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RAPPORT PUBLIC ANNUEL 1 ère partie : observations des juridictions financières

rapport annuel de l'institution

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  • RAPPORT PUBLIC

    ANNUEL

    1re partie : observations des

    juridictions financires

  • TABLE DES MATIRES I

    Dlibr.III

    Chapitre I Situation des finances publiques1

    Rapport Rponses Les finances publiques dans la crise 3 19

    Chapitre II Services de lEtat et organismes publics..25

    Rapport Rponses L'assiette des impts locaux : la dtermination des bases cadastrales et leur gestion par les services de lEtat.. 27 53 La gestion de la trsorerie : une fonction vitale pour lEtat. 55 75 Les cessions de biens immobiliers de prestige par France Domaine.. 83 102 LInstitut national du cancer : une remise en ordre parfaire.. 107 125

    La gestion du GIP Dossier mdical personnel 135 148

    LInstitut Gographique National : faiblesse des outils de gestion et insuffisance de vision prospective 153 166

    LAgence franaise de ladoption et les autres organismes franais autoriss pour ladoption internationale.. 177 189

    L'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) : une agence aux ambitions limites, prive de ses moyens, dsormais inutile. 199 205

    Les audits de modernisation : un dispositif novateur aux effets limits 215 234

    LEtat diteur, imprimeur et diffuseur : lindispensable rforme de la Documentation franaise et des Journaux officiels 237 247

    Chapitre III Secteur local.251 Rapport Rponses

    Les risques pris par les collectivits territoriales et les tablissements publics locaux en matire demprunt 253 278 Les volutions du pilotage et du contrle de la gestion des collectivits locales 281 303

  • II COUR DES COMPTES

    Rapport Rponses Le service public de chauffage urbain de la ville de Paris. 315 327

    Les limites des procdures de contrle budgtaire des collectivits territoriales : le cas de la commune de Pont-Saint-Esprit (Gard). 347 358

    La gestion par une collectivit publique de la ligne de transport maritime Dieppe-Newhaven . 363 375

    Chapitre IV Politiques publiques385 Rapport Rponses

    Les autorits de contrle et de rgulation du secteur financier 387 419 La gestion de leur patrimoine immobilier par les universits, condition dune autonomie assume.. 439 462

    LEtat et les fdrations sportives face aux mutations du sport. 477 502

    La rmunration du droit limage collective des sportifs professionnels.. 507 519

    Les enjeux de la participation des employeurs leffort de construction. 521 545

    Les dispositifs de formation linitiative des salaris. 563 586

    La prise en compte de la demande dasile : des amliorations poursuivre 603 622

    Les politiques de soutien la parentalit 631 638

    LEtat face la gestion des risques naturels : feux de fort et inondations 645 669

    Les industries darmement de ltat 685 703

    La fin de lexploitation charbonnire.. 711 726

    Laudiovisuel extrieur.. 729 747

    Donnes chiffres sur lactivit des juridictions financires 763

  • DLIBR III

    Dlibr

    Conformment aux dispositions lgislatives et rglementaires du code des juridictions financires, la Cour des comptes, dlibrant en chambre du conseil, a adopt le prsent rapport public.

    Ce texte a t arrt au vu des projets qui avaient t communiqus au pralable aux administrations, collectivits et organismes concerns, et aprs quil a t tenu compte, quand il y avait lieu, des rponses fournies par ceux-ci. En application des dispositions prcites, ces rponses sont publies ; elles engagent la seule responsabilit de leurs auteurs.

    Les observations les concernant ont galement t communiques aux personnes morales de droit priv et aux personnes physiques intresses ; il a t tenu compte, quand il y avait lieu, de leurs rponses.

    Etaient prsents : M. Sguin, premier prsident, MM. Pichon, Picq, Babusiaux, Mmes Cornette, Ruellan, MM. Descheemaeker, Hespel, prsidents de chambre, Mme Bazy Malaurie, prsident de chambre, rapporteur gnral, MM. Carrez, Sallois, Hernandez, prsidents de chambre maintenus en activit, MM. Berthet, Mayaud, Houri, Richard, Devaux, Arnaud, Bayle, Rmond, Gillette, Ganser, Martin (Xavier-Henri), Camoin, Monier, Troesch, Beaud de Brive, Cardon, Thrond, Mme Froment-Meurice, MM. Beysson, Cazanave, Mme Bellon, MM. Moreau, Ritz, Duchadeuil, Pannier, Moulin, Lebuy, Lesouhaitier, Lefas, Durrleman, Cazala, Gauron, Alventosa, Lafaure, Andrani, Mmes Morell, Fradin, MM. Morin, Braunstein, Brochier, Mme Dayries, MM. Lvy, Bernicot, Deconfin, Phline, Mme Ulmann, MM. Barb, Bertucci, Tournier, Vermeulen, Rasra, Mmes Darragon, Seyvet, MM. Bonin, Vachia, Vivet, Mme Moati, MM. Mollard, Davy de Virville, Diricq, Lefebvre, Couty, Sabb, Ptel, Mme Camby, MM. Martin (Christian), Valdigui, Tnier, Lair, Hayez, Mmes Trupin, Froment-Meurice, MM. Rabat, Doyelle, Ory Lavolle, Korb, Mme Dos Reis, M. de Gaulle, Mmes Saliou, Carrre-Ge, MM. Piol, Uguen, Levallois, MM. Zrah, Prat, Gudon, Mme Gadriot-Renard, MM. Bourlanges, Le Mn, Baccou, Schwarz, conseillers matres, MM. Gleizes, Lemasson, Cultiaux, Schaefer, Bille, Zeller, dAboville, Limodin, Andr, Cadet, Blanc, Plissier, conseillers matres en service extraordinaire.

    Etait prsent et a particip aux dbat : M. Bnard, procureur gnral de la Rpublique assist de M. Frentz, premier avocat gnral.

    ***

  • IV COUR DES COMPTES

    Nont pas pris part aux dlibrations :

    * Concernant le tome 1 Observations des juridictions financires :

    M. Couty, conseiller matre, en ce qui concerne linsertion LInstitut national du cancer : une remise en ordre parfaire ;

    Mme Moati, conseillre matre, en ce qui concerne linsertion LEtat diteur, imprimeur et diffuseur : lindispensable rforme de la Documentation franaise et des Journaux officiels ;

    Mme Ulmann, conseillre matre, en ce qui concerne linsertion Le service public de chauffage urbain de la ville de Paris ;

    M. Piol, conseiller matre, en ce qui concerne linsertion Les limites des procdures de contrle budgtaire des collectivits territoriales : le cas de la commune de Pont-Saint-Esprit (Gard) ;

    MM. Moulin et Vachia, conseillers matres, en ce qui concerne linsertion Les autorits de contrle et de rgulation du secteur financier ;

    Mme Seyvet, conseillre matre et M. Plissier, conseiller matre en service extraordinaire, en ce qui concerne linsertion La prise en compte de la demande dasile : des amliorations poursuivre ;

    M. Gleizes, conseiller matre en service extraordinaire, en ce qui concerne linsertion Les industries darmement de ltat ;

    M. Ganser, conseiller matre et M. Schwarz, conseiller matre, en ce qui concerne linsertion Laudiovisuel extrieur .

    * Concernant le tome 2 Suites donnes aux observations des juridictions financires :

    M. Beysson, conseiller matre, en ce qui concerne linsertion La gestion de Mto France ;

    M. Houri, conseiller matre, en ce qui concerne linsertion La gouvernance de la Caisse des dpts et consignations dans sa fonction d'investisseur institutionnel en actions de socits cotes ;

    M. Couty, conseiller matre, en ce qui concerne linsertion Les personnels des tablissements publics de sant .

    ***

    Mme Mayenobe, Secrtaire gnrale, assurait le secrtariat de la Chambre du conseil.

    Fait la Cour, le 22 janvier 2009.

  • COUR DES COMPTES V

    Chacune des soixante insertions publies dans ce rapport public annuel ont pralablement t dlibres par une des sept chambres de la Cour des comptes ou par une chambre rgionale (CRC) ou territoriale (CTC) des comptes, puis arrte par le Comit du rapport public et des programmes prsid par M. Philippe Sguin, premier prsident, avant dtre communique, en intgralit ou par extraits, aux administrations et organismes concerns afin de recueillir leurs ventuelles observations.

    Le tableau suivant mentionne les rapporteurs ayant effectu les contrles dont les vingt-huit insertions publies dans ce fascicule et les trois insertions publies dans le chapitre III du second fascicule constituent la synthse :

    Les finances publiques dans la crise

    M. Alventosa, conseiller matre ; M. Monier, conseiller matre ; M. Morin, conseiller matre ; M. Ecalle, conseiller rfrendaire ; M. Ravalet, conseiller rfrendaire.

    L'assiette des impts locaux : la dtermination des bases cadastrales et leur gestion par les services de lEtat

    M. Monier, conseiller matre ; Mme Saliou (Monique), conseillre matre.

    La gestion de la trsorerie : une fonction vitale pour l'Etat

    M. Monier, conseiller matre ; M. Ravalet, conseiller rfrendaire ; Mme Baillion, rapporteure.

    Les cessions de biens immobiliers de prestige par France-Domaine

    M. Monier, conseiller matre ; M. Lion, conseiller rfrendaire.

    L'institut national du cancer (INCa) : une remise en ordre faire

    M. Gillette, conseiller matre.

  • VI COUR DES COMPTES

    La gestion du GIP Dossier mdical personnel

    M. Gillette, conseiller matre.

    L'Institut gographique national : faiblesse des outils de gestion et insuffisance de vision prospective

    M. Fosseux, conseiller rfrendaire ; Mme Thiard, auditrice.

    LAgence franaise de ladoption et les autres organismes franais autoriss pour ladoption internationale

    M. Bayle, conseiller matre ; Mme Malgat Mly, conseillre matre ; Mme Briguet, conseillre matre; M. Machard, conseiller rfrendaire ; Mme Chapuis Nenny, rapporteure.

    Lagence de financement des infrastructures de transport (AFITF) : une agence de financement aux ambitions limites, prive de ses moyens, dsormais inutile

    M. Gleizes, conseiller matre en service extraordinaire ; M. Schaefer, conseiller matre en service extraordinaire.

    Les audits de modernisation : un dispositif novateur aux effets limits

    M. Monier, conseiller matre Mme Vergnet, conseillre rfrendaire ; Mme Verfaillie-Heyraud, rapporteure.

    LEtat diteur, imprimeur et diffuseur : lindispensable rforme de la Documentation franaise et des Journaux officiels

    M. Bille, conseiller matre en service extraordinaire ; Mme Dmier, conseillre rfrendaire.

  • COUR DES COMPTES VII

    Les risques pris par les collectivits territoriales et des tablissements publics locaux en matire d'emprunt

    M. Levionnois, Prsident de section (CRC dIle-de-France) ; M. Barbaste, conseiller (CRC de Rhne-Alpes) ; M. Blondel, auditeur (Cour des comptes).

