique, on pourrait presque considérer que la Viadène est son négatif en termes de couverture végétale : les prairies et bas-fonds humides majoritaires sont émaillés de bosquets de pin sylvestres couronnant les chaos rocheux.

Analyse du paysage

La Viadène couvre 525 km², soit 23 % du territoire d’étude. L’élevage bovin (lait et viande) imprime sa marque dans le paysage par la dominance historique des prairies. En association étroite avec les haies de Chênes pédonculés et de Frênes communs, elles forment un bocage dense. Récemment, les cultures et prairies artificielles sont venues complétées ce paysage. Ce large rebord occidental du plateau de l’Aubrac s’incline progressivement vers les vallées du Lot et de la Truyère : les faibles pentes de sa partie amont sont favorables à un réseau hydrographique très dense associé à de nombreuses prairies humides. Les cours d’eau sont soulignés par une ripisylve d’aulnes. Puis ils s’incisent brusquement vers la Truyère et le Lot sur la fin de leur cours. La pierre granitique marque l’architecture par des encadrements souvent cyclopéens, aussi bien pour les maisons de maître que pour les granges étables parfois monumentales. L’habitat est diffus, toutefois, deux villages de la Viadène se sont développés de façon importante : Sainte-Geneviève-sur-Argence et Saint-Amans-des-Côts.

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Diagnostic territorial

Géologie, relief, eau Il s’agit de l’extension ouest du batholithe de la Margeride qui forme des collines et des plateaux aux faibles dénivelés et aux formes adoucies par les effets de l’érosion. Ce granite à « dent de cheval » peut être repéré dans les constructions traditionnelles, accompagné régulièrement de granites plus clairs. Vers l’ouest, la rupture de pente est brutale vers la Truyère et ses affluents.

Sur le plateau de la Viadène, dans les principaux talwegs, des dépôts d’éléments les plus fins et argileux favorisent l’hydromorphie et la présence de zones humides.

Au nord, vers Sainte-Geneviève-sur-Argence, des formations sédimentaires (sables et graviers du Miocène) et des couronnements basaltiques d’orientation Nord-Ouest - Sud-Est apparaissent.

L’érosion quaternaire a fait son œuvre et l’on retrouve dans les alluvions de sables et de galets, des limons favorables à la rétention d’eau et à la présence de végétation hygrophile.

Climat Sous influence atlantique, le climat se caractérise par sa douceur. Les températures y sont relativement clémentes bien que dépendantes de l’altitude : 60 à 90 jours de gel par an (100 sur le plateau), 20 à 35 jours chauds (une dizaine sur le plateau). Les précipitations sont abondantes et croissent avec l’altitude pour atteindre 1 300 mm environ à l’approche des hauts sommets voisins (sur le Plateau ouvert). Les vents dominants sont majoritairement de secteur Ouest, voire de secteur Nord-Est.

Au sud, la région des « Coussanes », bénéficie d’influences méridionales plus affirmées, ce qui adoucit les températures. Le nombre moyen de jours chauds annuels y atteint 40 jours.

Milieux naturels La Viadène étant plus anthropisée et moins spectaculaire, elle a été moins prospectée que d’autres sous-entités écopaysagères : les connaissances naturalistes y sont peu nombreuses.

Le paysage de Viadène est en grande partie ouvert, bocager. Le climat doux et la quasi-absence de contraintes topographiques expliquent la prédominance des zones cultivées (prairies temporaires, céréales, maïs ensilage...), surtout en dessous de 800 mètres d'altitude. L’AOC Laguiole et la Coopérative Jeune Montagne ont provoqué une diminution de la sole en maïs ensilage.

A la transition entre les étages collinéen et montagnard, la Viadène accueille en basse altitude les chênaies acidiphiles à Chêne sessile ou à Chêne pédonculé, et au-delà de 850-900 m les Hêtraies montagnardes. Des inversions de végétation sont observées dans les situations confinées. Les gorges de la Truyère sont un axe de passage majeur pour les oiseaux migrateurs et pour la nidification des rapaces rupicoles. L’ensemble de la Viadène présente un intérêt pour les chiroptères, du fait de l’association entre constructions anciennes et autres cavités, mais aussi du fait du réseau bocager structuré, constituant un réseau de déplacement pour ces animaux, et des prairies en tant que zones de chasse.

Enfin, malgré les barrages sur la Truyère et la Selves, les cours d’eau de Viadène abritent certaines espèces aquatiques patrimoniales : Écrevisse à pieds blancs, Truite fario, Gomphe de Graslin.

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73 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Diagnostic de la sous-entité paysagère « Viadène » La Viadène se singularise par le bocage, alliance de l’herbe et de l’arbre, lié à l’élevage bovin. Les évolutions agricoles actuelles vers une certaine « intensification » tendent à exercer une pression sur le bocage en tant que structure paysagère et en tant qu’entité écologique. Les signes de qualité agricole permettent dans une certaine mesure, de limiter ou de pallier certaines de ces évolutions. Le développement de l’urbanisation devra être quantifié et localisé pour être mieux connu. Les barrages hydroélectriques et leurs lacs de retenue (Galens, Maury, Saint-Gervais), présents sur la Truyère et sur certains de ses affluents (Selves), provoquent des discontinuités écologiques pérennes étant donné la dimension et l’importance nationale de ces ouvrages. Ils sont accompagnés de plusieurs lignes électriques, qui sillonnent cette sous-entité. Ces éléments « urbains » entraînent à la fois des valorisations (tourisme industriel) et des atteintes paysagères ou écologiques. Les activités sportives de pleine nature (escalade, canyoning) sont pratiquées au sein des vallées escarpées de la Viadène et peuvent occasionner des dérangements sur la faune : Faucon pèlerin...

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74 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

LES BORALDES Approche sensible

Fortes pentes et naturalité sont les impressions laissées par les boraldes lorsqu’on les aborde par les torrents. Depuis le plateau, la descente dans les bois semble inaccessible et les espaces fermés succèdent aux larges espaces ouverts. Le réseau routier présente lui, depuis la vallée du Lot, l’image de l’ascension vers la montagne, avec la raréfaction de l’arbre dans le paysage et l’implantation des villages en rupture de pente, marquant souvent en hiver les limites de l’enneigement.

Analyse du paysage

Les boraldes sont les torrents qui prennent leur source entre les sommets de l’Aubrac et dévalent les flancs sud du plateau jusqu’au Lot. Ils ont donné leur nom à cette région de 453 km² (près de 20 % du territoire). Ces profonds vallons parallèles offrent un paysage alternant les vallées très pentues et boisées, avec les interfluves prairiaux, voire bocagers. Repoussée dans les fonds de vallons sous forme de ruisseaux, l’eau apparaît peu dans le paysage, bien qu’elle en soit en fait l’élément fondateur par l’érosion qu’elle provoque et l’inversion de relief qui en résulte.

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75 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Géologie, relief, eau

Le relief est composé de profondes vallées parallèles (orientation Nord-Sud), assez courtes (10 à 30 km) et très pentues (5 à 10 %).

Très encaissées et sauvages, ces vallées sont le fruit d'une inversion de relief provoquée par l’érosion des roches métamorphiques (micaschistes, gneiss) moins résistantes que les coulées basaltiques sur les croupes. Quelques necks sont présents ça et là : Belvezet, Castelvieil... Enfin, quelques dépôts sédimentaires (grès, calcaires) sur les replats, sous forme de « lentilles » résiduelles, sont les « précurseurs » des Causses et Avant-causses (ex : secteur de St Germain du Teil).

Étant donné les pentes, l’eau est simplement « de passage » sous forme torrentielle dans les Boraldes. Elle est aussi très exploitée pour la production d’eau potable.

Climat Les Boraldes constituent une zone de transition climatique entre la vallée du Lot et le plateau de l’Aubrac. Le climat est encore montagnard sur les hauteurs mais il est soumis à des influences méridionales : insolation notablement plus marquée que sur le reste du plateau, été comme hiver. Les températures y sont donc assez douces dès que l’on perd de l’altitude. Ce versant reçoit une partie des précipitations océaniques qui augmentent à l’approche des sommets : 1 000 à 1 200 mm.

Milieux naturels La contrainte principale des Boraldes est la déclivité, qui, en rendant difficile ou en empêchant la mécanisation, a conduit à l'abandon progressif des terres agricoles. L'occupation du sol et les paysages dépendent donc très fortement de la topographie :

- les versants, trop raides pour être habités et mis en valeur, et les fonds des vallées étroits sont majoritairement boisés par la Chênaie sessiliflore relayée par la Hêtraie en altitude ; d’après les cartes des Cassini, certains boisements étaient déjà présents au XVIIIème siècles : quelques recherches complémentaires pourraient confirmer la présence de « forêts anciennes » dans cette sous-entité éco-paysagère ;

- seules les interfluves assez plats accueillent des pâtures et des prés de fauche, accompagnés d'un réseau bocager parfois encore dense.

Les forêts de ravin, dominées par les Érables planes et sycomore, le Frêne commun, le Tilleul à larges feuilles, se développent sur les pentes les plus fortes et sur les substrats instables.

Les rivières, souvent enserrées dans d’épaisses ripisylves d’aulnes ou de saules, sont parfois accompagnées d’une végétation hygrophile (mégaphorbiaie).

La faune aquatique est riche, caractéristique des peuplements à Salmonidés : Chabot, Loutre, Écrevisse à pieds blancs, Truite fario...

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Diagnostic territorial

Diagnostic de la sous-entité paysagère « Boraldes » Territoire marqué par les pentes, les enjeux paysagers des boraldes se situent essentiellement au niveau de leur gestion : Sur les parties planes des interfluves, l’enjeu du maintien des prairies – et du bocage associé – face à un risque de déprise agricole, est fort du point de vue paysager (maintien des points de vue et des ouvertures). Le maintien de l’élevage en tant qu’atout donnant aux boraldes une diversité paysagère, est un objectif. Sur les versants, l’évolution vers une sylviculture maîtrisée est nécessaire du point de vue de la tenue des sols, de l’insertion paysagère (pistes forestières, plantation de résineux), de la préservation du patrimoine naturel et culturel (présence de vieux châtaigniers greffés). Une attention particulière est à porter à l’implantation du bâti et au tracé des infrastructures par rapport à la gestion des remblais-déblais, à la tenue des sols, à l’intégration paysagère, à la qualité des rejets d’eau... Enfin, les Boraldes sont une source importante de production d’eau potable.

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77 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

LA VALLÉE DU LOT Approche sensible

Perçue parfois comme une mer de nuages depuis les hauteurs de l’Aubrac ou des Causses, la vallée du Lot est avant tout un lieu de transition et d’échanges qui s’est constitué comme un poumon commercial et administratif pour l’arrière-pays montagnard plus agricole. Au fil de l’eau, les versants resserrés et boisés, peu accessibles en amont de Saint Côme, alternent avec de larges ouvertures qui repoussent la ligne de crête, échancrant profondément les Causses.

Analyse du paysage

Plus ouverte que la vallée de la Truyère, la vallée du Lot est perçue plus comme une sous-entité que comme une simple limite. D’amont en aval, elle connait une succession de dilatations et de gorges. Les bassins se forment au passage de roches sédimentaires (grès rouges et calcaires) ou à l’occasion de confluences. Les paysages y sont larges et la vue dégagée sur des éléments structurants : necks volcaniques (Calmont, Pic de Vermus), terrasses et vignes, coteaux calcaires... Les gorges découpent les roches plus dures (granite d’Estaing à Entraygues-sur-Truyère). Les ambiances sont plus resserrées entre des falaises et des versants abrupts souvent boisés. Le Lot est le fil conducteur de cette sous-entité. Il permet, soit la culture (éventuellement irriguée) dans les élargissements de la vallée, soit la production hydro-électrique dans les gorges. Les hommes se sont installés dans ces plaines (La Canourgue/Saint-Laurent-d’Olt, Saint-Geniez/Sainte-Eulalie-d’Olt, Saint-Côme-d’Olt/Espalion/Estaing, Entraygues-sur-Truyère). Elles sont aujourd’hui marquées par la présence de bourgs constitués autour du franchissement de la rivière (gués puis ponts), et de châteaux affirmant le pouvoir sur ces lieux stratégiques. Les cultures variées en fond de vallée, les vignes sur les coteaux orientés au sud introduisent une agriculture de vallée sur le territoire d’étude.

Dans son parcours d’est en ouest, la vallée du Lot se présente sous la forme d’une succession de gorges et de dilatations liées au travail d’érosion dans

des roches de nature différente. C’est souvent à l’occasion de ces élargissements que s’installeront les bourgs.

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78 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Géologie, relief, eau La géologie présente une grande hétérogénéité et se révèle de ce fait, complexe :

- terrains essentiellement cristallins en rive droite (schiste et granite) ; - affleurement de calcaires, marnes et dolomies entre Espalion et Estaing ; - en rive gauche, alternance de grès rouges, de calcaire, de basalte (neck et clapas de

Roquelaure), de schiste (Estaing), de granite (jusqu’à Entraygues-sur-Truyère). Au gré de nombreuses failles, dont certaines ont déterminé le cours du Lot, le relief est organisé en une suite de resserrements et d’élargissements du fond de la vallée.

Le Lot chemine au sein de sa vallée, soit sous forme de rivière de moyenne montagne, soit sous forme de lac de barrage dans les gorges : il y perd alors son caractère courant pour constituer de vastes étendues d’eau stagnante.

Climat La vallée du Lot est située au carrefour de trois domaines climatiques : continental (influence prépondérante), atlantique et méditerranéen. Ainsi, le climat y est très doux.

Les températures moyennes annuelles sont supérieures de 3°C par rapport au plateau et on approche de 50 j de chaleur / an. L’amplitude thermique est marquée : étés chauds, hivers frais. Globalement le climat est de plus en plus sec de l'aval vers l'amont du Lot : les précipitations annuelles avoisinent 1 100 mm/an à Entraygues-sur-Truyère, 950 mm/an à Saint-Côme-d’Olt.

L'ensoleillement se révèle important.

Milieux naturels Malgré le site Natura 2000 constitué autour du lit du Lot, la Vallée du Lot est un territoire mal connu du point de vue de la biodiversité : les pressions anthropiques y sont nombreuses (urbanisation, cultures…) et les naturalistes parcourent peu cette sous-entité.

La végétation est marquée par les espèces thermophiles : série de la Chênaie pubescente, espèces thermophiles d’affinité méditerranéenne favorisées sur les sols calcaires ou volcaniques : Campanule à feuille pêcher, diverses orchidées. Une faune originale pour le territoire d’étude se développe dans ces écosystèmes : Lézard ocellé, Azuré du serpolet…

La faune aquatique patrimoniale est marquée par la présence de la Loutre d’Europe, du Toxostome, du Chabot, de la Cordulie splendide. L’Écrevisse à pattes blanches n'est pas confirmée dans le Lot bien qu’elle soit présente sur certains de ses affluents.

Diagnostic de la sous-entité paysagère « Vallée du Lot » Dans cette sous-entité, l’alternance entre gorges et bassins détermine les activités humaines. La lisibilité de ces séquences paysagères est un enjeu majeur. Dans les bassins, la polyculture historiquement présente tend à laisser la place à l’urbanisation, qui occupe une place croissante par rapport à l’occupation du sol historique agricole. Une attention particulière devra être portée sur la gestion de l’espace alluvial (place des terrains agricoles et naturels, inondabilité, pression foncière urbaine). Le développement des bourgs, avec l’abandon des centres anciens et des extensions urbaines banalisantes, nécessite une réflexion urbaine poussée à l’aide notamment des documents d’urbanisme ou des programmes d’amélioration de l’habitat. Dans les gorges, au-delà de l’activité hydro-électrique, les activités économiques restent marginales. Autour d’Estaing et d’Entraygues-sur-Truyère, le renouveau est porté par la remise en culture de la vigne qui apporte une valeur agricole à ces terrains difficiles. La préservation des sols et des structures paysagères (terrasses) constituent des enjeux forts.

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79 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

LES CAUSSES ET AVANT-CAUSSES Approche sensible

Si, en rive droite de la vallée du Lot, les versants escaladent progressivement la montagne jusqu’aux lointains sommets ; en rive gauche, la ligne de crête sinue au gré des falaises caussenardes. En cheminant au sud-est du territoire, par exemple sur l’A75, les buttes témoins rappellent dans le paysage la proximité des grands causses voisins.

Analyse du paysage

Sont regroupés ici les Trucs (buttes témoins) et vallées autour de Chanac et Marvejols, les grands causses (Causse de Sauveterre boisé, Causse de Séverac), le causse Comtal. Ces plateaux occupent 705 km², soit 3 % du territoire d’étude. Ils se caractérisent par la roche calcaire affleurant sous forme de falaise blanche, et une végétation thermophile, dont les pelouses sèches piquetées de genévriers. En rive droite du Lot, les dépôts calcaires remontent parfois haut sur les interfluves des boraldes, témoignant de l’ancienne avancée maritime, avant le creusement de la vallée. Par les drailles de transhumance, les Causses étaient en lien avec le plateau d’Aubrac via les franchissements de la vallée du Lot. Le bâti prend une apparence méridionale donnée par la blancheur des pierres calcaires : on s’éloigne des pierres sombres des volcans auvergnats. L’eau, dans ces roches perméables, est la grande absente de ces paysages calcaires secs.

Géologie, relief, eau

Plusieurs transgressions marines au Jurassique (-200 Ma) sont à l'origine de dépôts sédimentaires, ayant donné naissance à des marnes, des dolomies et différents calcaires. Ensuite fracturé lors des orogénèses alpine et pyrénéenne, cette masse a subit l’érosion par les eaux pour former les reliefs actuels : buttes témoins, plateaux limités par des falaises, reculées, dolines.

L’eau ne chemine pas à la surface de ces reliefs, mais s’y introduit, s’y enterre pour former des karst, réseau complexe de galeries souterraines, et ressort sous forme de sources plus bas en altitude.

Climat Le climat bénéficie d’une nette influence méditerranéenne. L’insolation y est forte et les températures très douces : plus de 50 jours chauds annuels, moins de 50 jours de gel.

Les précipitations sont faibles comparées au reste du territoire : en moyenne 900 mm/an. Cumulées au vent d’autan (de secteur Sud-Est), l’effet de dessèchement sur la végétation est marqué.

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80 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Milieux naturels Les Causses et avant-causses sont le domaine de la Chênaie pubescente : cette essence thermophile y est associée à l'Érable champêtre et au Genévrier. Lorsqu’on monte en altitude, on passe à la Chênaie sessiliflore sur substrat calcaire. Au-delà de 600 m, en conditions climatiques plus continentales (hivers plus froids et plus longs), le Chêne pubescent est associé au Pin sylvestre qui peut parfois devenir dominant. L'intérêt floristique se révèle fort, du fait notamment de la présence d'une flore typiquement calcicole d’affinité méditerranéenne, très rare ailleurs sur le périmètre d’étude : Mélitte à feuilles de Mélisse, Muscaris à grappe et à toupet, Immortelle, Santoline petit cyprès...

Les affleurements rocheux calcaires sont quant à eux occupés par des pelouses sèches et des landes à genévriers qui peuvent localement être menacées par l'extension des prairies de fauche. A noter également une grande richesse en orchidées : Ophrys d’Aymonin, Ophrys sillonné, accompagnées d’autres plus communes.

Diagnostic de la sous-entité paysagère « Causses et avant-causses » Sur les Causses et Avant-causses, les activités humaines sont dominées le pastoralisme ovin. Il permet de maintenir les paysages ouverts ou semi-ouvert (aspect de lande dominée par le Genévrier commun, ou de prés-bois dominé par les jeunes chênes). De même il est garant d’une diversité d’écosystèmes : pelouses calcicoles et prairies naturelles sont utilisées pour l’alimentation des bêtes, en pâturage en période estivale et sous forme de foin en période hivernale. Les sols les plus favorables sont utilisés de manière plus intensive : prairies artificielles et cultures céréalières sont aussi présentes sur le territoire. Mais ces milieux ouverts forment ici une mosaïque étroite avec les boisements, notamment de pins et de chênes. La sylviculture et l’exploitation forestière sont présentes et permettent de valoriser les grandes surfaces boisées, malgré les difficultés liées aux reliefs abruptes de cette zone. Par conséquent, l’équilibre territorial entre ces deux activités économiques mérite une attention particulière. Outre l’impact socio-économique, un recul de l’élevage ovin au profit de la sylviculture aurait pour conséquence d’approfondir une fermeture des paysages déjà très marquée par endroit, mais aussi de porter une atteinte supplémentaire aux écosystèmes herbacés liés au pastoralisme.

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Diagnostic territorial

LA CHATAIGNERAIE et le SÉGALA Approche sensible

Les pentes vertigineuses offrent un paysage en partie boisé par les anciens vergers de châtaigniers ou par la dynamique arborée spontanée, et en partie ouvert, soit par les landes que les bruyères teintent de mauve, soit par ce qui subsiste des terrasses viticoles du Fel qui façonnaient les versants. Le renouveau du vignoble apporte une dynamique à ces territoires qui encadrent la vallée du Lot à l’aval du territoire d’étude.

Analyse du paysage

Ces deux sous-entités écopaysagères occupent une faible superficie sur la bordure sud-ouest du projet de PNR : la Châtaigneraie (9,8 km², soit 0,43% du territoire d’étude) et le Ségala (1,7 km², soit 0,07% du territoire d’étude). Elles sont les marges d’unités éco-paysagère aveyronnaise et cantalienne voisines. Dans la Châtaigneraie, l’espace s’organise autour du réseau hydrographique selon un axe Nord-Ouest/Sud-Est. Les cours d’eau se jettent soit dans le Lot, soit dans la Truyère. Les vallées sont profondément encaissées. Les paysages y sont relativement ouverts par les landes, prairies, vignes. Le Ségala est ici granitique, constituant un prolongement de la Viadène. Dans les Ségalas, la concentration des exploitations agricoles et l’intensification des cultures fourragères se traduisent par un agrandissement du parcellaire, donc un bocage moins présent. La mosaïque herbages/boisement est une caractéristique de ce secteur. Ici, les bois viennent à dominer dans les secteurs les plus pentus.

Géologie, relief, eau

La Châtaigneraie et le Ségala prennent place sur un substrat géologique semblables : granite et divers roches métamorphiques (schistes, phyllades). Le relief est constitué de plateaux (600 voire 800 m d’altitude environ) plongeant vers la vallée du Lot par des versants abrupts. L’hydrographie marquante de ces deux sous-entités est le Lot et la Truyère, vers lesquels s’écoulent les ruisseaux de petite taille qui drainent les versants.

Climat Dans cette bordure sud-ouest du territoire d’étude, le climat est essentiellement marqué par l’influence atlantique. Les éléments déterminants sont une pluviosité assez forte : supérieure à 1 000 mm/an, malgré l’altitude relativement faible ; et des températures moyennes : environ 50 jours de gel annuel et 30 à 40 jours chaud par an.

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82 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Milieux naturels La Châtaigneraie et le Ségala présentent ici un paysage aux versants abrupts, dominé par les boisements de feuillus alternant avec des parcelles agricoles quand les pentes sont faibles.

La série de végétation optimale est celle des Chênaies acidiphiles à Chêne pédonculée ou à Chêne sessile en fonction de la pente et de l’exposition aux précipitations. Cependant, les roches affleurantes offrent un sol superficiel sur lequel les arbres ont du mal à se développer. Seules des landes basses s’y maintiennent. Elles sont dominées par la Callune et la Bruyère cendrée.

Les connaissances naturalistes sur ces sous-entités restent faibles. Néanmoins, on sait qu’il se développe sur le versant pentu exposé au sud une faune thermophile comprenant par exemple le Lézard ocellé et un de ses prédateurs potentiels le Circaète Jean-le-Blanc, mais aussi l’Engoulevent d’Europe ou bien la Genette commune. Pour préserver ces écosystèmes et espèces, la Réserve Naturelle Régionale des Coteaux du Fel (territoire élargi) est créée depuis 2013 et se dote actuellement d’un plan de gestion.

Diagnostic des sous-entités paysagères « Châtaigneraie » et « Ségala » Les activités humaines sont essentiellement liées à l’agriculture : élevage, viticulture, voire cultures céréalières. Dans la Châtaigneraie, cette dernière production connaît un nouvel essor depuis quelques années et les surfaces tendent à se développer. Les surfaces de vigne semblent gagnées sur des espaces abandonnés en cours de fermeture progressive (fourrés divers). La sylviculture est présente. Par place, quelques plantations de conifères remplacent les boisements de feuillus d’origine. Les Châtaigniers des anciens vergers forment aujourd’hui des peuplements en libre évolution : ils constituent une ressource sylvicole à valoriser à l’avenir. Les enjeux paysagers découlent ici des fortes pentes qui caractérisent le territoire et portent essentiellement sur la vigilance à apporter à l’implantation du bâti et des infrastructures. On cherchera également à retrouver une fonctionnalité aux pentes délaissées, par les vignes et les châtaigneraies, accompagnées éventuellement de terrasses, tout en préservant les spécificités du patrimoine naturel (landes acides à influence méditerranéenne).

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83 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

E. Bilan, perspectives

Dans la perspective du projet de territoire, une des préoccupations centrales émises, autant par les acteurs et que les partenaires, concerne l’amélioration de la connaissance en matière de patrimoine paysager.

Le travail de caractérisation des paysages doit se poursuivre à échelle plus fine, et aboutir, par une analyse détaillée sous-entité par sous-entité, à l’identification des unités paysagères : pour rendre compte de la fonctionnalité des paysages et des enjeux qui y sont associés

En complément, le repérage et la caractérisation des éléments identitaires (murets, terrasses, alignements d’arbres…) du patrimoine paysager doivent également être approfondis (en lien avec les travaux de l’étude « Trame verte et bleue ».

Afin de préciser les dynamiques paysagères à l’œuvre, un travail d’observatoire sur le long terme mérite d’être mené. Ces observations pourront permettre d’amener à une vision partagée du territoire et de son patrimoine paysager. Parallèlement, la capacité du paysage à forger une représentation partagée du territoire pourra être mise à profit, pour mobiliser les acteurs locaux autour des valeurs paysagères et enjeux identifiés en matière d’aménagement du territoire, d’urbanisme, de gestion agricole ou forestière, de valorisation touristique... La mise en place d’ateliers participatifs autour du paysage (ateliers et observatoires photographiques, études paysagères…) pourrait être bénéfique à l’appropriation du patrimoine paysager et aux enjeux dans ce domaine.

L’opportunité de réaliser un « Plan de paysage » sur un ou plusieurs secteurs à enjeux, a aussi été mise en évidence. Le « Plateau ouvert » comme paysage emblématique et patrimonial est un secteur à enjeux prioritaire.

Enfin, les bourgs patrimoniaux de la vallée du Lot, ceux riverains de l’A75, ainsi que certains chefs-lieux de cantons, constituent par ailleurs, des secteurs où l’évolution est rapide, et où existent des divergences entre extensions urbaines et désaffection des centres bourgs. Il s’agit là d’un enjeu de gestion d’impacts paysagers spécifiques à caractériser et analyser finement.

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84 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Atouts

Activités humaines, aménagement du territoire et paysages : - Des paysages d’altitude emblématiques - Complémentarité entre les différents paysages, gradation des éléments identitaires,

qui favorisent les transitions paysagères - Lien fort entre ces paysages, les pratiques agricoles extensives, les productions - Aux altitudes intermédiaires, prairies et arbres (bocage, ripisylves, forêt) se mettent en

valeur mutuellement, générant une diversité de paysages, une finesse des transitions - Une diversité et un étagement d’arbres hors forêt : les espèces présentes et leur

répartition (alignement, épaisseur…) caractérisent fortement les typologies paysagères Urbanisme et paysages : - Eléments identitaires à valoriser :

• diversité de matériaux de construction, vecteurs d’une forte identité • diversité de morphologies urbaines encore lisibles

- L’urbanisme en milieu rural = objet de réflexions, initiatives et programmes d’actions - Rôle des CAUE comme organismes de conseil (documents d’urbanisme, sensibilisation) - Programmes « Cœur de village » ont permis de traiter l’aménagement d’espaces

publics grâce à une démarche globale

Faiblesses

Activités humaines, aménagement du territoire et paysages : - Fort impact paysager des zones d’activités, surtout le long de l’A75 - Méconnaissance de certaines dynamiques liées aux pratiques agricoles et de leurs

incidences sur les éléments identitaires - Pas de vision partagée de ces dynamiques, voire des antagonismes - Bien que spécifiques, les alignements d’arbres sont peu valorisés en tant qu’éléments

identitaires de l’Aubrac (face à l’image d’Epinal du plateau nu) - Pratiques actuelles de plantation de haies ne prenant pas en compte l’aspect

patrimonial de certaines structures (alignement sur muret…) - Dans les villes ou villages, en bord de route, les arbres sont parfois plantés de façon

inadaptée ou font l’objet d’un entretien inadéquat Urbanisme et paysages : - Documents d’urbanisme et travaux urbains où les aspects paysagers et les éléments

identitaires du patrimoine bâti sont insuffisamment pris en compte - Opportunités foncières dictant trop souvent les choix de zonage - Dans les initiatives qui portent attention à la consommation d’espaces agricoles,

l’aspect paysager est souvent pris en compte de façon secondaire - Absence de démarche générale visant l’intégration paysagère des bâtiments agricoles - Réticences des élus à réaliser des documents intercommunaux

Opportunités

Activités humaines, aménagement du territoire et paysages : - Opérations d’inventaire, de restauration et de mise en dynamique des éléments

naturels et bâtis marquant le paysage - Contribution de l’agriculture au patrimoine paysager et naturel - Mesures agri-envrionnementales ayat un rôle paysager (entretien des murets,

entretien des haies et alignements…) - Rôles multiples des arbres hors forêt « redécouverts »…

• production directe (bois d’œuvre, bois-énergie, fourrage) • services environnementaux et production indirecte (effet brise-vent, biodiversité) • intégration paysagère des constructions et valorisation du paysage ;

- Tourisme = outil de valorisation durable des patrimoines

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85 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Urbanisme et paysages : - Outils, méthodes de travail développés en réponse à des atteintes au paysage

(doctrines sur les permis de construire…) - Prise en compte de la TVB dans les documents d’urbanisme

Menaces

Activités humaines, aménagement du territoire et paysages : - Permanence des grandes structures paysagères pouvant conduire à cacher la

disparition d’éléments fins (murets, émondes), par manque d’entretien - Risques de banalisation par :

• modification de la flore et de l’aspect des prairies naturelles (fertilisation, suppression de prairies permanentes)

• modification des zones humides par drainage, enfrichement ; • simplification des parcelles (dérochement, murets, haies bocagères)

- Enfrichement de certains secteurs et parcelles difficilement mécanisables - Simplification des lisières bois-prairies par abandon du sylvo-pastoralisme,

suppression des haies ou des bandes boisées - Bosquets et pré-bois : pas de possibilité de renouvellement du fait des primes PAC - Urbanisation touristique banalisante (vallée du Lot, stations de ski…). Urbanisme et paysages : - Pression urbaine, moins forte qu’ailleurs, n’apparait pas comme un enjeu majeur :

• mais peut être marquée sur certaines zones (bourgs de la vallée du Lot, le long de l’A75 et Laguiole, principal pôle urbain central du territoire)

• et peut être insidieuse autour des bourgs d’importance secondaire - Désertification des centres-bourgs au profit de la périurbanisation, avec des formes

architecturales qui tendent à se « banaliser - Enjeux généralisés, menaces pour les identités paysagères :

• non-respect des formes, morphologies et silhouettes urbaines (urbanisation « en étoile » le long des axes de communication, modes d’implantation des bâtiments)

• banalisation architecturale

En gras : éléments mis en exergue dans le « diagnostic citoyen »

Principaux enjeux identifiés Protéger et mettre en valeur les éléments emblématiques du patrimoine bâti et des paysages de l’Aubrac Expérimenter et promouvoir des démarches de qualité architecturale pour lutter contre la banalisation des paysages et du patrimoine bâti Favoriser un usage partagé et équilibré du territoire, en prenant en compte les problématiques liées au foncier Sensibiliser et accompagner les collectivités locales vers des démarches intercommunales durables d’aménagement de leur territoire Sensibiliser les publics pour favoriser une meilleure appropriation des patrimoines et des paysages identitaires de l'Aubrac et susciter leur sauvegarde et leur valorisation Engager une réflexion globale et prospective sur les fonctions des différents espaces du territoire et les besoins des habitants Consolider la connaissance, suivre et comprendre l’évolution des patrimoines bâti, historique et paysager Favoriser la diffusion et le partage de la connaissance sur les patrimoines bâti et les paysages par l’échange entre les acteurs Sensibiliser les maîtres d’ouvrage et les architectes sur l’impact des bâtiments agricoles banals

En gras : enjeux prioritaires retenus par les acteurs locaux

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86 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

④ ③

A. Les milieux naturels de l’Aubrac

L’occupation du sol (2011) donne les grandes tendances en surfaces des principaux milieux présentés ci-après par ordre décroissant de surface couverte. Ces éléments sont complétés par les informations apportées dans la description des sous-entités éco-paysagères.

Les milieux agropastoraux occupent près de la moitié de la surface du territoire d’étude, tandis que les boisements en dépassent le tiers. Si les autres types de milieux naturels occupent une surface bien moindre, quelques particularités sont tout de même à mettre en exergue : les zones humides occupent près de 5 % du territoire d’étude, ce qui est élevé en comparaison à d’autres territoires ; les milieux rupestres occupent une surface de 6,1 km² ce qui là-aussi est conséquent. La répartition de ces différents postes d’occupation du sol est relativement hétérogène, opposant assez nettement le Plateau ouvert où les milieux agropastoraux et humides sont omniprésents (ils constituent l’identité de l’Aubrac) ; et le pourtour du plateau où la forêt est bien plus présente, soit sous la forme de boisements sur les fortes pentes, soit sous la forme d’une mosaïque (voir photographie ci-dessous) entre prairies et boisements de Pins sylvestres dont le sous-bois est pâturé.

Paysage de Margeride, témoignant de la mixité de l’occupation du sol dans cette partie du territoire d’étude du PNR de l’Aubrac :

① Prairie temporaire ② Culture

③ Prairie permanente

④ Boisement

Avant de présenter les habitats et espèces exceptionnels, les acteurs locaux ont souligné l’intérêt des milieux dits « ordinaires » en Aubrac qui constituent déjà une richesse à part entière / d’autres territoires : outre le fait qu’ils soient le support du développement de certaines espèces patrimoniales, ils contribuent au patrimoine naturel de l’Aubrac de par

leur diversité, leur état de conservation et leur surface.

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Diagnostic territorial

Milieux agro-pastoraux : des écosystèmes de qualité et largement répartis

CARACTÉRISATION

Postes d’occupation du sol (typologie CORINE Land-Cover niveau 4) :

- 2311 – Prairies permanentes naturelles − 2312 – Prairies avec bocage − 2431 – Terrasses cultivées ou pâturées − 2441 – Territoires agroforestiers − 3211 – Pelouses et pâturages naturels − 4131 – Prairies humides

Les écosystèmes relevant des milieux agro-pastoraux sont nombreux et variés. Ils dépendent de plusieurs gradients écologiques, dont les déterminants pour l’état de conservation de ces milieux sont :

− le niveau trophique du sol : les pelouses (oligotrophes) et les prairies mésotrophes présentent une diversité floristique plus élevée que les terrains au sol riche, notamment les parcelles qui ont fait l’objet d’amendements (engrais minéraux ou organiques) ;

− le niveau hydrique : les prairies humides et les bas-marais sont complémentaires des prairies mésophiles ou des pelouses mésophiles ou xérophiles ;

− le mode de gestion : la présence de prairies fauchées et de prairies pâturées dans le paysage favorisent la complémentarité entre milieux et permet l’accueil d’espèces plus nombreuses ;

− l’âge du couvert végétal : plus l’implantation de la prairie est ancienne, plus les cortèges floristiques et faunistiques sont stabilisés et diversifiés ; pour cette raison, les prairies artificielle, mêmes variées, offrent un moindre intérêt écologique.

Enfin, on associe à ce type de milieux les haies, bocages, alignements d’arbres et murets. Bien qu’il ne s’agisse pas d’écosystèmes herbacés, ils sont directement dépendants d’une part, de l’activité humaine et d’autre part, de la proximité avec les prairies. Ces éléments paysagers marquants occupent un linéaire conséquent dans certaines parties du territoire (Viadène par exemple).

