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Quels nouveaux financements pour les infrastructures de transport ? Séminaire Paris, le 18 mars 2014 Caisse des dépôts et Consignations

Quels nouveaux financements pour les infrastructures de ......Paris, le 18 mars 2014 7 Les instruments financiers de long terme Michel BARNIER Commissaire européen Bonjour à tous

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Quels nouveaux financements pour les infrastructures de transport ?

Séminaire

Paris, le 18 mars 2014

Caisse des dépôts et Consignations

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Comité pour la liaison européenne Transalpine Lyon-Turin

Paris, le 18 mars 2014

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Programme

Ouverture 3

François LEPINE 3

Vice-président du Comité pour la Transalpine 3

Bruno RAMBAUDI 3

Vice-président du Comitato Transpadana 3

Odile RENAUD-BASSO 4

Directrice générale-adjointe de la Caisse des dépôts et consignations 4

Michel BOUVARD 5

Membre honoraire du Parlement 5

Les instruments financiers de long terme 7

Michel BARNIER 7

Commissaire européen 7

Jean-Paul GAUZES 10

Député européen 10

Philippe de FONTAINE VIVE 12

Vice-président de la Banque européenne d’investissement 12

Quels montages possibles ? 17

Stéphane OUAKI 17

Chef d’unité à la DG Mobilité et Transport (DG Move) à la Commission européenne 17

Jean BENSAID 17

Président de CDC Infra Management 17

Thierry DEAU 17

Président directeur général de Meridiam 17

Vincent GAILLARD 17

Directeur finances et trésorerie de RFF 17

Jacques GOUNON 17

Président d’Eurotunnel 17

Conclusions 28

Michel BOUVARD 28

Membre honoraire du Parlement 28

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Paris, le 18 mars 2014

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Ouverture

François LEPINE

Vice-président du Comité pour la Transalpine

Madame la directrice générale, monsieur le commissaire, mesdames et messieurs, ces quelques mots

d’introduction visent à remercier, au nom de la Transalpine et de la Transpadana, la Caisse des dépôts et

consignations de bien vouloir nous accueillir dans ces lieux chaleureux. Je vous prie également d’excuser Franck

Riboud, président de la Transalpine, qui est en déplacement à l’étranger, ainsi que Gilles Savary, qui souhaitait

conclure les débats mais que les horaires d’avion empêchent d’être présent ce matin. Je remercie également

l’ensemble des participants.

Je suis heureux que cette matinée d’échanges sur les nouvelles perspectives de financement puisse se tenir ici.

Le sujet s’inscrit dans une triple contrainte : la crise des finances publiques et les politiques nationales qui en

découlent ; la volonté néanmoins affichée par nombreux gouvernements, dont les gouvernements français et

italien, de bâtir la croissance sur des projets à long terme, comme les infrastructures ; et le vote récent du

Parlement européen qui consacre une part budgétaire importante à la mise en œuvre du Mécanisme pour

l’Interconnexion en Europe.

Ces échanges nous semblent particulièrement pertinents et nécessaires au moment où la maturité des projets

d’infrastructure est telle qu’il devient fondamental de réfléchir aux financements nationaux qui

accompagneront et soutiendront les financements européens.

Bruno RAMBAUDI

Vice-président du Comitato Transpadana

Je remercie à mon tour la Caisse des dépôts et consignations de sa contribution à nos réflexions et de son

hospitalité de ce matin. La Transpadana est l’homologue italienne de la Transalpine française.

Le modèle de développement des économies avancées repose sur la croissance et la compétitivité durable,

elles-mêmes fondées sur la disponibilité des infrastructures nécessaires pour assurer une circulation libre,

efficace et durable des personnes et des choses, en créant de nouveaux emplois et contribuant au respect du

protocole de Kyoto sur la réduction des émissions nocives.

L’Europe soutient et finance les infrastructures qu’elle juge stratégiques pour sa compétitivité. Elle a voté en

novembre 2013 un budget affectant 26 milliards d’euros au réseau de base de transport qui comporte neuf

corridors multimodaux. L’Italie a la chance d’en compter quatre : le corridor Baltique-Adriatique, le corridor

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méditerranéen, le corridor scandinave-méditerranéen et le corridor Rhône-Alpes. L’Europe nous montre le

chemin à parcourir en pré-identifiant des ouvrages prioritaires et surtout en nous fournissant le Mécanisme

pour l’Interconnexion en Europe, qui offre aux projets ferroviaires favorisés par la Transpadana de nouvelles

possibilités et un nouveau cadre financier. Nous devons profiter de cette valeur ajoutée. Le MEI vise à soutenir

les réseaux de transport prioritaires de l’Union européenne (RTE-T) par la création d’un environnement

favorable aux investissements publics et privés et par le développement d’outils attractifs pour l’investisseur.

L’objectif du présent séminaire est d’apporter notre contribution à la connaissance des outils disponibles, voire

d’encourager la création de nouveaux outils sur mesure pour les différents projets.

Enfin, je souhaite à titre personnel davantage de flexibilités à l’échelle nationale comme à l’échelle européenne.

La loi de stabilité italienne interdit, par exemple, l’utilisation des fonds destinés à la vallée de Suse pour

l’investissement de la vallée de Suse. Si nous ne parvenons pas à gérer la rigueur différemment et si nous ne

savons pas faire preuve de flexibilité, il sera encore plus difficile de sortir de la période de récession. Ce point

devrait être à l’ordre du jour de la future présidence italienne de l’Union européenne.

Odile RENAUD-BASSO

Directrice générale-adjointe de la Caisse des dépôts et consignations

Monsieur le commissaire, messieurs les présidents, mesdames et messieurs, c’est un plaisir pour moi

aujourd’hui de vous accueillir ici au nom du directeur général de la Caisse des dépôts, dans ces locaux que vous

avez eu la gentillesse de qualifier de chaleureux.

La Caisse des dépôts nourrit un intérêt particulier pour les sujets de financement des infrastructures et

notamment des infrastructures de transport. Cet intérêt est encore renforcé dans le contexte macro-

économique très particulier que nous connaissons aujourd’hui. De nombreux débats portent à l’heure actuelle

sur la compétitivité de la France et de l’Union européenne. Investir dans les infrastructures est aujourd’hui

investir pour la compétitivité de notre pays et de l’Union européenne, mais aussi des territoires, auprès

desquels la Caisse des dépôts et consignations est engagée. Bien qu’ils puissent paraître déjà largement

couverts, il demeure des besoins d’investissement extrêmement importants. L’Union européenne évalue à

500 milliards d’euros le besoin en infrastructures en transport.

La deuxième raison qui doit pousser les institutions financières à s’intéresser au financement des infrastructures

est le contexte budgétaire. Il est extrêmement contraint en France, à l’instar de bien d’autres pays européens.

Les ressources disponibles en matière de subventions sont limitées. Des débats portent sur le financement

difficile de l’AFITF. Les collectivités locales, elles-mêmes, sont contraintes de moins financer que par le passé. Ce

contexte rend nécessaire la mobilisation de modes de fonctionnement innovants, fondés sur la rentabilité socio-

économique des projets, tout en étalant les coûts et en élargissant les sources de financement à d’autres

acteurs que le public. La Caisse des dépôts intervient dans tous ses métiers en recourant à l’effet de levier. Elle

n’investit jamais seule, mais joue un effet de catalyseur et mobilise par son intervention des acteurs autres,

notamment privés, pour financer des projets utiles et nécessaires au développement de la France.

La Caisse des dépôts a placé le financement des infrastructures au cœur de sa stratégie, qui a été récemment

présentée à notre commission de surveillance. Un tiers de nos investissements seront désormais consacrés aux

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infrastructures au sens large, c’est-à-dire dans le domaine des énergies, notamment renouvelables, de la

transition énergétique, du numérique ou des transports, ces différents domaines pouvant présenter des

recouvrements. Nous accorderons une importance particulière aux nouveaux investissements (greenfields)

plutôt qu’au rachat des investissements existants. Les infrastructures font partie des trois priorités de notre

action pour les quatre ans à venir.

Les infrastructures sont à l’intersection des différents métiers de la Caisse des dépôts. Nous investissons en

fonds propres, mais le financement des infrastructures est également une priorité de notre métier de prêteur :

la Caisse gère au nom de l’Etat les fonds issus de l’épargne réglementée, notamment le Livret A. Une large part

sert à financer le logement social. Une autre, dont le poids ira croissant dans les années à venir, finance au

travers de prêts de 20 à 40 ans des projets d’infrastructures dans le cadre de partenariats public-privé ainsi que

des collectivités locales pour des projets structurants. La Caisse a noué un partenariat actif avec la BEI, qui

intervient massivement en prêt pour financer des projets d’investissement de long terme. Ce partenariat nous

permet d’intervenir en cofinancement pour de grands projets d’investissement sur le territoire français, y

compris des projets d’infrastructures.

La Caisse des dépôts a placé depuis 2009 la problématique de l’investissement de long terme au cœur de sa

stratégie européenne, en promouvant à la fois la notion même d’investissement de long terme et la nécessité

d’un cadre adapté. Ces deux éléments sont aujourd’hui de mieux en mieux admis en Europe, notamment avec la

publication du Livre Vert de la Commission ainsi que la mise en place de fonds opérationnels comme le fonds

Marguerite de 700 millions d’euros ou le fonds Inframed de 400 millions d’euros, destiné aux infrastructures en

Méditerranée. Ces fonds témoignent de l’importance que nous attachons, dans notre stratégie européenne, à

promouvoir l’investissement dans les infrastructures, qui est par définition de long terme.

Nous avons développé récemment une stratégie visant à faciliter la mobilisation sur le territoire français de

fonds souverains, qui possèdent d’importantes réserves et s’attachent à diversifier leurs investissements. Notre

nouvelle filiale, CDC Capital International, intervient en cofinancement dans ce cadre. Les infrastructures font

partie des secteurs prioritaires.

La Caisse des dépôts porte donc un intérêt particulier aux débats de ce séminaire et participera en la personne

de Jean BENSAID à une table ronde portant sur la mobilisation des instruments financiers. Une réflexion sur les

nouveaux modes de financement adaptés nous paraît tout à fait opportune compte tenu de l’importance

stratégique du financement des infrastructures et de l’environnement dans lequel nous opérons. De ce fait,

nous soutenons fortement l’idée européenne de project bonds mobilisant des acteurs privés sur le marché

obligataire, tout en tenant compte de leur problématique propre d’appréciation du risque. Trouver d’autres

outils de ce type, adaptés à de gros projets d’infrastructure, nous paraît une priorité à laquelle nous sommes

heureux de contribuer, au sein de débats mobilisant des expertises très larges et diverses.

