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Prologue Octobre 1843 « Par le présent décret, moi, Royston Hadler, Stant du territoire Est, prononce le bannissement du clan Westrides et la mise à mort de son chef Leonard Westrides, ainsi que de sa femme et de son fils ainé. Ses descendants ne seront plus autorisés à regagner le territoire sous mon autorité en punition des crimes commis par leur père. Leonard Westrides a été reconnu coupable de génocide. Le nombre de ses victimes dans notre communauté s’élève à 639 dont une majorité de garous, considérés impurs par l’accusé. Sa vie est demandée en paiement, ainsi que celle des deux seuls membres de son clan complices de ces meurtres sanguinaires. Le reste du clan connaitra la dissolution et l’errance pour le reste de ma régence. Ainsi l’ai-je décidé. Ainsi sera-t-il fait. » Un concert d’approbation retentit dans l’assistance, acclamant la juste décision de leur Stant. Mais lorsque les cris se turent, au fond de la salle, des pleurs retentirent. Ceux de deux fillettes, que leurs frères à peine plus âgés tentaient de consoler. - Chut, souffla le plus grand en serrant les petites dans ses bras. Je serai là, tout ira bien. Il mentait. Tout n’irait pas bien. Leurs deux parents étaient fous et allaient être mis à mort, ainsi que leur frère. Ses oncles vinrent le seconder. Chacun d’eux prit une des petites dans ses bras et cacha le visage de l’enfant contre son torse. Zane prit ses deux petits frères et fit de même avec eux, pour qu’ils n’aient pas à assister à ce qui allait suivre. Puis il resta là, tête haute, et agit comme on l’attendait de lui. Il regarda les bourreaux mettre à mort ses parents et son frère devant la communauté.

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Prologue

Octobre 1843 « Par le présent décret, moi, Royston Hadler, Stant du territoire Est, prononce le bannissement du clan Westrides et la mise à mort de son chef Leonard Westrides, ainsi que de sa femme et de son fils ainé. Ses descendants ne seront plus autorisés à regagner le territoire sous mon autorité en punition des crimes commis par leur père. Leonard Westrides a été reconnu coupable de génocide. Le nombre de ses victimes dans notre communauté s’élève à 639 dont une majorité de garous, considérés impurs par l’accusé. Sa vie est demandée en paiement, ainsi que celle des deux seuls membres de son clan complices de ces meurtres sanguinaires. Le reste du clan connaitra la dissolution et l’errance pour le reste de ma régence. Ainsi l’ai-je décidé. Ainsi sera-t-il fait. » Un concert d’approbation retentit dans l’assistance, acclamant la juste décision de leur Stant. Mais lorsque les cris se turent, au fond de la salle, des pleurs retentirent. Ceux de deux fillettes, que leurs frères à peine plus âgés tentaient de consoler. - Chut, souffla le plus grand en serrant les petites dans ses bras. Je serai là, tout ira bien. Il mentait. Tout n’irait pas bien. Leurs deux parents étaient fous et allaient être mis à mort, ainsi que leur frère. Ses oncles vinrent le seconder. Chacun d’eux prit une des petites dans ses bras et cacha le visage de l’enfant contre son torse. Zane prit ses deux petits frères et fit de même avec eux, pour qu’ils n’aient pas à assister à ce qui allait suivre. Puis il resta là, tête haute, et agit comme on l’attendait de lui. Il regarda les bourreaux mettre à mort ses parents et son frère devant la communauté.

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Il les regarda mourir, partagé entre la honte des actes qu’ils avaient commis, la rage d’être à présent celui qui devrait expier, et la douleur de savoir qu’aussi fous et sanguinaire qu’ait été son père, il se savait aimé de lui. Mars 2013 Le voleur dissimulé à l’ombre d’un pilier regarda passer le gardien du musée, sous le toit de verre du grand hall. L’homme était trop occupé à siffloter en regardant la voute étoilée à travers les parois de verre pour le voir. Même s’il portait un brassard fluo, l’autre ne le verrait pas. Crétin d’humains, ils ne remarquaient même pas ce qui était sous leur nez. L’homme faisait bien trop confiance à leur système de sécurité dernier cri, qui ne tarderait pas à rendre son emploi obsolète. Bien sûr, ça aurait certainement suffit à arrêter un humain. Mais pas lui. Une fois la silhouette du gardien disparue dans la salle dédiée à l’Egypte, il sortit de sa cachette et avança à pas de loup, il repéra l’enseigne rouge au-dessus d’une porte ouverte « Chine » exactement ce qu’il cherchait. Il ne lui fallut pas plus de trois minutes pour désactiver l’alarme et récupérer la dague sertie de jades qui lui avait été commandée. Il s’étonnait toujours de voir des objets si insignifiants lui apporter autant d’argent. Qu’aurait-il pu gagner s’il leur vendait des reliques magiques ? Il s’apprêtait à ressortir par la lucarne qu’il avait laissée ouverte lorsque le bruit de la radio que le gardien laissait allumée dans la salle de surveillance vidéo parvint à ses oreilles.

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« Le phénomène reste à l’étude, les météorologues le qualifient de rarissime. Selon les archives il reste inexpliqué, l’état de New York ne l’avait plus connu depuis presque deux siècles. Onze coups de tonnerres simultanés… » Onze coups de tonnerre simultanés. Onze coups de tonnerre ! Cela ne pouvait signifier qu’une seule chose. Le Stant du territoire Est était mort. Les 100 jours du chaos allaient débuter. Les tournois du pouvoir se préparaient. Les Westrides pouvaient rentrer au bercail.

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Chapitre 1

Depuis son piédestal, assise au bord de la statue d’Abraham Lincoln, Amber souriait. La vie était belle, elle venait d’avoir les résultats de ses examens, qui comme elle s’y attendait étaient excellents. Sa nouvelle coupe de cheveux lui allait comme un gant et elle était quasiment certaine que dès la fin de l’Université, Richard et elle allaient emménager ensemble. Aussi n’avait-elle aucune raison de ne pas sourire en contemplant l’esplanade du campus qui s’étendait devant elle : son petit royaume. Cependant, elle fut dérangée par une de ses amies qui lui donna un coup d’épaule en ricanant doucement. Amber suivit des yeux la direction qui lui était donnée et aperçut un crétin. Ni assez grand, ni assez musclé pour entrer dans le groupe des gens qu’elle regardait d’ordinaire. Mais elle faisait une exception pour lui… comme tout le monde. - Hey, mais c’est Jadingo ! s’exclama-t-elle assez fort pour qu’il l’entende. A dire vrai, elle était assez fière du surnom qu’elle lui avait trouvé à l’époque du lycée. Bien sûr, il avait fallu que ce taré vienne sur le même campus qu’elle et le surnom s’était transmis dès le jour d’orientation avant le début des cours. Pourquoi ce surnom ? Parce qu’il s’appelait Jaden et qu’il était dingo. Un vrai sociopathe refoulé. Il dégageait une aura menaçante, mais personne ne le prenait au sérieux à cause de sa carrure de cure dent. Elle se dit qu’il pourrait au moins faire un effort pour qu’on ne se foute pas de sa gueule. S’il n’avait pas ce look grunge rock avec ses t-shirt sans formes à l’effigie de groupes passés de mode depuis vingt bonnes années, ses jeans troués, ses bottes dégueulasses et ses cheveux qui devaient être une crête blonde platine, mais qui avaient poussés donnant une coupe étrange et des cheveux bruns aux pointes blondes. S’il ne voulait pas être moqué, il n’avait qu’à se trouver un styliste, un coiffeur et avant tout un thérapeute. Ce mec était dingue et l’avait toujours été. On l’avait même déjà entendu se parler à lui-même. Un jour au lycée, le frère de Amber l’avait entendu hurler « arrêtez, laissez-moi !» mais personne ne se trouvait à proximité de lui… Le taré s’arrêta, tournant lentement son regard étrange vers le groupe que formaient Amber et ses amis, tous assis au bord de la statue ou sur le gazon qui l’entourait. Ses yeux passèrent sur chacun d’eux pour s’arrêter sur Amber. - Tu sais, rétorqua-t-il avec un petit sourire inquiétant, les pétasses blondes à grande gueule sont les premières à se faire éviscérer en général… Et après un clin d’œil, il continua son chemin.

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Amber réprima un frisson – elle était certaine qu’il était capable de tuer quelqu’un – et lança un regard significatif à son petit-ami. Il n’allait pas rester là sans rien faire, si ? Elle venait d’être insultée par cet espèce de monstre aux yeux de démon. Ses yeux… ils étaient flippants ! Elle ne les avait vus qu’une seule fois de près, mais elle ne les oublierait jamais. Avec un autre regard, elle signifia à Richard que s’il ne se bougeait pas, les choses iraient très mal pour lui. D’un bond, le jeune homme roux se mit sur ses pieds et trotta sur le gazon verdoyant pour suivre Jadingo et lui faire regretter d’avoir insulté sa petite amie. Cependant, Richard n’était ni une montagne de muscles, ni d’ailleurs un bagarreur, il venait d’une bonne famille – ce qui expliquait certainement que Amber sorte avec lui – et il préférait largement les confrontations qui incluaient des avocats interposés aux altercations physiques. Mais sachant que tous les yeux étaient sur lui, il fonça et se plaça devant Jaden pour lui bloquer le passage. Ils étaient l’opposé l’un de l’autre : Richard avait de la classe et du maintien, il était grand et mince d’une beauté classique dont il tirait avantage. Jaden était de taille moyenne, d’une musculature fine et nerveuse, il avait le teint pâle et un look de rockeur camé que venaient appuyer l’anneau argenté qui ornait sa lèvre inférieur et sa mine insolente. Avec un soupir résigné, Jaden remonta la seule lanière de son sac en toile noire sur son épaule et releva les yeux vers Richard. - Vas-y, souffla-t-il, fais ton numéro de mâle alpha qui défend sa femelle, et ensuite tu te tires avant que je ne me foute en rogne et que ça devienne moche. Le jeune étudiant, comprit vaguement que Jadingo lui donnait l’autorisation de lui passer un savon et qu’il s’en foutait, mais il ne pouvait plus penser. Les yeux de Jaden étaient fixés sur lui. Ils étaient noirs ou bleu très foncés, il n’aurait su le dire, mais ils étaient piquetés d’argent. Comme si une plaque de métal avait explosé à proximité de lui et que des particules s’étaient fichées dans ses yeux. C’était… perturbant. Inquiétant. Le sang de Richard se glaça dans ses veines. Jaden attendit quelques secondes que l’autre commence son discours menaçant auquel il ne prêterait aucune attention, mais voyant que cela ne venait pas, il s’impatienta. Il n’allait sûrement pas rester là toute la journée à attendre. Il releva alors le menton dans un geste de défi avec la même assurance empruntée qu’il avait toujours. C’était son seul moyen de défense. Parce qu’il était à peu près certain que le mec en face de lui savait se battre, ce qui n’était pas son cas. Jaden avait été traité comme une sous-merde si souvent qu’il en était venu à se dire que c’était une fatalité. Les gens le détestaient. Il les mettait mal à l’aise, les faisait flipper même quand il ne faisait rien. Alors autant leur donner une raison de ne pas l’aimer… - Ecoute, cracha-t-il au clone de Ken qui ne bougeait pas, se contentant de le fixer. Je sais que je suis bandant, mais ne tombe pas amoureux, Barbie n’y survivrait pas. Maintenant, si tu voulais dégager, je vais être en retard en cours. - Est-ce que tu insinues que je suis gay ? gronda l’autre qui semblait retrouver ses esprits.

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- T’inquiète, le réconforta faussement Jaden. Etre gay, c’est ok. Mais trouve un autre mec, les voies de mon cul sont impénétrables. Sur ce, il lui claqua l’épaule comme à un vieux pote et le contourna pour reprendre le chemin de sa classe.

*** Il y avait des jours où Jaden se demandait vraiment ce qui lui était passé par la tête le jour où dans ses choix de cours, il avait coché « Histoire ». Il était trop tard à présent pour en changer, le semestre était trop avancé, mais sérieusement, si la caféine n’était pas présente en quantité industrielle dans son sang, il serait déjà au pays des songes à l’heure actuelle. Même son crayon noir orné de têtes de mort tournoyant entre ses doigts était plus intéressant que la voix monocorde de son prof qui blablatait devant son tableau au bas des marches de l’amphi en se croyant passionnant. En soupirant, il jeta un regard à la ronde pour voir s’il était le seul à deux doigts de plonger dans le coma. Apparemment pas. A sa gauche, deux autres étudiants utilisaient des stylos pour simuler une bataille à l’épée. A sa droite, c’était une petite brune qui fixait droit devant elle, clairement perdue dans ses pensées. Jaden se dit qu’il aimait assez être en cours avec des inconnus. Ils ne savaient rien de son passé et bien qu’ils gardent tous une distance de sécurité dont ils n’avaient pas conscience, il se sentait moins seul. Moins rejeté. Ici, il n’était qu’un jeune homme qui s’ennuie. Il n’était pas le taré de service. Il n’était personne et il n’en demandait pas plus. Il allait replonger dans ses pensées quand tous les néons de l’amphi commencèrent à clignoter avant de s'éteindre, plongeant la salle dans une obscurité totale. Plus une seule source de lumière n’était présente. Des exclamations surprises fusèrent de tous les côtés, certains étudiants se mirent à rire bêtement. Jaden aurait voulu être l’un d’entre eux, mais l’obscurité était sa hantise. Il sentit l’angoisse tomber sur lui comme un seau de glace descendant lentement le long de sa colonne vertébrale pour gagner tout son corps, le faisant trembler. Non, non. Il lui fallait de la lumière, il devait… Cours… cours… Trop tard, les voix revenaient. Tentant de s’exhorter au calme, il passa une main tremblante dans les pointes blondes de ses cheveux et ferma les yeux. Il ne fallait pas paniquer. Ces voix n’étaient pas réelles, elles n’étaient que le fruit de son imagination. Elles n’étaient pas réelles.