    Les volutions du pilotage et du contrle de la gestion des collectivits locales

    Mme de Kersauson, conseillre rfrendaire, Prsidente de la CRC des Pays-de-la-Loire ; M. Kovarcik, prsident de section (CRC des comptes des Pays-de-la-Loire).

    Le service public du chauffage urbain de la ville de Paris

    M. Bertucci, conseiller matre, Prsident de la CRC dIle-de-France ; M. Levionnois, prsident de section (CRC dIle-de-France) ; Mme Karine Turpin, premire conseillre (CRC dIle-de-France) ; Mme Line Boursier , conseillre (CRC dIle-de-France).

    Les limites des procdures de contrle budgtaire des collectivits territoriales : le cas de la commune de Pont-Saint-Esprit (Gard)

    M. Brunner, conseiller rfrendaire, Prsident de la CRC de Languedoc-Roussillon.

    La gestion par une collectivit publique de la ligne de transport maritime Dieppe-Newhaven

    M. Miller, conseiller rfrendaire, Prsident de la CRC de Haute-Normandie ; M. Carles, premier conseiller (CRC de Haute-Normandie).

  • VIII COUR DES COMPTES

    Les autorits de contrle et de rgulation du secteur financier

    M. Lefas, conseiller matre ; Mme Morell, conseillre matre ; Mme Ulmann, conseillre matre ; M. Blanc, conseiller matre en service extraordinaire ; M. Bichot, conseiller rfrendaire ; M. Jourdain, conseiller rfrendaire ; M. Debrosse, rapporteur ; Mme Montalcino, rapporteure.

    La gestion de leur patrimoine immobilier par les universits, condition dune autonomie assume

    Mme Froment-Meurice, conseillre matre ; M. Barichard, conseiller rfrendaire ; Mme Talpain, rapporteure.

    LEtat et les fdrations sportives face aux mutations du sport

    M. Duchadeuil, conseiller matre ; M. Zeller, conseiller matre en service extraordinaire ; M. Lesueur, auditeur.

    La rmunration du droit limage collective des sportifs professionnels

    M. Duchadeuil, conseiller matre ; M. Zeller, conseiller matre en service extraordinaire ; M. Lesueur, conseiller rfrendaire.

    Les enjeux de la participation des employeurs leffort de construction

    M. Frches, conseiller matre ; M. Tnier, conseiller matre ; Mme Abrossimov, rapporteure.

  • COUR DES COMPTES IX

    Les dispositifs de formation linitiative des salaris

    M. Durrleman, conseiller matre ; Mme Magnier, Auditrice ; Mme Deprez-Boudier, rapporteure ; Mme Dumesnil, rapporteure.

    La prise en compte de la demande d'asile : des amliorations poursuivre

    M. Bayle, conseiller matre ; Mme Pailot-Bonnetat, conseillre rfrendaire ; M. Audouin, rapporteur.

    Les politiques de soutien la parentalit

    M. Bayle, conseiller matre ; M. Machard, conseiller rfrendaire.

    LEtat face la gestion des risques naturels : feux de forts et inondations

    M. Ganser, conseiller matre ; M. Guibert, conseiller matre ; M. Estournet, rapporteur.

    Les industries d'armement de l'Etat

    M. Camoin, conseiller matre ; M. Vivet, conseiller matre ; M. Bousquet, rapporteur temps partiel.

    La fin de lexploitation charbonnire

    M. Dupuy, conseiller matre.

    L'audiovisuel extrieur

    M. Andrani, conseiller matre ; M. Lesueur, conseiller rfrendaire ; Mme Wirgin, auditrice ; M. Fontanel, auditeur ; Mme Charolles, rapporteure.

  • X COUR DES COMPTES

    2me partie suites donnes aux observations des juridictions financires (chapitre III - suites donnes trois rapports publics thmatiques)

    Bilan de l'intercommunalit en France

    M. Ganser, conseiller matre ; M. Lna, conseiller rfrendaire ; M. Miller, conseiller rfrendaire, prsident de la CRC de Haute-Normandie ; M. Fialon, conseiller rfrendaire, vice-prsident de la CRC d'Ile-de-France ; M. Roux, prsident de section ( CRC de Bretagne) ; M. Pont, premier conseiller (CRC des Pays-de-la-Loire).

    La prise en charge des personnes ges dpendantes

    M. Beaud de Brive, conseiller matre, prsident de la CRC de Midi-Pyrnes ; Mme Camiade, conseillre rfrendaire (Cour des comptes) ; M. Gruson, auditeur (Cour des comptes); M. Culaud, rapporteur (Cour des comptes) ; Mme Saint Cyr, prsidente de section (CRC de Languedoc-Roussillon) ; M. Bernard (Yves), premier conseiller (CRC de Basse-Normandie) ; M. Ferru, premier conseiller (CRC de Franche Comt) ; M Gajan, premier conseiller (CRC du Centre) ; M. Gillier, premier conseiller (CRC de Basse Normandie) ; M. Monlon, premier conseiller (CRC de Rhne-Alpes) ; M. Pages, premier conseiller (CRC de Midi-Pyrnes).

    Les personnels des tablissements publics de sant

    M. Fetet, auditeur.

  • Chapitre I

    Situation des finances publiques

  • Les finances publiques dans la crise

    _____________________ PRESENTATION ____________________ Dans son rapport de juin 2008 sur la situation et les perspectives

    des finances publiques, la Cour avait soulign que des risques importants pesaient sur la ralisation des objectifs de dficit du gouvernement pour 2008 et les annes suivantes. Elle estimait improbable le retour lquilibre annonc alors pour 2012. Lampleur de la crise qui a clat la fin de lt 2008 aggrave trs fortement ce constat mme sil est encore trop tt pour apprcier la situation fin 2008 avec suffisamment de recul.

    Il reviendra la Cour dexaminer dans les prochains mois le cot et limpact des mesures rcemment dcides pour soutenir lactivit. Elle se prononcera ds mai prochain sur le traitement de ces oprations dans les comptes de lEtat, loccasion de leur certification, et sur leurs premiers effets budgtaires, dans le cadre de son rapport sur les rsultats et la gestion budgtaires. Elle publiera aussi en juin un diagnostic gnral et des recommandations sur la situation densemble et les perspectives des finances publiques.

    Dans la priode actuelle dincertitude macroconomique, la conduite des finances publiques est devenue encore plus difficile. Les dpenses et recettes publiques reprsentant la moiti du PIB, lEtat peut nanmoins avoir un rle minent de rducteur dincertitudes en indiquant aux acteurs conomiques le cap quil donne aux finances publiques et les moyens quil compte mettre en uvre pour latteindre.

    Dans les dveloppements qui suivent, la Cour vise clairer les conditions de ce pilotage, sur la base des donnes disponibles au 22 janvier 2009 et indiquer des repres suivre dans le contexte de la politique choisie. Un pilotage clair et adapt des finances publiques est en effet lune des conditions de la confiance des agents conomiques et donc du redmarrage de la croissance.

  • 4 COUR DES COMPTES

    I - Une forte augmentation de la dette et des dficits publics

    Le principe dune loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, que la Cour avait soutenu dans son rapport de juin dernier, est dsormais inscrit dans la Constitution et une premire loi tait examine et devait tre adopte fin janvier 20091, pour la priode 2009-2012. La dgradation rapide de la situation conomique et la ncessit dy faire face par des mesures budgtaires rendent cependant cette programmation beaucoup plus difficile respecter. En effet, si le gouvernement y prvoit une croissance de 0,2 0,5 % en 2009, les organisations internationales et les organismes privs anticipent dsormais une rcession svre aux Etats-Unis et en Europe (croissance en 2009 de 1,9 % dans la zone euro et de 1,8 % en France, selon la Commission europenne2), accompagne dune forte dgradation des finances publiques (dficit public de 5,4 % du PIB en 2009 selon la Commission).

    A - Une position de dpart dfavorable

    La France a connu des rcessions en 1975 et 1993, avec un recul du PIB de 1,0 % chacune de ces deux annes, mais, comme la Cour la soulign dans son rapport de juin 2008, elle aborde la rcession actuelle dans une situation plus dgrade quau dbut des rcessions prcdentes.

    La dette publique, au sens du trait de lUnion europenne, reprsentait 64 % du PIB la fin de 20073 contre 40 % la fin de 1992. Cela signifie que lEtat a aujourdhui moins de capacits daction quen 1993 : ce supplment de dette de 24 % du PIB reprsente environ 500 Md et, avec un taux dintrt de 4 %, correspond 20 Md de charges dintrts annuelles en plus. La dette des administrations publiques (APU) nette de leurs actifs financiers4 tait en outre deux fois plus leve la fin de 2007 qu la fin de 1992.

    1) A la date o le rapport de la Cour a t arrt, la loi de programmation devait tre examine en commission mixte paritaire puis soumise aux assembles pour approbation dans la dernire semaine de janvier. 2) comparer avec une prvision de lOCDE faite au mois doctobre 2008 de 0,4 % en France) 3) 63,9 % selon les comptes notifis la Commission et 64,6 % selon lestimation de la Cour. 4) Au sens de la comptabilit nationale.

  • LES FINANCES PUBLIQUES DANS LA CRISE 5

    La France na pas su profiter des phases de croissance soutenue pour rquilibrer ses comptes publics. Ce fut encore le cas dans les annes 2004 2007 qui ont vu la plupart des pays europens revenir lquilibre des comptes publics ou dgager des excdents, alors que le dficit des APU restait proche de 3 % en France5. Le dficit public structurel, c'est--dire corrig de limpact des variations de la conjoncture conomique, nest pass quune seule fois, en 1999, au-dessous de 2,0 % du PIB en France depuis 1993 ; il atteignait encore 2,9 % du PIB en 2007, selon les estimations de la Cour.

    Le niveau dendettement de la France est certes proche de la moyenne des pays de la zone euro ou de lOCDE, mais la capacit de notre pays redresser ses comptes publics est moindre. Le niveau de ses prlvements obligatoires est quasiment le plus lev de lOCDE et toute hausse de ces prlvements prsente en consquence des risques pour la comptitivit et lattractivit de son conomie, alors que sa balance des paiements courants est dj fortement dsquilibre. En outre, contrairement la plupart des autres pays, la France na pas montr une relle aptitude une rduction significative du poids de ses dpenses publiques dont la croissance moyenne est reste suprieure 2,0 % par an sur les dix dernires annes.