Michel BOUVARD

Membre honoraire du Parlement

Cette introduction a permis de poser les données du problème : des budgets contraints et des besoins

d’investissement colossaux. Ils sont estimés à 245 milliards d’euros en France sur 25 ans par le rapport Duron

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sur la mobilité durable, alors que la dépense annuelle de l’Etat en infrastructures est de 2 milliards. Les projets

européens en cours ont été rappelés par le représentant italien de Transpadana, Bruno RAMBAUDI : 26 milliards

d’euros ont été alloués par l’Union européenne, dont le déficit d’infrastructures représente 0,7 % de croissance

annuelle.

Les débats réuniront les meilleurs interlocuteurs en la matière. Le Livre vert sur l’investissement de long terme a

été évoqué ; Michel BARNIER y reviendra certainement. Odile RENAUD-BASSO a évoqué la problématique des

project bonds : comment prendre en compte l’absence d’externalités dans leur mise en œuvre ? Comment tenir

compte du caractère cyclique de la rentabilité des infrastructures de transport dans la durée ? Philippe de

FONTAINE VIVE apportera peut-être des réponses à cette question. Enfin, le Parlement européen joue un rôle

central dans cette problématique. Jean-Paul GAUZES y reviendra.

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Les instruments financiers de long terme

Michel BARNIER

Commissaire européen

Bonjour à tous les participants d’un séminaire franco-italien, donc européen, qui intervient à un moment-clef :

un nouveau Parlement européen sera élu le 25 mai et la Commission sera renouvelée. L’Italie assumera la

présidence de l’Union européenne à la charnière entre les deux mandatures.

Je devrai malheureusement vous quitter avant la fin de ce séminaire pour préparer le trilogue de demain, c’est-

à-dire la réunion tripartite entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission. Il portera sur l’union

bancaire et, plus particulièrement, le mécanisme européen de résolution bancaire. J’espère qu’il aboutira après

des discussions particulièrement difficiles entre les deux législateurs, le Parlement et le Conseil, qui ne sont pas

alignés sur tous les sujets. Je vous remercie de votre compréhension.

Cette discussion intervient à un moment particulièrement opportun. Il est, en effet, temps de passer de la

simple réaction à une démarche plus dynamique et proactive, orientée vers la croissance. Or, la stabilité

financière est une condition sine qua non du retour à la croissance et à l’emploi : il fallait mettre fin à la volatilité

et à l’instabilité qui ont prévalu de 2008 à 2012, au point qu’il fut un temps question d’une explosion de la zone

euro. Nous travaillons depuis quatre ans à une architecture de régulation financière. Une telle régulation a un

prix, qui reste néanmoins moins élevé que celui d’une crise. Nous nous efforçons de la construire de la manière

la plus intelligente possible, sous le contrôle des parlements nationaux. Nous l’avons soumise à la réflexion des

députés européens et des ministres pour que ces législations soient bien calibrées, de manière individuelle, puis

entre elles, et, enfin, avec les Etats-Unis : toutes ces lois ou la plupart d’entre elles, sont liées à l’agenda du G20

que nous appliquons en Europe. Beaucoup de textes ont d’ores et déjà été mis en œuvre. Il reste à implémenter

l’union bancaire, qui consiste à appliquer les législations bancaires de manière plus intégrée et efficace.

La confiance est une autre condition préalable : nous devons restaurer la confiance entre pays européens, mais

aussi entre l’Union européenne et le reste du monde. Cette confiance n’a pas toujours été défaillante : les fonds

souverains l’ont maintenue malgré la crise de la zone euro. La confiance retrouvée en Europe et plus

particulièrement en la zone euro, qui intéresse l’ensemble du marché unique, est tout aussi importante que la

stabilité.

Ces lois ne sont pas encore toutes entrées en vigueur, mais nous avons atteint la fin de l’agenda que nous nous

étions fixés pour reconstruire une architecture de stabilité, de transparence et de responsabilité.

Le second agenda porte donc sur une régulation dynamique et proactive, orientée vers la croissance. Son

objectif est de replacer les marchés financiers sur des bases claires, solides et saines, au service de l’économie

réelle, c’est-à-dire des consommateurs, entreprises et des territoires, et non à leur propre service. Cela revient à

les placer dans des perspectives de moyen et de long terme, au-delà du profit à court terme.

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J’ai voulu ouvrir le débat sur le long terme en mars 2013, à la charnière entre les deux agendas. Le marché

unique, dont je suis le commissaire, doit en effet être au service de cette croissance. Nombre de mesures ont

déjà été prises en ce sens : brevet européen, certification des marchés publics, e-commerce, etc. Il fallait aller

plus loin vis-à-vis de l’écosystème financier. Parallèlement, le G20 plaçait à son agenda l’enjeu du financement

de long terme. L’OCDE a également travaillé sur le sujet. Le Parlement européen lui-même se place dans cette

perspective.

Je présenterai mercredi prochain le résultat d’une consultation menée régulièrement, sur la base du Livre Vert

de mars 2013, auprès de 300 institutions européennes. Nous l’avons dépouillée et en avons tiré cinq à six grands

axes de travail.

Le premier est la mobilisation des sources privées de financement, qui sont les plus immédiatement

disponibles : il s’agit des fonds de pension, des compagnies d’assurance ou des banques. Les règles de Bâle ont

déjà été ajustées, en particulier sur la liquidité. J’ai décidé, avec l’autorité européenne EIOPA, de prendre le

temps d’un effort de calibrage fin sur Solvabilité II, afin ne pas pénaliser les activités traditionnelles de

financement du long terme. D’autres actions viseront à mobiliser ces fonds privés. J’ai ainsi lancé l’idée d’un

livret d’épargne européen. S’il faut veiller à ne pas fragiliser les produits d’épargne réglementée existant déjà

dans différents pays, comme le livret A français ou les Libretti di risparmio postale italiens, il paraît important de

centraliser une épargne privée abondante dans beaucoup des pays européens. La collecte permettrait de

financer les PME, l’innovation et l’économie réelle de manière plus efficace. Nous serons également attentifs à

encadrer le fonctionnement des fonds de pension, au-delà de leur gouvernance et de leur transparence, tout en

évitant de pénaliser leurs capacités d’investissement de long terme.

Le deuxième axe porte sur l’optimisation des dépenses publiques, en assurant par exemple une meilleure

coordination des mécanismes nationaux de soutien aux entreprises et à l’export. Au-delà, il nous faut veiller à ce

que les efforts de rigueur ou de consolidation budgétaire imposés aux gouvernements, notamment dans la zone

euro, ne pénalisent pas les dépenses d’investissement nécessaires pour l’avenir. Cela implique une

différenciation plus fine que celle menée au début de la crise, le dos au mur, dans l’effort budgétaire que nous

demandons par pays, par sujet et dans le temps.

Le troisième axe concerne le développement des marchés européens de capitaux et plus particulièrement

l’accès des PME ou des ETI, qui représentent les deux tiers de l’emploi et 60 % de la valeur ajoutée produite

dans l’Union européenne. Pour autant, il importe que les banques poursuivent leur travail d’intermédiation.

Ainsi, la loi que j’ai présentée en janvier sur la séparation des risques dans les banques veille à ne pas mettre en

cause le statut des grandes banques universelles, françaises ou d’autres pays. Ciblant les 29 plus grandes

banques européennes, dont chacune possède un bilan équivalent ou supérieur au PNB de leur pays, cette loi

s’assure en revanche que ces banques soient solides, structurées, et ne fassent pas prendre de risques à

l’économie européenne. Elle décourage fortement les activités purement spéculatives, comme le trading pour

compte propre, et impose une séparation claire des activités, sous le contrôle des superviseurs.

S’il est nécessaire à la bonne marche de l’économie que ces banques continuent à jouer un rôle de market

making, il importe qu’elles ne soient pas seules à offrir ces services. Je souhaite donc encourager la titrisation de

prêts consentis aux PME, éventuellement assortie de garanties, de sorte que les banques pratiquant cette

activité retrouvent des capacités de prêts plus larges. Nous travaillons sur une « titrisation de haute qualité »,

soumise à des standards et à des notations, pour qu’elle soit menée dans des conditions tenant compte des

leçons de la crise.

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Enfin, il s’agit de favoriser l’accès des PME aux marchés financiers.

Le quatrième axe, probablement le plus important, est le financement des PME, peut-être en favorisant et

encadrant au niveau européen de nouvelles formes de financement comme le financement participatif ou

crowdfunding. Nous avons également lancé une étude pour mieux comprendre pourquoi le crédit aux PME

diminue alors que la demande est importante. La législation européenne peut être utilisée pour créer le meilleur

écosystème pour le moyen et long terme. Ainsi, la révision de la directive sur le droit des actionnaires vise à

renforcer la stabilité et la durabilité de l’actionnariat.

Pour conclure, il me paraît important de favoriser la meilleure efficacité de l’argent public et de l’interconnexion

entre crédits publics et financement privé, c’est-à-dire d’optimiser des ressources publiques plus rares au

service de l’investissement. Il n’est pas d’efficacité sans réseaux. J’ai donc fortement appuyé au sein de la

Commission la priorité accordée à « Connect Europe » et au financement des réseaux de l’interconnexion

numérique, énergétique ou de transports propres. Je pense également au fléchage des fonds structurels. J’ai

voulu, au travers des nouvelles règles européennes sur les marchés publics, favoriser le partenariat privé-public.

J’ai donc soutenu, avec d’autres, les project bonds ou les effets de levier que Philippe de FONTAINE-VIVE décrira

probablement tout à l’heure.

Bien d’autres outils visent à favoriser une meilleure utilisation d’un marché unique, encore trop fragmenté entre

28 réglementations financières ou fiscales juxtaposées, voire concurrentes. J’ai ainsi proposé la création du

fonds d’investissement de long terme, du passeport pour le capital-risque, du fonds d’investissement pour

l’entreprenariat social. Ces outils permettent de passer outre les barrières nationales pour exploiter le plein

potentiel du marché interne.

Pour conclure, la communication que j’effectuerai la semaine prochaine mérite une lecture attentive et critique

de votre part. Elle constitue une proposition à partir de laquelle la Commission actuelle et celle qui lui succédera

en octobre ont pour mission de produire des textes utiles. Nous serons très attentifs aux propositions, critiques

et suggestions, de sorte que ces lois soient les plus efficaces possible.

Michel BOUVARD

Contrairement aux craintes que pouvaient susciter les textes initiaux, les dispositions d’adaptation de Bâle III et

de Solvabilité II favorisent de nouveau le long terme. La contrainte exercée par le législateur devrait donc

s’alléger sur les investissements de long terme des banques et des assurances, ce qui concerne au premier chef

les investissements de long terme.

Ensuite, vous avez évoqué à plusieurs reprises la titrisation, ainsi que le fait que l’Union européenne pourrait

apporter des garanties sur un certain nombre de produits. Peut-on penser que la titrisation pourrait être

encouragée et que des garanties pourraient être accordées pour les investissements d’infrastructures, dès lors

qu’ils sont reconnus comme relevant de priorités structurantes au niveau communautaire et comme un levier

de croissance future ?

