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Rapport aux partenaires sociaux du Textile et de l’Habillement européens en vue d’une meilleure anticipation et gestion des mutations industrielles et des restructurations du secteur Anne Peeters (Cedac), Benoit Boussemart, Frédéric Bruggeman, Dominique Paucard (Syndex) Mai 2007

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Rapport aux partenaires sociaux du Textile et de l’Habillement européens en vue d’une meilleure anticipation et gestion des mutations industrielles et des restructurations du secteur

Anne Peeters (Cedac), Benoit Boussemart,

Frédéric Bruggeman, Dominique Paucard (Syndex)

Mai 2007

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Les organisateurs tiennent à remercier tout particulièrement les intervenants qui ont accepté de participer et de rendre compte de leur expérience au cours des

séminaires

Les 27 et 28 février 2007

François Castro (Directeur général de Castex)

Christophe Dhaenens (Syntra) Lilia Infelise (Artes)

Monique Merceron (ex-secrétaire CFDT du CCE d’ecce) Bernard Moreau (Fédération CGT du textile, de l’habillement et du cuir)

Jouko Nätti (Université de Tampere) Mila Nenova (Responsable des ressources humaines de Miroglio Bulgarie)

Marie France Paulard (secrétaire CFDT du CCE d’ecce) Lars-Inge Thorsson (TSN) Bernard Vandeputte (UIT)

Diana Veitch (Unison)

Les 27 et 28 mars 2007

François Castro (Directeur général de Castex) Jean Pierre Chéné (Horemis)

Elvi Déon (Algoë) Eric Dresin (EFFAT)

Heather Hughes Jones (Manchester University) Lilia Infelise (Artes)

Monique Merceron (ex-secrétaire CFDT du CCE d’ecce) Bernard Moreau (Fédération CGT du textile, de l’habillement et du cuir)

Philippe Pochet (Observatoire social européen) Gilbert Prost (Coordinateur Copieval)

Albert Raymond (Responsable juridico-social d’Arcelor Belgique) Janine Rigby (Manchester University)

David Tarren (Amicus) Bernard Vandeputte (UIT) Sigrid Wöelfing (Tamen)

Les supports de présentation des cas sont disponibles sur le site de la FSE : THC (www.etuf-tcl.org) et sur celui du projet MIRE (www.mire-restructuration.eu)

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1. La problématique du secteur _______________________________________________4

1.1. La situation à fin 2004 ______________________________________________________ 4

1.2. Les perspectives à partir de 2005 _____________________________________________ 6

2. Les cas examinés au cours des séminaires ____________________________________8 2.1. L’innovation technique et organisationnelle ____________________________________ 8

2.2. La prévention dans l’entreprise _____________________________________________ 11

2.3. L’action collective au croisement des filières et des territoires ____________________ 15

3. Les recommandations ___________________________________________________21

Innover __________________________________________________________________21 Prévenir __________________________________________________________________21

Initier des actions collectives _________________________________________________22 3.2. Les thématiques à promouvoir ______________________________________________ 23

Recommandation 1 : Améliorer l’image du secteur_____________________________23 Recommandation 2 : Promouvoir l’innovation et la réactivité ____________________24 Recommandation 3 : Agir sur la formation et les parcours professionnels ___________24 Recommandation 4 : Construire un dialogue social de qualité ____________________25 Recommandation 5 : Développer l’employabilité au niveau des bassins d’emploi_____26 Recommandation 6 : Eviter les suppressions d’emplois brutales __________________26 Recommandation 7 : Aider les PME ________________________________________27 Recommandation 8 : Construire une approche intégrée _________________________27

3.3. Viser l’opérationnalité_____________________________________________________ 29 Recommandation 9 : Etablir un réseau européen de centres de ressources ___________29

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1. La problématique du secteur

La filière européenne du textile et de l’habillement est de longue date affectée par des restructurations importantes, qui tiennent tant aux évolutions technologiques qu’aux impacts de la mondialisation. Cette dernière a toutefois été encadrée par une série d’accords multi-fibres, puis par les accords textile-vêtements, jusqu’au 1er janvier 2005. Depuis lors, les produits de la filière sont entrés dans le droit commun des règles de l’OMC, bien que de nouvelles restrictions « provisoires » aient été prises par les économies américaines et européennes afin de se protéger contre un afflux massif de produits chinois.

1.1. La situation à fin 2004

Jusqu’en 2004, les évolutions sont tout à la fois complexes et différenciées selon les activités et les territoires. Pour la partie textile de la filière, les restructurations se sont accompagnées d’une modernisation des activités européennes, par la mise en œuvre de nouvelles technologies, la réalisation de nouveaux produits, et l’application de nouvelles organisations. Cette modernisation a infléchi pour partie la compétitivité liée aux bas coûts de main d’œuvre, mais a exigé des programmes d’investissements lourds, tant au niveau des matériels, que des hommes (formation à de nouveaux métiers, de nouvelles technologies … ; reclassements …) ou des territoires (dont certains ont été particulièrement sinistrés). Ces évolutions se sont traduites par des pertes d’emplois importantes, davantage liées à l’augmentation sensible des productivités qu’aux phénomènes de délocalisation. Pour la partie habillement de la filière, les différents pays européens ont été inégalement affectés par les restructurations. Dans les pays de la vielle Europe, les industries de l’habillement ont été fortement touchées non seulement par les délocalisations, mais aussi par les mécanismes de sous-traitance internationale ou de trafic de perfectionnement passif. Elles ont mieux résisté pour certains pays qui ont pratiqué des dévaluations compétitives comme l’Italie (lorsqu’elles étaient possibles), ou qui ont bénéficié de ces mécanismes (comme les pays de l’Europe de l’Est), ou encore qui ont mis en œuvre des stratégies de type « Euromed » (notamment avec le Maroc, la Tunisie, et la Turquie).

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Mais si un grand nombre d’emplois ont été perdus dans la filière en Europe, il en reste encore beaucoup : en 2004, l’UE à 25 compte près de 204 000 entreprises, pour près de 2,2 millions de personnes occupées (source : Eurostat – Avril 2007). En y ajoutant la Roumanie et la Bulgarie, l’UE à 27 compte environ 217 500 entreprises, pour près de 2,77 millions de personnes occupées. Il faut cependant regarder de près l’évolution récente, entre 1999 et 2004. Sur cette période, l’UE à 25 a perdu 25% de ses emplois dans la filière ; en y ajoutant la Roumanie (+ 3% d’emplois) et surtout la Bulgarie (+ 41% d’emplois), la perte est moins sévère, mais atteint néanmoins plus de 19%. De nombreux pays ont été plus durement touchés que la moyenne de l’UE à 25 : l’Allemagne a perdu près de 26% de ses emplois, la France plus de 27%, l’Autriche plus de 26%, la Pologne plus de 28%, et le Royaume-Uni près de 51% de ses emplois. L’Italie n’a perdu que 17% de ses emplois, le Portugal un peu plus de 19% et l’Espagne environ 24%. Seules la Roumanie, la Bulgarie et l’Estonie enregistrent une croissance. L’emploi des secteurs du textile-habillement devient marginal par rapport à l’ensemble de l’emploi des industries manufacturières dans de nombreux pays : 1,2% en Suède, 2,3% en Allemagne et au Danemark, 2,5% au Luxembourg, 2,6% aux Pays-Bas et en Finlande, 4,1% en Autriche, 4,3% au Royaume-Uni et 4,5% en France. Pour l’ensemble de l’UE à 25, l’emploi textile-habillement ne représente plus que 6,7% de l’emploi industriel en 2004, contre encore 8,4% en 1999. Pour l’UE à 27, ce taux remonte à 7,9% en 2004, contre 9,3% en 1999. Pour autant, l’emploi dans la filière représente encore un enjeu important pour l’Italie (première place en Europe, avec encore près de 527 000 emplois en 2004, soit 11,3% de l’emploi industriel du pays), la Roumanie (près de 410 000 emplois, 24% de l’emploi industriel), la Pologne (près de 260 000 emplois, 10,4% de l’emploi industriel), le Portugal (près de 210 000 emplois, 24% de l’emploi industriel), l’Espagne (près de 195 000 emplois, 7,5% de l’emploi industriel), la Bulgarie (plus de 188 000 emplois, plus de 29% de l’emploi industriel). Les enjeux sont par ailleurs encore significatifs en niveau pour la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, avec respectivement environ 174, 167 et 146 milliers d’emplois, bien que la filière ne compte plus respectivement que pour 4,5%, 4,3% et 2,3% de leur emploi industriel. Enfin, pour certains « petits » pays, l’enjeu reste fort : en Estonie, la filière représente plus de 18% des emplois industriels, en Lituanie, près de 22%, en Hongrie, Slovénie et Slovaquie plus de 10%. Les évolutions y sont par ailleurs rapides : la Hongrie et la Slovénie ont perdu plus de 20% de leurs emplois dans la filière entre 1999 et 2004, la Slovaquie limitant son recul d’emplois à 11%. La Tchéquie a pour sa part perdu près de 27% de ses emplois dans la filière, qui ne représente plus que 7,6% de ses emplois industriels.

