91
Concours du second degré Rapport de jury ________________________________________________________________________________ © www.education.gouv.fr Concours : externe de l’AGREGATION DE LETTRES CLASSIQUES Session 2014 Rapport de jury présenté par : François ROUDAUT, Président du jury

Rapport de l'Agrégation 2014 - antiquite.ens.fr · Gradus. Les procédés littéraires. Grammaire grecque de Ragon et Dain. Grammaire homérique. Guide grec antique. Guide romain

Embed Size (px)

Citation preview

  • Concours du second degr Rapport de jury

    ________________________________________________________________________________ www.education.gouv.fr

    Concours : externe de lAGREGATION

    DE LETTRES CLASSIQUES

    Session 2014

    Rapport de jury prsent par :

    Franois ROUDAUT, Prsident du jury

  • 2

    SOMMAIRE

    Composition du jury p. 3

    Droulement des preuves p. 4

    Liste des ouvrages mis gnralement la disposition

    des candidats dans les salles de prparation p. 5

    Programmes de la session 2014 p. 6

    Rapport du Prsident p. 7

    preuves crites dadmissibilit p. 8

    Thme latin p. 9

    Thme grec p. 17

    Version latine p. 22

    Version grecque p. 33

    Dissertation franaise p. 42

    preuves orales dadmission p. 57

    Leon p. 58

    preuve Agir en fonctionnaire p. 64

    Explication dun texte franais postrieur 1500 p. 66

    preuve de grammaire p. 70

    Explication dun texte antrieur 1500 p. 78

    Explication dun texte latin p. 83

    Explication dun texte grec p. 87

    Programme de la session 2015 p. 91

  • 3

    COMPOSITION DU JURY

    Prsident : Franois Roudaut, Professeur des Universits (Montpellier)

    Vice-prsident : Martin Dufour, Inspecteur dAcadmie-Inspecteur pdagogique rgional (Paris)

    Membres du jury :

    lonore Andrieu, Matre de confrences (Universit de Bordeaux)

    Franck Baetens, Professeur en classes prparatoires (Acadmie de Lille)

    David Bauduin, Inspecteur dAcadmie-Inspecteur pdagogique rgional (Acadmie dOrlans-Tours)

    Sandrine Berthelot, Professeur en classes prparatoires (Acadmie de Versailles)

    Armelle Deschard, Matre de confrences (Universit de Bordeaux)

    Muriel Fazeuille, Professeur en classes prparatoires (Acadmie de Toulouse)

    Michel Figuet, Inspecteur dacadmie-Inspecteur pdagogique rgional (Acadmie de Lyon)

    Guillaume Flamerie de Lachapelle, Matre de confrences (Universit de Bordeaux)

    Marie Fontana-Viala, Professeur en classes prparatoires (Acadmie de Paris)

    Isabelle Gassino, Matre de confrences (Universit de Rouen)

    Violaine Graud, Professeur des Universits (Lyon)

    Philippe Haugeard, Professeur des Universits (Orlans)

    Hubert Heckmann, Matre de confrences (Universit de Rouen)

    Dimitri Kasprzyk, Matre de confrences (Universit de Brest)

    Florence Leca-Mercier, Matre de confrences (Universit de Paris IV)

    Sophie Lefay, Matre de confrences (Universit dOrlans)

    Philippe Le Moigne, Matre de confrences (Universit de Montpellier)

    Marie-Laure Lepetit, Inspecteur gnral de lducation nationale

    Myriam Marrache-Gouraud, Matre de confrences (Universit de Brest)

    Jean-Michel Mondoloni, Professeur en classes prparatoires (Acadmie de Corse)

    lise Pavy-Guilbert, Matre de confrences (Universit de Bordeaux)

    Denis Pernot, Professeur des Universits (Paris XIII)

    Thierry Revol, Professeur des Universits (Strasbourg)

  • 4

    DEROULEMENT DES EPREUVES preuves crites dadmissibilit : 1. Thme latin Dure : 4 heures ; coefficient 6. 2. Thme grec Dure : 4 heures ; coefficient 6. 3. Version latine Dure : 4 heures ; coefficient 6. 4. Version grecque Dure : 4 heures ; coefficient 6. 5. Dissertation franaise sur un sujet se rapportant un programme duvres Dure : 7 heures ; coefficient 16. preuves orales dadmission : 1. preuve en deux parties : Dure de la prparation surveille : 6 heures 30 Dure de lpreuve : 1 heure 15 Coefficient : 11 Premire partie : leon portant sur les uvres inscrites au programme, suivie dun entretien avec le jury : Dure de la leon : 40 minutes maximum Dure de lentretien : 15 minutes maximum Seconde partie : interrogation portant sur la comptence Agir en fonctionnaire de lEtat et de faon thique et responsable , suivie dun entretien avec le jury : Dure de la prsentation : 10 minutes maximum Dure de lentretien avec le jury : 10 minutes maximum 2. Explication dun texte de franais moderne tir des uvres au programme (textes postrieurs 1500), suivi dun expos de grammaire portant sur le texte et dun entretien avec le jury : Dure de la prparation : 2 heures 30 Dure de lpreuve : 1 heure (dont 45 minutes maximum pour lexplication de texte et lexpos de grammaire, et 15 minutes maximum pour lentretien avec le jury). Coefficient : 9. 3. Explication dun texte dancien ou de moyen franais tir de luvre (ou des uvres) au programme (texte antrieur 1500), suivie dun entretien avec le jury Dure de la prparation : 2 heures. Dure de lpreuve : 50 minutes (dont 35 dexplication, au maximum, et 15 dentretien, au maximum). Coefficient : 5. 4. Explication dun texte latin, suivie dun entretien avec le jury : Dure de la prparation : 2 heures. Dure de lpreuve : 50 minutes (dont 35 dexplication, au maximum, et 15 dentretien, au maximum). Coefficient : 8. 5. Explication dun texte grec, suivie dun entretien avec le jury : Dure de la prparation : 2 heures. Dure de lpreuve : 50 minutes (dont 35 dexplication et 15 dentretien). Coefficient : 8. Sagissant des preuves orales de latin et de grec, le tirage au sort dtermine pour chaque candidat laquelle sera passe sur programme, laquelle sera passe hors programme.

  • 5

    LISTE DES OUVRAGES MIS GENERALEMENT A LA DISPOSITION DES CANDIDATS DANS LES SALLES DE PREPARATION

    Pour la leon et les explications, les ouvrages jugs indispensables par le jury sont mis la disposition des candidats ; la liste propose ci-aprs (la mention des diteurs a t omise) est indicative et prsente globalement, sans les distinguer, les ouvrages mis disposition dune part pour la prparation de lexplication de texte et dautre part pour celle de la leon.