Plus de 5 300 km de haies et

2 500 km de murets ont été repérés dans la

cartographie de l’occupation du sol (2011

Les milieux agropastoraux occupent la majorité de la surface du territoire d’étude du PNR de l’Aubrac. Ils contribuent fortement à l’identité de l’Aubrac comme support de l’activité pastorale et en

t t qu s u d’u bi di sité x ti ll

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88 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

ANALYSE

On retrouve parmi ces milieux des écosystèmes relativement variés, dépendant notamment de l’altitude, de la nature du sol, mais aussi de la gestion qui y est pratiquée. En effet, les critères suivants sont déterminants pour l’évolution des communautés végétales des prairies et pelouses :

- pâturage / fauche ; - pâturage : chargement, période ; - fauche : date et nombre de coupes ; - apport d’engrais : nature, quantité et fréquence des apports ; - déprimage ; - semis / sursemis éventuels ; - semis : espèces semées, ancienneté ; - historique des pratiques ; - première date d’intervention sur la parcelle au cours de l’année...

Il convient de mettre en avant que la diversité des écosystèmes prairiaux, de leur flore, est un atout du point de vue de la qualité de certains produits agricoles, particulièrement les produits laitiers. En ce sens, les pratiques favorisant une diversité floristique doivent être regardées avec un double intérêt : écologique et qualitatif.

PRESSIONS, ATTEINTES ET MENACES POTENTIELLES

Les écosystèmes agro-pastoraux, en tant que support de l’activité d’élevage, sont en prise avec l’équilibre socio-économique de cette filière et ses évolutions. Dans ce contexte, la tendance observée d’évolution des pratiques agricoles sur les écosystèmes agro-pastoraux de l’Aubrac est double : d’une part, une déprise agricole sur les parcelles pentues et à sol moins profond entraînée par un recentrage sur les parcelles les plus productives et les plus

simple à travailler ; d’autre part, la recherche d’une production plus élevée sur les parcelles les plus favorables par fertilisation, chaulage, dérochement voire semis de prairies artificielles, entretien des fossés drainants les parcelles humides, précocité des dates de première intervention sur les parcelles. Certaines de ces pratiques, bien qu’encore constatées sur le territoire, ne sont plus soutenues par les politiques publiques. Des mesures agri-

environnementales peuvent être mises en place sur certains secteurs (en fonction des enjeux écologiques) afin d’accompagner les agriculteurs dans le maintien de pratiques favorables à des prairies et pelouses en bon état de conservation écologique.

Les traitements antiparasitaires des troupeaux ont un impact sur la faune non-cible, notamment les coprophages. La nature des molécules et la période de traitement influencent énormément les conséquences négatives sur l’environnement. Il y a très peu d’études (non disponible en l’état actuel) sur les conséquences de ces traitements sur les écosystèmes aquatiques. Cependant, les pratiques

Atteintes potentielles

Pression d’urbanisation

Fréquentation touristique excessive

Production et transport d’énergie

Activités de Pleine Nature mal maîtrisées Cueillette d’espèces sauvages

Espèces exotiques envahissantes

Pression des véhicules à moteur

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Diagnostic territorial

d’élevage influent sur le nombre de traitements nécessaires et leur nocivité sur la faune non-cible : temps de rotation entre les parcelles, modalités d’abreuvage, confinement après traitement, présence de zones humides, ciblage et alternance des molécules utilisées...

Le Campagnol terrestre (aussi appelé localement rat taupier) voit ses populations augmenter, provoquant à la fois de très importants dégâts économiques (perte d’herbe, risque de maladies), sanitaires (risques vis-à-vis de la ressource en eau potable et vis_à_vis des troupeaux) et écologiques (perte de biodiversité prairiale, effet colatéraux de la bromadiolone). Si les changements des pratiques agricoles (moins de piégeage, moins de haies, moins de prédateurs naturels) semblent en jeu, l’origine de ce déséquilibre reste mal connue et multifactorielle. Des méthodes de limitation existent, mais leur efficacité reste limitée, notamment en période de pullulation. Les chambres d’Agricultures et d’autres organismes agricoles (FDGDON) sont impliquées dans la veille et la coordination des actions de régulation. Une meilleure gestion des pullulations de cette espèce sous-entendra de travailler à plusieurs échelles (Aubrac, sous-territoires concernés, exploitations agricoles, parcelles), à mettre en question des problématiques liées (gestion de l’herbe, chasse des prédateurs naturels, éléments fixe du paysage, etc.) et donc à rassembler des acteurs variés autour de cette question.

Enfin, certaines activités humaines peuvent avoir un impact négatif sur les terrains agricoles, les prairies ou sur les troupeaux, lorsqu’elles sont mal maîtrisées : constructions nouvelles (A75, stations de ski, vallée du Lot...), randonnée (notamment chemin de Saint-Jacques de Compostelle)...

Plusieurs espèces prairiales font l’objet de cueillette (Narcisse des poètes et Jonquille, Arnica, Gentiane jaune) sur l’Aubrac (voir partie sur les ressources).

Des forêts peu identitaires

CARACTÉRISATION

Postes d’occupation du sol (typologie CORINE Land-Cover niveau 4) :

− 2441 – Territoires agroforestiers − 3111 – Forêts de feuillus − 3112 – Peupleraies − 3113 – Ripisylves − 3121 – Forêts de conifères − 3122 – Plantation de conifères − 3131 – Forêts mélangées − 3221 – Landes et broussailles − 3241 – Forêts claires et végétations arbustives en mutation

L’Aubrac offrant des conditions variées du point de vue géologique, altitudinal, topographique ou encore climatique, les milieux forestiers sont divers : boisements de versant, forêts de ravin, ripisylves... Si les chênaies sessiliflores acidiphiles, les hêtraies montagnardes acidiphiles et les pinèdes sylvestres dominent en surface, les différents écosystèmes forestiers offrent en réalité une palette bien plus variée. On y retrouve des chênaies pubescentes à la faveur de la douceur de la vallée du Lot, des forêts de ravin sur les pentes les plus abruptes des Boraldes ou des gorges de la Truyère, des chênaies pédonculées dans les secteurs les plus arrosés et les moins pentus à l’ouest du territoire sous influence des précipitations atlantiques...

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90 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Au-delà de ces boisements, l’Aubrac recèle aussi 2 particularités :

• près de 100 km de bandes boisées résineuses ont été plantées à l’aide du Fonds Forestier National sur le plateau ouvert avec un double rôle d’abris du vent pour le bétail et de lutte contre les congères sur les routes ;

• les « Prés-bois » sont assez présents en Margeride sous forme d’une mixité paysagère entre prairies et boisements de Pins sylvestres dont le sous-bois est pâturé.

ANALYSE

Il s’agit du deuxième milieu en surface sur le territoire d’étude du PNR de l’Aubrac : 789,8 km². Développés essentiellement sur les fortes pentes et sur les sols les moins valorisables en agriculture, les milieux forestiers sont présents sur tout le pourtour du massif : Boraldes et versants de la vallée du Lot au sud, versants de la Truyère à l’ouest et au nord, Margeride à l’est. Les connaissances des paramètres fonctionnels (structure des peuplements, compartiment bois mort, etc.) des écosystèmes forestiers ne sont pas produits sur le territoire.

Même si la forêt n’apparaît pas en première position dans l’esprit des gens quand on parle de l’Aubrac, elle est fortement corrélée à toutes les activités qui se déroulent sur ce massif en apportant de réels atouts paysagers, environnementaux (ex : ripislves, forêts de ravin, boisements potentiellement anciens), et d’usages (randonnée, chasse, cueillette au-delà de l’exploitation sylvicole elle-même).

PRESSIONS, ATTEINTES ET MENACES POTENTIELLES

La gestion humaine a introduit des plantations d’espèces (résineux essentiellement) dans le paysage. La gestion sylvicole n’y est pas toujours optimale, ni pour les espèces et écosystèmes, ni pour la production elle-même : plantations monospécifiques de résineux (Douglas notamment), coupes à blanc régulières, date des travaux forestiers impliquant dérangement de la faune...

La place de la forêt dans l’occupation du sol du territoire mérite d’être stabilisée voire renforcée. Les défrichements sont pratiqués et remettent parfois en cause certaines structures paysagères et certains fonctionnements écologiques. Cette problématique est accrue dans les secteurs ou la mixité forêt-prairies-cultures est élevée (Margeride, Plateau fermé). De même, certaines plantations ont été réalisées au cours des années 1950 à 1980 dans le cadre du Fonds Forestier National. Elles arriveront dans les prochaines années à maturité : de nombreuses exploitations sont à prévoir, risquant d’occasionner d’importantes mutations tant dans les paysages que dans l’économie locale ou dans la répartition des écosystèmes. Bien accompagnées et anticipées, ces mutation peuvent aussi être l’opportunité de tendre vers une gestion plus durable de la ressource boisée.

Dans ce contexte, les documents de gestion forestière en tant que garantie de la continuité du caractère boisé de ces terrains et en tant qu’espace de débat sur la gestion forestière à pratiquer, sont à développer.

Atteintes potentielles

Pression d’urbanisation

Fréquentation touristique excessive

Production et transport d’énergie

Activités de Pleine Nature mal maîtrisées

Cueillette d’espèces sauvages

Espèces exotiques envahissantes

Pression des véhicules à moteur

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Diagnostic territorial

Des milieux cultivés faiblement présents

CARACTÉRISATION

Postes d’occupation du sol (typologie CORINE Land-Cover niveau 4) :

− 2111 – Cultures de plein champ − 2114 – Jachère − 2115 – Cultures bocagères − 2211 – Vignobles − 2221 – Vergers et petits fruits

Bien que l’élevage soit l’activité dominante sur le territoire d’étude du PNR de l’Aubrac, les cultures ne sont pas absentes. Associées au système d’exploitation de l’élevage, il s’agit essentiellement de prairies artificielles et de cultures fourragères. Mais dans d’autres logiques agricoles (vallée du Lot par exemple), on trouve d’autres productions : céréaliculture, viticulture, maraîchage...

À ces cultures mises en place par l’homme, sont associées certaines espèces végétales et animales sauvages. Ainsi, même des écosystèmes très anthropisés (en fait des agrosystèmes) sont supports d’une biodiversité dont ils bénéficient : l’interaction entre espèces sauvages et cultivées apporte un certain nombre de services comme la minéralisation de la matière organique, la pollinisation, la régulation des ravageurs potentiels...

ANALYSE

Ces différentes cultures occupent une surface qui reste faible à l’échelle de l’Aubrac et, surtout, qui est centrée sur certains secteurs bien individualisés. En Viadène, les cultures céréalières et les prairies artificielles (voir photographie ci-dessous) sont nombreuses. Leur part dans l’assolement varie en

partie avec certaines évolutions socio-économiques : par exemple, la part de maïs ensilage a diminué avec l’interdiction du recours à ce fourrage pour respecter le cahier des charges de l’AOP Laguiole. Dans la vallée du Lot, les cultures sont plus variées : céréales, maïs, prairies artificielles… En Margeride, les cultures sont plus régulières : seigle... Enfin, sur les versants nord de la vallée du Lot, les vignes bénéficient d’un bon ensoleillement et d’une certaine douceur du climat dans deux secteurs : environs d’Estaing et environ du Fel.

Les vergers dédiés à la production agricole (par opposition à la consommation personnelle), sont aujourd’hui peu représentés. Seuls des vieux châtaigniers de taille imposante, régulièrement présents dans la partie basse des Boraldes, témoignent de ce que fut l’extension de ces châtaigneraies par le passé. Au-delà de la production de châtaigne, une attention serait à porter à ces boisements de châtaigniers dans le but de prévoir le renouvellement d’individus âgés et leur continuité dans le temps pour favoriser la faune qui y est associée : coléoptères saproxylophages, chauves-souris arboricoles, pics et autres oiseaux insectivores...

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Diagnostic territorial

PRESSIONS, ATTEINTES ET MENACES POTENTIELLES

Au-delà des menaces habituelles pesant sur le foncier agricole (extension de l’urbanisation aux abords des bourgs notamment), peu de pressions sont observées sur les cultures.

Les espèces (messicoles, faune des champs cultivés) associées subissent la pression liée aux pratiques culturales et à leurs évolutions : mécanisation, utilisation de produits phytosanitaires… Ces modifications portent aussi sur le paysage agricole, avec un agrandissement des parcelles et une diminution des éléments fixes du paysage (haies, murets, arbres isolés…) : ces phénomènes sont observés mais difficilement quantifiables.

Les milieux humides : un milieu majeur sur l’Aubrac

CARACTÉRISATION

Postes d’occupation du sol (typologie CORINE Land-Cover niveau 4) : 3113 – Ripisylves

− 4111 – Marais intérieurs et zones humides associées − 4121 – Tourbières − 4131 – Prairies humides

Milieu naturel emblématique de l’Aubrac avec les écosystèmes agro-pastoraux, les écosystèmes humides présentent ici une grande variété. Les prairies humides occupent des surfaces conséquentes, particulièrement sur le haut plateau : à la faveur de pentes très faibles en fond de vallée et de l’accumulation de matières fines, elles se développent en largeur de part et d’autre des ruisseaux ou bien à partir des sources. Une transition progressive s’observe entre prairies humides, bas-marais et hauts marais tourbeux. La quantité de nutriments dans le sol, la quantité d’eau qui s’y accumule ou y stagne conditionne l’apparition de tel ou tel de ces écosystèmes remarquables. D’autres occupent de faibles surfaces et sont peu représentatives du territoire : roselières, magnocariçaies. Néanmoins, elles apportent une diversité écologique dans ce groupe déjà conséquent.

ANALYSE

Ces milieux naturels terrestres (par opposition aux milieux aquatiques, voir partie suivante) sont déterminés par une abondance d’eau dans le sol : hydromorphie temporaire ou permanente. Ainsi, la forte pluviosité, la topographie (altitude élevée, relief plat sur le plateau), la densité du réseau hydrographique contribuent à l’approvisionnement en eau de ces écosystèmes.

Ces milieux humides présentent un intérêt pour l’hydrologie et la régulation des débits, l’épuration des eaux, leur richesse patrimoniale, la palynologie et l’étude des climats.

Parmi elles, les tourbières, tant ouvertes que boisées, occupent une place de choix. Ces écosystèmes originaux sont liés à l’accumulation d’eau stagnante qui provoque des conditions asphyxiantes du sol. La flore et la faune du sol sont ainsi très limitées : leur rôle de décomposeur et de minéraliseur de la matière organique ne peut donc être rempli. Il s’ensuit une accumulation de matière organique sous forme de tourbe. En contexte acide (l’essentiel des cas dans l’Aubrac), les sphaignes constituent la

Atteintes potentielles

Pression d’urbanisation

Fréquentation touristique excessive Production et transport d’énergie

Activités de Pleine Nature mal maîtrisées

Cueillette d’espèces sauvages Espèces exotiques envahissantes

Pression des véhicules à moteur

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Diagnostic territorial

majeure partie de la tourbe. L’acidité, souvent liée au sol, augmente encore ce phénomène. Les types de tourbières sont nombreux, dépendant essentiellement de l’origine de l’eau et de la quantité de matière organique accumulée. Les tourbières constituent à ce titre des conservatoires des flores circumboréales et présentent une importante valeur en termes de biodiversité végétale.

Butte tourbeuse de sphaignes Roselière à Massettes à larges feuilles

Les ripisylves, bien que non systématiques sur l’Aubrac, jouent un rôle important sur la préservation du milieu aquatique : stabilisation mécanique des berges, filtration, ombrage et maintien d’une température basse de l’eau (favorable à la Truite fario), diversification des habitats et de la faune piscicole.

2 causes à la régression des ripisylves sont recensées : maladie de l’Aulne glutineux (champignon Phytophthora alni) ; coupe en bordure de parcelles agricoles pour favoriser l’herbe. Enfin, le développement des hybrides de Peupliers et des espèces exotiques envahissantes dégrade leur état de conservation.

PRESSIONS, ATTEINTES ET MENACES POTENTIELLES

Les milieux humides de l’Aubrac sont soumis à des pressions spécifiques :

- extraction industrielle : quelques tourbières ont été exploitées pour la production de tourbe horticole (Montorzier en Aveyron…) occasionnant ainsi la destruction des habitats associés, des sablières sont également en cours d’exploitation ;

- drainage : les milieux humides sont difficilement mécanisables pour la récolte de fourrage, souvent moins productives qu’une prairie non humide et peuvent poser des problèmes de parasitisme pour le bétail. Le drainage agricole modifie profondément les

Atteintes potentielles

Pression d’urbanisation

Fréquentation touristique excessive Production et transport d’énergie

Activités de Pleine Nature mal maîtrisées

Cueillette d’espèces sauvages Espèces exotiques envahissantes

Pression des véhicules à moteurs

L’importance (rôle, richesse, nombre et surfaces) des zones humides est l’une des

caractéristiques environnementales majeures de

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Diagnostic territorial

fonctionnements hydrologique et écologique de ces zones et peut conduire à leur disparition. Il était essentiellement effectué au moyen de petits fossés à ciel ouvert (rases) permettant un asséchement superficiel. Les entretiens actuels de drains ou fossés existants pratiqués aujourd’hui sont parfois plus profonds et perturbateurs des zones humides ;

- fermeture des milieux : la fermeture de certaines zones humides par les espèces ligneuses modifie leur fonctionnement hydrologique et peut conduire à leur asséchement (absorption racinaire, évapotranspiration) ainsi qu’à la disparition des espèces des milieux ouverts. Cette évolution est souvent due à l’abandon du pâturage dans les secteurs de déprise agricole ;

- piétinement : le pâturage est généralement bénéfique aux zones humides en maintenant les milieux ouverts, toutefois une trop forte pression pastorale peut entrainer un surpiétinement et perturber la végétation ;

- sur-fertilisation, amendements : une fertilisation trop importante ou l’apport d’amendements calciques peuvent modifier la végétation caractéristique des zones humides en raison de l’apport en nutriments.

Les milieux aquatiques, support d’une faune rare et riche

CARACTÉRISATION

Postes d’occupation du sol (typologie CORINE Land-Cover niveau 4) :

− 5111 – Cours et voies d’eau − 5121 – Plans d’eau − 5122 – Rives exondées

Il s’agit là de l’ensemble des écosystèmes de pleine eau (stagnante ou courante), amphibies ou exondés. Il s’y développe différentes espèces végétales (enracinées ou libres, flottantes ou immergées) et animales : poissons, écrevisses, gastéropodes, insectes aquatiques et larves de nombreux insectes terrestres.

La majorité des cours d’eau du territoire est classée en 1ère catégorie (sauf le Lot, la Truyère, le Bès dans sa partie aval et certains plans d’eau) : leurs eaux froides et bien oxygénées s’écoulent dans des ruisseaux de type montagnard (faible largeur, fortes pente ou fort méandrage en zones sommitales planes). Ils abritent des espèces telles que la Truite fario, la Mulette perlière ou l’Écrevisse à pieds blancs.

Les mares sont peu nombreuses sur le territoire d’étude. Elles sont souvent forestières et marquées par des eaux très acides. Quelques mares prairiales existent néanmoins. Ces écosystèmes sont le lieu de développement privilégié des amphibiens et des odonates, parmi lesquels quelques espèces sont rares et remarquables : Agrion à lunule, Grenouille rousse.

Herbier à Callitriche en eau courante Herbier à Potamot en eau stagnante

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Diagnostic territorial

ANALYSE

Les cours d’eau sont présents tant sur le haut plateau à la topographie plane, que sur les versants de l’Aubrac, où ils prennent la forme de torrents. Ils sont organisés autour de deux principales rivières qui, ceinturant le massif, l’ont individualisé par érosion : le Lot et la Truyère. Sur le haut plateau le chevelu est particulièrement dense et imbriqué avec les milieux humides. Ces systèmes de têtes de bassin versant sont soulignés dans le SDAGE Adour Garonne comme étant patrimoniaux et à préserver pour leur bénéfice local et à l’échelle des bassins versants.

Ces trois grands types de cours d’eau présentent des caractéristiques hydromorphologiques (pentes, débits, régimes d’alimentation en eau) et écologiques (peuplements piscicoles, macrofaune aquatique…) distinctes.

PRESSIONS, ATTEINTES ET MENACES POTENTIELLES

Les données du Réseau Hydrobiologique et Piscicole de l’ONEMA permettent de déterminer une qualité variable, qui contraste avec le bon état DCE de plusieurs cours d’eau (voir partie Ressources). Ces résultats peuvent s’expliquer par la multiplicité des facteurs favorables aux populations de poissons et par les causes de dégradations multiples qui peuvent être rencontrées. Par exemple, différentes pratiques peuvent entrainer un colmatage par les sédiments : défrichements, coupes à blanc, ruissellement sur des pistes, carrières, drainages, sols nus, piétinement des berges par le bétail... Ce phénomène a notamment été constaté sur les têtes de bassin versant du Bès, de l’Argence, du Tailladès... Il est préjudiciable à la fois aux usagers des parcelles riveraines (perte de terrain) et aux habitats piscicoles (frayères, Mulette perlière).Sur le plateau ouvert, le réseau des petits cours d’eau de tête de bassin est souvent sujet à des pressions, généralement de faible ampleur, mais répétées dans le temps et l’espace. Certains petits cours d’eau ont été impactés par des curages, recalibrages et rectifications qui altèrent la structure de leurs berges et leur linéaire : il s’en suit une dégradation de l’écosystème qui impacte différentes activités : agricole (vulnérabilité accrue aux sécheresses), piscicoles (diminution des portions favorables aux truites fario par exemple), cynégétique (diminution de certaines espèces de gibier telles que la Bécassine des marais), etc. Leur présevation demande un développement agricole adapté qui permette de concilier viabilité économique et conservation des chevelus. Sur les cours d’eau de plus grande taille (Lot, Truyère), le transport sédimentaire par l’eau génère des zones d’érosion dans les secteurs de forte vitesse et de dépôts dans les zones lentes. Ces atterrissements, parfois temporaires, peuvent se végétaliser et se maintenir de façon pérenne. Ce phénomène naturel augmente le méandrage et peut causer des pertes de terrains, notamment en l’absence de ripisylve. Des actions de griffage ou de dévégétalisation peuvent être réalisées pour permettre la remobilisation des sédiments lors des hautes eaux. Par ailleurs, les barrages liés à la production hydro-électrique, induisent des discontinuités fortes pour la circulation des poissons ou des sédiments... Le nombre et le cumul de leur longueur sur les linéaires de la Truyère et du Lot en font une caractéristique des vallées ceinturant l’Aubrac. Il est à noter toutefois que les plans d’eau ainsi créés accueillent d’autres espèces piscicoles qui sans cela seraient absentes. Enfin, de nombreux autres ouvrages (chaussées de moulins, d’irrigation, gués, …), beaucoup

Atteintes potentielles

Pression d’urbanisation

Fréquentation touristique excessive

Production et transport d’énergie

Activités de Pleine Nature mal maîtrisées

Cueillette d’espèces sauvages

Espèces exotiques envahissantes

Pression des véhicules à moteur

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Diagnostic territorial

plus petits et variés sont présents sur les rivières du territoire d’étude et présentent un impact variable sur les écosystèmes aquatiques en fonction de leur nature, leur âge, leur entretien, leur état...

Milieux rupestres : entre faible surface et fort intérêt écologique

CARACTÉRISATION

Postes d’occupation du sol (typologie CORINE Land-Cover niveau 4) :

− 3321 – Roches nues − 3331 – Végétation clairsemée

Directement liés à la diversité des roches et des formes de relief, les milieux rupestres sont variés sur l’Aubrac. Il s’agit des habitats suivants :

− diverses falaises : peu végétalisée, elles se développent essentiellement sur basalte (bord des anciennes coulées de lave) et sur calcaire. Si leur verticalité limite fortement la végétation, elle constitue un atout pour la faune rupicole (Faucon pèlerin, Hibou grand-duc…) ;

− clapas : éboulis de blocs décimétriques formant une pente forte, le sol ne parvient pas à s’y développer et seules quelques espèces végétales spécialisées y sont présentes : divers lichens et mousses, reptiles, mais aussi des espèces rares telles que le Saxifrage de Prost, endémique du massif central ;

− grottes : rencontrées dans deux situations (anciennes mines et grottes du réseau karstique dans le sud-est calcaire du territoire d’étude), elles peuvent constituer des abris accueillant des colonies de chauves-souris, notamment en hibernation. A noter que les constructions humaines et le bâti ancien sont eux aussi favorables à l’accueil de plusieurs espèces faunistiques, telles que divers petits rapaces ou des chauves-souris ;

− les pelouses pionnières (vivaces ou annuelles) se développent sur la roche affleurante dans les stations où la pente reste faible et a permis la constitution d’un sol peu profond. Cette situation se retrouve sur basalte en altitude, mais aussi sur divers roches (granite ou roches métamorphique) en périphérie du plateau (gorges de la Truyère et du Lot...).

ANALYSE

Les milieux rupestres sont directement dépendants des roches affleurantes. Ils sont caractérisés par des sols superficiels, voire absents. S’ils n’occupent qu’une faible superficie, ils demeurent un élément d’identité de l’Aubrac au vu de l’importance de la géologie dans ce territoire : diversité des roches présentes, diversité des formes de relief qu’elles impriment dans le paysage, coulées basaltiques révélées par l’inversion de relief.

Les écosystèmes des milieux rupestres sont variés et les espèces qui les fréquentent sont très différentes les unes des autres, des lichens aux chauves-souris cavernicoles ; des fougères saxicoles aux reptiles.

Falaise de basalte et éboulis associés

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Diagnostic territorial

PRESSIONS, ATTEINTES ET MENACES POTENTIELLES

Les sites rupestres sont exposés à 2 menaces principales : exploitation des roches (carrières) et mise en place de voies d’escalades ou de via-ferrata. Dans l’ensemble, ces activités restent peu nombreuses et le montage réfléchi de ces projets permet d’éviter des impacts excessifs sur le milieu naturel. Cependant, l’attention doit être constante pour accompagner la réalisation de tels projets : choix judicieux des sites, modalités techniques d’insertion dans le milieu naturel, modalités de restauration après exploitation.

Les anciennes carrières peuvent ainsi se révéler être des sites d’intérêt pour le patrimoine naturel lorsque leur exploitation et leur restauration sont pensés dans ce sens dès la phase projet.

Enfin, la restauration du bâti ancien peut limiter sa capacité d’accueil de la faune sauvage. Plusieurs techniques permettent assez simplement de pallier ces inconvénient, pour peu qu’une attention y soit portée lors de la réalisation des travaux.

Bilan et perspectives

Les milieux agropastoraux et les forêts, occupent la majeure partie du territoire d’étude. D’autres milieux sont aussi très présents : milieux humides, cours d’eau, milieux rocheux... Ces grands types de milieux abritent une diversité d’écosystèmes et d’espèces qui s’y développent.

Quelques pressions apparaissent sur certains de ces éléments naturels : espèces envahissantes (campagnols terrestres, écrevisses américaines…), intensification ou déprise agricole, urbanisation mal maîtrisée, sur fréquentation touristique, rectification des cours d’eau, prélèvements d’eau ... Pour la plupart d’entre-elles, des solutions existent en phase projet afin de mieux intégrer la biodiversité à ces activités, dès leur conception, leur mise en œuvre.

Malgré ces pressions, la diversité des écosystèmes et des espèces associées témoigne d’un territoire aujourd’hui relativement préservé et de qualité.

Atteintes potentielles

Pression d’urbanisation Fréquentation touristique excessive

Production et transport d’énergie Activités de Pleine Nature mal maîtrisées

Cueillette d’espèces sauvages

Espèces exotiques envahissantes

Pression des véhicules à moteur

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B. Le patrimoine naturel Le terme « patrimonial » renvoie aux listes d’inventaire et de protection présentées (voir annexe 5 : Détermination du caractère patrimonial des habitats et des espèces).

Habitats patrimoniaux : une forte représentation des milieux humides

36 habitats génériques d’intérêt communautaire ont été recensés, parmi lesquels 10 sont considérés prioritaires (voir tableau et photographies ci-après).

Lande montagnarde à Genêt purgatif (5120) Mare forestière dystrophe (3160)

Sans surprise, le tableau suivant met en évidence que les habitats humides sont les écosystèmes d’intérêt communautaire les plus représentés sur l’Aubrac, sans pour autant dominer le territoire en surface. Les habitats strictement aquatiques sont représentés par différents écosystèmes – tant stagnants que courant – caractérisés par leur caractère oligotrophe : l’Aubrac en tant que tête de bassin versant, sur substrat acide dans l’ensemble et dont l’occupation du sol est largement extensive, explique cela, malgré des menaces, dont l’intensification, identifiées vis-à-vis de ces écosystèmes. Au premier rang de ces milieux humides, les habitats tourbeux sont largement représentés, du stade pionnier de bas-marais de transition au stade le plus évolué de tourbière boisée.

Les écosystèmes agropastoraux sont largement présents et dominent en surface. C’est là la reconnaissance du bon état de conservation des diverses types de prairies et estives de de l’Aubrac. Elles ont en effet subi peu de pressions jusqu’à présent, quoi que les mutations agricoles et le contexte socio-économique tendent à changer ce constat. Il faut noter ici la complémentarité entre les différents habitats agropastoraux : prairies humides/pelouses sèches, pelouses pâturées/prairies de fauche, milieux oligotrophes/mésotrophes. Les habitats forestiers d’intérêt communautaire sont finalement assez représentés dans cette liste, malgré leur faible représentativité de l’Aubrac. On y trouve à la fois des forêts alluviales (dans la vallée du Lot par exemple) que des forêts de ravin (Boraldes), à la fois des hêtraies ou pinèdes froides d’altitude et des chênaies pubescentes thermophiles dans les pentes les plus basses et exposées au sud de la vallée du Lot.

Enfin, les habitats rupestres sont nombreux : il s’agit essentiellement d’écosystèmes rares sur falaises et éboulis. La variété des roches présentes sur le territoire accentue la diversité de ces écosystèmes rupestres : ici, il s’agit particulièrement du calcaire, du basalte, et des roches métamorphiques.

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HABITAT GÉNERIQUE H. ÉLÉMENTAIRES

MILIEU

3110 – Eaux oligotrophes très peu minéralisées des plaines sablonneuses (Littorelletalia uniflorae) 3110-1 Humide

3130 – Eaux stagnantes, oligotrophes à mésotrophes avec végétation des Littorelletea uniflorae et/ou des Isoeto-Nanojuncetea

3130-1, -2, -3, -4, -5 Humide

3140 – Eaux oligomésotrophes calcaires avec végétation benthique à Chara sp. 3140-2 Humide

3150 – Lacs eutrophes naturels avec végétation du Magnopotamion ou de l’Hydrocharition 3150-1, -2, -3, -4 Humide

3160 – Lacs et mares dystrophes naturels 3160-1 Humide

3240 – Rivières alpines avec végétations ripicole ligneuse à Salix elaeagnos 3240-2 Humide

3260 – Rivières des étages planitiaire à montagnard avec végétation du Ranunculion fluitantis et du Callitricho-Batrachion

3260-1, -2, -3, -4, -5, -6

Humide

3270 – Rivières avec berges vaseuses avec végétation du Chenopodion rubri p.p. et du Bidention p.p. 3270-1 Humide

4010 – Landes humides atlantiques septentrionales à Erica tetralix 4010-1 Humide

4030 – Landes sèches européennes 4030-1, -6, -10, -13, -14, -17

Agropastoral

5110 – Formations stables xérothermophiles à Buxus sempervirens des pentes rocheuses (Berberidion p.p.)

5110-3 Forestier

5120 – Formations montagnardes à Cytisus purgans 5120-1 Agropastoral

5130 – Formations à Juniperus communis sur landes ou pelouses calcaires 5130-2 Agropastoral

6110* - Pelouses rupicoles calcaires ou basiphiles de l’Alysso-Sedion albi 6110-1* Rupestre

6120* - Pelouses calcaires de sables xériques 6120-1* Agropastoral

6210 – Pelouses sèches semi-naturelles et faciès d'embuissonnement sur calcaires (Festuco-Brometalia) [* sites d'orchidées remarquables]

6210-36*, -38* Agropastoral

6230* - Formations herbeuses à Nardus, riches en espèces, sur substrats siliceux des zones montagnardes

6230-4*, -8* Agropastoral

6510 – Prairies maigres de fauche de basse altitude (Alopecurus pratensis, Sanguisorba officinalis) 6510-4, -6, -7 Agropastoral

6520 – Prairies de fauche de montagne 6520-1 Agropastoral

6410 – Prairies à Molinia sur sols calcaires, tourbeux ou argilo-limoneux (Molinion caeruleae) 6410-4, -11 Agropastoral

6430 – Mégaphorbiaies hygrophiles d'ourlets planitiaires et des étages montagnards alpins 6430-1, -2, -4 Humide

7110* - Tourbières hautes actives 7110-1* Humide

7120 – Tourbières hautes dégradées encore susceptibles de régénération naturelle 7120-1 Humide

7140 – Tourbières de transition et tremblantes 7140-1 Humide

7150 – Dépressions sur substrats tourbeux du Rhynchosporion 7150-1 Humide

7210* - Marais calcaires à Cladium mariscus et espèces du Caricion davallianae 7210-1* Humide

7220* - Sources pétrifiantes avec formation de tuf (Cratoneurion) 7220-1* Humide

8130 – Éboulis ouest-méditerranéens et thermophiles Rupestre

8150 – Eboulis médio-européens siliceux des régions hautes 8150-1 Rupestre

8210 – Pentes rocheuses calcaires avec végétation chasmophytique Rupestre

8220 – Pentes rocheuses siliceuses avec végétation chasmophytique 8220-14 Rupestre

8230 – Roches siliceuses avec végétation pionnière du Sedo-Scleranthion ou du Sedo albi-Veronicion dillenii

8230-2, -4 Rupestre

8310 – Grottes non exploitées par le tourisme 8310-1, -4 Rupestre

9120 – Hêtraie atlantique acidophile à sous-bois à Ilex et parfois Taxus (Quercion roboris ou Ilici-Fagenion)

9120-2, -3 Forestier

9130 – Hêtraies de l’Asperulo-Fagetum 9130-12 Forestier

9150 – Hêtraies calcicoles médio-européennes du Cephalanthero-Fagion 9150-2, -3, -8 Forestier

9180* - Forêts de pente, éboulis, ravins du Tilio-Acerion 9180-10*, -14* Forestier

91D0* - Tourbières boisées 91D0-1.1*, -2*, -3* Humide

91E0* - Forêts alluviales à Alnus glutinosa et Fraxinus excelsior (Alno-Padion, Alnion incanae, Salicion albae)

91E0-1*, -2*, -3*, -6*, -7*, -8*, -11*

Forestier Humide

Tableau 2 : Habitats d’intérêt communautaire présents sur le territoire d’étude du PNR de l’Aubrac

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100 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Flore patrimoniale

Il convient de garder à l’esprit que les connaissances dont nous disposons couvrent inégalement le territoire (voir Carte 8 ci-dessous) : le plateau ouvert bénéficie d’une meilleure connaissance générale et particulièrement sur les espèces floristiques patrimoniales. C’est l’opposé concernant la Margeride, le Plateau fermé ou encore la Viadène.

Carte 83 : État des connaissances de la richesse floristique et des espèces protégées (CBNs, 2014)

Sur la base des documents compilés (documents d’objectifs Natura 2000, fiches ZNIEFF, documents de gestion des sites protégés...), 232 espèces végétales patrimoniales ont été recensées sur le territoire d’étude du PNR de l’Aubrac, dont 114 sont protégées sur au moins une partie du territoire d’étude.

Le nombre élevé d’espèces à statut met en évidence le caractère patrimonial fort de la flore de l’Aubrac, très lié aux milieux humides et écosystèmes tourbeux : Ligulaire de Sibérie (ci-contre), Laîche à long rhizomes, Malaxis des marais... Cependant, plusieurs espèces sont directement liées à des écosystèmes plus spécifiques et moins réputés : landes (Lycopode de Oellgaard), falaises et éboulis (Saxifrage de Prost), forêts (Racine de Corail)...

Les plus rares sont le Malaxis des marais connu d’une unique tourbière ; le Saxifrage à feuilles d’épervière inféodé aux rochers volcaniques froids d’altitude ; le Nénuphar nain et le Cératophylle submergé, liés aux plans d’eau ; l’Isoète à spores épineuses des bords des eaux oligotrophes montagnardes ; ou encore le Botryche à feuilles de matricaire et la Racine de corail croissant dans les hêtraies d’altitude et forêts de résineux apparentés. Leurs stations connues sont peu nombreuses et méritent une protection et un suivi attentifs afin d’assurer leur pérennité.