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1.2. Les perspectives à partir de 2005

Sans doute, comme au cours de la période récente, les industries européennes de la filière disposent-elles d’atouts qui leur permettront de poursuivre leur repositionnement, qu’il s’agisse de création ou d’innovation technologique, par exemple dans les textiles interactifs ou les écotextiles qui voient s’ouvrir des marchés toujours plus nombreux (protection individuelle, sport et loisirs, transports, médical, bâtiment et génie civil, ameublement, cosmétique…), et, d’une façon générale, dans les applications à haute valeur ajoutée. Cependant, une nouvelle donne semble également se mettre en place avec la disparition du système de régulation de la dynamique de la mondialisation sur les produits de la filière. Elle articule les stratégies de deux acteurs particuliers, qui s’écartent du schéma industriel international de deux manières : le premier acteur, la grande distribution européenne, s’oppose frontalement aux intérêts industriels, en cherchant en permanence à modifier le rapport de force dans la filière en sa faveur ; le second acteur, la Chine, vise au contraire à devenir l’acteur industriel mondial dominant. De fait, les firmes de la grande distribution bénéficient d’une position mondiale qui leur permet de s’approvisionner au meilleur prix en réalisant du picking international. La Chine offre de ce point de vue de multiples avantages, en termes de prix, de diversité des produits (y compris des textiles techniques) et de qualité. La logistique n’est pas un problème pour les distributeurs, qui ont des stratégies d’offre. Les informations disponibles sur les échanges hors UE des principaux pays de l’Union font en effet apparaître un recours accru aux importations en provenance de pays à bas prix, et notamment de Chine. Surtout, les évolutions récentes des années 2005 et 2006 confirment la substitution des pays d’importation : les importations de l’UE venant de Chine ont par exemple progressé de 45% pour les produits d’habillement entre 2004 et 2005, alors que dans le même temps les importations européennes étaient en recul en provenance de Roumanie (- 6%), du Bangladesh (- 5%), du Maroc (- 7%), de la Tunisie (- 6%)… La Turquie résistait encore à la pression chinoise, tout comme l’Inde. Pour l’heure, cette stratégie permet aux distributeurs de réaliser des profits importants (seul le Royaume-Uni a vu les prix à la consommation diminuer à un rythme proche de celui des prix à l’importation). Les investisseurs financiers ne s’y trompent d’ailleurs pas, qui reprennent les firmes de distribution de produits textiles à vendre en proposant des valeurs inconcevables il y a encore cinq ans. Les industriels européens – tout au moins ceux qui en ont les moyens – font de même, en se diversifiant dans la distribution. La Chine, quant à elle, attend son heure. Lorsqu’elle sera effectivement devenue l’atelier du monde, que les capacités de production industrielles de l’Europe (comme des Etats-Unis) et de

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ses zones d’influence (y compris Euromed – ou le Mexique pour les Etats-Unis) se seront de nouveau réduites, elle disposera des moyens d’imposer des prix plus élevés, y compris aux distributeurs européens. Ainsi, relativement à ces deux acteurs, les industries du textile et de l’habillement sont, comme d’autres, confrontées à des pratiques qu’elles ne maîtrisent pas et qui vont accroître sensiblement les pressions sur l’ensemble de la filière européenne, jusque dans sa dimension Euromed. Par suite, les restructurations risquent de s’accentuer dans les années à venir, en particulier dans les zones d’activités traditionnelles, marquées par une forte concentration territoriale d’emplois féminisés et relativement peu qualifiés. À titre d’illustration de ces problématiques, deux exemples slovènes ont été présentés par les partenaires sociaux de ce pays (Joze Smole, Responsable de l’association pour l’industrie de l’habillement et du cuir en Slovénie et Anton Rozman, Secrétaire Général du syndicat pour l’industrie du textile de l’habillement et du cuir) au cours du second séminaire. Le premier concerne une entreprise textile qui, sur la durée, a réussi une mutation et se trouve à présent engagée dans une dynamique de développement en dépit d’une réduction sensible de son effectif. Le second concerne la région septentrionale du Pomerije où une industrie de l’habillement fortement menacée tient encore une part prépondérante dans l’emploi local. Ainsi, il est clair que les entreprises ne disposent pas toutes des capacités qui leur permettraient de faire face de manière efficace à la nouvelle donne qui s’annonce, et le maintien de la filière en Europe passe par les actions de politique industrielle qui pourront être déployées. Mais dans tous les cas, l’avenir de centaines de milliers de salariés comme des territoires qu’ils occupent passe aussi par les politiques sociales et territoriales qui seront adoptées par chacun des pays, chacune des régions et chacune des entreprises de la filière.

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2. Les cas examinés au cours des séminaires

L’organisation des séminaires a essentiellement reposé sur la présentation de cas soumis à la discussion des participants. Ces cas ont été choisis dans la filière, mais pas uniquement, puisque les restructurations touchent à présent la plupart des secteurs, la plupart des activités. D’une grande diversité, ces cas sont tous singuliers et s’inscrivent dans les contextes qui leur ont donné naissance. En ce sens, ce qui les a rendus possible ne sera pas disponible en tout lieu et toute circonstance et ils ne peuvent certainement pas donner lieu à une simple transposition. Pour autant, chacun est également porteur d’une forme d’universalité à deux niveaux :

o dans la désignation des enjeux auxquels ils se sont employés à faire face,

o dans la mise en application des principes génériques qui ont guidé les actions entreprises.

Ces enjeux sont partout un défi pour les entreprises de la filière, les salariés qu’elles emploient et les territoires sur lesquels elles sont implantées. Les principes d’action qui ont, dans les cas examinés, permis de les relever, sont également de portée générale. Rien n’interdit alors d’imaginer leur déclinaison dans d’autres contextes, selon des modalités qui y seraient adaptées.

2.1. L’innovation technique et organisationnelle

Le premier défi concerne, bien entendu, la politique de l’offre : l’ouverture mondiale des marchés du textile et de l’habillement à l’instar de la plupart des autres marchés rend incontournable la recherche par les entreprises européennes de couples produit/marché à forte valeur ajoutée. C’est un processus continu d’innovation technique qu’il s’agit alors d’impulser et d’entretenir. Les industries du textile et de l’habillement ne manquent pas d’atouts dans ce domaine, en raison notamment de la grande plasticité des techniques utilisées qui peuvent trouver à se réinvestir dans de nombreuses applications, qu’il s’agisse de création, de débouchés industriels ou de fonctionnalités nouvelles.