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- C’est juste ton imagination, murmura-t-il pour lui-même. S’il les ignorait et qu’il parvenait à ne pas paniquer… Il devait trouver son téléphone pour se procurer un minimum de lumière… mais il restait figé, il sentait la présence trop familière des voix, elles tournaient autour de lui, il n’entendait plus qu’elles. Les exclamations des autres étudiants n’étaient plus qu’un bruit de fond qui lui parvenait loin derrière les murmures qu’il entendait à son oreille. Cours… crève ! Il avait pourtant pris ses antipsychotiques, mais dès qu’il se trouvait dans le noir, elles revenaient. Cours ! Puis, il les sentit le frôler, comme des voiles caressant son visage dans un touché effroyable et il se leva. Il laissa son sac sur place et se mit à courir. Il ne savait pas où il allait, mais il les sentait le pousser vers l’avant. Crève ! Cours ! Il n’avait aucune idée de la direction qu’il prenait, il trébucha sur quelque chose –sans doute un sac- mais il se releva immédiatement et reprit sa course. Il ne savait pas s’il courait pour écouter les voix ou pour les fuir, mais il ne pouvait pas rester là. Son estomac se tordait, il était nauséeux. Il sentit qu’il était arrivé dans la rangée d’escaliers quand les ombres se mirent sur son flanc gauche pour le pousser à monter vers les portes. Cours… cours ! - Laissez-moi, gémit-il en tentant de les chasser dans des gestes paniqués. Sort ! Crève ! Quoi qu’elles disent, cela revenait toujours. Crève. Un soir, lorsqu’il était adolescent, il avait voulu les écouter et crever. Mais ce n’était pas le moment d’y penser. Fuir, il devait fuir les voix. Il reprit son ascension des escaliers jusqu’à arriver aux portes de l’amphi. Il les ouvrit en grand et se précipita à l’extérieur, arrivant dans le hall du bâtiment qui baignait dans la lumière de l’après-midi que laissaient entrer les grandes portes vitrées. Plusieurs étudiants et professeurs qui passaient tranquillement dans le hall s’arrêtèrent pour fixer leur regard sur lui. Ses yeux étaient terrifiés, son corps entier tremblait, restant figé dans l’encadrement de la porte et en voyant le calme qui régnait ici, il se sentit ridicule, comme c’était toujours le cas quand il écoutait les voix.

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Il avança et voulu s’appuyer contre un mur, mais ses jambes tremblaient trop. Il se laissa glisser jusqu’à être assis au sol. Au moins, il ne les entendait plus. Putain, il était vraiment taré ! Il se frotta le visage à deux mains, mais la terreur quittant son corps le laissa tremblant et vidé de toutes ses forces. Il allait vomir… Mais merde, qu’est-ce qui clochait chez lui ? - Ça ne va pas ? Jaden releva lentement les yeux pour voir une des secrétaires de l’accueil penchée sur lui. Quand ses yeux noirs et argent croisèrent ceux marron de la femme, elle eut le même mouvement de recul instinctif que les gens avaient toujours. - Je vais bien, mentit Jaden d’une voix blanche. La secrétaire le considéra une seconde. La voix et l’air perdu de Jaden ne lui laissèrent pas d’autre choix que de repousser le malaise que faisait naitre l’étrange regard en elle. - Venez, dit-elle en lui tendant une main. Je vous emmène à l’infirmerie. Jaden ne chercha pas à lutter. Il n’avait de toute façon pas envie de revenir en cours. Il se leva alors que les autres étudiants sortaient tranquillement de l’amphi par groupe de deux ou trois, riant et plaisantant sur la fac qui ne devait pas payer ses factures. Bon sang, il aurait voulu être comme eux. Être normal, pas un mec qui avait encore peur du noir à vingt-trois ans. Pire, un mec qui entendait des voix dans sa tête. Serrant les dents, il suivit la secrétaire d’un pas trainant. Ce qu’il ne vit pas, furent les quatre hommes chauves et totalement vêtus de noir qui sortaient après les étudiants. Quatre hommes quasiment identiques avec le même air contrarié, les mêmes sourcils froncés, les mêmes traits prédateurs. - On nous a menti ? souffla l’un d’eux. - Non, j’ai senti les ténèbres. Le Krev était là, mais elles l’ont caché. Les yeux de rapaces parcoururent le hall, cherchant lequel de ces humains pouvait être celui qu’ils recherchaient. - Celui-là est sorti avant les autres. D’un mouvement du menton, l’un des hommes désigna un humain mince, défroqué et tremblant qui s’éloignait en compagnie d’une femme plus âgée. - Gardez-le à l’œil ordonna leur chef. Les trois autres hochèrent la tête et se fondirent dans la masse. Invisibles tant qu’ils ne souhaiteraient pas être vus.

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Chapitre 2

- Ce n'était qu'une crise d'angoisse, je vais très bien, grogna Jaden en fixant l'infirmière universitaire comme si elle en rajoutait. À peine eut-il le temps de se redresser qu'il fut repoussé en position allongée. - Mademoiselle Ausinton m'a dit qu'elle vous a trouvé au sol et tremblant de tous vos membres, alors vous allez me faire le plaisir de rester allongé jusqu'à ce que je vous donne l'autorisation de bouger Monsieur Archer. Le ton sec de l'infirmière et son doigt ridé et accusateur pointé sur lui, suffirent à le convaincre de ne pas bouger, bien qu'il aurait nettement préféré prendre l'air. Ou descendre une bouteille de whisky pour oublier à quel point il était taré. Mais bon, il n'avait pas vraiment le choix, la vilaine sorcière de la forêt avait décidé de le séquestrer. Aussi, il s'installa plus confortablement. Il passa ses bras sous sa tête et ferma les yeux. - Je pourrais avoir un café ? - Est-ce que par hasard vous me confondriez avec un Starbucks, Monsieur Archer ? - Pas du tout... bien que je sois certain que leur uniforme vous irait à merveille, la complimenta faussement Jaden avec un sourire hypocrite. La femme lui lança un regard meurtrier avant de rediriger son attention sur son écran, yeux concentrés, lèvres pincées. Haussant les épaules, Jaden fit un tour d'horizon de la pièce, mais il n'y avait rien à voir mis à part les murs vert pâle, il ferma donc à nouveau les yeux. Sa langue jouait inlassablement avec l'anneau d'argent qui perçait sa lèvre inférieure. Il en était à se demander s'il ne voulait pas le remplacer par un pic en acier lorsque l'infirmière reprit la parole, attirant son regard sur elle. - Votre dossier précise que vous avez un suivi psychologique... - J'ai toujours suspecté mon dossier d'espionner mes moindres faits et gestes, j'en ai maintenant la confirmation... vous pensez que je devrais porter plainte ? Il eut à nouveau droit à un regard glacial auquel il répondit avec un sourire. L'infirmière se leva et s'approcha lentement de lui. Elle affichait à présent un air à la fois concerné et compréhensif. Très professionnel. - Il serait, je pense, utile que vous preniez rendez-vous avec votre psychiatre pour lui parler de votre crise d'angoisse.

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Jaden se releva pour être en position assise et soupira. - Je pourrais aussi en parler à mon esthéticienne pendant qu'elle me fait les ongles ? - Monsieur Archer... - Oui, je sais. J'ai rendez-vous avec elle demain, je lui en parlerai. - Votre esthéticienne ? demanda l'infirmière avec un léger sourire compatissant. - Ma psy ! répondit Jaden en lui lançant un regard amusé. - Bien. Dans ce cas, si vous n'êtes ni étourdi, ni nauséeux, vous pouvez partir Monsieur Archer. - Génial ! Sans un mot de plus, Jaden bondit sur ses pieds et quitta l'infirmerie en quatrième vitesse. Il ne souhaitait rien plus que rentrer dans sa chambre universitaire et laisser le sommeil l'emporter pour un tour complet du cadran, cependant, il devait repasser par l'amphi où il avait laissé son sac. Il se dirigea donc à travers les couloirs vers l'aile nord où se trouvait le département Histoire, il prit une profonde inspiration avant d'ouvrir les portes et de se détendre en voyant que les lumières fonctionnaient à nouveau. Comme il s'y attendait son sac avait disparu. Il dut se rendre au bureau de son prof M. Je-peux-vous-pousser-au-suicide-en-vous-racontant-une-histoire. Il entra dans la pièce qui sentait la poussière et le thé au jasmin. Partout où ses yeux se posaient, des livres jaunis par le temps étaient disposés. Ouverts pour la plupart. Il repéra la masse grise des cheveux de son professeur derrière une pile particulièrement grande qui investissait le plus clair du bureau. - Je peux vous aider jeune homme ? demanda le vieil historien en retirant ses lunettes rectangulaires. - J'étais en classe avec vous pendant la panne et j'ai oublié mon sac... Jaden n'eut pas le temps de finir sa phrase que son prof se levait, récupérant sa canne sur un coin de son bureau pour s'appuyer dessus en marmonnant des « oui, oui, bien sûr » Il se dirigea vers le fond de la pièce alors que Jaden continuait d'observer l'habitat naturel de l'homo ennuyus. Il remarqua sans grand étonnement que les murs aussi étaient envahis de livres. C'en devenait étouffant. Il aimait pourtant les livres, mais de là à les utiliser comme papier peint...

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- Je l’avais laissé par ici, radotait le vieux professeur en se grattant la tête avant de reprendre plus fort. On m’a déposé un sac tout à l’heure, mais il semblerait que mon âge me rattrape… Oh, le voilà ! Il revint lentement vers Jaden, tendant devant lui un sac de toile noire usé jusqu’à la trame et déformé par le poids des livres qu’il portait. Jaden accorda un sourire à son professeur en saisissant la lanière. Le vieil homme lui sourit en retour, les rides au coin de ses yeux bleus pâles se faisant plus marquées. Jaden eut une sensation étrange. Il n’aurait su expliquer la raison pour laquelle cela paraissait déplacé. Il fronça les sourcils avant de secouer la tête pour chasser cette pensée débile, ses pointes blondes suivant le mouvement pour revenir s’accrocher à son front… je suis fou de toute façon, ironisa-t-il pour lui-même. - Merci Professeur, lança Jaden en passant la bretelle de son sac sur son épaule gauche. L’homme hocha simplement la tête en revenant à son bureau comme si Jaden n’était déjà plus là et ce dernier finit de se convaincre que son sentiment d’étrangeté venait sûrement du fait qu’il n’avait jamais vu sourire un dinosaure avant. Il sortit alors du bureau, laissant derrière lui l’odeur de thé au Jasmin et de poussière. Il traversa les couloirs en ignorant ostensiblement tous les gens qui pouvaient l’entourer. Il avait appris depuis longtemps que rejeter le monde valait mieux que de le laisser vous écraser. Il croiserait bien assez vite un connard pour lui rappeler son état de panique pendant la panne d’électricité. Dès que le souvenir du sentiment d’étouffement qui l’avait gagné en entendant les voix lui revint, il se sentit mal à nouveau. Inconsciemment, il pressa le pas vers la sortie et ne put respirer correctement qu’après avoir passé les portes du bâtiment pour se retrouver dehors. Il accueillit avec soulagement le vent pourtant glacé qui colla son t-shirt de Led Zeppelin contre son torse et fit voleter ses cheveux. Il s’arrêta un instant pour prendre une profonde inspiration et regarda les étudiants qui arpentaient le campus. Refermant sa veste autour de lui, il se répéta à nouveau que les voix n’étaient pas réelles, puis il prit le chemin de sa résidence. Il avait besoin de dormir, ça irait bien mieux ensuite.

***

La fin de journée était déjà bien avancée lorsqu’une Aston Martin noire passa la frontière du territoire Est. C’était une frontière invisible qui se situait en plein milieu de la Pennsylvanie au nord des Appalaches. Le territoire Est se poursuivait ensuite jusqu’à l’Océan Atlantique, longeant le lac Ontario jusqu’au Maine, sans tenir compte des tracés des États fédéraux. Les limites étaient en prolongement des Appalaches et de la ligne océanique.