    Dficit public, dette et taux de prlvements obligatoires dans les principaux pays europens en 2007 (% du PIB)

    France 63,9 %

    Grce 94,8 %

    Royaume-Uni 44,2 %

    Portugal 63,6 %

    Italie 104,1 % Autriche 59,5 %

    Belgique 83,9 %

    Pays-Bas 45,7 %Allemagne 65,1 %

    Irlande 24,8 %

    Espagne 36,2 %

    Luxembourg 7 %

    Danemark 26,2 %Sude 40,4 %

    30

    35

    40

    45

    50

    55

    -5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6

    Dficit public 2007 (% du PIB)

    Taux

    de p

    rlv

    emen

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    blig

    atoi

    res e

    n 20

    05 (%

    PIB

    )

    Source : Eurostat Lecture : la surface de chaque disque est proportionnelle au ratio dette des administrations publiques sur PIB.

    5) En 2007, la zone euro hors France tait lquilibre.

  • 6 COUR DES COMPTES

    B - Un flchissement des recettes qui creuse fortement les dficits

    Le projet de loi de programmation des finances publiques pour la priode 2009-2012 dpos au dbut doctobre 2008 visait un dficit des administrations publiques de 0,5 % du PIB en 2012, aprs une stabilisation 2,7 % de 2007 2009 suivie dune rduction progressive. La dette publique devait tre ramene de 63,9 % du PIB en 2007 61,8 % en 2012.

    Cette programmation, fragile ds sa construction, reposait notamment sur une hypothse de croissance de 1,0 % en 2008 et de 1,2 % en 2009. Le gouvernement a ensuite rvis la mi-novembre sa prvision pour 2009 un chiffre compris entre 0,2 et 0,5 % et retenu le haut de cette fourchette dans la loi de programmation et la loi de finances rvises.

    Il a ensuite relev ses prvisions de dficit, dabord en novembre 2008 sur la base de ces nouvelles hypothses, puis en dcembre pour tenir compte du plan de relance, enfin en janvier 2009 sur la base des recettes de 2008 alors connues. Les administrations sociales ne retrouveraient lquilibre quen 2012 au lieu de 2010. Le dficit de lensemble des APU serait encore de 1,5 % du PIB en 2012 et leur retour lquilibre nest plus envisag avant 2014.

    Les autres prvisions les plus rcentes laissent toutefois attendre une croissance infrieure 1 % en 2008 et fortement ngative en 2009. Or un fort ralentissement de lactivit a automatiquement un impact massif, et parfois durable, sur les recettes fiscales et sociales ainsi que sur certaines dpenses sociales.

    Compte tenu de la structure des ressources fiscales et sociales, toute diminution de 1 point du PIB sur une anne par rapport la prvision entrane mcaniquement une augmentation du dficit de 0,25 point de PIB cette mme anne et 0,25 point supplmentaire lanne suivante6. Par exemple, si le PIB diminuait en 2009 de 1 % au lieu daugmenter de 0,5 %, le dficit se creuserait automatiquement de 0,75 point de PIB de plus en 2010, soit une quinzaine de milliards deuros.

    6) Certains impts, notamment limpt sur le revenu, limpt sur les socits et une partie de la CSG, sont recouvrs avec un dcalage dun an par rapport leur assiette.

  • LES FINANCES PUBLIQUES DANS LA CRISE 7

    Lanalyse des rcessions antrieures montre en outre que ces calculs mcaniques peuvent sous-estimer trs largement la dgradation des soldes publics, les recettes publiques ayant alors tendance ragir plus que proportionnellement la baisse de lactivit.

    En 1993, le dficit a atteint 6,4 % du PIB et, malgr une reprise de la croissance ds 1994, il est rest suprieur 3,0 % jusquen 1997. La dette publique est alors passe de 40 % du PIB fin 1992 59 % fin 1997. La crise de 1993 a ainsi marqu un dcrochement durable des finances publiques et une mme volution amnerait la dette publique jusqu 83 % du PIB fin 2012.

    Cest en 2010 que le ralentissement de lconomie en 2008 et 2009 fera sentir pleinement ses effets sur les dficits, qui pourraient tre alors trs significatifs. Limpact de la crise est nanmoins dj sensible en 2008. Le dficit budgtaire de lEtat qui vient dtre annonc est de 56 Md contre 42 Md en loi de finances initiale (LFI) et 49 Md prvus en octobre dernier. Les dficits des rgimes sociaux se sont accrus plus rapidement ds la fin 2008 et continueront se dgrader en 2009, leurs recettes tant plus directement lies la conjoncture : la croissance de la masse salariale sur laquelle sont assises les cotisations est tombe 0,2 % ds le 3me trimestre 2008. Les recettes des collectivits locales, en partie lies la fiscalit immobilire et celle sur les carburants, ont galement flchi. En consquence, le dficit des administrations publiques, qui ne sera connu qu la fin mars 2009, aurait atteint 3,2 % du PIB ds lexercice 2008.

    Dans son rapport au Parlement conjoint au projet de loi de finances rectificative pour 2008, la Cour a en outre dj not que certains programmes navaient pas t assez dots dans la loi de finances initiale pour 2008, sans que la loi de finances rectificative ne corrige suffisamment ces sous-dotations, ainsi que dans la LFI pour 20097. Les dficits annoncs par lEtat pour 2008 et 2009 pourraient donc tre minors par des reports de charges budgtaires sur les exercices suivants dont les dficits risquent de se trouver encore aggravs dautant.

    7) Une grande partie de ces sous-dotations (de lordre de 3 Md) concernent des transferts de lEtat la scurit sociale qui sont sans effet sur le dficit de lensemble des APU ; les autres portent sur des dpenses ayant un impact hauteur de 1 2 Md sur ce dficit global.

  • 8 COUR DES COMPTES

    C - Les mesures de financement de lconomie : un impact limit sur le dficit, plus sensible sur la dette

    Des mesures de financement de lconomie, principalement des banques, ont d tre prises dans lurgence en novembre 2008 pour des montants considrables. Il sagit surtout de prts et dapports en capital dont le rendement pourrait tre suffisant pour que leur effet sur le dficit public reste assez limit. En revanche, leur impact sur la dette publique au sens du trait de lUnion europenne sera sensible, bien quil soit encore incertain car ces financements sont apports par de nouvelles entits dont lEtat ne dtient souvent quune part minoritaire et dont le classement, dans ou hors des administrations publiques, nest pas encore dtermin.

    Parmi ces mesures, celles qui sont finances par les socits du groupe de la Caisse des dpts et des consignations (CDC) nauront probablement pas dimpact sur la dette publique. Il en sera sans doute de mme pour les emprunts mis par le Fonds stratgique dinvestissement (FSI) et, selon les prvisions du Gouvernement, pour ceux mis par la Socit de financement de lconomie franaise (SFEF) qui sont les plus massifs. Toutefois, le point de savoir si ces derniers, autoriss hauteur de 265 Md par la Commission europenne, ne doivent pas tre classs en dette des administrations publiques, est encore incertain.

    En revanche, les mesures destines au renforcement des fonds propres des banques travers la Socit de prise de participation de lEtat (SPPE) pseront hauteur de 1 point de PIB sur la dette publique et les apports en liquidits de lEtat au Fonds stratgique dinvestissement laugmenteront de 3 Md.

    Cet endettement nouveau du secteur public aura pour contrepartie des actifs financiers quil servira financer (prts et dotations en capital) et la dette nette ne devrait pas augmenter sensiblement.

    Pour sa part, le dficit public ne sera accru terme que si la rentabilit de ces actifs est infrieure au cot des emprunts ncessaires pour les acqurir. Cet impact sur le dficit pourrait donc tre limit mais il est trop tt pour le mesurer et une telle activit dintermdiation financire prsente par nature des risques. Le dficit public pourrait aussi tre augment si les garanties apportes par lEtat la SFEF taient mises en jeu.

  • LES FINANCES PUBLIQUES DANS LA CRISE 9

    Les mesures de financement de lconomie et leur traitement en comptabilit nationale

    Sous rserve dune analyse plus approfondie et des dcisions qui seront prises par lINSEE et Eurostat, les traitements suivants pourraient tre retenus en comptabilit nationale.

    La socit de prise de participation de lEtat destine apporter des capitaux propres aux tablissements financiers, dans la limite de 21 Md8 (dont 10,5 Md apports en dcembre 2008), serait classe dans les APU et sa dette incluse dans la dette publique. Toutefois, ses oprations devraient tre quilibres et donc sans effet sur le dficit public9.

    Beaucoup de nouveaux financements sont apports aux entreprises par la Caisse des dpts et consignations (CDC) ou ses filiales, comme le fonds stratgique dinvestissement qui est dot de 20 Md pour prendre des participations stratgiques dans des entreprises. Le dficit public sera major dans la mesure seulement o la rentabilit de ces oprations serait insuffisante et o cela conduirait la CDC rduire ses versements lEtat. Les apports en titres de participations de lEtat ces filiales de la CDC nauraient deffet ni sur la dette, ni sur le dficit public. En revanche, ne pouvant tre financs que par emprunt, les apports de lEtat en liquidits (3 Md) augmenteraient la dette publique.

    La socit de financement de lconomie franaise a t cre pour prter aux banques, dans la limite de 265 Md10, avec la garantie de lEtat. Etant donn sa nature financire et le caractre minoritaire de la part de lEtat, elle pourrait tre considre comme hors des APU. Son endettement ne serait alors pas compris dans la dette publique et le dficit public ne serait accru que si la garantie de lEtat devait jouer. Cependant, le contrle exerc sur elle par lEtat et les garanties quil apporte pourraient conduire examiner si elle ne doit pas tre incluse dans les APU et ses emprunts dans la dette publique.

    Au total, lensemble de ces dispositifs de financement pourrait avoir un impact faible sur le dficit, mais plus srement un effet durable, de 1 2 point de PIB au minimum, sur la dette des administrations publiques11.

    8) Montant autoris par la Commission europenne (le plan initial portait sur 40 Md). 9) Ses emprunts et les dotations en capital aux banques, considrs comme des oprations financires en comptabilit nationale, nont pas deffet sur le dficit public ; ses produits et charges financires seront en principe quilibrs, voire excdentaires, compte tenu du taux dintrt pay par les banques sur les titres subordonns souscrits par la socit. 10) Montant autoris par la Commission, le plan initial portant sur 320 Md. 11) Hors SFEF.

  • 10 COUR DES COMPTES

    D - Les mesures de relance : un impact en principe temporaire sur le dficit

    Le plan de relance annonc le 4 dcembre 2008 comprend, en principe, pour lessentiel des mesures rversibles et temporaires ayant pour seul effet de nous carter temporairement de la trajectoire de retour lquilibre des comptes publics.