    Atlas de la Rome antique. Atlas du monde grec. Bible de Jrusalem. Dictionnaire Bailly. Dictionnaire culturel de la Bible. Dictionnaire de la Bible. Dictionnaire de la langue franaise de Littr, 7 volumes. Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine. Dictionnaire de lancien franais. Dictionnaire de lAntiquit. Dictionnaire de potique et de rhtorique de Morier. Dictionnaire de rhtorique de Molini. Dictionnaire des lettres franaises, 5 volumes. Dictionnaire du franais classique. Dictionnaire du moyen franais. Dictionnaire tymologique de la langue franaise. Dictionnaire Gaffiot. Dictionnaire Grand Robert. Dictionnaire historique de la langue franaise, 2 volumes. Dictionnaire Petit Robert 1 (noms communs). Dictionnaire Petit Robert 2 (noms propres). lments de mtrique franaise de Mazaleyrat. Gradus. Les procds littraires. Grammaire grecque de Ragon et Dain. Grammaire homrique. Guide grec antique. Guide romain antique. Histoire de la littrature chrtienne ancienne grecque et latine, tome 1 : De Paul Constantin. Histoire de la littrature grecque de Sad et Trd. Histoire gnrale de lEmpire romain, 3 volumes. Histoire grecque de Glotz, 4 volumes. Histoire grecque dOrrieux et Schmitt. Histoire romaine de Le Glay, Voisin et Le Bohec. Institutions et citoyennet de la Rome rpublicaine. La civilisation de lOccident mdival. La civilisation grecque lpoque archaque et classique. La conqute romaine de Piganiol. La littrature latine de Nraudau. La Rpublique romaine. La vie dans la Grce classique. La vie quotidienne Rome. La vie quotidienne en Grce au sicle de Pricls. Le mtier de citoyen sous la Rome rpublicaine. Le monde grec et lOrient, 2 tomes. Le sicle de Pricls. LEmpire romain / Le Haut Empire. LEmpire romain dAlbertini. Les grandes dates de lAntiquit de Delorme.

  • 6

    Les institutions grecques lpoque classique de Moss. Littrature franaise, 9 volumes. Littrature latine de Fredouille et Zehnacker. Naissance de la chrtient. Prcis de littrature grecque de J. de Romilly. Rome lapoge de lEmpire de Carcopino. Rome et la conqute du monde mditerranen, 2 volumes. Rome et lintgration de lEmpire /Les structures de lEmpire romain. Septuaginta, id est Vetus Testamentum graecum. Syntaxe latine dErnout et Meillet. Trait de mtrique latine.

    PROGRAMME DE LA SESSION 2014 Auteurs grecs : . Homre, Iliade, chant XXIV (CUF). . Sophocle, dipe Colone (CUF). . Thucydide, La guerre du Ploponnse, livre I (CUF). . Plutarque, Vie dAntoine (CUF). Auteurs latins : . Cicron, Correspondance, t. 2 (CUF). . Virgile, Les Gorgiques, Livres III-IV (CUF). . Snque, dipe (CUF, d. 2002). . Tertullien, De pallio (coll. Sources chrtiennes, 2007) et De spectaculis (coll. Sources chrtiennes, 1986). Auteurs franais : . Cycle de Guillaume dOrange, Couronnement de Louis, d. E. Langlois, CFMA, Champion classiques. . Jodelle, Didon se sacrifiant, d. Jean-Claude Ternaux, Paris, Champion, Textes de la Renaissance, 2002. . Tristan LHermite, Le Page disgraci, d. Jacques Prvost, Paris, Gallimard, coll. Folio classique. . Montesquieu, Lettres persanes, d. Paul Vernire actualise par Catherine Volpilhac-Auger, Paris, Le livre de poche (coll. Bibliothque classique ), 2005. . Stendhal, Le Rouge et le noir, d. Anne-Marie Mninger, Paris, Gallimard, coll. Folio classique, 1967. . Paul luard, Capitale de la douleur, Posie/Gallimard, 1966.

  • 7

    RAPPORT DU PRESIDENT

    Comme lanne dernire, le nombre des postes tait fix 75. Il tait de 60 en 2012, de 50 en 2011, de 46 en 2010, de 40 en 2009, 2008, 2007 et 2006, de 60 en 2005, de 53 en 2004 et de 62 en 2003.

    Si lon note cette anne une lgre diminution du nombre des inscrits (324 au lieu de 355 en 2013), on ne peut cependant que souligner une augmentation du nombre des prsents : 195 au lieu de 185.

    143 candidats ont t dclars admissibles. La moyenne des candidats admissibles est de 9, 81 / 20, la barre dadmissibilit se trouvant cette anne 6,5 / 20. Elle est donc un peu plus leve que les annes prcdentes.

    La barre dadmission a t fixe 8, 36 / 20 ; elle se trouvait 8,27 lanne dernire. Il semble donc que la hausse du niveau gnral se confirme encore cette anne. Le prouve galement la moyenne des candidats admis : 10, 51 / 20, contre 10, 43 / 20 en 2013. La candidate classe premire a obtenu une moyenne suprieure 17 / 20, dpassant ainsi largement les caciques des annes prcdentes.

    On remarquera que, comme dans les deux dernires sessions, les candidats les plus nombreux sont les professeurs certifis : 155 inscrits, 86 prsents et 58 admissibles, contre 93 tudiants inscrits, 78 prsents et 56 admissibles. Sans doute cela est-il d au fait, qui pourrait sembler paradoxal, que lagrgation interne apparat dsormais comme plus slective que le concours externe.

    La profession tend se fminiser fortement : 105 femmes admissibles pour 38 hommes, soit largement moins du tiers des admissibles.

    Loral est, comme on dit, extrmement ouvert : tel candidat a t reu alors quil tait class avant-dernier lissue de lcrit.

    Les notes stagent de 0,5 20. Le jury na pas hsit attribuer parfois les notes de 19 et de 20, considrant que le niveau atteint par la copie ou par lexercice oral tait digne des plus grands loges, et quil ny avait pas lieu, dans un concours, de noter entre 6 et 12.

    Les rapports qui sont prsents dans les pages suivantes doivent moins tre lus comme des corrigs dpreuves passes que comme des guides pour acqurir ou confirmer une mthode, au sens le plus gnral du terme. Une mthode et des connaissances, car si le concours a pour fonction dvaluer des comptences disciplinaires, il doit permettre galement de mesurer les capacits transmettre un savoir : lagrgation est un concours de recrutement de futurs enseignants. Ce point ne doit pas tre oubli par les candidats qui doivent donc possder, outre des connaissances, clart dans la pense ainsi que nettet et correction dans lexpression.

    Il faut rappeler enfin que ce concours de la fonction publique est un concours national. Cela signifie que les convocations qui manent de lui priment sur toute autre convocation (si le candidat est un tudiant) ou sur toute autre obligation de service (sil sagit dun fonctionnaire). Trop dinstances de toutes natures agissent en donnant le sentiment quelles ont oubli cette rgle.