Michel BARNIER

Oui, mais cette garantie ne peut concerner tous les sujets ni tous les produits. Un mécanisme de ce type a déjà

été utilisé pour démultiplier l’effet de levier de la BEI. Ainsi, une partie des fonds structurels attribués à la Grèce

est utilisée en garantie des prêts de la BEI aux PME. Le produit du futur livret d’épargne européen pourrait être

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orienté vers les PME, l’innovation ou des investissements de long terme ; une forme de garantie publique peut

aussi être imaginée.

Je crois beaucoup en la titrisation, qui constitue une flexibilité ou une diversification de l’accès des entreprises

aux capitaux dont elles ont besoin, sous réserve de tirer les leçons de la crise des subprimes et d’éviter toute

financiarisation incontrôlée. Les garanties apportées consisteront moins en moyens financiers qu’en standards

imposés. Il existe, par exemple, des dizaines de statuts différents, suivant les pays, pour les prêts aux

entreprises. Leur harmonisation en plusieurs catégories pourrait présenter un intérêt. Nous travaillons sur ces

sujets.

A l’approche des élections européennes, il faut rappeler l’importance du rôle de député européen. Tous les

textes que je présente doivent recueillir l’accord identique du Parlement européen et des ministres des

Finances. Un rapporteur, comme Jean-Paul GAUZES l’a souvent été, a un poids équivalent au trilogue, sinon

supérieur, au président du Conseil des ministres des Finances. Je n’ai pas connu la même expérience à

l’Assemblée nationale ou au Sénat français.

Jean-Paul GAUZES

Député européen

Les députés européens n’ont pas l’occasion de chômer quand ils ont face à eux un commissaire comme Michel

BARNIER : la commission des affaires économiques et monétaires a dû travailler bien plus que ce qui était prévu

en début de mandat. Nous ne le regrettons pas, car ces dossiers sont très importants, même si nos concitoyens

n’en prennent pas toujours la mesure. Un important travail a été accompli, notamment en matière de régulation

financière et dans le domaine connexe de la gouvernance économique. Les deux éléments sont liés, car la

confiance est essentielle : celle des décideurs et des investisseurs constitue le premier ingrédient d’un

financement de projet réussi.

Plus le temps passe, plus les décisions sont longues à aboutir, que ce soit par volonté de respecter des normes,

par incapacité du leadership ou pour une autre raison. Il faut aujourd’hui beaucoup plus de temps pour lancer

un projet qu’il n’en fallait il y a dix ou quinze ans. Le deuxième ingrédient est donc la volonté d’entreprendre et

d’agir, ainsi que le courage de prendre des décisions. Or la capacité à décider s’avère singulièrement limitée

dans un monde compliqué où les responsabilités sont très diffuses. Il faut donc un ou quelques porteurs de

projet déterminés pour que celui-ci aboutisse.

Le troisième ingrédient, fondamental, est le financement. Le commissaire Michel BARNIER a évoqué plusieurs

dispositifs en chantier ou déjà mis en œuvre pour favoriser les financements de long terme, ainsi que les efforts

d’adaptation de Bâle III et Solvabilité II pour éviter les effets pervers d’une vision à court terme de la liquidité et

de la solvabilité. Des progrès ont été faits, mais nous devons rester vigilants sur les mesures d’application,

notamment en ce qui concerne Solvabilité II. Le commissaire et les parlementaires y semblent déterminés.

Au-delà, le problème n’est pas tant de trouver un financement que de le rembourser : il ne peut y avoir de

confiance ni de financement sans perspective de remboursement des sommes prêtées ou mises à disposition

par divers instruments. Ces derniers ne manquent pas, car la créativité est forte dans ce domaine.

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J’ai eu à travailler par le passé sur des financements de projets importants, dont le pont de Normandie.

L’objectif initial était de jumeler deux concessions, l’une nouvelle, le pont de Normandie, et l’autre ancienne, le

pont de Tancarville. Le projet serait ainsi alimenté par deux sources de recettes, l’une prévue et l’autre déjà

existante. La garantie était accordée par les collectivités territoriales concernées, c’est-à-dire les départements

du Calvados, de la Seine-Maritime, de l’Union Européenne et de la région Haute-Normandie. Les tableaux

prévisionnels de financement montraient que cette garantie serait nécessairement appelée un jour ou l’autre.

Les collectivités en ont été dûment averties. Un miracle est ensuite survenu, sous la forme d’une baisse brutale

des taux. Les taux du crédit étant variables, les tableaux de financement se sont singulièrement améliorés. Dans

l’intervalle, le pont de Tancarville a subi des avaries nécessitant 300 millions de francs de travaux. Malgré tout,

la baisse des taux a permis aux collectivités garantes de ne pas être appelées en garantie.

Aucun investissement d’infrastructure ne peut être réalisé sans mise de fonds publics. La difficulté consiste à les

trouver dans ces périodes de budget contraint. Les textes adoptés au niveau européen en matière de

gouvernance économique, le « two-pack » et le « six-pack », n’y apportent pas de réponse directe, mais visent à

permettre aux collectivités publiques et aux Etats de rétablir leur système financier et de prévenir une crise

nouvelle par une surveillance accrue. Ils créent également quelques instruments pour remettre les finances en

l’état et notamment résorber les déficits budgétaires excessifs. Ces instruments ne permettent

qu’indirectement de favoriser l’investissement public.

Un groupe de travail prépare pour le mois d’avril un rapport sur les nouveaux outils de financement,

notamment les project bonds. Ces travaux ont débuté dans le cadre de la négociation du « two-pack » : la

question a été écartée du texte réglementaire, mais la Commission a accepté en contrepartie la constitution

d’un groupe de réflexion. Les contacts récents de députés de la commission économique, dont moi-même, avec

le responsable de ce groupe, ancien membre du conseil d’administration de la BCE, laissent à penser qu’aucune

idée révolutionnaire n’a été trouvée. La réflexion aura néanmoins progressé.

Pour finir, les règles comptables sont un élément crucial pour éviter de décourager le financement de long

terme. Des efforts sont déjà faits dans ce domaine vis-à-vis des banques et des assurances. L’atténuation des

conséquences de l’appréciation de la fair value est également un élément important pour favoriser le

financement de long terme. Ces textes seront efficaces à condition que les emprunteurs donnent l’impression

de pouvoir rembourser un jour.

Michel BOUVARD

Un débat porte depuis plusieurs années sur la sortie du calcul du déficit de certains financements portés par les

Etats. La Commission, au nom du retour à un équilibre financier des Etats, est très vigilante sur ce point. La

France a connu ce débat lors du lancement des investissements d’avenir : il s’agissait pour l’Etat d’emprunter

davantage pour des dépenses de long terme fléchées et susceptibles d’apporter un retour sur investissement et

une capacité de croissance nouvelle. Le Parlement mène-t-il des réflexions en la matière ?

Jean-Paul GAUZES

Le débat a eu lieu lors des négociations des deux textes du two-pack. Il a été proposé que certaines dépenses

d’avenir soient exclues du calcul du déficit. Certains de nos collègues, notamment italiens, ont défendu

vigoureusement cette position reprise par M. MONTI. Les amendements dans ce sens ont tous été rejetés au

motif que la création d’une telle exception risquait d’aboutir à des dérives. En outre, une période de

redressement exigeait de la clarté et des règles simples, or il est difficile de définir sans ambiguïté ce qu’est une

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dépense d’avenir. Les dépenses d’éducation ou de formation peuvent indubitablement être qualifiées

« d’avenir », mais elles ne correspondent pas à un retour sur investissement financièrement mesurable. Nous en

sommes majoritairement restés à une appréciation stricte dans les comptes publics.

Philippe de FONTAINE VIVE

Vice-président de la Banque européenne d’investissement

Je remercie la Caisse des dépôts et consignations de nous accueillir à ce moment particulièrement important,

deux mois avant les élections européennes et trois mois avant la présidence italienne.

La Transalpine est un dossier capable de redonner du dynamisme et de l’ambition à la démarche européenne.

C’est l’exemple même d’un grand projet européen mobilisateur, digne de recueillir l’épargne des Européens, par

exemple dans le cadre d’un livret d’épargne européen dont la BEI pourrait être le gestionnaire.

La Transalpine a généré pendant des années un certain scepticisme. Il n’est plus de mise aujourd’hui : le débat

porte désormais non plus sur le projet lui-même, mais sur ses modalités. J’espère vivement que la BEI,

spécialiste financier des réseaux transeuropéens, vous accompagnera pour formaliser au mieux les aspects

financiers, juridiques et de réglementation. Le projet nécessitera des financements longs, car nous savons d’ores

et déjà que les financements en subvention seront insuffisants. Les institutions publiques sont les mieux placées

pour apporter les financements les plus longs possibles et optimiser ce que le marché sera capable d’apporter.

Nous l’avons déjà fait pour les lignes à très grande vitesse en Europe.

La Transalpine est un projet franco-italien, ce qui nous ramène à notre création en 1958. Nous sommes

d’ailleurs beaucoup plus actifs en Italie, avec des acteurs comme la Cassa depositi e prestiti ou l’organisme des

chemins de fer italiens, qu’en France. Nous avons donc une capacité d’engagement supplémentaire dans les

deux pays, qui ont tout deux besoin de cette mobilisation. Elle doit se concrétiser non pas au travers d’un

dialogue bilatéral, mais d’un dialogue de place comme celui que vous créez aujourd’hui. Notre équipe,

disséminée dans la salle, sera à votre écoute. Un grand projet comme la Transalpine mérite cette concurrence

des idées.

En comparaison, le projet du Sud-Europe-Atlantique, de nature plus simple, nous a amenés à structurer au sein

de la BEI trois équipes différentes, qui ont travaillé avec les trois groupements concurrents. Nous avons ensuite

accompagné le vainqueur de l’appel d’offres à la fois comme prêteurs au groupement, comme investisseurs et

comme garants de la garantie de trafic mise en œuvre avec le soutien du Parlement européen, de la Commission

et des membres des Finances.

Cette réunion doit nous permettre de déboucher sur un chantier de ce type pour la Transalpine, afin d’aboutir

au meilleur projet possible. Dans cet esprit, nous avons eu l’honneur de recevoir le 25 février dernier la

délégation commune de la France et de l’Italie. La BEI est prête à travailler à ses côtés, mais il lui appartient de

décider la manière dont l’Europe s’inscrira dans le projet. Il comprendra des subventions de la Commission

européenne, de l’Etat français et de l’Italie. Pour le reste, le projet pourra faire appel à la BEI soit comme contre-

expert, soit comme conseil, suivant son choix.

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Paris, le 18 mars 2014

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Je vous incite à développer l’ingénierie financière la plus élaborée pour faire de ce cas un véritable succès.

N’hésitez pas à la structurer en dissociant le génie civil des équipements. Le génie civil doit être aussi public que

possible, voire entièrement public, pour répondre à la réalité de l’absence de revenus sur ce point et aux aléas

importants. En revanche, les équipements peuvent donner lieu à un partenariat public-privé dans des conditions

que le projet aura définies. Entourez-vous des conseils les plus utiles et les plus pertinents. La BEI pourra y avoir

sa place. C’est le modèle retenu par la HSL-Zuid, notamment pour la portion entre Rotterdam et la Belgique.