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Au volant, derrière une paire de lunettes de soleil noires, un regard de fauve dont la couleur rappelait celle de l’ambre repérait chaque détail du paysage. Cela faisait plus de cent-cinquante ans qu’il n’avait plus franchi cette frontière. Mais enfin, il revenait dans le territoire Est. Il savait que le temps n’avait pas effacé la haine immédiate que déclenchait toujours la mention de son nom de famille. Même lorsque l’on n’avait rien à se reprocher, s’appeler Westrides faisait de vous un homme à abattre. Et s’appeler Zane Westrides faisait de vous l’alpha des hommes à abattre. La dissolution réclamée par le Stant Hadler en 1843 n’avait pas seulement séparé sa famille, mais elle les avait tous affaiblis. Parce que les Westrides étaient avant tout une meute. Lorsque leur père Leonard était mort, le rôle d’Alpha était revenu à son frère. La haine de leur nom avait desservi chacun d’eux et en ordonnant la dissolution, leur Stant avait su qu’il condamnait chaque futur Alpha à une mort certaine. Les oncles de Zane s’étaient vus investis de ce rôle, chacun à leur tour, jusqu’à ce que huit ans plus tôt, le dernier d’entre eux soit tombé. Aujourd’hui, Zane était leur Alpha, c’était sur ses épaules que pesait le futur de sa famille – de sa meute. Et il savait que s’il voulait que les siens aient un avenir, il devait rétablir le nom des Westrides pour qu’ils soient à nouveau respectés pour ce qu’ils étaient. La dernière meute de lycanthropes de sang pur. Un soupir passa ses lèvres, alors qu’il ouvrait la vitre électrique pour sentir les parfums qui l’entouraient. Les odeurs étaient les mêmes que quelques miles plus tôt, mais pourtant, elles ne l’étaient pas tout à fait, parce qu’à présent, il était de retour chez lui et s’il parvenait à manœuvrer correctement, bientôt, sa famille pourrait se réunir sur son territoire. Trois choses étaient primordiales pour un loup, et deux d’entre elles lui avait été enlevées : sa meute et son territoire. Zane avait été autorisé à rester auprès de ses frères et sœurs pendant un temps, mais une fois adulte et en pleine possession de ses pouvoirs, il avait dû les quitter. Il avait parcouru le monde, mais un loup n’oublie jamais son territoire et il n’a de cesse de vouloir le retrouver. C’était l’occasion ou jamais. Il devait trouver quel clan se présentait aux Tournois du Pouvoir et s’assurer que le futur Stant soit un allié des siens. La mélodie de Riders on the Storm s’éleva dans l’habitacle, sortant Zane de ses pensées. Il récupéra son téléphone sur le siège passager et sourit en voyant qu’il s’agissait de sa sœur. Il activa la connexion bluetooth entre son téléphone et le hautparleur de sa Vantage avant de répondre. - Hey Resa, comment tu vas ?

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- Dis-moi que ce n’est pas vrai, répondit la voix paniquée de sa sœur. Dis-moi que Blake m’a fait une blague. - Tout dépend de ce qu’il t’a dit, rétorqua-t-il en maudissant in petto son frère et sa grande gueule. - Il a dit que tu partais pour le territoire Est ! - Resa… souffla Zane en passant une main dans ses cheveux de jais. - Non ! gronda sa sœur, y voyant un assentiment. Ils vont te tuer, Zane ! Le jeune homme brun eut un léger rire, comme si cela n’importait pas. - Je ne peux pas te promettre qu’ils ne vont pas essayer, mais je suis fort Resa. Celui qui voudra ma peau devra se lever de bonne heure. - N’y va pas, supplia la femme au bout du fil. Zane soupira. Il avait horreur d’entendre un tel ton dans la voix de sa sœur. Cependant, il savait ce qu’il avait à faire. - Je le fais pour nous tous, répondit-il. Pour laver notre nom et vous assurer un avenir. Ne veux-tu pas que tes enfants puissent marcher la tête haute, Resa ? - J’aimerais aussi qu’ils connaissent leur oncle ! s’énerva-t-elle. Quelques secondes passèrent sans qu’aucun d’eux n’ajoute rien. Puis alors que Zane commençait à se demander si elle n’avait pas raccrocher, Teresa reprit la parole. - Je te rejoins. On sera plus fort à deux. - Non ! gronda Zane. Je ne veux aucun de vous sur le territoire Est tant que je n’aurais pas évalué le danger. - Mais… - C’est un ordre, Resa ! La jeune femme gronda, mais elle savait reconnaitre la voix de l’Alpha. - Très bien, ragea-t-elle, va crever tout seul ! - Moi aussi, je t’aime, répondit Zane avant de se faire raccrocher au nez.

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Bon sang, dire que les hommes se plaignaient des femmes humaines, qu’est-ce qu’ils feraient d’une de leurs femelles énervée ? Zane serra le volant et accéléra encore, dépassant largement la limite de vitesse autorisée. Il avait horreur de devoir jouer les alphas, mais il ne pouvait pas risquer qu’un de ses cadets soit blessé.

*** Arrivé dans sa chambre, Jaden envoya valser ses chaussures en les dégageant à coup de pieds, puis il se débarrassa de ses vêtements en se dirigeant vers la salle de bain. Etant donné l’état de sa chambre, un peu plus de vêtements qui trainent ne se verrait pas vraiment. La seule surface dégagée était son lit. Il ouvrit le jet d’eau, qui il le savait mettait plus de deux minutes à se mettre à la bonne température oscillant avant cela entre Glacier de l’Antarctique et chaleur de l’Enfer. Il se brossa les dents en attendant, mais comme à son habitude, il ne se regarda pas dans le miroir. Il ne voulait pas croiser son regard étrange. Quand il était petit, il pouvait passer de longs moments à fixer ses propres yeux pour essayer de comprendre la raison pour laquelle ils étaient différents de ceux des autres. Maintenant, il s’en foutait, il savait simplement que cela mettait le monde mal à l’aise et ça lui suffisait pour ne pas avoir envie de les voir. Dès que l’eau fut à température, il se hâta de prendre une douche chaude qui le libéra d’une partie de la tension accumulée dans la journée. En sortant, il enfila un bas de survêtement et alla se jeter sur son lit. Ses cheveux trempés s’étalèrent sur l’oreiller. Il commençait seulement à se détendre quand il entendit le bip qui lui indiquait qu’il venait de recevoir un sms. Il tira sur son sac pour l’approcher du lit, il n’avait plus le courage de se lever. Toutes ses affaires s’étalèrent au sol, mais il parvint à attraper son téléphone. Il répondit rapidement au message de sa mère et s’apprêtait à se renfoncer dans son oreiller quand il vit un post-it jaune fluo dépasser d’un des livres tombés de son sac. Il récupéra l’ouvrage en question dont la couverture était faite de cuir brun où des dorures traçaient le titre « Mythes et légendes ». Il fronça les sourcils, ne comprenant pas comment ce livre avait pu arriver dans ses affaires puisqu’il n’était clairement pas à lui. Il ouvrit tout de même la page marquée d’un post-it. D’un côté, un dessin représentait des hommes chauves aux traits durs, rappelant des rapaces. Sur la page qui faisait face à cette image, le titre d’un article « les chasseurs ».

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Jaden pensa vaguement qu’au prochain semestre, il prendrait peut-être l’étude des mythes dans son choix de matière, ça avait l’air bien plus intéressant que l’histoire. Il s’apprêtait à reposer le livre quand il vit une annotation sur le post-it « ils te suivent ». Jaden cligna plusieurs fois des yeux, mais le mot ne disparut pas. « Ils te suivent »

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Chapitre 3

La fatigue commençait lentement à se faire sentir. Zane ne s’était quasiment pas arrêté de conduire depuis qu’il avait quitté Sacramento plus de trente heures plus tôt. Il comptait continuer pour les quelques heures qu’il lui restait avant d’arriver, mais il se sentait vidé et il n’avait franchement pas envie d’abîmer sa Vantage dans un stupide accident de voiture. Il continua son chemin jusqu’à voir l’enseigne lumineuse d’un motel. Ce ne serait pas la grande classe, mais malgré ce que pouvait laisser penser son allure, il s’en accommoderait. Il avait l’habitude de dormir dans des grottes quand il était sous forme de loup. La voiture arriva sur le parking quasiment désert du motel, les phares attirant le regard de la gérante. Si elle fut surprise de voir une telle voiture, ce ne fut rien en comparaison de son choc quand le conducteur en sortit, éclairé par les lampadaires. La portière s’ouvrit et des chaussures noires apparurent, suivies par des jambes longues et musclées moulées dans un jeans. L’homme se leva et sembla se déplier tant il était grand. Elle n’aurait su dire quel taille exactement, mais il devait dépasser le mètre quatre-vingt-dix, c’était certain. Il récupéra un sac de sport dans le coffre qu’il lança nonchalamment sur son épaule immense. Il était taillé comme un nageur. Des épaules larges, des hanches serrées. Lorsqu’il se mit en marche pour se diriger vers l’entrée, elle sentit une vague de frayeur mêlée d’excitation s’emparer d’elle. Son cœur s’accéléra. Il avait une démarche de prédateur, un pas agressif et assuré. Ses cheveux noirs brillaient sous la lumière jaune des lampadaires. Il arriva enfin à l’entrée et alors qu’elle se félicitait de ne pas baver, il lui accorda un demi-sourire ironique, comme s’il savait exactement quel effet il lui faisait. Elle tenta de se reprendre, mais ce n’était pas une tâche facile étant donné que ses yeux ambrés étaient sur elle. Comme sa démarche, ses yeux avaient quelque chose d’animal. Mais leur couleur chaude l’empêchait d’en avoir peur. Ils étaient captivants. - En quoi puis-je vous aider ? demanda-t-elle, assez fière que sa voix ne laisse pas paraitre son trouble. - Euh… (il regarda autour de lui, puis reposa ses magnifiques prunelles sur elle, la fixant comme si elle était idiote)… j’ai besoin d’une chambre. Zane se retint tant bien que mal de lever les yeux au ciel quand elle se mit à rougir. Les humains…

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- Vous serez seul ? demanda-t-elle rougissant de plus belle. Elle l’avait clairement vu arriver seul, aussi la subtilité pouvait repasser. Zane la détailla un instant avant de lui flashé un sourire éblouissant en posant un coude sur le comptoir pour être à la hauteur de ses yeux, un demi-sourire étirant ses lèvres parfaites. - Je ne crois pas, non, répondit-il de sa voix basse et profonde.

***

Jaden ne ferma pas l’œil de la nuit. Assis en tailleur dans son lit, sa tête appuyée contre le mur, il essayait d’oublier le post-it stupide et l’article encore plus. Il n’aurait pas du le lire, mais il n’avait pas pu s’en empêcher. Les chasseurs : hommes de main du monde surnaturel, on prête à leur espèce de nombreuses capacités dont celle d’être des caméléons. Dans de nombreux récit, on les dépeint se déplaçant parmi les hommes sans que nul ne les remarque. Sans cœur et méthodiques, les chasseurs sont avides de pouvoirs mais n’ont d’affinité qu’avec les membres de leur propre espèce… Serrant les dents, Jaden lut une fois encore la note « ils te suivent » Ce mot était sans aucun doute l’œuvre d’un des idiots qui trouvaient sa maladie mentale hilarante, mais il avait maintenant l’impression d’être observé. Comme si quelqu’un là dehors attendait de lui tomber dessus et malgré sa fatigue, il n’avait pas pu fermer l’œil. La chambre était obscure, bien que la télévision soit en marche. Jaden avait pris pour habitude de la laisser allumer pour s’endormir, ça lui apportait un bruit de fond en plus du peu de lumière dont il avait besoin pour que les voix ne s’invitent pas. Il avait passé la moitié de la nuit à fixer l’écran où passaient des émissions sans intérêt, mais desquelles il ne pouvait pas détacher ses yeux. Il devait vraiment être fatigué parce qu’après une heure à regarder Bob l’éponge, il commençait à trouver ça drôle. Il jeta un œil à son réveil qui affichait 06h54 en rouge sur l’écran noir. Bordel, il se sentait fatigué, vidé après la journée qu’il avait passé et sa nuit blanche, mais il savait que même s’il essayait de dormir maintenant, il n’y parviendrait pas. Il décida donc de se lever. Après une douche rapide, il enfila un jeans, une paire de converse, un t-shirt de Mötley Crüe et un sweater trop large pour lui avant d’attraper son portefeuille, son téléphone et de sortir. Il n’avait pas rendez-vous chez sa psy avant neuf heures, mais il ne tenait plus en place dans sa chambre. Le vent qui balaya ses cheveux encore mouillés dès qu’il passa la porte de la résidence le força à rabattre sa capuche, dont seules quelques mèches dépassaient pour venir caresser son visage à chaque pas.

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Il ne savait pas qui avait pu lui faire la blague du post-it, mais en tout cas, ils avaient bien réussi leur coup. Jaden avait beau se répéter que c’était complètement stupide et qu’il aurait mieux fait d’en rire, quelque chose le poussait à prendre cela au sérieux. Il s’engagea sur le campus désert à cette heure du matin, le froid et le brouillard pénétrant ses vêtements ne faisaient rien pour le rassurer. Les bus ne commenceraient à passer sur le campus qu’aux environs de huit heures, il partit donc à pied pour rejoindre le U-breakfast. Il entendit son estomac gargouiller comme s’il avait attendu qu’il pense au petit-déjeuner pour lui donner son approbation. Le campus faisant quatre kilomètre de long, Jaden pensa à appeler ses parents pour prendre de leur nouvelle, mais se souvint bien vite qu’on était samedi et qu’ils devaient encore dormir. Le soleil commençait à peine à se lever et personne n’était présent sur le campus. En général les étudiants faisaient la fête les vendredis soirs ou rentraient chez eux. Un samedi matin était une chose étrange et connue de peu d’entre eux. La plupart pensait que le samedi débutait à midi. Avec un soupir, Jaden plongea ses mains dans les poches de son jeans et continua sa route. Finalement, ce campus désert était un peu comme sa vie : vide et en décalage. Il était perdu dans ses pensées, lorsqu’il capta du coin de l’œil une ombre bouger à proximité. Il s’arrêta et observa les alentours, mais ne vit plus aucun mouvement. Reprenant sa route, il se rassura en pensant que c’était sûrement le bord de sa capuche qui avait capté son attention. Non, ce n’était pas un homme au visage cruel de rapace, se répéta-t-il.