    Il comporte notamment : des mesures de trsorerie en faveur des entreprises (remboursements anticips dimpts) qui sont par nature temporaires ; une acclration des programmes dinvestissement qui devrait se traduire par un pic dinvestissement autour de 2010 suivi dun retour au niveau prvu initialement dans la loi de programmation en 2012 ; des mesures ponctuelles en faveur de certains secteurs (automobile, immobilier) et des mnages les plus dfavoriss (prime de solidarit active). Enfin, certaines dpenses sont la charge dentreprises publiques (SNCF, La Poste) qui se situent hors du champ des APU mais ces entreprises devront sans doute lavenir soit verser moins de dividendes lEtat, soit lui demander plus de subventions. Ces dpenses seraient nanmoins elles aussi temporaires.

    Ce plan contribuerait, selon le gouvernement, augmenter de 18,5 Md le dficit public de 2009, qui atteindrait ainsi 4,4 % du PIB. Il nest cependant pas assur que ces mesures restent toutes temporaires.

    E - Un effet total massif et durable sur la dette mme sil restait temporaire sur le dficit

    Au total, si lon considre la fois le flchissement des recettes, les mesures de financement et le plan de relance, le dficit sera nettement accru, surtout en 2009 et 2010. Cette aggravation rsultera, pour la plus grande partie de la chute des recettes, secondairement du plan de relance de dcembre et marginalement du plan de financement de lconomie de novembre.

    Mme si lincidence de ces facteurs sur le dficit est temporaire, leffet sur lendettement public sera massif et durable.

    Lendettement sest dj fortement accru en 2008. La dette financire de lEtat a dpass pour la premire fois les 1000 Md en octobre 2008 (contre 945 Md fin 2007) et la dette des administrations publiques approchait les 1 300 Md la fin de 2008, soit 50 000 par actif occup contre 47 000 la fin de 2007.

  • LES FINANCES PUBLIQUES DANS LA CRISE 11

    La loi de programmation table sur une augmentation de la dette des APU de 63,9 % du PIB fin 2007 70,5 % fin 2010, suivie dune dcrue permettant de revenir 68,6 % en 2012.

    Mme si les prvisions du gouvernement taient respectes, avec notamment un cot temporaire du plan de relance et un retour de la croissance en 2010, et si la dette amorait bien une dcrue partir de 2011, ces volutions, prises dans leur ensemble, conduiraient, par rapport une dette des APU de 1210 Md fin 2007, un endettement supplmentaire de 250 Md en 2010 et de plus de 300 Md en 2012.

    La dette publique en % du PIB depuis 1978 et selon les prvisions du gouvernement

    20,0

    30,0

    40,0

    50,0

    60,0

    70,0

    80,0

    1978

    1980

    1982

    1984

    1986

    1988

    1990

    1992

    1994

    1996

    1998

    2000

    2002

    2004

    2006

    2008

    2010

    2012

    INSEE Prvision gouvernement

    Source : INSEE jusqu 2007 et prvisions du gouvernement partir de 2008.

    II - Le cadre dune gestion soutenable long terme des finances publiques

    Les volutions des finances publiques qui viennent dtre dcrites les situent durablement hors des repres traditionnels. Cette ralit ne doit pas tre occulte par des prvisions qui seraient nouveau trop optimistes dans le seul but dafficher un retour rapide lquilibre. De nouveaux repres, adapts ces circonstances, doivent tre fixs et la Cour, qui formulera des propositions plus compltes dans son rapport de juin prochain, prsente ds maintenant les lments dun cadre danalyse qui

  • 12 COUR DES COMPTES

    pourrait contribuer une gestion soutenable long terme des finances publiques.

    A - Stabiliser le plus vite possible puis rduire lendettement

    La dgradation de la conjoncture et les mesures de soutien de lactivit conduisent invitablement une augmentation du dficit public, mais celle-ci doit tre limite et contrle pour ne pas tre contre-productive. La perception par les mnages et entreprises dune dtrioration trop forte des finances publiques serait en effet de nature amoindrir encore plus leur confiance dans lavenir12. Les dveloppements qui suivent prcisent les modalits dune gestion soutenable long terme des finances publiques.

    Les intrts de la dette des APU ont reprsent en 2007 la quasi-totalit du produit de limpt sur le revenu et, plus la dette est leve, plus ils mobilisent une part importante des ressources publiques, au dtriment des autres dpenses. Mme si le schma du gouvernement est respect, le surcrot de dette en 2010 induirait des charges dintrts supplmentaires de 10 Md, ce qui reprsente quatre cinquimes du produit de la taxe dhabitation. Alors que ces charges slevaient 2 000 par actif occup en 2007, comme la Cour lavait relev en juin 2008, elles slveraient 2 400 en 2010.

    Ces dettes auront partiellement pour contrepartie de nouveaux actifs mais la crise a aussi pour effet de dvaloriser les actifs prcdemment acquis par les administrations publiques13 (biens immobiliers, participations dans les entreprises publiques). Le potentiel de ressources susceptibles dtre mobilises par lEtat en vendant des actifs sest fortement contract. Quant au Fonds de rserve des retraites, dont environ 60 % des actifs sont investis en actions, il subit de plein fouet la chute des marchs financiers. La performance de ses placements a t fortement ngative en 2008 (-14,5 % au 30 septembre), mme si elle reste positive (3,4 % par an en moyenne) depuis sa cration.

    Le recours lemprunt est certes toujours possible, pour financer la fois le remboursement de la dette et les charges dintrt, mais il porte en lui le risque dune croissance exponentielle de lendettement. Une politique des finances publiques ne peut reposer sur lhypothse dune

    12) Selon un sondage France Info / France 5 ralis le 20 novembre 2008, 54 % des franais pensent que la France peut faire faillite . 13) Dans sa certification des comptes de lEtat pour 2008, la Cour auditera la manire dont cette dvalorisation aura t rpercute dans le bilan de lEtat au 31 dcembre.

  • LES FINANCES PUBLIQUES DANS LA CRISE 13

    augmentation indfinie du ratio dette/PIB. Il faut toujours finir par stabiliser ce ratio, et plus il est dj lev, plus cette stabilisation est difficile.

    En effet, plus il est lev, plus lexcdent primaire, c'est--dire la diffrence entre les recettes et les dpenses hors intrt, ncessaire pour le stabiliser est lui-mme lev. Or, pour augmenter le solde primaire, il faut soit rduire les dpenses publiques hors intrts, soit augmenter les prlvements obligatoires, ce qui suppose des rformes difficiles. Il nexiste pas de limite infranchissable du ratio dette sur PIB, et le seuil de 60 % du PIB fix par le trait de Maastricht nen est pas une au plan strictement conomique, mais il est ncessaire de stabiliser ce ratio un niveau suffisamment bas pour que ces efforts restent acceptables.

    Divers facteurs peuvent tre pris en considration pour dterminer le niveau acceptable du ratio dette/PIB : le poids des charges dintrt ; la capacit des marchs financer durablement bas taux une dette leve dans un contexte de fort accroissement de lensemble des dettes publiques dans le monde ; le taux des prlvements obligatoires ; le montant des actifs financiers qui peuvent tre mobiliss pour rduire la dette ; le poids des engagements long terme (retraites) non compris dans la dette publique.

    Dans le cas de la France, lensemble de ces facteurs et notamment le poids des charges financires et le niveau des prlvements obligatoires convergent pour quun rquilibrage rapide des comptes publics reste un objectif prioritaire ds que la croissance de lactivit aura repris, de manire stabiliser le ratio dette/PIB puis le rduire significativement.

    B - Les grandes orientations de la loi de programmation encore pertinentes

    Lvolution des dficits prvue par la loi de programmation pluriannuelle sera trs fortement affecte par les effets de la crise, notamment sur les recettes, mais deux orientations majeures de la loi gardent toute leur pertinence pour rduire le dficit structurel : la matrise des dpenses publiques dont la croissance doit tre limite en volume 1 % par an, hors plan de relance ; la scurisation des recettes qui signifie que les mesures fiscales et sociales nouvelles ne doivent pas avoir globalement pour effet de les rduire sur la priode de programmation.

    La loi de programmation a renforc cette scurisation des recettes par des dispositions spcifiques aux dpenses fiscales et niches sociales, comme le recommandait la Cour : les crations ou extensions de dpenses fiscales ou de niches sociales doivent tre globalement compenses par

  • 14 COUR DES COMPTES

    des suppressions ou diminutions dautres dispositifs de ce type pour un montant quivalent14.

    Si ces orientations taient respectes, ce qui nest pas acquis, le dficit structurel pourrait sapprocher de zro en 2012. Le dficit effectif, qui est gal au dficit structurel augment des pertes de recettes imputables la conjoncture, convergerait lui aussi, plus tard, vers zro si la croissance repartait ds 2010 au rythme attendu par le Gouvernement. Lobjectif dquilibre des comptes des APU moyen terme donn par la rforme constitutionnelle de juillet dernier aux lois de programmation des finances publiques serait alors respect. Le dficit tendant vers zro, la dette pourrait tre stabilise, puis dcrotre.

    Ces rsultats seront cependant lvidence trs difficiles obtenir. En particulier, ils ne le seront que si la croissance retrouve son rythme tendanciel antrieur, soit 2,2 % par an15.

    Leur ralisation suppose aussi que les mesures de financement et de relance prises en novembre et dcembre, comme celles qui pourraient tre prises ultrieurement, naient quun impact limit et temporaire sur le dficit. Or lexprience enseigne que les mesures de soutien des secteurs conomiques ou des catgories de mnages prvues pour tre seulement temporaires tendent tre prennises et quil est difficile de ne pas accorder un soutien quivalent dautres secteurs ou dautres mnages.

    Il est donc ncessaire de prendre des dispositions pour que ces mesures restent dun montant et dune dure strictement limits. La dcision dinscrire les dpenses du plan de relance dans une mission spcifique du budget de lEtat va dans ce sens. Applique toutes ces dpenses, elle devrait permettre de les isoler, de faciliter leur suivi et de ne pas mettre en risque lapplication de la programmation pluriannuelle pour les autres missions budgtaires.

    C - La ncessit de nouvelles rformes

    Dans son rapport de juin dernier, la Cour avait soulign que, si une limitation 1 % par an de la croissance des dpenses publiques tait ncessaire et possible, au regard des rsultats obtenus dans dautres pays, le gouvernement ne stait pas donn les moyens dy parvenir.

    14) De plus, le Gouvernement doit prsenter chaque anne un objectif annuel de cot des dpenses fiscales et niches sociales ainsi quun bilan des mesures nouvelles. Dans les trois ans suivant lentre en vigueur dune mesure nouvelle, il doit en prsenter une valuation au Parlement. Ces deux mesures avaient t prconises par la Cour. 15) Rythme observ depuis le premier choc ptrolier et sur les dix dernires annes.

  • LES FINANCES PUBLIQUES DANS LA CRISE 15

    Pour contenir la croissance des dpenses 1 % en volume par an, il faut conomiser 50 Md lhorizon de 2012 par rapport leur volution tendancielle16. Or, la rvision gnrale des politiques publiques a t interrompue alors que les mesures dcides, qui ne concernent pratiquement que les dpenses de fonctionnement, dgageront, selon les estimations du gouvernement, une conomie de seulement 6 Md cet horizon. Leur extension aux dpenses dintervention, comme cela tait initialement envisag, est une condition ncessaire pour atteindre un volume suffisamment significatif dconomies.