  • 8

    PREUVES CRITES DADMISSIBILIT

  • 9

    RAPPORT SUR LE THEME LATIN

    tabli par Guillaume FLAMERIE DE LACHAPELLE

    avec le concours de Jean-Michel MONDOLONI

    TEXTE DE LEPREUVE

    MANUVRES DE CATILINA ET DANTONIUS*

    En apprenant la dcouverte du complot et la mort tragique de Lentulus, Catilina comprit aussitt quAntonius se rangerait au parti du vainqueur, et il se repentit amrement de navoir pas plus tt prpar sa retraite. Au premier mouvement que fit larme consulaire, la dsertion se mit dans le camp des rebelles ; quelques jours suffirent pour dissiper ce grand rassemblement qui de loin pouvait en imposer sur sa force vritable. Bientt Catilina se trouva rduit une troupe de trois quatre mille hommes. Ctait bien peu pour se frayer un passage au del des Alpes, et pourtant ctait dsormais sa seule ressource. Dans ce dessein, il dcampe brusquement et prcipite sa marche sur Pistoria, au travers des montagnes, se flattant de tromper la vigilance de Mtellus Celer, qui lattendait avec trois lgions de lautre ct de lApennin. Quelque soin quil prt pour drober son mouvement, les dserteurs quil semait partout dans sa marche en avertirent le prteur, qui se porta aussitt avec le gros de ses forces sur le point o Catilina esprait traverser les montagnes. En mme temps larme dAntonius savanait sur Fesulae, suivant dans sa marche la retraite de Catilina et lenfermant ainsi dans les valles dont les cols taient occups par Mtellus. Aprs avoir pacifi Capoue, Sextius avait t envoy avec un corps de troupes auprs dAntonius pour aiguillonner son zle plus que douteux. Le proconsul se disait malade de la goutte, et sen tait prvalu quelque temps pour tenir son arme dans limmobilit ; mais larrive de Sextius lui fit voir que ses lenteurs lui seraient imputes crime, et il consentit remettre le commandement de ses troupes M. Ptrius, vieux soldat, loyal et rempli dexprience.

    Prosper MERIMEE

    * Traduire le titre.

    En vertu dune sorte dinversion des rles, qui navait rien de concert, les candidats de cette anne se sont vu proposer, en thme grec, un texte lyrique crit par un homme de guerre et, en thme latin, le rcit de manuvres militaires rdig par un homme de lettres.

    Les agrgatifs doivent donc matriser assez bien la syntaxe des deux langues anciennes pour traduire des textes narratifs aussi bien que des morceaux plus thoriques. Cela a-t-il t le cas en 2014 ?

    En latin, les candidats ont sembl, dans lensemble, un peu moins laise que leurs prdcesseurs de 2013, puisque, contrairement lanne dernire, les notes de 18 et de 19 nont pas t attribues. Il reste que prs de trente copies ont obtenu une note gale ou suprieure 14, qui rcompense un travail srieux et rgulier. linverse, le quart des copies se situe 5 ou en dessous : la plupart taient inacheves, mais la partie rdige suffisait montrer que les connaissances grammaticales et syntaxiques taient de toute faon bien insuffisantes.

    La moyenne stablit 8,74 sur 20 : elle est donc proche de celles des dernires sessions.

  • 10

    Commenons par deux considrations formelles dj prsentes dans le rapport de 2013, mais qui ont visiblement chapp plusieurs postulants :

    en premier lieu, les correcteurs tiennent compte de la prsentation gnrale : il convient de soigner son criture et dutiliser une ligne sur deux seulement. Cest le moins quon puisse attendre de futurs enseignants, qui devront eux-mmes apprendre leurs lves prsenter des copies ares et agrables parcourir.

    en second lieu, les graphies i/j et u/v sont acceptes indiffremment.

    Au-del de sa valeur littraire et historique, cet extrait permettait dapprcier les connaissances grammaticales des candidats sur des points thoriquement bien connus, comme les complments circonstanciels de lieu et de temps ou lusage du rflchi. Il contenait en outre un bon chantillon des propositions subordonnes. Insistons ici sur un point : le jury nentendait nullement plonger les candidats dans des abmes de perplexit. La connaissance lmentaire des rgles gnrales suffisait, car notre souhait est-il besoin de le prciser ? nest jamais de piger le candidat, mais simplement de vrifier la matrise de quelques aspects fondamentaux de la grammaire et de la syntaxe du latin.

    En ce qui concerne lintelligence du texte, le rcit, simple et direct, ne contenait gure de difficults ; le jury a du reste accept parfois plusieurs interprtations du moment quelles taient raisonnables.

    Enfin, le cadre historique devait rassurer les candidats : aucune transposition lexicale effectuer, pas de notion morale ou politique trangre lAntiquit. Lvnement, pouvait-on supposer, tait bien connu. De fait, ce nest pas le vocabulaire ou le cadre historique qui ont dconcert les candidats, quelques exceptions prs. Il faut signaler, par exemple, que, pour un nombre non ngligeable de candidats, Catilina a t le premier surpris de lexistence dune conjuration en 63 ; dautres ont confondu Caius Antonius avec le triumvir Marc-Antoine. Un candidat, dfaut de prendre le Pire pour un homme, a vu dans lApennin un cours deau et un autre a compris que le prteur , tait un prteur (fenerator) : il est vrai que Catilina avait de grosses dettes Que dire finalement de ces trois candidats qui ont rendu M. Ptrius par ille Petreius : ont-ils cru que M. tait une abrviation de Monsieur ?

    la vrit, les fautes les plus prjudiciables ont un caractre dcourageant, non seulement parce quelles trahissent des lacunes morphologiques et grammaticales proccupantes, mais aussi parce quelles prouvent que les recommandations fournies chaque anne par le jury dans son rapport sont largement ngliges.

    Avant den venir au texte de Mrime, ont t rassembles ici les fautes les plus frquentes et les plus pnalisantes, susceptibles de revenir quel que soit le sujet :

    a. Morphologie :

    - verbale : le jury a rencontr, une fois encore, de nombreuses formes surcomposes pour traduire une voix passive (*ductus fuit au lieu de ductus est ; *apertam fuisse au lieu de apertam esse, par exemple).

    Trop rpandue est la confusion rgnant sur la voix de linfinitif futur (le tour en -urum esse tant pris pour un passif). Les tentatives de conjuguer au passif des verbes intransitifs (pereo, intereo, aduenio) ont t tout aussi dsastreuses pour ceux qui sy sont essays. Rappelons quen rgle gnrale, seul le passif impersonnel se rencontre pour ce type de verbes.

  • 11

    - nominale : des candidats ont oubli que laccusatif neutre des substantifs de la 3e dclinaison (par ex. agmen) tait identique au nominatif ; nombreuses ont t les confusions entre les dclinaisons de uir et de uis.