*** Prendre un petit-déjeuner ne fit pas grand-chose pour aider Jaden à se réveiller. Il patientait dans la salle d’attente, mais ses yeux semblaient se fermer de leur propre initiative. S’il n’avait pas rendez-vous avec sa psy, il serait rentré dormir pour la journée. Il ferma les yeux juste un instant. - Jaden ? Jaden ? Il ouvrit finalement les paupières, il s’était visiblement endormi sur sa chaise parce que ce n’était clairement pas la première fois qu’elle l’appelait. Son regard fit lentement le point sur le visage avenant du docteur Stein. Comme d’habitude, ses cheveux châtains étaient relevés dans un chignon impeccable,

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son visage fin était dégagé. On ne pouvait pas lui donner d’âge, peut-être quarante ans mais aucune ride n’était apparente, certainement comblées au collagène. Jaden la suivit dans son bureau d’un pas lourd et prit place dans son fauteuil, alors qu’elle s’asseyait en face de lui. - Mauvaise nuit, souffla-t-il devant son regard interrogateur. - Tu veux en parler ? Bien qu’utilisant la forme interrogative, Jaden la consultait depuis assez longtemps pour savoir qu’il n’avait pas vraiment le choix. Elle lui tirerait les vers du nez de toute façon. Après un soupir lourd, il entreprit de lui raconter les évènements de ces derniers jours, jusqu’à la note qui l’avait conduit à son insomnie et il finit par avouer à mi-voix qu’il pensait avoir aperçu un de ces chasseurs le matin même bien qu’il ait tenté de se convaincre qu’il ne s’agissait que d’une ombre projetée par sa capuche. Elle prit des notes pendant quelques instants avant de finalement relever le visage vers lui. - Est-ce que tu as pris ton traitement ? Jaden hocha la tête sombrement, avant de se passer une main sur le visage en baissant les yeux. Il avait honte de lui-même. Il avait cru que ça allait mieux ces derniers temps, mais visiblement, il s’était planté et maintenant tout semblait bien pire encore. - Tu crois avoir vu une de ces créatures ? dit enfin le docteur Stein. Mais c’est arrivé après que tu aies eu cette note, et après une nuit sans sommeil. Jaden se contenta de hocher la tête, voyant où elle voulait en venir. Il s’était déjà fait cette même réflexion. - Se pourrait-il que ton esprit se soit conditionné lui-même par la peur, jusqu’à voir dans une simple ombre un de ces chasseurs ? - C’est possible. Il n’était plus sûr de rien. Il savait qu’il ne pouvait pas faire confiance à sa perception. Son esprit était psychotique, il pouvait halluciner. Mais alors, comment discerner le rêve de la réalité quand on ne peut pas croire ses cinq sens ? Son heure de consultation passa rapidement, mais en sortant, Jaden se sentait un peu mieux. Le docteur Stein parvenait toujours à le convaincre que ses démons n’existaient pas. Il se demandait parfois comment il avait pu seulement y croire une seconde. Sortant du cabinet, Jaden secoua la tête en se dirigeant vers l’ascenseur. Une affiche avait été placée dessus « en panne ». Une petite voix lui souffla que l’ascenseur fonctionnait parfaitement lorsqu’il était arrivé. Mais Jaden la fit taire et se dirigea vers la cage d’escaliers. Descendre six étages n’allait certainement pas le tuer.

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Les escaliers étaient éclairés par les lumières artificielles vertes qui étaient disposées à chaque étage. Jaden commença à descendre lorsqu’il entendit des portes de métal claquer, il s’arrêta, mais le silence était revenu. Reprenant sa descente, ce furent cette fois des bruits de pas qui firent courir un frisson le long de son dos. Jaden parvenait tout juste à se convaincre qu’il n’y avait rien dans cette cage d’escalier à part lui, quand, comme apparus de nulle part, deux hommes chauves vêtus de noir lui sourirent d’un air carnassier. Des chasseurs. Le souffle de Jaden se bloqua dans sa gorge, il remonta d’une marche sans les quitter des yeux. Mais l’un d’eux leva une main et Jaden se retrouva figé. La panique monta en lui, il était pris au piège. Les deux hommes au traits durs le fixèrent en souriant de plus belle, comme s’ils étaient particulièrement fiers d’eux. Ils s’avancèrent lentement vers lui. Jaden chercha à se débattre dans sa prison invisible, mais il ne pouvait pas bouger un seul membre. L’un d’eux arriva juste devant le jeune homme et fit glisser une griffe noire sur son visage avant de s’approcher pour lui parler à l’oreille. - C’est inutile, Krev. Tu n’iras nulle part. Les tripes de Jaden se tordirent sous l’odeur putride de son haleine. Celle que l’on imaginerait d’un charognard. La panique monta encore d’un cran, lorsque Jaden commença à entendre les voix dans sa tête qui semblaient prisonnières elles aussi. La lumière. Il ne les avait jamais entendues en plein jour ou dans un endroit éclairé. C’était la première fois que les voix se manifestaient quand de la lumière était présente. Mais elles paraissaient distantes. Elles ne tournaient pas autour de lui comme elles le faisaient dans l’obscurité. - Les ténèbres ne peuvent rien pour toi, Krev, souffla le chasseur dont le souffle parcourut le visage de Jaden. - Elles peut-être pas, mais moi, je peux. Jaden ouvrit des yeux qu’il n’avait pas eu conscience d’avoir fermés et comme les deux chasseurs, il les tourna vers la voix. Il dut regarder à deux fois pour s’assurer de la réalité. Il ne pouvait pas bouger la tête, mais il avait une vue assez claire pour être certain de ne pas se tromper. Son vieux professeur d’histoire se tenait sur le palier au-dessus de lui. Il avait toujours la même allure, mais il dégageait quelque chose d’autre. Sa voix n’était plus douce et

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absente comme s’il était dans la lune. Elle était ferme et menaçante. L’homme lui-même n’avait plus rien de fragile, il projetait une aura puissante. Les chasseurs échangèrent un regard, comme s’ils se demandaient qui était ce vieux fou. Jaden lui ne pouvait pas en détacher ses yeux. Il vit son professeur soulever sa canne, puis regardant son élève, il la claqua sur le sol. Jaden eut l’impression qu’une onde de choc passait à travers lui. - Cours, mon garçon ! lui souffla le vieil homme en fixant ses yeux pâles sur les chasseurs. Le jeune homme allait rétorquer qu’il ne pouvait pas, quand il se rendit compte qu’il était libéré. Il grimpa les marches vers son professeur sans réfléchir et ouvrit la porte menant aux couloirs. Il vit du coin de l’œil les chasseurs commencer à monter vers eux, avec un sifflement strident. - Vous venez ? demanda Jaden d’un ton pressé. - Non, répondit posément le vieil homme sans le regarder. Je vais les retenir. Toi, va-t’en ! La dernière vision qu’eut Jaden fut celle de son professeur empoignant sa canne à deux mains, faisant face aux monstres. Puis se détournant, il se mit à courir pour chercher du secours, laissant la porte se refermer sur les sifflements des chasseurs.

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Chapitre 4 -1

Le docteur Stein regarda partir Jaden avant de soupirer lourdement. Il devenait de plus en plus probable que son jeune patient ait récemment vécu un choc émotionnel, c’était la seule explication à la multiplication de ses hallucinations alors qu’il n’en avait pas eu une seule pendant plusieurs semaines. Le défi à présent serait de convaincre Jaden d’affronter ce choc et d’en parler. Il semblait ne pas vouloir le voir et s’enfermait dans les inventions de son esprit. Prenant une profonde inspiration pour se vider la tête, elle rejoignit la salle d’attente pour accueillir son prochain patient. Jaden était certes un cas particulier, mais elle ne pouvait pas se permettre de penser à ses problèmes alors que d’autres comptaient sur elle. Elle appela donc le patient suivant et prit place dans le fauteuil qu’elle occupait depuis maintenant longtemps. La séance n’avait débuté que depuis une dizaine de minutes lorsque la porte de son bureau fut brutalement ouverte. Elle vit Jaden se tenir là, un air complètement paniqué au visage. - Que se passe-t-il ? demanda-t-elle, espérant qu’il n’allait pas faire une crise devant son autre patient. - Il faut aller aider mon prof ! vint la réponse pressante du jeune homme. Il est dans la cage d’escalier, il… - Est-ce que ça a un rapport avec les chasseurs ? demanda-t-elle, hochant la tête lorsque Jaden se tut. Le docteur Stein se leva et tenta de calmer Jaden en serrant ses épaules, mais cela ne fit rien pour calmer le jeune homme, tout au contraire, il sembla énervé qu’elle ne semble pas le prendre au sérieux. - Il faut qu’on aille l’aider, cracha Jaden à bout de nerf. - Les chasseurs n’existent pas, il faut que te calmer… Elle allait continuer et lui dire que les voix non plus n’étaient pas réelles, mais sa propre voix mourut dans sa gorge lorsqu’elle vit, dans le couloir derrière son patient, deux hommes chauves vêtus de noir. Ils étaient grands et imposants, leurs visages aux traits cruels et aux os saillants évoquant ceux de prédateurs. C’était exactement la description qu’avait donné Jaden en parlant des chasseurs. Seigneur, ils existaient !

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Le regard du docteur Stein revint vers Jaden et croisa les prunelles noires aux éclats d’argent, elle tressaillit, mais ne dit rien. Peut-être était-elle sujette à une hallucination, il était prouvé qu’une hallucination pouvait devenir collective dans certaines conditions, par exemple en état de transe partielle, oui, ce devait être cela, elle était particulièrement réceptive aux suggestions – certainement dû au fait que son régime s’était fait de plus en plus drastique ces dernières semaines - et son esprit ne faisait que suivre le meneur, autrement dit Jaden. Alors que le docteur Stein tentait de se convaincre qu’il y avait une explication logique que son esprit purement Cartésien pourrait accepter, les yeux de Jaden parcouraient la pièce à la recherche de la moindre chose qu’il pourrait utiliser comme une arme, mais il avait beau chercher, il ne vit pas même une agrafeuse. Dans un sens ce n’était pas surprenant, le docteur Stein devait assurer un environnement sûr au cas où l’un de ses patients se révèlerait dangereux. En parlant de patient, celui qui était en consultation n’avait pas bougé d’un pouce, fixant Jaden avec un air contrarié, n’appréciant pas que le jeune homme s’introduise dans sa séance. Mais à l’heure actuelle, Jaden s’en moquait complètement. Il sentit dans son dos un courant froid et les voix lui parvinrent à nouveau, étouffées et lointaines, mais il les entendait tout de même. « Sauve-toi, cours, crèves » Il avait envie de les écouter, de courir pour se mettre à l’abri et oublier toute cette histoire. Mais il ne pouvait s’empêcher de voir le visage déterminé de son professeur face aux chasseurs, il ne pouvait pas abandonner l’homme qui était venu le sauver aux mains – aux griffes – de ces monstres. Il entendait encore le sifflement strident qu’ils avaient poussé… une seconde. Il l’entendait très distinctement. Dans un sursaut, Jaden se retourna pour voir deux autres chasseurs s’approcher lentement. Il n’aurait su dire de quelle façon il savait qu’il ne s’agissait pas de ceux qui l’avaient trouvé dans l’escalier, mais il en avait la certitude. « Merde ! » cracha-t-il. Il entra dans le bureau du docteur Stein, alors qu’il était, jusque-là, resté dans l’embrasure de la porte. Jaden tenta de refermer le battant derrière lui, mais le docteur Stein l’en empêchait, elle avait un air complètement abruti au visage. - Entrez avant qu’ils n’arrivent, gronda Jaden en la bousculant pour clore enfin le dernier rempart qu’il restait entre les chasseurs et lui. Cependant, au lieu de coopérer, le docteur Stein lui lança un regard qui se voulait apaisant, mais qui ne fit qu’irriter Jaden. Elle avait l’air de celle qui sait mieux que lui ce qui se passait réellement. Elle fit un pas dans le couloir et le sang de Jaden se figea dans ses veines. Bordel, mais qu’est-ce qu’elle foutait à la fin ?

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Il la rejoignit et lui bloqua le passage, pour la repousser vers son bureau. - Rentrez, vous mettre à l’abri, cracha-t-il. Vous allez nous faire tuer ! Il allait la forcer à obéir, mais lorsqu’il voulut bouger, il se rendit compte qu’il ne le pouvait pas. A nouveau prit dans l’étau invisible des chasseurs. Il sentit avec horreur une main griffue se poser sur sa nuque. Il ne voyait pas l’homme au visage de rapace qui se tenait derrière lui, mais il sentait son souffle putride dans son cou. Le chasseur prit une profonde inspiration avant de soupirer avec satisfaction. - J’en mangerais bien, siffla-t-il à son comparse. Jaden ressentit un tremblement interne, son corps toujours immobile. - Barrez-vous, souffla-t-il au docteur Stein qui le fixait avec un air terrifié. Elle semblait ne considérer le danger comme réel que maintenant. C’aurait sans doute été le moment idéal pour paniquer complètement, mais les griffes se resserrèrent sur la nuque de Jaden, il les sentit entamer sa peau et fut emporté par le néant. La dernière chose qu’il vit fut sa psy qui tentait d’échapper au second chasseur.