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101 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Par ailleurs, le territoire est ponctué d’un important maillage d’arbres remarquables : 63 recensés sur les seules parties aveyronnaises et lozériennes : ils démontrent l’incroyable variété d’essences présentes puisqu’ils cumulent à eux seuls 23 espèces différentes.

Faune patrimoniale

La synthèse dressée ci-après doit prendre en compte l’état partiel des connaissances sur la faune. Si certains groupes semblent relativement bien connus (oiseaux, odonates, grands mammifères, reptiles), d’autres sont quasiment absents des données recensées (certains groupes d’invertébrés notamment).

Le niveau de connaissance territorial est aussi hétérogène : le Plateau ouvert est le mieux connu, alors que la Viadène et la Margeride bénéficient de moins d’inventaires (cette tendance est à nuancer en fonction des groupes taxonomiques). Les limites administratives jouent un rôle dans cette hétérogénéité. Par exemple, la Moule perlière a été largement inventoriée en Lozère (ONEMA, FDPPMA 48) mais pas dans le Cantal et l’Aveyron.

Une synthèse des connaissances rassemblées met en évidence que 219 espèces faunistiques patrimoniales (dont 158 protégées) sont présentes sur le territoire d’étude. Quelques données choisies sont présentées dans le tableau suivant :

Groupes taxonomiques

Nombre d’espèces

recensées*

Nombre d’espèces

patrimoniales

Nombre d’espèces protégées

nationalement

Nombre d’espèces sur

Liste rouge nationale

CRUSTACÉS 1 1 1 1 MOLLUSQUES 1 1 1 1

INSECTES : Autres ordres non connus Odonates 30 24 4 3

Rhopalocères 26 19 8 5 Coléoptères 6 4 2 2 Orthoptères 1 1 0 Pas de liste rouge POISSONS 12 6 3 1

AMPHIBIENS 8 8 8 0 REPTILES 8 8 8 1 OISEAUX 112 112 94 24

MAMMIFERES 37 37 29 0 TOTAL 234 219 158 38

Tableau 3 : Synthèse de la faune patrimoniale par groupe taxonomique Les écosystèmes qui accueillent cette faune patrimoniale sont variés :

- les cours d’eau abritent l’Écrevisse à pieds blancs, la Mulette perlière, la Loutre d’Europe, la Truite fario ou encore la Cordulie splendide ;

- les tourbières et milieux humides permettent le développement de l’Agrion à lunule, de l’Azuré des mouillères, du Nacré de la canneberge ;

- les milieux ouverts prairiaux et les espaces associés (arbres têtards, haies, murets et blocs erratiques) sont le lieu de vie du Tarier des prés, de la Pie-grièche grise, de l’Hermine, tandis que sur les pelouses vit l’Apollon ;

- les boisements accueillent le Lézard des souches, l’Aigle botté, tandis que les vieux arbres à cavité abritent des coléoptères saproxylophages comme le Pique-Prune ou la Rosalie des Alpes, et certaines chauves-souris arboricoles comme le Murin de Bechstein, la Noctule commune ou la Noctule de Leisler ;

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102 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

- enfin, les milieux rupestres permettent la nidification de plusieurs oiseaux rares tels que le Faucon pèlerin, le Hibou grand-duc.

Les écosystèmes des espèces patrimoniales et les menaces qu’ils subissent impliquent de travailler sur le maintien de vieux arbres dans les boisements, le maintien des tourbières, la lutte contre la déprise agricole, le maintien de la qualité de l’eau, le maintien et la restauration des continuités écologiques...

Concernant l’amélioration de la connaissance, certains territoires doivent faire l’objet d’une attention particulière (Viadène, Margeride), de même que certains groupes taxonomique. Cependant, l’ampleur du travail implique de hiérarchiser les choix et d’établir un programme structuré et progressif.

Bilan et perspectives

232 espèces floristiques patrimoniales (dont 114 protégées) et 219 espèces faunistiques patrimoniales (dont 158 protégées nationalement) sont recensées sur le territoire d’étude.

Les milieux agro-pastoraux et les zones humides jouent un rôle majeur dans la présence de ces écosystèmes et espèces patrimoniaux, mais ils ne doivent pas cacher la contribution non négligeables d’autres milieux, plus restreints en surface : boisements, falaises et éboulis...

Attention toutefois, ces éléments sont donnés sur la base des connaissances actuelles, qui restent à compléter sur certaines parties du territoire ou pour certains groupes taxonomiques, tant par des inventaires et études complémentaires que par la production d’analyses complémentaires telles que listes rouges, etc.

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103 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

C. Le patrimoine géologique S’il ne semble aujourd’hui connu que des experts géologues professionnels et amateurs, le patrimoine géologique est pourtant réellement présent sur le territoire d’étude. L’histoire géologique mouvementée de l’Aubrac a contribué à mettre en place de nombreuses roches (Carte « La géologie »), dont on retrouve des représentants dans chaque grande famille :

- roches plutoniques : granite de la Margeride, leucogranite ; - roches volcaniques : basaltes dans toute leur diversité ; - roches métamorphiques : gneiss, schistes… ; - roches sédimentaires : calcaires, grès…

Les divers processus d’érosion ont joué sur cette palette minéralogique pour former des formes de reliefs d’une grande diversité (modelés glaciaires, falaises et clapas…) et pour révéler des trésors cachés tels que les necks, les dykes, voire même divers fossiles. Ainsi, l’Aubrac est reconnu comme un territoire dont la géologie originale et variée permet de mettre en avant plusieurs éléments patrimoniaux :

- patrimoine lié au volcanisme : falaises d’orgues basaltiques, voire cascades associées, clapas liées à l’érosion des coulées basaltiques, necks et dykes, anciens lacs de laves ;

- patrimoine lié au granite et aux glaciations : modelés glaciaires, chaos rocheux, blocs épars ;

- patrimoine lié aux roches métamorphiques : falaises et pentes fortes, voire cascades associées ;

- patrimoine lié aux roches sédimentaires : fossiles... Association entre granite et basalte :

le patrimoine bâti révèle la mosaïque géologique

La répartition territoriale de ce patrimoine géologique est relativement homogène : à la plupart des sous-entités éco-paysagères peut être associée une particularité géologique :

− Plateaux ouvert et fermé et leurs modelés glaciaires ; − Boraldes, dont l’érosion provoquée par les torrents révèle les formes liées à l’activité

volcanique : orgues basaltiques, necks, cascades… ; − Carladès, aux affleurements de roches métamorphiques dans les versants de la Truyère ; − Vallée du Lot associant les affleurements sédimentaires calcaires, les témoins d’activités

volcaniques (necks) ou les affleurements métamorphiques ; − Causses et avant-causses et l’omniprésence paysagère du calcaire massif structurant le relief.

Conclusion : L’Aubrac, aux roches variées et révélées dans une diversité de formes géomorphologiques, présente un patrimoine géologique qui mérite une connaissance et une reconnaissance plus large que celle des spécialistes.

Le territoire de projet comprend notamment plusieurs écosystèmes azonaux liés aux conditions topographiques et géologiques particulières de l’Aubrac. Ainsi sont présentes de nombreuses tourbières acides, des forêts de ravin, des écosystèmes de falaise et de parois rocheuses, des sources tufeuses… 36 habitats d’intérêt communautaires attestent de la présence de ces éléments sur les sites Natura 2000 du territoire.

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104 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

D. Outils en faveur de la biodiversité Les milieux naturels et pastoraux de l’Aubrac ont fait l’objet de nombreux inventaires qui se sont parfois concrétisés par la mise en place de mesures de gestion (sites Natura 2000, Espaces Naturels Sensibles...) ou de protection (Réserves Biologiques Dirigées, Sites classés…).

Ces sites mettent notamment en avant la qualité écologique des milieux pastoraux, des zones tourbeuses et humides du haut plateau, des vallées encaissées du Lot et de la Truyère ainsi que des Boraldes et du Bès.

Les outils d’inventaires

a. Les ZNIEFF omniprésentes

73 ZNIEFF de type I et 10 ZNIEFF de type II couvrent une surface totale de 123 948 ha, soit 54 % du territoire d’étude. Ces zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique couvrent surtout le haut plateau de l’Aubrac, la Vallée du Lot et le Caldaguès (vallée de la Truyère notamment) – Carte « Les sites d’inventaires naturalistes ». La Viadène et les contreforts du massif de l’Aubrac (Margeride et dans une moindre mesure Boraldes) sont moins pourvus en ZNIEFF, malgré des particularités écologiques intéressantes (ex : potentielles forêts naturelles relictuelles liées au caractère inaccessible de ces pentes).

Les zones humides, prairies humides et tourbières constituent les principaux écosystèmes visés par les ZNIEFF, de même que les milieux liés à l’eau dans les vallées de la Truyère et du Lot. Ainsi, 80 % des ZNIEFF sont en lien avec des milieux humides ou aquatiques.

Cependant, certains écosystèmes ouverts, boisés ou rupestres sont aussi intégrés dans ces inventaires. Les espèces ciblées sont essentiellement des espèces floristiques liées aux habitats précédents, mais aussi des oiseaux des versants escarpés et des falaises (ex : rapaces forestiers et rupestres dans les Gorges du Bès). Les insectes et autres invertébrés restent peu représentés dans les ZNIEFF actuelles de l’Aubrac.

b. Une Zone d’Importance pour la Conservation des Oiseaux

La ZICO des Gorges de la Truyère occupe une surface de 21 500 ha, à cheval sur le Cantal et l’Aveyron (Carte « Les sites d’inventaires naturalistes »). Elle témoigne de l’intérêt de ce site pour la nidification d’espèces rares (Faucon pèlerin, Milan royal, Circaète Jean-le-Blanc) et pour l’axe migratoire que la Truyère constitue pour d’autres espèces (Bondrée apivore, Milan noir…).

c. Zones humides : des inventaires à compléter et homogénéiser

D’après les inventaires réalisés, les zones humides sont encore abondantes en têtes de bassins versants. Leur densité semble varier selon les départements mais cette information est à relativiser au regard des différences d’échelle, de méthodologies employées pour les recenser et qui entrainent des difficultés pour leur exploitation et leur comparaison (voir encart ci-dessous). Les derniers résultats de l’inventaire réalisé sur l’Aubrac aveyronnais indiquent notamment que nombre des zones humides ont été aménagées (abreuvoirs, drainages, recalibrage des cours d’eau…) et souvent dégradées.

Fin 2012, l’ensemble de la partie cantalienne de l’Aubrac était inventoriée ; en revanche, les parties lozériennes et aveyronnaises n’étaient couvertes qu’à 36 et 24 % respectivement. Les inventaires de zones humides ont été poursuivis en 2013, 2014 et 2015 mais ne sont pas encore disponibles de manière à en réaliser des synthèses.

Les espaces naturels supports d’actions de préservation

recouvrent 25 % du territoire d’ t d

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105 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

INVENTAIRES DE ZONES HUMIDES ET CELLULES D’ASSISTANCE TECHNIQUE La prise en compte des zones humides a abouti à des programmes d’inventaire et de cartographie, travail en partie réalisé par les Cellules d’Assistance Technique aux Zones Humides. Ces actions et cette organisation étaient en place avant l’apparition du projet de PNR de l’Aubrac et étaient structurés à l’échelle départementale. Les inventaires des zones humides réalisés sur les départements de l’Aubrac, sont les suivants : - Aveyron en 2005-06 : Atlas des zones humides = pré-inventaire compilant diverses données

(MAE, LIFE) ; - Aveyron, depuis 2012 : Inventaire des zones humides de l’Aubrac aveyronnais, réalisé par

l’ADASEA (CATZH) dans l’Aveyron ; cela a abouti à des mesures agri-environnementales en 2013 ;

- Cantal de 2004 à 2006 : Atlas des zones humides, réalisé par le bureau d’étude Alter’Eco, sous maîtrise d’ouvrage de la DDT, par photo-interprétation et vérification terrain. Sur l’Aubrac cantalien, 2 369 ha ont été recensés, dont 278 ha de tourbières ; le CEN Auvergne est CATZH.

- Lozère de 2004 à 2006 : Etude Zone verte Aubrac, réalisée par le CEN Lozère. Elle recense 4 134 ha, dont 2 280 ha de tourbières ;

- Lozère de 2008 à 2013 : Inventaire des zones humides de la Margeride Ouest, finalisé par le CEN Lozère ; la CATZH est assurée par le CEN Lozère, le COPAGE et la FDPPMA.

d. Inventaire National du Patrimoine Géologique

En Auvergne, un premier travail d’inventaire n’est pas encore définitivement validé. Un site du territoire d’étude est intégré à ce pré-inventaire : la Source du Par (Chaudes-Aigues).

En Midi-Pyrénées, ce travail n’est pas actuellement disponible.

En Languedoc-Roussillon, l’inventaire est validé. 4 sites du territoire d’étude et 3 du territoire élargi y sont inscrits.

Site Commune intéret géologique Cascade du Déroc Nasbinals Géomorphologie : érosion La Chaldette Brion Hydrothermalisme : tectonique Non nommé (site confidentiel) Saint-Juéry Plutonisme : intrusion magmatique Roc de Peyre Saint-Sauveur-de-Peyre Plutonisme : intrusion magmatique Périmètre élargi Chaos du Rouchas Rimeize Géomorphologie : érosion Reculée de La Canourgue La Canourgue Géomorphologie : érosion fluviatile Amphibolites du Pont de la Travette Marvejols Minéralogie : métamorphisme

Tableau 4 : Sites lozériens inscrits à l’Inventaire National du Patrimoine Géologique

e. Bilan et perspectives

La surface inscrite aux différents inventaires et la diversité des thèmes traités (biodiversité, zones humide, géologie) pourrait laisser à penser que l’Aubrac est un territoire bien connu. Mais cette impression est à nuancer grandement : - La connaissance dont nous disposons sur la biodiversité est doublement hétérogène : du point de

vue territorial, les efforts sont à porter sur des secteurs périphériques tels que la Viadène, la Margeride, les Boraldes ou le Caldaguès ; du point de vue de la représentation de certains groupes taxonomiques (invertébrés, bryophytes) dans cet inventaire.

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106 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

- La connaissance sur les zones humides présente l’avantage d’être récente mais le territoire n’est pas couvert dans son ensemble et les méthodologies méritent une certaine harmonisation interdépartementale.

- Du point de vue du patrimoine géologique, l’attention n’est portée que sur quelques sites d’intérêt très forts à l’échelle régionale ou nationale, tandis que d’autres pourraient les rejoindre et compléter cette liste.

Les outils contractuels : Natura 2000, un réseau fondamental sur l’Aubrac

7 sites Natura 2000 concernent le territoire d’étude, couvrant 55 259 ha, soit près de 25 % de sa surface totale. Les sites Natura 2000 du territoire d’étude (voir carte « Les espace naturels préservés ou gérés » et Tableau 5) peuvent être classés en deux groupes, du fait de leurs similitudes et des objectifs et mesures de gestion associées :

− les sites du haut plateau où les mesures de gestion du docob sont surtout liées à la préservation d’habitats prairiaux (6230*, 6520), de zones humides (6410, 6430, 7110*, 7120, 7140, 7150) et d’espèces emblématiques : Ligulaire de Sibérie (suivie sur le Plateau Central de l’Aubrac Aveyronnais), lycopodes et Damier de la Succise (suivi sur le site Aubrac, dans le Cantal), Loutre, Écrevisse à pieds blancs (aux populations réduites), Chabot (aux populations considérées comme reliques sur le territoire lozérien) ;

− les sites des gorges de la Truyère et de la vallée du Lot où les mesures de gestion sont surtout liées à la préservation des oiseaux et des chiroptères d’intérêt communautaire ou d’espèces inféodées aux milieux aquatiques (Lamproie de Planer…).

Sur les sites Natura 2000, plusieurs actions volontaires peuvent être mises en place :

- des chartes Natura 2000 favorisant une gestion respectueuse de l’environnement qui ouvrent droit à exonération fiscale : sylviculture continue, cours d’eau et milieux aquatiques... chaque site Natura 2000 du territoire d’étude en est doté ;

- des contrats Natura 2000 (sur parcelles forestières ou semi-naturelles) : ils permettent le maintien d’îlots de sénescence et d’arbres morts ou à cavités, l’encadrement des périodes d’interventions sylvicoles à proximité des sites de nidification de rapaces, l’ouverture de parcelles embroussaillées pour y restaurer des habitats agropastoraux ou humides... mais restent peu utilisés pour le moment (difficultés techniques des travaux visés, complexité du cadrage administratif et du montage du contrat) ;

- des mesures agri-environnementales : elles sont largement utilisées pour améliorer les pratiques agricoles favorables aux habitats agropastoraux (réduction de la fertilisation, gestion du pâturage, restauration de parcelles en déprise, entretien des haies...) en contrepartie de financements alloués par l’État et l’Europe, il y a une forte dynamique de contractualisation sur le territoire d’étude et les surfaces ainsi contractualisées sont non négligeables ;

- des actions ponctuelles de gestion de milieu : réouverture de lisières pour préserver la Ligulaire de Sibérie, création de tas de bois mort pour la Rosalie des Alpes, replantation de ripisylves pour les Écrevisses à pattes blanches, arrachage d’espèces exotiques envahissantes ;

- des actions de communication : livrets, affiches, sentiers de découverte, panneaux... à titre d’exemple, chaque site Natura 2000 est doté d’une lettre d’information annuelle diffusée localement ;

- des actions d’inventaires : espèces envahissantes, espèces d’intérêt communautaires...

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107 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Site Natura 2000 Dép Surface totale

Surface dans le périmètre

d’étude Milieu

ZPS Gorges de la Truyère FR8312010

15 21 569 ha 9 022,52 ha Rupestre, forestier, agropastoral

ZPS Gorges de la Truyère FR7312013

12 16 681 ha 9 296,41 ha Rupestre, forestier, agropastoral

ZSC Plateau central de l’Aubrac aveyronnais FR7300871

12 7 081 ha 7 081 ha Humide, agropastoral, forestier

ZSC Lot-Truyère-Goul FR7300874

12 5 654 ha 3 636,91 ha Humide, agropastoral

ZSC Aubrac FR8301069

15 723,56 ha 723,56 ha Humide, agropastoral, forestier

ZSC Plateau de l’Aubrac FR9101352

48 25 471 ha 25 471 ha Humide, agropastoral

ZSC Vallon de l’Urugne FR9101374

48 580 ha 31,61 ha Rupestre, agropastoral, humide

Tableau 5 : Description des sites Natura 2000 du périmètre d’étude et de ces abords

Action de préfiguration : Coordination et gestion de 4 sites N200 Le Syndicat mixte de préfiguration du PNR de l’Aubrac s’est progressivement porté candidat, en accord avec les collectivités locales, pour devenir gestionnaire de 4 sites Natura 2000 : Plateau central de l’Aubrac aveyronnais, Lot-Truyère-Goul, Gorges de la Truyère (12) et Aubrac. Sur ces sites, le Syndicat mixte a décidé de poursuivre les actions engagées initialement (mise en œuvre des docobs) et de maintenir les partenariats avec les structures impliquées dans leur mise en œuvre : ADASEA, LPO Aveyron, ONF et CEN Auvergne. Cette implication directe sur les 4 sites et le travail partenarial engagé avec les animateurs des autres sites (Plateau de l’Aubrac, Gorges de la Truyère (15)) permettent au SM de préfiguration de veiller à la coordination inter-régionale entre les sites Natura 2000 dont le périmètre s’explique uniquement par le contexte administratif (3 sites du plateau de l’Aubrac, 2 sites des Gorges de la Truyère). Cela permet également d’envisager des actions de plus grande ampleur ou mutualisées sur ces sites : c’est ainsi qu’une réflexion sur la mise en œuvre de MAEC a abouti fin 2014 au dépôt de 2 PAEC (Midi-Pyrénées et Auvergne) établis par le SM de préfiguration avec l’appui des professionnels agricoles et des naturalistes.

Les outils de protection

NB : Le territoire d’étude ne dispose pas d’Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope.

a. Réserves naturelles nationales et régionales

Aucune réserve naturelle nationale et régionale n’est présente sur le périmètre d’étude.

En revanche, la réserve naturelle régionale des Coteaux du Fel, classée depuis 2011, est située dans le périmètre élargi. D’une superficie de 85,3 ha, elle est située sur le versant nord de la vallée du Lot à l’aval de la confluence de la Truyère. Elle vise à la protection des escarpements rocheux thermophiles et des versants très pentus (landes sèches), ainsi que de leur flore et de leur faune (Engoulevent d’Europe, Lézard ocellé, Circaète Jean-le-Blanc, Genette commune, chauves-souris).

La règlementation en place porte notamment sur la circulation et le stationnement des personnes et des véhicules, sur les produits phytosanitaires et sur les modalités d’instruction des projets de travaux. Cette réserve est administrée par la LPO de l’Aveyron qui s’appuie sur un Comité consultatif. Le Plan de gestion, élaboré avec les acteurs locaux, est en cours de validation par le CSRPN.

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108 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

b. Réserves Biologiques dirigées, forestières et domaniales

Il existe 3 RBD sur le périmètre d’étude. Elles couvrent près de 450 ha (Carte « Les espaces naturels préservés ou gérés). Ces réserves biologiques dirigées sont dotées de plans de gestion, dont certains arriveront à échéance pendant l’application de la charte (Puy de la Tuile).

NOM DU SITE TYPE GESTIONNAIRE SURFACE DESCRIPTION

Puy de la Tuile Domaniale ONF 23,53 ha

Plan de gestion 2002 à 2016 Objectif de préservation des tourbières et de

stations de lycopodes. Règlementation concernant la circulation, la

cueillette, la chasse, le bivouac, le feu

Vergne noire Forestière ONF 12,88 ha

+ 80 ha de zone tampon

Plan de gestion 2000 à 2014 Objectif de protection de la tourbière du

même nom et de sa station de Ligulaire de Sibérie

Tourbières de l’Aubrac Domaniale ONF 413,3 ha

Plan de gestion 1998 à 2013 Objectif de protection du complexe tourbeux

de la Source du Roc

Tableau 6 : Description des Réserves Biologiques Dirigées du périmètre d’étude

c. Sites inscrits et sites classés

Sur le périmètre d’étude (Carte « Les sites classés et inscrits »), 6 Sites classés et 3 Sites inscrits sont des sites naturels. Sont classés ou inscrits sur l’Aubrac des sites ponctuels et leurs abords immédiats. Ils concernent des falaises (associées ou non à des cascades) et des lacs glaciaires, c'est-à-dire des sites présentant un certain intérêt paysager, scientifique et écologique.

d. Les Réserves temporaires de pêche

En 2014, 25 réserves de pêche sont recensées sur le territoire d’étude (aucune cartographie disponible). La majorité se trouve en Lozère (22) pour un linéaire cumulé de 15,9 km sur de nombreux cours d’eau du plateau mais aussi sur les versants. 3 sont dans l’Aveyron, permettant la protection de 1,5 km de cours d’eau (Lot, Bonance, Mardonenque), tandis qu’aucune ne se trouve dans la partie cantalienne du territoire d’étude.

e. Les Réserves de chasse et de faune sauvage

À ce jour, il n’existe pas de réserve nationale de chasse et faune sauvage à l’échelle du territoire d’étude.

f. Les Espaces boisés classés

Les EBC ont pour objectif de préserver des peuplements d’intérêt collectif. Leur recensement n’a pas été possible pour le diagnostic. Lors des ateliers, certains acteurs ont fait état d’utilisation abusive, par le passé, de ce classement pour protéger certaines forêts communales.

Vers de futurs sites protégés ? La Stratégie de Création d’Aires Protégées

En octobre 2013, le Ministre de l’Environnement a relancé la politique SCAP, rappelant l’objectif national de protéger 2 % du territoire métropolitain à échéance 2019. Les priorités émises dans le cadre de la SCAP indiquent que les Régions Languedoc-Roussillon (objectif de 115 334 ha) et Midi-Pyrénées (objectif de 42 094 ha) font partie des 5 régions les plus concernées.

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109 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

SCAP Midi-Pyrénées

La déclinaison de la SCAP en Midi-Pyrénées a été confiée par la DREAL au CBN Pyrénées et Midi-Pyrénées et au CEN Midi-Pyrénées.

Elle a visé essentiellement à donner un cadre et une cohérence aux projets futurs de création de sites protégés. Ce cadre comprend notamment une liste d’espèces et d’habitats prioritaires pour la région.

De plus, une liste d’une dizaine de Projets Potentiellement Éligibles, tant sur le plan écologique que géologique, a été transmise au ministère en charge de l’environnement. Sur la partie aveyronnaise du territoire d’étude, cette liste comprend les 2 réserves biologiques existantes : tourbière de la Vergne Noire, tourbière de la Source du Roc ; ces 2 sites sont portés en partenariat avec l’ONF. En effet, la DREAL a favorisé la concertation et adopté la position de privilégier des projets déjà en cours, sur lesquels les partenariats étaient déjà engagés.

SCAP Auvergne

La déclinaison de la politique SCAP en Auvergne a été menée de manière succincte. La DREAL a confié au CSRPN la réalisation d’un travail scientifique et technique afin de mettre en évidence des secteurs éligibles à la création d’aires protégées. Aucun des secteurs mis alors en exergue ne concernent la partie cantalienne du territoire d’étude. Il est prévu une reprise de ce travail et un approfondissement en 2015 afin de faire avancer, avec les acteurs locaux – dont les PNR – des sites sur lesquels une protection pourrait être mise en place.

SCAP Languedoc-Roussillon Actuellement, sur la base des listes nationales des habitats et espèces prioritaires SCAP, la DREAL Languedoc-Roussillon a établi sa liste de priorités régionales pour les espèces (travaux confiés au CEFE-CNRS pour la faune et la flore et à la Commission Régionale du Patrimoine Géologique pour le volet géologique). Le travail n’a pas été réalisé sur les habitats car les cartographies d’habitats ne sont pas suffisantes pour en tirer des sites à intégrer à la SCAP.

À partir de la liste régionale des espèces et d’enjeux géologiques, des sites ont été proposés par le CEFE CNRS, comme Projet Potentiellement Éligible à la SCAP : aucun d’entre eux ne se situe sur le territoire d’étude. Par ailleurs, des territoires à enjeux ont été identifiés : il sera nécessaire d’y améliorer les connaissances pour définir si le patrimoine naturel de ces secteurs justifie leur intégration à la SCAP à terme (voir Tableau 7). 13 de ces territoires à enjeux sont présents sur le périmètre d’étude.

Territoire à enjeu pour la SCAP en Languedoc-Roussilon (et commune(s))

Recouvrement Natura 2000

Espèces déterminantes SCAP

Étang et prairies de la Baume (Prinsuejols) 0 ha Loutre d’Europe, Lézard des souches, Fluteau nageant

Étang et tourbières de Bonnecombe (Les Salces, Les Hermaux) 313,70 ha

Loutre d’Europe, Courlis cendré, Lézard des souches, Fluteau nageant, Lycopode inondé, Lycopode en

massue, Hypne brillante Lac de Born (Marchastel, Les Salces) 151,21 ha Loutre d’Europe, Courlis cendré, Fluteau nageant,

Jamesionella undunifolia Lac de Saint-Andéol (Marchastel) 109,67 ha Courlis cendré, Fluteau nageant

Lac des Salhiens (Nasbinals) 61,61 ha Loutre d’Europe, Campagnol amphibie, Écrevisse à

pieds blancs, Ligulaire de Sibérie, Hypne brillante Lac et tourbière de Souveyrols (Nasbinals) 47,58 ha Loutre d’Europe, Écrevisse à pieds blancs, Ligulaire de

Sibérie, Lycopode inondé, Hypne brillante

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110 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Rivière de la Crueize en amont du lac du Moulinet (Le Buisson, Prinsuejols, Ste-Colombe-de-Peyre) 57,33 ha Loutre d’Europe, Écrevisse à pieds blancs, Fluteau

nageant Tourbière de Pougalion (Les Salces, Saint-Laurent-de-Muret) 15,37 ha Malaxis des marais, Lycopode inondé

Tourbière de Sogno Verdo (Marchastel) 19,82 ha Ligulaire de Sibérie

Tourbière des Roustières (Brion, Recoules-d’Aubrac) 38,99 ha Ligulaire de Sibérie

Zones humides de la vallée de la Rimeize (Malbouzon, Prinsuejols, La Fage-Montivernoux, Fau-de-Peyre)

432 ha Courlis cendré

Zones humides du ruisseau de Beylasse (Malbouzon, Prinsuejols) 96,85 ha Courlis cendré

Zones humides du ruisseau de Place Naltes (Nasbinals, Marchastel) 389,85 ha

Loutre d’Europe, Courlis cendré Écrevisse à pieds blancs, Hypne brillante

Tableau 7 : Territoire à enjeux de la SCAP en Languedoc-Roussillon

Outils de gestion pour la préservation de la biodiversité et sa valorisation

a. Espaces Naturels Sensibles

Le Conseil départemental de l’Aveyron met en œuvre une politique ENS depuis 2007 : un Schéma directeur définit les modalités d’intervention du Conseil départemental, notamment l’accompagnement financier et technique des collectivités ou associations pour protéger des sites et les faire connaître (collégiens).

Le Conseil départemental du Cantal a engagé depuis 1996 une politique ENS en partenariat avec les collectivités locales. Un Schéma Départemental du Patrimoine Naturel est en projet. Le Conseil départemental de la Lozère est en cours de finalisation d’un schéma stratégique ENS qui devrait être validé début 2015. 5 sites du territoire d’étude sont proposés pour intégrer ce schéma.

Le périmètre d’étude abrite dix Espaces Naturels Sensibles : huit en Aveyron (dont un en partie seulement sur le périmètre d’étude) et deux dans le Cantal. Ces sites (voir Tableau 8 et Carte « Les epsaces naturels préservés ou gérés ») couvrent 5 094 ha, soit 2,2 % du périmètre d’étude. Plusieurs ENS sont intégrés au réseau Natura 2000, tant dans l’Aveyron que dans le Cantal. Le tableau suivant décrit les principales caractéristiques des ENS du territoire. Certains ENS font l’objet d’une maîtrise foncière, soit par le Département correspondant, soit par une collectivité locale (commune ou communauté de communes).

Espace Naturel Sensible Gestionnaire Surface Sous-entité

éco-paysagère

Description

Puy de la Tuile CC Caldaguès-Aubrac 672 ha Plateau fermé

Patrimoine : tourbières et de stations de lycopodes

Aménagé pour l’accueil du public.

Vergne des Mazes CC Caldaguès-Aubrac 7 ha Plateau fermé Patrimoine : tourbière

Aménagé pour l’accueil du public.

Grande prairie d’Aubrac Jardin

botanique de l’Aubrac

75 ha Plateau ouvert Patrimoine : prairie et ZH Aménagé pour l’accueil du public.

Boralde de Saint-Chély Jardin

botanique de l’Aubrac

1 240 ha Boraldes Patrimoine : boisements de pente

Bois de Baltuergues En cours de définition 18 ha Viadène Patrimoine : boisements de pente et

avifaune de la Truyère Lac des Galens et zone humide

de la Gardelle Aucun 219 ha Viadène Patrimoine : écosystèmes humides

Pic de Vermus Aucun 81 ha Vallée du Lot Patrimoine : neck et flore des falaises basaltiques

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111 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Gorges de la Truyère Aucun 226 ha Viadène, Carladès Patrimoine : boisements de pente et avifaune de la Truyère

Terrasses d’Estaing CC d’Estaing 45 ha Vallée du Lot Patrimoine : paysage viticole en cours d’évolution

Haute vallée du Lot SM de la Haute Vallée du Lot 1 004 ha Vallée du Lot

Patrimoine : habitats rupestres et des pentes fortes, Aigle royal, Loutre,

Chabot Lacs glaciaires de l’Aubrac

(et cascade du Déroc) Projet (48) 389 ha Plateau ouvert Patrimoine : tourbières, prairies humides et milieux rupestres

Tourbière de Bonnecombe Projet (48) 338 ha Plateau ouvert Patrimoine : tourbière

Forêt et rocher de l’Échelle Projet (48) 13 ha Plateau fermé Patrimoine : hêtraie relictuelle à Lycopodium clavatum

Tourbières de la forêt de Salces Projet (48) 31 ha Plateau fermé Patrimoine : tourbières, prairies

humides

Tourbière de Las Roustières Projet (48) 136 ha Plateau ouvert Patrimoine : tourbières, prairies humides

Tableau 8 : Description succincte des Espaces Naturels Sensibles existant et des projets d’ENS (48)

b. Sites des Conservatoires d’espaces naturels

4 CEN interviennent sur le territoire d’étude : 3 CEN régionaux et le CEN Lozère. Aucun d’entre-eux ne possède de terrains en propre. En revanche, les CEN développent des actions de conseil et d’appui à la gestion de sites naturels dans le cadre d’autres politiques (Natura 2000 et ENS particulièrement) :

Le CEN Lozère travaille à l’échelle de l’Aubrac dans le cadre du réseau SAGNE (mission CATZH) : il accompagne ainsi 24 agriculteurs et un groupement forestiers sur 17 zones humides et cours d’eau (Nasbinals, Marchastel, Saint-Laurent-de-Muret, Les Hermaux, Les Salces ; données 2013). Cela représente une surface de 1 010 ha. Cette gestion est souvent effectuée avec les agriculteurs locaux. À l’heure actuelle, le CEN Lozère n’est pas agréé par le Ministère en charge de l’environnement.

Le CEN Auvergne gère l’ENS de la Tourbière de la Vergne des Mazes et anime le site Natura 2000 Aubrac (Cantal). De plus, il assure la gestion des Plans régionaux d’Actions sur les azurés (Maculinea) et sur les odonates. Il bénéficie de l’agrément ministériel depuis 2014.

Les 3 CEN régionaux, en partenariat avec les CBN et l’IPAMAC, participent au programme Milieux Ouverts Herbacés depuis 2012 : gestion et suivi de sites pilotes dans l’Aubrac.

Outils de gestion raisonnée des milieux naturels

Non strictement dédiés à la préservation de la biodiversité, ces outils permettent cependant d’intégrer sa prise en compte dans les actions de gestion des espèces et des écosystèmes avec une large approche spatiale. Parmi eux, on retrouve notamment :

− les Plans Départementaux pour la Protection du Milieu Aquatique et la Gestion des ressources piscicoles donnent un cadre d’intervention aux actions des APPMA locales. A partir d’un diagnostic des populations de poissons et des milieux, des unités de gestion (« contexte ») et des modes de gestion (patrimoniale ou patrimoniale différenciée) permettent d’évaluer la conformité des cours d’eau aux objectifs et de tendre vers une amélioration de celle-ci. Aujourd’hui, 25 « contextes », dont 10 conformes, 12 intermédiaires et 3 fortement dégradés, sont présents sur le territoire d’étude ;

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112 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

− les plans d’aménagements forestiers donnent les grandes orientations de gestion sylvicole en fonction d’un diagnostic du territoire concerné ;

− les plans de gestion cynégétique et les Orientations Régionales de Gestion de la Faune Sauvage. Ils visent certaines espèces gibiers particulières qui demandent une gestion concertée et planifiée des prélèvements afin de gérer la population dans son ensemble. Sur l’Aubrac, ils concernent par exemple le Cerf élaphe et le lièvre ;

− le SAGE Lot Amont et les documents qui le constituent (PAGD, règlement…) vise la gestion équilibrée des cours d’eau et milieux aquatiques ;

− les Plans Pluriannuels de Gestion des cours d’eau qui visent à atteindre le « bon état écologique » en intervenant sur différentes pressions : restauration de ripisylve, enlèvement d’embâcles, limitation de l’ensablement, maîtrise des paramètres physico-chimiques des cours d’eau ; quatre PPG sont en place ou en projet, portés par le Syndicat Mixte Lot-Dourdou, Halieutilot (Argence) et les SMP du PNR de l’Aubrac (Selves, voir ci-contre).

Bilan et perspectives

25 % du territoire d’étude fait l’objet de mesures de préservation environnementale (Natura 2000, ENS, sites des CEN) ou de protection réglementaire (RBD, Sites classés ou inscrits). Mais les protections strictes (au sens de la SCAP) restent peu nombreuses : 3 réserves biologiques dirigées. Cela représente moins de 0,2 % de la surface du territoire, ce qui reste inférieur aux objectifs affichés par la SCAP (2 % du territoire terrestre métropolitain).