    La fixation des crdits qui seront allous chaque mission du budget de lEtat pour les annes 2009 2011 dans la loi de programmation constitue certes une innovation majeure et plusieurs facteurs contribuent crdibiliser ce budget triennal : en particulier, les revalorisations du point de la fonction publique ont t dcides pour les trois ans venir, avant le dpt du projet de loi de programmation qui en intgre donc leffet sur la masse salariale ; la rvision la baisse des perspectives dinflation, alors que les crdits de ce budget triennal sont exprims en euros courants et ne seront pas ajusts la baisse, facilite son excution, certes au dtriment de la modration, en volume, des dpenses17.

    Toutefois, mme si les dpenses lies au plan de relance sont strictement cantonnes, les pressions seront fortes pour augmenter les autres crdits, notamment ceux des programmes sociaux. Les crdits mis en rserve dans le budget triennal pour faire face des besoins nouveaux seront insuffisants si de nouvelles sources dconomies ne sont pas rapidement exploites. La crise ne fait que renforcer la ncessit de trouver de nouvelles conomies pour dgager des marges daction.

    Le retour un quilibre structurel des comptes de la scurit sociale est particulirement ncessaire et ne viendra que de rformes profondes permettant de matriser la croissance des dpenses. Les derniers mois ont t marqus par le dpt dun projet de loi sur lhpital et le vote de la loi de financement de la scurit sociale pour 2009. Ces textes comportent des dispositions visant amliorer la gouvernance du systme de sant, avec la cration des agences rgionales de la sant, et son efficacit, avec par exemple de nouvelles possibilits de rapprochements entre tablissements hospitaliers. Mais ces rformes nauront deffets positifs qu long terme alors que la situation financire

    16) Lobjectif de croissance des dpenses a t ramen de 1,1 1,0 % par an, ce qui conduit relever leffort ncessaire sur 4 ans de 45 50 Md. 17) Si les dpenses sont maintenues en euros courants et si linflation est plus faible, les dpenses en volume seront plus leves.

  • 16 COUR DES COMPTES

    de nombreux hpitaux est dj inquitante18. En matire de retraites, des mesures complmentaires seront ncessaires pour assurer lquilibre moyen et long termes de la branche dont le dficit sest fortement aggrav en 2008.

    Le gouvernement attend enfin toujours une inflexion trs forte des dpenses locales (1,25 % par an contre 3,25 % sur 1998-2007 hors impact des transferts de comptences lies la dcentralisation) qui est trs hypothtique. Face au ralentissement de leurs ressources, il est plus probable que les collectivits territoriales augmentent les taux dimposition, notamment au dbut dune nouvelle mandature communale, ou maintiennent leur besoin de financement au mme niveau et continuent sendetter, malgr les difficults de certaines dentre elles pour emprunter.

    La modration des dpenses locales ne peut venir que de rformes structurelles portant sur leur organisation, la rpartition de leurs comptences19 et certains des dispositifs quelles ont financer. Le Comit pour la rforme des collectivits locales a reu pour mission danalyser ces sujets et den tirer des propositions.

    Quil sagisse des dpenses sociales, de lEtat ou des collectivits locales, les rformes sont certes plus difficiles dans un contexte de ralentissement conomique, mais elles sont ncessaires pour assurer la soutenabilit long terme des finances publiques et contribuer maintenir la confiance dans lavenir. Une politique conjoncturelle active rend dautant plus impratif de suivre un cap stable de rduction du dficit structurel.

    D - Un pilotage infra annuel resserrer

    Le pilotage des finances publiques en priode de crise conomique, o les volutions sont souvent brutales, suppose de disposer rapidement dinformations fiables sur la situation financire des administrations publiques pour pouvoir anticiper et ragir temps.

    Le suivi infra annuel des comptes publics a fait des progrs non ngligeables au cours de ces dernires annes et les ministres chargs de lconomie et du budget disposent de ltat des dpenses et recettes de

    18) Les versements de lassurance maladie aux hpitaux ne couvrent plus automatiquement toutes leurs charges et ceux-ci ont t amens emprunter pour financer la forte croissance de leurs investissements si bien que leur besoin de financement, quasiment nul en 2004, a atteint 2 Md en 2007. 19) Le bilan dtape de lintercommunalit prsent par la Cour dans ce rapport donne des exemples de mesures ncessaires dans ce domaine.

  • LES FINANCES PUBLIQUES DANS LA CRISE 17

    lEtat, du rgime gnral de scurit sociale et des collectivits locales au bout de un deux mois.

    Ces informations prsentent toutefois encore des lacunes. Par exemple, les informations disponibles sur lassurance maladie ne permettent pas de suivre en cours danne les dpenses et la situation financire des hpitaux ; si lEtat connat les subventions quil verse ses oprateurs, leur situation financire et leurs effectifs demeurent pour beaucoup mal connus.

    Surtout, passer de lobservation des recettes et dpenses sur les premiers mois de lanne une prvision dexcution sur lensemble de lexercice suppose de rassembler plus dinformations et de faire appel des techniques de prvision relativement complexes, notamment pour ce qui concerne les recettes.

    Toutefois, ces prvisions demeurent de qualit ingale. Les outils de prvision des caisses de scurit sociale ont t amliors. La rforme de 2005 du contrle exerc par ses reprsentants dans les ministres a permis la direction du budget denrichir ses prvisions de dpense, mais ingalement dun ministre lautre. Les progrs sont rests plus limits en matire de prvision des recettes et dpenses locales, comme la montr lcart entre prvisions et rsultats pour lexercice 2007.

    Au-del dune meilleure connaissance, de nouveaux mcanismes doivent permettre de corriger les ventuelles drives. Les circonstances actuelles conduisent ainsi la Cour ritrer ses recommandations sur le renforcement du dispositif dalerte relatif aux dpenses de lassurance maladie20.

    Pour viter les annulations intempestives qui perturbaient autrefois la gestion des crdits de lEtat en cours dexercice, une partie des crdits de chaque programme est mise en rserve ds le dbut de lanne. Cette rserve est toutefois rpartie en pratique de manire trs forfaitaire entre les programmes et affecte donc des dpenses obligatoires ou inluctables si bien quune grande partie doit tre dgele avant la fin de lanne.

    Les marges relles de redploiement sont en ralit trs faibles par rapport aux besoins douverture de crdits qui naissent de circonstances nouvelles et, surtout, de la sous dotation de certains programmes ds la LFI. Les annulations de crdits rsultant des dcrets davance et de la LFR sont souvent insuffisantes pour compenser les besoins nouveaux et les sous dotations initiales, ce qui se traduit par la prennisation de reports

    20) Abaissement du seuil, en termes dcart des dpenses par rapport lobjectif, partir duquel le comit dalerte notifie un dpassement de lONDAM ; annonce des mesures correctrices ventuelles ds le dbat sur la loi de financement.

  • 18 COUR DES COMPTES

    de charges budgtaires dun exercice sur lautre ou une drive des dpenses et du dficit sil sagit de crdits valuatifs. Le pilotage des dpenses de lEtat ne pourra faire de progrs sensibles que lorsque les programmes seront dots de manire sincre ds la loi de finances initiale. ______________________ CONCLUSION _____________________

    Dans la crise actuelle, les finances publiques sont utilises pour contribuer soutenir lactivit conomique court terme mais la France a abord la rcession avec des finances publiques sensiblement plus dgrades que celles de ses voisins europens. Sous peine daccrotre excessivement la charge dintrts supporte par les Franais, lendettement ne peut pas augmenter indfiniment. Il convient donc de runir les conditions dun rquilibrage des comptes et dune stabilisation de lendettement moyen terme.

    Les principales orientations de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques - matrise de la croissance des dpenses publiques autres que celles, temporaires, dcides pour faire face la crise, et scurisation des recettes sont cet gard bonnes et ne doivent pas tre abandonnes.

    Mme en conservant ces orientations, les dficits vont fortement augmenter sous les effets des mesures de relance de lactivit, dune part, et surtout du ralentissement des recettes induit par la crise conomique, dautre part. Lobjectif de retour lquilibre des finances publiques ne pourrait tre atteint qu deux conditions.

    Dune part, les mesures de relance de lconomie annonces dbut dcembre 2008 doivent tre effectivement temporaires, ce qui nest pas acquis.

    Dautre part, la croissance des dpenses publiques doit tre rellement matrise. Or, la Cour avait soulign dans son rapport de juin dernier que les rformes entreprises jusque l taient insuffisantes pour limiter cette croissance 1 % en volume par an. Le diagnostic reste aujourdhui le mme. Les rformes structurelles sont certes plus difficiles mettre en uvre lorsque la situation conomique est mauvaise mais elles nen sont que plus ncessaires. La dure vraisemblablement longue des difficults venir pour les finances publiques doit conduire ne pas attendre le redressement de la conjoncture pour procder aux ajustements structurels, sous peine de les diffrer trop longtemps.

  • LES FINANCES PUBLIQUES DANS LA CRISE 19

    RPONSE DE LA MINISTRE DE LCONOMIE, DE LINDUSTRIE ET DE LEMPLOI ET

    DU MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE

    Nous tenons tout dabord souligner la qualit de linsertion Les finances publiques dans la crise et nous nous flicitons que les proccupations de la Cour rejoignent largement les ntres.

    1. Nous partageons largement lanalyse de la Cour au sujet de limpact de la crise sur les finances publiques

    La Cour relve que la dgradation des perspectives de finances publiques pour 2009 et 2010 par rapport au projet de loi de finances est imputable dune part la rvision la baisse des perspectives de croissance, et dautre part la mise en uvre de mesures ncessaires dans un contexte de crise financire puis conomique.

    Toutefois, certaines apprciations portes par la Cour mriteraient dtre nuances :

    - Sur les hypothses de croissance conomique

    Le rapport conomique, social et financier annex au Projet de loi de finances pour 2009 prvoyait une croissance comprise entre 1,0 % et 1,5 % en 2009, le projet de loi de finances pour 2009 lui-mme tant construit, par prudence, sur lhypothse basse, soit 1,0 %. Le Groupe technique de la Commission Economique de la Nation, qui runit les conomistes de banques et dinstituts privs auquel le Gouvernement confronte ses prvisions, estimait la mme priode la croissance 0,8 % en 2009. Par ailleurs, le Consensus forecast de septembre 2008 prvoyait, quant lui, une croissance du PIB de 1,0 % en 2009. Les hypothses de croissance du projet de loi de finances pour 2009 taient donc tout fait consensuelles au moment du dpt au Parlement.