*** Rabattant sa canne sur l’un des monstres qui lui faisaient face, le professeur Droski entendit avec horreur un sifflement de rappel. Il y avait d’autres chasseurs dans le bâtiment et s’il en croyait ce qu’il entendait, ils avaient Jaden. Comme il s’y attendait, les chasseurs disparurent et il se laissa glisser contre le mur, s’asseyant sur l’un des escaliers. Il était complètement épuisé et à peu près certain d’avoir un poignet cassé. Mais la douleur la plus cuisante était celle de l’échec. Il n’avait pas réussi à sauver Jaden. Il fallait pourtant qu’il le sorte de là. Il savait très bien qui avait engagé les chasseurs pour récupérer le Krev. Harley, c’était forcément elle. Il y avait des années qu’elle était fascinée par les ténèbres. Harley n’attendait que la mort du Stant Hadler pour pouvoir mettre la main sur le Krev qui était jusque-là protégé par les décrets du territoire. Elle allait l’entrainer pour les tournois. Mais elle ne savait pas l’arme instable qu’elle avait entre les mains. Le professeur Droski devait trouver comment sortir le gosse de là. Mais il doutait de trouver de l’aide en ce moment. Les jours du chaos relevaient du chacun pour soi. Avant tout, il devait se soigner et prendre des forces. Il penserait ensuite à un plan pour récupérer Jaden avant que Harley ne déclenche une bombe nucléaire sans même le savoir.

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Soupirant lourdement, le vieil homme prit appuie sur sa canne de sa main intacte et descendit les escaliers pour rentrer chez lui.

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Chapitre 4 -2

Le garou gronda aussi férocement qu’il le pouvait. Ses yeux enfoncés dans sa gueule déformée lançaient des éclairs. Recroquevillée contre le mur de briques froides du bâtiment en ruines, la créature mi-humaine, mi-lupine se trouvait pourtant en position de faiblesse, ce qui était assez rare. Il se releva, prenant appui sur la pointe de ses pattes, il se propulsa en avant tous crocs dehors. Zane vit arriver le garou droit sur lui, l’autre mettait toute sa force dans cette attaque. Pourquoi avait-il fallu que ça tourne de cette façon ? Il était simplement venu demander des renseignements, pas défier l’alpha de leur meute. Avec un soupir agacé, il tendit le bras quand le garou fut à bonne distance et referma l’étau de sa main sur la gorge de l’autre, le coupant dans son mouvement. Zane le poussa contre le mur et le bloqua, gardant une main serrée autour de sa trachée pour lui couper l’envie de mordre. - Ne me pousse pas à me transformer, gronda-t-il dans une menace. Crois-moi, tu ne veux pas d’un vrai loup devant toi. Un grondement indigné sortit de la gorge du garou. Zane comprenait bien que l’autre le prenait comme une insulte, mais c’était simplement un fait. Il était un loup de sang pur. Il y avait à la fois un homme et un loup en lui, contrairement aux bâtards mordus qui n’étaient que des hommes gagnant des caractéristiques lupines. Preuve en était que lorsqu’il se transformait, il était un loup. Bien plus gros que la normale, certes, mais un loup quand-même. Le regard de défi que lui accorda l’autre fit se réveiller l’alpha en Zane et un grondement puissant échappa de sa gorge. Il lâcha le garou et recula d’un pas, se plaçant en position d’attaque dans son corps humain, il laissa gronder l’animal en lui. Il savait que ses yeux devenaient d’un orange vibrant, ce n’était plus sa part humaine qui regardait le garou, c’était son loup, qui demandait la soumission de l’autre. Les traits du garou se figèrent et lorsque Zane gronda encore, il se cogna dans le mur en tentant de reculer. Satisfait, Zane calma son loup, ses yeux redevinrent d’une couleur chaude et ambrée.

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- Maintenant, réponds-moi et je m’en irai. Où puis-je trouver un prêtre de Sophia dans cette partie du territoire ? - Droski, gronda la voix de l’autre. - Ivan Droski ? Zane tenta de garder une voix égale, même s’il était sincèrement surpris. Le garou hocha simplement la tête. Zane tourna les talons, gardant tout de même les oreilles aux aguets pour être prêt à attaquer au moindre mouvement dans son dos. Mais par chance l’autre ne tenta rien. Zane sortit du bâtiment et rejoignit sa voiture. Ivan Droski, il devait bien y avoir une quarantaine d’année qu’il ne l’avait pas revu. Il eut un léger sourire et dût se retenir de toutes ses forces d’appeler Resa. Il ne le ferait que lorsqu’il aurait trouvé un endroit où assurer la protection des siens.

*** Jaden sentit, à travers les brumes de l’inconscience, des doigts glacés passer sur son visage. Il n’avait pas la force de frissonner, mais il en avait envie tant ce toucher était froid. Un doigt passa sur sa pommette doucement, comme une caresse aimante, puis ses cheveux furent repoussés de son front. - Ce qu’il est beau, chantonna une voix musicale qui semblait vibrer d’excitation. Regarde-le Roberto, n’est-il pas magnifique ? - Oui, madame, répondit une voix monocorde. A nouveau les doigts parcoururent son visage et Jaden eut envie de gronder qu’on ne le touche pas, mais ses paupières refusaient même de se soulever, alors ne parlons pas d’ouvrir la bouche et d’en tirer un son. - Je sens son pouvoir crépiter, s’extasia la voix de femme. La façon qu’elle avait de s’exprimer rappela à Jaden, les gens en transe ou complètement stones qui croient parler à Dieu en regardant le ciel et tournant sur eux-mêmes. C’était ce type d’extase qu’elle reflétait, qui qu’elle soit. - Jaden ? demanda-t-elle. Je m’ennuie. Allez Krev… Tuez-moi directement au lieu de me demander de crever, pensa Jaden. Il entendit la femme éclater de rire, puis les doigts revinrent sur son visage, il sentit un souffle sur son oreille. - Nous ne voulons pas que tu meurs Jaden, mon cœur. Nous te nommons Krev : K-R-E-V, car c’est ce que tu es.

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Deux pensées traversèrent simultanément l’esprit du jeune homme. La première étant : Putain de merde, elle lit mes pensées. Et la deuxième : qu’est-ce que c’est qu’un Krev ? … Bordel ! Mais avant tout, il devait savoir qui elle était, où il se trouvait et ce qu’on lui voulait. - Je suis Harley, répondit la voix toujours aussi proche. Tu es ici chez moi. Maintenant si tu voulais faire l’effort d’ouvrir les yeux avant que je ne perde patience, je répondrai peut-être à tes interrogations. Jaden ordonna à ses yeux de s’ouvrir, mais ils ne voulaient pas coopérer. Il dût s’y reprendre à trois fois avant d’y parvenir. Lorsqu’enfin, ses paupières se soulevèrent, il fut agressé par une lumière qui arrivait droit sur lui, comme un projecteur. Il cligna des yeux et vit un visage se pencher sur lui. Un visage sublime et froid. Les traits étaient fins, sans défaut, les lèvres au dessin parfait et gainée de brillant noir relevées dans un sourire victorieux. Elle était sans doute la plus belle créature qu’il lui ait été donné de voir dans sa vie. Et pourtant, il ressentit immédiatement de la répulsion à son égard. Il ne laissa pas ce fait filtrer à travers ses pensées, sachant qu’elle l’entendrait. Il concentra son regard sur les cheveux platine qu’elle avait plaqué en arrière – certainement avec des huiles étant donné leur brillance. Harley s’approcha à nouveau de lui, ses lèvres noires se séparèrent alors qu’un souffle choqué les passait. - Tes yeux… souffla-t-elle. Jaden haussa les épaules - du moins, tenta de le faire, mais son corps avait encore quelques réticences à lui obéir. - Ils sont magnifiques, reprit Harley avec la même extase qu’elle avait eue précédemment. Leur noirceur, leurs éclats d’argents. Sans lune est la nuit, mais les astres luisent. Si elle n’avait pas été aussi inquiétante, elle aurait sûrement parut ridicule. - Il n’y a rien de ridicule là-dedans, claqua-t-elle. Tes yeux sont la nuit, ils sont les ténèbres qui t’habitent. Reflet du Krev et son pouvoir. Jaden se releva en position assise et ne se rendit compte qu’à cet instant qu’il était dans un lit immense, aux proportions de la pièce. Les tons riches d’or et de bordeaux se mêlant pour créer un effet époustouflant de luxe dans cette décoration baroque. C’était impressionnant et Jaden détesta. Harley lui prit le bras pour le faire se lever. Jaden obtempéra et vit un homme imposant au teint olivâtre et au regard plus noir encore que le sien – certainement le fameux Roberto – se tenant droit comme un piquet à côté d’une porte qu’il devina être la sortie. Il était clairement prisonnier, mais la réelle question était pourquoi ?

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- Tu ne le sais vraiment pas ? s’amusa la femme en passant une main bien trop intime sur le bras de Jaden. Il n’aimait pas particulièrement qu’elle se comporte avec lui comme s’ils étaient amants. Elle lui sourit, prouvant qu’elle avait capté cette pensée également et qu’elle entendait qu’ils le deviennent. Jaden se retint de protester et préféra se concentrer sur ses interrogations. - Non, je ne le sais pas ! dit-il finalement. - Oh, ta voix, minauda-t-elle. - Ouais, génial ! s’énerva Jaden en retirant son bras de sa prise. Si on pouvait arrêter de s’extasier sur ma putain de perfection, et répondre à mes questions ça m’arrangerait franchement ! Avant d’avoir pu compter une seconde, Jaden se retrouva propulsé dans un mur. Sa vision se fit floue une seconde, mais il put ensuite constater que Roberto n’avait pas apprécié son ton. Harley tapota le bras de son garde avec un sourire. Lorsqu’elle revint, elle marcha sur la main de Jaden avec un de ses talons aiguilles et lui sourit d’un air charmant, comme si elle n’écrasait pas ses phalanges à l’instant. - On m’obéit, mon cœur, souffla-t-elle. On me parle avec respect et on fait ce que j’ordonne. C’est ainsi que l’on survit. - J’ai jamais tellement aimé la vie, répondit Jaden avant de serrer les mâchoires lorsqu’elle appuya plus fort. Elle resta là, à le regarder souffrir avec un sourire paisible sur son visage. Puis finalement elle retira sa chaussure de ses doigts et tendit la main à Jaden en lui lançant presque joyeusement : « viens mon cœur, tu dois mourir de faim et puis, tu voulais des réponses il me semble. » Jaden la suivit, cachant le fait qu’il observait autour de lui pour trouver une sortie. Dès qu’ils passèrent la porte de la chambre pour avancer dans le long couloir, tout aussi richement décoré, elle plaça une main sur sa nuque et le força à baisser les yeux. - Je ne veux pas que qui que ce soit voit ton regard tant que je ne leur en aurai pas accordé le droit. Jaden se retint de lui balancer une réplique cinglante et la suivit dans une grande pièce où se trouvaient quelques personnes qui se courbèrent à l’entrée d’Harley. La femme le força à s’installer dans une chaise - qui avait plus des airs de trône que de meuble ikéa - et se plaça derrière lui, elle lui caressa les cheveux comme s’il était son animal de compagnie et lorsqu’on plaça des plats devant lui, elle lui ordonna de manger.

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- Louis ! appela-t-elle après s’être assurée que Jaden lui obéissait. - Oui, madame, répondit une voix douce. L’intonation du lèche botte en chef, pensa Jaden. Harley eut un léger rire qui résonna aux oreilles du jeune homme, prouvant qu’une fois encore elle se tenait trop près de lui. - Dis-nous ce qu’est un Krev, commanda-t-elle. Aussitôt l’attention de Jaden se porta sur l’homme, mais la main de Harley le força à baisser le regard. L’autre se courba, puis se racla la gorge. - Un Krev est le gardien des ténèbres, madame. - Plus. De. Précisions ! commanda-t-elle comme si elle perdait patience face à un enfant. - A l’aube du règne des Hommes sur la terre, les êtres surnaturels libérèrent le chaos pour regagner le monde. L’entité ainsi libérée, porta la mort sur son chemin. Cependant, parmi les humains étaient les sorcières. Elles divisèrent le chaos en masses de ténèbres qu’elles firent garder par les Krev, les cinquante guerriers le plus puissants de leur temps. Elles tissèrent les ténèbres aux âmes des Krev, les condamnant ainsi que leur descendance à en être les gardiens. Lorsqu’il s’arrêta, Harley claqua la langue contre son palais, comme si tout ce qu’il faisait ne servait qu’à la contrarier. - Qu’est-il arrivé, alors ? - Les ténèbres jurèrent fidélité à leur gardien. Lorsqu’un Krev meurt, son descendant le plus proche devient détenteur des ténèbres. Harley prit le menton de Jaden entre deux doigts aux ongles rouges vifs et tourna le visage du jeune homme vers elle, lui souriant avec une adoration répugnante. Elle congédia les autres personnes présentes d’un ordre sec, et s’adressa à Jaden. - Tu es l’un des gardiens, mon cœur. Les ténèbres t’appartiennent et quand tu sauras les diriger. Tu seras présenté comme mon champion aux tournois du pouvoir. - Je… - Tss, tss. Tu gagneras pour moi et nous dirigerons ce territoire. Jaden aurait volontiers protesté. Il les aurait bien traités de fous. Mais cette fois, il écouta la voix au fond de lui qui lui assurait que c’était vrai. Cette même voix qui lui disait qu’il devrait se barrer dès qu’il en aurait l’occasion.