Inspirez-vous également des expériences sur d’autres continents. Soyez aussi imaginatifs que possible. Vous êtes

des experts reconnus. Cette élaboration est votre tâche première.

Deuxièmement, le projet s’inscrit dans un temps très long. Il vous faut obtenir non seulement le maximum de

subventions possibles, mais aussi les financements les plus longs possible du marché bancaire, y compris de la

part de la BEI. Il serait toutefois dommage dans un projet aussi emblématique de négliger l’option du

financement obligataire partiel. Certains membres de l’assurance ont déjà travaillé sur des projets de ce type. Il

serait bon que la Transalpine maîtrise l’intérêt financier de court terme. Ceux qui vous accompagnent auront

plus à gagner en vous accompagnant sur un financement obligataire substantiel dans le cadre d’un projet visible

du monde entier qu’en essayant de maximiser leurs commissions.

Enfin, je veux insister sur le partenariat qui rassemble la BEI, la Caisse des dépôts et la Cassa depositi e prestiti.

Nous avons signé avec la Caisse des Dépôts un accord historique le 13 juin 2013 et avons un encours de

5,3 milliards d’euros avec la Cassa depositi e prestiti, voire de 8 milliards en tenant compte des projets

extérieurs. Je souhaite que les trois institutions publiques interviennent de manière indissociable en soutien du

projet, ce qui permettra d’accueillir d’autant plus facilement les financements privés nécessaires pour obtenir

l’effet de levier évoqué par Michel BARNIER.

Michel BOUVARD

Merci Philippe. On ne peut que se réjouir de ton intérêt pour ce projet.

J’ai quelques interrogations sur la problématique des project bonds. La communauté financière témoigne-t-elle

d’un intérêt durable pour ces instruments ? Ils nécessitent une certaine qualité de notation pour être

mobilisateurs. Au-delà, comment prendre en compte les externalités environnementales dans le financement

du projet et sa valorisation ? On sait que la finance carbone connaît des difficultés depuis quelques années. Il

manque encore d’outils pour répondre à ces questions.

Quel est la position de la BEI en la matière ? Les project bonds peuvent-ils continuer à se développer

réellement ? Un projet aussi long peut-il avoir un retour ? Avec quel type de garanties ? L’exemple cité par Jean-

Paul GAUZES montre que les garanties des collectivités locales n’ont pas été appelées, ce qui démontre que ces

collectivités ne sont pas condamnées à faire de mauvaises affaires. On sait d’ores et déjà que le montage

financier par PPP sera insuffisant sur le volet des équipements : une certaine ingénierie financière sera

nécessaire. Au regard des projets déjà financés par la BEI et des contacts qu’elle a à l’international, notamment

avec des fonds souverains, quel pourrait être l’appétence des financiers pour un tel projet ? Quel type de

solution la BEI peut-elle apporter ?

Philippe de FONTAINE VIVE

La BEI croit dans le potentiel des project bonds. Deux opérations ont effectué leur closing aujourd’hui. Une ou

deux autres auraient pu avoir lieu, mais ne se sont pas concrétisées pour deux raisons. D’abord, nous sommes

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en situation de taux historiquement bas. Certains acteurs ont pu penser que le rendement était insuffisant, mais

que le risque étant circonscrit, voire faible sur certains projets, ils étaient prêts à l’assumer par eux-mêmes, sans

garantie publique.

Nul ne sait si ces taux extrêmement bas ont vocation à perdurer. Le besoin de project bonds demeurera. L’outil

reste toutefois nouveau, innovant et coûteux en termes de structuration. Cela pousse quelques porteurs de

projets à hésiter : ils ont sécurisé un financement bancaire. Passer à un financement obligataire, certes moins

coûteux, représente une certaine incertitude. La question ne se pose pas à mon sens sur un projet de la taille de

la Transalpine : il faudra recourir à tous les outils possibles. La Commission sortante a engagé dans le cadre du

trilogue la Commission entrante à avoir un programme de project bonds supérieur, sous réserve d’une

évaluation globale qui doit avoir lieu en 2015. Ce programme devrait donc se poursuivre et se développer.

La deuxième question est de nature différente : la BEI peut-elle figurer dans l’équipe de structuration ? Ce choix

est celui des promoteurs. Ces derniers peuvent préférer traiter avec un banquier, lequel recourra à ses propres

conseils, ou au contraire se faire accompagner avec la BEI. La société en cours de montage répondra à cette

deuxième question.

Bernard GAUD, président du MEDEF Rhône-Alpes

Le dossier Lyon-Turin ne me semble pas suffisamment mettre en avant les aspects comptables. Une entreprise

privée amortit ses investissements et communique sur leur coût annuel. Il faudrait faire de même pour ce

projet : raisonner en coût d’amortissement annuel le ramène à un gros investissement, loin des montants

faramineux qu’on entend circuler.

Jean-Paul GAUZES

Les pouvoirs certainement excessifs laissés à l’IASB ont débouché sur une régulation comptable pénalisant

l’approche que vous défendez. Les travaux menés par le Club des investisseurs de long terme, la BEI et la Caisse

des dépôts s’efforcent de faire évoluer ce point de vue. L’important n’est pas tant de modifier les normes que

de les adapter et de trouver des marges de manœuvre. A cet égard, les propositions de l’agence des assurances

pour la mise en œuvre de Solvabilité II aboutissent à vider de leur sens le résultat des négociations obtenu au

trilogue. La Commission en a pris conscience et a demandé une révision de ces propositions.

Nous devons être très vigilants sur les mesures d’application. Beaucoup de députés négligent d’assurer le

« service après-vente » de la loi, qui est utile mais peu valorisant. Je m’efforce de le faire. Une fois les règles

d’application fixées, il est très difficile de les faire évoluer. D’âpres débats ont porté sur le financement du long

terme dans le cadre de Solvabilité II. Le Conseil économique et social français s’en est également préoccupé. Les

mesures de niveau 2 devront ne pas détruire les équilibres trouvés.

Philippe de FONTAINE VIVE

Prenons l’exemple du livret A français. Les montants confiés à la Caisse des dépôts ne sont pas régulés

conformément à la réglementation bancaire, mais aux souhaits de l’autorité publique française. Un livret

d’épargne européen confié à la BEI pourrait de même sortir de la supervision classique. Il serait alors possible de

reprendre le dispositif mis en œuvre pour les concessions d’autoroute, c’est-à-dire le report de l’amortissement

au moment de la mise en service, grâce aux recettes perçues par le concessionnaire. On peut donc être

imaginatif, sous réserve que la solution retenue soit raisonnable, s’appuie sur l’expérience et puisse être portée

par une autorité politique, en l’espèce la présidence italienne de l’Union européenne.

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Michel BOUVARD

Il faut être capable de définir un modèle prudentiel spécifique adapté aux logiques de long terme. Il existe déjà

pour le livret d’épargne : l’autorité de contrôle prudentiel, c’est-à-dire la commission de surveillance de la Caisse

des dépôts, définit le modèle et l’adapte pour prendre en compte la spécificité d’une épargne de long terme. Un

produit européen, pour jouer pleinement son rôle, doit bénéficier d’une faculté d’adaptation équivalente.

Comment la BEI apprécie-t-elle le potentiel de mobilisation des investisseurs de long terme et notamment les

fonds souverains vers les infrastructures publiques de transport ? Au-delà des problématiques du retour sur

investissement et de rentabilité, ces projets présentent un intérêt en termes de développement durable et

d’image de marque des pays derrière ces fonds d’investissement et ces fonds souverains.

Philippe de FONTAINE VIVE

Les fonds souverains ont quatre intérêts principaux : la sécurité, le rendement, l’image et le transfert de

technologie. La sécurité est une condition sine qua non : il n’est pas question pour ces fonds de prendre des

risques. Ensuite, la bonne volonté des fonds ne s’étend pas au point d’intervenir sur des projets sans

rendement. Un raisonnement financier s’appliquera toujours, en termes de classe d’actifs. Le taux minimum de

rendement dépendra des deux derniers éléments.

Les fonds souverains s’intéressent à une amélioration de leur image, comme le montre leur intervention dans le

football par exemple. Enfin, la Transalpine me semble assez timide en termes de technologies. Ce projet

constitue une première mondiale et sera l’occasion d’engranger un savoir-faire considérable. Ce savoir-faire

sera-t-il la seule propriété des entreprises contractantes ou des investisseurs pourraient-ils en être

copropriétaires ou du moins y être associés ?

Enfin, les fonds souverains sont une famille de fonds extrêmement diverse, allant de l’Arabie Saoudite à la

Norvège. Ils rendront des arbitrages différents sur le rendement, l’image et le transfert de technologie.

Eliane GIRAUD, vice-présidente de la région Rhône-Alpes

Cette table ronde a été extrêmement intéressante. Toutefois, un projet de cette ampleur ne peut s’apprécier

sous un seul angle financier : c’est un projet économique au sens large du terme. Le savoir-faire technologique

et industriel qu’il permettra d’engranger est effectivement très important dans la dynamique économique

européenne. La région Rhône-Alpes s’efforce de mettre en avant cet aspect sur le dossier de la Transalpine : un

tel projet entraîne une dynamique économique réelle non seulement après sa réalisation, mais pendant.

Michel BOUVARD

Nous sommes tout à fait d’accord. La problématique du jour porte sur le financement, car la France et l’Italie

devront répondre dans quelques mois à l’appel à projets européen.

Le programme RTE-T a connu un certain retard par le passé : 10 % des projets ont été réalisés dans le cadre de la

première campagne budgétaire. Celle qui se clora bientôt a connu des progrès, mais reste à un niveau

insuffisant. La Commission est désormais très exigeante sur la capacité à financer dans la réponse à l’appel à

projets.

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Le projet Transalpine comporte effectivement de nombreuses externalités, mais il reste à savoir si certaines

peuvent être valorisables financièrement à court, moyen ou long terme et donc peuvent être intégrées dans le

montage proposé à la Commission et aux investisseurs.

Yves POZZO di BORGO, sénateur de Paris

J’ai été rapporteur de Lyon-Bas-Rhin et de Lyon-Paris. Je ne suis pas membre de la commission économique ni

de la commission des finances mais, compte tenu des conventions internationales en jeu, le vice-président de la

commission des affaires étrangères a été chargé de ce dossier.

Je me suis efforcé de faire en sorte que le projet n’apparaisse pas comme un texte de la région Rhône-Alpes et

de la région du Piémont, mais comme un projet du « Grand Paris » et la grande région milanaise, voire comme

un grand projet de Gibraltar jusqu’à Budapest. J’ai, par ailleurs, été surpris que les administrations françaises,

que ce soit au Commerce extérieur ou à Bercy, n’aient mené aucune réflexion sur ce dossier, ses conséquences

économiques ou ses systèmes de financement. Cela me semble un problème majeur dans l’accompagnement de

ce projet.