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Le cas de MDB Texinov (France), présenté par François Castro (Directeur général de Castex), fournit à cet égard un bon exemple d’innovation continue sur des produits et marchés à haute valeur ajoutée. Initialement spécialisée dans la fabrication de textiles vestimentaires (tulle destiné aux fonds de broderie, aux voiles de mariés, etc .), la société s’est repositionnée au début des années 1990 sur les textiles techniques en valorisant les technologies qu’elle maîtrisait (tulle, maille bloquée, extensible, ajourée, etc.). Disposant de 27 métiers maille et employant 19 salariés il y a quinze ans, elle dispose à présent de 80 métiers, emploie une cinquantaine de personnes et a considérablement diversifié sa gamme (textiles extensibles, filets techniques, textiles formables, textiles tridimensionnels, textiles bi-composants, etc.) et ses débouchés : conception et fabrication de géotextiles (génie civil, renfort routier, construction de routes), de textiles à usages techniques (textile automobile, textile aéronautique, tissu médical, textile industriel), de filets pour l'agriculture et l'horticulture (agrotextile, solarisation, protection des cultures) et de textiles pour le sport et les loisirs. Cette évolution s’est appuyée sur un souci permanent de travail en partenariat technologique et commercial : participation active aux organisations scientifiques et professionnelles du secteur, coopération avec les scientifiques des différents secteurs d'activité dans lesquels sont développés les produits, conception et développement de produits innovants en relation étroite avec les clients. L’entreprise dépose trois à quatre brevets par an, pour une durée d’exploitation, sur les produits de niche, de quatre à six ans. Parmi de nombreux exemples, un tissu multifacettes, conçu en collaboration avec l’Institut National de Recherche Agronomique et validé par l’Institut Français de Textile Habillement, a notamment été présenté. Étalé sous les pieds de vigne, il permet d'exposer tous les grains aux rayons du soleil, d’éliminer ainsi les colonies de pucerons et d’augmenter naturellement le taux d'alcoolémie du vin de 2 degrés. Ce premier cas conduit en particulier à mettre en évidence deux principes d’actions : la prospection permanente des besoins en rapport avec les technologies de la filière et le nécessaire adossement à des ressources techniques de haut niveau. Le cas « Knowledge for innovation » (K4I – Royaume-Uni), présenté par Janine Rigby et Heather Hughes Jones (Manchester University), vise à répondre à un autre enjeu crucial du secteur : le soutien aux PME de la filière, tant au niveau technique qu’organisationnel. K4I est un programme qui a été mis en place dans le cadre du programme européen « Equal ». Son projet est d’aider les PME à passer d’une logique de compétitivité par les prix à une logique de compétitivité par la qualité et l’innovation. Le partenariat mis en place à cet effet poursuit deux objectifs : la conception d’une banque des connaissances, accessible en ligne de façon à mettre à la portée des PME les dernières connaissances théoriques et techniques disponibles, et la constitution d’une unité opérationnelle d’aide à l’innovation, formée d’experts dédiés au transfert de technologies et de démarches innovantes en direction des PME. Concernant, la banque de connaissances, un premier module portant sur les technologies du

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tricotage a été réalisé, d’autres sont en cours de conception. L’unité d’aide à l’innovation est en place et a engagé un travail partenarial avec une dizaine d’industriels. Il s’agit de promouvoir une logique de clusters et dix brevets ont déjà été déposés tandis que six sont en cours de développement. Un exemple a en particulier été présenté dans le détail concernant la réalisation sur mesure de bas de compression utilisés dans le traitement des ulcères veineux de la jambe. Outre la technique de tricotage elle-même, elle mobilise un ensemble de techniques sophistiquées, depuis le scannage en trois dimensions de la jambe avec indication des points et niveaux de pression sanguine jusqu’à l’expédition et la facturation après vérification de la conformité aux spécifications. Ce cas met ainsi en évidence un autre principe d’action qui semble essentiel : la mutualisation de ressources d’innovation pour les PME, qu’il s’agisse de banques de données ou de ressources en expertises mises à disposition. Dans un registre similaire, le cas Atena (Italie), présenté par Lilia Infelise (Artes), porte sur la promotion des activités de micro-entreprises porteuses d’un savoir-faire spécialisé. La pérennité des très petites entreprises spécialisées est en effet l’un des enjeux de l’avenir des activités européennes de la filière. Dans le cas d’Atena, l’innovation est en premier lieu de nature organisationnelle. Le projet consiste en la mise en réseau de 52 micro entreprises spécialisées dans la transformation du genet dans une logique de constitution d’un district industriel. Le tissu produit à partir du genet, présente tout à la fois de remarquables caractéristiques esthétiques et de résistance, mais relève d’une activité traditionnelle extrêmement localisée, sans perspective de débouchés significatifs. Le projet est alors parti du constat que les subventions ne pouvaient être suffisantes pour assurer la survie de ces entreprises et qu’il était nécessaire de les mettre en réseau pour leur permettre d’innover et d’accéder à de nouveaux marchés. Cette mise en réseau est passée par la création d’une nouvelle entreprise, Atena, qui a assuré la mise en ligne de gammes opératoires (temps, coût), la mutualisation de la recherche et développement et la diffusion des compétences qui faisaient défaut, de nature technique et gestionnaire. L’initiative, menée par un porteur de projet, a engagé un important travail de conviction, de mobilisation et de fédération d’un grand nombre d’acteurs, qu’il s’agisse des autorités locales, des partenaires sociaux ou des entreprises locales. Elle a débouché en particulier sur un accord de coopération technologique avec un centre de recherche finlandais en vue d’une diversification des produits et de la prospection de marchés de niche. Ce troisième cas conforte ainsi les précédents en mettant l’accent sur trois principes d’action : la mise en réseau des très petites entreprises, la construction de partenariats et la formation des chefs d’entreprises aux pratiques innovantes. De façon transversale, ces trois cas ont également conduit à mettre en évidence l’une des caractéristiques essentielle de l’innovation : elle est portée par

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des individus, des porteurs de projet. C’est eux par conséquent qu’il convient de repérer et de soutenir.

2.2. La prévention dans l’entreprise

Si l’action de l’entreprise doit être tournée vers le développement et l’innovation, il n’en reste pas moins qu’elle se déploie dans un contexte de changement permanent qui, au-delà de sa propre pérennité, génère des risques pour les salariés qu’elle emploie et les territoires qu’elle occupe. C’est pourquoi un deuxième ensemble de cas s’est attaché à examiner les démarches de prévention mises en œuvre à l’initiative des entreprises en vue de permettre à d’autres parties prenantes de faire face et de s’adapter à un changement avéré ou potentiel. Dans ce registre, le cas Arcelor, présenté par Albert Raymond (Responsable juridico-social d’Arcelor en Belgique), porte sur la préparation des sous traitants, des salariés et des territoires à la fermeture partielle des activités du groupe dans la région de Liège (Belgique). En 2003, le conseil d’administration du groupe décide, pour des questions de compétitivité, de ne pas investir dans la réfection des hauts-fourneaux. Il en résulte la fermeture à court terme des 2 hauts- fourneaux de Liège et de la ligne à chaud qui en dépend, employant au total 2 700 salariés, dont 600 chez des sous traitants. Une concertation s’engage alors entre la Direction générale du Groupe, les autorités politiques et les fédérations syndicales. Il en résultera un étalement de la fermeture des hauts-fourneaux sur six ans, un engagement d’investissements dans d’autres activités, une action de redynamisation territoriale visant à recréer 2 700 emplois locaux et un plan social d’accompagnement des réductions d’effectif. Le volet social prévoit les modalités de fonctionnement pendant la période transitoire de fermeture progressive, la mise en place de préretraites et l’organisation de dispositifs de gestion des mobilités et des reclassements. Ce dernier aspect comporte en particulier des mesures de compensation des pertes éventuelles de salaire dans le nouvel emploi, des actions de formation et d’adaptation, un accompagnement à la mobilité géographique. Au-delà de ces dispositions directement mises en œuvre par le groupe, le délai de six années qui précède la fermeture complète des activités va permettre aux acteurs locaux d’engager un travail de reconfiguration complète impliquant une variété de dimensions : aménagement du territoire, rénovation urbaine, emploi, formation, économie sociale, réinsertion, santé, communication, financement, culture… et concernant une pluralité d’acteurs, politiques, économiques, sociaux... relevant de niveaux d’intervention divers, Etat, région, communes, quartiers… Il est bien entendu que la majeure partie des entreprises du textile et de l’habillement en situation de restructuration ne disposera pas des moyens financiers dont dispose un grand groupe de la métallurgie tel qu’Arcelor et ne