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Chapitre 5 - 1

Jaden tournait dans son lit sans discontinuer. Il avait attendu la nuit avec impatience pour pouvoir tenter de s’échapper, mais un homme s’était trouvé désigné pour monter la garde à sa porte. L’esprit de Jaden tourbillonnait à présent dans tous les sens pour trouver une manière de sortir de cette maison de fous, mais il n’en voyait pas. Ses yeux parcoururent sa prison dorée. Au clair de lune, tout semblait être réduit à du noir et blanc, et pourtant, il trouvait toujours ce décor trop luxueux, trop chatoyant à son goût. Il avait commencé par laisser la lumière allumée dans sa chambre, mais il ne se sentait pas à l’aise, c’était comme si quelqu’un l’épiait à travers les miroirs bien trop nombreux. Il ne pouvait se défaire de cette sensation dérangeante d’être observé. Il avait finalement préféré l’obscurité, mais elle ne devait pas être complète, sans quoi, il n’aurait aucun moyen de faire taire les voix, il avait donc opté pour les volets ouverts. Il tourna encore une fois, le drap s’enroulant de plus en plus autour de sa taille, si bien qu’il finissait par se donner l’impression d’être une tortilla géante. - En tout cas, je te croquerais bien. Le jeune homme eut un sursaut incontrôlable en entendant la voix musicale et glacée de Harley. Sa tête se releva immédiatement pour voir la magnifique jeune femme qui se tenait debout devant la porte. Les rayons de la lune la faisaient sembler encore plus pâle, ses lèvres noires contrastant avec sa blancheur, ses cheveux platines toujours parfaitement plaqués en arrière sur son crâne. Elle portait une robe très fine d’un blanc immaculé qui avantageait et sa silhouette filiforme et dont la transparence ne laissait pas grand place à l’imagination. Elle avait tout l’air d’une apparition fantomatique. Mais plutôt qu’être charmé par cette vision, Jaden réprima un frisson.Comment était-elle entrée ? Depuis quand était-elle là ? - Depuis assez longtemps pour savoir que tu veux me fausser compagnie, et je n’apprécie pas, répondit-elle en s’approchant d’un pas aérien. Ça me briserait le cœur. - Oh, nous ne voudrions pas cela, ironisa-t-il. Sa démarche légère se stoppa et elle fit un demi-sourire que Jaden aurait qualifié de carnassier. Puis en un battement de cils, elle se trouva à côté de son lit, sans que le jeune homme ait eu le temps de voir un seul mouvement.

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Jaden cligna plusieurs fois des yeux et se releva en position assise, rester allongé lui donnait une impression de vulnérabilité. Cependant, il savait que même en se relevant, il ne pourrait pas faire grand-chose. Elle n’était pas humaine, c’était certain, mais elle n’était pas non plus une chasseuse ou une Krev… - Vampire, souffla-t-elle avec un sourire en s’asseyant au bord du lit. Ce mot resta en suspens entre eux, l’esprit de Jaden l’assimilant, alors que le jeune homme se demandait s’il devait en rire ou non. Elle avait l’air mortellement sérieuse. Aussi, il se retint. - Vampire ? répéta-t-il. Une buveuse de sang ? - Oh, minauda Harley en fronçant les sourcils, c’est tellement vulgaire de dire ça, mon cœur. S’il s’agissait de quelqu’un d’autre je lui briserais la nuque. Le sourire qu’elle eut en disant cela, fit comprendre à Jaden que non seulement elle le ferait, mais qu’elle trouvait l’idée plaisante. Assise à quelques centimètres de lui, elle s’approcha lentement, plongeant ses yeux de rubis dans ceux de Jaden – avait-elle ces yeux là tout à l’heure ? Il n’aurait pas parié dessus, il aurait forcément remarqué des yeux aussi rouges. Harley passa une main tendre sur les pointes blondes du jeune homme qui se fit fort de ne pas bouger. - Je me demande si ton sang est aussi enivrant que la vague de pouvoir qui t’entoure, ronronna-t-elle avant de se lécher les lèvres. Jaden eut un rire nerveux en reculant le plus loin possible jusqu’à être bloqué par la tête de lit. - Je parie que non, répondit-il arrachant un rire séducteur à Harley. - J’ai envie d’en juger par moi-même. - Ouais… mais non. Dans des mouvements brusques, il se dégagea des couvertures et quitta le lit du côté opposé pour s’éloigner d’Harley. Elle le regarda faire avec indulgence et sourit comme si elle trouvait ses efforts pour lui échapper tellement inutiles que ça devenait mignon. - Oh, mon cœur, souffla-t-elle en se levant. Où comptes-tu aller ? Jaden recula encore, jusqu’à se trouver dans une partie non éclairée de la chambre, mais il savait lui aussi que cela ne servait à rien. En un clin d’œil, Harley le rattrapa et Jaden se retrouva acculé au mur. Coincé par les mains puissantes de la vampire qui l’épinglaient au mur. - Drôlement forte pour une si petite carrure, grogna-t-il. - Ça te plaît ? ronronna Harley à son oreille. On a la puissance, la beauté… ne nous manque que le pouvoir et à nous deux, nous l’aurons sans problème. Personne ne pourra nous arrêter, mon cœur.

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Jaden préféra ne pas répondre, ça risquait de lui coûter cher. Krev… éloigne-toi ! Oh, non ! Il ne manquait plus que ça. Dans sa précipitation à s’éloigner de Harley, il n’avait pas pensé au fait que les voix reviendraient dès qu’il aurait quitté le peu de lumière qui restait dans la chambre. Krev ! Jaden était figé. Pas qu’il puisse faire grand-chose coincé comme il l’était mais… Il sentit une langue passer le long de sa gorge et son attention revint entièrement à Harley. - Que… Qu’est-ce que tu fais ? La langue passa à nouveau lentement sur sa gorge le faisant frissonner d’effroi tandis qu’Harley se collait davantage à lui. - Je vais te faire connaitre des sensations inédites, répondit-elle. Jaden sentit un croc érafler sa jugulaire et les voix devinrent dingues. Eloigne-la ! Krev ! Repousse-la ! Il paniquait assez sans avoir besoin qu’elles en rajoutent. - Je ne peux pas, grogna-t-il à l’intention des voix. Repoussez-la vous-même ! Les crocs d’Harley percèrent la peau, la vampire eut un gémissement délicieux quand le sang entra dans sa bouche. Jaden sentit une vague de chaleur puissante le traverser, mais à nouveau, les voix se mirent à hurler. Elles tournaient autour de Jaden comme un tourbillon incessant. Jaden n’en était qu’à moitié conscient, la chaleur provenant de sa morsure le plongeait dans un état second duquel il n’aurait pu se sortir même si sa vie en dépendait. Tout à coup le mouvement des voix s’arrêta et elles fondirent toutes sur lui. La chaleur fut remplacée par une vague glaciale. Les yeux de Jaden s’ouvrirent en grand, juste à temps pour voir Harley être violemment propulsée à travers la pièce. - Ne nous défie pas ! gronda-t-il d’une voix dissonante qui n’était pas la sienne. Harley le fixait, ses yeux rubis écarquillés. Jaden se redressa, il se sentait puissant, invincible et prêt à détruire le monde de ses mains. Les ténèbres grondaient en lui.

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- Je ne veux pas te faire de mal, mon cœur, répondit Harley en se relevant. Alors ne m’y oblige pas. Le regard rouge défia les abysses des yeux de Jaden, mais Harley était moins sûr d’elle qu’elle ne voulait le paraitre. Jaden eut un rire moqueur. A nouveau, il ne reconnaissait pas la voix glaciale qui passait ses lèvres. Harley eut un cri outré, furieuse qu’il ose se moquer d’elle, mais lorsqu’elle fonça vers lui, Jaden n’eut qu’à lever un bras pour qu’elle soit à nouveau propulsée dans le mur. Les ténèbres la suivirent et Jaden s’écroula au sol, ne comprenant pas ce qui se passait. Il regarda des marques apparaitre sur le visage d’Harley sans comprendre d’où elles provenaient. Il ne se sentait plus ni puissant, ni froid. Muet et immobile, il entendit le cri d’animal blessé que poussa Harley, puis les voix qui répétaient : « Ne nous défie pas ! » Tout à coup, la porte fut ouverte en grand et Roberto entra braquant une lumière puissante sur Jaden. Il entendit les voix hurler à leur tour, puis plus rien. Jaden se recroquevilla contre le mur sans pouvoir détacher les yeux d’Harley. Le garde aida la jeune femme à se relever, elle s’appuya sur lui le temps de se mettre sur ses pieds puis le repoussa violemment comme s’il l’avait offensée. - Va ouvrir la cage ! hurla-t-elle. Roberto se courba puis sortit de la chambre, posant son projecteur sur le lit pour que la lumière reste braquée sur Jaden. Dès lors qu’ils furent à nouveau seuls, Harley reporta son attention sur Jaden qui regardait les coupures se refermer d’elles-mêmes sur la peau d’Albâtre. - - Tu n’aurais jamais dû faire ça, cracha-t-elle. Jamais. Jaden ne parvenait ni à parler, ni à bouger. En état de choc. Il ne sut pas comment, mais quelques secondes plus tard, il se retrouva contenu entre deux gardes. Ils le soulevèrent et le transportèrent à travers plusieurs couloirs, jusqu’à atteindre une porte noire sur laquelle des tas de signes étaient tracés en argent. Roberto se trouvait déjà là, et il ouvrit la porte en psalmodiant quelques mots que Jaden ne comprit pas. Harley passa devant Jaden qui était toujours maintenu entre les deux gardes. Elle saisit son visage entre deux doigts et le tourna vers elle. Elle posa un baiser furieux sur ses lèvres et le relâcha, le scrutant avec dédain. - Va donc embrasser les ténèbres, souffla-t-elle avant que Jaden ne soit jeté dans une pièce noire. La porte fut refermée sur lui. Aucune lumière ne filtrait plus. Jaden avait la sensation d’être devenu aveugle. Jamais il n’avait connu une obscurité aussi totale. Au bout d’à peines quelques secondes, il se sentit étouffer. Les voix l’entourèrent, grondant et

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tournoyant. Jaden s’effondra et prit sa tête entre ses mains avec l’impression qu’elle allait exploser quoi qu’il fasse.

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Chapitre 5-2

Sur l’île des Monts Déserts à environ un kilomètre au large du Maine, Ivan Droski patientait dans la grande salle du temple de Sophia. Appuyé sur sa canne, il tentait de se tenir droit pour ne pas montrer sa fatigue – à la fois physique et mentale. Il avait échoué. Sa mission était de récupérer le Krev et de le ramener, mais il n’avait pas été à la hauteur de la confiance qu’on avait placée en lui. L’échec était cuisant et devoir l’annoncer au Haut Prêtre du temple n’arrangeait pas les choses. Il était arrivé sur l’île depuis quelques heures déjà, mais il avait retardé autant que possible la confrontation qui l’attendait, préférant prendre des nouvelles des permanents : ces prêtres bienheureux qui n’étaient pas (ou plus) envoyés sur le terrain. Ils avaient le temple pour résidence et s’occupaient des assignations, du traitement des informations que leur apportaient les autres. Ils cherchaient des solutions aux conflits et aidaient à maintenir une paix relative entre les différentes espèces et les différents territoires. Ils étaient parfois conseillés du Stant qui pouvait venir consulter leur sagesse. Ivan aurait préféré être l’un d’entre eux plutôt que d’être encore en première ligne à son âge, mais ainsi allait le code. Il avait rejoint leur camp sur le tard et ne pouvait prétendre aux mêmes privilèges que ceux dont la loyauté remontait à l’adolescence. De plus, il se savait plus utile sur le terrain. Rares étaient les prêtres de Sophia ayant des dons. Ivan était l’un des quelques sorciers à avoir intégré cette société réfractaire à accepter en son sein des membres d’origine surnaturelle. En ce moment, ils étaient tous très occupés par le désordre créé par les cent jours du chaos. Les jours séparant la mort d’un Stant et le couronnement de son successeur dont le champion aura vaincu aux tournois étaient les pires pour les prêtres. La communauté surnaturelle n’était plus sujette à aucune loi. Les jours du chaos avaient déjà vu nombre de règlements de comptes, vols d’artéfacts, enlèvements… Jaden n’était qu’un des trophées convoité par les différents clans. Les portes de la grande salle s’ouvrirent en grand, laissant place au Haut Prêtre. Drapé dans une toge de soie noire sur l’avant de laquelle l’arbre de la connaissance, signe des prêtres de Sophia était représenté en rouge sang, l’homme entra d’un pas calme. Ses cheveux argent tressés descendaient jusqu’au bas de son dos. Son visage ridé ne laissait jamais paraitre aucune émotion, quoi qu’il arrive, il restait serein.