    A la suite du dclenchement de la crise financire en octobre 2008, les prvisions de croissance du Gouvernement ont t actualises au mois de novembre fait sans prcdent avec une prvision pour 2009 sous la forme dune fourchette comprise entre 0,2 % et 0,5 % en 2009, lhypothse la plus basse jamais utilise pour un PLF. Le Gouvernement a ainsi fait preuve dune ractivit sans prcdent, permettant un ajustement des hypothses de construction du PLF 2009 avant son adoption par le Parlement.

  • 20 COUR DES COMPTES

    - Sur leffet du plan de sauvetage du systme financier sur les finances publiques

    La Cour rappelle que les dispositions du plan de sauvetage du systme financier nont quun impact limit sur les finances publiques : les garanties de lEtat sont rmunres au taux de march ; les apports en capitaux galement rmunrs - jouent mcaniquement la hausse sur la dette publique brute mais naffectent pas la dette publique nette et le dficit public.

    Ces oprations pourraient dailleurs avoir in fine un impact positif sur les finances publiques, dans la mesure o les oprations de prt et dapports en capital sont rmunres des conditions favorables pour les administrations publiques et pourraient ainsi permettre de rapporter plus que les cots induits par les missions de dette pour financer les acquisitions dactifs.

    Enfin, lorsquelle mentionne limpact des prises de participation des administrations publiques sur la dette brute, la Cour omet de mentionner que cet impact dfavorable na pas vocation tre prenne. En effet, les participations en question ont vocation tre cdes. En cas de cession avec plus-value, le niveau de dette brute redeviendrait infrieur celui quaurait connu la France si cette opration navait pas eu lieu.

    - Sur linfluence du plan de relance de lconomie sur les finances publiques

    La Cour souligne juste titre que les mesures prises dans le cadre du plan de relance sont pour lessentiel temporaires et rversibles : mesures de trsorerie, acclration des programmes dinvestissement, renforcement des politiques de lemploi et mesures ponctuelles en faveur des mnages les plus exposs la crise. Le cot du plan de relance pour les finances publiques sera ds lors concentr en 2009 (autour de 0,8 point de PIB) et rduit en 2010 (infrieur 0,1 point de PIB) ; ds 2011, certaines conomies permettront de compenser le supplment de charges dintrts verses au titre de cet endettement supplmentaire.

    Nous nous flicitons que la Cour juge opportune la dcision disoler les mesures du plan de relance dans une mission spcifique du budget de lEtat : cela facilitera leur suivi et, partant, limitera les risques de prennisation des dpenses engages ce titre.

    2. Nous rejoignons la Cour sur la ncessit renforce, dans ce contexte de crise, de dfinir un cadre pour une gestion soutenable long terme des finances publiques, malgr quelques divergences dapprciation ponctuelles.

    La Cour rappelle que les grandes orientations de la loi de programmation des finances publiques restent pertinentes dans la crise. En effet, en assurant un retour moyen terme lquilibre structurel des comptes publics, elle garantit la soutenabilit des finances publiques, facteur

  • LES FINANCES PUBLIQUES DANS LA CRISE 21

    qui contribue fort opportunment restaurer la confiance des mnages dans une priode de grande incertitude.

    Pour atteindre cet objectif de moyen terme, la stratgie du Gouvernement est claire et repose sur la matrise des dpenses publiques, qui, hors mesures exceptionnelles lies la crise, doivent rester sur un sentier de croissance en volume de lordre de 1 -1 % par an.

    Tout en reconnaissant la pertinence de cette stratgie, la Cour juge que des rformes supplmentaires pourraient tre envisages pour renforcer la matrise des dpenses, pointant en particulier les risques de drapage des dpenses locales et sociales.

    Or, plusieurs facteurs concourent renforcer la crdibilit des objectifs en dpense prsents dans le programme de stabilit et la loi de programmation des finances publiques, mme si force est de reconnatre que lincertitude macroconomique est trs leve :

    En premier lieu, le passage dune programmation pluriannuelle trs gnrale et labore par le seul Gouvernement, critique ce titre par la Cour, une loi de programmation des finances publiques, vote par le Parlement et dcline pour ltat en une programmation dtaille de ses dpenses sur trois ans, constitue un progrs majeur, la fois pour la scurisation de la trajectoire de retour lquilibre et pour la visibilit daction des gestionnaires. Sagissant des dpenses de ltat et contrairement ce quindique la Cour plusieurs reprises, le budget pluriannuel de ltat se caractrise par un effort significatif de remise niveau des dotations qui ont pu, par le pass, faire lobjet dune budgtisation insuffisante. Cet effort, indispensable la soutenabilit du budget pluriannuel, est particulirement marqu pour lanne 2009. Comme indiqu dans le rapport annex la loi de programmation des finances publiques, le projet de loi de finances pour 2009, dpos au Parlement en septembre dernier, intgrait environ 1 Md de remise niveau de dotations, portant notamment sur les exonrations de charges sociales, notamment outre-mer, lhbergement durgence ou encore les oprations de maintien de la paix. En matire de dpense sociale, la dmarche de matrise des dpenses entreprise en 2008 sera maintenue sur la priode 2009-2012. La limitation de la progression de lobjectif national de dpenses dassurance-maladie de lensemble des rgimes obligatoires de base (ONDAM) 3,3 % en valeur entre 2009 et 2012, sera notamment rendue possible par une meilleure efficience du secteur hospitalier, lie la mise en uvre de la future loi hpital, patients, sant et territoires . Celle-ci modernisera le statut et la gouvernance des tablissements de sant et crera de nouvelles modalits de coopration entre les tablissements. Les dpenses dassurance vieillesse bnficieront quant elles, sur la priode de programmation, de la majoration de la dure

  • 22 COUR DES COMPTES

    dassurance ncessaire pour bnficier dune pension de retraite taux plein, qui augmentera dun trimestre par an partir de la gnration ne en 1949 (qui aura 60 ans en 2009), pour atteindre 41 annuits pour la gnration ne en 1952 (qui aura 60 ans en 2012). Sagissant des dpenses locales, la programmation table sur un ralentissement important au regard des volutions passes, compatible avec un retour progressif lquilibre des finances locales sans hausse des prlvements obligatoires. Au regard des cycles conomiques passs, lassainissement des finances locales nest pas hors datteinte, dautant plus que plusieurs lments devraient y concourir plus particulirement lors du prochain cycle :

    La cration dun Comit pour la rforme des collectivits locales , prsid par Edouard Balladur, devrait permettre de retrouver une organisation plus efficiente des diffrents niveaux de collectivits. Par ailleurs, la fin de la monte en charge de certaines prestations (allocation personnalise dautonomie, prestation de compensation du handicap) devrait conduire un ralentissement des dpenses sociales.

    En outre, le Gouvernement sengage au ct des collectivits locales dans la matrise de leurs dpenses, en les associant la dfinition de la politique salariale de la fonction publique ; la limitation de la progression du point fonction publique sur les trois prochaines annes leur ouvrira des marges de manuvre budgtaires.

    La Cour juge raison que la crise fait grandir le besoin de pilotage infra annuel des finances publiques, notamment pour garantir une bonne excution des dpenses et une information prcise sur les recettes publiques. Nous sommes reconnaissants la Cour de mentionner les nombreux progrs raliss en la matire ces dernires annes. A cet gard, dans le domaine des finances sociales, deux initiatives rcentes mriteraient galement d'tre soulignes :

    Il s'agit tout d'abord de la ractivation du "Comit de suivi de l'ONDAM" par les ministres de la sant et du budget. Ce comit, qui n'est prvu par aucun texte, est plac sous la prsidence des deux ministres. Il runit les principales administrations et les principaux oprateurs concerns (CEPS, CNAMTS) et vise assurer un meilleur pilotage des finances de l'assurance maladie en sassurant de la mise en uvre des mesures dconomie ncessaires. Il a t runi le 22 avril 2008 et une nouvelle runion doit se tenir dbut fvrier 2009.

    Par ailleurs, l'article 38 de la LFSS 2009 a prvu que le rapport sur les "charges et produits" de l'assurance maladie que l'UNCAM transmet chaque anne au Gouvernement et au Parlement soit accompagn d'un bilan dtaill de la mise en uvre et de l'impact financier des mesures de

  • LES FINANCES PUBLIQUES DANS LA CRISE 23

    la dernire loi de financement de la scurit sociale vote, ainsi que des ngociations avec les professionnels de sant.

    Dans la continuit de ces progrs, la poursuite de lamlioration de notre systme dinformation et de la qualit des prvisions pourra encore renforcer lefficience des systmes dalerte (tels que celui en vigueur pour lONDAM).

    Enfin, nous savons gr la Cour de souligner que la scurisation des recettes publiques constitue un lment essentiel de lassainissement des comptes publics : ce principe est dclin concrtement par le Gouvernement sous la forme dun engagement de stabilit globale du taux de prlvements obligatoires entre 2008 et 2012.

  • Chapitre II

    Services de lEtat et organismes publics

  • L'assiette des impts locaux : la dtermination des bases cadastrales

    et leur gestion par les services de lEtat

    _____________________ PRESENTATION ____________________ La Cour a conduit, dans les services fiscaux, une enqute sur la

    manire dont ils tablissent et grent les valeurs locatives servant dassiette aux impts directs locaux, afin den valuer lefficience.

    Les taxes directes locales qui apportent aux collectivits locales 66,1 Md de recettes, sont le rsultat du produit dune assiette (les bases cadastrales tablies par lEtat) par un taux, vot par les collectivits territoriales, chacune pour ce qui la concerne. Le lgislateur a, en effet, souhait instaurer une dualit de responsabilit dans la dtermination du montant des taxes locales.

    Les modes de gestion des bases sont ainsi au cur de la relation entre lEtat et les collectivits territoriales. La mesure de leur efficience revt un intrt particulier dans le contexte des rflexions institutionnelles en cours sur les comptences et les ressources de ces dernires. En outre, la conjoncture financire et conomique, marque par un ralentissement de la construction, est de nature ralentir le dynamisme spontan des bases cadastrales, rendant dautant plus ncessaire la modernisation de leur gestion.

    Lenqute de la Cour sest droule un moment o les services fiscaux faisaient lobjet dune double rorganisation avec la fusion entre les centres des impts et les centres des impts fonciers au sein de lex direction gnrale des impts (DGI), et la fusion de cette dernire avec la direction gnrale de la comptabilit publique (DGCP) pour former la direction gnrale des finances publiques (DGFIP).

  • 28 COUR DES COMPTES

    La Cour a examin les modes dorganisation retenus pour la gestion des bases cadastrales, lvolution des effectifs chargs de cette mission et le cot de celle-ci pour lEtat. Elle a galement mesur les rsultats obtenus au regard du rendement de limpt mais aussi de sa transparence et de son quit, afin dapprcier lefficacit fiscale du dispositif mis en uvre.