    - adjectivale : lablatif singulier, mais aussi le datif singulier des adjectifs parisyllabiques de la 2e classe (type fortis, -e) ont dconcert les candidats : les obstacles sont pourtant faciles surmonter si lon veut bien se donner la peine dapprendre une fois pour toutes les rgles demploi, commodment rsumes dans de nombreuses grammaires.

    Il faut sassurer aussi que les comparatifs ou les superlatifs quon sapprte employer sont bien attests dans le dictionnaire de Gaffiot : dubius, par exemple, na pas de superlatif synthtique ; il fallait donc recourir ladverbe maxime.

    - pronominale : les pronoms ont donn lieu moins derreurs (mais cependant plusieurs datifs singuliers en *eo ou *eae pour is, ea, id) que lanne dernire, soit que les candidats fussent plus attentifs, soit que le texte de cette anne ft moins fourni dans ce domaine.

    b. Grammaire :

    - lusage des complments circonstanciels de temps et de lieu nest pas toujours assimil.

    Pour les complments circonstanciels de lieu, il y a eu trop souvent des noms de ville prcds de la prposition in. Plus gnralement, les adverbes de lieu semblent interchangeables dans lesprit des candidats : quil semait partout a t frquemment rendu par undique, qui ntait pas adquat ; ubi a t utilis presque systmatiquement pour rendre o , mme quand il sagissait lvidence de la question quo ou de la question qua.

    Quant aux complments circonstanciels de temps, les candidats ont tendance employer laccusatif ds quune dure est exprime, sans faire la distinction entre les questions quanto tempore ? ( en combien de temps , qui requiert lablatif) et quamdiu ? ( pendant combien de temps , qui requiert laccusatif, avec ou sans per).

    - laccord du pronom relatif semble entour de tnbres impntrables pour certains candidats : il obit pourtant le plus souvent aux mmes rgles quen franais, savoir un accord en genre et en nombre avec son antcdent, et un cas dpendant de la fonction quil occupe lintrieur de la proposition subordonne relative.

    - les confusions entre rflchis et non-rflchis ont t aussi nombreuses que lanne prcdente. L encore, il suffit pourtant dappliquer mcaniquement les rgles appropries.

    c. Syntaxe :

    - quand ils veulent employer une proposition subordonne infinitive, les candidats tendent dcalquer le tour franais en oubliant que lexpression du sujet est obligatoire en latin ( Il se disait malade = Dicebat se aegrum esse).

    - les rgles relatives la concordance des temps sont frquemment bafoues. Ainsi, dans la phrase Sextius avait t envoy avec un corps de troupes auprs dAntonius pour aiguillonner [] , on pouvait fort bien rendre les deux derniers mots par une proposition subordonne exprimant le but, mais il fallait alors mettre celle-ci au subjonctif imparfait, puisque le verbe de la principale indique clairement un contexte pass ( avait t envoy ). Cette faute procde-t-elle de la dsutude en laquelle est tomb le subjonctif imparfait en franais ? Cela est probable, si bien que le candidat devra

  • 12

    tre trs vigilant, et ne pas se contenter de transposer mentalement pour aiguillonner = pour quil aiguillonne = ut stimulet ; il fallait ici ut stimularet.

    - les verbes transitifs doivent tre construits avec un complment dobjet direct exprim, moins que le dictionnaire de Gaffiot nindique clairement quun emploi intransitif se rencontre dans des textes classiques. Exspectare, par exemple, devait recevoir un C.O.D.

    d. Mots de l ia ison

    Lhabitude, en thme latin, est de coordonner deux phrases ou deux propositions indpendantes et non de les juxtaposer. Les candidats auront donc intrt, ds la premire lecture du texte, inscrire sur le texte du sujet, au crayon papier, des conjonctions comme sed, enim, autem pour lier les phrases les unes aux autres. Un relatif de liaison fera aussi bien laffaire. En revanche, il ne faut pas placer de mot de liaison au dbut du texte, puisquon ignore ce qui prcde.

    Les candidats de la session 2015 qui tiendront compte de ces quelques brves observations en retireront certainement un profit inversement proportionnel leur longueur.

    Entrons prsent, suivant lusage tabli, dans le dtail du texte.

    Titre. Manuvres de Catilina et dAntonius

    Quelques candidats, sans doute impatients den dcoudre avec les difficults quoffrait Mrime lui-mme, ont nglig de traduire le titre Funeste et coteuse distraction !

    Dautres ont compris le terme manuvres au sens de manigances : si cette interprtation pouvait sappliquer, la rigueur, Antonius, personnage trouble et tortueux, qui joue de sa goutte pour rester oisif, lheure nest plus pour Catilina au complot, mais laction. Manuvres devait donc se comprendre dans son sens propre. Il ny avait pas de terme latin correspondant exactement, de sorte que les candidats avaient tout intrt choisir la proposition interrogative indirecte, de prfrence la tournure de + ablatif, quon rservera un expos gnral portant sur un thme particulier. On pouvait utiliser un adverbe interrogatif de lieu, comme quo ou qua, voire les deux (cf. par ex. Cic., Att., IX, 6, 1).

    Le verbe devait se mettre au parfait, puisque le texte voque des vnements rvolus. videmment, il convenait alors duser du subjonctif.

    Phrase 1. En apprenant la dcouverte du complot et la mort tragique de Lentulus, Catilina comprit aussitt quAntonius se rangerait au parti du vainqueur, et il se repentit amrement de navoir pas plus tt prpar sa retraite.

    Le jury a accept de trs nombreuses tournures pour rendre en apprenant que : postquam, cum, ubi, etc. Lusage dun ablatif absolu tait possible, mais entranait des difficults qui ont gar plusieurs candidats.

    Ladjectif tragique ne pouvait gure se rendre par tragicus, qui ne semploie pas de faon figure, ni par luctuosus, qui tait plonastique.

    On ne comprend pas pourquoi certains candidats se sont crus obligs de dcliner lidentit complte des trois personnages dont il est question (par ex. Lucius Sergius Catilina), ce qui les a amens du reste parfois des anachronismes graves.

  • 13

    Plus gnant sans doute : un nombre considrable de candidats, cause dune lecture trop rapide ou par crainte de se lancer dans des constructions trop complexes, ont t tents de simplifier abusivement le texte, ce qui aboutit finalement de vrais contre-sens : en apprenant quil y avait eu un complot (Postquam cognouit coniurationem fuisse), ou bien il se repentit de navoir pas fui plus tt (Paenituit se non prius fugisse).

    Le verbe paenituit, enfin, a souvent t construit de faon fautive ; les pronoms rflchis et non-rflchis, en particulier, ont t employs mauvais escient dans bon nombre de copies.

    Phrase 2. Au premier mouvement que fit larme consulaire, la dsertion se mit dans le camp des rebelles ; quelques jours suffirent pour dissiper ce grand rassemblement qui de loin pouvait en imposer sur sa force vritable.