Parmi les 65 habitats patrimoniaux et les 219 espèces faunistiques patrimoniales, les 2 tiers sont représentés dans ces sites sous surveillance. En revanche, parmi les 232 espèces floristiques patrimoniales, seulement un tiers y est représenté.

Les écosystèmes et espèces agropastoraux et humides sont les principales cibles des sites préservés, ainsi que, dans une moindre mesure, ceux liés aux forêts.

La cohérence de ce réseau de sites protégés ou gérés reste à améliorer du point de vue territorial : la couverture du territoire d’étude est assez hétérogène. Si le Plateau ouvert, la Vallée du Lot et la vallée de la Truyère bénéficient de plusieurs zonages de préservation, ils restent peu nombreux en Viadène ou en Margeride. Cela reflète avant tout une hétérogénéité de la connaissance du territoire : la répartition des zonages de préservation est semblable à celle des ZNIEFF et des ZICO.

Enfin, le cloisonnement administratif appelle une mise en cohérence et une coordination entre les sites naturels protégés ou gérés et en particulier entre les sites Natura 2000.

Action de préfiguration : À la demande des communes du bassin de la Selves qui avaient constaté certaines problématiques sur les rivières, l’Association d’Émergence du PNR a réalisé en 2014 le diagnostic des cours d’eau de ce bassin afin de préparer un futur plan de gestion. Ces communes sont toutes incluses dans le périmètre du futur PNR et aucune intercommunalité n’ayant la compétence gestion des cours d’eau, une convention a été passée avec l’Association.

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113 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

E. Les plans et programmes

La Trame Verte et Bleue

3 Schémas Régionaux de Cohérence Ecologique (Auvergne, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées), portés par les Conseils Régionaux et les DREAL, concernent le périmètre d’étude. Tout en respectant le cadrage national défini par la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'Environnement (3 août 2009), la loi portant engagement national pour l'environnement (12 juillet 2010) et les orientations nationales pour la préservation et la restauration des continuités écologiques, leur méthode d’élaboration et leur degré d’avancement diffèrent.

SRCE Auvergne SRCE Languedoc-Roussillon SRCE Midi-Pyrénées Engagé en 2011 Engagé en 2011 Engagé en 2011

Consultation réalisée début 2014 Consultation réalisée courant 2014 Consultation réalisée mi 2014 Enquête publique réalisée fin

2014 Enquête publique réalisée fin 2014 Enquête publique réalisée fin 2014

Validation attendue début 2015 Validation attendue début 2015 Validation attendue courant 2015 Tableau 9 : Synthèse de l’avancement des 3 Schémas Régionaux de Cohérence Ecologique

a. Le SRCE Auvergne

Le dossier soumis à consultation permet de faire ressortir les éléments suivants :

L’étude est menée à l’échelle régionale, subdivisée en 9 régions naturelles définies dans le diagnostic biodiversité en 2010. L’Aubrac et la Margeride sont traitées comme une seule région naturelle.

L’étude s’est appuyée sur les écopaysages, sur l’occupation du sol, puis sur la fragmentation du territoire auvergnat. 16 écopaysages ont été définis : parmi eux, on retrouve en Aubrac les écopaysages « Système agropastoral à prairies permanentes dominantes », « Système agropastoral à prairies temporaires dominantes », « Vallées escarpées » et « secteurs à densité de zones humides supérieure à 12,5 et à 25 % ».

Les enjeux identifiés sont de limiter la disparition des milieux ouverts face à la déprise ; de maintenir les motifs paysagers (haies, arbres isolés, murets...) ; de préserver les zones humides et d’adapter les modes de gestion forestière au regard des enjeux économiques et écologiques.

- améliorer la fonctionnalité des routes et voies ferrées et anticiper la fonctionnalité des nouveaux projets ;

- favoriser la coordination et la conciliation des usages dans les activités de nature et accompagner les professionnels ;

- préserver les réservoirs de biodiversité, ici les milieux agropastoraux (risque de déprise), les zones humides et les éléments paysagers (haies, murets...) ;

- favoriser une gestion sylvicole favorable à la biodiversité.

b. Le SRCE Languedoc-Roussillon

L’État et le Conseil régional de Languedoc-Roussillon ont lancé en 2011 le diagnostic préalable au SRCE. Après 3 phases de concertation, le projet de SRCE sera soumis à consultation officielle fin 2014 puis à enquête publique début 2015.

Le dossier soumis à consultation permet de faire ressortir les éléments suivants :

Sur le territoire d’étude, l’Aubrac, la Margeride et la Vallée du Lot sont individualisés en tant que 3 ensembles paysagers distincts.

Partant de ce diagnostic, le projet de SRCE Languedoc-Roussillon propose des actions organisées autour de 6 enjeux, dont 5 concernent le territoire d’étude du PNR de l’Aubrac :

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114 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

- intégration des continuités écologiques dans les politiques publiques ; - ménager le territoire par l’intégration de la TVB dans les décisions d’aménagement ; - transparence des infrastructures pour le maintien et la restauration des continuités

écologiques ; - des pratiques agricoles et forestières favorables au bon fonctionnement écologique du

territoire ; - les continuités écologiques des cours d’eau et des milieux humides.

En plus de la façon dont le SRCE doit être utilisé pour l’élaboration de documents d’urbanismes, la région Languedoc-Roussillon et la DREAL ont choisi de développer un outil d’aide à la décision en matière d’aménagement sous la forme de l’outil web SIG 3D SRCE L-R, au 1/25 000.

c. Le SRCE Midi-Pyrénées

L’État et le Conseil régional de Midi-Pyrénées ont lancé le SRCE en 2011. Après études et concertation, le projet de SRCE a été soumis à consultation puis à enquête publique depuis septembre 2014.

Le dossier soumis à enquête publique permet de faire ressortir les éléments suivants : L’étude s’est appuyée sur les entités paysagères et sur la fragmentation du territoire de Midi-Pyrénées. L’Aubrac est associé au Carladès et au versant sud de la vallée du Lot pour constituer l’entité paysagère Nord-Aveyron. 8 sous-trames ont été définies et tiennent compte de 2 étages : plaine et altitude

Outre les actions d’amélioration de la connaissance proposées, les principales actions à mener localement sont :

- rechercher la cohérence entre les documents d’urbanisme et le SRCE ; - remettre en état la perméabilité à travers les ouvrages existants et son respect sur les

nouveaux ouvrages ; - intégrer la TVB dans les activités économiques (carrières, énergie renouvelable, loisir-

tourisme, sylviculture, agriculture).

En parallèle, le Conseil régional de Midi-Pyrénées développe un nouvel outil financier qui permettra de cofinancer les travaux de restauration écologique à mettre en œuvre par les acteurs locaux.

Action de préfiguration : Etude de la trame verte et bleue de l’Aubrac L’Association d’émergence du PNR de l’Aubrac a engagé, dès la phase de préfiguration, une étude Trame Verte et Bleue sur le périmètre d’étude et son pourtour. Cette étude visait à améliorer la connaissance et à garantir en amont de la rédaction de la Charte du Parc, une prise en compte optimale des enjeux de conservation et de restauration des connectivités écologiques sur l’Aubrac. Par ailleurs, ce travail devait permettre d’harmoniser la déclinaison des 3 SRCE et d’optimiser et mettre en synergie le programme de préservation de la trame écologique envisagé sur l’Aubrac, avec ceux des territoires adjacents : PNR des Volcans d’Auvergne, PNR des Grands Causses.

L’étude de la TVB de l’Aubrac a été découpée en trois phases. 1. Cartographie de l’occupation du sol au 1/25 000 ; 2. Identification, cartographie et diagnostic de la trame écologique ; 3. Élaboration d’un programme de préservation de la trame écologique.

Les résultats de ces investigations sont attendus en 2015. Ils alimenteront les mesures de la Charte du Parc consacrées au maintien et à la restauration des continuités écologiques, à la préservation des parcelles agricoles, forestières et naturelles ou encore à l’aménagement durable du territoire.

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115 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

d. L’Aubrac au croisement des 3 SRCE

Le territoire d’étude est abordé dans les 3 SRCE en tant que territoire périphérique et frontière. La comparaison des documents disponibles, apporte plusieurs éléments d’information concordants et cohérents par-delà les limites administratives régionales. Ces éléments sont synthétisés ci-dessous :

- Les sous-trames choisies sont globalement cohérentes. Cependant, le SRCE Auvergne prévoit une unique sous-trame intégrant Milieux aquatiques et Milieux humides, alors qu’ils sont individualisés en Languedoc-Roussillon et en Midi-Pyrénées. De plus, le SRCE Auvergne individualise une sous-trame thermophile non reprise dans les autres régions. Enfin, le SRCE Midi-Pyrénées distingue 2 étages altitudinaux pour les boisements et les milieux agropastoraux ; cette distinction n’est pas reprise dans les 2 autres SRCE.

- Les réservoirs de biodiversité sont cohérents à l’échelle inter-régionale : cours d’eau du massif de l’Aubrac ; zones humides et tourbières du plateau ; milieux agropastoraux d’altitude du plateau ; boisements des vallées d’altitude ; vallée de la Truyère comme axe migratoire.

- Les principaux facteurs de discontinuité identifiés sont : le réseau routier (A75 et environs, RD921 Saint-Flour – Espalion, vallée du Lot) ; les lignes haute-tension ; les barrages hydro-électriques. La pollution lumineuse n’est traitée qu’en Midi-Pyrénées.

Dans l’ensemble, le territoire d’étude est donc positionné face à des enjeux de préservation (maintien de l’existant) plus que de restauration (remise en état de continuités dégradées). La préservation des milieux humides et des milieux agropastoraux est mentionnée comme prioritaire. Le maintien des éléments paysagers (haies, arbres isolés, murets) est aussi un axe de travail.

Pour autant, des efforts de restauration doivent être portés sur la continuité longitudinale des cours d’eau (barrages hydro-électriques du Lot et de la Truyère, mais aussi cours d’eau des versants et du plateau), sur la transparence des voies de circulation (A75, RD921) et sur l’amélioration de la gestion forestière.

Trame bleue : le cas particulier des obstacles dans les cours d’eau

Le Référentiel des Obstacles à l’Écoulement (ROE) inventorie 118 seuils et obstacles sur les cours d’eau du périmètre d’étude (non exhaustif). Des inventaires plus précis, réalisés par les Fédérations de pêche, dans le cadre de l’élaboration des SDVP complètent ce recensement.

Ces ouvrages peuvent avoir divers impacts négatifs sur les cours d’eau : réchauffement à l’amont du seuil, perturbation de l’écoulement par la création de zones d’eau calme, altération du transport solide, ensablement à l’amont du seuil et érosion à l’aval, restriction de la mobilité des espèces, modification du régime des débits à l’aval en cas de prélèvement... A l’inverse, un impact positif est constaté en période d’étiage sévère : le rehaussement du niveau d’eau à l’amont permet de créer une zone profonde pouvant servir de refuge pour la faune piscicole à condition que la zone ne soit pas trop colmatée et que la thermie n’y soit pas trop élevée.

2 arrêtés de classement des cours d’eau au titre de l’article L214-17 du Code de l’Environnement ont été pris en octobre 2013 par le préfet coordonnateur du bassin Adour Garonne :

• cours d’eau en Liste 1 sur lesquels la construction de tout nouvel ouvrage faisant obstacle à la continuité écologique est interdite. Le renouvellement de la concession ou de l’autorisation des ouvrages existants est subordonné à des prescriptions permettant de maintenir le très bon état écologique des eaux ; de maintenir ou d’atteindre le bon état écologique des cours d’eau d’un bassin versant ; d’assurer la protection des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée.

• cours d’eau en Liste 2 sur lesquels il convient d’assurer ou de rétablir la libre circulation des poissons migrateurs et le transit des sédiments, d’ici 2018.

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116 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

La continuité écologique a par ailleurs été ciblée comme un objectif prioritaire du Grenelle de l’Environnement. En conséquence, 7 ouvrages prioritaires (dits « Grenelle ») à équiper ou à effacer ont été identifiés sur le périmètre d’étude.

Une approche « espèce » : les Plans Nationaux d’Actions

12 PNA concernent des espèces ou groupes d’espèces présentes sur l’Aubrac. Le tableau 11 présente l’état d’avancement et les déclinaisons régionales des PNA de 8 espèces les plus rares en Aubrac.

Espèce(S) Etat d’avancement

DREAL Coordonatrice

Opérateur national Régions concernées Opérateur régional

Chiroptères 1er : 1999-2004 2nd : 2008-2012 Franche-Comté FCEN

Auvergne, déclinaison CEN Auvergne Languedoc Roussillon, déclinaison GCLR

Midi-Pyrénées, déclinaison CEN MP

Pie-grièches 1er : 2014-2018 Lorraine LPO nationale

Auvergne _ Languedoc Roussillon, en cours LPO 34

Midi-Pyrénées LPO Aveyron

Milan Royal 1er : 2003-2007 2ème : rédaction

en cours

Champagne-Ardenne

LPO nationale

Auvergne _ Languedoc Roussillon ALEPE

Midi-Pyrénées _

Maculinea 1er : 2011-2015 Auvergne OPIE Auvergne, déclinaison 2014-2018 CEN Auvergne, SHNAO

Languedoc Roussillon OPIE, CEN LR, EE Midi-Pyrénées _

Odonates 1er : 2011-2015 Nord Pas de Calais OPIE

Auvergne, déclinaison 2012-2016 CEN Auvergne, SHNAO Languedoc Roussillon, déclinaison en

cours OPIE, CEN LR, EE

Midi-Pyrénées _

Moule perlière 1er : 2011-2015 Centre Biotope &

G. COCHET

Auvergne, déclinaison validée _ Languedoc Roussillon _

Midi-Pyrénées _

Fluteau nageant 1

er : 2012-2016 Ile de France CBN BP

Auvergne, pas de déclinaison prévue _ Languedoc Roussillon Pas d’opérateur

Midi-Pyrénées _

Loup 1er : 2003-2007 2nd : 2008-2012

3ème : 2013-2017 Rhône-Alpes ONCFS

Auvergne ONCFS Languedoc Roussillon ONCFS

Midi-Pyrénées ONCFS Tableau 10 : Groupes d’espèces majeures pour l’Aubrac, concernées par un Plan National d’Actions

Le cas particulier du Loup : Depuis 2014, le versant sud du massif de l'Aubrac - Boraldes - est considéré comme Zone de Présence Permanente du Loup. Ce classement a déclenché diverses actions menées par les services de l'Etat : mise en place d'un réseau d'observateurs formés, réalisation de suivis hivernaux et estivaux pour quantifier la population, mise en place d'un Comité Loup dans chaque département, réalisation d'une étude de vulnérabilité dans l'Aveyron. 2 à 3 Loups semblent fréquenter l'Aubrac régulièrement. Les suivis estivaux ne permettent pas de confirmer la reproduction de ces individus. Trois attaques sur du bétail domestiques ont été déplorées les étés 2013 et 2014, à chaque fois sur des troupeaux de moutons. Suite à ces attaques, les services de l'Etat ont proposé aux agriculteurs concernés de bénéficier des mesures accessibles : indemnisation des dégâts, mais aussi investissement en faveur de parcs électrifiés, chiens de garde des troupeaux. Aujourd'hui, plusieurs élevages ovins du territoire de projet sont équipés de chiens patous.

Parmi les 2 250 km de cours d’eau référencés, 1 235 km sont classés Liste 1 et 128 km en Liste 2, soit 60 % du

linéaire. Ainsi, des actions de restauration de la continuité devraient être engagées

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117 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

F. Acteurs de la connaissance et de la préservation du patrimoine naturel

Sur le territoire d’étude, de nombreux acteurs interviennent sur les différents champs de la biodiversité : connaissance, protection, gestion, valorisation. Ces acteurs de nature variée (associatifs, institutionnels, structures agréées…) font appel à différents moyens (techniques, organisationnels, financiers…) et agissent à différentes échelles (départementale/régionale à locale) avec des approches complémentaires (démarches partenariales, militantes, concertées ou descendantes…).

65 de ces structures ont participé aux réunions de concertation (Commissions Techniques Thématiques, Ateliers Participatifs) sur le patrimoine naturel. Le contexte administratif explique en partie qu’un si grand nombre d’acteurs intervienne sur la biodiversité de l’Aubrac. Si cette diversité présente l’intérêt d’une certaine complémentarité, elle expose aussi à une certaine redondance et surtout à un manque de coordination, notamment par-delà les limites régionales. Ce cloisonnement est particulièrement visible sur différents types d’actions en faveur du patrimoine naturel :

- Connaissance : les listes d’espèces déterminantes ZNIEFF, les listes rouges ainsi que les listes d’espèces protégées sont établies régionalement. Des incohérences peuvent apparaître à l’échelle de l’Aubrac, telle que la protection de la Fritillaire pintade en Auvergne mais pas en Languedoc-Roussillon bien qu’elle y soit aussi peu fréquente ;

- Gestion : le plateau de l’Aubrac a « été fractionné » en trois sites Natura 2000 distincts (un sur chaque Région) alors qu’ils ciblent les mêmes habitats d’intérêt communautaire et qu’ils sont même contigus pour la Lozère et l’Aveyron ;

- Politiques publiques : les choix méthodologiques réalisés dans les trois SRCE révèlent un besoin de mise en cohérence lors des déclinaisons territoriales interrégionales.

Sur le territoire d’étude, cette nécessité de mise en cohérence des actions de part et d’autre des limites administratives est reconnue comme étant un enjeu majeur depuis le lancement du projet de PNR. Les actions de préfiguration engagées visent notamment à s’affranchir progressivement de ces limites pour redonner aux actions une logique territoriale cohérente : étude de la Trame Verte et Bleue de l’Aubrac, proposition de PAEC cohérents à défaut de pouvoir déposer un unique PAEC, Charte Forestière de Territoire… D’ores-et-déjà, l’Association d’émergence du PNR de l’Aubrac et maintenant le Syndicat mixte de préfiguration ont impulsé une amélioration dans la coordination des acteurs locaux et dans la structuration de leurs actions.

Cette multiplicité d’acteurs et ce contexte administratif particulier invitent à repenser la gouvernance des actions en faveur de la biodiversité : échelle d’intervention pertinente, méthodologies communes, calendriers communs. Cette réflexion concerne non seulement les acteurs locaux agissant en faveur du patrimoine naturel, mais aussi les décideurs et les partenaires financiers.

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118 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

G. Vers une priorisation des actions : habitats, espèces et sites naturels majeurs de l’Aubrac

L’Aubrac abrite de nombreux sites naturels remarquables (biologie-écologie, géologie, paysage) dont la préservation constituera une mission prioritaire du projet de PNR. A cet effet, la future charte du PNR de l’Aubrac devra préciser la politique générale à mettre en œuvre en matière de gestion et de préservation des sites, habitats et espèces : certaines mesures viseront à mieux gérer et protéger des types de milieux (milieux agropastoraux, humides, forestiers ou rupestres...) ; tandis que d’autres mesures, pour faire preuve d’efficacité et de pédagogie (valeur démonstrative) gagneraient à être ciblées sur des sites précis ou concerner des espèces ou des habitats particuliers.

Pour répondre à ce second objectif, un 1er travail de consultation et d’analyse a été engagé en préparation du projet de charte, afin de mettre en exergue le patrimoine naturel qui justifie le développement d’actions (amélioration de la connaissance, suivi, sensibilisation, gestion, conservation) à inscrire dans le projet de charte.

Suite aux ateliers participatifs, un recensement des habitats, espèces et sites d’intérêt majeur a été effectué auprès de 19 acteurs environnementaux du territoire. Sur la base de ces résultats, un essai de priorisation des habitats, espèces et sites justifiant des actions spécifiques par le PNR, a été réalisé. Le recensement des sites et la méthodologie de priorisation sont détaillés dans le diagnostic thématique Patrimoine naturel et biodiversité. Les principaux résultats sont présentés ci-après.

Habitats d’intérêt majeur

À partir des 127 habitats patrimoniaux dont la présence est certaine sur le territoire d’étude, complétés par les habitats listés par les acteurs locaux en Ateliers participatifs, la priorisation permet de mettre en avant 1 habitat d’intérêt Très fort, 5 d’intérêt Fort et 59 d’intérêt Moyen (voir annexe 6 : Habitats d’intérêt majeur).

EUNIS Dir habitats

ZNIEFF Statut Présence en

site protégé Répart-ition Note intérêt

D2.38 – Radeaux de Sphaignes et d’Eriophorum

7140 A, LR, MP 2 1 2 5 Très fort

E1.28 – Pelouses calcaréo-siliceuses d’Europe centrale

6210* MP 2 1 1 4 Fort

H3.5 – Pavements rocheux quasi nus, y compris pavements calcaires

8230 A 2 1 1 4 Fort

C2.16 – Ruisseaux crénaux (ruisseaux des sources)

3260 - 2 1 1 4 Fort

E3.415 – Prairies à Renouée bistorte - MP 1 1 2 4 Fort

H3. – Falaises continentales, pavements rocheux et affleurements rocheux

8220 - 2 1 1 4 Fort

Tableau 11 : Habitats d’intérêt Très fort et fort pour le territoire d’étude et leurs critères

Ce résultat reflète la variété des écosystèmes de l’Aubrac : habitats agropastoraux, humides ou aquatiques et saxicoles apparaissent prépondérants dans le patrimoine naturel de l’Aubrac, tandis que les habitats forestiers semblent plus ciblés (forêts de ravin...).

Ces habitats d’intérêt majeur doivent être lus non pas individuellement mais comme faisant partie intégrante de milieux écologiquement cohérents et fonctionnels (tourbières, prairies humides...). L’amélioration de la prise en compte et de la préservation de ces habitats nécessiterait donc que ces milieux cibles fassent l’objet de mesures adaptées et spécifiques dans le projet de charte.

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119 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Espèces d’intérêt majeur

a. Flore

De la même manière, une priorisation des espèces vasculaires d’intérêt patrimonial dont la présence est avérée sur le territoire d’étude et des espèces mentionnées par les acteurs locaux (Ateliers participatifs, résultats du questionnaire) a été effectuée.

Les résultats s’appuient d’une part sur les connaissances acquises par les 3 CBN concernés, d’autre part sur une méthodologie élaborée par le CBN Pyrénées et Midi-Pyrénées. Ainsi, ils semblent assez fiables, notamment en comparaison avec les résultats sur les espèces faunistiques d’intérêt majeur. Concernant la flore vasculaire, la priorisation met en avant 13 espèces d’intérêt Très fort (voir tableau 12), 62 espèces d’intérêt Fort et 102 espèces d’intérêt Moyen (voir annexe 7 : Espèces végétales d’intérêt majeur). Faute de connaissance suffisante sur l’ensemble de la bryoflore de l’Aubrac, une évaluation des enjeux similaires à celle de la flore vasculaire n’a pas pu être menée. Par conséquent, les 5 espèces de bryophytes à statut sont considérées ici par défaut comme d’intérêt et leur évaluation a été restreinte sur 2 critères (voir tableau 12).

ESPECE STATUT RESPONSABILITÉ

Site protégé

Répart-ition Note Intérêt

BRYOPHYTES Bruchia vogesiaca 3 - - 3 6 Très fort

Buxbaumia viridis 3 - - 2 5 Fort

Hamatocaulis vernicosus 3 - - 2 5 Fort

Jamesoniella undulifolia 3 - - 0 3 Moyen

Sphagnum obtusum 4 - - 2 6 Très fort

FLORE VASCULAIRE Botryche simple

Botrychium simplex 6 10 0 2 18 Très fort

Malaxis des marais Hammarbya paludosa 6 10 0 2 18 Très fort

Racine-de-corail Corallorhiza trifida 6 5 3 3 17 Très fort

Lycopode d’Oellgaard Diphasiastrum Oellgaardii 5 10 0 2 17 Très fort

Nénuphar nain Nuphar pumila 5 9 3 0 17 Très fort

Muflier asaret Asarina procumbens 4 6 3 3 16 Très fort

Laîche des bourbiers Carex limosa 3 10 0 3 16 Très fort

Céraiste rameux Cerastium ramosissimum 3 8 3 2 16 Très fort

Circée des alpes Circaea alpina 4 6 3 3 16 Très fort

Crocus printanier Crocus vernus 1 10 3 2 16 Très fort

Lycopode petit-cyprès Diphasiastrum tristachyum 5 9 0 2 16 Très fort

Ligulaire de Sibérie Ligularia sibirica 4 9 0 3 16 Très fort

Swertie vivace Swertia perennis 5 8 0 3 16 Très fort

Tableau 12 : Espèces floristiques d’intérêt majeur et leurs critères

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120 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

b. Faune

Plus de 240 espèces faunistiques (espèces patrimoniales et espèces citées dans les réponses au questionnaire) ont été prises en compte dans le travail de hiérarchisation.

Il résulte de cette priorisation que 7 espèces sont considérées d’intérêt Très fort (voir

Tableau 13), 17 d’intérêt Fort et 85 espèces d’intérêt Moyen (voir annexe 8 : Espèces animales d’intérêt majeur). Il convient de prendre cette liste avec prudence, pour 2 raisons essentielles :

- d’une part les connaissances disponibles pour qualifier l’état des populations animales sont bien moindres que pour la flore : la fiabilité des résultats obtenus s’en ressent. Une politique d’amélioration des connaissances pourra en partie compenser ces lacunes. Ainsi, par exemple, le Nacré de la canneberge (Boloria aquilonaris), considéré comme d’intérêt Moyen, pâtit d’une inscription NT sur la liste rouge nationale : la prise en compte de la liste rouge régionale (CR) le ferait remonter en intérêt Très fort ;

- d’autre part, certaines espèces sont défavorisées par leur présence en sites protégés, alors que malgré cela, elles présentent un mauvais état de conservation. C’est par exemple le cas du Faucon pèlerin, et ce malgré des mesures de protection en sa faveur. À l’opposé, la Grue

cendrée, espèce en passage migratoire sur le territoire d’étude, ou l’Écureuil roux paraissent ici surévalués.

Ces espèces d’intérêt Très fort comprennent 11 vertébrés (3 mammifères, 7 oiseaux, 1 reptile) et 10 invertébrés (1 crustacé, 1 mollusque, 4 rhopalocères, 3 odonates, 1 coléoptère). La sous-représentation des invertébrés tient notamment à l’état de connaissance largement inférieur de ces espèces.

Lézard des souches, espèce d’intérêt très fort Tableau 13 : Espèces faunistiques d’intérêt majeur et leurs critères

ESPECE STATUT RESPON-SABILITÉ

Site protégé

Répart-ition Note intérêt

Écrevisse à pieds blancs Austropotamobius pallipes 3 1 0 2 6 Très fort

Bécassine des marais Gallinago 4 1 0 1 6 Très fort

Semi Apollon Parnassius mnemosyne 4 1 1 0 6 Très fort

Pipit farlouse Anthus pratensis 3 1 0 1 5 Très fort

Hermite Chazara briseis 3 0 1 1 5 Très fort

Busard cendré Circus pygargus 3 1 0 1 5 Très fort

Gomphe de Graslin Gomphus graslinii 3 0 1 1 5 Très fort

Grue cendrée Grus grus 5 0 0 0 5 Très fort

Aigle botté Hieraaetus pennatus 3 1 0 1 5 Très fort

Lézard des souches Lacerta agilis 4 0 0 1 5 Très fort

Pie-grièche grise 4 1 0 0 5 Très fort

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121 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Lanius excubitor

Leucorrhine à gros thorax Leucorrhinia pectoralis 4 0 1 0 5 Très fort

Cuivré de la bistorte Lycaena helle 4 0 1 0 5 Très fort

Mulette perlière Margaritifera 3 1 0 1 5 Très fort

Milan royal Milvus milvus 3 1 0 1 5 Très fort

Putois d’Europe Mustela pustorius 1 1 1 2 5 Très fort

Pique-prune Osmoderma eremita 4 0 0 1 5 Très fort

Cordulie à corps fin Oxygastra curtisii 3 1 0 1 5 Très fort

Apollon Parnassius apollo 4 0 0 1 5 Très fort

Grand Rhinolophe Rhinolophus ferrumequinum 2 1 1 1 5 Très fort

Sites naturels

91 sites (voir annexe 9 : Sites naturels mentionnés comme d’intérêt majeur par les acteurs locaux) ont été mentionnés comme présentant un intérêt majeur à l’issue de la consultation des acteurs locaux et du croisement avec les données à disposition de l’Association d’émergence (SCAP Languedoc-Roussillon notamment). Il s’agit de sites d’intérêt écologique ais aussi de sites d’intérêt géologique, ce afin d’initier un travail à venir sur cette thématique en réponse au patrimoine géologique de l’Aubrac.

La répartition de ces sites n’est pas homogène (voir Carte 9) : le Plateau ouvert est bien couvert alors que la Viadène ou le Caldaguès le sont notablement moins.

Carte 9 : Sites naturels jugés d’intérêt majeur par les acteurs locaux

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122 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Ceci est à relativiser au regard : - de l’état de connaissance (lui-même hétérogène) ; - des acteurs locaux qui ont répondu (forte participation des acteurs lozériens) ; - de l’état de conservation des milieux naturels sur le territoire d’étude.

Du point de vue écologique, les tourbières et prairies humides sont très largement représentés alors que les sites forestiers, agropastoraux secs ou rupestres sont moins nombreux.

Du point de vue géologique, la couverture territoriale semble plus homogène. Les sites liés au volcanisme sont les plus nombreux : falaises basaltiques et cascades associées, necks… L’ensemble de ces sites présente certaine hétérogénéité de superficie. Certains peuvent être ponctuels, centrés sur une mare ou un piton rocheux (neck), tandis que d’autre occupent plusieurs dizaines d’hectare et englobent de nombreux écosystèmes (fond de vallée, ensemble de prairies humides…). Il s’agit d’un premier ensemble maximal de sites. Des travaux visant à rassembler la connaissance éparpillée au sein de différentes structures, sont en cours. Ils permettront d’une part de mieux connaître et décrire ces sites d’intérêt majeur (problématique écologique, positionnement au sein de la trame écologique, besoins de gestion conservatoire, opportunité de valorisation…), d’autre part d’utiliser une partie de ces éléments descriptifs pour mener une sélection au sein de ces sites d’intérêt majeur, accompagnée des actions à y prévoir. Dans le cadre de l’élaboration du projet de charte, ces travaux en cours seront présentés aux environnementalistes locaux, tant dans leur dimension méthodologique que dans leurs résultats.

Bilan, perspectives

Le patrimoine naturel de l’Aubrac est à la fois varié et conséquent. Sa préservation passe par la définition de politiques et d’actions générales permettant de mieux prendre en compte les milieux naturels ; et par des actions spécifiques (amélioration de la connaissance, suivi, sensibilisation, conseil, gestion, conservation) ciblées sur des habitats et espèces particuliers.

Dans cette perspective, un recensement des habitats, espèces et sites méritant de telles actions, a été réalisé auprès des acteurs environnementaux du territoire, complété par les éléments issus des travaux engagés autour de la SCAP.

Sur cette base, un premier travail de priorisation a cherché à mettre en évidence des habitats et espèces cibles, dits « d’intérêt majeur ».

Ces listes (habitats, espèces, sites) ont vocation à servir de support pour des actions ciblées à inscrire dans la future charte du PNR.

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123 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Atouts

- L’Aubrac présente une biodiversité « ordinaire » dont le bon état de conservation et la surface qu’elle occupe témoignent de la qualité de ce territoire

- Ecosystèmes humides et agropastoraux constituent le socle de la biodiversité - Habitats et espèces patrimoniales nombreux ; une grande proportion des habitats et

de la faune patrimoniale est représentée dans les sites protégés - Réseau de sites protégés, conséquent (25 % du territoire) - Activités humaines fondamentales dans la présence des écosystèmes et des espèces

(notamment l’agropastoralisme) - Patrimoine naturel est le support de nombreuses activités socio-économiques : agro-

pastoralisme, tourisme, activités de pleine nature...

Faiblesses

- Grande proportion de la flore patrimoniale non représentée dans les sites protégés - Réseau de sites protégé réparti inégalement sur le territoire ; les sites bénéficiant

d’une protection forte sont peu nombreux et de faible surface - Lacunes de connaissances demandent à être comblées sur certains territoires ou

concernant certains groupes taxonomiques ; les méthodologies demandent à être harmonisées sur tout le territoire (ex : inventaires des zones humides...)

- Certaines activités humaines peuvent exercer des pressions diverses sur les habitats et espèces patrimoniales

Opportunités

- Politiques menées aux échelles départementales et régionales : ENS, SCAP, SRCE, RNR - Pressions humaines pouvant être « facilement » diminuées : amélioration de la

connaissance, suivis, conseil, gestion, conservation, coordination, réseaux... - Arrivée du PNR et gestion ou harmoisation de la gestion de sites (N2000…)

Menaces

- Manque de connaissance des habitats et de certains groupes faunistiques = non prise en compte dans les projets d’aménagement ou de gestion des milieux

- Ecosystèmes directement dépendant des activités humaines : travailler à leur préservation implique de les consolider : agro-pastoralisme, exploitation forestière

- Ecosystèmes et espèces d’altitude exposés au changement climatique (tourbières, espèces circumboréales...)

- Vives inquiétudes exprimées par le monde agricole, vis-à-vis de certaines espèces considérées en développement : Loup, Campagnol terrestre, Cerf élaphe

En gras : éléments mis en exergue dans le « diagnostic citoyen »

Principaux enjeux identifiés Maintenir une activité agro-sylvo-pastorale extensive Maîtriser l’exploitation des ressources naturelles et ses incidences sur les milieux Améliorer la connaissance des milieux, de la ressource ; diffuser la connaissance Protéger et mettre en valeur les espèces et les milieux naturels spécifiques de l’Aubrac Maintenir une bonne qualité des eaux superficielles et souterraines Préserver les milieux aquatiques et les zones humides Coordonner les actions des structures impliquées dans la connaissance et la gestion des espaces naturels Conserver et restaurer les continuités écologiques (cours d’eau…) Sensibiliser et éduquer le public Instaurer le dialogue et la concertation entre usagers Accompagner les changements climatiques

En gras : enjeux prioritaires retenus par les acteurs locaux

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124 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

A. La culture : éléments de cadrage

La culture est envisagée ici dans son acception élargie, à travers une vision globale des activités, devenant à ce titre, fondamentale dans la construction du futur Parc naturel régional de l’Aubrac.

En cela, il s’agit de bien différencier cette signification générale, des différents domaines des arts (cinéma, arts plastiques, musique, danse…) qui sont abordés dans une partie distincte28.

La culture pour l’UNESCO : texte « fondateur » et définitions

« La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances »29.

Cette définition peut être complétée par la description issue d’un texte intitulé « Le pouvoir de la culture pour le développement » :

« La culture est, dans toutes ses dimensions, une composante essentielle du développement durable. En tant que domaine d’activité, elle contribue puissamment – par le biais du patrimoine matériel et immatériel, des industries créatives et des divers moyens d’expression artistique – au développement économique, à la stabilité sociale et à la protection de l’environnement. En tant que dépositaire du savoir, des significations et des valeurs qui imprègnent tous les aspects de notre vie, la culture détermine aussi la façon de vivre des êtres humains et les relations qu’ils ont les uns avec les autres aux niveaux local et mondial (…). »30.

La culture dans les Parcs naturels régionaux

L’étude intitulée « La culture dans les parcs naturels régionaux, abandon ou renouveau ? », publiée en 2010, apporte des éclairages sur la place de la culture dans les projets de ces territoires. Plusieurs éléments paraissent essentiels dans la construction d’une politique culturelle :

- le lancement d’un diagnostic culturel approfondi, soutenu politiquement par les élus pour mettre en place une véritable stratégie culturelle territoriale.

- la prise en compte prospective de la culture et son rôle de moteur dans le développement territorial.

- la mise en place d’un Agenda 21 de la culture, comme une suite logique de la reconnaissance de la Charte du Parc, en tant qu'Agenda 21 local.

- Dans cette perspective, la culture représente « le 4ème pilier du développement durable ». La démarche d’Agenda 21 de la culture doit favoriser la diversité culturelle, la transversalité et la co-construction avec la société civile, pour créer une vision à long terme de la culture sur le territoire concerné.

28 Voir partie « La vie culturelle et artistique ». 29 Source : « Déclaration de Mexico » - Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City (1982). 30 UNESCO - Septembre 2010.