Philippe de FONTAINE VIVE

Bercy comporte d’excellentes imaginations, mais elles n’ont peut-être pas reçu de mandat de leur maison-mère

pour appréhender l’effet économique positif très diffus qui en résultera sous forme de valorisation foncière, de

facilité des exploitations, de relocalisation d’entreprises, etc.

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Quels montages possibles ?

La table ronde a réuni :

Stéphane OUAKI

Chef d’unité à la DG Mobilité et Transport (DG Move) à la Commission européenne

Jean BENSAID

Président de CDC Infra Management

Thierry DEAU

Président directeur général de Meridiam

Vincent GAILLARD

Directeur finances et trésorerie de RFF

Jacques GOUNON

Président d’Eurotunnel

Les débats étaient animés par Michel BOUVARD, Membre honoraire du parlement

LE CADRE DE FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT TRANSEUROPEENNES

Stéphane OUAKI

Nous parvenons aujourd’hui à la phase de mise en œuvre d’une démarche débutée en 2009 avec la parution du

Livre vert sur une meilleure intégration du réseau transeuropéen de transport. Des négociations très difficiles

s’en sont suivies, en particulier en matière budgétaire, pour obtenir un cadre financier. Elles ont abouti à un

nouvel instrument, le Mécanisme pour l'Interconnexion en Europe, qui vise à permettre à réaliser les

infrastructures transeuropéennes dans le domaine du transport, de l’énergie et des télécoms. Elles ont donc été

couronnées de succès, même si nous n’avons pas obtenu tous les financements demandés aux chefs d’Etat ou

de gouvernement. Il reste aujourd’hui à mettre en œuvre le cadre défini et agréé par le Parlement européen et

le Conseil, après l’assentiment budgétaire des chefs d’Etat ou de gouvernement.

Les nouvelles lignes directrices RTE-T adoptées par le Conseil et le Parlement sont entrées en vigueur en

décembre 2013. Elles visent l’établissement d’un nouveau réseau transeuropéen de transport multimodal à

l’horizon de l’année 2030, capable de répondre aux besoins de mobilité des citoyens européens et des

entreprises européennes. Il a été pensé dans l’optique d’un système de transport européen durable. Un effort

considérable doit encore être consenti, notamment pour basculer d’un fret largement routier à l’utilisation plus

systématique de moyens de transport plus propres, en particulier le rail.

Neuf corridors transeuropéens ont été créés dans ce cadre. Ils constituent un instrument européen de

gouvernance pour réaliser les grands projets d’infrastructure sur le terrain. Les précédents avatars du réseau

transeuropéen de transport ont en effet péché par manque de mise en œuvre, largement dû à un manque de

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moyens financiers, mais aussi à un manque de moyens de gouvernance. Les corridors transeuropéens

multimodaux sont coiffés par des coordinateurs européens qui viennent d’être nommés. Leur mission est de

traiter les problèmes rencontrés sur le terrain par le dialogue et la création de consensus auprès de toutes les

parties prenantes.

Les principaux éléments du nouveau cadre sont les suivants. Nous sommes parvenus à multiplier le budget des

transports par 3,2, passant de 8 milliards d’euros pour 2007-2013 à plus de 26 milliards d’euros pour la période

2014-2020. Même si nous avions demandé 35 milliards d’euros, cette évolution représente un succès

remarquable dans un contexte européen extrêmement contraint. Il résulte du travail de préparation mené avec

les Etats membres et les porteurs de projet au niveau européen, pour faire ressortir la « valeur ajoutée

européenne » : nous pouvons convaincre les chefs d’Etat ou de gouvernement d’accorder des moyens

complémentaires pour des projets présentant une valeur ajoutée par rapport à l’intervention nationale, sous

réserve que les objectifs soient clairement identifiés. Nous avions pris soin d’adjoindre au Mécanisme pour

l’Interconnexion en Europe une liste de projets pré-identifiés, en mettant en avant le retour pour chaque pays

des projets situés sur son territoire. Le projet Lyon-Turin était l’un d’entre eux.

Comme l’a rappelé la communication de la Commission du 7 janvier 2014, lors du lancement du Mécanisme, la

priorité communautaire sera toujours accordée aux grands projets transfrontaliers et aux goulets

d’étranglement qui apparaissent le long des corridors. Ces projets sont ceux où la valeur ajoutée européenne est

la plus forte. Ils seront prioritaires dans la mise en œuvre d’un budget plus conséquent, mais qui reste limité par

rapport aux besoins, évalués à 500 milliards d’euros sur 2014-2020.

Nous avons par ailleurs accru la capacité d’intervention de l’Europe en augmentant les taux de cofinancement,

qui vont jusqu’à 40 % pour les sections transfrontalières rail. Ce taux pourrait être appliqué au projet Lyon-

Turin, ce qui réduirait l’engagement financier des Etats italien et français.

Enfin, le Mécanisme pour l’Interconnexion comporte des instruments financiers innovants dans sa panoplie

d’outils, dont le fonds Marguerite cofinancé lors de la période financière précédente. Les project bonds sont

devenus un outil phare que nous mettons en avant, avec la BEI. Nous tenterons dans les mois à venir de trouver

d’autres partenaires pour les mettre en œuvre, typiquement des banques de développement nationales comme

la Caisse des dépôts ou la CDP en Italie. Nous pourrons ainsi, attirer de nouveaux investisseurs sur des projets

bien identifiés et donc contribuer à la réduction du besoin en subventions publiques.

S’agissant du projet Lyon-Turin, l’Europe pourrait porter le taux de cofinancement à 40 % au projet qui serait

présenté au processus de sélection qui aura lieu en 2015. 25 % resteraient ainsi à la charge du budget national

en France et 35 % au budget national en Italie. Le projet gagnerait probablement à dissocier le génie civil et les

équipements, pour lesquels des instruments de financement innovants gagneraient à être mis en œuvre. Nous

avons mis en place des instruments d’assistance technique dans le cadre du Mécanisme d’Interconnexion en

Europe, qui pourraient être utilisés pour faciliter le recours à ces instruments de financement innovants. La

valeur ajoutée des project bonds et de ces autres instruments innovants réside précisément dans le fait que des

projets ayant une forte valeur ajoutée européenne soient accompagnés et structurés pour être éligibles.

Par ailleurs, la directive Eurovignette, qui porte notamment sur la taxation des poids lourds, prévoit une

exemption particulière dans la zone alpine. Elle a été systématiquement utilisée dans le financement du projet

du tunnel du Brenner, autre grand projet d’importance majeure située entre l’Italie et l’Autriche. Les autorités

française et italienne gagneraient à travailler sur la mobilisation des revenus générés par les trois autoroutes

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traversant les Alpes à l’heure actuelle, et qui seraient appelées à voir basculer une partie de leur trafic de poids

lourds vers les tunnels de fret ferroviaire.

La France ne peut encore prétendre à la prise en compte des investissements publics dans les règles

d’assainissement publiques, car elle ne peut s’appliquer qu’aux Etats-membres sous la barre des 3 %. Cette

possibilité doit néanmoins être gardée à l’esprit.

Enfin, le MIE affectera des montants par appels à propositions, c’est-à-dire un processus concurrentiel entre

porteurs de projet. Le programme de travail a été adopté le 5 mars par les Etats membres. Ils nous ont demandé

d’affecter davantage de fonds : nous répartirons donc 12 milliards sur les 26 disponibles sur l’entièreté de la

période. Ils pourraient être alloués dès l’année prochaine sur la base des projets que nous pourrions obtenir.

Près de 10 milliards d’euros devraient être alloués aux projets le long des corridors. A la demande des Etats-

membres, la période de soumission des projets a également été étendue jusqu’à la fin février 2015. Mes

collègues et moi-même passerons en revue les propositions soumises et sélectionnerons les projets à financer

vers la fin du printemps 2015. Cette sélection sera ensuite soumise à l’opinion des Etats membres. Nous avons

conscience que ces grands projets devront être préalablement discutés avec la Commission européenne. Nous

sommes prêts à engager le dialogue dès à présent avec les porteurs de projet.

Enfin, il faut souligner que les montants devraient être affectés assez rapidement, et que le budget devrait être

épuisé dès la fin de l’année 2016. Nous avons dû convaincre certains Etats membres du besoin de consacrer des

budgets européens importants à des projets n’étant pas toujours prioritaires au niveau national. Le temps de la

négociation est désormais révolu. Tous les Etats membres, y compris les plus importants d’entre eux, affichent

une volonté forte d’utiliser l’enveloppe du MIE. Beaucoup de projets très bien préparés et présentant une valeur

ajoutée européenne très forte seront soumis dans les temps. Nous n’aurons pas de raison de ne pas les

sélectionner. Il est important d’en tenir compte.

Michel BOUVARD

Cette intervention met en avant deux enjeux très importants, l’urgence et la concurrence. Deuxièmement, il

faut prendre en compte les flux de transport tels qu’ils existent à l’heure actuelle et tels qu’ils peuvent se

reporter. Il convient donc de s’intéresser aux recettes générées par les passages existants, par les Alpes ou par le

littoral.

Pouvez-vous confirmer que la DG Move pourrait contribuer à la conception du montage financier et de la

modélisation ?

Stéphane OUAKI

Le cadre mis en place en 2014-2015 nous confère des moyens d’assistance technique très élaborés dont nous ne

disposions pas auparavant. Des équipes de la DG Move sont d’ores et déjà prêtes à mettre en réseau l’expertise

technique existant dans certaines institutions européennes, dont la BEI, pour apporter ce conseil en ingénierie

financière. Nous avons bien conscience qu’une meilleure structuration des projets en amont est nécessaire pour

en attirer de nouveaux. Ensuite, le recours au privé sera nécessaire pour réaliser tous les projets de transport,

compte tenu des moyens disponibles au niveau européen et des contraintes budgétaires qui pèsent sur les

Etats. Là encore, un effort d’assistance technique sera nécessaire pour faire émerger ces projets.

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Michel BOUVARD

Le tunnel sous la Manche est un très grand projet dont les difficultés initiales sont bien connues. Les résultats

présentés récemment par Eurotunnel sont aujourd’hui à la hauteur des espérances. Quels enseignements peut-

on tirer de cette expérience ? Le tunnel sous la Manche comptait autant de concurrents que de compagnies

maritimes ou de ports de chaque côté de la Manche. La Transalpine est sans doute un projet plus risqué pour ce

qui est de la réalisation de l’infrastructure compte tenu des aléas géologiques. Ses concurrents sont en revanche

assez circonscrits. Il s’agit des deux tunnels routiers en concession franco-italienne, dont les Etats fixent les

volumes de trafic, les tarifs, et disposent de possibilités de contingentement. Il s’y ajoute un tunnel ferroviaire

également franco-italien et un passage littoral.