    Les calques primo motu ou ad primum motum taient plus que maladroits ; une proposition circonstancielle simposait ici.

    Sur le plan lexical, le terme impetus tait trop fort pour rendre simplement un mouvement . Concernant lexpression arme consulaire , des candidats, se fondant sur le dictionnaire de Gaffiot, nont pas retenu ladjectif consularis, pourtant classique (par ex. Cic., II Verr., III, 177), et ont recouru au substantif consul, ce qui a t accept mme si, en ralit, Antonius est alors proconsul. En revanche, le pluriel consules a t sanctionn, les candidats devant savoir quen principe les deux consuls ne sont pas placs la tte de la mme arme.

    Il tait maladroit de faire dun substantif signifiant dsertion (desertio ou, pire, derelictio) le sujet de se mit , et la mme remarque vaut pour le segment quelques jours suffirent . Pour le camp, a t admise aussi bien lacception spatiale ( le campement ) que politique ( le parti ). Quant aux rebelles , le plus judicieux tait sans doute demployer le substantif hostis, comme le fit Cicron lui-mme contre Catilina, puis contre Marc-Antoine ; rebelles, en revanche, nest pas classique.

    Le verbe imposer a pos des problmes ; il ntait certes pas facile rendre. On pouvait le comprendre dans les sens classiques de commander le respect, la crainte ou bien plutt de faire illusion (Littr).

    Phrase 4. Bientt Catilina se trouva rduit une troupe de trois quatre mille hommes.

    Dans un rcit au pass, breui tempore est plus classique que mox pour rendre notre bientt .

    Le calque tait dangereux, car le texte franais contenait une sorte de brachylogie : Catilina se trouva rduit une troupe de trois quatre mille hommes , ou bien Catilina se trouvrent rduites une troupe de trois quatre mille hommes . Une fois ce pril cart, il ne restait plus aux candidats qu viter les difficults relatives lexpression des grands nombres, qui se trouvaient dj dans le thme de lanne dernire mais qui ont une fois encore caus de graves dgts. Rappelons que le latin dit : de trois quatre milliers dhommes , avec hommes au gnitif pluriel.

    Beaucoup de candidats ont crit duo aut tria milia, au lieu des trois quatre mille dont parlait Mrime : on ne sait pourquoi.

  • 14

    Phrase 5. Ctait bien peu pour se frayer un passage au del des Alpes, et pourtant ctait dsormais sa seule ressource.

    Il convenait de rester simple pour rendre se frayer un passage : une traduction comme uiam munire ntait pas de mise, puisquelle dsigne classiquement la construction dune route, et non pas simplement le passage par un point donn.

    Le groupe sa seule ressource pouvait raisonnablement se comprendre de deux faons : les troupes dont Catilina dispose, ou bien le passage au-del des Alpes. Les deux interprtations ont donc t acceptes.

    En revanche, le premier C ne pouvait renvoyer qu la troupe de trois quatre mille hommes .

    Il fallait enfin rendre le possessif dans sa seule ressource , et prendre garde au fait quil ne pouvait sagir que dun non-rflchi.

    Phrase 6. Dans ce dessein, il dcampe brusquement et prcipite sa marche sur Pistoria, au travers des montagnes, se flattant de tromper la vigilance de Mtellus Celer, qui lattendait avec trois lgions de lautre ct de lApennin.

    Deux verbes sont au prsent de narration en franais ; il tait tout fait possible (et souhaitable) de conserver ce temps en latin. Linfinitif de narration a galement t admis.

    Le verbe se flattant a t compris de plusieurs faons : lide que Catilina se vante est bien videmment carter. Le sens tait plus classique : aimer croire , ou bien sentretenir dune esprance (Littr). Une formule comme in eam spem uenire (Caes., Ciu., I, 72) ou mme simplement sperare pouvait suffire.

    La proposition relative qui lattendait introduit vraisemblablement une remarque de Mrime lui-mme : il ntait donc pas ncessaire de mettre le verbe au subjonctif, comme dans le cas dun discours indirect.

    Beaucoup de candidats nont pas traduit la prposition avec : peut-tre avaient-ils en tte la rgle de grammaire permettant domettre cum pour dsigner des troupes qui accompagnent un chef, mais les circonstances dans lesquelles semploie ce tour sont assez restreintes (voir Ernout-Thomas, 109 : il faut une ide de mouvement ; de toute faon, ladjectif numral fait perdre lexpression son caractre formulaire).

    Phrase 7. Quelque soin quil prt pour drober son mouvement, les dserteurs quil semait partout dans sa marche en avertirent le prteur, qui se porta aussitt avec le gros de ses forces sur le point o Catilina esprait traverser les montagnes.

    Cette phrase et la suivante ont rvl nos yeux lexistence dune stratgie dlibre de la part de plusieurs candidats : utiliser le subjonctif dans presque toutes les propositions relatives en se disant que le correcteur y trouvera bien lui-mme une raison (discours indirect, valeur circonstancielle). Ce subterfuge sest retourn contre ces traducteurs imprudents : le subjonctif ne doit semployer dans une proposition relative quavec des raisons srieuses. Il ntait pas ncessaire de mettre esprait au subjonctif, puisque rien nindique que lon ait ici affaire la pense de Mtellus Celer.

    Une ralit militaire a chapp aux candidats : un dserteur nest pas ncessairement un transfuge . Le premier se contente dabandonner son arme, alors que le second rejoint le camp

  • 15

    adverse. Il importait de ne pas employer lun pour lautre mme si Salluste parle bien de transfuges (Cat., 57, 3).

    Les traductions littrales de semait taient proscrire. Quant au en , beaucoup de candidats ont oubli quau cas oblique il convient en thme de remplacer le pronom neutre (id, hoc) par ea res, haec res. On dira donc par exemple : Id uidit ( Il a vu cela ), mais de ea re ( au sujet de cela ).

    La traduction de sur le point o a trahi lignorance des rgles gouvernant lexpression du lieu en latin, beaucoup se contentant dcrire ubi ou quo. Il fallait rendre les deux ides prsentes dans la phrase : celle du lieu o lon va (quo ?) et celle du lieu par o lon passe (qua ?).

    Spero se construit en latin avec une proposition subordonne infinitive, dont le sujet doit tre exprim. On a aussi relev beaucoup de fautes sur linfinitif dpendant de sperare, qui doit tre au futur, et non au prsent, comme le pensent maints candidats.

    Phrase 8. En mme temps larme dAntonius savanait sur Fesulae, suivant dans sa marche la retraite de Catilina et lenfermant ainsi dans les valles dont les cols taient occups par Mtellus.