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Malgré son âge, Ivan se sentait comme un gamin ignorant dès que le Haut Prêtre se trouvait dans la pièce. Il se courba en signe de respect. - Bienvenue, dit la voix basse du Haut Prêtre. Sa voix était le plus surprenant chez lui. Lorsqu’Ivan l’avait rencontré pour la première fois, il s’était attendu à une voix froide et assurée. Une voix puissante aurait correspondu à son charisme, mais ce n’était pas le cas. Son timbre donnait toujours l’impression qu’il venait de se casser la voix à trop crier. Comme un souffle amplifié. On l’entendait parfaitement, mais cela restait singulier. -- Merci, répondit Ivan. Je suis malheureusement porteur de sombres nouvelles. - Parle, l’invita le Haut Prête en allant prendre place dans son fauteuil de velours rouge. Ivan le suivit et s’installa face à lui, respirant profondément, il se lança : - Nous n’étions pas les seuls à nous intéresser au Krev, votre éminence. - Ce n’est en rien surprenant, son pouvoir est très convoité, d’autant que les Clans sont tous à la recherche d’un champion qui leur apportera la victoire aux tournois du Pouvoir. - En effet. Des chasseurs ont été envoyés à ses trousses avant que j’aie eu le temps de lui expliquer et je n’ai pas su le protéger. - Comment est-ce possible, tu étais chargé de garder en vue les jeunes surnaturels, il en faisait partie. - Oui, mais dès le premier jour du chaos, les chasseurs sont arrivés et les affrontements se sont succédés. J’ai pu en tuer trois jeunes, mais quatre autres plus expérimentés ont pris la relève. Un silence glacé suivit sa déclaration. Quand Ivan osa relever la tête, il vit que le Haut Prêtre le scrutait simplement de son regard impassible. - Le Krev doit être récupéré, affirma-t-il. Sais-tu qui a commandité son enlèvement ? - Oui, Votre Eminence. - Bien. Ramène-le au plus vite. - Ce n’est pas en mon pouvoir. Je suis certes puissant, mais je ne peux m’élever seul contre un clan. - Sais-tu quel est notre plus grand pouvoir ? lui demanda le Haut Prêtre. A nouveau, Ivan eut l’impression d’être en présence d’un être plus vieux et plus sage qu’il ne lui serait jamais possible de devenir. - Le savoir, répondit-il. - C’est exact, approuva le Haut Prêtre en hochant la tête. Sers-toi de ta tête. Si tu ne peux détruire un mur de tes mains, alors contourne-le. Ivan détestait en rajouter, mais la résidence d’Harley était l’une des mieux gardées. Même s’il parvenait à y entrer, il ne voyait pas comment faire sortir Jaden. Une bataille s’engagerait forcément.

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- Utilise les moyens nécessaires, lui conseilla le vieil homme lorsqu’il lui fit part de ses doutes. Mais ramène le Krev. Avec une révérence, Ivan se retira. Il ne savait pas encore comment il récupérerait Jaden des mains d’Harley, mais il devait trouver une solution rapidement. Il était de son devoir de le mener au temple. Une fois installé dans sa voiture, il se courba légèrement, laissant parler l’épuisement qu’il avait caché jusque-là. Il massa lentement son poignet qui lui faisait mal, malgré les onguents qu’il y avait appliqué. Il se souvint d’une époque où une blessure aussi bête pouvait être guérie grâce à quelques injections, mais c’était une chose à laquelle il avait dû renoncer en rejoignant les prêtres de Sophia. Secouant la tête pour chasser ses souvenirs, il démarra, regagnant le continent par le pont qui le reliait à l’île des Monts Déserts.

*** L’université de Boston, l’une des plus prestigieuses des Etats-Unis accueillait une flopée d’élèves triés sur le volet et laissant présager un bel avenir. Certains d’entre eux, boursiers de prix prestigieux comme le McArthur étaient la raison pour laquelle le professeur Droski y avait été assigné. Pour recruter de nouveaux prêtres de Sophia. Ça lui avait permis de vivre quelques années relativement tranquilles. Il ne savait pas quand tout cela avait commencé à dégénérer, mais ça devait tourner aux environs de l’arrivée de Jaden sur le campus et de la découverte par les prêtres que le Stant Hadler protégeait secrètement un Krev sur le territoire. Oui, si on lui demandait quand tout avait commencé à ressembler à une maison de fous, il répondrait que c’était à cette époque. Les recherches avaient amené les yeux sur lui, trahissant sa condition et révélant à ceux qui le surveillaient de près que Jaden était non seulement une créature puissante, mais aussi vulnérable, parce qu’il ne connaissait rien de ses pouvoirs. Pas que sa vie ait été parfaitement plate avant cela, mais en tout cas, il y a trois ans, il ne se serait pas retrouvé à entrer par effraction dans une chambre d’étudiants en pleine nuit pour prendre les effets personnels d’un élève.

*** Depuis le temps qu’il côtoyait les humains, Zane commençait à savoir l’effet qu’il avait sur eux. Aussi pour passer le plus inaperçu possible sur le campus, il portait une casquette des Red Sox, comme pas mal d’étudiants et un sweatshirt noir, ses mains

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étaient au fond de ses poches, son dos légèrement courbé pour paraitre moins grand et moins musclé, mais il n’empêche que certains lui jetaient tout de même un regard. Tous se pressaient vers leurs salles de cours, la matinée commençait à peine et le campus était en pleine effervescence, se glissant dans un groupe d’élèves, il rejoignit l’accueil du département d’histoire. Une femme assise derrière son ordinateur l’ignora complètement lorsqu’il s’arrêta devant son bureau. Retirant sa casquette et ses lunettes, Zane se racla la gorge et s’attira un regard irrité qui disparut aussitôt que les yeux de la secrétaire se posèrent sur son visage. Ses lèvres pincées laissèrent place à un sourire gêné alors qu’elle rougissait légèrement. Zane se retint tant bien que mal de lever les yeux au ciel et lui sourit d’un air charmant, appréciant les ravages qu’il pouvait faire. Ça pouvait être pratique parfois, bien que ce soit exaspérant le reste du temps. La femme se racla la gorge avant de parler et là encore elle bafouilla légèrement. Les humains... - Je, euh, je peux vous aider ? - Oui, lui répondit Zane de sa voix profonde. Je cherche le bureau du professeur Droski. - Oh, fit-elle en levant le bras comme pour le lui indiquer avant de se récrier comme si elle venait d’avoir l’idée du siècle, je vais vous y emmener. - Merci, répondit Zane sans se départir de son sourire. Il la suivit à travers le hall, puis un long couloir avant de s’arrêter devant une porte fermée à travers laquelle il sentait un parfum de thé au jasmin et de poussière. Il remercia la secrétaire qui restait plantée là alors qu’il frappait à la porte. On lui répondit d’entrer, ce qu’il fit avec un dernier hochement de tête dans la direction de la femme qu’il laissa en arrière. Dès qu’il passa le seuil, il repéra un vieil homme courbé comme si le poids du monde pesait sur ses épaules, il se tenait vouté, les mains à plat sur son bureau. Son regard se posa sur Zane et le vieil homme sembla reprendre vie, un sourire immense s’afficha sur ses lèvres alors qu’il se relevait. - Westrides ! s’amusa-t-il en se relevant. Tu n’as pas changé d’un poil ! Zane sourit à son tour et il sentit quelque chose se détendre au fond de lui. Il s’avança dans le bureau sans plus d’hésitation et prit Ivan par les épaules avant de l’écraser contre lui. - Bon sang, ce que tu as vieilli ! - Toujours autant de tact, répondit le professeur en lui frappant le dos. - Hé ! On t’a proposé la jeunesse et tu nous as envoyé chier, je te rappelle ! Zane sentit Ivan trembler comme s’il voulait retenir un rire sans y parvenir.

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- Qu’est-ce que tu fais là, Zane ? - J’ai entendu dire que tu faisais partie des philosophes à deux balles, répondit-il avec un sourire insolent. Je ne peux pas croire qu’ils aient accepté un mec comme toi. Ils ne connaissent pas ton passé ? - Oh, si, répondit Ivan, mais j’ai fait amende honorable. - Dommage, s’amusa Zane. Cette fois Ivan rit pour de bon. - J’imagine que tu viens m’extorquer des informations. - Exact. J’ai besoin de savoir quels clans seront représentés aux tournois et comment les approcher. Le vieux professeur reprit place dans son fauteuil et leva un regard fatigué vers le loup. - Je ne sais pas encore, répondit-il. Je peux me renseigner pour toi, mais j’ai un problème à régler avant. Tout à coup, le regard fatigué se fit calculateur et un sourire effrayant apparut sur le visage d’Ivan. Zane connaissait ce sourire et il soupira s’asseyant sur un bord du bureau, il sourit à son tour. - Allez, balance, dit-il. Qu’est-ce que tu attends de moi ? Ivan lui expliqua l’enlèvement de Jaden et vit Zane froncer les sourcils. - Tu vas m’aider ? lui demanda-t-il. - Ouais, fit Zane dans un grognement. Mais, je ne fais pas confiance aux Krevs. - Tu ne fais confiance à personne en dehors de ta meute, rétorqua Ivan. - Pas faux. - J’ai besoin de ton aide, insista le professeur. Le Haut prêtre m’a confié cette mission et il n’acceptera pas un échec. Tu aurais dû l’entendre : « si tu ne peux briser un mur à main nues, contourne-le ». Zane s’esclaffa. - Avec tout le respect dû à Monsieur le Haut trou du cul, quand je ne peux pas péter un mur à main nues, j’y mets du C4. - Et c’est pour ça que j’ai besoin de toi. Zane hocha simplement la tête.

*** Les deux hommes étaient penchés vers un tableau sur lequel Ivan avait dessiné de son mieux les plans de la résidence d’Harley. Il restait cependant incomplet parce qu’il ne pouvait tracer que les issues visibles.

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- Où est gardé le Krev ? demanda Zane. - Je ne sais pas encore, répondit Ivan, mais j’ai récupéré des effets lui appartenant dans sa chambre pour lancer un sort de localisation. Zane hocha la tête avec sérieux, ses yeux d’ambre évaluant le plan. - Combien de garde ? - Entre dix et quinze, je ne peux pas être sûr. - C’est très aléatoire, commenta-t-il. On n’y arrivera pas à deux. - On peut appeler ta meute ? Resa viendra sûrement. Zane rit à nouveau. Evidemment que Resa viendrait. Elle faisait une scène dès qu’il se mettait en danger, mais elle était la première quand il s’agissait d’y foncer elle-même. - Tu peux assurer un endroit sûr pour les miens ? demanda le loup. Ivan savait que s’il ne pouvait pas, Zane n’appellerait jamais ses frères et sœurs. Je devrais pouvoir m’arranger pour vous trouver une place au temple, répondit-il. Assure t’en et je marche. Ivan pressa l’épaule de Zane avec un sourire reconnaissant et sortit de son bureau pour appeler le temple de Sophia.

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Chapitre 6 - 1

Jaden releva difficilement la tête, constatant avec désespoir qu’il n’avait pas fait de cauchemar : il était bien enfermé dans une cellule chez une vampirella cinglée. Ses cervicales le faisaient souffrir. Il avait eu le malheur de s’endormir assis contre le mur, son visage caché au creux de ses bras. La position défensive - recroquevillé sur lui-même - l’avait aidé à trouver le sommeil, mais à présent, il s’en mordait les doigts. Bien que, comparé au reste de ses problèmes, ses cervicales douloureuses ne fussent qu’un détail mineur. Il préférait rester concentré là-dessus, plutôt que sur les voix qui refusaient de la fermer. Il avait l’impression d’être là depuis un siècle déjà. Quand il ne prenait pas la peine d’écouter ce qu’elles disaient, les voix se retrouvaient réduites à un bourdonnement diffus. De toute manière, les écouter ne servait à rien, elles ne faisaient que rager et tenter pour la centième fois de passer la porte, sans plus de succès que les fois précédente. Qui avait dit un jour que la folie consistait à répéter les mêmes actes en espérant un aboutissement différent ? Peu importait, dans tous les cas, si Jaden n’était pas fou en entrant, il le serait certainement en sortant… s’il sortait un jour. Il aurait sûrement dû se lever et faire au moins quelques pas pour se détendre, mais son corps semblait vidé de toutes forces et il se contenta de sombrer à nouveau dans les ténèbres.

*** Les rues de Boston étaient sombres, seul un quart de lune éclairait le ciel. Les lampadaires jaunâtres diffusaient dans les rues leur lueur à peine suffisante. A cette heure de la nuit, les bruits de la circulation étaient moins présents, les gens qui se promenaient restaient de préférence dans les rues éclairées. Ce dont ils ne se doutaient pas, était que le monstre légendaire qu’ils avaient peur de croiser dans une allée sombre était en fait l’homme superbe qui avançait tranquillement parmi eux et sur lequel leurs regards s’attardaient. Celui-là même qui, moulé dans une veste en cuir et un jean parfaitement coupé, roulait des yeux à leur attention, faisant sourire le vieil homme qui marchait à ses côtés. - Certaines choses ne changent pas malgré l’époque, souffla Ivan en scrutant les regards fascinés des passants. - Il y a des fois où je me retiens à peine de montrer les crocs, gronda Zane.