Jacques GOUNON

Le projet Lyon-Turin bénéficie effectivement d’atouts qu’Eurotunnel n’a pas connus. Le tunnel sous la Manche

honore aujourd’hui les engagements pris il y a vingt ans.

A l’instar d’Eurotunnel, Lyon-Turin est un projet de long terme, voire de très long terme. De tels projets ne sont

pas compatibles avec les réglementations nationale et communautaire, notamment en matière ferroviaire. Elles

partent, en effet, du principe que le réseau ferroviaire, qu’il soit européen ou domestique, résulte

d’investissements effectués au XIXe siècle et est donc totalement amorti : il suffit de l’améliorer à la marge pour

continuer à progresser. Cette amélioration doit être évaluée tous les cinq ans. Or le financement et la réalisation

d’un projet comme le Lyon-Turin ne peuvent se tenir sur des raisonnements de court terme. Les

réglementations doivent donc reconnaître la spécificité des projets de long terme et prévoir des régimes de

fonctionnement spécifiques, sans préjudice des dispositifs existants comme la politique des corridors

transeuropéens. Je regrette d’ailleurs que cette politique n’ait pas été mise en œuvre au moment du tunnel

sous la Manche. En particulier, un rééchelonnement tous les cinq ans est extrêmement dissuasif pour les

investisseurs privés qui ont besoin de visibilité et de pérennité dans le domaine des infrastructures. Une

exemption est donc nécessaire pour les projets exceptionnels.

L’utilisateur doit être connu et associé au projet dès sa conception : ses contraintes sont essentielles. Le Lyon-

Turin ne devrait pas connaître les péripéties qu’a endurées Eurotunnel, soumis au lobbying intense des autres

moyens de transport pour compliquer sa réalisation. Ces actions anti-tunnel sous la Manche ont conduit les

Etats à adopter des règles prudentielles excessives, aussi bien pour les trains de marchandises que pour

l’autoroute ferroviaire. Eurostar a franchi le palier des 10 millions de passagers l’année dernière, mais reste

handicapé par des trains spécifiques, incapables de circuler ailleurs que dans le tunnel sous la Manche.

Inversement, aucun train exploité par un autre utilisateur ne peut emprunter le tunnel. Ces contraintes inutiles

et stupides n’avaient pas d’autre vocation que de handicaper le tunnel. Un utilisateur aurait pu tenter de lutter

contre cette absurdité s’il avait été présent dès le départ dans le projet.

Les investisseurs privés seront présents dès lors qu’ils ont un cadre, une pérennité suffisante et une espérance

raisonnable de retour sur investissement : l’investissement est abondant à l’heure actuelle. Les projets

représentant un risque non supportable par un investisseur privé de long terme restent de la responsabilité de

la collectivité locale et des pouvoirs publics. Il s’agit des externalités évoquées précédemment : bien-être social,

amélioration des performances économiques locales et globales, etc.

Une fois ce principe bien acté, sans possibilité d’y revenir par la suite, il faut également conserver une cohérence

dans ces investissements, quels qu’ils soient. Vous avez évoqué le report modal des autoroutes alpines vers le

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tunnel Lyon-Turin. Si cet objectif s’impose, un report modal exige toujours beaucoup plus de temps qu’il n’y

paraît pour se produire : les habitudes d’utilisation sont lentes à évoluer. Ces projets doivent disposer de temps.

Au-delà, l’environnement et les décisions qui peuvent impacter ce projet doivent être cohérentes. La France

nourrit par exemple de grandes ambitions d’autoroute ferroviaire. Je les soutiens, car Eurotunnel est le leader

mondial de l’autoroute ferroviaire, bien loin devant la Suisse notamment. Les projets de développement

d’autoroutes ferroviaires ou de prolongement de celles qui existent déjà allant vers le nord de la France sont

organisés de sorte qu’elles ne soient pas connectées avec le tunnel sur la Manche. Il serait certainement trop

simple qu’un train partant de Perpignan puisse aller jusqu’en Angleterre. Mieux vaut l’arrêter au sud de Lille,

nœud ferroviaire et routier totalement congestionné, pour que les camions transportés par voie ferroviaire

puissent s’ajouter aux embarras de la circulation à Lille.

Le danger pour le projet Lyon-Turin est qu’il soit considéré comme une infrastructure si particulière qu’elle ne

fait pas pleinement partie du paysage. Vingt ans après, le tunnel sous la Manche n’est pas intégré dans un

raisonnement national, français ou britannique. On continue d’investir dans des infrastructures parallèles

concurrentes, au lieu de reconnaître que nous exerçons une mission qui pourrait être développée et intensifiée.

Les autorités publiques locales doivent donc veiller à la cohérence d’action : la volonté politique de réaliser un

investissement de très long terme de cette nature implique de tout faire pour qu’il réussisse. Au contraire, tout

a été fait pour que le tunnel sous la Manche ne fonctionne pas : il a fallu vingt ans pour se défaire du carcan

dont il était chargé, et dont il subsiste encore des vestiges.

L’utilisateur doit être impliqué dès le départ dans la conception, le fonctionnement et les règles applicables à

l’objet. Il serait également sain que les constructeurs demeurent dans le dispositif. Ils sont en effet souvent

soupçonnés de profiter des travaux. Or le surcoût des travaux de construction n’a été que de l’ordre de 25 %

pour le tunnel sous la Manche, ce qui reste une très belle performance pour le plus long tunnel sous-marin du

monde, passant à 100 mètres sous le niveau de la mer. En revanche, les contraintes extravagantes imposées à

l’utilisation du tunnel ont conduit à un triplement du coût des matériels ferroviaires.

Pour conclure, monter des trains internationaux est une tâche extrêmement difficile à l’heure actuelle. Le

réseau ferroviaire issu du XIXe siècle est national : la signalisation, le matériel, les conducteurs, les syndicats

changent dès qu’on franchit une frontière. Ainsi, le fret ferroviaire a connu un pic à 3 millions de tonnes à

l’ouverture du tunnel grâce à l’enthousiasme des opérateurs, mais est retombé aujourd’hui à 1,5 million de

tonnes. En comparaison, Eurostar a l’avantage de posséder une structure intégrée. Il a conscience de partir de

Paris pour aller à Londres et s’arrange avec ses statuts pour y parvenir. Le fret ferroviaire est assuré par

Deutsche Bahn côté britannique après privatisation et par la SNCF côté français. L’une des faillites du fret

ferroviaire dans le tunnel sous la Manche est l’absence d’opérateur unique capable de prendre un train à Rome

ou Milan pour l’emmener à Edimbourg. Chaque acteur travaille pour lui-même, si possible en empêchant ses

concurrents d’assurer l’activité qu’il ne souhaite pas faire lui-même.

Pour conclure, Eurotunnel soutient le projet Lyon-Turin parce qu’il est un projet d’avenir. Le fret ferroviaire est

certain de se développer grâce à ses atouts environnementaux. Quelques règles très simples, plus politiques que

techniques, doivent être gardées en tête pour faire mieux que le tunnel sous la Manche.

Michel BOUVARD

Merci pour la franchise de vos propos. L’utilisateur doit être associé dès le début. Il faut espérer qu’une fois la

décision prise, tout soit fait pour favoriser la connexion entre l’Italie et la Grande-Bretagne. C’est l’itinéraire

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historique de la malle des Indes ; et le premier tunnel ferroviaire sous les Alpes a d’ailleurs été financé avec des

capitaux britanniques. Espérons que les pouvoirs publics jouent un rôle facilitateur, sans se laisser influencer par

une concurrence mal intentionnée.

Quelle appréciation portez-vous sur les project bonds ? Sont-ils susceptibles selon vous de mobiliser des

investisseurs sur des infrastructures de très long terme ?

Jacques GOUNON

Il existe aujourd’hui abondance de fonds disponibles pour des investissements d’infrastructures, dont les

investisseurs n’attendent pas des rendements déraisonnables. Ainsi, les fonds de pension recherchent avant

tout des rendements certains et fiables, sur une durée équivalente à celle du versement des pensions. Il n’existe

donc aucune difficulté majeure à lever des fonds dès lors que des garanties suffisantes peuvent être apportées

aux investisseurs.

Comme tout projet d’infrastructure de cette nature, le projet Lyon-Turin ne peut toutefois prétendre à des

recettes importantes. Tout besoin de contribution supplémentaire requiert soit l’intervention de mécanismes

comme ceux qui ont été décrits, soit l’intervention des pouvoirs publics. La rentabilité d’un projet de très long

terme se mesure sur un siècle, voire sur deux siècles pour le Lyon-Turin, alors que la perspective du meilleur

fonds d’infrastructure est de 20 ou 25 ans. Les flux de recettes ne comptent pour rien dans un calcul

d’actualisation après 25 ans, mais ils sont importants pour la collectivité. Il faudrait donc garantir à l’investisseur

un retour visible sur 25 ans, puis la collectivité doit assumer la partie entre vingt-cinq et cent ans.

Jean BENSAID

CDC Infrastructures est le fonds d’investissement dans les infrastructures de la Caisse des dépôts. Son champ

sectoriel excède celui des transports, puisque nous investissons également dans le secteur de l’énergie et celui

des télécoms. Notre champ géographique est, en revanche, plus étroit que ceux d’autres fonds, puisque nous

investissons à 80 % en France. Je partage largement beaucoup des propos tenus ce matin. J’élargirai mon propos

par rapport au projet Lyon-Turin pour caractériser la situation française en matière d’infrastructures et de

financement de ces projets.

Il faut d’abord rappeler que le réseau français est d’excellente qualité par rapport à la plupart des autres pays,

que ce soit en matière de transport routier, ferroviaire ou aérien, de transport d’énergie ou de télécoms. Ce

point est régulièrement mis en avant par le rapport annuel sur la compétitivité du World Economic Forum, qui

classe les 180 pays mondiaux au regard de douze piliers de compétitivité, dont la quantité et la qualité des

infrastructures. La France se classe au premier rang des pays du G20 en la matière.

Il reste néanmoins de grands projets d’investissement à financer en France. Les gouvernements successifs ont

affiché trois grandes priorités : la transition énergétique, le déploiement d’un réseau Internet à très haut débit

et la modernisation des réseaux de transport. Ces trois priorités représentent de l’ordre de 5 points de PIB, soit

une centaine de milliards d’euros d’investissements dans les infrastructures françaises à financer dans les dix

ans à venir. Le constat est similaire au niveau européen : la Commission évalue à plusieurs centaines, voire

milliers de milliards d’euros les besoins d’investissements en infrastructures dans les trois secteurs que j’ai cités.

En matière de financement, certaines solutions fonctionnent désormais beaucoup moins bien, voire ne

fonctionnent plus. Ainsi, le financement entièrement public de ces investissements, longtemps la norme, est

rendu considérablement plus difficile par la raréfaction des fonds publics et par la contrainte de la dette. Il en

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découle une plus grande sélectivité des projets. La commission Duron met ainsi l’accent sur la rénovation et la

modernisation de réseaux existants plutôt que sur la création de nouvelles lignes, en particulier ferroviaires.