    Les calques ont t prjudiciables : le latin ne dira pas suivre la retraite de Catilina , mais suivre Catilina dans sa retraite . Le verbe franais occuper , peut avoir, dans la langue militaire, le mme sens que le latin occupare, cest--dire semparer [dun lieu] ; mais limparfait de lindicatif indique que lide tait plutt celle de tre matre [dun lieu] , pour lequel tenere convient mieux. Par ailleurs, la traduction du verbe taient occups a donn lieu aux fautes signales dans le propos liminaire. Cet imparfait de lindicatif la voix passive a souvent t rendu en effet par tenti erant : ignorance du latin ou du franais ?

    Dont a ainsi trop souvent t rendu par cuius, sans gard pour le nombre de lantcdent.

    Phrase 9. Aprs avoir pacifi Capoue, Sextius avait t envoy avec un corps de troupes auprs dAntonius pour aiguillonner son zle plus que douteux.

    Pour avoir pacifi Capoue , plusieurs solutions ont t retenues, lexclusion cependant de celles qui introduisaient lide dun trait de paix , manifestement incongrue ici. Comme on la signal dans les propos liminaires de ce rapport, la concordance des temps na pas toujours t respecte : si lon utilisait une conjonction de subordination (postquam, par exemple), il fallait un plus-que-parfait, puisque la principale est elle-mme au plus-que-parfait.

    Plusieurs traductions ont t acceptes pour le corps de troupes ; le terme manus a t souvent retenu, juste titre.

    La question des rflchis/non-rflchis a perturb (indment) bon nombre de candidats : ici, le zle est bien sr celui dAntonius, si bien que eius simposait.

    Le tour plus que douteux a semble-t-il voqu, dans lesprit de quelques candidats, le premier vers du Bellum ciuile de Lucain et ses bella plus quam ciuilia, mais un superlatif suffisait, et posait moins de difficults.

    Phrase 10. Le proconsul se disait malade de la goutte, et sen tait prvalu quelque temps pour tenir son arme dans limmobilit ; mais larrive de Sextius lui fit voir que ses lenteurs lui seraient

  • 16

    imputes crime, et il consentit remettre le commandement de ses troupes M. Ptrius, vieux soldat, loyal et rempli dexprience.

    La goutte est une maladie que les Anciens connaissaient dj bien, et les dictionnaires de thme donnaient toutes les indications utiles.

    Certains candidats, frustrs peut-tre de navoir pu employer cette tournure jusqu prsent, ont entrepris de rendre larrive de Sextius par un ablatif absolu, choix catastrophique si lon avait recours au participe pass du verbe aduenio : ce verbe est intransitif, de sorte que son passif ne se rencontre gure que dans une tournure impersonnelle (aduenitur, on arrive ).

    La fatigue, ou le manque de temps, a t lorigine de nombreux barbarismes et solcismes dans les derniers mots du thme : Petreius a parfois t dclin comme un mot de la troisime dclinaison, avec un datif en -i ; le groupe appos vieux soldat, loyal et rempli dexprience na pas toujours t accord avec le nom sur lequel il portait. Plus vnielles taient les fautes de vocabulaire : un choix fcheux dans ce domaine donnant limpression que Ptrius tait une ganache (senex), ou bien alors un sympathique petit vieux (uetulus). Pour soldat , ont t accepts plusieurs termes se rfrant un grade dofficier, mais aussi le simple miles, qui semploie pour dsigner un combattant, sans considration de grade (cf. ThlL, s. v. miles , col. 941-942).

    Voici prsent une simple proposition de corrig.

    Quo et qua Catilina et Antonius copias suas duxerint

    Postquam cognouit coniurationem patefactam esse et Lentulum miserabili morte periisse, Catilina statim intellexit Antonium uictoris in causam descensurum esse, eumque paenituit se non prius quo se reciperet cogitauisse. Namque simul atque exercitus consularis e castris eductus est, plures ex hostibus ita signa relinquere coeperunt, ut ista ingens multitudo, cuius uires maiores quam re uera erant uideri poterant, si procul conspiceretur, paucis solum diebus funderetur. Breui autem tempore Catilinae haud plura quam tria uel quattuor milia militum fuerunt. Qui milites quidem pauciores erant quam ut iter per Alpes sibi patefacerent, attamen iam ei nullum aliud auxilium erat. Itaque, ad hoc consilium perficiendum, subito castra mouet celeriusque contendit per montes Pistorium, quippe cum in eam spem uenisset se Metellum Celerem, qui eum exspectabat tribus cum legionibus ultra Apenninum montem, celaturum esse. At quamuis diligens esset ad iter faciendum sic ut non aspiceretur, per desertores quos relinquebat quacumque ibat certior de ea re factus est praetor, qui statim se uexit cum maiore parte copiarum suarum in eam partem qua Catilina sperabat se montes transiturum esse. Simul autem Antonii exercitus Faesulas progrediebatur ; quae copiae Catilinam fugientem sequebantur et ita eum claudebant in uallibus quarum colles a Metello tenebantur. Tunc, postquam Capuae animos placauerat, Sextius missus erat cum manu militum ad Antonium qui stimularet eius studium, quod maxime dubium erat. Proconsul enim dicebat se magnis podagrae doloribus affici, quam causam aliquamdiu interponens exercitum suum e castris non eduxerat. At cum aduentu Sextii uideret cunctationes suas sibi crimini fore, non recusauit quin daret imperium in copias suas M. Petreio, militi ueteri, et fido et bello maxime perito.

  • 17

    RAPPORT SUR LE THEME GREC

    tabli par Philippe LE MOIGNE

    Le texte propos pour cette session 2014 tait extrait de la dernire page des Mmoires de Guerre du Gnral de Gaulle ; seul le dernier paragraphe en a t omis, qui aurait donn un texte trop long.

    Le jury a lu deux cents copies. Dix dentre elles, pour la plupart lacunaires ou inacheves, ont une note infrieure ou gale 2 ; dix encore ont obtenu 3. lautre ct de lchelle, trois copies ont 16, ce qui constitue un retrait par rapport aux annes prcdents, o la meilleure note tait de 17 en 2013, 17,5 en 2012 et 16,5 en 2011 ; 4 ont 15, et 9, 14. La moyenne de lpreuve stablit 7,78, soit une progression sensible par rapport lanne dernire (7,26).

    Avant de passer lexamen des phrases successives, plusieurs remarques sont de mise. Tout dabord en ce qui concerne la prsentation. Revenant sur un avis du rapport prcdent, on insistera sur la ncessit de passer des lignes sur les copies dexamen. Cela est un impratif qui a t malheureusement nglig cette anne encore.

    La ponctuation a jou des tours bien des candidats. Certaines copies ont marqu des points dexclamation et des points dinterrogation, ce qui est naturellement exclu dans un texte grec, tout comme les guillemets.

    Dlmentaires questions de graphies restent parfois non rsolues. Il est particulirement tonnant de lire des graphies du genre * , ce qui atteste dune pratique modre, pour le moins, du thme grec durant la prparation au concours.