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sera donc pas en position d’engager des actions identiques. Le cas fait toutefois apparaître un principe d’action essentiel dans la faculté des acteurs à faire face à une situation de restructuration : l’annonce précoce des mutations à venir. Dans une perspective complémentaire de préparation des acteurs à assumer le changement, le cas Miroglio (Italie, Allemagne, Bulgarie), présenté par Mila Nenova (Responsable des ressources humaines de Miroglio en Bulgarie), apporte une réponse à un autre enjeu : la structuration du dialogue social entre partenaires sociaux dans l’entreprise. Comme la plupart des groupes importants de la filière textile habillement, le groupe Miroglio est régulièrement confronté à des situations de restructuration, notamment dans ses unités les moins compétitives au regard de la concurrence asiatique. Il a ainsi procédé récemment à des fermetures de sites en Italie et en Allemagne qui ont donné lieu à des processus négociés de recherche de solutions sociales adaptées. Cette pratique de la concertation était toutefois absente dans ses implantations bulgares où le groupe dispose de plusieurs unités de production. Ce constat, face à la perspective de changements à venir, a conduit le groupe à engager une action de formation des dirigeants et des représentants du personnel bulgares à l’exercice de leurs responsabilités sociales. Ce programme a en particulier conduit à négocier en 2001 un accord collectif sur la consultation et la participation des organisations syndicales qui leur confère un rôle nouveau dans la gestion de certains problèmes tels que la flexibilité, la productivité ou les situations de restructuration. Le groupe a depuis lors engagé plusieurs actions de formation des représentants syndicaux bulgares, avec la participation du comité européen du groupe, dont un module « le droit à l’information et à la consultation : savoir pour partager » et, tout récemment, un module « le droit à l’information et à la consultation dans les processus de restructuration des entreprises multinationales ». Ces formations sont financées par la Commission européenne et réalisées en partenariat avec Euratex, la FSE-THC et l’association des industries bulgares. Le projet est par ailleurs soutenu par le ministère du travail et de la politique sociale de Bulgarie et les fédérations des industries légères de la confédération des syndicats indépendants de Bulgarie et de la confédération du travail “Podkrepa” de Bulgarie. Ce cas met ainsi en lumière un principe d’action fondamental dans la prévention des difficultés : l’accès des représentants du personnel à l’information et à la consultation, autorisant l’organisation d’un dialogue social en situation de gestion du changement. Le cas ecce (France), présenté par Monique Merceron (ex-secrétaire CFDT du comité central d’entreprise de ecce) et Marie France Paulard (secrétaire CFDT du comité central d’entreprise de ecce), illustre l’intérêt des processus d’information et de consultation débouchant sur une négociation en vue de la recherche de solutions acceptables. Ecce est un petit groupe français d’habillement dont le principal site de production qui employait environ 400 salariés dans le nord de la France s’est trouvé menacé de fermeture il y a quelques années du fait de la

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perte d’importants contrats. L’insuffisance de charge ayant été anticipée suffisamment tôt, un processus de concertation et de négociation a pu être engagé. Ce processus a lui-même été régi par un accord, signé par l’ensemble des organisations syndicales, définissant les différentes thématiques à discuter et étapes de la concertation. La négociation a en premier lieu porté sur l’avenir industriel du site de production et la possibilité de trouver de nouvelles activités en compensation partielle ou totale des activités perdues. Au cours de cette négociation, deux nouveaux contrats ont été trouvés et un autre a été renégocié. Elle a ensuite porté sur le besoin en effectif et les mesures sociales d’accompagnement des suppressions d’emplois restant à envisager. Au-delà de la définition des mesures du plan social, qui comportait notamment la mise en place d’une cellule de reclassement, cette négociation a débouché sur la mise en œuvre d’une démarche de validation des acquis de l’expérience (obtention d’un diplôme en reconnaissance des compétences acquises à travers l’exercice de l’activité professionnelle) ouverte aux salariés dont l’emploi ne se trouvait pas supprimé. Ce processus a ainsi contribué à éviter la fermeture du site et à limiter fortement le nombre immédiat des suppressions d’emplois, à accompagner les départs inévitables et à préparer la mobilité future d’un certain nombre de salariés à une échéance de trois ans. Comme tous les autres, le cas est particulier, mais il associe bien diagnostic précoce des difficultés à venir et pratique instituée du dialogue social, principes d’action qui en rendent possible un troisième : la négociation sur les aspects économiques et sociaux en situation de risque sur l’activité et l’emploi. Le cas Trèves (France), présenté par Bernard Moreau (Fédération CGT du textile, de l’habillement et du cuir), prend appui sur les mêmes leviers, mais va plus loin en introduisant un autre enjeu de la prévention à l’initiative de l’entreprise, celui de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences. Le groupe Trèves est un groupe textile français qui, alors qu’il s’apprêtait à entrer dans une phase de restructuration susceptible de mettre en cause près de 800 emplois dans plusieurs sites sur une période de deux ans, a engagé un ensemble de négociations avec les fédérations syndicales représentées dans l’entreprise. Un premier accord a permis de structurer l’acteur syndical au moyen de la création d’un groupe paritaire d’échange et de négociation dans lequel figuraient des représentants des fédérations syndicales et des représentants du personnel des principaux sites concernés par la restructuration. Les négociations engagées au sein du groupe paritaire ont abouti à la conclusion de trois autres accords en vue d’encadrer les modalités et conditions de la restructuration : un accord sur l’organisation de l’information et de la consultation des instances représentatives du personnel des différentes sociétés concernées, un accord relatif aux mesures sociales associées au plan de restructuration et un accord relatif à la mise en œuvre de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences. Ces accords, dont l’objectif est à la fois de limiter les conséquences sociales de la restructuration et de préserver l’avenir des sites et des salariés qu’ils emploient, ont été signés par l’ensemble des fédérations syndicales. Parmi eux, l’accord

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relatif à la mise en œuvre de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences occupe une place particulière puisqu’elle vise explicitement à engager une démarche préventive qui excède l’horizon de la restructuration engagée. Sa structure et ses principales étapes ont été plus précisément détaillées par Jean Pierre Chéné (Consultant d’Horemis, cabinet de conseil en charge de l’accompagnement à la mise en œuvre de la démarche). Schématiquement, la mise en œuvre de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences prend appui sur trois piliers. Tout d’abord l’organisation d’une visibilité partagée sur les perspectives stratégiques à moyen terme et sur les perspectives d’emploi par grands métiers qui en découlent. Ensuite, la mise en place de moyens de positionnement individuel, de façon à ce que chaque salarié puisse apprécier sa situation personnelle au regard de ces perspectives d’emploi, et la mise à disposition d’outils d’accompagnement individuel permettant à chacun d’envisager une mobilité professionnelle ou géographique. Enfin, un dispositif d’animation de la démarche mobilisant la direction générale de l’entreprise, la fonction ressources humaines, l’encadrement de proximité et les représentants du personnel. De façon plus générale et en dehors du cas d’espèce que constitue le groupe Trèves, Elvi Déon (Consultant du cabinet conseil Algoë) a également présenté les grands principes d’une démarche qu’il préfère qualifier de gestion stratégique de l’emploi et des compétences dans une perspective d’opérationnalité immédiate. Dans cette perspective, la démarche doit se focaliser sur les métiers en tension, elle doit être menée en concertation avec les représentants du personnel, viser à la mise en place de dispositifs opérationnels, d’adaptation à court terme de l’emploi et à plus long terme des compétences, et proposer des méthodes et outils pour aider les managers et les salariés à développer leurs compétences. Dans tous les cas, cette démarche conforte deux principes d’action déjà évoqués : le partage de l’information et l’organisation d’une visibilité sur la stratégie et les perspectives d’emploi et l’organisation d’un dialogue social autour de ces questions. Et elle en introduit un troisième : l’organisation d’une faculté individuelle de se positionner dans le présent et de se projeter dans l’avenir. À cet égard, le cas Damart (France), présenté par Bernard Vandeputte (Union des Industries du Textile), fournit une application de ce principe en vue de répondre à l’enjeu principal de la gestion de l’emploi en situation de restructuration : l’absence de salariés en situation de chômage au terme de la restructuration. Là encore, la restructuration envisagée est annoncée plusieurs années avant que la fermeture de l’unité de production concernée ne survienne. Simultanément, le groupe prend un engagement de reclassement interne de l’ensemble du personnel ouvrier dans de nouveaux emplois, principalement en logistique ou en magasin de vente. Pour engager une

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dynamique de mobilité auprès de salariés relativement âgés, peu qualifiés et pour lesquels un reclassement passe par une véritable reconversion, une première expérience est menée sur la base du volontariat. Une quarantaine de travailleuses seront ainsi reclassées dans de nouveaux emplois, le plus souvent très différents de leur emploi d’origine, après une période de formation et de tutorat pour la tenue de leur nouveau poste. Au cours des 18 mois qui viennent, il est prévu d’accompagner la totalité des 120 autres salariés dans des conditions similaires avant la fermeture complète de l’atelier.