Cette pénurie des fonds publics coïncide avec une abondance de financements privés potentiels : assurance-vie

en France, fonds de pension à l’étranger, voire fonds souverains. Ces fonds sont prêts à s’investir dans les

infrastructures. Nul n’est toutefois en mesure de dire si cette situation est durable : elle tient à une

configuration de marché très particulière, marquée par une liquidité très abondante et des taux d’intérêt

extrêmement bas. Ainsi, le surcoût de la dette privée par rapport à la dette publique n’a sans doute jamais été

aussi faible ; elle est inférieure à ses niveaux d’avant la crise. Il est crucial de saisir cette occasion historique, qui

n’a pas vocation à durer.

Malgré cette abondance de fonds, le capital privé ne viendra pas sur les projets d’infrastructures dans n’importe

quelle condition. L’enjeu crucial est celui du partage des risques : le couple rendement-risque d’un projet

comme le Lyon-Turin correspond-t-il aux attentes des investisseurs ? L’abondance de financement privé aboutit

à des attentes en la matière plutôt favorables à ce type de projet, mais quelques règles doivent être respectées.

D’abord, le secteur privé n’est pas capable de prendre en charge certains risques, en particulier géologiques ou

technologiques. Les risques de construction associés à un ouvrage comme le Lyon-Turin sont importants et

difficiles à appréhender. Il paraît impossible de mobiliser exclusivement des capitaux privés pour financer la

construction du tunnel central.

Ensuite, il est de plus en plus difficile de faire financer par des investisseurs privés, en dette ou en fonds propres,

des ouvrages de transport présentant une incertitude trop importante sur le trafic futur. La France en a fait

l’expérience sur des ouvrages dont l’utilité collective est incontestable, mais qui n’ont pas trouvé de

financement. Ainsi, le contournement ouest de Strasbourg est indispensable pour alléger le trafic routier dans la

ville et éliminer les problèmes de congestion. L’ouvrage a été attribué sous forme de concession à un opérateur

qui n’a pas pu trouver de financement. Certains risques ne peuvent donc pas être assumés par le secteur privé,

sinon dans des conditions très particulières. Inversement, nous avons investi dans une rocade routière à

Marseille, dont l’objectif est également de désengorger le centre-ville. Le risque de trafic était pris en charge par

l’Etat, ce qui a permis de faire venir des financements issus d’assureurs-vie, sur trente ans et à des taux

extrêmement avantageux.

Un bon partage des risques permet donc de trouver des financements adaptés, à des conditions très favorables.

On ne peut que saluer les efforts de la Commission européenne pour mettre en œuvre des financements directs

et des mécanismes exceptionnels, comme les project bonds. Ces derniers sont toutefois assez longs et difficiles à

mettre en place, ce qui explique que peu de projets aient été financés par ce mécanisme après deux ans

d’existence. On peut donc s’interroger sur sa pertinence par rapport à un bon partage des risques, qui permet

d’aboutir à un résultat équivalent.

Je souscris pleinement aux propos de Michel BOUVARD : en matière de financement, il faut s’intéresser non

seulement au projet Lyon-Turin, mais aussi aux autres offres de transport. La limitation voire le

contingentement du trafic des tunnels routiers ou encore l’imposition de tarifs dissuasifs permettrait de réduire

significativement le risque de trafic sur le tunnel ferroviaire.

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Michel BOUVARD

900 millions d’euros ont déjà été engagés dans le cadre du projet Lyon-Turin. Il s’inscrit, par ailleurs, dans un

engagement international : la France et l’Italie ont signé un traité sur le sujet ainsi qu’un avenant, tous deux

ratifiés par les Parlements nationaux. L’existence de cet engagement international a conduit le rapport Duron à

ne pas inclure le projet Lyon-Turin dans son champ d’études.

Thierry DEAU

Les financements de long terme disponibles pour ce type d’infrastructure sont aujourd’hui très abondants. Il

faut néanmoins respecter les fondamentaux en termes de partage de risque ou de contractualisation. D’abord,

tous les fonds souverains ne s’inscrivent pas dans le long terme. Certains se comportent même comme des

hedge funds sur des projets de ce type. Il faut donc se concentrer sur la recherche d’investisseurs de très long

terme. L’Europe possède l’épargne nécessaire pour répondre aux besoins. Sur les 3 milliards d’euros de fonds

propres, 70 % proviennent d’institutions européennes investissant à 25 ou 30 ans.

L’enjeu porte plutôt sur les conditions à respecter pour attirer des investisseurs. La première est une stratégie

de développement claire de la part des pouvoirs publics. Le discours porté sur le développement national et

régional en France et en Italie doit toujours être rappelé : les investisseurs de long terme prennent en compte

cette dimension politique de développement dans leur analyse des dossiers.

Cette vision politique de développement peut permettre de dégager des ressources supplémentaires, comme le

montre la directive Eurovignette, mais aussi de déboucher sur des mécanismes incitatifs innovants. Une fiscalité

particulière peut par exemple être ménagée pour les project bonds, à l’instar des Américains qui exemptent de

toute taxe les obligations qui financent leurs projets de long terme.

Deuxièmement, il faut parvenir à un partage de risque équilibré pour faire intervenir les acteurs privés avec le

public dans ce type de projet très complexe. Pour prendre l’exemple du risque de construction, il faut d’abord

dissocier clairement les équipements, qui peuvent être gérés sous forme d’un partenariat public-privé, du génie

civil, ce dernier ne pouvant être financé uniquement par des subventions. Il n’est toutefois pas possible de

s’arrêter à cette séparation. Pour attirer des investisseurs privés de long terme dans le financement du génie

civil, il faudra imaginer une implication contractuelle forte sous des formes encore à trouver, mais qui ont déjà

été expérimentées ailleurs. Je ne rejette pas d’emblée la création d’un partenariat public-privé pour le génie civil

du tunnel. Cette forme contractuelle implique, en effet, une discipline de gestion très importante pour les

investisseurs privés, mais aussi pour la puissance publique. Prenons l’exemple d’un tunnel de grand gabarit

réalisé par Bouygues à Miami. Le partage des aléas, clairement identifiés et préfinancés par les pouvoirs publics,

a permis de réaliser cet équipement dans le cadre d’un partenariat public-privé. Les investisseurs et prêteurs ont

été rassurés sur le fait que les aléas étaient anticipés, préfinancés et gérés dans le cadre d’une relation

contractuelle public-privé forte. L’envergure du projet pousse à ne pas écarter d’emblée un partage du risque de

construction, financé par une formule public-privé.

Troisièmement, un projet de ce type nécessite un maître d’ouvrage public fort, compétent et capable de tirer

tout le retour d’expérience des maîtrises d’ouvrage publiques réalisées ailleurs. RFF a par exemple construit

pour plusieurs dizaines de milliards d’euros de LGV au cours des dernières années. Le pilotage opérationnel et la

gestion des risques doivent inspirer confiance aux investisseurs privés.

Enfin, les project bonds sont particulièrement adaptés pour ce type de projet, dont l’équation économique

repose pour une grande part sur des externalités. Ces produits doivent toutefois pouvoir être portés à un niveau

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de notation suffisant, c’est-à-dire investment grade. Le projet de la Commission européenne et de la BEI est

donc particulièrement important.

Michel BOUVARD

Un autre enjeu est de savoir si la valorisation des externalités dans la durée peut donner lieu à une clause

d’earn-out. Il n’est toutefois pas lieu d’ouvrir ce débat, qui va à l’encontre par ailleurs du souhait de stabilité

évoqué par Jacques GOUNON.

Vincent GAILLARD

Nous avons signé quatre PPP depuis 2010. Trois sont des contrats de partenariat : l’un porte sur le GSM rail, les

deux autres sur de nouvelles lignes ferroviaires (Bretagne-Pays-de-Loire entre Le Mans et Rennes) et le

contournement de Nîmes-Montpellier. Le quatrième est une concession, le projet SEA entre Tours et Bordeaux.

Il est encore trop tôt pour tirer un retour d’expérience sur ces contrats, globaux et s’inscrivant sur le très long

terme. Nos projets ferroviaires ne seront mis en service qu’à partir de 2017 et les échéances de ces contrats

s’échelonnent entre 15, 25 et 50 ans.

Nous pouvons toutefois en tirer quelques enseignements, essentiellement sur les raisons qui nous ont permis de

finaliser ces quatre projets dans un contexte économico-financier difficile : les signatures se sont échelonnées

de 2010 à 2012, années relativement difficiles dans ce secteur d’activité.

Premièrement, nous avons bénéficié d’une complémentarité d’interventions, à la fois d’acteurs traditionnels du

financement bancaire et d’acteurs publics : l’Etat, RFF, la BEI et la Caisse des dépôts. Ces interventions publiques

ont représenté un tiers du montant total des projets et se sont faites soit par apport de financement direct, soit

par un mécanisme de garantie, soit par l’intermédiaire de cessions Dailly. Ce puissant outil de financement,

inclus dans les contrats de partenariat public-privé, permet d’adosser le financement au crédit de l’autorité

adjudicatrice qui garantit irrévocablement les paiements une fois le projet mis en service.

Les statistiques mondiales montrent que la rareté des financements de long terme apportés par les banques a

été palliée par des institutions financières de développement, comme la BEI, Bank of China ou Standard Bank of

India, ou par des agences de crédit export, comme la Japan Bank for International Cooperation, la US Exim Bank

ou la Korean Exim Bank. Ces deux catégories d’investisseurs investissent désormais pour plus de 60 milliards

d’euros par an dans le secteur du développement de projet.

Le deuxième enseignement porte sur la procédure d’attribution ou la stratégie de consultation. Il faut pouvoir

capter l’innovation des partenaires privés, optimiser la procédure pour la personne publique, mais aussi prévoir

une procédure flexible, capable d’évoluer en fonction de l’environnement. Il peut s’agir d’une stratégie de

consultation à deux tours, avec une offre initiale et une offre finale, qui permet de bénéficier de variantes. Cela

peut également passer par un dialogue compétitif ou une procédure négociée, l’objectif restant d’optimiser le

rapport délai de la procédure-stimulation de la concurrence.

Troisièmement, il importe d’avoir des offres de financement ajustables, c’est-à-dire de laisser la capacité de

finalisation du tour de table après la désignation de l’attributaire pressenti, en libérant les banques des autres

candidats.

Le projet SEA présente une innovation financière relativement importante, mais les outils restent assez

classiques pour ce qui est de la dette : tous nos projets recourent exclusivement à de la dette bancaire. Nous

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avions pourtant laissé aux candidats la latitude d’utiliser d’autres sources de financement, notamment les

émissions obligataires. Sans doute le marché n’était-il pas encore mûr à l’époque. Le marché des infrastructures

de transport représente 40 à 60 milliards de dollars annuels depuis 2005, dont un quart à un tiers en Europe. Il

était majoritairement financé par la dette bancaire jusqu’en 2011 : les financements obligataires représentaient

moins de 5 %. Depuis 2012 et 2013, la tendance s’inverse : les obligations représentent désormais 15 % à 20 %,

essentiellement pour des projets de refinancement.