    On rencontre galement des accents circonflexes sur des voyelles brves : cela trahit une mconnaissance des principes les plus lmentaires de la langue grecque.

    Lasyndte a fait des ravages. Rappelons que la rgle du jeu, dans un thme grec, est de lier chaque phrase celle qui prcde. ne lie pas. ou non plus.

    Il y a eu galement beaucoup de problmes deuphonie. Pour ne pas parler du phelcystique, dun emploi erratique chez les candidats, on a lu trop de tours du type de * , o la confusion, trahie par laccentuation entre forme tonique et forme atone, sajoute une contradiction de la rgle deuphonie. Par ailleurs il sest trouv normment derreurs daccentuation sur les pronoms, notamment ; des copies accentuent les formes atones, ce qui cote cher.

    Dans le mme fil, on a souvent constat une mconnaissance de la dclinaison de , surtout ds quil sagissait de passer au fminin. Quant la confusion entre le type et le type (* ), il sagit malheureusement dun grand classique du btisier du thme grec.

    Au niveau de la syntaxe, lexpression de la possession a donn lieu des confusions regrettables. On a lu en effet * , alors que lanaphorique ne saurait tre enclav, et linverse * , quand le dmonstratif, lui, doit tre enclav avec une nuance emphatique. Toujours dans lexpression de la possession, on a lu une confusion de ladjectif possessif et du pronom personnel au gnitif, dans des tours du type * .

    La syntaxe du dmonstratif nest pas toujours connue. Rappelons que ladjectif possessif doit ncessairement, dans la prose attique qui est le modle du thme grec, tre accompagn de larticle, faute de quoi on le transforme en pronom et on induit une relation prdicative qui contredit le sens du texte traduire.

  • 18

    Le rflchi a parfois t employ tort et travers ; plus subtile, lerreur qui a consist employer le rflchi au masculin alors que cest la qui parle.

    Enfin, on a lu, en incise, des , qui partaient dune bonne intention ; le problme tait que le texte est au prsent, et quil aurait fallu plutt .

    Les saisons

    A

    On a accept , , . En revanche, on a sanctionn une surtraduction ( ce que la nature dit en chaque saison , ce que les saisons de lanne enseignent un vieillard , ce que les saisons disent au vieux gnral ). On a constat beaucoup derreurs daccentuation, soit que lon ignore la rgle de la pnultime longue accentue (*), soit que lon ignore que tous les substantifs de la premire dclinaison sont prispomnes (*).

    mesure que lge menvahit, la nature me devient plus proche.

    , .

    Conformment lusage gnral du thme grec, une particule initiale a t sanctionne (voir le rapport prcdent). On a trouv, inexplicablement, des la place de qui simposait naturellement . Beaucoup de copies ont crit , ce qui constituait un solcisme puisque la forme existe.

    On a rencontr galement beaucoup de problmes daccent rpercussion morphologique, par exemple * (au lieu de ) : le neutre pluriel ne se superpose pas au fminin singulier.

    Chaque anne, en quatre saisons qui sont autant de leons, sa sagesse vient me consoler.

    , , .

    Pour en quatre saisons , on pouvait recourir au gnitif ou au datif seul, ainsi qu plus datif. Un gnitif absolu tel que chaque saison tant une leon a galement t accept. Il convenait en revanche de ne pas rendre vient littralement (faux-sens). On a lu dans une copie, ce qui tait parfaitement acceptable, , .

    Elle chante, au printemps : Quoi quil ait pu, jadis, arriver, je suis au commencement !

    .

    Pour au printemps , le jury a accept de nombreuses possibilits : accusatif, + accusatif, gnitif, + datif. convenait parfaitement. (ventuel pass) chaque fois quil arrivait quelque chose , formait un contresens, car le contexte tait prsent, et non pass. On a lu, ce qui tait un peu compliqu mais correct : . En revanche nest pas subordonnant, donc nest pas juste.

  • 19

    Tout est clair, malgr les giboules ; jeune, y compris les arbres rabougris ; beau, mme ces champs caillouteux.

    , , , , .

    Tout rendu par constituait un contresens. Rendre giboules par pluies convenait bien ; mais , au nominatif, constituait un solcisme. pour caillouteux tat une excellente traduction.

    Lamour fait monter en moi des sves et des certitudes si radieuses et si puissantes quelles ne finiront jamais !

    .

    en tte de proposition ne convenait pas (contresens). Pour amour , a t accept, mais non . La position dpithte des sves radieuses a t accepte, mais une pithte dtache sans participe a t sanctionne. Les deux modes taient possibles dans la conscutive ; en revanche, on a constat trop derreurs facilement vitables dans les ngations attaches lune et lautre syntaxe : lindicatif exige , linfinitif demande .

    Elle proclame, en t : Quelle gloire est ma fcondit ! grand effort, sort de moi tout ce qui nourrit les tres. Chaque vie dpend de ma chaleur.

    . , .

    Des tournures initiales telles que taient bien inutiles. Lide de gloire rendue par a t accepte ; mais pour fcondit constituait un faux-sens. Pour lide de grand effort , on a reu seul ou seul. On a dplor un grand nombre de solcismes * , o la finale de nominatif de troisime dclinaison a t confondue avec la dsinence de gnitif de la premire dclinaison ; sans parler de pris pour un fminin.

    Signalons deux jolies formulations trouves dans les copies : ; et : .

    Ces grains, ces fruits, ces troupeaux, quinonde prsent le soleil, ils sont une russite que rien ne saurait dtruire. Dsormais, lavenir mappartient !

    , , .

    Le dmonstratif en facteur commun tait possible. Pour grain , ou convenaient ; tait un faux-sens, tandis que et taient non classiques. De mme pour troupeaux ou convenaient, mais tait non classique. Limage inonder pouvait se rendre par une traduction attnue, du type tant sous le soleil , ou encore . + gnitif tait la seule tournure correcte, laccusatif tant non

  • 20

    classique ; faisait faux-sens. tre une russite se rendait bien par le simple . En revanche, pour rien ne saurait , on ne pouvait se contenter dun lindicatif prsent. La fin de la section a t heureusement rendue dans une copie par .

    En automne, elle soupire : Ma tche est prs de son terme. Jai donn mes fleurs, mes moissons, mes fruits. Maintenant, je me recueille.

    .

    Des problmes de grec classique ont t rencontrs : nallait pas, la diffrence d. De mme, pour moisson , ou ne convenaient pas. Vu le lien fort entre le verbe et son objet, labsence de possessif dans ma tche , mes fleurs , etc., tait admissible. En revanche, si le candidat prfrait souligner le lien possessif, il fallait imprativement penser au rflchi ; on a trouv trop de * au lieu de . Et parmi les candidats qui ont avec raison pens au rflchi, il en est malheureusement qui ont oubli que ctait la qui parlait ; et quen consquence il fallait le rflchi fminin. On a lu galement pour jai donn ; lide tait bonne, sagissant des productions de la nature ; mais le parfait de est intransitif, do un solcisme.