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125 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

B. L’identité culturelle du territoire

Propos introductifs

L’objectif de ce chapitre est de produire une réflexion sur la notion d’« identité culturelle de l’Aubrac ». Cela semble d’autant plus important que le « substrat culturel » est très fort sur le territoire de projet.

a. Définition de l’identité culturelle

L’identité culturelle d’un groupe humain correspond à son sentiment d’appartenance, à son rattachement à une tradition et à un patrimoine humain, constitué d’une mémoire collective, de croyances, de coutumes, de manières de penser, de travailler, de vivre, de créer. Cela est aussi désigné par la notion de « patrimoine culturel immatériel »31. Préserver, retrouver, voire créer une identité culturelle semble bien être une préoccupation majeure aujourd’hui.

b. Une méthode d’identification en 3 temps

1. Une identification des périodes historiques les plus marquantes et les témoins qu’elles ont laissés : pour saisir la valeur du patrimoine, sa typicité, qui mettent en exergue les formes d’expressions culturelles partagées.

2. Une identification des thèmes, éléments du paysage, activités humaines, problématiques qui fondent l'identité et font la spécificité du territoire.

3. Une identification des formes de créations culturelles et artistiques de ce territoire dans tous les domaines, ainsi que les lieux auxquels ces créations sont éventuellement rattachées

Vers une première identification de l’identité culturelle de l’Aubrac

a. Les périodes historiques « clés »

Les principales périodes historiques qui trouvent une traduction dans l’offre culturelle actuelle sont les suivantes :

- L’Antiquité, - La période médiévale avec la domerie d’Aubrac, - Du 19ème siècle à l’exode du 20ème, - La période contemporaine, le renouveau des années 70 à aujourd’hui.

b. Les marqueurs identitaires majeurs

L'Aubrac bénéficie d'une identité culturelle forte et d’un imaginaire fort, envisagé comme un territoire préservé et à préserver. « Il y règne ou y règnerait » une réelle harmonie entre les différentes activités humaines (notamment l’agriculture) et les paysages. Parmi les marqueurs identitaires et références récurrentes qui fondent l'Aubrac, on peut retenir :

- Les paysages amples du plateau d’estive - Les spécialités gastronomiques, - Les transhumances et es éléments architecturaux qui y sont liés, - La flore et la faune préservées, - La randonnée, le Chemin de Saint-Jacques de Compostelle, - Les édifices religieux et la spiritualité, - L’artisanat, l’agro-pastoralisme et les « savoir-faire », - Les traditions, musiques et danses, et l’occitan, - Le thermalisme.

31 Voir partie « Les savoir-faire et le patrimoine immatériel ».

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126 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

L’Aubrac et ses symboles

Comparé à d’autres territoires, l’Aubrac et son identité culturelle forte sont intimement liés. Cette identité se décline par des symboles forts qui oscillent entre tradition et vision contemporaine :

- Paysages : faune, flore, randonnée… - Gastronomie : aligot, fromage de Laguiole, thé d’Aubrac… - Terroir et traditions : race Aubrac, artisanat (couteau de Laguiole), danses et musiques...

Une première approche des éléments fédérateurs pourrait servir de socle à un projet culturel :

1. la transhumance, l’itinérance, les échanges entre vallées/estives, entre zones basses/zones hautes, économie et culture, agriculture et culture…

2. l’aligot qui symbolise l’alliance de plusieurs éléments, la complémentarité, la coopération. 3. une approche esthétique à privilégier, au regard du pouvoir d’évocation des paysages

emblématiques évoqué ci-dessus.

C. Le patrimoine bâti et historique

Les inventaires : un territoire peu couvert

Le territoire de projet est peu couvert par des inventaires. Certaines thématiques ont cependant été prises en compte : c’est le cas du patrimoine industriel en Lozère32 et des jardins remarquables dans le Cantal et en Aveyron. Les Monuments Historiques classés ou inscrits et les Antiquités et Objets d’Art sont connus et décrits pour l’ensemble du territoire33.

Dans les régions et départements d’appartenance du territoire, quelques travaux ont également abouti à la production de documentations sur des objets ou des monuments, notamment en Auvergne. Pour Midi-Pyrénées, des dossiers ont été rédigés pour quelques monuments ou objets ne bénéficiant pas de protection, mais en Aveyron également, peu d’interventions ont été faites sur le territoire. Côté Lozère, l’inventaire du patrimoine immobilier se fait à l’échelle cantonale et pour l’instant l’Aubrac n’est que très partiellement concerné34.

Des patrimoines issus d’une trajectoire historique spécifique

De nombreux éléments du patrimoine bâti sont issus d’une trajectoire historique bien particulière. Ainsi, l’identité forte de l’Aubrac trouve son fondement dans l’agro-pastoralisme, une activité qui s’est développée au fil des siècles et se révèle de manière prégnante dans les paysages, les patrimoines matériels et immatériels. Autre caractéristique, le fait qu’il interagit fortement avec le patrimoine naturel ainsi qu’avec les savoir-faire. Enfin, l’Aubrac, très tôt marqué par les déplacements et les cheminements de toutes sortes, présente des patrimoines ponctuels et linéaires complémentaires, voire maillés (les drailles et les burons, la domerie, ses possessions et les chemins de pèlerinage, la voie romaine et ses « stations »…). Il faut aussi ajouter, en lien avec les caractéristiques d’un terroir « organisé » entre zones d’altitude et zones basses ou de vallées, la coexistence entre un habitat permanent et un habitat temporaire.

32 Et de la sculpture monumentale de la IIIe République (enquête thématique régionale). 33 Sauf sur le canton de Nasbinals pour les AOA 34 Par les inventaires topographiques réalisés sur les cantons du Malzieu et de La Canourgue.

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127 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Le patrimoine protégé : monuments et sites, biens naturels et culturels, antiquités et objets d’art

a. Peu de sites classés et inscrits

Le territoire abrite peu de sites protégés au titre de la loi de 193035 : 3 sites classés et 15 sites inscrits. Ils sont présents sur les territoires lozérien et aveyronnais ; il n’existe aucun site sur la partie cantalienne du périmètre. 14 communes sont concernées par la présence d’un site sur leur territoire. Il y en a 3 sur la commune d’Espalion et 2 sur les communes d’Entraygues-sur-Truyère et Nasbinals. Parmi les sites classés, sont présents 2 châteaux et un site naturel. La nature des sites protégés fait apparaître un relatif équilibre entre le nombre de sites naturels « purs » et le nombre d’édifices avec leur site environnant (voir annexe 10 : Liste des sites classés et inscrits et carte « Les sites classés et inscrits »).

b. Des monuments historiques, reflet de la richesse historique du territoire

Les monuments historiques protégés au titre de la loi de 191336 sont plus nombreux sur le territoire que les sites : 25 monuments sont classés et 47 sont inscrits (voir annexe 11 : Liste des monuments historiques classés et inscrits). Ils appartiennent à 5 grandes catégories d’édifices ou de vestiges, présentées ci-après.

Monuments classés

Monuments inscrits

Nombre de communes concernées 19 25 Vestiges gallo-romains - 2

Églises, chapelles, dépendances d’abbayes 13 25 Édifices « urbains » 3 4

Châteaux 5 9 Éléments du petit patrimoine vernaculaire 4 8

Environ un quart des communes du périmètre d’étude abrite un monument protégé. Espalion et Saint Geniez d’Olt en détiennent chacune 7, puis viennent Estaing avec 6, Laguiole avec 5 et Chaudes-Aigues avec 4. Les édifices qui font l’objet d’une protection sont majoritairement des édifices religieux.

c. Les antiquités et objets d’art : un patrimoine important mais méconnu

À l’issue de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 dite de séparation des Églises et de l’État, la mission de « conservateur départemental des antiquités et objets d’art » (CAOA) a été créée pour assurer « la gestion des conséquences » de cette loi « sur le patrimoine mobilier du culte catholique ». Les « antiquités et objets d’art » peuvent ainsi être protégés au même titre que les monuments historiques37.

35 Loi du 2 mai 1930 sur les monuments naturels et les sites 36 Loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques 37 Source : site de l’Association CAOA (http://www.caoa.fr)

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128 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Sur ce territoire, ils sont très majoritairement issus du mobilier religieux. Les conservateurs s’attachent à les inventorier, à proposer la protection si nécessaire, à en assurer la conservation, à procéder à leur mise en sécurité puis à les valoriser (voir illustration ci-contre). Parallèlement, ils sensibilisent les élus ruraux à l’intérêt de ces démarches.

Ce patrimoine mobilier est important en nombre d’objets protégés et se caractérise par une grande variété d’objets : une trentaine de catégories repérées dans les inventaires fournis par les conservateurs. Enfin, ce ne sont pas moins de 61 communes du territoire qui abritent des objets inscrits ou classés. Un important travail est réalisé mais le porter à connaissance paraît faible. Ce riche patrimoine mobilier bénéficiant d’une protection semble méconnu alors qu’il paraît très complémentaire du patrimoine immobilier certainement plus valorisé et reconnu.

d. Le Chemin de Saint Jacques de Compostelle

Les reconnaissances UNESCO et Conseil de l’Europe « Le patrimoine mondial » est une initiative issue d’une volonté des nations membres de l’UNESCO de « créer un mouvement mondial visant à protéger des monuments ou des sites dans les pays du monde ». Cette notion « correspond à un héritage reçu qu’il convient de préserver et transmettre ».

En 1998, « Les Chemins de Saint Jacques de Compostelle en France » sont inscrits par l’UNESCO sur la Liste du patrimoine mondial, au titre d’un bien culturel : composé de 64 monuments individuels notables, de 7 ensembles et de 7 sections de sentier particulièrement distingués.

Sur le territoire de projet, les biens inscrits sont les suivants : - 3 monuments :

o pont Vieux à Espalion, o pont sur le Lot à Estaing, o pont dit « des pèlerins » sur la Boralde, à Saint

Chély d’Aubrac ; - 2 sections de sentier :

o de Nasbinals à Saint Chély d’Aubrac (17 km), o de Saint Côme d’Olt à Estaing (17 km, pour partie sur le périmètre élargi).

L’Association de Coopération Interrégionale « Les chemins de Saint Jacques de Compostelle » (ACIR Compostelle), animatrice du réseau du bien culturel interrégional, rappelle que « cette inscription prend la forme d'une sélection limitative d'éléments illustratifs et jugés exceptionnels de ce qu'était la route des pèlerins médiévaux ». Un site inscrit tel que ceux qui sont présents sur le territoire de projet « témoigne d'un fait culturel à portée universelle » et à ce titre, il engage la responsabilité des acteurs et décideurs locaux.

Quelques années avant l’UNESCO (en 1987), le Conseil de l’Europe les a également reconnus et classés « Itinéraire culturel européen »38.

38 « Le programme des Itinéraires culturels du Conseil de l’Europe est un instrument de lisibilité des valeurs européennes. Il participe à la construction européenne en s’appuyant sur le patrimoine de l’Europe, dans toutes ses dimensions ».

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129 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Une notoriété importante, une fréquentation touristique significative et des actions de préservation/valorisation engagées

L’itinéraire qui traverse le territoire est la « Via Podiensis » ou voie du Puy en Velay, « l'itinéraire français le plus connu, médiatisé et fréquenté ». Il est communément annoncé entre 15 et 20 000 personnes par an sur ce chemin. C’est donc « un axe de développement économique important. Son attractivité réside dans la notoriété et la

forte attractivité de grands sites patrimoniaux bâtis, comme dans la photogénie de ses hauts lieux naturels comme l'Aubrac. Cette infrastructure touristique est aussi une infrastructure patrimoniale. Ces anciennes voies de pèlerinage sont en effet le cadre d'une pratique de l'itinérance douce. Elles accueillent une variété de publics internationaux aux motivations sportive, culturelle, religieuse ou spirituelle. Localement, des initiatives de valorisation sont déjà menées depuis plusieurs années :

- Le développement du GR65, itinéraire de grande randonnée (non motorisée) décrit et balisé par la Fédération Française de la Randonnée depuis plus de 30 ans, en partenariat avec les acteurs locaux, les instances départementales et régionales.

- Le Pôle d’Excellence Rurale « Valorisation du chemin de Saint Jacques de Compostelle - GR65 d’Aubrac à Conques » porté conjointement par le Pays Haut Rouergue et le Conseil départemental de l’Aveyron, en partenariat avec l’association interdépartementale « Sur les Pas de Saint Jacques ». Labellisé en 2011, sa finalité est d’« accroître la capacité économique du territoire en valorisant le patrimoine, les loisirs sportifs et culturels » ; ses principaux axes de travail concernent la mise en sécurité et la restructuration du parcours, l’interprétation des biens UNESCO et des villages étapes, la réalisation d’aménagements pour le « bien-être » du cheminant et l’amélioration des hébergements d’étape.

- L’initiative interrégionale de mise en accessibilité aux malvoyants portée par Braille et Culture et les Pays Haut Rouergue et Gévaudan Lozère.

Enfin, il faut souligner le rôle de l'ACIR Compostelle, une réunion de collectivités, parmi lesquelles figurent les Conseils Régionaux Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, des communes et communautés des communes et des associations qui développent des actions sur les territoires. Ses missions s'exercent dans les domaines de la formation, de l'information des publics, du conseil aux porteurs de projets, de l'animation culturelle, de l'édition.

Les partenaires et acteurs qui ont participé aux travaux d’élaboration du diagnostic ont mis en évidence l’importance de l’axe structurant que représente cette voie pour le territoire de projet, non sans souligner également les risques de surfréquentation et de « mercantilisme », l’impact potentiel sur les sites et milieux traversés, fragiles

(notamment les estives), le déficit d’information et de sensibilisation des cheminants, la multiplication des panneaux d’information/interprétation, le manque de coordination entre les différents acteurs concernés sur l’ensemble de l’itinéraire du Puy à Conques.

e. Des mesures de protection absentes du territoire

Aucune ZPPAUP/AVAP39 (mesure de protection qui se substitue dorénavant à la première) n’est présente sur le territoire. Toutefois, à Saint Chély d’Apcher (sur le périmètre élargi), un Périmètre de Protection Modifié (PPM) existe depuis 2005. Cette démarche permet la définition d’un périmètre spécifique40, circonscrit aux secteurs les plus importants à préserver autour d’un monument classé.

39 Zone de Protection du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager/Aire de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine. Source : CEREMA (08/2014). 40 Autour d’un monument classé ou inscrit, agrandi ou diminué par rapport à l’ancien périmètre de 500 m. Source : Ministère de la Culture (08/2014).

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130 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

f. Une faible représentation des labels du patrimoine

3 villages du territoire, tous situés dans la vallée aveyronnaise du Lot bénéficient du label « Plus beaux villages de France » : Sainte Eulalie d’Olt, Saint Côme d’Olt et Estaing. Chaudes-Aigues pour sa part, appartient au réseau « Route des villes d’eau du Massif central » dont la vocation est la valorisation thermale et touristique, mais le réseau met également en évidence le patrimoine thermal de chaque ville d’eau en diffusant un inventaire pour chacune d’entre elles.

Il n’existe pas de « Villes et Pays d’art et d’Histoire » sur le territoire. Toutefois figurent à proximité ceux de Saint Flour, de Mende, de Millau et des Bastides en Rouergue. Quant aux « Grands Sites de France », les plus proches sont ceux du Puy Mary et des Gorges du Tarn.

Ces réseaux qu’ils soient représentés ou uniquement présents à proximité du territoire d’étude, sont cités car ils constituent des partenaires potentiels, de proximité, avec lesquels il pourrait être judicieux de collaborer sur certaines thématiques, de l’avis des partenaires ayant participé aux travaux du diagnostic.

g. Bilan, perspectives

Le bilan concernant le patrimoine protégé fait ressortir d’abord des thématiques fortes : le patrimoine religieux qui révèle l’influence des établissements religieux dans la construction du territoire, le patrimoine vernaculaire, le patrimoine défensif et les vestiges antiques.

Une question se pose quant au devenir des sites inscrits (future loi « Biodiversité » encore à l’étude) et donc pour la quinzaine de sites présents en Aubrac.

Pour ce qui est du patrimoine jacquaire qui bénéficie d’une forte valorisation touristique, c’est d’abord dans le domaine de la connaissance que des manques sont constatés : un manque de connaissance et surtout une diffusion insuffisante de cette connaissance. La valorisation patrimoniale et plus largement culturelle destinée aux différents publics (habitants, visiteurs-excursionnistes, touristes-randonneurs-pèlerins-cheminants) semble manquer : pour favoriser un « rayonnement » territorial du chemin et des patrimoines associés. Par ailleurs, des engagements doivent être pris en matière de gestion des biens classés UNESCO : la particularité du bien « Chemins de Saint Jacques », un bien « composite », suscite encore plus un besoin de gestion concertée, en lien avec les propriétaires et les instances concernées (UNESCO, services de l’État, ACIR et partenaires locaux).

L’implication du futur Parc aux côtés des acteurs déjà engagés doit être étudiée pour coordonner à l’échelle territoriale la préservation, la gestion et la valorisation du patrimoine jacquaire mais également identifier les bonnes échelles de travail avec les réseaux hors territoire.

Le patrimoine bâti vernaculaire

Les définitions concernant le qualificatif de « vernaculaire » s’accordent sur la signification suivante : « propre à un pays ou à sa population, ses habitants ». Son origine provient du latin « vernaculus » qui signifie « indigène, domestique ».

Cette partie va donc s’attacher à mettre en évidence les éléments constitutifs de ce patrimoine hautement identitaire sur l’Aubrac : le patrimoine agro-pastoral, le bâti traditionnel des communautés et le petit patrimoine rural.

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Diagnostic territorial

a. Le patrimoine agro-pastoral

L’agropastoralisme est un marqueur fort du patrimoine culturel de l’Aubrac : tout à la fois une activité économique basée sur la valorisation de ressources naturelles par les habitants depuis de nombreuses générations et un patrimoine immatériel qui trouve sa traduction dans les savoir-faire actuels et les témoins matériels tangibles, parfois revalorisés, parfois en déshérence.

L’Aubrac, avec des spécificités, partage sa vocation agro-pastorale avec d’autres territoires du Massif central, dont certains bénéficient d’une reconnaissance pour leurs paysages agro-pastoraux. C’est donc chez eux que l’on peut puiser une définition de l’agro-pastoralisme qui confirme l’appartenance du territoire à la famille des « terroirs » issus de ces pratiques et de cette culture : « L’agropastoralisme est un mode d’exploitation du milieu, pratiqué par des populations vivant sur les parcours et gérant des troupeaux d'herbivores domestiques, utilisant la végétation naturelle plus ou moins associée à d'autres ressources alimentaires. Ces activités produisent des paysages générés à la fois par la nature et les sociétés humaines »41.

Les burons

La richesse de ce patrimoine et la reconnaissance dont il est l’objet ici et ailleurs, ont favorisé des recherches et des travaux qui ont produit une littérature abondante au fil des années. La référence historique dans cette thématique est la « RCP Aubrac ». En 2013, l’Association d’émergence a souhaité faire une synthèse de la connaissance sur les burons ; un mémoire de fin d’études universitaires42 a permis d’y contribuer de manière significative.

1) Vocabulaire et définition Avant d’entamer la présentation de ce patrimoine, un point de vocabulaire s’impose :

- « montagnes » : au pluriel, dénomination locale des pâturages d’estive ; - « trap » : nom des poutres qui soutenaient la couverture des cabanes43, terme le plus usité à

l’époque médiévale ; - « mazuc » issu du latin « mansus », désigne l’habitat d’estive, l’équivalent en français de

« buron » ; - « buron » : nom qui apparaît dans le Cantal au début du 17ème siècle ; d’origine normande et

germanique, « bur » qui signifierait « cabane » ou « habitation »44.

La définition du buron la plus communément admise, tous auteurs confondus, est la suivante : « un habitat saisonnier construit sur chaque montagne de traite pour le logement du personnel de l’estive et pour la fabrication du fromage ».

41 Source : Entente Interdépartementale des Causses et des Cévennes (créée en 2012 par les 4 départements concernés par l’inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO). 42 PRINTINHAC Elodie ; (2013), « Le patrimoine agro-pastoral identitaire, au cœur du projet de Parc naturel régional de l’Aubrac », mémoire de Master 2 « Développement durable et aménagement ». 43 Source : Collectif (sous la direction de Laurent FAU) ; (2006), Les Monts d’Aubrac au Moyen-Âge, Genèse d’un monde agropastoral, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme 44 Sources : idem note précédente et plaquette d’une exposition réalisée par l’Association de la vallée de la Petite Rhue (Cantal) et intitulée « Les burons, mémoire des hommes ».

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Diagnostic territorial

2) Le territoire des burons On estime le nombre de burons à 300. Ce nombre est correlé au nombre de montagnes, en sachant qu’elles n’avaient pas toutes une vocation laitière et fromagère et qu’à la périphérie du plateau, certaines montagnes ne disposaient pas d’un buron.

Aujourd’hui, 27 communes du périmètre de projet « hébergent » des burons : 13 en Aveyron, 2 dans le Cantal et 12 en Lozère. Ce sont les communes de Saint Urcize, Nasbinals et Marchastel qui en possèdent le plus grand nombre. Plus, on va vers la périphérie du territoire, moins il y a de burons. Ce phénomène est particulièrement marqué en Lozère, avec une très forte concentration sur les communes du haut plateau (voir annexe 12 : Nombre total de burons par commune).

3) Un bâti spécifique aux montagnes d’estive : origines, histoire et caractéristiques révélatrices de l’usage traditionnel

Une architecture sous influence cantalienne et une adaptation assurée par la domerie d’Aubrac

L’origine lointaine des burons est à rechercher au milieu du 13ème siècle, dans les « cabanas » dédiées d’abord à l’abri du bétail puis à la fabrication de fromages de brebis, les premiers troupeaux présents sur les pâturages d’Aubrac étant des ovins.

La fin de l’époque médiévale marque les véritables débuts de l’habitat d’estive sur les « montagnes » d’Aubrac, dévolues aux bovins (pour l’embouche) sur le haut plateau et aux ovins, sur les bordures. Les premiers témoins d’« un habitat temporaire fixe » sur le plateau d’Aubrac, datent de la fin du 14ème siècle. Ils portent le nom de « mazuc », sont « aménagés dans le sol et recouverts de matériaux végétaux ». Dans le courant du 15ème siècle, l’activité fromagère (à partir du lait de vache) se développe et engendre des évolutions du « mazuc ». Le terme de « cantalès » apparaît, signe « de l’apport des techniques cantaliennes sur l’Aubrac ». Du 16ème au 18ème siècle, les burons « en mottes » ou « emmottés », se généralisent. À partir du 18ème siècle, les burons passent « de la terre à la pierre » ; sur les montagnes des religieux d’Aubrac, dès le 17ème, les premiers burons en pierre apparaissent. L’adoption de l’appellation « buron », l’architecture plus structurée et la mise en place d’une « industrie fromagère » signent l’influence du Cantal sur les « montagnes » d’Aubrac et une adaptation assurée par les moines de la domerie. Les 2 « architectures » (en « mottes » et en pierre) vont cohabiter durant une longue période : au début du 19ème siècle, les burons « emmottés » sont toujours présents tandis que l’architecture du « véritable buron moderne » est déjà fixée. « Le plus ancien buron conservé en Aubrac (…) daté de 1803 »45, le buron du Cher (voir illustrations ci-dessous46) situé sur la commune de Saint Urcize, est représentatif des particularités de l’architecture des premiers burons en pierre : un buron issu du buron en mottes mais déjà une construction.

L’apogée des burons et de l’économie pastorale basée sur la fabrication du fromage en estive se situe à la fin du 19ème siècle. À cette période, les statistiques de la Société Centrale d’Agriculture mettent en

45 Source : Collectif (sous la direction de Laurent FAU) ; (2006), Les Monts d’Aubrac au Moyen-Âge, Genèse d’un monde agropastoral, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme. 46 Source : BRUN Caroline et CARTAYRADE Christophe ; (1988), A la découverte des burons d’Aubrac, Toulouse, École d’architecture.

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Diagnostic territorial

évidence le dynamisme de cette économie : « 300 montagnes à buron » reçoivent en estive « 14 000 vaches laitières », emploient « 1100 saisonniers », produisent « 900 tonnes de fromage de Laguiole et 47 tonnes de beurre ».

Les grandes caractéristiques architecturales du buron « moderne » Figurent dans le tableau ci-après, les éléments essentiels permettant de caractériser l’implantation, l’architecture et l’aménagement des burons d’Aubrac :

Implantation géographique Architecture Aménagement intérieur et dépendances

Adossé à une butte dans laquelle il s’enfonce pour que la cave soit enterrée et donc fraîche Cave orientée au nord ou au nord-est Sur terrain plat, adossé à un talus ou plantation d’arbres Une des extrémités ou la façade postérieure dans le « terrier » A proximité d’un point d’eau, entre 10 et 200 mètres

Buron : bâtiment principal pour le logement du personnel d’estive et la fabrication du fromage et par extension, l’ensemble des bâtiments construits sur la montagne Dessiné selon un plan rectangulaire Murs en basalte ou granit avec des pierres d’appareil en granit pour les angles, les ouvertures et la cheminée Murs de 60 à 80 cm d’épaisseur, parfois davantage Linteau de la porte d’entrée qui porte souvent la date de construction Toitures en lauzes de schiste ou d’ardoises, à 2 ou 3 pentes, rarement 4 Portes pleines faites de planches horizontales à l’extérieur fixées avec des clous forgés sur des planches verticales à l’intérieur

Le buron Une grande salle commune avec cheminée, dédiée à la fabrication du fromage et aux repas Une cave pour le fromage, souvent voûtée et communiquant directement avec la salle commune Un grenier à l’étage, sur toute la longueur du bâtiment servant de chambre à coucher et de réserve de foin, accessible par une porte en pignon La porcherie Selon un plan rectangulaire, murs en moellons de basalte, les encadrements des ouvertures et les auges en granit appareillé, sans fenêtre, toit à 2, 3 ou 4 pentes L’étable Petit local parfois aménagé dans les dépendances des grands burons Le jardin Potager clos par un muret de pierres sèches, généralement devant le buron

Tableau 14 : Implantation, architecture et aménagement des burons de l’Aubrac

La typologie des burons repose également sur 3 grands critères : le secteur géographique, le mode et le lieu d’implantation et l’architecture. Ces critères ont permis de définir 3 grands secteurs sur le territoire : au nord-ouest, au sud-est et au centre du plateau d’estive (voir annexe 13 : Typologie des burons).

Comme il est indiqué ci-dessus, des critères typologiques ont pu être établis dans l’espace mais également dans le temps. En effet, des travaux de recherche et d’archéologie47 montrent que le « buron moderne » est le fruit de métamorphoses successives et d’une complexification architecturale.

Enfin, il semble important de signaler que sur le territoire des burons, d’autres bâtis à vocation pastorale existent et méritent une attention particulière. Il s’agit d’abord des fermes d’altitude qui émaillent le haut plateau mais ont été partiellement abandonnées dans le courant du 20ème siècle.

47 Coordonnés par Laurent FAU. Source : Collectif ; (2006), Les Monts d’Aubrac au Moyen-Âge, Genèse d’un monde agropastoral, Paris, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme.

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Diagnostic territorial

D’anciennes maisons subsistent telle celle des Rajas (aujourd’hui un refuge), au pied du Signal de Mailhebiau. Diverses « cabanes » sont également présentes sur les montagnes d’estive.

Un bâti partiellement en danger

En 2013, on dénombrait 269 burons grâce à la bibliographie, à des enquêtes de terrain et auprès d’experts : 116 en Aveyron, 36 dans le Cantal et 117 en Lozère. Il faut ajouter 40 burons « incertains »48 qui devront faire l’objet de recherches complémentaires.

Sur ce territoire, les burons se répartissent selon un axe nord-ouest/sud-est qui suit peu ou prou celui des éruptions volcaniques. D’ailleurs, le matériau utilisé pour leur construction est majoritairement du basalte et dans une moindre mesure du granite. La plupart se situe à une altitude supérieure à 1000 mètres, la majorité entre 1100 et 1450 mètres.

Afin d’estimer l’état du bâti, les travaux de recensement ont défini 5 niveaux de qualification et le nombre de burons par niveaux :

État 1 : bon État 2 : moyen État 3 : mauvais État 4 : ruine État 5 : disparu49

103 burons 34 burons 21 burons 110 burons 1 buron

Ainsi, une bonne centaine est considérée en « bon état », 55 sont fragilisés ; quant reste, il correspond à des burons en ruines ou disparus.

La perte d’usage et l’évolution des pratiques agro-pastorales ont été préjudiciables à la pérennité de ce patrimoine bâti spécifique. Son histoire récente fait surgir la menace de la disparition de ce patrimoine, fortement mise en avant lors des ateliers participatifs.

La dégradation de l’état des burons « fragilisés » est accentuée certes par l’abandon mais aussi par la ressource qu’ils représentent : les lauzes ôtées des toitures précipitent leur fin. Enfin, la localisation des burons selon leur état (Carte « Les burons de l’Aubrac ») apporte un complément d’information : les ruines sont hélas partout présentes mais sont plus denses à l’est, à la périphérie du haut plateau en Lozère où elles semblent seules à subsister ; dans la partie nord, burons en bon état et burons ruinés voisinent à part

presque égale.

Les burons sont presque exclusivement privés. Parmi les burons recensés, seule une dizaine appartient à une commune ou à un établissement public.

4) Les usages d’aujourd’hui Des initiatives récentes, individuelles ou collectives, ont permis de sauvegarder et valoriser ce patrimoine, de pérenniser et renouveler leur usage. Tout d’abord, il faut rappeler qu’au regard du grand nombre de burons, un faible nombre est ouvert au public.

48 10 en Aveyron, 9 dans le Cantal et 21 en Lozère. Buron ou autre bâti, ruines sur la carte, géolocalisation incertaine, pas d’information issue des enquêtes. 49 Burons sur les communes de Nasbinals, Marchastel et Saint Urcize (Photos : E. Printinhac, RP).

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Diagnostic territorial

Quelques burons ouverts au public :

Les activités qui permettent l’accueil du public dans un buron concernent principalement :

- la restauration (4), - l’hébergement de type gîte rural, gîte d’étape, refuge (6), - l’animation locale avec des visites, des repas (2), - la fabrication de fromages (1), - la traite, la fabrication du fromage (tome et fourme) et la confection d‘aligot (1).

Les premières initiatives datent des années 80 et la plus récente est la réouverture d’un buron pour y pratiquer l’activité traditionnelle de traite et de fabrication de fromage à la « montagne » : le buron de Camejane (voir illustrations ci-après). Elles sont le fait de quelques propriétaires privés et de municipalités. L’intérêt de ces démarches réside dans un certain respect du bâti, une préservation assurée grâce à la revalorisation ou la reconversion du bâti et une communication active auprès des visiteurs, sur ce patrimoine identitaire commun. Cela contribue aussi à une dynamique économique et touristique pour le territoire, dans un domaine qui a du sens (exemple du buron du Pas de Mathieu sur la commune de Saint Urcize, gîte/refuge de pleine nature, géré par le ski-club local - voir photo ci-après à droite).

Parmi les initiatives récentes, certaines n’ont pu se pérenniser, d’autres en sont restées au stade du projet. Il s’agissait d’activités de restauration, de traite et fabrication traditionnelle de fromage et d’animation pour des visites pédagogiques. Dans les raisons qui ont provoqué l’arrêt de l’activité, se trouvent la difficulté de pérenniser les pratiques traditionnelles (traite et fabrication du fromage) à la montagne (conditions de travail et personnel à trouver ou conserver) et la difficulté de changer l’affectation de la montagne entre élevage allaitant et élevage laitier.

Des initiatives en faveur de la rénovation du patrimoine :

En matière de rénovation, doivent être citées les initiatives privées, individuelles qu’il n’a pas été possible de repérer dans leur intégralité. Elles font écho à une prise de conscience de certains propriétaires convaincus de détenir un bâti emblématique et déterminés à en assurer la pérennité. Ils ont, pour certains, pu bénéficier d’un soutien financier des Conseils départementaux (qui disposaient déjà dans les années 90 d’une ligne financière dédiée à la restauration des burons, aujourd’hui disparue).

Par ailleurs, il faut citer l’initiative très particulière de la Fraternité de Jérusalem et de l’Association des Amis de Notre Dame d’Aubrac. Dans les années 90, des « sœurs » de la Fraternité ont choisi de venir en Aubrac pour une retraite « estivale » dans un buron prêté par son propriétaire. Cette expérience ponctuelle s’est transformée en un projet plus large : des moines et moniales en séjour pour quelques semaines dans une vingtaine de burons loués à l’association

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Diagnostic territorial

par leur propriétaire via un prêt à usage ; la contrepartie de cette location réside dans la prise en charge de travaux de rénovation et d’entretien des burons. Cette démarche désintéressée a suscité une réponse plutôt favorable de la part des propriétaires et a permis en l’espace de 20 ans, de préserver tout ou partie de burons qui présentaient des « fragilités ». Parallèlement, l’occupation saisonnière annuelle assure un entretien qui peut faire défaut pour des bâtiments éloignés et aujourd’hui privés d’usage.

Cahiers de recommandations et doctrines départementales :

Dans les 3 départements d’appartenance du territoire d’étude, des documents ont été élaborés pour favoriser la restauration ou la réhabilitation des burons : des cahiers de recommandations et des doctrines départementales.

En Lozère, un cahier de recommandations a été élaboré en 199650 : « Restaurer ou aménager un buron sur les montagnes d’Aubrac » ; sous forme de fiches techniques, il avait pour objectif de fixer un cadre pour les projets de restauration. Dans le Cantal, ce sont successivement un « Guide de restauration des burons du Cantal »51 en juin 2006, puis une doctrine départementale52 qui ont été produits. Enfin, en 2011, une doctrine départementale a été définie en Aveyron pour permettre, comme dans le Cantal, de protéger et mettre en valeur ce patrimoine, mais aussi pour concilier développement et « préservation du bâti à l’identique », dans le respect de sa vocation et de son usage saisonnier.

5) Les burons, carrefour des patrimoines matériels et immatériels Les hommes du buron : une mémoire encore vivante

La mémoire vivante de la vie au buron se traduit aujourd’hui de plusieurs façons. Des ouvrages de nature très variée (romans, collecte de témoignages, études diverses dont celle du CNRS…), rendent compte de ces modes de vie, de travail des hommes du buron (âpres et difficiles) et ont permis de collecter une partie de cette mémoire. Une « Association des Buronniers de l’Aubrac » a également vu le jour en 1999, sous l’égide d’un des derniers buronniers. Elle leur permet de se retrouver tous les ans lors de la traditionnelle « fête des buronniers » du 3 octobre à Aubrac (date symbolique de la grande foire d’Aubrac). Au fil des années, l’Association perd ses membres et n’a pas d’autre vocation que de les rassembler pour partager un moment de convivialité et des souvenirs communs. Par son histoire et son expérience personnelles d’abord, sa passion ensuite et sa connaissance tangible de ce patrimoine, transparaît un souhait de transmettre. Il montre également que cette mémoire est encore bien vivante… mais pour combien de temps encore ? L’impérieuse nécessité de la collecter, de la conserver et de la valoriser, sans passéisme et nostalgie, transparaît de ses propos et aussi de celles des nombreux auteurs qui ont déjà collecté des informations précieuses sur les burons et les buronniers.

Le matériel du buron, entre mémoire préservée et relatif abandon ?

Le matériel du buron a fait l’objet d’inventaires précis53, tout comme le procédé de fabrication du fromage. Il représente un autre pan de la richesse du patrimoine agro-pastoral à mi-chemin entre matériel et immatériel. La situation actuelle est assez contrastée quand il s’agit d’évaluer le degré de préservation de ce patrimoine. Ainsi, il est bon de préciser que le recensement des burons réalisé en 2013 a permis de mettre en évidence la présence encore effective de matériels de fabrication du

50 Par le CAUE de la Lozère. 51 Par le SDAP du Cantal en partenariat avec le CAUE, les DDE/DDAF et l’Association de sauvegarde des burons du Cantal. 52 « Burons et bâtiments d’estive – Restauration, reconstruction, extension limitée : procédure administrative » - DDT et STAP du Cantal. 53 Dans le cadre de la RCP Aubrac notamment.

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Diagnostic territorial

fromage, mais aussi d’outils agricoles, à l’intérieur de certains burons du territoire. Que peuvent-ils devenir faute de soins ?

Parallèlement, des mises en valeur plus ou moins pérennes ont été réalisées, notamment via la reconstitution d’intérieurs de burons et l’exposition d’objets représentatifs de l’activité de fabrication du fromage.

Cet écart dans la prise en compte de la valeur du matériel du buron pose la question de son devenir et donc des modalités de préservation, voire de valorisation.