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Le professeur Droski lâcha un rire bas. Non, Zane n’avait pas changé même s’il était l’alpha à présent et que plusieurs décennies séparaient le présent de leur dernière rencontre. - Voilà qui les dissuaderait certainement d’approcher. Zane lui retourna un sourire éblouissant, du moins, c’est ce qu’aurait vu un œil extérieur, mais Ivan savait qu’il faisait mine de montrer les crocs et son rire fusa dans la nuit. - Bon sang ! Tu m’as manqué Westrides ! Quand arrivent les autres ? - Resa devrait arriver demain, je lui ai interdit d’entrer sur le territoire, mais ça ne l’a pas empêché de venir trainer à la frontière. Zane secoua la tête d’un air exaspéré, mais on ne pouvait pas manquer l’adoration dans sa voix. - Ouais, ça lui ressemble, commenta doucement Ivan avec le même ton. Et les trois autres ? - Blake m’a dit qu’il allait récupérer Don en venant. Et Léna ne viendra pas. Elle est unie à son compagnon et ils ont eu des enfants récemment. - Elle s’est trouvé un compagnon ? - Pas seulement un compagnon, s’esclaffa le loup. Sa moitié. Son Zelia. Un alpha en plus. Ça n’a pas été simple pour elle de se faire accepter de son Zelia à cause de notre nom, mais ils sont unis et heureux maintenant. Je ne l’ai même pas appelée. Je ne peux pas la mettre en danger alors qu’elle a des petits qui l’attendent. - Je comprends. Ivan se souvint de Léna. Elle avait toujours été celle qui croyait le plus à l’idée d’avoir un Zelia que sa louve reconnaitrait. Une âme sœur à laquelle elle s’unirait à jamais. Elle avait attendu longtemps de la trouver. Après avoir perdu leurs parents et une bonne partie de leur famille, elle avait toujours voulu en avoir une à nouveau. Ivan sourit. Elle avait trouvé. - Et Resa ? Et vous, aucun de vous n’a trouvé sa moitié ? - Honnêtement, aucun de nous n’a cherché. On était trop occupés à survivre. (Zane eut un sourire triste) Et Resa… je crois qu’il faudrait au moins Conan le Barbare pour attirer son attention. Les deux hommes rirent, parce qu’ils savaient que c’était à peine exagéré. Si quelqu’un vénérait la force, c’était Resa. Simplement parce qu’elle était très forte elle-même et qu’il fallait que son compagnon tienne la distance. - J’aurais eu ma chance dans mes jeunes années, plaisanta Ivan. - Tu étais foutrement puissant ! approuva Zane sans relever. Comment tu peux te contenter de magie élémentaire maintenant ? - Ce n’est pas évident tous les jours. - Si t’as besoin de guérison, envoie chier ces prêtres à deux balles ! J’ai plein de sang lycan dopé dans les veines à ta disposition.

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Zane le considérait avec ce qui ressemblait à de l’inquiétude et Ivan comprit que le loup avait repéré chacun de ses boitillement, chacune de ses grimaces quand il devait se servir de son poignet. - Je ne peux plus préparer ce genre de shot de guérison. C’est considéré comme de la magie noire. - Connerie. Ivan se contenta de hausser les épaules sous le regard furieux de Zane alors qu’ils arrivaient devant la boutique de magie. La fille qui y travaillait et s’appelait elle-même « prêtresse » n’était en fait qu’une humaine vaguement wiccane, mais cela n’empêchait pas ses herbes d’être de bonne qualité. Et elle était la seule ouverte à cette heure. - Bonsoir Ivan, le salua-t-elle en prenant une voix qu’elle croyait mystique. Ivan entendit Zane gronder un rire assourdit au ridicule de la « prêtresse » et il se contenta de lui donner un coup de canne sur le pied en se mordant l’intérieur des joues pour ne pas rire lui aussi. - T’es pas sortable, souffla-t-il pour que seul Zane l’entende grâce à son ouïe aiguisée. Bonsoir prêtresse rouge, annonça-t-il plus fort. - De quoi avez-vous besoin aujourd’hui ? Ivan sortit une liste de la poche intérieure de son blaser et la posa sur le comptoir. La vendeuse s’en saisit et la lut rapidement avant de hocher la tête et de passer derrière un lourd rideau de velours pourpre pour se rendre dans la réserve. Ivan tourna un regard amusé vers Zane qui le lui rendit en s’appuyant nonchalamment contre le comptoir et soufflant incrédule : « prêtresse rouge, sérieusement ? »

*** Jaden fut réveillé en sursaut par une lumière vive qui lui brûla les rétines lorsqu’il eut le reflexe idiot de soulever les paupières. Il avait passé tellement de temps dans l’obscurité totale qu’il n’était pas prêt à affronter ce rayon de la mort. - Comment s’est passé ton petit tête à tête avec les ténèbres ? lui demanda la voix musicale et glacée qu’il commençait à sérieusement haïr. - Génial, on compte se revoir, grogna-t-il. Sa voix complètement éraillée enleva un peu de son piquant à son ton, mais il s’en jugea satisfait quand même. Il tenta à nouveau d’ouvrir les yeux, malgré la brûlure parce qu’il devait comprendre où il se trouvait à présent et qui était là, mis à part Harley. Même lorsqu’il se détournait de la lumière directe, il continuait à voir de petits points blancs danser devant ses yeux. Il finit tout de même par repérer Harley qui ne se tenait qu’à un mètre de lui. Elle s’était changée depuis la dernière fois qu’il l’avait vu, elle avait troqué sa robe blanche légère contre une autre, plus épaisse en soie rouge, assortie à ses yeux. Elle n’avait pas pris la peine de mettre du gel dans sa chevelure et des mèches

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peroxydées balayaient son visage à la blancheur lunaire. On l’aurait dit prête à se rendre à un gala. Ses lèvres étaient aussi noires et aussi brillantes qu’il les avait toujours vues. Avec un grognement, il détourna les yeux et se rendit compte qu’il était de retour dans sa chambre, bien qu’il ne vît pas plus loin que la fenêtre et la porte. Il s’attendait à distinguer la silhouette de Roberto se tenant derrière la lumière braquée sur lui, mais il n’y avait personne. Le spot était posé sur un trépied comme pour une séance photo. La fenêtre ouverte lui apprit qu’il faisait nuit noire au dehors, il était donc resté au moins vingt-quatre heures dans la cellule. - En effet, répondit Harley… je ne tenais pas à ce qu’on en arrive là, mais tu ne m’as pas laissé le choix. D’une manière ou d’une autre, il faut que tu sois prêt pour les tournois du pouvoir et cela n’arrivera pas tant que tu laisseras les ténèbres voguer au gré du vent. On aurait pu passer une nuit agréable et commencer à t’apprendre certaines choses, mais il a fallu que tu me refuses ton sang… - Cinglée, souffla-t-il sans pouvoir se retenir. Il ne vit pas la gifle partir, mais il la sentit passer lorsque sa tête fut balancée de côté sous la puissance du coup. Il sentit le goût métallique du sang dans sa bouche et lança un regard noir en direction de la vampire qui le retenait prisonnier. Les ténèbres grondèrent en lui, mais il les avait tellement entendues ces dernières heures qu’il y prêta à peine attention. C’était comme si, après avoir été connecté à elles, il ne pouvait plus les faire taire, même en pleine lumière. Mais à la différence de leur présence dans l’obscurité, elles ne volaient pas autour de lui et étaient diminuées. La joue de Jaden était encore rougie de sa gifle que Harley se retrouva à la caresser tendrement du bout des doigts. - Mon cœur ? demanda-t-elle empruntant le ton de l’épouse aimante qu’elle n’était pas. Pourquoi doit-on se battre ? Jaden la fixa avec des yeux écarquillés, parce qu’elle semblait vraiment se demander pour quelles raisons il refusait d’être de son avis. Il en vint presque à regretter les chasseurs avec leurs visages de rapaces et leurs halènes putrides. Au moins avec eux, il savait à quoi s’en tenir. - Je ne participerai pas aux tournois, je me fous de savoir en quoi ça consiste. T’aurais mieux fait de me laisser dans la cellule. Harley eut un rire léger et caressa à nouveau sa joue, avant que Jaden ne rejette sa tête en arrière pour échapper à son toucher glacé. - Tellement fougueux mon beau Krev, dit-elle d’un ton rêveur. Je ne pouvais pas te laisser dans ta cellule parce que tu vas être présenté à mon clan dès demain. Tu dois dormir pour être présentable lorsque tu recevras le soleil noir. Le soleil noir ? Il allait lui demander de quoi il s’agissait, mais elle se déplaça à une vitesse surhumaine pour poser un baiser sur ses lèvres.

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Elle se redressa avant même que Jaden ait pu réagir et comme si elle l’avait appelé, Roberto apparut à la porte, tenant dans sa main ce qui ressemblait fort à un collier de chien. - Je viens de finir le sort, annonça-t-il en approchant pour donner le collier à Harley avec une courbette. - C’est bien, le complimenta-t-elle. Combien de temps avant qu’il n’agisse plus ? - Deux jours, trois, maximum. - Bien. Jaden se retrouva soudain sous le feu d’une paire d’yeux rouge et d’une paire d’yeux noir. Avant qu’il ne comprenne ce qui se passait, le collier fut passé autour de son cou. Il retomba sur le lit, les voix en lui étaient à présent aussi clair que sa propre conscience et il ne parvenait plus à contrôler quoi que ce soit. Il serra sa tête entre ses mains pour l’empêcher d’exploser sous le tourbillon bruyant qui l’habitait. Le projecteur fut éteint, mais il n’en avait même pas conscience. - Qu’est-ce que vous m’avez fait ? cracha-t-il. - Je te rends un peu plus obéissant. Il ne faudrait pas que tu t’attaques à mon clan.

*** La Porsche argentée fonçait à toute allure vers Boston. A son volant, une jeune femme chantait à tue-tête « A Hard Day’s Night ». Si on lui demandait son avis, personne ne pourrait jamais détrôner les Beatles. - Si tu conduis plus lentement, t’as autant passer la marche arrière ! hurla-t-elle en dépassant une voiture tunnée à l’excès. Le mec devait se croire dans Fast and Furious, mais avait oublié le Fast dans l’équation. Elle fit une parodie de salut au conducteur quand elle passa à sa hauteur. - T’as franchement rien de Vin Diesel, commenta-t-elle en le regardant dans le rétro intérieur. Elle reprit alors la chanson comme si de rien n’était et continua sa route pour rejoindre son frère. Une fois à Boston, elle se rendit sur le campus comme le lui avait demandé Zane. Le soleil commençait à se lever lorsqu’elle repéra son frère, nonchalamment adossé à sa voiture. Il devait l’avoir vue arriver, parce qu’il souriait. Elle pila net et laissa la voiture au milieu de la voie de parking sans chercher à se garer. Elle se précipita vers Zane. L’air de ses poumons fût expulsé dans un ouf étouffé lorsqu’ils se percutèrent. Zane referma les bras autour d’elle et caressa ses épais cheveux bruns. Resa se laissa faire, se sentant mieux que ça ne lui était arrivé depuis plusieurs semaines. Etre séparé de sa meute et de son alpha n’était jamais facile, mais c’était pire quand on le pensait en danger et qu’on ne pouvait rien y faire.

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Sa louve avait envie de sortir pour aller courir avec l’Alpha. Elle nicha son nez dans le cou de Zane et respira profondément son odeur en grondant. Son frère lui répondit de même et lorsqu’Ivan se racla la gorge pour attirer leur attention, ce furent des yeux de loups qui le regardèrent. Les yeux de Zane étaient d’un orange vibrant et ceux de Resa d’un jaune doré. - Ivan ! s’exclama-t-elle en reconnaissant le vieil homme. Elle se détacha de Zane pour prendre l’homme dans ses bras avant de reculer pour le regarder vraiment. - Tu n’as pas changé, souffla-t-elle. Toujours aussi beau. Ivan avait bien conscience qu’elle mentait, mais cela le ramena des années en arrière. Son amitié avec Resa avait toujours été très forte et flirter faisait partie de leur dynamique, sans qu’il ne se passe rien entre eux. - Je crois que tu es même plus belle qu’avant, répondit-il sincèrement. La dernière fois qu’il avait vu la louve, elle avait dû couper ses cheveux à raz à cause d’un combat contre un sorcier, pendant lequel ils avaient pris feu. Mais à présent, elle avait une longue crinière brune qui retombait sur ses épaules finement musclées. Son corps était aussi parfait que celui de tous les loups de sa connaissance et son visage, qui n’avait pas pris une ride, rayonnait de beauté. D’autant plus dans un moment comme celui-là où ses lèvres pleines s’étiraient dans un sourire attendri. - Je vais aller nous chercher du café, décida Zane en sentant qu’une séquence émotion risquait de débuter. Resa, gare ta bagnole ! cria-t-il en s’éloignant. Sa sœur sourit et demanda à Ivan de prendre la place du passager et de commencer à lui raconter ce qui lui était arrivé depuis leur dernière rencontre, pendant qu’elle cherchait une place éloignée pour éviter que ces crétins d’étudiants n’abîment son bébé et essayant de se garer.