    Les impts assiette cadastrale

    Les impts locaux dont lassiette procde, partiellement ou totalement, des bases cadastrales, constituent une ressource majeure pour les collectivits territoriales.

    Selon la DGFIP, les ressources de fonctionnement de lensemble des collectivits territoriales (communes, dpartements, rgions, collectivits fiscalit propre), en 2007, se sont leves 169,7 Md dont 66,1 Md pour les impts dont lassiette est totalement ou partiellement fonde sur les bases cadastrales.

    Cinq impts sont concerns :

    - les deux taxes foncires, btie et non btie (15,25 Md en 2007) : lassiette repose sur la valeur locative cadastrale laquelle est applique un abattement de 50% pour le bti et 20 % pour le non bti ;

    - la taxe dhabitation (19,2 Md en 2007) : lassiette repose sur la valeur locative de limmeuble occup ;

    - la taxe professionnelle (26,8 Md en 2007) : lassiette est beaucoup plus complexe et les bases cadastrales y interviennent hauteur de 16 % ;

    - la taxe denlvement des ordures mnagres (4,8 Md en 2007) : son assiette est tablie daprs le revenu net servant de base la taxe foncire sur les proprits bties.

    Si les ressources dont ont dispos les collectivits locales, en 2007, au titre de ces cinq impts se sont leves 66,1 Md, ce chiffre ne correspond pas au montant acquitt par le contribuable local pour deux raisons : lEtat a pris sa charge 16 Md afin de compenser des exonrations et dgrvements divers ; en revanche, le produit vot et peru par les collectivits territoriales est augment dun prlvement (5,5 Md en 2007) correspondant aux frais de gestion perus par l'Etat.

    L'enqute de la Cour montre que le processus dtablissement des bases cadastrales par la DGFIP est dune grande opacit : il est la fois exagrment complexe, fragile, et dun cot mal cern. En outre, labsence de rvision gnrale des bases depuis 1970, combine une mise en uvre trop restreinte des procdures dactualisation par les services fiscaux, dans le cadre du droit existant, produit une situation obsolte et inquitable.

  • L'ASSIETTE DES IMPTS LOCAUX 29

    I - Un processus opaque

    Les oprations permettant de dterminer la valeur locative dun bien constituent une chane longue et complexe, marque par de nombreuses fragilits, au cot mal identifi.

    A - Une chane doprations longue et complexe

    Les modalits de dtermination de la valeur locative varient selon que le bien est usage dhabitation, usage commercial ou est un btiment industriel. Lnumration qui suit en montre lextrme et excessive complexit :

    1 - Les proprits usage dhabitation

    Les proprits usage dhabitation reprsentent 30 millions de locaux. Le calcul de leur valeur locative revient multiplier une surface pondre, obtenue aprs de nombreuses oprations, par le tarif de la catgorie dans laquelle est class le bien.

    Treize tapes sont suivies par les agents de ladministration fiscale :

    1. La proprit usage dhabitation est dabord classe dans une catgorie21 en fonction des lments de confort quelle est suppose dtenir.

    Il existe huit catgories, elles-mmes divises22 en sous catgories (6M ; 6, 5M, 5), allant du local trs dgrad (catgorie 8) au grand luxe (catgorie 1). Les dpendances isoles sont classes de la catgorie A D et celles de pur agrment de CA DA.

    2. La surface pondre comparative est ensuite calcule.

    21) Article 324 H de lannexe III du code gnral des impts (CGI) 22) Annexe III, article 324 F du CGI

  • 30 COUR DES COMPTES

    Ladministration fiscale part dune surface de rfrence, dite surface relle dans le CGI, correspondant au nombre de mtres carrs au sol. Ce mode de calcul de la surface est diffrent des rgles imposes au march immobilier (calcul en loi Carrez) qui ne prennent en compte que les surfaces dont la hauteur sous plafond est suprieure 1,80 mtre. Cette surface de rfrence est pondre par lappartenance la catgorie au terme dun calcul ralis travers trois tranches de superficie. Pour une maison individuelle, les premiers 20 m2 sont affects dun coefficient variant de 3 (catgorie 1) 1,10 (catgorie 8) ; les mtres carrs suivants sont affects dun coefficient uniforme de 0,90 jusqu un plafond correspondant la norme de la catgorie ; les mtres carrs supplmentaires par rapport la norme de la catgorie sont affects dun coefficient de 0,75. Dans un immeuble collectif, les premiers 20 m2 sont affects dun coefficient de pondration variant de 2,60 1,05.

    3. La surface pondre nette est alors dtermine, grce un correctif appliqu la surface pondre comparative, pour tenir compte de ltat dentretien de la partie principale.

    4. Un coefficient de situation gnrale et particulire est affect la surface pondre nette en fonction de la situation gnrale du bien dans la commune (proximit ou loignement du centre ville, cadre tranquille, risques dinondation) et de sa situation particulire (exposition, prsence despaces verts, prsence ou absence de dpendances non bties).

    5. Le confort de lhabitation est examin pour obtenir une quivalence superficielle. Les divers lments, supposs illustrer un surcrot ou une dficience de confort, ajoutent ou retranchent des mtres carrs.

    Ainsi, une salle de bains augmente la surface de 5m2. Chaque pice de lhabitation bnficiant dun chauffage central accrot la surface de 2 m2. Un vide-ordures compte pour 3 m2 et leau courante pour 4 m2.

    6. Les mmes calculs sont effectus pour les dpendances tels que garages, places de stationnement, hangarsUn garage ou une place de stationnement dans un garage collectif dot dune prise deau courante est, par exemple, davantage tax que la mme dpendance qui nen bnficie pas.

  • L'ASSIETTE DES IMPTS LOCAUX 31

    7. Le total de ces pondrations successives donne la surface pondre totale.

    8. La surface pondre totale est multiplie par le tarif de la catgorie dans la partie de commune concerne pour donner la valeur locative 1970, date de la dernire rvision des bases.

    9. Cette valeur locative 1970 est ensuite actualise en valeur 1980, anne de la dernire et unique actualisation intervenue pour tenir compte de lvolution locale du prix des loyers, qui stait faite au moyen de coefficients dpartementaux.

    10. La valeur locative 1980 est enfin revalorise par un taux annuel vot en loi de finances.

    11. Cette valeur revalorise est divise par deux pour donner le montant du revenu cadastral.

    12. Le revenu cadastral se voit affecter un taux vot par chaque collectivit concerne (commune, intercommunalit, dpartement, rgion), auquel sajoute la part de la taxe pour les ordures mnagres. Le produit du revenu cadastral par le taux dtermine limpt d chaque collectivit.

    13. Le total de limpt, toutes collectivits confondues, est major dun taux de 8 % reprsentant le prlvement de lEtat pour frais de gestion (cf. infra).

    Aprs ces treize oprations successives, les services fiscaux sont en mesure de dterminer le montant de la taxe sur le foncier bti. A partir de la valeur locative, ils procdent au calcul de la taxe dhabitation qui fait entrer en jeu des lments qui ne sont plus seulement lis la valeur du bien comme le revenu des cohabitants ou le nombre de personnes charge.

  • 32 COUR DES COMPTES

    Exemple de calcul du montant d par le redevable pour un bien en catgorie 5 (source DGFIP)

    Surface relle de lappartement 132 m2

    Surface pondre comparative de la partie principale : (20 m2 * 1,45) (90 m2 * 0,90) + (22 m2 * 0,75)

    126 m2

    Surface pondre brute des dpendances incorpores (par exemple : vranda)

    + 22 m2

    Equivalences superficielles (correspondant la prise en compte dlments tels que la situation du bien ainsi que le confort de lhabitation et des ses dpendances)

    + 52 m2

    Surface pondre totale 229 m2

    Dpendances non incorpores (par exemple : parking distinct de lhabitation)

    19 m2

    Surface pondre nette 7 m2 Surface pondre totale 7 m2

    TOTAL : 229 m2 + 7 m2 236 m2

    valeur locative pondre 6,86 / m2 valeur locative du local 1970 : 236 m2 x 6,86 1 619 valeur actualise 1980 : 1 619 * 1,49 2 412 valeur revaloris : 2 412 * 2,689 (taux annuel vot en loi de finances)

    6 486

    Revenu cadastral : 6 486 / 2 3 243

    Impt d la commune : 3 243 * 24,66 % (taux vot par la commune)

    800

    Impt d lIntercommunalit 3 243 * 7,27 % (taux vot par lEPCI)

    236

    Impt d au Dpartement : 3 243 * 11,45 % (taux vot par la Dpt)

    371

    Impt d la Rgion 3 243 * 3,66 % (taux vot par la Rgion)

    119

    Taxe d'enlvement des ordures mnagres : 3 243 * 13 %

    422

    Montant de limpt total 1 948

    Prlvement de lEtat pour frais de gestion : 1 948 * 8 % 156 Montant d par le redevable : 1948 + 156 2 104

  • L'ASSIETTE DES IMPTS LOCAUX 33

    2 - Les locaux industriels

    La dtermination de la valeur locative cadastrale est une opration moins complexe. Elle se fonde sur la "mthode comptable" 23 : le prix de revient des diffrents lments (terrain et constructions), revaloris annuellement par les coefficients prvus en matire de rvision des bilans, est affect dun coefficient fix par dcret en Conseil dEtat.

    3 - Les locaux commerciaux

    Trois mthodes24 sont utilises. Le local peut tre valu au moyen des baux sous rserve quil ait t lou des conditions de prix normales au 1er janvier 1970, par comparaison si le bien ntait pas lou dans les conditions requises en 1970 ou, dfaut, par la mthode dapprciation directe.

    Lvaluation partir des baux conclus avant 1970 reprsente 5,7 % du parc.

    L'valuation par comparaison, aujourdhui la plus utilise (92,7 % des locaux valus) consiste, selon le CGI, " attribuer un immeuble ou un local donn une valeur locative proportionnelle celle qui a t adopte pour dautres biens de mme nature pris comme types.". Lexercice de la comparaison suppose quexiste la possibilit de comparer. Lagent des services fiscaux doit trouver un local type, existant en 1970, ce qui nest pas le cas par exemple pour les chanes dhypermarch ou les complexes cinmatographiques, par exemple, apparus postrieurement cette date.

    Lvaluation par apprciation directe25 consiste dterminer la valeur locative partir de la valeur vnale du local apprcie en valeur 1970, affecte dun taux dintrt. Elle concerne 1,5 % des valuations mais des entreprises importantes (socits de tlphonie mobile). Il sagit pour lagent des services fiscaux de reprer, pour un immeuble comparable, la transaction la plus proche possible de 1970.