La question est de savoir comment mieux mobiliser ces liquidités assez abondantes sur les marchés en

s’adressant directement aux investisseurs institutionnels par des émissions obligataires ou des placements

privés. RFF connaît bien cette stratégie, qu’il applique pour son financement corporate : nous nous finançons

exclusivement auprès des marchés internationaux au travers d’émissions obligataires ou de placements privés

allant jusqu’à 50 ans sur les marchés européens. Nous nous adressons à des assureurs-vie et aux fonds de

pension.

Développer cette modalité de financement implique de travailler concomitamment non seulement sur l’offre,

mais aussi sur la demande, c’est-à-dire tenir compte des contraintes des investisseurs. Les grands investisseurs

institutionnels européens ne nous attendent pas sur l’offre projet. De grands fonds de pension, comme celui des

enseignants de l’Ontario, possèdent des équipes spécialisées capables d’intervenir sur l’ensemble du projet,

aussi bien en phase de construction que d’exploitation. Il en va de même pour les grands assureurs européens.

Le deuxième enjeu pour nous est d’élargir la base d’investisseurs. Les fonds de pension représentent

30 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion. Le besoin en financement de projets est de l’ordre de

280 milliards de dollars, soit moins de 1 % de ce montant. Les project bonds sont toutefois en concurrence avec

d’autres classes d’actifs. Les taux de rendement obligataire sont relativement faibles. Une étude menée par une

grande agence de notation a comparé le couple rendement-risque au travers de différentes classes d’actifs. Il en

ressort qu’en cas de défaut, le taux de recouvrement d’un financement de projet est plus important que celui

d’une entreprise. Le produit peut donc attirer les investisseurs.

Du côté de l’offre, l’autorité adjudicatrice doit contourner la difficulté de mettre en œuvre ces project bonds en

post-signature. Il faudra modifier ou adapter les clauses de l’appel d’offre et voir comment les modes de fixation

des conditions définitives seront faites, le cas échéant adapter la matrice des risques à la marge.

Côté demande, pour bénéficier de l’appétit des investisseurs institutionnels pour des maturités à long terme

associées à des couples rendement-risque adéquats, il faut développer un marché structuré et standardisé. Il

doit tenir compte des contraintes des investisseurs, qui pour la plupart manquent d’expertises pour assurer le

fronting des projets. Ils ont également besoin de profils de dette adaptés. Il faut les aider dans l’appréciation de

l’appétit des investisseurs ou du moins de l’appréciation de leurs risques. Ils doivent pouvoir bénéficier de

rehaussements de crédit, sur un modèle certes différent de celui des monoliners d’avant 2008. Il faut pouvoir

internationaliser les investisseurs-cible, ce qui implique de disposer de documentations internationales. Le cas

échéant, on doit pouvoir calibrer l’impact réglementaire côté bancaire (Bâle III) ou assurantiel (Solvabilité II)

pour éviter de pénaliser les capacités de captation de ces ressources financières à long terme.

Luc DEGUILLAUME, NGE

J’appartiens au groupe de travaux publics NGE, impliqué dans le ferroviaire au travers sa filiale TSO. Les

échanges ont été de grande qualité. S’agissant des propos de M. OUAKI, les constructeurs sont très heureux que

des moyens soient affectés à de tels projets. S’agissant des propos de M. BENSAID, NGE a closé ses trois

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dernières concessions autoroutières en risque de trafic, trois mois avant l’échec d’un concurrent sur un

contournement urbain, l’A150 au nord de Rouen. Nous n’avons pas rencontré de problèmes particuliers. J’ai

apprécié le conseil de M. DEAU de prendre garde aux fonds souverains auxquels on s’adresse : tous ne sont pas

équivalents. Les propos de M. GAILLARD ont été très intéressants. J’ai beaucoup d’admiration pour M.

GOUNON. J’ai pris part au chantier du tunnel sous la Manche, qui s’est étalé de la fin des années 1980 au début

des années 1990. Il a représenté un drame financier pour beaucoup d’épargnants. Le génie civil n’a pas fait

l’objet de dépassement, car le forage dans la craie bleue a été très facile. Le prix de base des équipements

électromécaniques a en revanche été multiplié par trois. Ce dépassement s’explique par l’absence de toute

étude de conception, faute de moyens pour les financer. Les constructeurs ont été constamment interrompus

dans leurs travaux et ont dû tout refaire au gré des nouvelles règles imposées par les commissions de sécurité.

Qui paiera des études amont sérieuses pour le projet Lyon-Turin ? Les investisseurs se souviennent de la débâcle

d’Eurotunnel. Il faut les rassurer notamment pour qu’ils entrent dans un schéma de PPP, dont le montage à

proprement parler ne posera aucun problème.

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Conclusions

Michel BOUVARD

Membre honoraire du Parlement

Beaucoup d’études en amont ont déjà été faites. Elles représentent une partie des 900 millions d’euros déjà

engagés.

Noël de SAINT-PULGENT

Nous étudions depuis plusieurs années la question du financement avec nos amis italiens. Nous avons

notamment mené une étude complète des montages financiers, qui n’a pas eu d’équivalent en France. Nous en

avons conclu que l’ensemble du projet pouvait être monté en contrat de partenariat. Nous avons abandonné

cette position : le montage retenu consiste à réaliser le génie civil en maîtrise d’ouvrage publique et à envisager

un contrat de partenariat pour les équipements et l’entretien qui suivra la mise en service du projet.

L’important est que la mise en concurrence permette d’obtenir les meilleures conditions possible. Réaliser le

génie civil en maîtrise d’ouvrage publique implique de convenir d’un allotissement. La question n’est pas

simple : des lots trop petits sont peu productifs et peuvent favoriser l’entente ; des lots trop importants

découragent un certain nombre d’entreprises. Nous travaillons à trouver un juste milieu.

Deuxièmement, nous ne manquons pas de références. Je rends d’ailleurs hommage aux travaux de RFF : quatre

contrats se réalisent actuellement en PPP et semblent se dérouler de manière satisfaisante. La France comme

l’Italie ont accumulé une certaine compétence dans ce domaine, même si nous apprenons encore chaque jour.

La capacité du projet à générer une recette permettant de rembourser l’investissement n’a pas été abordée au

cours des débats. Elle me paraît pourtant critique. Cette capacité est, en l’occurrence, extrêmement faible. Les

péages fret acquittés par les transporteurs ne paient pas le coût marginal. Le gouvernement français a décidé de

supprimer progressivement la convention existante et de revenir progressivement au paiement au coût

marginal, en espérant que cela n’entraîne pas de conséquence sur le trafic. Il n’est pas raisonnable en l’état de

considérer que les péages ferroviaires du Lyon-Turin paieront l’ouvrage. La mise en concurrence sur les lignes

voyageurs peut permettre des progrès, mais le trajet Paris-Milan dure quatre heures, au-delà du domaine de

prééminence des trains à grande vitesse.

Les études LTF montreront peut-être que les péages pourront payer quelques pourcents de l’ouvrage. Or la

logique de RFF consiste à déterminer les péages pouvant être amortis par les recettes d’usager, le reste relevant

des subventions publiques. Dans la situation actuelle des finances publiques, ce point est problématique,

indépendamment de l’intérêt socio-économique de l’ouvrage. Nous nous interrogeons donc sur ce que nous

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devons financer en dur dès à présent, sachant que les règles visant à faciliter l’investissement de long terme

envisagées par la Commission ne s’appliqueront pas à la France, qui dépasse les 3 % de déficit. C’est l’objet de

l’étude que nous mènerons avec les Italiens : il faut éviter de reporter l’endettement sur les générations

suivantes.

L’application de la directive Eurovignette est une source d’espoir pour les financiers, car elle permettra de

dégager des recettes, mais les problèmes qu’elle soulève sont bien connus. L’écotaxe est une bonne illustration

de la difficulté à arbitrer entre protection de l’environnement et compétitivité de l’économie. Eurovignette me

paraît toutefois un bon cadre.

Mario VIRANO

Commissaire extraordinaire du gouvernement italien pour le Lyon-Turin

Je remercie la Transalpine, Transpadana et la Caisse des Dépôts de cette occasion de réflexion. Je souhaite

apporter quelques commentaires dans un débat dominé par les voix françaises.

Le projet Lyon-Turin a rencontré de nombreuses difficultés qui l’ont paradoxalement renforcé. Il était l’un des

trente projets de la Commission européenne ; il est désormais l’un des neuf projets prioritaires. Il a pu gagner en

importance grâce à son intérêt propre, mais aussi grâce à la bataille politique que nous avons dû mener. Ce

projet est donc voué au succès. Les gouvernements italien et français s’y sont engagés.

Le projet a évolué sur le plan technique et environnemental au long de son histoire. Il est désormais de très haut

niveau. LTF, qui est prête à en devenir le promoteur, possède les compétences requises pour développer un

projet de cette envergure. La question du financement reste néanmoins ouverte.

Comme l’a rappelé Michel BOUVARD, le tunnel du Mont-Blanc a été réalisé grâce à des financiers britanniques.

En 1880, l’Italie a financé plus de 50 % du tunnel du Gothard, en territoire suisse. Le pays était encore pauvre,

mais il avait la capacité de se projeter sur le long terme. Nous pouvons tirer quelques leçons utiles de cette

double histoire. Il est par exemple impossible de séparer la question financière de la question politique dans un

projet comme le Lyon-Turin. Le montage politique précède en effet le montage financier. La fiscalité, la

demande de trafic sont des questions éminemment politiques.

S’il est nécessaire de travailler à l’ingénierie du projet, il faut éviter de se laisser guider par les problèmes plutôt

que par les opportunités. Ainsi, l’Italie a affecté dans son programme pluriannuel 2,5 milliards d’euros pour le

Lyon-Turin. Le comité interministériel de la programmation économique (CIPE) devra approuver le projet en

mars. Or la loi italienne impose une couverture financière complète. Les gouvernements italiens successifs

prévoient un engagement annuel jusqu’en 2029. Même s’il peut exister des asymétries à certaines périodes

entre pays partenaires, il faut utiliser la bonne partie de cette asymétrie et non se laisser mener par les

problèmes. Ainsi, l’Italie est sortie de la procédure d’infraction à la règle des 3 % : elle doit exploiter cette

opportunité. Le montage financier devra exploiter toutes les possibilités existantes pour souligner l’importance

du projet Lyon-Turin, à la fois pour l’environnement et comme grand projet européen et binational.

L’engagement politique ne doit pas se relâcher, mais rester maximal. Les messages portés par la BEI et d’autres

aujourd’hui peuvent s’avérer très utiles pour l’avancement du projet.

Document rédigé par la société Ubiqus – Tél : 01.44.14.15.16 – http://www.ubiqus.fr – [email protected]