2.3. L’action collective au croisement des filières et des territoires

Si les entreprises sont maîtresses de leur destin et porteuses de responsabilités à l’égard des salariés qu’elles emploient et des territoires dans lesquels elles sont implantées, elles ne peuvent assumer seules la maîtrise des conséquences des bouleversements que connaît la filière. C’est pourquoi un certain nombre de cas engageant des actions collectives et répondant à des enjeux génériques impliquant une grande diversité d’acteurs, au niveau d’une filière ou d’un territoire, ont également été examinés. Le cas de la modernisation de deux secteurs industriels en Finlande, présenté par Jouko Nätti (Université de Tampere), attire l’attention sur l’importance de politiques adaptées aux problématiques des filières, à travers les restructurations successives de la filière bois, puis de la filière électronique en Finlande. Il fait en particulier apparaître la nécessité d’une gestion progressive des réductions d’activité dans les activités de main d’œuvre faiblement qualifiées. Après la crise du début des années 1990, la Finlande a entrepris une modernisation volontariste de sa structure industrielle. Or, la Finlande est historiquement très dépendante de la filière bois et a connu plus récemment un développement important de l’industrie électronique. La première entre en crise au milieu des années 1990 tant pour des raisons de compétitivité que de surproduction. Sous la pression syndicale et compte tenu des difficultés de reclassement d’une partie des salariés, une stratégie défensive de réduction graduelle est mise en œuvre, au moyen notamment d’une limitation des emplois temporaires, de préretraites, de formations permettant une montée en compétence et d’aides à la création d’entreprise. Les collectivités locales participent à cet effort et mettent en œuvre des actions visant à attirer de nouvelles entreprises sur le territoire. Au début des années 2000, le secteur électronique entre en crise à son tour avec le déclin de certains marchés et la délocalisation des productions de composants. Les réductions d’emplois sont ici plus brutales, principalement réalisées par des licenciements. Toutefois, les salariés concernés sont plus jeunes et mieux formés que les salariés de la filière bois et donc également plus mobiles. Une politique de soutien à la formation et à l’innovation va alors venir conforter la création d’emplois tandis que les systèmes de relations sociales et de protection sociale vont faciliter la gestion des transitions au moyen de politiques d’emploi passives

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(revenu de substitution pour les demandeurs d’emploi) et actives (aide à la recherche d’emploi) menées conjointement par les organisations syndicales, le service public de l’emploi et les agences de développement local. Au total, cet exemple très schématiquement résumé contribue à mettre en évidence un principe d’action pragmatique, éloigné des approches idéologiques : la recherche d’une stratégie sectorielle adaptée, défensive ou offensive, selon les caractéristiques des activités concernées. Mais quelle que soit la stratégie adoptée, les activités en déclin comme celles en mutation appellent une gestion des transitions professionnelles. Le cas des « Job Security Agreements » (Suède), présenté par Lars-Inge Thorsson (Trygghets Stiftelsen - TSN), cherche à apporter une réponse à l’enjeu que représente l’optimisation de la gestion des transitions professionnelles en situation de restructuration. Les « job security agreements » sont des accords de branche mis en place dans le cadre d’une gestion paritaire de l’aide au reclassement des salariés licenciés. Les organismes qui en résultent, les « job security foundations », sont pilotés paritairement et financés par un prélèvement mensuel sur les salaires de l’ensemble des entreprises de la branche (0,3% de la masse salariale dans le cas de TSN), le cas échéant complété par les pouvoirs publics. Organisés régionalement, ils offrent des prestations financières – en particulier sous forme de compléments d’indemnité – et des prestations d’accompagnement individualisé à la recherche d’emploi. Ils interviennent quelle que soit la taille de l’entreprise et dès que le projet de restructuration est annoncé. Leur intervention est conçue sur un mode coopératif, avec l’employeur et les organisations syndicales dans l’entreprise dès lors que des licenciements sont prévus, avec le service public de l’emploi par la suite. Les salariés concernés sont accompagnés individuellement dès la notification de leur licenciement, pendant la période de préavis, c’est-à-dire avant la rupture de leur contrat de travail. Après un premier entretien avec leur consultant, ils sont orientés soit vers un accompagnement à la recherche directe d’emploi, soit vers un programme de formation de reconversion, soit vers une aide à la création d’entreprise. Les résultats affichés par TSN en matière de reclassement sont impressionnants : 70% des salariés seraient reclassés avant le terme de leur période de préavis (d’une durée de 3 à 12 mois selon la branche et l’ancienneté) ; seuls 10% resteraient sans emploi à une échéance de 18 mois. Il est bien entendu que les résultats obtenus sont étroitement dépendants du niveau de qualification des salariés concernés et de la situation du marché local de l’emploi. Les conditions favorables ne seront donc pas nécessairement réunies pour tous les salariés et dans tous les bassins du textile et de l’habillement. Pourtant, ce cas mobilise deux principes d’action dont on peut penser qu’en toutes circonstances ils permettent une optimisation des résultats envisageables : la mutualisation des ressources affectées à l’accompagnement des salariés licenciés, accompagnement dont ne

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bénéficient généralement pas les salariés des PME, et la recherche de solutions individuelles avant la rupture du contrat de travail. Ces solutions seront d’autant plus accessibles que les travailleurs concernés y auront été préparés. Le cas du Plan Régional Textile Habillement (PRTH - France), présenté par Bernard Vandeputte (UIT), vise précisément à répondre à cet enjeu de préparation des travailleurs aux mobilités internes ou intersectorielles envisageables. Le PRTH est un dispositif qui a été mis en place au début des années 2000 dans la région du Nord Pas-de-Calais, à l’initiative des pouvoirs publics et des partenaires sociaux, afin d’accompagner les mutations industrielles du secteur dans la région. Parmi les objectifs qui lui sont assignés, on relève notamment les objectifs de maîtrise de l’information et de formation des salariés du secteur. Le premier se traduira par la mise en place d’un observatoire des métiers et des qualifications. Le second par la conception et la mise en place de formations qualifiantes, de formations certifiantes et d’actions de validation des acquis de l’expérience, prioritairement en direction d’un public ouvrier. L’observatoire s’est attaché à effectuer, pour une centaine d’entre eux, un repérage des capacités, connaissances et tendances d’évolution des métiers de la filière. Parallèlement, des dispositifs de formation et de validation des acquis de l’expérience ont été mis en place selon deux priorités : le développement des compétences pour les métiers de la filière ; l’accompagnement des mobilités vers d’autres métiers hors filière. Les compétences acquises à travers l’exercice d’un métier du textile ou de l’habillement sont en effet pour partie transférables et peuvent être valorisées dans d’autres métiers que ceux de la filière. Ainsi, des formations qualifiantes ont été orientées vers l’approfondissement des compétences en rapport avec les nouveaux métiers de la filière tandis que des formations certifiantes et des actions de validation des acquis de l’expérience ont été orientées vers l’obtention de diplômes transversaux. Le dispositif de validation des acquis de l’expérience suppose de déterminer les diplômes auxquels les salariés concernés pourraient prétendre compte tenu des compétences qu’ils détiennent, puis de mettre en place un système de test via un organisme habilité et, le cas échéant, de concevoir les modules de formations complémentaires permettant de combler les lacunes éventuelles des candidats afin qu’ils puissent prétendre à l’acquisition de ces diplômes. La démarche proposée à travers ce cas repose donc sur quelques principes d’action simples : l’acquisition d’une bonne connaissance des métiers actuels et des compétences de demain dans la filière ; la conception de formations permettant d’acquérir ces compétences ; l’identification des compétences transférables acquises au sein de la filière pour les valoriser hors filière. Cependant, même lorsque des formations sont accessibles, il apparaît que les personnes peu familiarisées avec les méthodes scolaires d’acquisition de connaissances ne s’engagent pas spontanément dans une démarche de