Des savoir-faire et un patrimoine immatériel associés aux activités pastorales

Les savoir-faire et le patrimoine immatériel font l’objet d’un chapitre spécifique du diagnostic territorial mais il paraît judicieux de souligner ici ceux qui apparaissent comme spécifiques à l’activité des buronniers.

Le premier concerne la fabrication de la fourme ou fromage de Laguiole (de la tome fraîche et du beurre). Les procédés et le déroulement de la fabrication au buron qui obéissaient à des règles précises, suscitent toujours l’intérêt des visiteurs actuels. Au début des années 60, la création de la Coopérative Jeune Montagne a permis de « sauver » les gestes des buronniers et les techniques associées, tout en pérennisant la production laitière et fromagère, ainsi qu’une économie agro-pastorale qui fait le succès actuel des produits spécifiques de l’Aubrac.

Un seul buron pratique aujourd’hui l’activité traditionnelle de traite à la main d’un troupeau de vaches « Aubrac » et de fabrication/affinage du fromage sur place, ainsi qu’un accueil du public pour déguster l’aligot comme dans certains des derniers burons ouverts à la fin des années 90.

Les techniques semblent connues et encore reproduites mais la question essentielle porte sur la diffusion de cette connaissance et leur possible remobilisation (à la ferme ou au buron).

D’autres savoir-faire rattachés aux pratiques pastorales peuvent être cités : les soins aux animaux et l’entretien de la montagne, la connaissance et la prévision du temps. Des savoir-faire constructifs et « artisanaux » sont également associés aux travaux des buronniers, à leur capacité à travailler la pierre et le bois pour entretenir le buron et les murets et piquets de clôture, ainsi que le parc à veaux et ses claies. L’habileté touche aussi à la fabrication d’accessoires : bâtons, décorations de transhumance et sonnailles. On retrouve dans certaines pratiques actuelles, l’héritage de celles issues de la période des montagnes fromagères, notamment celles qui concernent les soins aux animaux et l’entretien des pâturages. Les autres méritent une attention particulière certainement plus au titre de la mémoire collective. La richesse du patrimoine immatériel lié à l’agro-pastoralisme s’exprime principalement à travers la langue occitane et dans de nombreux registres : les ustensiles et objets du buron, les fonctions des hommes qui travaillent à la montagne, l’architecture du buron lui-même, l’oralité et enfin la vie sociale et les évènements qui ponctuent la vie en estive. Dans le registre commun de l’oralité et de la langue occitane, il faut citer la chanson « Lou Mazuc »54 qui témoigne de la vie au buron et rend hommage aux buronniers. Elle est souvent entonnée dans les fêtes de villages et représente une sorte d’hymne local.

54 Écrite par le père Célestin AYGALENC, curé de La Terrisse de 1940 à 1943. Les paroles en occitan et leur traduction figurent en annexe.

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Diagnostic territorial

Enfin, la connaissance de la toponymie est une préoccupation des personnes soucieuses de partager et transmettre ce patrimoine. Le recensement des burons met en évidence l’intérêt de connaître la signification des noms de burons issus de la langue d’oc pour une bonne part.

6) Conclusion : Au final, malgré l’engagement de certains acteurs, la fin de l’ère des burons traditionnels laisse craindre un risque ou une réelle perte de certains savoirs et savoir-faire, au sein même de ces lieux historiques. De nombreux témoignages, supports et lieux rendent compte, parfois avec nostalgie, mais « hors sol » de cette époque révolue. La perte de la mémoire de l’histoire et des multiples facettes de ce patrimoine est à craindre. L’expression des acteurs locaux va dans ce sens, renforcée par la mémoire vivante des buronniers qui, inexorablement, va s’éteindre d’ici quelques décennies. La nécessité et l’intérêt de sauvegarder et pérenniser ces savoir-faire sont mis en avant par les habitants et les visiteurs ; ils doivent permettre dans le même temps d’intégrer à la mémoire collective la connaissance et le respect de ce qui s’est passé dans les burons (dimension humaine, sociale et économique), de reconnaître l’importance et la valeur d’un bien commun (dimension patrimoniale, identité territoriale) tout en réfléchissant à la place actuelle et surtout future de ces savoir-faire.

Les drailles et les chemins de transhumance Cette partie va aborder les liens entre le territoire qui reçoit des troupeaux depuis plusieurs millénaires et ceux qui l’alimentent, à savoir le Quercy et le Languedoc, lien qui se matérilalise par les drailles et les chemins de transhumance. Le rôle qu’ils ont joué dans le développement de l’agro-pastoralisme sur le territoire de l’Aubrac explique leur présence dans ce chapitre.

1) Origine et définition des drailles Le mot « draille » serait issu du roman « dralha », d’origine supposée celte. Très fréquent dans les cadastres, il ne signifie pas systématiquement « voie de transhumance car au Moyen-Âge, la draille a souvent servi à désigner n’importe quelle sorte de chemin » 55.

L’origine des drailles elles-mêmes est assez difficile à affirmer. Leur tracé pourrait être autant le fait « des moutons eux-mêmes » que « l’œuvre des premiers pasteurs des plateaux » (…) « intervenus a posteriori pour aménager et baliser les chemins ouverts par les troupeaux sauvages ». La domestication puis l’élevage des moutons ont entraîné des pratiques pastorales spécifiques dont la transhumance. Les drailles sont donc devenues des itinéraires immuables, des chemins à moutons, favorisant les déplacements saisonniers et contribuant à « la complémentarité des plaines et des montagnes languedociennes ». Elles ont certainement constitué « la première ébauche du réseau de communication entre le bas-pays et le haut-pays ».

Côté définition, peut être cité celle d’un des auteurs référents56 : « Il existe (…) tout un chevelu de voies de transhumance qui se rejoignent sur des nœuds (…). Une fois réunis, ces chemins forment de grandes collectrices qui expliquent la largeur impressionnante des drailles (…). Après avoir franchi les Cévennes, les écheveaux se dénouent et les voies divergent sur le Causse vers les nombreux points de franchissement du Lot donnant accès à l’Aubrac et à la Margeride ».

On peut donc indiquer que les drailles forment un véritable réseau sans un point précis de départ et d’arrivée, mais plusieurs. C’est à partir des « collectrices »57 que les drailles présentes sur le territoire de l’Aubrac vont être présentées, puis le « réseau de desserte locale » sera ensuite abordé.

55 CLEMENT Pierre A. ; (1994), Les chemins à travers les âges, en Cévennes et Bas Languedoc, Montpellier, Presses du Languedoc. 56 Voir note ci-dessus. 57 « De longs tracés en arête le long des crêtes avec des plongées souvent vertigineuses sur les vallées qui séparent entre elles les chaînes des massifs montagneux ». Source : Pierre A. CLEMENT.

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Diagnostic territorial

2) Drailles et transhumance en Aubrac Une transhumance ovine buis bovine

L’Aubrac constituait comme d’autres massifs montagneux du sud Massif central, une destination privilégiée pour les troupeaux ovins transhumants, depuis certainement plusieurs millénaires. Cette pratique pastorale a connu des évolutions spatio-temporelles jusqu’à se terminer dans les années 60. Les ovins ont d’abord occupé quasiment tout l’espace pastoral, puis l’émergence et le développement de l’élevage bovin les a, soit cantonné dans les périodes périphériques du calendrier, soit sur certaines parties du territoire. Les « grandes drailles » ou « collectrices » empruntées par les troupeaux transhumants pour

atteindre l’Aubrac Comme le montre la carte ci-après, plusieurs « collectrices » convergent vers le plateau de l’Aubrac :

- la grande draille du Quercy vient de la région éponyme et conduit jusqu’à Aubrac en passant par Saint Côme d’Olt ou Saint Geniez d’Olt avec plusieurs branches possibles une fois le Lot franchi.

- la collectrice de la Lusette et la collectrice de l’Asclié sont les 2 drailles en provenance des garrigues du Languedoc58. Elles sont communément appelées « draille de l’Aubrac » ou « grande draille du Languedoc » et « draille du Massibert ».

- une draille en provenance du Quercy par l’Auvergne traverse la Truyère au Pont de Tréboul et se dirige vers Saint Urcize.

- une draille en provenance de Millau, dite la « grande draille de Campagnac aux Montagnes d’Aubrac », traverse le Lot à Estables, suit la ligne de crête, limite entre Aveyron et Lozère, pour rejoindre la croix de la Rode.

Un réseau local qui marque encore le paysage, mais une connaissance insuffisante

D’autres drailles, de longueur inférieure aux grandes voies de transhumance, se situant souvent dans leur prolongement, jalonnent le territoire de l’Aubrac. À partir de « points névralgiques » tels que la croix de la Rode, le village d’Aubrac ou le pont de Marchastel59, elles irriguent la région.

Un repérage partiel de ce « réseau local » a pu être réalisé (voir annexe 14 : Premier état des lieux des drailles du territoire), mais il devra être complété lors de travaux ultérieurs. Des informations parcellaires issues de la bibliographie puis de repérages ponctuels sur le terrain, montrent combien certaines sont encore bien présentes dans le paysage d’aujourd’hui et d’autres certainement « perdues ». Mais de nombreuses questions subsistent. Où et comment ces drailles se connectent-elles aux collectrices ? Certaines d’entre elles sont-elles vraiment des drailles ? Quel est leur statut actuel sur le cadastre : des chemins ruraux ou d’anciens chemins maintenant intégrés à des propriétés privées ? Où passent les tracés historiques mentionnés dans la bibliographie ? Que sont devenues précisément ces drailles (et les murets qui les bordent) : démantelées, reprofilées, goudronnées ? Quel est leur devenir ?

58 Elles portent le nom de 2 cols cévenols qu’elles franchissent. 59 Des carrefours importants ainsi que des gués et des péages.

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Diagnostic territorial

Par ailleurs, dans les descriptions de ce réseau qui semble dédié aux troupeaux transhumants, apparaissent des voies d’origine variée. Tout comme les collectrices, les drailles du territoire empruntent ou croisent des chemins historiques. Selon toute vraisemblance, en Aubrac comme ailleurs, ce réseau à l’origine très ancienne, s’est recomposé au fil de l’histoire.

Carte 104 : Les principales drailles La place des drailles en Aubrac : entre empreinte paysagère forte, perte d’usage et déficit de

reconnaissance ?

Contrairement aux burons et malgré leur empreinte paysagère encore bien marquée, les drailles ne semblent pas s’inscrire dans l’identité du territoire : leur place au sein du patrimoine agro-pastoral paraît mineure et elles bénéficient d’une faible reconnaissance. Les acteurs mettent en avant la richesse des chemins en général et déplorent la disparition, l’aliénation ou les modifications irréversibles de certains d’entre eux. Côté

visiteurs, le ressenti est similaire : ce patrimoine demeure peu connu et reconnu.

Les principales atteintes passées et menaces qui pèsent encore aujourd’hui sur les drailles concernent : le goudronnage, le reprofilage, la suppression des murets et l’intégration dans des propriétés privées après une perte d’usage. Les drailles sont principalement mises en avant lors de certains évènements

culturels/touristiques et sont entretenues car elles sont aujourd’hui parfois utilisées par des itinéraires de randonnée. Les initiatives associatives doivent également être mises en avant : elles militent pour la prise en compte des chemins dans les actions de préservation et de valorisation du patrimoine. L’avis des partenaires apporte enfin un éclairage intéressant sur l’échelle de travail : elle doit dépasser le cadre du territoire d’étude du Parc de l’Aubrac et mérite la recherche de partenariats avec les

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Diagnostic territorial

territoires agro-pastoraux traversés par ces cheminements et la mise en place de programmes spécifiques.

b. Le patrimoine rural traditionnel

Dans cette partie, seront abordées les principales caractéristiques de l’habitat permanent des hommes et des animaux, intimement liés sur ce territoire agro-pastoral.

1) L’habitat permanent des hommes et des animaux Derrière « l’image d’Épinal »…

On associe généralement l'Aubrac à ses austères burons, plantés au milieu des estives et liés à une organisation agricole imaginée par les moines.

C'est méconnaître que le territoire de l'Aubrac est bien plus vaste que le seul plateau, qu’il est relié à des terroirs « cousins » et complémentaires, et qu'en ce qui concerne cette zone centrale, les traces d'activité humaine sont bien antérieures à l'arrivée des moines et à l'organisation agricole qu'ils ont créée. C'est oublier également l'importante activité organisée dans les vallées autour d’autres formes d’agriculture, des filatures et des tanneries qui nous a légué un important patrimoine architectural.

En toile de fond, ressortent des caractères communs liés à un pays rural et semi-montagnard, mais chaque terroir possède ses propres caractéristiques et un bâti rural intimement lié aux modes de vie et aux activités humaines qui s’y sont développées.

Les matériaux disponibles définissent le type de construction

Le territoire est une mosaïque de terroirs aux roches particulièrement variées (Carte « La géologie ») que l'on va retrouver dans les constructions, le bâtisseur d'autrefois utilisant les matériaux qui sont à sa disposition, selon ses propres compétences et ses moyens : basalte, granite, sables et graviers, schiste, gneiss, grès et calcaire (voir annexe 15 : Utilisation des matériaux locaux dans le bâti traditionnel60).

À chaque terroir, ses spécificités

À partir d’un « modèle » commun, des variantes et des évolutions sont intervenues dans le temps et dans l’espace. La variété des terroirs aux « ressources » différenciées, du socle géologique, en passant par le climat, l’orientation et le relief, influent sur la manière dont les hommes ont aménagé leur habitat et celui de leurs animaux domestiques : sur le haut plateau, dans le pays de Payre et d’Apcher, en Viadène, sur le Caldaguès et dans la vallée du Lot (voir annexe 16 : Les particularités du bâti traditionnel par terroir).

60 Tableau adapté d’après un extrait de « Le bâti ancien en Rouergue », avril 1985. Collection « Connaissance de l’habitat existant - EDF PACT ARIM de l’Aveyron »

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Diagnostic territorial

Des caractères communs…

L’habitat rural est avant tout fonctionnel et tient compte des contraintes climatiques et des usages ou possibilités des différents terroirs. Les matériaux utilisés témoignent d’une expertise traditionnelle dans l’usage des ressources locales et leurs particularités. Les modalités de construction s’adaptent également au savoir-faire du bâtisseur, qui sera dans le meilleur des cas, tantôt maçon tantôt charpentier.

La maison rurale « modèle » regroupe toutes les fonctions nécessaires à la vie et aux activités rurales sous un même toit (habitation, grange, étable…) : c’est la maison-bloc. Une des variantes en est la maison-bloc à terre très majoritairement représentée sur le territoire (voir ci-après). La disposition intérieure de ces maisons-bloc a tendance à privilégier les animaux, base de l’économie agro-pastorale locale. … des variantes et des évolutions

La maison-bloc à terre, en Aubrac, présente des particularités qu’Alfred Durand précise sous le vocable de « la maison type pastoral Aubrac ». Dans ce type pastoral, sur les hautes terres, la maison-bloc à terre présente plusieurs configurations :

- Sur le plateau, au nord-est et dans la région des lacs, elle est bâtie toute en longueur61. « Les bâtiments sont placés bout-à-bout : maison, grange-étable, loge à porcs, voire hangar ». La maison d’habitation ne possédait pas d'étage à l’origine, ce qui semble avoir évolué au cours des 2 derniers siècles (voir illustrations ci-dessous). La grange à l’étage recouvre l’étable. L’étable communique de plain-pied avec l’habitation, par l’intérieur (afin d’éviter d’affronter les rigueurs de l’hiver pour visiter les animaux).

Il s’agit le plus souvent de fermes isolées, y compris les fermes d’altitude, situées en pleine montagne. Pour agrandir, on ajoute des bâtiments dans le même alignement que les premiers. À noter que la maison-bloc à terre, de type pastoral normal (sans étage), est en partie représentée au sud de l’Aubrac62, plutôt dans de petites et moyennes exploitations.

- Sous l’influence rouergate, la ferme de l’Aubrac, côté Aveyron, est construite « en équerre, la

grange perpendiculaire à la maison d’habitation. Elle ouvre l’angle de ses bâtiments soit à l’ouest, soit au midi ».

- Parfois, le type pastoral « abrite » de grosses fermes : de part et d’autre de la maison d’habitation, 2 granges-étables installées perpendiculairement à elle, se font face ; au milieu, un vaste espace de circulation ou de contention pour les animaux. Quelques beaux exemples sont présents sur le territoire, à la fois sur le haut plateau et en périphérie : la ferme de Lhon à Laguiole, du Mas à Sainte Geneviève sur Argence, du Pont à Javols…

61 Comme dans le type pastoral « normal ». 62 Rebords du haut plateau, croupes et haute vallée des Boraldes.

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Les différents « modèles » du type pastoral sont adaptés aux caractéristiques du plateau, à la rudesse du climat et répondent aux besoins conjoints des hommes et des animaux : bâtiments en partie enterrés côté nord, ce qui procure une protection contre les vents dominants, ouverture au midi lorsque c'est possible ou protégée par de la végétation. Les épais murs de pierre comportent 2 faces apparentes et un remplissage entre les 2 couches de pierres. Le « cantou » et la cheminée sont positionnés sur le mur (pignon) le plus humide. Une « montada »63 permet souvent l'accès à la grange. La toiture en lauzes est imposante, donnant un aspect très massif à ces constructions. Les ouvertures sont petites et peu nombreuses. À des altitudes inférieures, le type d’habitat est dit « agricole » : la terre y est réservée autant que possible aux cultures et à l'élevage. La maison-bloc prend de la hauteur et s'organise sur plusieurs étages. La toiture est parfois très imposante lorsqu'un volume plus important est nécessaire au grenier. Les animaux sont moins nombreux et vivent au rez-de-chaussée, tandis que l'étage, accessible par un escalier extérieur et une galerie couverte à balustrade, est occupé par les habitants.

Au fil du temps, le confort et l'espace se sont améliorés pour les habitants, les animaux ayant tendance à être repoussés dans des annexes indépendantes. Parfois, la maison elle-même sera déplacée, agrandie et dotée peu à peu d'un confort plus moderne.

Exemple d’une évolution plus récente de l'habitat rural, la ferme à ensembles séparés comporte en effet au moins une grange-étable distincte de l'habitation, parfois éloignée de la maison. L'importance de l'habitation dépendra des moyens du propriétaire, le nombre de granges-étables rattachées également. D'autres annexes peuvent être ajoutées comme la porcherie, un buron, un hangar pour le matériel agricole... selon les besoins de l'exploitation, ses ressources et son évolution. Exceptionnellement, des fermes à cour fermée se rencontrent sur le territoire : l’adjonction progressive d’annexes jointives, organisées autour d’une cour, a conduit le propriétaire à circonscrire son bien en refermant l’ensemble grâce à un portail.

Il faut enfin noter que l’histoire récente de l’agriculture et les modalités de mise en valeur du territoire (développement des montagnes et économie fromagère, vitalité de l’élevage bovin), à partir du 19ème siècle, ont vu la construction ou le renforcement de « domaines » agricoles. Ces fermes « patrimoniales », remarquables par la richesse architecturale ou le nombre de dépendances, émaillent la région (voir illustration ci-dessous à gauche)64.

63 Plan incliné bâti 64 On en retrouve sur plusieurs terroirs : la ferme de Bouët à Laguiole, la maison Pagès aux Bessons, le domaine de Salecroup à Saint Chély d’Aubrac, de Couffinet, sur la commune de Sainte Colombe de Peyre, d’Auliac, à Jabrun, de Farreyrolles à Saint Rémy de Chaudes-Aigues, du Puech à Curières, de Crespin à Antrenas...

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Diagnostic territorial

La grange-étable, un autre bâti représentatif des pratiques agro-pastorales

L’importance de l’activité agro-pastorale confère à la grange-étable une place très significative dans l’habitat permanent. Omniprésente, son volume est prépondérant par rapport à celui de l’habitation des hommes. Elle héberge le cheptel dans l’étable en rez-de-cour, tandis que la grange « abrite l’énorme quantité de fourrage sec que les animaux consomment durant l’hiver ». Il n’est pas rare de rencontrer le qualificatif de « cathédrale » face à la perspective ouverte sur ces vastes espaces de stockage aux charpentes complexes et relativement élevées.

Elles conservent aujourd’hui leur vocation de stockage mais comme d’autres éléments du bâti, leur usage a évolué diversement : des balles de foin, des aliments pour les animaux, du matériel (voir illustration ci-dessus à droite).

Un patrimoine confronté aux évolutions des modes de vie et aux mutations de l’agriculture

La prégnance du patrimoine rural traditionnel et notamment l’habitat des hommes et des animaux, malgré des évolutions significatives et des pertes d’usage partielles, reste forte sur le territoire. Ont été soulignés par les acteurs du territoire, la richesse et la qualité de ces bâtiments, en lien avec la persistance de matériaux locaux dans les constructions. La

pérennité de l’activité agricole est également considérée comme un atout ; son caractère extensif est un gage de maintien des paysages dans lesquels les bâtiments traditionnels ont toute leur place. Néanmoins, acteurs et partenaires soulignent la difficulté à maintenir un bâti qui a partiellement perdu son usage et à sauvegarder la qualité des paysages avec des bâtiments neufs (agricoles ou domestiques) dont l’intégration à leur environnement fait parfois défaut.

Des craintes ont également été émises quant à la pérennité de la « maison bloc-à-terre » qui mériterait un travail de recherche important notamment au regard des évolutions et des variantes évoquées plus haut et de sa situation que certains ont jugé « en déshérence ». Dans un registre complémentaire, il est souligné l'intérêt de mieux connaître l'habitat permanent d'altitude.

La question de l’impact potentiel d’installations de production d’énergie photovoltaïque sur les bâtiments agricoles voisinant avec le bâti ancien a également été posée.

A contrario, le développement de la diversification et de l’accueil à la ferme est potentiellement ressenti comme une opportunité pour donner une nouvelle vocation à des bâtiments désaffectés.

2) Le petit patrimoine vernaculaire, reflet des activités rurales et pré-industrielles

Richesse et variété d’un patrimoine peu protégé Dans ce domaine, les éléments bénéficiant d’une protection sont peu nombreux et ne concernent que des ponts et des croix. Même peu protégés, ils représentent un « capital patrimonial » dont les rares reconnaissances ou protections révèlent l’intérêt. Intégrés dans la vie quotidienne des communautés villageoises, ils sont encore bien présents sur le territoire. Il s’agit des fours, des métiers à ferrer, des fontaines, des abreuvoirs, des lavoirs, des « secadous ». Sur certains secteurs, ils ont été revalorisés grâce à la mobilisation locale (collectivités, habitants, associations locales du patrimoine) et parfois avec des aides spécifiques des collectivités territoriales (Régions et Départements), à destination du petit patrimoine non protégé.

Dans un pays traditionnellement croyant, la présence des croix de chemin, de cimetière, de village, de pont…, voire des calvaires, est particulièrement importante, des plus modestes aux plus « ouvragées ».

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Diagnostic territorial

Un important patrimoine vernaculaire lié à l’eau (lavoirs, fontaines, ponts et gués, sources aménagées) est révélateur de la place significative de cette ressource sur le territoire, auquel on peut adjoindre d’une part, les moulins (voir ci-après), au carrefour de cette thématique et de celles des activités humaines pré-industrielles et d’autre part, le patrimoine thermal notamment à Chaudes-Aigues, représenté par la source du Par, de nombreuses fontaines publiques et un original lavoir à eau chaude. Partout où le débit des rivières l’a permis, dès le Moyen-Âge les moulins se sont développés, avec comme vocation principale, la production de farine pour les hommes et les animaux. L’activité lainière, de la fin du Moyen-Âge au 18ème siècle, a fait évoluer celle des moulins vers les foulons et permis la fabrication d’étoffes grossières (cadis). Enfin, à partir du 19ème siècle, ils sont souvent remplacés ou ré-aménagés pour permettre le développement des filatures et manufactures drapières. Le long des rivières ou de certains ruisseaux, les tanneries sont également présentes. Bourgs et villes plutôt en périphérie du territoire ou à proximité immédiate (le long du Lot et de la Colagne surtout), sont marqués par ces activités : Espalion, Saint Geniez d’Olt, Chaudes-Aigues et Chirac dans le périmètre labellisable, Marvejols et La Canourgue, au sein du périmètre élargi.

Le long des principaux cours d’eau du territoire (le Bès, les boraldes et coussanes, la Rimeize, l’Argence, la Selves et le Selvet…), de nombreux moulins sont encore présents, mais leur état peut être très varié (des ruines aux réhabilitations). Au bord du Lot et de la Colagne, certains sont encore en activité.

Des initiatives et des projets porteurs pour l’avenir

Dans le domaine de la connaissance, peuvent être signalés des recensements menés en faveur du petit patrimoine rural, en Lozère65 et dans le Cantal66 notamment. S’ajoutent à ces travaux, ceux d’auteurs spécialisés, notamment pour les croix67. Les associations des moulins sont également actives, surtout en Aveyron et en Lozère en matière de recensement. Les associations locales ou des auteurs locaux passionnés contribuent également à une meilleure connaissance. Concernant les moulins, des initiatives associatives ou privées contribuent à leur réhabilitation ou reconversion. Peuvent être cités les exemples suivants : le moulin de Terral sur la commune de Condom d’Aubrac et celui du Viala sur la commune de La Fage Saint Julien, réhabilités, ouverts au public et faisant l’objet d’une présentation historique et technique pour les visiteurs. D’autres l’ont été pour servir de résidence secondaire ou de gîte rural (exemple dans la vallée de la Rimeize).

65 Par le CAUE qui a adressé un questionnaire intitulé « Petit patrimoine rural » à toutes les communes du département en 2008 ; la DDT a réalisé une couche SIG des ponts communaux. 66 Par le CPIE de Haute Auvergne, sur le canton de Chaudes-Aigues, dans le cadre du « Diagnostic environnement » en 1997. 67 De Haute Auvergne, du Gévaudan et du Rouergue.

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Diagnostic territorial

3) Entre paysages et patrimoine bâti vernaculaire : la place particulière de la pierre, dans les murets et les toitures

Les murets de pierre sèche et les toitures en lauzes de schiste sont reconnus comme des éléments emblématiques et des traits particulièrement marquants du bâti sur le territoire.

Les murets de pierre sèche : un trait d’union paysager à l’échelle du territoire

Malgré une origine qui semble différenciée, leur objectif est double : marquer les limites de la propriété privée et faciliter le travail agricole (épierrement, terrasses). Dans les zones de pente, pour le vignoble, les vergers fruitiers ou de châtaigniers, les paysans ont construit des murets de pierre sèche (schiste et calcaire) pour « tenir la terre » et former ainsi des terrasses. Sur les zones à dominante pastorale, les blocs de granite et de basalte forment de longs murets parfois couronnés de blocs ou de pierres allongées placées verticalement : autour des parcelles, le long des chemins et des drailles.

Ainsi, les murets de pierre sèche sont très présents sur tout le territoire, ils s’inscrivent dans les différentes unités paysagères, quelles que soient les orientations de l’activité agricole et la roche présente localement. Ils sont issus de pratiques traditionnelles et représentent un trait d’union entre les terroirs du périmètre d’étude.

Une particularité en matière d’usage de la « pierre sèche » mérite d’être mise en évidence : les piquets de clôture en granite. « Surprenants, uniques en France, propres à la Margeride et à l’Aubrac, sont les dizaines de milliers de piquets en granite qui encadrent chaque unité du paysage agricole »68. Autant dans les échanges avec les partenaires qu’avec les acteurs locaux, il ressort que les murets de pierre sèche contribuent à renforcer les structures paysagères et soulignent la structure du parcellaire.

Cependant, la connaissance de l’histoire de leur construction et des modes constructifs est limitée. La question de leur pérennité est également posée, notamment au regard des évolutions de l’agriculture. Les risques de disparition sont grands : par le recalibrage des chemins et des voies ou par l’abandon. Les mêmes préoccupations concernent les piquets de granite. La question centrale concerne donc bien l’usage et la place de ces éléments patrimoniaux à l’avenir : amélioration de leur connaissance, maintien de la mémoire des savoir et de l’empreinte paysagère, revalorisation et nouveaux usages, valorisation des savoir-faire associés et lien avec la dynamique économique, acteurs et partenaires en capacité de s’investir.

68 Source : Collectif ; (2006), Le haut pays de Fournels, en terre de Gévaudan, Clermont-Ferrand, Chamina Editions.

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Diagnostic territorial

Les toitures : « la lauze qui défie le temps »

Sur de nombreuses toitures, la lauze traditionnelle est en schiste ou en schiste ardoisier ; la couleur va du gris scintillant pour la première, au gris bleu pour la seconde. Elle tend cependant à disparaître, remplacée principalement par des ardoises importées moins chères (voire de la tôle ondulée ou du bac acier). Les caractéristiques principales des toitures en lauzes sont leur dimension et leur pente ; pour se protéger des intempéries, la toiture est une « cape » qui va parfois, descendre presque jusqu’au sol, et la rigueur du climat impose de prévoir des espaces de stockage significatifs, d’où des pentes à très fort pourcentage (au moins 70 %), ce qui permet également une meilleure « évacuation » de la neige.

La pose traditionnelle se fait sur volige, en écailles de poisson alternées à chaque rang, avec un fort recouvrement. Les particularités les plus significatives des toits en lauzes sont révélatrices des savoir-faire des carriers (ainsi que des couvreurs et des charpentiers) : le coyau, les rives, le faîtage à lauzes croisées, l’arêtier, la noue ; tout comme certaines formes de toits : les toits à croupes, en carène (dits « à la Philibert de l’Orme »).

3 gisements pour produire de la lauze sont identifiés sur le territoire ou à proximité :

- Le schiste « bleu » des ardoisières d’Anglars du Cayrol (périmètre labellisable) qui ont cessé leur activité en 2005 et n’ont pas retrouvé de repreneur, malgré des démarches renouvelées de la municipalité.

- Un autre schiste ardoisier (gris bleu argenté ou gris à brun mordoré) est extrait à la carrière Palat à Saint Hippolyte (près des gorges de la Truyère, entre Mur de Barrez et Entraygues sur Truyère – périmètre élargi).

- Le schiste lozérien de Lachamp (près de Marvejols – à proximité du périmètre élargi) est un micaschiste lamelleux d'une gamme de couleurs s'étendant du gris au brun avec une forte proportion de mica qui le fait briller. Ce site produit grâce à une carrière à ciel ouvert. Les artisans carriers sont regroupés dans l’association des « Schistes lozériens » qui leur a permis de prendre en charge collectivement les problèmes réglementaires et techniques.

Les principales ressources locales sont donc partiellement mobilisables, les savoir-faire encore vivants. Mais dans ce domaine aussi la question reste posée : jusqu’à quand ? Les partenaires tout comme les acteurs du territoire s’accordent sur la nécessité d’une réflexion globale autour de la mobilisation de ces ressources et la transmission des savoir-faire, avec un objectif principal : la pérennité des filières.

c. Bilan perspectives

Le patrimoine vernaculaire, au cœur de l’identité territoriale, s’exprime en Aubrac au travers d’éléments et d’ensembles bien spécifiques.

Le patrimoine agro-pastoral est particulièrement prégnant sur le territoire de projet. La domerie d’Aubrac influencée par les pratiques pastorales auvergnates a joué un rôle majeur et central dans la mise en place de l’agro-pastoralisme moderne et son expression la plus emblématique et reconnue : les burons qui symbolisent l’Aubrac pour les habitants comme les visiteurs. Ce patrimoine très étudié mérite que la connaissance en soit confortée (poursuite des recensements et porter à connaissance des nombreux travaux réalisés), mais surtout leur devenir est intimement lié à une réflexion concertée pour faire face à une disparition effective d’une partie d’entre eux. Et ce, malgré de nombreuses initiatives et une mobilisation porteuse d’avenir.

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148 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Les chemins de transhumance qui irriguent le territoire, ne bénéficient pas de la même reconnaissance et mobilisation, alors qu’ils représentent un lien fort entre ces éléments patrimoniaux (les burons) et avec d’autres territoires agro-pastoraux.

Quant à l’habitat permanent, l’autre volet de l’implantation humaine sur l’Aubrac, il figure une composante forte des paysages, dans ses formes individuelles (ferme-bloc à terre) et collectives (hameaux et villages). Les mutations récentes de l’agriculture et de la société contemporaine pourraient impacter la richesse et l’harmonie de ce patrimoine du quotidien, ainsi que les savoir-faire qui y sont associés. Sa prise en compte et sa mise en valeur apparaissent encore trop limitées.

Burons et chemins, murets de pierre sèche et toits de lauzes sont donc des éléments forts de la trame paysagère et du patrimoine bâti de l’Aubrac. L’apport de la concertation a mis en évidence la nécessité de corréler leur préservation avec celles des ressources locales et des savoir-faire des hommes du territoire.

Le patrimoine religieux

En Aubrac, les témoignages du patrimoine religieux sont nombreux : ceux liés à la domerie d’Aubrac, plus marginalement ceux issus des autres ordres ou abbayes. La traduction principale en est la forte présence d’églises romanes, même si d’autres époques postérieures au Moyen-Âge sont représentées.

a. La domerie d’Aubrac : une fondation qui a marqué l’histoire et l’identité du territoire

Rappel historique Sa fondation au 12ème siècle intervient dans un contexte d’instabilité et de lutte entre les seigneurs locaux pour dominer le plateau. Le monastère-hôpital fondé en 1120 par Adalard d’Eyne, un officier du « comte de Flandres », est donc « destiné à accueillir, servir et soigner toutes sortes de gens » et notamment les pèlerins engagés sur le chemin de pèlerinage vers Compostelle, incertain et dangereux notamment dans sa traversée de l’Aubrac.

Grâce aux dons des seigneurs laïcs locaux, le domaine de la domerie se développe considérablement. L’extension du domaine pastoral et la mise en valeur des pâturages par les animaux transhumants favorisent l’essor du monastère. Son apogée économique est atteinte au cours du 13ème siècle et va se poursuivre durant la première moitié du 14ème qui marque le début des incursions « anglaises » dans la région.

Dans le même temps (du 12ème au 15ème siècle) s’étendent les pâturages d’altitude. L’influence de la domerie sur son territoire et bien au-delà s’accroît de manière très significative et sa zone d’influence va « des Pyrénées aux Alpes et au Languedoc ». Les possessions terriennes et bâties répondent aux besoins du monastère et assurent son rayonnement. Des hôpitaux annexes sont créés, tout comme des maisons ou « commanderies », des granges, des fermes et domaines. L’abbaye prend également le contrôle de plusieurs églises et prieurés, sur l’Aubrac principalement. Pendant cette même période, le « système » des montagnes avec la pratique de la transhumance et la valorisation des estives par le bétail d’embouche puis laitier s’installe et va durablement garantir des revenus aux religieux et asseoir la vocation agro-pastorale de l’Aubrac.

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149 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Du 14ème au 18ème siècle vont se succéder périodes troubles et périodes de prospérité. La fin de l’abbaye d’Aubrac est effective sous la Révolution par la suppression des ordres monastiques d’une part et d’autre part, par la vente des biens de l’Église. Dans le courant du 19ème siècle, le monastère a disparu et l’église abandonnée menace ruine. Les premiers travaux de sauvegarde sont entrepris à la fin de ce siècle : en faveur de l’église, du clocher, de la tour et du

bâtiment principal. Tandis que les ruines qui subsistent, vont servir à bâtir les nouveaux édifices du village, à commencer par les principaux hôtels ; en témoignent de nombreux réemplois.

Les vestiges de la domerie à Aubrac La fondation d’Aubrac et son développement, tant dans l’espace que dans le temps, nous ont légué un riche patrimoine bâti dont les vestiges se retrouvent, certes dans le village actuel d’Aubrac, mais aussi sur le territoire de l’Aubrac, à proximité immédiate et parfois bien au-delà.

Au village d’Aubrac : L’église Notre-Dame des Pauvres date du siècle de fondation du monastère. De style roman, elle surprend par son austérité et sa sobriété. est classée au titre des Monuments Historiques depuis 1925. Ceci permet de préserver durablement cet édifice et ses alentours immédiats (500 m).

La grande tour dite « des Anglais »69, haute de 22 mètres, était défensive à l’origine et donc couronnée de mâchicoulis qui ont disparu, tout comme le pont-levis.

L’ancien hôpital70 se situe le long de la route, en face de la grande tour. L’hôtellerie, sur le même alignement que l’hôpital, a été complètement transformée mais se perpétue par l’existence d’un ancien hôtel à son emplacement d’origine71.