    23) Article 1499 du CGI 24) Article 1498 du CGI 25) Le CGI dcrit cette mthode comme subsidiaire , dans son article 1498, prcis par les articles 324 AB et 324 AC de lannexe (dcret du 28 novembre 1969)

  • 34 COUR DES COMPTES

    B - Un processus marqu par de nombreux points de fragilit

    1 - Des moyens limits pour apprcier la valeur cadastrale du bien

    Le processus de dtermination des valeurs cadastrales ptit dune forte contradiction entre le nombre et la nature des critres utiliss pour tablir cette valeur et les moyens de ladministration pour en vrifier lexistence.

    Les permis de construire constituent le principal outil de renseignement des services. Les autorisations dlivres par les communes sont centralises dans les bases de donnes du ministre charg de lquipement et reverses aux services de la DGFIP. Les propritaires ont, quant eux, une obligation dclarative26. Six mois aprs la cration du permis de construire, les services fiscaux envoient une lettre les invitant fournir des renseignements sur leur proprit, aprs lachvement des travaux. Les nouveaux propritaires ont 90 jours pour sacquitter de cette obligation. Sils ne le font pas, une lettre de mise en demeure leur est adresse. La deuxime mise en demeure intervient aprs trente jours. Si labsence de dclaration persiste, les services fiscaux procdent une valuation doffice, soit partir des documents dposs la mairie si lachvement des travaux a t dclar la commune, soit en se rendant sur place.

    Cette procdure est correctement suivie par les services fiscaux. Il reste que les informations contenues dans les permis de construire sont dune prcision ingale pour les 36 000 communes franaises, supposer mme que le droit, en matire de permis de construire, soit totalement respect. En outre, des dispositions rcentes viennent rduire les obligations relatives ces derniers, privant ladministration dune partie des informations quelle recueillait antrieurement. Le dcret du 5 janvier 2007 rduit de manire trs significative le nombre de changements de consistance susceptibles dtre ports la connaissance de ladministration, hors secteurs protgs. Sont dsormais exemptes de toutes formalits des constructions diverses dont les btiments dont la hauteur au sol est infrieure 12 mtres et qui ont pour effet de crer une surface hors uvre brute de moins de 2 m2 (abri de jardin, par exemple), ou les piscines dont la superficie est infrieure ou gale 10 m2. De mme, lobligation de dpt dun permis de construire est supprime au bnfice dune simple dclaration pour les btiments dune surface situe entre 2 m2 et 20 m2 (garage, par exemple) ou pour une piscine dont la superficie est infrieure 100 m2. 26) Article 1406 du CGI.

  • L'ASSIETTE DES IMPTS LOCAUX 35

    En tout tat de cause, la notion de changement de consistance na jamais inclus les modifications intrieures du bien : la construction de trois salles de bains dans une maison qui en tait dpourvue ne ncessite pas un permis de construire ; elle nest donc pas porte la connaissance des services fiscaux alors que chaque salle de bains identifie entre dans lassiette fiscale et compte pour 5 m2 dans le calcul de la surface pondre totale.

    La situation est encore plus contraste en cas de changement de propritaire. Les renseignements concernant le bien qui arrivent dans les services fiscaux sont parcellaires et rarement exploits, pour plusieurs raisons.

    Le descriptif du bien peut tre trs incomplet et ne dtailler que partiellement les lments de confort. Certains professionnels soucieux doptimisation fiscale pour leurs clients y veillent particulirement.

    Les contribuables nont, en outre dans ce cas, aucune obligation dclarative, la diffrence de celle faite aux dposants de permis de construire. Les pratiques des services fiscaux sont dailleurs diffrentes selon les dpartements : certains nenvoient aucun formulaire destin recueillir des renseignements loccasion dune mutation, dautres le font systmatiquement : une convention avec la mairie de Paris le prvoit expressment, mais ce cas est unique. Les professionnels (syndics, gestionnaires de biens) sont parfaitement informs du caractre non obligatoire de la rponse aux interrogations des services fiscaux, contrairement aux contribuables non professionnels qui rpondent plus volontiers. Cet tat de fait cre une ingalit de traitement peu justifiable.

    Enfin, la Cour a constat que les services fiscaux ne vrifiaient pas systmatiquement la cohrence entre le prix dachat du bien et la catgorie dans laquelle il est class.

    La DGFIP met en place, dsormais, un livret foncier, accompagn dune dclaration pr-remplie, diffuser aux acqureurs dun bien. Ceux-ci valident la description de leur bien. Le projet a dbut en 2008, pour exprimentation dans trois dpartements : Hrault, Seine-et-Marne, Somme. Cette initiative est positive. La validation de la dclaration reste nanmoins facultative. En outre, lexprience ralise en partenariat avec le notariat venant de dbuter, il est impossible den faire le bilan, tant du point de vue du civisme dclaratif que de la capacit des services fiscaux exploiter les dclarations.

    En tout tat de cause, cette initiative ne rgle pas les problmes dgalit entre contribuables. Un propritaire ayant dpos un permis de construire ou un acheteur parisien remplissant scrupuleusement le formulaire prvu par un accord entre lEtat et la Ville alimentent les

  • 36 COUR DES COMPTES

    services fiscaux en renseignements permettant dasseoir la taxation sur une base correspondant aux lments rels de superficie et de confort. A linverse, un redevable, propritaire depuis plusieurs annes dun bien dans lequel il a fait raliser dimportants amnagements intrieurs, voire extrieurs, pourra tre tax sur la base dune assiette sans rapport avec les lments rels de confort dont il bnficie.

    2 - Un risque non ngligeable derreurs matrielles ou dapprciation

    La complexit du processus dtablissement des bases cre invitablement des risques derreurs. Si certaines des treize oprations dcrites plus haut sont totalement automatises comme les calculs dactualisation, de revalorisation ou lapplication de taux, il nen va pas de mme de celles qui relvent dune valuation du bien.

    Certains critres renvoient une apprciation purement subjective : la classification dans la catgorie, lapprciation de ltat dentretien de la partie principale de limmeuble, le jugement port sur les avantages et les inconvnients de la situation gnrale du bien dans la commune, de la situation particulire

    Le risque derreurs peut galement tre dordre matriel : le dcompte exhaustif de tous les lments contribuant la pondration (existence dun ascenseur, dun vide-ordures, dune prise deau dans le garage, nombre de salles de bains, de cabinets de toilettes) ou la vrification de la prennit de labri de jardin ou de la vranda laisse place des inexactitudes, quelle que soit la conscience professionnelle de lagent.

    Places de stationnement et taxe dhabitation

    Lassiette fiscale des particuliers peut aussi tre concerne par une application variable dun droit incertain. Ainsi, la jurisprudence du Conseil dEtat considre quun garage ou une place de stationnement individuel situe proximit de lhabitation principale est une dpendance de celui-ci et donc soumis la taxe dhabitation. La proximit est dfinie par une distance de moins dun kilomtre en voiture. Aucune prcision nest fournie pour le cas, frquent dans les grandes villes, o le plan de circulation entrane une distance de moins dun kilomtre laller et de plus dun kilomtre au retour. Dans la pratique, les services fiscaux ne calculent jamais la distance parcourir et imposent une taxe toutes les places de garage.

  • L'ASSIETTE DES IMPTS LOCAUX 37

    Or, la DGFIP ne dispose daucune statistique interne sur les erreurs ou les facteurs de risques et na pas mis en place les contrles ncessaires.

    Les travaux relatifs lassiette cadastrale sont, en effet, effectus par un seul agent, pour chaque proprit concerne. Jusquen dcembre 2008, il nexistait aucune traabilit de lopration de classification, le nom de lagent responsable ne figurant pas dans le fichier. Cette traabilit vient dtre mise en place la suite du contrle de la Cour. Les quipes sont formes dagents de catgorie C encadrs par un agent de catgorie B. Ce dernier ne contrle pas systmatiquement le classement opr, sauf sil est consult sur un cas prcis. En outre, aucun agent rencontr, durant linstruction de la Cour, na vu son travail de classement vrifi par un contrleur extrieur (contrle de deuxime niveau) au cours de sa carrire.

    Ladministration avance deux arguments pour justifier la faiblesse de ces contrles. Le premier porte sur le fait que la liste dite 41, remise aux communes chaque anne, fait mention des modifications opres, pour lessentiel les constructions neuves, instaurant ainsi un contrle implicite par la collectivit locale. Ces dernires tiennent, en effet, au moins sur une base annuelle, des commissions communales des impts directs qui examinent les crations ou modifications de classification dans le parc immobilier communal. Le second argument sappuie sur la faiblesse du contentieux de lvaluation.

    Aucun de ces deux arguments ne peut tre reu. Le lgislateur a expressment confi aux services de lEtat la responsabilit de lassiette des impts locaux pour viter des distorsions de tous ordres entre collectivits. Une commission communale des impts directs ne peut tre considre comme un contrle de deuxime niveau.

    Quant la faiblesse des contentieux de lvaluation, elle est incontestable et de plus en plus marque. En 2007, on ne compte quenviron 80 000 rclamations sur plus de 22 millions darticles mis pour la taxe foncire btie alors que ce chiffre atteignait 120 000 en 1995. Les contentieux devant les juridictions administratives sont de lordre de 2 500 par an. La diminution des rclamations traduit dindniables progrs dus la meilleure qualit de linformatisation des services. La faiblesse des rclamations et des contentieux parat, nanmoins, devoir tre attribue, pour partie, lopacit du processus mme si la faiblesse de la valeur locative, compare au loyer rel, facilite lacceptation de limposition. Le contribuable, surtout lorsquil est un particulier, ne connat ni la catgorie dans laquelle son bien est class, ni les lments de pondration qui affectent ce classement. Il na aucun moyen rel de contester lassiette de son impt, la diffrence de limpt sur le revenu pour lequel il connat lassiette retenue.

  • 38 COUR DES COMPTES

    Enfin, si la fusion des centres des impts fonciers, spcialistes de ces travaux, et des centres des impts, destine faire traiter par les mmes agents les dossiers fiscaux des particuliers, est une mesure qui va dans le sens de la simplification pour lusager, il nest pas certain, nanmoins, qu'elle ne cre pas provisoirement un risque derreurs plus lev, les agents tant moins expriments et le contrle interne n'ayant pas t renforc.

    C - Un cot mal cern

    Le nombre et la complexit des oprations exiges pour ltablissement des bases cadastrales requirent ncessairement un nombre important dagents dont lvolution est devenue trs imprcise.

    1 - Des effectifs qui ne sont plus quantifis depuis 2005

    Pour lidentification des agents chargs de ces tches, la DGFIP ne dispose que des chiffres de lanne 2005, priode antrieure la fusion des centres des impts et des centres des impts fonciers.

    A cette date, sur un total de 6 058 agents du cadastre dans les services dconcentrs, 3 020 agents environ, soit 82 % des effectifs non affects des tches topographiques dans les 294 centres des impts fonciers et les 17 bureaux antennes, assuraient, pour lessentiel, les tches dites fiscales :

    lvaluation de to