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formation ou de validation des acquis de l’expérience. Le cas des « Union Learning Representatives » (Royaume-Uni), présenté par Diana Veitch (Unison) puis par David Tarren (Amicus), cherche à apporter une réponse à cet enjeu essentiel que constitue l’accès à la formation des salariés peu qualifiés. Ce dispositif prend acte de la capacité des représentants syndicaux à établir un contact privilégié avec une population de salariés faiblement qualifiés, peu familière des actions de formation. Organisé régionalement et par branche, il repose sur une dotation financière de l’Etat et permet aux syndicats de désigner des « représentants chargés de la formation » sur les lieux de travail. Ils ont pour mission d’analyser les besoins de formation, de promouvoir et de délivrer l’information nécessaire auprès des salariés, de monter des actions de formation et d’engager une concertation avec l’employeur pour conduire ces actions. Les syndicats disposent d’un fonds qui leur permet notamment de former leurs « représentants chargés de la formation » à leur fonction, qu’ils exercent sur leur temps de travail tout comme les salariés qui entrent en contact avec eux. Les représentants chargés de la formation font ainsi le lien entre les salariés, l’employeur et les organismes de formation. La relation de proximité entre les représentants syndicaux et les travailleurs, de même que la relation qui s’institue entre ces représentants et les organismes de formation, permettent alors d’accompagner les salariés les moins qualifiés vers des formations qui leur seront adaptées. Dans ce schéma, deux principes d’action sont au centre du dispositif : l’organisation d’une relation de confiance avec les salariés et un transfert de compétences vers les représentants du personnel. Pour autant, ce dispositif ne permet qu’imparfaitement de répondre à un autre enjeu en relation avec la formation : l’accès à la formation des salariés des PME, où la présence syndicale est généralement faible. Le cas Zola (Allemagne), présenté par Sigrid Wöelfing (Tamen, opérateur du projet), cherche à y apporter une réponse au moyen d’accords d’apprentissage. Proche de la démarche de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences, le projet Zola bénéficie du soutien de la Commission Européenne et du Land de Brandebourg. Elle consiste à proposer aux PME une approche anticipatrice en deux temps, animée par l’opérateur du projet. Le premier porte sur l’élucidation des perspectives stratégiques et de leurs conséquences sur les compétences. Il passe par une mise en débat des objectifs stratégiques de l’entreprise entre la direction et le conseil d‘entreprise et par un entretien individuel de concertation avec les salariés. Lors de cet entretien, les objectifs de développement personnel et les objectifs professionnels du salarié sont abordés. Le second temps porte sur l’élaboration des plans de formation au niveau individuel, incluant les souhaits des salariés, et l’élaboration d’un accord avec l’employeur sur les périodes de formation, leurs conditions de mise en œuvre (financement, répartition du temps de formation au travail et hors travail…), les salariés concernés et le suivi des résultats.

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Ce dernier cas met ainsi en œuvre deux principes d’action, complémentaires des précédents : une approche volontariste soutenue par des tiers et une contractualisation assistée entre employeurs et salariés. Enfin, un dernier cas relatif à la formation, le cas Copieval (France), présenté par Gilbert Prost (Coordinateur du dispositif), propose une approche exclusivement territoriale. Soutenue par la Commission Européenne, elle s’intéresse à la formation des travailleurs qui ont perdu leur emploi et vise à les préparer aux métiers et emplois disponibles localement sans préjuger du poste qui pourrait leur être proposé. La démarche part du constat que, sur un territoire donné, on peut repérer un portefeuille de compétences communes à l’ensemble des entreprises de ce territoire qu’il s’agisse de compétences sociales et comportementales ou de compétences plus directement en rapport avec l’exercice d’un métier. Après identification de ces deux blocs de compétences (compétences de base et compétences métier permettant d’accéder à un emploi en entreprise), il devient possible de proposer des formations permettant de les acquérir et d’augmenter ainsi l’employabilité locale des travailleurs concernés. Dans le cas d’espèce, le recensement auprès des entreprises locales des compétences de base présidant à leurs décisions d’embauches a permis d’en dégager cinq principales (autonomie, travail en équipe, comprendre et respecter les consignes, capacité à communiquer, motivation) et d’organiser des formations adaptées. De même quelques formations permettant de compléter ce portefeuille de compétence en vue d’entrer dans un métier quelconque disponible localement ont pu être organisées. Le principe d’action qui guide ici le projet est exactement inverse de celui qui est généralement appliqué : prendre appui sur une logique territoriale dans la conception des formations et non sur les seules logiques de métier. Dans une perspective sociale et territoriale plus générale, le cas de la restructuration de l’industrie du sucre (Europe), présenté par Eric Dresin (Syndicat agro-alimentaire, tourisme et agriculture) et Philippe Pochet (Observatoire social européen), présente une similitude majeure avec la situation de la filière textile et habillement : la disparition programmée de plus du tiers de l’activité européenne. À cet égard, l’un des aspects du dispositif mis en place au niveau de la filière vise à répondre à un enjeu majeur : l’organisation d’une visibilité partagée, au niveau global comme au niveau local, sur l’avenir du secteur et de ses activités. Dans le cadre de la réforme de la PAC, l’Europe a décidé de la suppression progressive des quotas à compter de 2006 et d’une réduction volontariste des capacités de production européennes. À cette fin, un fond de restructuration industrielle a été mis en place pour les entreprises qui décident d’arrêter leur production ainsi qu’un fonds de diversification pour les pays qui soutiennent ces abandons de production. Le fonds de restructuration est accessible dès lors que les entreprises ont pris un engagement de démanteler le site et de mettre en place un plan de restructuration. Le plan de restructuration doit comporter une présentation des buts visés et actions prévues, un calendrier,

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les modalités et le coût des opérations prévues, le montant de l’aide octroyée aux producteurs de betterave, un plan social (plans de reconversion, de reclassement, de retraite anticipée, ainsi que toute autre exigence nationale spécifique), un plan environnemental et un plan financier. Dans ce contexte, les partenaires sociaux ont pris un certain nombre d’initiatives concernant l’exercice de la responsabilité sociale des entreprises : signature d’un Code de conduite en 2003, suivi de la mise en œuvre, recensement des bonnes pratiques. Parallèlement, un observatoire a été conçu et mis en ligne en coopération avec l’OSE (Observatoire Social Européen). Cet observatoire propose en particulier :

o une identification géographique des sucreries en Europe, o des scénarios industriels (fermeture totale, partielle, fusion,

reconversion), o des définitions des fonds structurels, de façon simplifiée, ces fonds

étant décentralisés, o les autorités compétentes au niveau local, o un lexique, o des informations nationales : contacts, sites internet.

Cet observatoire a pour objectif de développer une visibilité partagée de la mise en œuvre des opérations de restructuration, au niveau global, mais aussi au niveau local, pour lequel il constitue un guide pratique, notamment sur l’usage des fonds structurels, les formalités à entreprendre et les contacts à établir. Ce cas peut paraître très spécifique compte tenu des modalités de la restructuration et des moyens, en particulier financiers, qui y sont affectés. De même, les implantations sucrières sont relativement peu nombreuses et aisément identifiables, tandis que les entreprises de la filière textile et habillement sont au contraire particulièrement nombreuses. Toutefois, les territoires où elles sont massivement implantées ne sont pas si nombreux et, de ce point de vue, rien n’interdirait l’application à la filière textile habillement des principes d’action qui ont été mis en œuvre par les acteurs de la filière sucrière : le recensement et le suivi des acteurs potentiellement concernés (en l’espèce des territoires) et la déclinaison des modalités de gestion des restructurations jusqu’à leur niveau (c’est-à-dire la mise à leur disposition d’une « boîte à outils »).

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3. Les recommandations

Les cas qui ont été examinés au cours des séminaires apportent chacun une contribution à la conception d’une meilleure anticipation ou gestion des mutations industrielles et des restructurations, quel que soit le secteur concerné. Si l’on s’en tient aux enjeux et principes d’actions qui se dégagent de ces cas, les lignes directrices des recommandations seraient les suivantes.

Innover

Les objectifs : o l’innovation continue sur des produits et marchés à haute valeur

ajoutée o le soutien aux PME de la filière, tant au niveau technique

qu’organisationnel o la promotion des activités de micro-entreprises porteuses d’un savoir-

faire spécialisé La méthode :

o la prospection permanente des besoins en rapport avec les technologies de la filière

o l’adossement à des ressources techniques de haut niveau o la mutualisation de ressources d’innovation pour les PME o la mise en réseau des très petites entreprises o la construction de partenariats o la formation des chefs d’entreprises aux pratiques innovantes o la prospection et le soutien aux porteurs de projet