Aux alentours : De nombreux vestiges « éparpillés » sont cités par les auteurs qui ont écrit sur la domerie. Le réemploi, mais aussi les « pillages » successifs dès le 19ème siècle, ont disséminé ces vestiges.

Un village marqué par ce patrimoine, à la croisée des chemins Le village d’Aubrac qui abrite les vestiges de la domerie est un « haut lieu » géographique, culturel et touristique, et offre un fort pouvoir d’évocation. Les visiteurs sont nombreux à s’arrêter72 ou à traverser73 ce lieu qui symbolise le territoire.

Parallèlement, malgré son altitude élevée et la rudesse du climat qui y règne, c’est un village vers où convergent de nombreux itinéraires, conformément à sa vocation historique : s’y croisent les chemins de Saint Jacques et de Saint Gilles, comme les routes actuelles qui desservent le plateau selon les axes nord/sud et est/ouest.

69 Aujourd’hui, un gîte d’étape communal. 70 Aujourd’hui, une propriété privée. 71 Idem note précédente. 72 87 000 visiteurs en 2011 à la Maison de l’Aubrac à Aubrac, certainement beaucoup plus qui s’arrêtent dans le village d’Aubrac. 73 20 000 pèlerins/randonneurs estimés sur cette portion du Chemin de Saint Jacques de Compostelle.

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150 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

La réalité historique demeure une réalité contemporaine : un lieu central qui permet de rayonner sur le territoire et un carrefour d’itinéraires. Cette double vocation peine à s’inscrire dans la dynamique culturelle et touristique actuelle, certainement du fait du cloisonnement administratif : il ressort des entretiens et rencontres avec les partenaires et acteurs concernés, un besoin d’intégrer le village d’Aubrac aux réflexions sur la mise en valeur du patrimoine historique et culturel lié à la domerie d’Aubrac, tout en gérant les flux de visiteurs qui convergent de manière significative vers ce haut lieu. Elle assure un rôle particulier dans la mise en valeur du patrimoine historique d’Aubrac et de l’Aubrac, rôle qui doit se renforcer et se qualifier comme semble l’indiquer la concertation. Elle travaille déjà en partenariat avec des réseaux du territoire et les acteurs du village pour coordonner et diffuser l’information.

A l’issue de la concertation, les principales préoccupations qui ressortent sont les suivantes : - L’amélioration de la connaissance sur la domerie d’Aubrac et sur son rôle dans

l’évolution et le fonctionnement du territoire ; - Une recherche de cohérence entre préservation de la valeur du lieu historique et

vocation touristique du village pour faire face aux risques qu’elle induit (dégradations, marchandisation, banalisation…) ;

- La réflexion sur la place et le rôle de la Maison de l’Aubrac ; - La prise en compte du village d’Aubrac dans le projet de territoire : revalorisation

de son rôle spécifique et structurant pour le territoire, notamment en lien avec le chemin de Saint Jacques et surtout dans la perspective d’un rayonnement territorial, à l’image de celui de la domerie historique.

b. D’autres communautés religieuses présentes en Aubrac

Même si elles n’ont pas eu la même importance dans la vie du territoire, ces communautés y ont laissé des empreintes et des vestiges. Il s’agit de l’abbaye de Bonneval et des Templiers.

L’abbaye de Bonneval : des similitudes avec la domerie d’Aubrac L’abbaye cistercienne de Bonneval fondée en 1147 est installée sur le rebord oriental de la sauvage vallée de la boralde de Flaujac, sur la commune du Cayrol. Elle reçoit, comme celle d’Aubrac, de nombreux dons de la part des seigneurs locaux et ses possessions principales sont des granges et de gros domaines agricoles ainsi que des montagnes et des bois. Peu de vestiges subsistent mais l’abbaye est toujours active (accueil du public, chocolaterie, hospitalité). Quelques témoins de ses possessions passées sont encore visibles sur le territoire : la grange de la Roquette sur la commune de Curières (relativement dégradée) et la forêt domaniale actuelle de « La Roquette-Bonneval ».

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151 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Les Templiers : leurs possessions jouxtent celle de la domerie et sont source de conflits

L’implantation des Templiers au Moyen-Âge en Aubrac se traduit par la présence de quelques « maisons fortes », dépendant de commanderies extérieures au territoire. Elles se situent à Recoules d’Aubrac, Lieutadès et Espalion notamment. Leur motivation à s’installer sur le haut plateau n’est pas tout à fait de même nature que celle des moines d’Aubrac ou de Bonneval : ils recherchent des pâturages pour nourrir de manière extensive leur important cheptel équin nécessaire aux expéditions menées en Espagne et aux croisades en Terre Sainte. Leur présence sur la paroisse de Saint Andéol leur permet de bénéficier de plusieurs centaines d’hectares de prairies naturelles issues de dons octroyés par les seigneurs locaux. Leurs pâturages de qualité inférieure à ceux des religieux d’Aubrac les poussent à tenter de les annexer. Face à la légitimité déjà reconnue de la domerie, ces tentatives échouent.

Les vestiges encore visibles de leur présence se matérialisent par le bornage des pâturages de Saint Andéol et du Faltre jouxtant ceux de l’hôpital d’Aubrac : « des pierres plantées portant, gravée en relief, la croix de Malte » (voir illustration). De leurs possessions, subsistent principalement la maison forte qui domine le village de Recoules d’Aubrac et l’église du prieuré roman ainsi que la chapelle de Lagarde sur la commune de Lieutadès.

c. Des églises romanes remarquables

La présence d’églises romanes remarquables doit être mise en évidence : bon nombre d’entre elles sont devenues des dépendances de la domerie d’Aubrac ; certaines étaient rattachées à d’autres abbayes prestigieuses : Saint Victor de Marseille, La Chaise-Dieu et Conques. La richesse de ce patrimoine religieux est intimement liée à l’importance et au rayonnement des abbayes locales ou distantes, à la ferveur religieuse de l’époque et au rôle des pèlerinages dans l’établissement et le développement de certains édifices. Le Moyen-Âge en a légué au territoire un nombre conséquent. Leur caractère remarquable est attesté par leur inscription ou leur classement « Monument historique » ainsi que par les travaux de divers auteurs qui révèlent l’intérêt de tout ou partie de leur architecture intérieure ou extérieure (voir annexe 17 : Églises romanes remarquables).

Ce patrimoine indissociable de l’histoire du territoire, très présent dans le quotidien des habitants au même titre que le patrimoine vernaculaire, bénéficie d’une reconnaissance et de l’intérêt des acteurs présents lors des ateliers de concertation. Sa valorisation partielle est assurée grâce au tourisme et à des animations culturelles. Au regard des premiers travaux de recensement, la question se pose de l’amélioration de la connaissance (inventaires) et surtout du porter à connaissance auprès de tous les publics, qui se fait souvent ponctuellement (ex. : Journées du patrimoine), alors qu’il s’agit bien d’un patrimoine qui s’inscrit dans la trajectoire historique et surtout, est intimement rattaché à la « construction » du territoire que nous connaissons aujourd’hui.

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152 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

d. Bilan, perspectives

En Aubrac, le patrimoine religieux occupe une place « centrale » : un révélateur du rôle qu’a joué la domerie d’Aubrac dans la « construction » de l’économie et de la culture agro-pastorale.

La domerie à Aubrac, un réseau de possessions réparties sur le territoire, à proximité et parfois bien au-delà, de nombreux églises romanes, témoignent du rayonnement et de la puissance de cette fondation monastique.

D’autres ecclésiastiques, certes moins puissants, ont également marqué le territoire : les Templiers et l’abbaye de Bonneval.

Des risques antinomiques sont pointés : de l’oubli à la sur-fréquentation qui peuvent induire la banalisation de sites historiques particulièrement significatifs.

Les voies historiques

a. La voie romaine

De l’époque antique subsistent les vestiges de la voie romaine dite « Via Agrippa » qui traverse le territoire de part en part, afin de rallier Lyon à Saint Bertrand de Comminges (via Javols, Rodez et Toulouse).

Un parcours étudié mais en péril L’étude de la Via Agrippa par de nombreux érudits et archéologues, permet de cerner assez précisément son parcours et d’en produire ici une description synthétique et cartographiée74. De nombreux tronçons sont aujourd’hui recouverts par des routes goudronnées. Certains traversent des pâturages, des forêts et des propriétés privées. Pour ce qui est du parcours en forêt domaniale d’Aubrac, il a été et est encore dégradé par les engins des ayants-droit qui sortent les bois et les tracteurs agricoles, malgré la réalisation d’une voie parallèle dédiée. Enfin, certaines parties ont complètement disparu et seuls les hypothèses, la toponymie et les témoignages oraux permettent de la repérer.

Cette voie romaine s’intègre au réseau des autres voies antérieures ou postérieures et connaît des tronçons communs avec elles. Sa valeur historique et patrimoniale mérite d’abord qu’une attention particulière soit portée à la préservation des tronçons encore visibles, soumis à des dégradations ou des risques de disparition. Ensuite, elle semble relativement méconnue, peu reconnue par les acteurs locaux, sauf quelques passionnés et érudits.

Des vestiges importants à Javols Javols, capitale antique du Gévaudan est le haut lieu en matière de vestiges de l’époque gallo-romaine. Le site archéologique de Javols est inscrit à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques75.

En 1998, le Conseil départemental de la Lozère crée la salle d'exposition du site archéologique, aujourd’hui Musée de Javols : 200 m² abritent les plus beaux objets découverts. Le bâtiment, situé au cœur du bourg, est géré et animé par la Communauté de communes de la Terre de Peyre.

74 Voir fin de cette partie. 75 Par arrêté du 25 Juillet 1991. La parcelle A 1317 du site a été transférée à la Région en 2009 dans le cadre de la loi du 13 Août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales

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153 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

La pièce maîtresse en est « la statue grandeur nature de Sylvain Sucellus » : dieu gallo-romain, saint patron des forestiers et des tonneliers. À l'extérieur, un circuit pédestre enrichi de 18 panneaux, permet de découvrir l’emplacement des découvertes archéologiques, tout au long de l’année. Un programme d’activités et d’animations pour le grand public et des activités spécifiques pour le jeune public scolaire sont proposés par le Musée.

En 2012, la Région Languedoc-Roussillon a lancé le projet de mise en valeur du site qui vise à protéger et à conserver les vestiges, à redonner vie à la « ville romaine » à travers une approche paysagère et des aménagements réversibles, privilégie une approche globale du site appréhendé sous forme de « Parc archéologique ».

Quelques sites et vestiges sur le parcours Quelques vestiges subsistent également sur le parcours de la Via Agrippa : notamment les ruines de l’ancienne station nommée Ad Silanum, un relais en pleine montagne, à mi-chemin entre le lac de Souveyrols et la ferme de Montorzier. Des tronçons sont encore visibles dans la forêt domaniale d’Aubrac, entre Brameloup et les Infrux.

Une borne milliaire réemployée en socle de croix, a été implantée au carrefour de la route de Rieutord d’Aubrac, à l’entrée de Malbouzon. En face, un panneau au bord de route présente la voie romaine.

De fragiles vestiges de la voie et surtout ceux beaucoup plus significatifs présents à Javols, représentent un intérêt pour la connaissance de l’occupation humaine du territoire à l’époque antique. Ils constituent un support intéressant pour développer des activités auprès du jeune public et une opportunité pour fédérer des acteurs autour d’un projet de préservation de vestiges parfois menacés, méconnus et peu ou pas mis en valeur.

b. Un réseau de chemins de pèlerinage et un itinéraire majeur, la « Via Podiensis »

L’époque médiévale a vu le développement des chemins de pèlerinage, un moyen de faire pénitence dans le contexte historique d’une grande ferveur religieuse. La « Via Podiensis », une des 4 voies principales vers Saint Jacques de Compostelle traverse le territoire d’étude de l’est au sud-ouest, d’Aumont-Aubrac jusqu’à la vallée du Lot. Cependant, au Moyen-Âge, c’est un véritable réseau de chemins qui draine les pèlerins : hormis la voie matérialisée par l’itinéraire de randonnée actuel et bénéficiant pour partie du classement UNESCO, d’autres tracés irriguent la région, empruntant régulièrement d’autres voies historiques. Non seulement les pèlerins utilisent différentes voies et pas une seule, mais de nombreux lieux de pèlerinage se développent. Saint Jacques de Compostelle est

certainement un des plus prestigieux, mais autour de nous plusieurs « destinations » de pèlerinage expliquent la multiplicité des chemins et des hôpitaux qui les jalonnent : Conques, Rocamadour, Saint Gilles, Saint Guilhem...

L’itinéraire emprunté par l’évêque Godescalc pour se rendre à Saint Jacques (au 10ème siècle), plus au nord de l’Aubrac en est un. L’installation de nombreux hospices et hôpitaux dans les vallées de la Colagne et du Lot par

les religieux d’Aubrac laisse penser que cela permettait aux pèlerins d’éviter les rigueurs du climat hivernal sur le haut plateau. Un autre pèlerinage médiéval doit également être évoqué : celui de Saint Gilles (dans le Gard) : son tracé traverse le périmètre d’étude selon un axe nord-ouest/sud-est (en

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Diagnostic territorial

provenance du Limousin et Aurillac) et croise le chemin de Saint Jacques à Aubrac. Quant au pèlerinage vers Saint Guilhem le Désert, son parcours paraît être sensiblement le même que celui de la grande draille du Languedoc.

c. Les drailles et chemins de transhumance : les plus anciennes voies historiques

Les chemins de transhumance et les drailles sont présentés dans la partie dédiée au patrimoine agro-pastoral. Leur mention ici, permet de les intégrer à la « famille » des voies historiques, et de les présenter dans la synthèse cartographique de la connaissance en la matière.

d. Un premier état de la connaissance : des superpositions de tracés et des points « névralgiques »

Les tracés connus sont reportés sur la carte « Les voies historiques » de l’atlas cartographique. Certains tracés sont précis, d’autres sont présumés, surtout les plus anciens, sur lesquels les vestiges sont ténus, et où seule la toponymie est le marqueur historique le plus tangible. L’intérêt de cette carte, réside dans le parallèle historique et la superposition partielle de certaines voies. La cartographie met également en évidence des « points névralgiques » déjà partiellement repérés dans les parties dédiées à la voie romaine, aux drailles et aux chemins de pèlerinage : les gués/ponts, les péages, les édifices religieux bien entendu, les croix, les relais/hospices/hospitalités... De nature différente, ils représentent des points de convergence, des carrefours importants dotés de vestiges particulièrement intéressants.

Une symbolique apparaît pertinente au regard de cette synthèse sur les voies historiques : des éléments linéaires, vecteur de liens à l’échelle territoriale, et des éléments ponctuels forts, représentatifs de périodes historiques clés pour la région. Il s’agit d’une intéressante grille de lecture du territoire, qui pourra être mise à profit dans

l’élaboration du projet de territoire.

e. Bilan, perspectives

Les voies historiques apparaissent comme une thématique particulièrement significative du patrimoine bâti et historique de l’Aubrac.

La voie romaine, ponctuellement en danger, bénéficie d’une faible reconnaissance ; a contrario, à Javols, principal site antique, les vestiges sont importants et font l’objet d’une valorisation culturelle et touristique porteuse pour le territoire.

Auparavant dans le présent diagnostic, le Chemin de Saint Jacques de Compostelle et les drailles de transhumance ont montré leur forte emprise et leur rôle dans la dynamique territoriale actuelle ou potentielle. Le premier représente déjà un axe structurant et les secondes sont des éléments de liaison en devenir, entre patrimoine agro-pastoral et patrimoine paysager.

Les voies historiques représentent ainsi un potentiel fort de mise en réseau des éléments patrimoniaux de l’Aubrac et avec d’autres territoires.

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155 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Le patrimoine défensif et mémoriel

a. Des formes très variées de sites défensifs

L’insécurité de la période médiévale faite de luttes récurrentes entre les seigneurs locaux et plus largement, les vicissitudes historiques subies par les habitants du territoire, ont abouti à l’érection de bâtiments défensifs divers : de la tour de guet au château avec remparts et donjon, en passant par la fortification de bâtiments laïcs ou religieux.

Un premier recensement identifie environ 70 sites défensifs, répartis sur l’ensemble du territoire (voir annexe 18 : Principaux sites et édifices fortifiés).

Parmi les monuments historiques et les sites figurent plusieurs châteaux. Certains ont conservé leur caractère défensif, d’autres ont quasiment disparu (seuls restent quelques vestiges ou l’emplacement attesté de leur existence passée), d’autres encore ont été transformés au fil du temps et sont devenus des résidences moins austères.

Ont également été fortifiés : des bourgs, des granges ou domaines agricoles isolés et des monastères. L’implantation de ces édifices est intimement liée à la présence, soit des fondations religieuses, soit des grandes et puissantes seigneuries laïques médiévales.

Des formes défensives plus « frustres » et rurales, les souterrains-refuges, sont présentes surtout en Viadène76. Ils semblent avoir été creusés pendant les périodes troubles de la guerre de Cent Ans, ce qui explique la référence faite parfois aux « anglais ». Ils ont également « servi pendant les guerres de religion et sous la Révolution ».

Quelques édifices significatifs sont ouverts au public et mettent en œuvre une promotion touristique : notamment les châteaux de la Baume (Prinsuéjols), de Calmont (Espalion), du Bousquet (Montpeyroux), d’Estaing…

b. Le Maquis et la Résistance : une mobilisation au service de la mémoire

Le 20ème siècle qui a connu 2 conflits mondiaux, a marqué durement la vie des habitants du territoire. Sur 2 communes, Condom d’Aubrac et Anterrieux, les acteurs locaux ont souhaité faire un travail de mémoire, dans le cadre associatif, pour honorer les Résistants et rendre hommage à leur engagement dans le Maquis, lors de la seconde guerre mondiale.

Le Musée de la Résistance d’Anterrieux Anterrieux est situé sur le plateau du Caldaguès au sein du site stratégique appelé « le Réduit de la Truyère » et repéré très tôt par les services secrets britanniques pour les parachutages destinés à fournir des armes aux maquisards. Après la bataille du Mont Mouchet en juin 1944, Anterrieux subit les bombardements allemands qui détruisent de nombreuses maisons et fermes de la commune et tuent une quarantaine de maquisards.

76 Ainsi qu’en Carladez, sur le périmètre élargi.

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156 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

En 1987, des survivants et la municipalité décident la création d’un musée (une petite salle de 20 m²) qui ouvre ses portes avec « un petit fonds matériel, documentaire et bibliographique qui s’est étoffé depuis, à la mesure des efforts des bénévoles ». Depuis 15 ans, le musée, géré par une association, mène des actions dans de nombreux domaines : conservation d’objets et documents, collecte de témoignages, édition de recueils de textes historiques et de témoignages, constitution d’un centre de

documentation, organisation d’expositions, de conférences, d’interventions, de randonnées/circuits et accueil du public et des scolaires au musée.

Association très active, elle souhaite poursuivre le développement du Musée par une professionnalisation et un rayonnement territorial : consolider l’emploi qui est vital pour l’association et travailler en réseau avec d’autres acteurs impliqués dans cette thématique en Aveyron et en Lozère.

Le Maquis Roland dans le bois des Enguilhens Sur la commune de Condom d’Aubrac, le bois des Enguilhens a également abrité des maquisards dès juin 1943. Ils ont aménagé une petite grotte encore visible aujourd’hui. Structuré par un dénommé « Roland », ce maquis a pris ce nom début 1944. L’association « Des Boraldes aux Enguilhens » et la commune proposent une exposition « Espace Maquis » qui rassemble des objets et témoignages des activités du Maquis Roland. Une stèle a également été apposée à l’entrée de la grotte des Enguilhens.

La stèle du col de Bonnecombe Pour compléter l’état des lieux, il faut citer la stèle du col de Bonnecombe77 qui rend compte d’une particularité de la Résistance, côté Lozère. En mars 1943, 5 ouvriers allemands de l’usine de Saint Chély d’Apcher78 risquent des représailles pour leur opposition au régime nazi. Ils décident d’entrer dans la clandestinité et se cachent dans un abri de bûcheron à Bonnecombe : il s’agit du premier Maquis de Lozère qui se constitue ainsi dans le sud de l’Aubrac.

En 2003, une stèle est érigée au bord de la route qui relie le col de Bonnecombe au village des Hermaux, et célèbre le souvenir de ces Résistants.

c. Bilan, perspectives

Ce volet du patrimoine historique montre la dynamique des acteurs présents sur le territoire : des privés détenteurs de biens et des associations mobilisées autour du « devoir de mémoire ». Toutefois le bilan est contrasté : une richesse patrimoniale indéniable mais une préservation rendue difficile car liée au caractère privé de certains biens.

Au vu des initiatives repérées et de la mobilisation locale, les besoins se situent principalement dans le soutien, la mutualisation, la mise en réseau des acteurs privés, associatifs et des collectivités pour qui ces initiatives sont facteurs de dynamisme et d’attractivité.

77 Sources : Aubrac Sud Lozère (site Internet 10/2013) et ONAC de la Lozère « Patrimoine et mémoire en Lozère – Les chemins de la Résistance ». 78 Dans les années 1930, acieries et forges accueillent des ouvriers de toutes origines : locale et paysanne, puis d’ailleurs et des étrangers (10 à 15 %) dont des allemands. Source : BUFFIERE Félix ; (1990), Le guide de la Lozère, Paris, La Manufacture.

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157 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Le patrimoine bâti contemporain

a. L’héritage du 19ème siècle

Des villas cossues, construites par les « Parisiens » L’émigration vers Paris, initiée dès le début du 19ème siècle, se développe vraiment au tournant et durant une bonne partie du 20ème. Malgré des réussites inégales, elle a suscité des retours au pays qui se traduisent par le développement d’une architecture spécifique dans les bourgs et villages de la région dont est issue la « diaspora ». Des villas cossues, souvent de taille conséquente, avec des décors parfois ostentatoires ou des couleurs originales, entourées de jardins ou de parcs, sont assez reconnaissables dans les faubourgs et en périphérie. Aujourd’hui, plusieurs générations ont succédé aux pionniers : résidences secondaires « classiques », elles sont souvent fermées.

Ce marqueur architectural « territorial » fait partie intégrante du patrimoine bâti contemporain et mérite à ce titre une meilleure connaissance.

Le patrimoine thermal et climatique : issu d’activités qui préfigurent le tourisme contemporain

Dans le courant du 19ème siècle, le thermalisme se développe sur 2 sites du territoire : Chaudes-Aigues et La Chaldette.

Depuis l’Antiquité, les habitants de Chaudes-Aigues utilisent les sources d’eau chaude et bénéficient de leurs vertus. Les premiers établissements de bains privés se créent au 19ème siècle, puis un établissement thermal, juste avant la première guerre mondiale. Chaudes-Aigues, bourg de dimension importante sur la route de Paris, dispose d’un patrimoine thermal varié : à la fois lié aux sources (fontaines publiques, lavoir) et aux bâtiments pour les soins et la villégiature (vestiges des thermes au musée, établissement thermal, …). Le thermalisme s’est également développé à La Chaldette à partir de la même époque, grâce à la construction des thermes et des structures d’accueil. Aujourd’hui, village rural qui revit grâce à la fréquentation touristique (essentiellement des séjours « bien-être »), La Chaldette garde le témoignage d’une architecture issue du développement des cures thermales.

Enfin, le tourisme climatique se développe lorsque se construit à Aubrac en 1899, un sanatorium « modèle » qui fut le premier sanatorium de haute altitude en France. Ses résultats sont peu probants, il ne connut donc que quelques années d’activités. Transformé en hôtel, sa vocation évolue après-guerre vers diverses œuvres sociales et prend son nom actuel de « Royal Aubrac ». À partir des années 60, il accueille des classes de neige en

hiver et des colonies de vacances en été, activité qui se poursuit jusqu’en 2007, année qui voit la vente du site par le dernier propriétaire, la Fédération des Œuvres Laïques de l’Aveyron. Le projet de rénovation en hôtel de standing élaboré par le nouveau propriétaire peine à voir le jour.

Cette immense bâtisse, un peu mystérieuse et austère, est indissociable de l’image du village d’Aubrac. Elle fait partie intégrante du patrimoine lié aux activités « pré-touristiques » sur l’Aubrac au même titre que le patrimoine thermal, héritiers tous 2 des pratiques de villégiature du début du 20ème.

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C’est à la même époque, que convergent vers le village d’Aubrac, les curistes « de petit lait » ou « gaspejaïres »79, venus jusqu’à Aumont-Aubrac en train, puis jusqu’à Aubrac en autobus. Un public issu de l’émigration « parisienne » séjourne dans les premiers hôtels de luxe : « la station d’Aubrac » voit le jour grâce à la construction d’hôtels dans le village. Pour parfaire cet essor, à l’époque florissante de l’économie fromagère des montagnes, les foires drainent une importante clientèle de marchands et de maquignons, ce qui a également favorisé l’ouverture de grandes maisons hôtelières, comme l’Hôtel des Montagnes construit en 1904 et qui abrite le siège administratif du Syndicat mixte de préfiguration du PNR.

Le patrimoine issu de la Révolution industrielle Le patrimoine industriel reste marginal sur ce territoire, mais il est bien présent dans l’architecture des vallées. Certains moulins historiques sont devenus ou ont été remplacés par des foulons, des filatures et des manufactures qui se sont développées durant le 19ème siècle et ont périclité dans le courant du 20ème siècle du fait de l’évolution des besoins de la population, de leur enclavement et de la concurrence d’autres régions, voire d’autres pays aux coûts de production moins élevés.

La mise en valeur actuelle est essentiellement touristique grâce à des circuits thématiques mis en œuvre par les municipalités ou les offices de tourisme concernés.

b. Le patrimoine industriel du 20ème siècle

Les barrages hydro-électriques dans les vallées du Lot et de la Truyère sont les principaux éléments constitutifs du patrimoine industriel du périmètre d’étude. Leur construction s’étale sur 50 ans, de 1932 (Brommat) à 1982 (Montézic)80. Leur construction a profondément modifié les modes de vie dans les vallées et les paysages (villages et ouvrages d’art noyés, population déplacée). Elle a également représenté une « épopée humaine et technique » qui a marqué les communes concernées : afflux de travailleurs, développement d’une économie spécifique…

Tout naturellement, ces ouvrages sont d’abord des outils de production d’énergie qui apportent des ressources financières aux communes qui les hébergent. Mais leur rôle va évoluer à partir des années 90 : tout d’abord grâce à la mise en valeur touristique. Uniquement sujets à une découverte paysagère, ils vont progressivement se doter de panneaux d’information, puis faire l’objet de visites organisées par les offices de tourisme en partenariat avec le concessionnaire EDF. Incontestablement, les barrages sont très présents dans le quotidien du territoire : reste à définir leur véritable place dans le patrimoine local ? Entre bouleversements liés à leur construction (paysager, humain) et force de leur présence actuelle.

Dans le domaine du patrimoine industriel contemporain, toujours vivant, l’usine Arcelor Mittal, dans la commune associée de Saint Chély d’Apcher mérite d’être mentionnée. Tout d’abord, parce qu’il s’agit du seul pôle industriel de cette taille dans la région et que depuis un siècle, il a marqué la vie locale sur la partie nord lozérienne du territoire.

Ce patrimoine vivant est mis diversement en valeur (musée de la Métallurgie, visites organisées par l’office de tourisme, journées « portes ouvertes »).

79 De l’occitan « gaspa » : le petit lait, « le sérum lactique très purgatif ». Source : BOSC Zéphir ; (2006), Transhumances Estivadas, Aubrac Carladez, Aurillac, Imprimerie Gerbert. 80 Voir partie « La gestion des ressources » pour les caractéristiques techniques des ouvrages

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c. L’architecture du renouveau, à partir des années 80

La particularité « historique récente » en matière d'architecture contemporaine est à souligner sur le territoire. Des bâtiments professionnels se sont développés sous l’égide d’entrepreneurs locaux ayant fait appel à des architectes ou designers de renom, pour produire une architecture novatrice. L’ambition de ces pionniers était d’inscrire des savoir-faire et un patrimoine traditionnel, matériel ou immatériel, dans la modernité. La signature d’un nom reconnu, alliée à la tradition, ont permis d’apporter au territoire une notoriété renouvelée, sans passéisme et dans le respect de « l’esprit des lieux ». Par ordre chronologique, on peut citer :

- L’usine-atelier de la « Forge de Laguiole », à Laguiole, designée par Philippe STARCK (1987). - Le restaurant et l’hôtel BRAS, au « Suquet » à Laguiole, réalisés par Éric Raffy (1992). - La station de La Chaldette, réalisée par Jean-Michel WILMOTTE (1996).

Plus récemment, d’autres initiatives se sont inscrites dans les pas des pionniers ; dans le domaine de la gastronomie de nouveau, en 2007, Serge VIEIRA a installé son restaurant étoilé près de la magnifique tour classée du Couffour à Chaudes-Aigues, dans un registre architectural toujours résolument contemporain, comme son devancier de Laguiole.

Enfin, un lieu multifonctionnel vient d’être édifié à Aumont-Aubrac en 2010 : « la grande halle » qui s’inspire de l’architecture traditionnelle des bâtiments agricoles et valorise très largement les bois locaux (ou régionaux), pour une réalisation elle aussi résolument contemporaine.

Parfois décrié à l’origine, il semble que ce patrimoine architectural contemporain se soit « intégré » autant dans le paysage que dans le vécu des habitants. La question a été posée de savoir si cette dynamique n'est pas un peu « en panne » aujourd'hui ?

d. Bilan, perspectives

L’héritage en matière de patrimoine bâti contemporain puise ses racines au 19ème siècle, entre émigration vers Paris et développement du thermalisme, puis du tourisme. Le cours du 20ème siècle est marqué par la construction des barrages hydro-électriques sur la Truyère et le Lot, qui recherchent leur place au sein d’une démarche patrimoniale. Des formes innovantes d’architecture s’inscrivent dans le paysage local depuis les années 90, celles du renouveau.

Une question importante se pose toutefois au regard des mutations socio-économiques et socio-culturelles : quelle architecture à l’œuvre aujourd’hui sur l’Aubrac et pour demain ?

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D. Les savoir-faire et le patrimoine immatériel : de la tradition à l’innovation

Le patrimoine culturel immatériel : les définitions de l’UNESCO

Dans le cadre de la « Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel »81, l’UNESCO le définit par : « les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine »(…).

« [Il] se manifeste notamment dans les domaines suivants : - les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel

immatériel ; - les arts du spectacle ; - les pratiques sociales, rituels et événements festifs ; - les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ; - les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel ».

Les notions de « savoir-faire » et plus largement de « patrimoine immatériel » mettent en avant la place majeure donnée à l’expérience et l’habileté, ainsi que l’acquisition de compétences, liées à un contexte local unique. Elle valorise également le principe d’une transmission de ces compétences et d’un lien étroit avec un territoire donné dans une logique globale de développement durable.

Les principaux domaines présents en Aubrac

La déclinaison de ces définitions et réflexions en Aubrac amène à proposer une liste de domaines d’activités où vont se retrouver des savoir-faire et patrimoines particuliers. L’analyse bibliographique complétée par des données recueillies auprès d’experts permet d’identifier les principaux domaines suivants : l’artisanat, la gastronomie, l’agriculture, la vie quotidienne et les pratiques culturelles du quotidien, les ressources naturelles. Pour chacun de ces domaines, un état des lieux synthétique va servir à identifier le caractère spécifique du savoir-faire et son évolution dans le temps jusqu’à aujourd’hui, ainsi que sa « position » vers l’avenir : de l’intégration à la mémoire collective à un possible renouvellement et une remobilisation, notamment par l’innovation.

a. L’artisanat : opportunités de filières et vestiges d’un temps passé ?

Les savoir-faire artisanaux, supports d’activités économiques Ces savoir-faire artisanaux valorisés via des activités économiques organisées ont su s’adapter et se maintenir jusqu’à aujourd’hui. Ils sont créateurs d’emplois directs et puisent leurs racines dans une tradition locale (forme du couteau, matière première des manches, essences des meubles, modèle, taille de la lauze…), avec une adaptation réussie aussi bien dans la technique que dans les innovations sur le produit. C’est le cas surtout de la coutellerie de Laguiole, et à un degré moindre du travail de la lauze ou de l’ébénisterie.

81 Qui s’est réunie en 2003 et a été approuvée par la France en 2006.

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1) Le couteau de Laguiole : une relance réussie qui peine à défendre la spécificité de son origine

Dans les régions rurales du Massif central, la tradition coutelière est issue du savoir-faire des taillandiers et forgerons82. Ce fût également le cas en Aubrac, et plus particulièrement à Laguiole. L’histoire du couteau de Laguiole s’inscrit dans cette tradition et aboutit à la relance contemporaine réussie, toutefois avec des questions fortes autour de la garantie de l’origine (voir tableau ci-dessous).

Quelques mots d’histoire Jusqu’au

19ème siècle Un couteau paysan fabriqué par les taillandiers et forgerons locaux : le « capuchadou »

19ème siècle Les premiers couteliers s’installent dont Pierre-Jean CALMELS, le « créateur » du Laguiole. Le poinçon, la « mouche » puis le tire-bouchon apparaissent.

Jusqu’à la fin du 19ème siècle

L’essor des coutelleries. Le temps des récompenses par des « Médailles » nationales.

De 1900 à 1910

L’abeille, emblème du couteau de Laguiole. Le développement du négoce des couteaux s’accroît ainsi que la production à Thiers, déjà capitale de la coutellerie. La guerre engendre la disparition de l’effectif ouvrier.

1950 L’arrêt de la dernière forge

De 1981 à 1985 La mise en œuvre d’un projet concerté de relocalisation de la production du couteau de Laguiole dans son berceau d’origine.

1985 Le démarrage d’un premier atelier de montage. 1987 La réinstallation d’une première forge.

De 1985 à aujourd’hui

La relance de l’activité a permis la création d’un nombre significatif d’emplois notamment dans la fabrication. Les designers contemporains sont attirés par ce produit à la fois traditionnel et artistique, ils proposent de nouveaux modèles, voire dessinent les locaux abritant les ateliers. Les savoir-faire artisanaux sont valorisés, voire récompensés par l’octroi du titre de « Meilleur ouvrier de France » à des artisans locaux. Des démarches sont engagées depuis 1981 pour relocaliser la production, puis surtout garantir l’origine (association du Couteau, syndicat professionnel de défense du Couteau, mobilisation en faveur d’une IGP pour les produits manufacturés).

11 coutelleries fonctionnent à Laguiole dont 6 proposent la visite des ateliers ; d’autres sont installées dans des villages du Nord-Aveyron.

Le couteau de Laguiole, malgré les copies contrefaites et la difficile garantie de l’origine est devenu un objet « précieux » en perpétuel renouvellement. Il demeure aussi un symbole fort de l’identité locale, héritier d’une

tradition qui doit rester ancrée à son territoire.

Tableau 15 : Histoire du couteau de Laguiole

2) L’ébénisterie et la lauze : des ressources, des savoir-faire mais des filières fragilisées

Pour l’ébénisterie, le savoir-faire s’exprime en réponse à une demande précise et unique : du « sur mesure ». Il est alors attaché à suivre des principes généraux liés au bois utilisé, à la conception mais reste avant tout l’expression de l’artisan qui sait le mettre en œuvre. Cette filière qui subit une forte concurrence à l’international, connaît des difficultés pour mobiliser la ressource locale (peu gérée), pour former de nouveaux artisans et ainsi transmettre les savoir-faire.

En ce qui concerne le travail de la lauze, la spécificité est d’une évidence majeure puisqu’elle repose entièrement sur le matériau local utilisé directement. C’est celui-ci qui oblige l’artisan à s’adapter et à « savoir faire » pour que la couverture avec ce matériau fonctionne. Ici, la vigilance est de mise pour préserver son attachement à une spécificité qui en fait un produit unique, peu reproductible ailleurs. Il est important d’accompagner des démarches collectives qui vont permettre de donner une lisibilité

82 Source : LEMASSON Christian ; (2010), Histoire du couteau de Laguiole, Editions des monts d’Auvergne.

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plus forte à ceux qui maintiennent ce savoir. En exemple, peuvent être cités les « lauziers » de Lachamp, qui exploitent des carrières locales à proximité du territoire d’étude. Il faut également citer les démarches pour la réouverture des ardoisières du Cayrol, menées par la commune qui se heurte à de nombreuses difficultés. La problématique de la transmission se pose à 3 niveaux :

- au niveau des artisans capables d’apprendre aux jeunes générations, - au niveau des habitants du territoire qui doivent reconnaître que le produit proposé est

unique et bien ancré dans leur propre territoire, - mais aussi au niveau de la ressource naturelle, mobilisable ou non, mobilisée, peu ou pas.