Prévenir

Les objectifs : o la préparation des sous traitants, des salariés et des territoires o la structuration du dialogue social entre partenaires sociaux dans

l’entreprise o la recherche de solutions acceptables o la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences o l’absence de salariés en situation de chômage au terme de la

restructuration

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La méthode :

o l’annonce précoce des mutations à venir o l’accès des représentants du personnel à l’information et à la

consultation o la négociation sur les aspects économiques et sociaux o le partage de l’information et l’organisation d’une visibilité sur la

stratégie et les perspectives d’emploi o l’organisation d’un dialogue social autour de ces questions o l’organisation d’une faculté individuelle de se positionner dans le

présent et de se projeter dans l’avenir

Initier des actions collectives

Les objectifs : o la gestion progressive des réductions d’activité o l’optimisation de la gestion des transitions professionnelles o la préparation des travailleurs aux mobilités internes ou

intersectorielles envisageables o l’accès à la formation des salariés peu qualifiés o l’accès à la formation des salariés des PME o la formation des travailleurs qui ont perdu leur emploi o l’organisation d’une visibilité partagée, au niveau global comme au

niveau local, sur l’avenir du secteur et de ses activités La méthode :

o la recherche d’une stratégie sectorielle adaptée, défensive ou offensive o la mutualisation des ressources affectées à l’accompagnement des

salariés licenciés o la recherche de solutions individuelles avant la rupture du contrat de

travail o l’acquisition d’une bonne connaissance des métiers actuels et des

compétences de demain dans la filière o la conception de formations permettant d’acquérir ces compétences o l’identification des compétences transférables acquises au sein de la

filière pour les valoriser hors filière o l’organisation d’une relation de confiance avec les salariés o un transfert de compétences vers les représentants du personnel en

matière de promotion de l’employabilité et de formation o une approche volontariste soutenue par des tiers o une contractualisation assistée entre employeurs et salariés o un appui sur une logique territoriale dans la conception des formations

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o le recensement et le suivi des acteurs potentiellement concernés (en l’espèce des territoires)

o la déclinaison des modalités de gestion des restructurations jusqu’à leur niveau (c’est-à-dire la mise à leur disposition d’une « boîte à outils »).

Dans le cas d’espèce, les recommandations que nous sommes amenés à formuler s’adressent à des acteurs particuliers, les partenaires sociaux du secteur du textile et de l’habillement aux niveaux européen et, au-delà, national ou local. C’est pourquoi, il nous semble que ces lignes directrices doivent s’incarner dans des propositions en rapport, d’une part avec les préoccupations particulières qui sont les leurs et d’autre part avec les leviers d’action dont ils disposent, ceci dans une perspective aussi opérationnelle que possible. Au terme de ces séminaires et des échanges qui les ont animés, nos recommandations s’organiseraient alors à deux niveaux :

o une priorisation de grandes thématiques qu’il s’agirait de promouvoir o une organisation qui permettrait d’y contribuer et de procéder à une

déclinaison opérationnelle au niveau national et local

3.2. Les thématiques à promouvoir

Les cas observés au cours du processus de réflexion des partenaires sociaux européens du secteur textile – habillement ont confirmé un constat : les mutations appartiennent au paysage industriel européen et tous les secteurs sont aujourd’hui concernés. Les séminaires et les auditions d’acteurs de différentes entreprises, secteurs et régions ont rappelé cet élément qui doit désormais faire partie intégrante des analyses et des réflexions prospectives.

Recommandation 1 : Améliorer l’image du secteur

Le secteur souffre actuellement d’une image dégradée. Les délocalisations et les fermetures d’entreprise ont eu un effet sur son attractivité auprès des jeunes. Des efforts spécifiques, menés par les partenaires sociaux devraient être déployés pour améliorer de façon générale l’image du secteur et sécuriser les talents qui souhaiteraient s’y investir. Le Groupe des experts de Haut Niveau, mis en place par la Commission, avait déjà insisté sur la constitution de pools de média (cf. Recommandations du 29/6/2004 et Rapport du 18/9/2006, p.10 et p.23). Ces derniers offriraient aux enseignants mais aussi à d’autres acteurs « un matériel convivial pour faire plus largement connaître l’industrie au public dans son ensemble et aux recrues potentielles de l’industrie, ainsi que pour renforcer encore son image ». Ce projet devrait se concrétiser rapidement.

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Un des moyens d’améliorer l’image du secteur consisterait également à confronter, dès le stade de la formation initiale, les candidats ingénieurs et techniciens au monde de l’entreprise. Il s’agit de mettre en évidence la modernité du secteur et les perspectives professionnelles qu’il est en mesure d’offrir. À cet égard, le lien entreprises, écoles / universités est un vecteur important d’amélioration de l’image du secteur auprès du grand public et de futurs salariés. De même, la mise en évidence des trajectoires professionnelles dans et hors le secteur qu’autorise une compétence de haut niveau acquise dans les entreprises du secteur devrait être recherchée.

Recommandation 2 : Promouvoir l’innovation et la réactivité

Une meilleure adaptabilité au changement repose sur plus d’innovation. La plupart des « success stories » montrent, à l’évidence, que l’innovation est un élément indispensable de l’adaptation du secteur. Les mutations industrielles sont en effet des réalités. Ces changements constituent des évolutions positives pour le secteur et l’innovation en est un ingrédient majeur. L’innovation suppose cependant les éléments suivants : un investissement important, tant financier qu’industriel et humain, dans la recherche et développement ; le développement de pôles d’innovations ainsi que de mécanismes de partage des connaissances, avec une attention spécifique à la réalité des PME ; une plus grande réactivité du secteur et de ses entreprises à la nécessité d’innover. L’innovation doit cependant s’orienter vers des produits à plus fortes valeurs ajoutées. Pour faciliter l’adéquation de l’innovation aux perspectives de marché, il faut développer les outils prospectifs existants et les développer afin d’améliorer la capacité du secteur à se situer dans une optique prospective et à anticiper sur les évolutions industrielles et de marché, au niveau global. Développer la mutualisation des ressources et des outils prospectifs existants serait, à cet égard, d’une grande utilité.

Recommandation 3 : Agir sur la formation et les parcours professionnels

Les débats et les pratiques observées ont montré l’importance de la formation, tant de la formation initiale que de la formation continue et de celle prodiguée dans un contexte de restructuration annoncée. Tous les acteurs – fédérations, entreprises, syndicats, pouvoirs publics et institutions d’enseignement – devraient s’employer à développer la qualité de cette formation, de façon à :

o attirer davantage de jeunes dotés de compétences techniques accrues dans le secteur ;

o développer l’employabilité et la capacité d’adaptation des travailleurs ;

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o développer les compétences techniques et managériales des employeurs ;

o valider régulièrement les compétences acquises et en développer de nouvelles.

Il s’agirait d’agir aussi bien sur la formation de base que sur la formation continue et la formation dite « technique ». Le lien entre l’école, et / ou l’université et l’entreprise devrait être tissé ou amélioré. Les travailleurs âgés détiennent également souvent un savoir-faire qui devrait être valorisé par des mécanismes de tutorat des plus jeunes. En ce qui concerne l’enseignement technique de base et les formations d’ingénieur, on devrait s’attacher à réaliser une comparaison entre les divers systèmes de formation existant en Europe. À cet égard, un dialogue devrait être mené avec les institutions publiques compétentes, tant aux niveaux régionaux et nationaux, qu’aux niveaux communautaires (direction générale Education et Culture). En entreprise, en ce qui concerne la formation continue et la validation des compétences, des mécanismes d’évaluation régulière des progrès réalisés par les salariés constituent un élément qui contribue à la qualité des formations.

Recommandation 4 : Construire un dialogue social de qualité

Plus que jamais, un dialogue social de qualité est indispensable à tous les niveaux, à commencer par celui de l’entreprise. Il repose sur la confiance réciproque. Cette confiance est indissociable de la transparence et de la transmission en temps adéquat de l’information concernant les mutations à venir. Une telle confiance se bâtit à tous les niveaux : celui de l’entreprise, celui du bassin, celui du secteur, au niveau national, mais aussi, au niveau européen. L’observation des scénarii en matière de restructurations et de mutations industrielles montre que cet élément est un ingrédient d’une bonne gestion des transitions, tant sur le plan social qu’économique et commercial. Les partenaires sociaux devraient par conséquent s’engager dans la promotion des démarches concertées, porteuses d’échanges constructifs, entre employeurs et représentants des travailleurs. A cet égard, l’anticipation, la gestion et l’accompagnement des processus de restructuration requièrent l’implication et la participation actives de tous les acteurs concernés. Une telle approche suppose une information honnête, complète, communiquée en temps utiles, dans une perspective d’ouverture à la négociation.

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Recommandation 5 : Développer l’employabilité au niveau des bassins d’emploi

L’employabilité est un élément essentiel dans la gestion des conséquences des restructurations. Développer les compétences en les mettant en relation avec les besoins identifiés dans une entreprise, dans un bassin, voire dans un autre secteur, valider les acquis et agir, si nécessaire, sur les compétences de base, sont des éléments de l’employabilité qui doivent constituer un objectif. Pour atteindre cet objectif, les dispositifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) devraient être promus par les partenaires sociaux. On sait en effet que le secteur du textile et de l’habillement est, actuellement, un de ceux qui consacrent, au niveau européen, le moins de moyen à la formation. Cette donnée doit fondamentalement changer. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les bassins d’emploi du textile et de l’habillement devrait faire l’objet de projets – pilote. Il s’agit de construire des interfaces entre les gisements d’emplois, les compétences nécessaires et les besoins identifiés, y compris par les travailleurs. Ces dispositifs devraient permettre une meilleure adéquation entre l’offre et la demande. Les moyens potentiels existent nationalement, ils peuvent être complétés par de nouveaux fonds à identifier au niveau européen.

Recommandation 6 : Eviter les suppressions d’emplois brutales

Dans sa communication du 31/03/05, la commission constatait que « les restructurations d’entreprise impliquent souvent des coûts trop élevés non seulement pour les travailleurs concernés mais aussi pour l’économie locale ou régionale ». De fait, les mutations industrielles font peur parce qu’elles surviennent trop souvent brutalement, laissant derrière elles chômage, exclusion sociale et friches industrielles. Une meilleure prise en charge de ces dimensions suppose en premier lieu que puissent être gérés simultanément un repli progressif des activités en déclin et un développement d’activités nouvelles sur le territoire concerné. Cette gestion suppose que toutes les alternatives possibles à la restructuration, dans son ampleur comme dans sa temporalité, soient envisagées par l’entreprise en concertation avec les autres parties prenantes, qu’il s’agisse des organisations syndicales ou des pouvoirs publics, nationaux ou locaux, à qui il incombe en particulier de favoriser la création d’activités nouvelles. Elle suppose ensuite que les salariés les plus fragiles et les moins à même de retrouver un emploi s’ils venaient à perdre le leur puissent bénéficier de

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dispositions spécifiques, soit de maintien dans l’emploi, soit, si ce n’est pas possible, de retrait du marché du travail, par exemple au moyen de préretraites. Elle suppose enfin que les salariés menacés dans leur emploi puissent bénéficier d’une sécurité financière et d’un accompagnement efficace dans leur recherche d’un nouvel emploi. Ce dernier devrait en particulier commencer bien avant la rupture du contrat de travail, pendant une période de préavis éventuellement prolongée par un dispositif de portage, et comporter des actions d’accompagnement individualisé, incluant les formations d’adaptation nécessaires, adossées à une prospection des emplois disponibles.

Recommandation 7 : Aider les PME

La question des moyens, en particulier des moyens permettant aux PME de s’adapter aux mutations, a été soulevée. Peu de réponses satisfaisantes existent à ce jour. Il serait dès lors utile de mettre en œuvre une réflexion à ce sujet. Il s’agit de trouver des financements aux restructurations qui soient adaptés à la réalité des entreprises du secteur. Cette réflexion doit être menée avec les institutions européennes et les pouvoirs publics nationaux et régionaux. On songera notamment à des synergies et des réflexions communes entre les donneurs d’ordres, les fournisseurs et les sous-traitants. La transmission de l’information est à cet égard fondamentale et les acteurs devraient veiller à anticiper les effets des restructurations dans les entreprises satellites, principalement dans les PME. Développer l’approche « cluster » est un moyen de maximiser les ressources du secteur dans les PME et de réaliser des économies d’échelle. Les démarches concertées devraient, de façon générale, être encouragées, notamment en vue de développer de véritables outils de gestion des « restructurations et mutations industrielles ». La restructuration ne peut pas être ramenée à une simple décision de licenciements. Il s’agit d’un mécanisme complexe qui, s’il peut effectivement se comptabiliser en licenciements, ne devrait pas entraîner en soi du chômage. La réflexion globale sur les PME doit associer, au niveau institutionnel européen, non seulement la direction générale Emploi – Affaires sociales et la direction générale Entreprises et Industrie, mais également la direction générale Régions.

Recommandation 8 : Construire une approche intégrée

L’analyse des restructurations sectorielles met en évidence l’importance d’une approche intégrée à tous les niveaux. Celle-ci doit s’appuyer sur une très forte anticipation basée sur les recommandations qui précèdent. Des synergies

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claires entre les instruments politiques, législatifs, contractuels et financiers devraient être mises en place ; il faut une coordination des politiques. Il ressort de plusieurs observations que tous les niveaux – depuis le bassin d’emplois jusqu’au niveau européen – doivent être impliqués dans un débat et des actions harmonisées entre elles. En d’autres termes, il s’agit de veiller aux cohérences entre les niveaux micro et macro (approche verticale) et entre les différents types d’acteurs (pouvoirs publics aux compétences diversifiées, fédérations d’entreprises et fédérations syndicales de divers niveaux). Pouvoirs publics Fédérations

d’entreprises Fédérations syndicales

Niveau européen Commission : - Commerce -R&D -Emploi – affaires sociales -Entreprises et industrie -Education et culture -Régions

EURATEX FSE - THC

Niveaux nationaux Pouvoirs publics en charge de : - R&D -Emploi – affaires sociales -Entreprises et industrie -Education et culture -Régions

Fédérations d’employeurs textiles nationales

Fédérations textiles syndicales nationales

Niveau bassin Pouvoirs publics locaux en charge de : -Emploi -Economie -Education

Fédérations d’employeurs textiles locaux et entreprises

Fédérations textiles syndicales locales et représentants des salariés

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3.3. Viser l’opérationnalité

Recommandation 9 : Etablir un réseau européen de centres de ressources

Les deux séminaires ont mis en évidence l’importance de se doter d’un outil de lecture précis du secteur et de centraliser les ressources, les pratiques et les expériences existantes. Les cartographies existantes des bassins où des problèmes d’emplois importants pourraient encore survenir, et notamment celle établie par l’Institut Français de la Mode (IFM), devraient être développées. Cet outil « état des lieux » pourrait ensuite donner lieu à la réalisation d’un outil d’information sur l’accès aux financements communautaires, nationaux et régionaux existants, à l’image de celui présenté par les représentants de l’industrie du sucre et de l’Observatoire social européen. La centralisation des ressources doit aller de pair avec des démarches locales, se concrétisant par des centres de ressources locaux. Compte tenu du fait que la majorité des entreprises du secteur sont des PME, le niveau adéquat est, plus que jamais dans le cas des PME, le niveau régional, voire local. Dès lors, on devrait favoriser le développement d’un réseau de centres de ressources régionaux (par bassin) là où une concentration critique d’entreprises du secteur est constatée. Ces centres doivent s’appuyer sur des collaborations entre les partenaires sociaux, les pouvoirs publics locaux, les établissements d’enseignements et les universités. Ils devraient être un lieu de construction d’un dialogue social s’appuyant sur la confiance entre partenaires sociaux à tous les niveaux. Plus concrètement, la construction de ces centres pourrait s’appuyer, par exemple - comme le suggère le Groupe de Haut Niveau dans ses recommandations - sur les dispositifs paritaires de formation repérés dans 6 pays (FR, BE, IT, ES, UK, PT) lesquels, après échanges entre eux, contribueraient à diffuser leur fonctionnement vers d’autres lieux, principalement dans les nouveaux Etats membres. Il s’agit de capitaliser les dispositifs existants et de les traduire là où sont identifiées des restructurations à venir et de décliner sur le terrain les recommandations du niveau central. Ces centres de ressources pourraient notamment procéder à des évaluations régulières des systèmes de formation qualifiante et de formation continue. Les séminaires confirment la pertinence d’une autre des recommandations du Groupe de Haut Niveau, celle relative à la diffusion de l’innovation. Une banque de connaissances où seraient centralisées les informations sur les ressources en matière d’innovation (liste d’experts, programmes de recherche, etc.) pourrait ainsi être mise à disposition des entreprises du secteur. Il s’agirait d’y capitaliser les savoir-faire existants, mais aussi de développer des mécanismes d’aides à l’innovation ou d’informer de leur existence là où elles existent. Les entreprises

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ont le devoir d’innover, mais elles ont aussi un droit à l’aide à l’innovation qui doit être un processus continu et une préoccupation permanente. Plus que jamais, est confirmée la recommandation du Groupe de Haut Niveau quant à l’importance de collaborations entre les entreprises, les centres de recherche et les universités. Plusieurs expériences observées ont mis en évidence l’importance du leadership notamment pour accompagner une mutation technologique. Le rôle des experts, tant dans les matières techniques que dans les domaines de la gestion des compétences et de l’emploi, a de même été souligné.