Supports d’activités économiques, ces savoir-faire traditionnels « uniques » doivent préserver la disponibilité et l’accessibilité des produits qui en sont issus : ils ne doivent pas entrer dans la catégorie de produits réservés à une petite frange de population. Leur origine est bien un savoir-faire qu’on pourrait qualifier de populaire mais leur maintien jusqu’à aujourd’hui montre qu’ils nécessitent plus

de temps, plus de main d’œuvre qu’un produit générique et cela les place à part, parfois malgré eux. À cet égard, les modalités de soutien et d’engagement des collectivités, ainsi que des partenaires, pour défendre les filières locales, paraissent importantes à définir à l’échelle territoriale.

Savoir-faire et produits traditionnels du quotidien Ces savoir-faire valorisent des ressources locales particulières (exemples : seigle et ronce pour les paniers et « paillassous », laine de mouton, bois pour les bâtons de marche ou pour les animaux…) et ont en commun le fait de ne pas (plus) représenter aujourd’hui une économie de filière, mais de proposer des produits qui peuvent rester encore d’actualité dans leur usage. Les techniques de fabrication et les matériaux n’ont pas pu s’adapter et restent identiques au passé ou ont été dépassés par des développements beaucoup plus performants dans d’autres régions, entraînant l’obsolescence du savoir-faire en tant qu’activité économique. Les produits issus de ces savoir-faire ont des atouts indéniables pour un usage; cela pourrait permettre d’envisager des relances ciblées pour maintenir le savoir-faire, mais aussi redynamiser l’artisanat local et des filières courtes artisanales. Un travail de collecte et d’inventaire pourrait sauver de l’oubli ces savoir-faire et assurer la transmission des techniques tandis qu’un travail de recherche patrimonial pourrait peut-être leur permettre de répondre à des attentes actuelles, à l’instar de ce qui a été effectué, à une autre échelle, autour du couteau de Laguiole.

Parmi ces savoir-faire artisanaux, certains sont issus d’un mode de vie qui a disparu (fabrication des sabots), mais ils amènent à se positionner vis-à-vis d’une histoire locale et d’une tradition qui ne peut pas se moderniser, faute d’usage actuel. Cependant, ils ont permis le développement d’un ensemble de techniques et d’outils très spécifiques dont la disparition serait dommageable.

Au final, en matière de savoir-faire artisanaux, les besoins et attentes ne sont pas identiques, car chaque type de savoir-faire s’inscrit dans une trajectoire différente de développement. Pour les savoir-faire organisés en filières économiques, les besoins se situent actuellement dans la protection des spécificités ou dans la reconnaissance des matières premières utilisées. Pour les autres, un travail d’inventaire des techniques locales semble important pour susciter l’émergence d’éventuelles activités artisanales ou pour alimenter la mémoire collective.

b. La gastronomie : un savoir-faire exemplaire dans sa transmission

Un existant d’une extrême variété, quelques produits « phares » Dans ce domaine, il est difficile de présenter tout l’existant : le patrimoine alimentaire étant considéré comme un des plus riches et des plus ancrés localement. En Aubrac, l’évocation des principaux savoir-faire va certes montrer l’importance de l’ancrage local, mais aussi de la transmission qui repose sur

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une mémoire collective, une identité certainement partagée mais également sur un vécu localisé (sur un secteur du territoire, dans un foyer, chez un(e) cuisinier(ère)), ce qui traduit sa grande richesse et sa spécificité.

L’état des lieux sur le territoire de projet permet de reconnaître 3 produits « phares »83 : - l’aligot qui représente le plat emblématique de l’Aubrac ; - le fromage de Laguiole ; - les viandes issues de la race Aubrac : « Fleur d’Aubrac » et « Bœuf fermier Aubrac ».

Viennent ensuite, mais dans une moindre mesure, d’autres produits locaux identitaires : la charcuterie, la fouace et l’apéritif à base de gentiane d’Aubrac.

Enfin, il existe d’autres produits du terroir et d’autres recettes, peut-être moins spécifiques, de notoriété plus limitée, plus « localisés ». Il s’agit notamment du miel, des confitures de fruits rouges ou de châtaignes, des fromages fermiers de vache, de brebis ou de chèvre… ainsi que des vins de la vallée du Lot. Dans le registre des recettes, il s’agit de la truffade, de la pouteille, des tripoux, du pounti, des farçous, de la coupetade, du gâteau à la broche…

Signes de qualité, diversité des recettes et mémoire collective Ce qui distingue certains produits des autres, ce sont la conservation et la protection de leur savoir-faire qui leur confèrent un caractère non délocalisable : la viande de bœuf « Aubrac » bénéficiant d’un label rouge ou le fromage de Laguiole bénéficiant d’une AOP. Pour les autres, le savoir-faire est souvent issu d’une expérience locale qui se transmet sans outil réglementaire particulier. Ces produits du savoir-faire alimentaire ont encore en commun le fait d’être actualisés régulièrement par les acteurs les faisant vivre, mais également de représenter des filières économiques : producteurs, artisans, restaurateurs, chefs étoilés… L’économie engendrée par les produits alimentaires est majeure sur notre territoire, elle a des impacts sur la production agricole, mais aussi sur la consommation locale et encore sur l’attractivité touristique.

Les signes d’identification de la qualité et de l’origine placent les produits concernés à l’abri d’une perte de savoir-faire. En revanche, pour les autres produits, il est bon de veiller à leur maintien. Il n’est peut-être pas pertinent de les positionner sous un signe officiel de qualité, car ce qui fait leur richesse c’est justement leur extrême diversité de goût et d’innovation, tant chez les professionnels, que grâce aux habitants qui les cuisinent au quotidien. Par contre, la notion de « recette » semble importante à préserver au regard de la mémoire collective diverse : des déclinaisons d’un même produit sur l’ensemble du territoire (comme pour la fouace, la charcuterie…) ; ainsi que le développement d’une mise en valeur des « variations » existantes.

Une pérennité de la culture gastronomique à accompagner Les besoins autour des savoir-faire alimentaires se situent autant dans les échanges et le maintien d’une culture gastronomique vivante que dans le recensement des savoirs. Parallèlement, il peut s’avérer utile de travailler sur le développement de filières économiques qui permettraient de rendre plus lisible et plus attractive la fabrication des produits, respectueuse des traditions transmises de générations en générations. Les produits évoqués ici ne sont pas soumis à une concurrence directe, mais ils pourraient le devenir, si le lien aux habitants se perd, et si les seuls débouchés sont sur le

83 Voir partie « L’agriculture ».

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marché touristique. Conserver leur existence autant dans la sphère privée, que dans la sphère professionnelle économique, serait une garantie pour leur pérennité.

En définitive, le patrimoine gastronomique apparaît comme un savoir-faire aux besoins touchant autant à l’organisation de filières pour permettre un meilleur débouché et une meilleure reconnaissance, qu’à la nécessité de pratiquer des inventaires de recettes, pour maintenir la diversité, et rechercher des points qui pourraient être source d’innovation.

Sur ce dernier volet, il faut d’abord noter l’importance des chefs étoilés qui innovent en s’appuyant sur les produits de leur terroir et développent conjointement la notoriété qualitative des produits, des recettes et du territoire tout entier : le devancier Michel BRAS, à Laguiole, depuis les années 80 et maintenant, son fils Sébastien ; Cyril ATTRAZIC à Aumont-Aubrac et Serge VIEIRA à Chaudes-Aigues.

Il paraît également nécessaire d’évoquer les travaux engagés par des enseignants chercheurs pour définir des stratégies innovantes de valorisation du patrimoine alimentaire, notamment grâce au tourisme84, en visant la participation active décloisonnée et la mise en réseau de nombreux acteurs locaux. La démarche d’innovation réside dans l’approche territoriale et transversale du patrimoine alimentaire (partage de « l’héritage » commun, implication des réseaux, rôle des restaurateurs locaux, importance de la sensibilisation et de la formation des acteurs, rôle prescripteur des touristes) et dans l’organisation des acteurs (« de l’agriculteur-éleveur-producteur au touriste-mangeur »). La volonté d’accompagner le territoire de l’Aubrac dans une telle démarche a été proposée par l’équipe des chercheurs, en lien avec le projet de Parc.

Ainsi, ce patrimoine et les savoir-faire associés s’illustrent par leur capacité à durer et à réussir leur transmission de génération en génération, tantôt avec, tantôt sans intervention de la puissance publique ; ce qui relève d’une connaissance quasi innée de la mise en valeur des ressources alimentaires et mérite un accompagnement des acteurs plus qu’une véritable prise en charge.

c. L’agriculture : des savoir-faire directs et indirects nombreux

Évoquer les savoir-faire agricoles, c’est s’intéresser autant aux pratiques particulières d’élevage qu’aux savoir-faire induits par elles. En Aubrac, l’élevage est l’activité principale et la race Aubrac, sa spécificité. L’histoire agricole, marquée par cette dernière, a façonné et façonne encore le pays et ses paysages, tout en rythmant sa vie quotidienne.

Des pratiques d’élevage adaptées au territoire, entre tradition et modernité

L’élevage « Aubrac » peut être considéré comme un savoir-faire au sens plein, car il se pratique encore comme une activité respectant un ensemble de règles héritées d’une excellente connaissance du pays et de ses ressources pour en tirer un revenu. Aujourd’hui, cet élevage rentre dans la catégorie standard nationale de l’élevage allaitant, mais le rythme des étapes d’élevage est spécifique au territoire de l’Aubrac. Les éleveurs actuels ont hérité des générations précédentes l’optimisation des ressources, leur permettant de développer une activité dont ils peuvent vivre.

Ainsi, les vêlages traditionnellement réalisés dans les étables pendant l’hiver répondent à une économie de ressources fourragères qui se poursuit lorsque la mise à l’herbe puis l’estive intervient, à la fois au moment où les animaux en ont le plus de besoin et au moment où l’herbe est la plus riche et la plus présente. Pour leur part, les critères de sélection de la race Aubrac sont le reflet d’un savoir-faire adapté au territoire, entre tradition et modernité (en cohérence avec la ressource herbagère, héritier des acquis des générations précédentes, eux-mêmes associés aux connaissances

84 Étude PATALIM : « L'innovation dans les processus de valorisation des patrimoines alimentaires en espace rural » (2009 et 2012), coordonnée par Jacinthe BESSIERE, maître de conférences en sociologie à l’Université Toulouse II Le Mirail.

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agronomiques actuelles) : ils sont orientés vers un gabarit d’animal avec une poitrine profonde, signe extérieur d’une grande capacité d’ingestion de fourrage rustique et de développement du rumen.

Par ailleurs, il faut également souligner une tradition plus structurelle qui tend à se dissoudre dans les évolutions globales : celle des bâtiments disposant de stalles où les vaches sont attachées côte à côte. Sans prendre part à un débat sur le sujet de l’attache des animaux, l’observation d’un bâtiment où les vaches sont attachées, présente une surface réduite, un besoin en paille très réduit, maintient un contact quotidien entre l’éleveur et ses bêtes et a favorisé la réputation d’aplombs de la race. Ce type de bâtiments répondait ainsi à une logique de cohérence entre les ressources du milieu et le maintien de l’activité d’élevage. Ils continuent d’ailleurs à être utilisés : pour leurs jeunes animaux durant les premiers hivers afin qu’ils soient plus dociles.

Dans le domaine du savoir-faire d’élevage il faut également évoquer la disparition d’un savoir lié à un mode de vie qui n’est plus d’actualité : les foires aux bestiaux. Dans un pays d’élevage, ces foires ont rythmé la vie quotidienne de tous les éleveurs. Elles ont perdu une partie de leur sens aujourd’hui, mais des villages tentent de les maintenir (Nasbinals, Lacalm…). Les échanges de toutes natures qu’on pouvait y trouver sont parfois encore présents dans les concours de race Aubrac qui eux n’ont pas cessé et n’ont pas perdu de leur vitalité. Ces savoir-faire sont à l’interface entre agriculture et vie quotidienne.

Des savoir-faire agricoles associés à l’élevage Sans chercher à en faire un inventaire complet, certains de ces savoir-faire sont significatifs. À commencer par l’utilisation de la pierre associée à l’agriculture : c’est dans ce cadre que se sont développés les innombrables murets de pierre qui faisaient office de clôture et les piquets de granit, ancêtre solide du piquet de clôture en bois de châtaigner. À l’heure où les parcelles s’agrandissent et où les outils peuvent permettre de tout faire, la question de la place à accorder à ces savoir-faire est posée. Leur mise en place nécessite un rythme vers lequel notre territoire ne peut revenir mais le savoir-faire reste bien réel et doit pouvoir être maintenu, y compris au regard de leur rôle dans l’identité paysagère de l’Aubrac.

Parmi les savoir-faire agricoles, il faut évoquer ceux pour lesquels la conservation relève de la mémoire commune : l’attelage des bœufs ou des vaches, dont l’élevage était un des piliers de l’économie pastorale de l’Aubrac jusqu’à la seconde guerre mondiale et a donné une réputation de robustesse à la race. Il n’est pas envisageable de réutiliser ce savoir pour l’intégrer au mode de vie actuel, mais les gestes et le matériel associé sont spécifiques au territoire.

Pour clore ce volet, les savoir-faire et le patrimoine immatériel issus de l’activité agro-pastorale des burons85 doivent être mentionnés : au carrefour des patrimoines à l’usage « révolu » et de ceux toujours source de développement actuel, voire potentiel, ils nécessitent une réelle prise en compte en vue de leur sauvegarde.

85 Voir partie « Le patrimoine bâti et historique »

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d. Les pratiques culturelles du quotidien

Ici, ce sont des usages, des façons de vivre au quotidien qui mettent en jeu les hommes d’aujourd’hui, et la manière dont ils ont intégré l’ensemble des usages passés. Ce sont des patrimoines immatériels toujours vivants, l’expression des habitants de l’Aubrac, de leur vie au quotidien, de leurs envies et de leur implication localement.

Danse, musique et chant : pérenniser la transmission par les habitants et la création artistique

La danse traditionnelle n’est pas liée à un véritable apprentissage ou à une démonstration technique, elle se pratique de manière « innée » dans les bals et les soirées et pas uniquement lors de représentations par des groupes folkloriques. Ce constat positionne la danse comme vivante, innovante et modernisée, tout en gardant son ancrage historique. Son évolution est soumise au maintien de la transmission, aux moyens d’exercer cette pratique et surtout à la conservation de sa place dans la sphère privée même si d’autres modes d’expression, notamment artistiques, se développent86.

La musique et le chant peuvent être considérés comme plus exigeants sur le plan de la pratique quotidienne et de la transmission. Ils sont plus fragiles et se maintiennent grâce à la pratique associée de la danse, dans les mêmes sphères. Une certaine vitalité est à souligner : en effet il existe de nombreuses partitions et paroles87, reflets des spécificités du territoire. Le plus connu et pratiqué des chants locaux traditionnels permet de compléter ce volet : « Lo Mazuc », un outil de ralliement autour d’une identité et d’une culture communes, ancrées à l’histoire des burons.

Le maintien du chant et de la musique passe de nouveau par la vigilance autour de la transmission entre générations et entre habitants, ainsi que par la valorisation dans le cadre de projets artistiques : pour les faire vivre et ne pas les figer uniquement dans le passé.

La langue d’Oc : omniprésente dans le quotidien Elle fait toujours partie intégrante des échanges entre habitants, s’immisce dans la langue française parlée tous les jours, et bien sûr, se révèle à travers la toponymie. Elle fait également l’objet de programmes pédagogiques au sein d’écoles primaires ou de collèges. Entre le patois, le « parler du quotidien » révélateur de l’histoire locale et de liens sociaux, et la langue d’Oc support d’apprentissage et d’appropriation de la culture locale, des convergences semblent opportunes mais l’amélioration de la connaissance des pratiques (éducatives, culturelles, artistiques) semble un préalable indispensable.

86 Voir Partie « La vie culturelle et artistique ». 87 Qui font l’objet d’éditions diffusées localement.

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Diagnostic territorial

Les fêtes et les jeux : à préserver des risques de « folklorisation » L’Aubrac montre une activité significative notamment en termes d’organisation de fêtes estivales : elles pérennisent une tradition autour de moments festifs pour se retrouver, s’amuser et échanger en dehors du travail quotidien. Aujourd’hui, certaines fêtes évoluent et élargissent leurs objectifs pour montrer aux touristes les traditions, comme en témoignent « les fêtes » de la transhumance.

La pratique des jeux est souvent associée aux évènements festifs. Quelques jeux ont réussi à se maintenir, c’est le cas de la « quille de 8 » dont la pratique est assez localisée (région d’Espalion). Les écrits et témoignages attestent d’une pratique sur l’ensemble de l’Aubrac. Dans ce domaine, un travail doit se faire pour retrouver la trace des jeux (jeux de force, jeux de kermesse…) qui ont tendance à se raréfier.

En définitive, les besoins pour la sauvegarde de ces patrimoines sont peu nombreux mais résultent plutôt de la nécessaire prise de conscience des habitants, de leur rôle en matière de lien social et intergénérationnel : pour une transmission « naturelle » entre les habitants, les nouvelles populations et les visiteurs, dans le respect des spécificités et pour le maintien du caractère vivant de ces pratiques.

e. Des ressources naturelles : un socle pour développer des savoir-faire non délocalisables

Des ressources végétales sources de savoir-faire 3 plantes sont à l’origine du développement de pratiques et techniques ayant engendré des savoir-faire : le narcisse, la gentiane et le thé d’Aubrac.

Le narcisse est récolté depuis de nombreuses années et la demande a permis le développement d’un savoir unique adapté à la fois aux parcelles et à la transformation. Historiquement fauché manuellement, il existe maintenant des moyens plus élaborés utilisant la traction animale ou un outillage adapté à la plante. À noter que le narcisse est devenu le support d’une filière économique, certes dépendante d’une seule unité de transformation basée sur le territoire, mais qui valorise l’excellente qualité de la ressource, la rendant très spécifique et limitant les risques de délocalisation.

Le savoir-faire de la récolte de la gentiane a peu évolué : seules ont évolué les équipes de ramasseurs qui interviennent pour le compte des transformateurs. La récolte se fait encore manuellement mais est de temps en temps mécanisée, ce qui peut faire craindre une atteinte au pâturage. En revanche, la transformation échappe au territoire. Ces constats amènent à s’interroger sur le niveau de fragilité de ce savoir-faire.

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Diagnostic territorial

Enfin, le thé d’Aubrac fait l’objet d’un développement tout récent au sein d’une filière économique. Cette plante a traditionnellement été cueillie dans les forêts d’Aubrac. Elle connait un regain d’intérêt depuis quelques années, ce qui a abouti à un transfert de savoir-faire de la cueillette et consommation en tisane, à la mise en culture et la transformation sous des formes variées : un développement qui permet d’offrir un revenu à ceux qui s’inscrivent dans cette démarche, tout en préservant la plante sauvage d’une cueillette excessive. Un partenariat s’est organisé entre une association de producteurs et une collectivité locale, pour assurer la mise en œuvre de la filière d’une part, et d’autre part, pour protéger ce savoir-faire par un dépôt de marque. Les plantes issues du territoire favorisent le développement de savoir-faire qui s’inscrivent résolument dans l’avenir en proposant des innovations techniques sur la production (narcisses), une qualité de produit reconnu (narcisses et gentiane) ou encore des innovations sur le produit transformé (thé d’Aubrac). L’enjeu pour ces savoir-faire est d’améliorer ou de pérenniser leur ancrage local, tout en répondant à une évolution de la demande et en préservant la plante sauvage.

Les eaux thermales : un bien spécifique faiblement approprié par les locaux

Depuis l’époque romaine, des savoir-faire sont liés à l’usage des vertus de ces eaux : à Chaudes-Aigues et La Chaldette. Même s’ils ne sont plus aujourd’hui directement détenus par les habitants du territoire, ils s’inscrivent dans sa notoriété et son attractivité et contribuent à la dynamique économique locale. Pour l’avenir, il s’agit surtout de maintenir les liens entre les acteurs locaux et cette ressource pour que les retombées économiques restent surtout sur le territoire. En effet, les emplois nécessaires aux offres thermales et de bien-être sont souvent spécialisés et ont évolué vers des métiers peu présents localement. Enfin, la tradition d’usage des eaux chaudes ne s’est pas maintenue dans la population locale et la filière est d’abord orientée vers un public extérieur (curistes et touristes).

f. Bilan, perspectives

Les savoir-faire et le patrimoine immatériel sont unanimement reconnus d’une grande richesse et sont liés pour une bonne part à l’histoire et à la culture agropastorale et plus largement aux spécificités territoriales. Ils trouvent une traduction particulièrement vivante dans les domaines de la gastronomie, de l’agriculture et des pratiques culturelles du quotidien. Ils représentent des supports pour l’action, à fort ancrage territorial, et disposent d’un potentiel d’attractivité et de dynamisme, favorable au développement du territoire et au maintien de sa population. L’organisation en filière économique, potentielle ou avérée, leur caractère transversal qui permet la convergence entre développement et transmission, les opportunités d’innovation et de remobilisation, sont les principaux atouts et pistes d’avenir pour favoriser leur pérennité. Toutefois, une réelle vigilance est de mise, car la connaissance de certains savoir-faire reste à affiner, tout comme la diffusion de cette connaissance pour une meilleure appropriation, notamment par les jeunes générations. La transmission « naturelle » au sein des familles et des communautés de vie est à privilégier, mais la médiation artistique et culturelle, la place du tourisme, l’organisation des filières sont également à étudier. La mobilisation de la mémoire semble indispensable pour élaborer un projet culturel autour des savoir-faire et du patrimoine immatériel : une approche globale, sans vision passéiste, en cohérence avec l’identité, pour un développement économique, humain, culturel.

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Diagnostic territorial

E. L’Aubrac, un terroir de coopération : échanger pour partager et transmettre

L’histoire d’un « terroir » marqué par les échanges

De la « RCP Aubrac » dans les années 60, à aujourd’hui, l’Aubrac est reconnu hors de son territoire pour la spécificité de son identité et de ses patrimoines revalorisés, supports d’une dynamique locale. Grâce à cette expérience particulière, il est régulièrement associé à des démarches d’échanges, de coopération avec d’autres, car cette prise en compte pour construire une voie originale de développement est assez « exemplaire » : « du sur-mesure et non du prêt-à-porter » comme le souligne régulièrement un acteur emblématique engagé dans le développement du territoire « Aubrac »88.

Cette coopération s’est instaurée et pérennisée avec le monde de l’enseignement professionnel89, avec les chercheurs, et avec d’autres « terroirs » identitaires, sous l’égide d’acteurs engagés depuis longtemps, dans les démarches de sauvegarde et de relance des produits identitaires de l’Aubrac, au sein des réseaux territoriaux professionnels (agricoles, touristiques, agritouristiques…), aujourd’hui associés à l’élaboration du projet de Parc.

La diffusion et le partage des expériences ont engendré des coopérations sur et hors du territoire, des échanges entre acteurs locaux, avec ceux investis ailleurs et avec des personnes ressources (enseignants et chercheurs notamment).

a. Des évènements, des rencontres en Aubrac

Dans le courant des années 2000, des rencontres importantes ont eu lieu sur l’Aubrac, « territoire-école » en matière d’ancrage territorial des produits de qualité et de dynamique de développement « originale » : dans le cadre du réseau « Terroirs et Culture ». Des « Entretiens du Terroir » en 2005 puis un « Forum Planète Terroirs » en 2006 ont rassemblé de nombreux acteurs d’ici et d’ailleurs, pour réfléchir à l’avenir des terroirs ruraux, « autour de l’expérience du terroir mythique de l’Aubrac »90. À signaler que cette même expérience a fait l’objet d’une communication à l’UNESCO (en 2005) auprès de professionnels de terrain des différents continents dans le but d’identifier les principaux enjeux autour de la notion de « terroirs » et de leur maintien dans un contexte à la fois de mondialisation et de recherche d’une plus grande solidarité humaine.

b. L’Aubrac inscrit dans un réseau international des « terroirs »

Ces évènements ont inscrit le terroir de l’Aubrac dans une « boucle », un réseau international de terroirs, attachés aux mêmes valeurs et convictions. Des échanges tantôt formels, tantôt informels, se sont poursuivis dans le réseau « Terroirs et Culture », et grâce aux liens avec des acteurs du réseau UNESCO engagés dans d’autres réseaux internationaux de coopération.

L’Aubrac a fait et fait toujours l’objet de sollicitations pour présenter ailleurs ses spécificités, ses produits, son parcours et ses projets (lors de forums, conférences…) et pour recevoir ici des acteurs du développement local engagés en France, en Europe, en Afrique du Nord ou en Amérique du Sud.

88 André VALADIER, premier président de la Coopérative Jeune Montagne, ancien responsable des AOC « fromages » à l’INAO, aujourd’hui président du Syndicat mixte de préfiguration. 89 Voir Partie « L’enseignement et les activités éducatives ». 90 Dominique CHARDON, président de « Terroirs et Cultures » : discours d’ouverture du Forum « Planète Terroirs - Aubrac 2006 ».

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Diagnostic territorial

Au final, les réflexions menées en Aubrac depuis plusieurs décennies sur les modalités d’un développement harmonieux, porteur de sens, ont trouvé une résonnance auprès d’autres « terroirs » qui partagent ces préoccupations et ambitions. À la base des liens avec eux, c’est le besoin d’échange, de partage et de coopération qui transparaît et mérite de se pérenniser.

Un besoin d’organiser la coopération en Aubrac

De ces échanges est née l’idée d’une « plate-forme » de coopération91 sur l’Aubrac qui associerait en premier lieu les personnes engagées localement dans des filières territorialisées et des réseaux professionnels dans la valorisation des ressources territoriales, puis les enseignants (notamment des établissements professionnels de proximité, en premier lieu agricoles, déjà très impliqués sur le territoire92), les nombreux chercheurs insérés dans des équipes universitaires et ayant travaillé sur les thématiques « Aubrac » (le panier de biens, le patrimoine alimentaire, les prairies…) et enfin, les « têtes de réseaux » issues d’autres territoires français ou étrangers.

Une des premières traductions au niveau local de cette ambition a été l’organisation, depuis 2009, d’une journée annuelle de réflexion intitulée « Un Goût d’Aubrac »93. Celle-ci afin de partager localement et avec des personnes ressources extérieures, les expériences et « imaginer » leurs prolongements de manière collective et transversale. De là sont nées les démarches « Thé d’Aubrac » et « Broutarde Estivelle »94.

Bilan, perspectives

Grâce à l’engagement historique d’acteurs locaux, pour leur territoire, et le partage d’expériences avec d’autres, l’Aubrac est devenu un « terroir-école », qui témoigne de sa démarche, tout en mutualisant localement et ailleurs, avec les personnes engagées ici et ailleurs.

Cette dynamique porte en elle les premières bases de ce que pourrait être, au sein du projet de territoire, l’ambition de l’Aubrac en matière d’éducation au territoire et de coopération : prendre en compte le local et ses particularités, et l’inscrire dans un contexte plus large d’échanges entre les habitants de l’Aubrac et d’autres partenaires, d’autres terroirs, en associant le monde de l’enseignement et de la recherche.

91 Projet d’un Centre de Ressources et de Formation qui a fait l’objet d’une note de réflexion (2011) portée conjointement par Cécile DUCOULOMBIER, maître de conférences en agronomie, chargée de missions EPL St Flour, Camille Le Mao, Ingénieur agronome, chef de projet EPL de la Lozère (de 2007 à 2012), Jacinthe BESSIERE, maître de conférences en sociologie, Université de Toulouse 2. 92 Voir Partie « L’enseignement et les activités éducatives ». 93 Idem note précédente. 94 Voir Partie « L’agriculture ».

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Diagnostic territorial

Atouts

- Complémentarité entre les patrimoines historiques et lien par l’identité agro-pastorale - Symbiose entre les patrimoines culturel, naturel et paysager, matériels et immatériels Patrimoine protégé : - Représentatif de nombreuses époques - Thématiques remarquables : patrimoine jacquaire, domerie d’Aubrac, vestiges gallo-romains Patrimoine vernaculaire : - Patrimoine agropastoral exceptionnel - Quelques burons revalorisés et quelques drailles entretenues - Villages identitaires de caractère, urbanisation peu dense, habitat relativement homogène Patrimoine religieux et voies historiques : - Richesse et diversité : abbayes, dépendances, églises romanes... - Village d'Aubrac : un carrefour et un haut lieu historique et contemporain - Nombreuses voies qui sillonnent le territoire ; un axe majeur et structurant = le Chemin de

St Jacques de Compostelle - Complémentarité entre les voies et les éléments patrimoniaux ponctuels - Valorisation partielle des chemins par des itinéraires de randonnée Patrimoine défensif et mémoriel : - Des formes assez variées et de nombreux édifices religieux fortifiés - Patrimoine mémoriel lié à la Résistance - Quelques châteaux ouverts au public Patrimoine bâti contemporain : - Patrimoine diversifié : maisons de « parisiens », patrimoine thermal, industriel, barrages... - Dynamique de l'architecture contemporaine, novatrice dans les années 80/90... Savoir-faire et patrimoine immatériel : - Spécificités liées à l’agropastoralisme (gastronomie, vie quotidienne…) - Volonté d’allier tradition et modernité pour les valoriser et les transmettre - Importante vitalité des musiques et danses traditionnelles, de la langue d’Oc… Coopérations et échanges : - Des ambassadeurs qui favorisent échanges et coopérations, engagement du monde de

l’enseignement, des chercheurs - Initiatives locales et démarches territorialisées (journées « Un goût d’Aubrac »)

Faiblesses

- Territoire peu couvert par des inventaires, tous patrimoines confondus

- Déficit de reconnaissance de certains biens (drailles, possessions de la domerie, vestiges gallo-romains…) et de l’histoire locale

- Des patrimoines majoritairement privés - Manque d’aides pour l’intégration paysagère et le respect des spécificités locales Patrimoine protégé : - Absence de gestion concertée des biens « UNESCO »

- Peu de sites classés, faible protection du patrimoine vernaculaire, peu de labels Patrimoine vernaculaire : - Perte d’usage avérée et banalisation (burons, drailles, petit patrimoine) - Disparition d’espaces communs (coudercs, chemins…) - Disparité des initiatives et des outils, due au cloisonnement administratif Patrimoine religieux et voies historiques : - Faible connaissance et mise en valeur des possessions de la domerie d’Aubrac - Valorisation principalement touristique, peu d’actions à destination des locaux - Insuffisance du porter à connaissance et déficit d’appropriation de cette thématique

Patrimoine défensif et mémoriel : - Patrimoine privé, peu connu et peu ouvert au public

- Méconnaissance du rôle des religieux dans le développement du patrimoine défensif

Patrimoine bâti contemporain :

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172 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

- Problème d’insertion des nouvelles constructions, sans lien avec les caractères locaux

Savoir-faire et patrimoine immatériel : - Difficile mobilisation des ressources locales (accessibilité, main d’œuvre, règlementation…) - Place marginale des créateurs, des artisans d’art, des artistes, pour les valoriser Coopérations et échanges : - Des initiatives portées par des personnes et non des structures

Opportunités

- Trajectoire historique digne d’être mises en valeur - Nombreux partenaires mobilisables Patrimoine protégé : - Outils et réseaux pour sa préservation (labels du patrimoine, UNESCO, …) Patrimoine vernaculaire : - Initiatives encourageantes, réseaux, compétences et personnes ressources - Fort intérêt manifesté sur le thème du patrimoine agro-pastoral - Valorisation par des évènements touristico-culturels - Proximité des « Causses et Cévennes » inscrits au patrimoine mondial pour les paysages agro-

pastoraux Patrimoine religieux et voies historiques : - Nombreux travaux, mais une connaissance à approfondir et à diffuser - Rayonnement de la domerie grâce aux possessions et dépendances - Village d'Aubrac : lieu central pour la mise en valeur historique et patrimoniale du territoire - Maison de l’Aubrac : un rôle à définir dans la stratégie culturelle du territoire - Thème mobilisateur des chemins à l’échelle territoriale - Coopération avec d'autres territoires agro-pastoraux, lien grâce aux drailles Patrimoine défensif et mémoriel : - Véritable dynamique autour de la Résistance et volonté de travailler à l’échelle territoriale Patrimoine bâti contemporain : - Cohabitation harmonieuse entre tradition et modernité sur l’Aubrac : une place pour

l'innovation dans l'architecture - Nécessaire réflexion sur les formes modernes et « économes » d’architecture Savoir-faire et patrimoine immatériel : - Capacité d’innovation des acteurs - Créateurs investis pour renouveler la tradition (ex : chefs étoilés) - Des filières économiques déjà organisées Coopérations et échanges : - Acteurs locaux et extérieurs, chercheurs… ont développé des coopérations - Echanges relativement informels à structurer

Menaces

- Manque de vision d’ensemble, transversale, approche cloisonnée (temps et espace) - Prise en compte insuffisante dans les documents d'urbanisme - Impact potentiels des évolutions socio-économiques (pratiques agricoles notamment) sur

la préservation des patrimoines et des paysages Patrimoine protégé : - Surfréquentation et marchandisation du Chemin de Saint Jacques Patrimoine vernaculaire : - Contradiction entre sa reconnaissance et sa faible préservation (ex : burons) - Perte d’authenticité : banalisation, marchandisation (burons, villages)… - Risque de disparition des « marqueurs identitaires » : espaces communs, drailles, murets… - Spéculation foncière sur les montagnes de l’Aubrac Patrimoine religieux et voies historiques : - Risques de banalisation, surfréquentation du site d’Aubrac - Fragilisation et risque de disparition des vestiges antiques (ex : voie romaine) - Nombreux chemins abandonnés Patrimoine défensif et mémoriel : - Edifices non protégés, parfois en danger

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173 Projet de Parc Naturel Régional de l’Aubrac

Diagnostic territorial

Patrimoine bâti contemporain : - Banalisation de l'architecture, absence de réflexion globale et sur le long terme Savoir-faire et patrimoine immatériel : - Perte de cohérence entre image et réalité, mercantilisme - Risque d’affaiblissement, de perte des savoir-faire (disparition de la mémoire) - Vision passéiste et risque de folklorisation - Valorisation économique insuffisante Coopérations et échanges - Absence de structuration, perte des relais et témoins des actions de revitalisation, de

dynamisation du territoire

En gras : éléments mis en exergue dans le « diagnostic citoyen »

Principaux enjeux identifiés Susciter une coopération territoriale en faveur d’une entité culturelle « Aubrac » Favoriser l’émergence de projets culturels innovants et transversaux Développer un projet culturel, porteur de sens pour le territoire

Patrimoine bâti et historique :

Principaux enjeux identifiés Protéger et mettre en valeur les éléments emblématiques du patrimoine bâti et des paysages Expérimenter et promouvoir des démarches de qualité architecturale pour lutter contre la banalisation des paysages et du patrimoine bâti Favoriser un usage partagé et équilibré du territoire, en prenant en compte les problématiques liées au foncier Préserver la qualité, la spécificité et la complémentarité des patrimoines du territoire, témoins de la culture et de l’histoire agro-pastorale Sensibiliser les publics pour favoriser une meilleure appropriation des patrimoines et des paysages identitaires de l'Aubrac et susciter leur sauvegarde et leur valorisation Consolider la connaissance, suivre et comprendre l’évolution des patrimoines bâti, historique et paysager Favoriser la diffusion et le partage de la connaissance sur les patrimoines bâti et les paysages par l’échange entre les acteurs

Savoir-faire et patrimoine immatériel :

Principaux enjeux identifiés Expérimenter et innover pour favoriser la transmission et la valorisation des savoir-faire Promouvoir une valorisation convergente des savoir-faire : entre culture partagée et support d'économie locale Encourager et soutenir les démarches de protection des savoir-faire et du patrimoine immatériel spécifiques au territoire Développer des conditions favorables à une appropriation de l'identité du territoire Favoriser l’appropriation des savoir-faire et des ressources locales par les jeunes générations Améliorer et capitaliser la connaissance des savoir-faire et du patrimoine immatériel Conserver la mémoire pour assurer sa diffusion Faire vivre, valoriser et renouveler les savoir-faire grâce à la mise en réseau des acteurs S'accorder pour promouvoir une image « vraie » du territoire Pérenniser les savoir-faire pour maintenir et renforcer l'identité territoriale

En gras : enjeux prioritaires retenus par les acteurs locaux