    Voyez comme je suis belle encore, dans ma robe de pourpre et dor, sous la dchirante lumire.

    .

    comme liaison faisait faux-sens ; en revanche, + impratif a sembl une bonne initiative. Pour voyez on a accept limpratif aoriste et limpratif prsent, de mme que le singulier aussi bien que le pluriel. Dans ma robe ne saurait tre rendu par . En ce qui concerne sous la dchirante lumire , un gnitif absolu passait bien ; pour dchirante , convenait galement.

    Hlas ! les vents et les frimas viendront bientt marracher ma parure. Mais, un jour, sur mon corps dpouill, refleurira ma jeunesse !

    . .

    On a accept ou une absence de particule aprs hlas . Pour ce dernier mot, a t jug faux-sens et non classique. Il fallait rendre viendront , ft-ce au moyen dun littral le vent tant venu marrachera . On dplore en revanche trop de * : on ne connat pas toujours lobligation dutiliser au sens du futur.

    Enfin, mais traduit par constituait un classique cas de solcisme, la proposition prcdente tant positive.

    En hiver, elle gmit : Me voici, strile et glace. Combien de plantes, de btes, doiseaux, que je fis natre et que jaimais, meurent sur mon sein qui ne peut plus les nourrir ni les rchauffer !

  • 21

    , , ,

    En dpit de la paronymie, pour strile tait non classique, alors que convenaient , , ou . pour sur mon sein a t jug suffisant ; , trop littral, constituait un faux-sens. On a galement trouv beaucoup de exclamatifs, ce qui est impossible (solcisme). Quant aux *, ils taient lgion : on ne peut que rpter que qui dit verbe contracte ne dit pas ncessairement accent circonflexe.

    Le destin est-il donc scell ? Est-ce, pour toujours, la victoire sur la mort ?

    ;

    Destin ne pouvait se rendre par la potique . Lide de sceller navait pas tre rendue littralement, sous peine de faux-sens. Pour donc on a trouv de manire surprenante beaucoup de est-ce que , avec le problme de place subsquent, ce venant linitiale.

    Le texte franais vient dtre donn sous la forme quil prenait dans le sujet propos. Il convient cependant de noter que ce sujet altrait le texte original des Mmoires de guerre, lequel porte Est-ce, pour toujours, la victoire de la mort ? . Il va sans dire que toutes les traductions qui restituaient spontanment le texte original, telles que , ont t acceptes.

    Non ! Dj, sous mon sol inerte, un sourd travail saccomplit. Immobile au fond des tnbres, je pressens le merveilleux retour de la lumire et de la vie.

    , , , .

    Pour non , il fallait une forme forte, par exemple (accentu !). On a accept les tournures jaccomplis . rendant merveilleux tait possible. Retour a parfois t sous-traduit (faux-sens) ; inversement, une traduction trop littrale a t lgrement sanctionne.

  • 22

    RAPPORT SUR LA VERSION LATINE

    tabli par Marie FONTANA-VIALA

    Texte de lpreuve

    Amour et dpossession

    La passion amoureuse, selon Lucrce, conduit les hommes au malheur : ils ny trouvent de plaisirs quillusoires et insatiables, ils y perdent leur me comme leurs biens.

    Unaque res haec est, cuius quam plurima habemus, tam magis ardescit dira cuppedine pectus. Nam cibus atque umor membris adsumitur intus ; quae quoniam certas possunt obsidere partis, hoc facile expletur laticum frugumque cupido. Ex hominis uero facie pulchroque colore nil datur in corpus praeter simulacra fruendum tenuia ; quae uento spes raptast saepe misella. Ut bibere in somnis sitiens quom quaerit et umor non datur, ardorem qui membris stinguere possit, sed laticum simulacra petit frustraque laborat, in medioque sitit torrenti flumine potans : sic in amore Venus simulacris ludit amantis, nec satiare queunt spectando corpora coram, nec manibus quicquam teneris abradere membris possunt, errantes incerti corpore toto. [] Adde quod absumunt uiris pereuntque labore, adde quod alterius sub nutu degitur aetas. Labitur interea res et Babylonia fiunt, languent officia atque aegrotat fama uacillans. Unguenta et pulchra in pedibus Sicyonia rident scilicet et grandes uiridi cum luce zmaragdi auro includuntur, teriturque thalassina uestis adsidue, et Veneris sudorem exercita potat. Et bene parta patrum fiunt anademata, mitrae, interdum in pallam atque Alidensia Ciaque uertunt. Eximia ueste et uictu conuiuia, ludi, pocula crebra, unguenta, coronae, serta parantur ; nequiquam, quoniam medio de fonte leporum surgit amari aliquid, quod in ipsis floribus angat, aut cum conscius ipse animus se forte remordet desidiose agere aetatem lustrisque perire, aut quod in ambiguo uerbum iaculata reliquit, quod cupido adfixum cordi uiuescit ut ignis, aut nimium iactare oculos aliumue tueri quod putat, in uoltuque uidet uestigia risus. Atque in amore mala haec proprio summeque secundo inueniuntur ; in aduerso uero atque inopi sunt, prendere quae possis oculorum lumine operto, innumerabilia ; ut melius uigilare sit ante, qua docui ratione, cauereque ne inliciaris.

    LUCRECE

  • 23

    Au milieu du premier sicle avant notre re, Lucrce compose une uvre qui sinscrit dans un genre aujourdhui peu lu, encore moins pratiqu, sous nos latitudes du moins, celui de la posie didactique ; le De natura rerum, constitu de six livres dhexamtres dactyliques, puise largement aux sources grecques. Le pote se pose en effet explicitement en passeur de la philosophie dpicure, affirmant se contenter de la parer du doux miel de la posie ( Et quasi Musaeo dulci contingere melle I, v. 947).

    Il sagit au premier chef, pour le philosophe grec comme pour son sectateur, de dlivrer les hommes des terreurs nes de la religion, savoir surtout la peur des dieux et celle de la mort, mais aussi, plus gnralement, dexposer, pour mieux les combattre, les illusions dont les hommes sont victimes. Cest parmi ces dernires, et ce titre, que lamour apparat dans un long dveloppement du livre IV. A cette occasion sont repris les lments de la physique picurienne, puisque Lucrce explicite le processus par lequel les images ou simulacres manant de tous les corps viennent frapper nos sens pour produire en nous des impressions diverses, souvent trompeuses ou mal interprtes par lesprit. Ds lors lamour, linstar de la crainte, dpossde lindividu de lui-mme et lempche datteindre au vritable bonheur.

    Il ne parat pas draisonnable de penser que tout latiniste, a fortiori un agrgatif, connat luvre de Lucrce, ses enjeux essentiels et, notamment, la place quy occupent physique et rflexion philosophique. Ds lors, le propos de ce texte ntait pas cens surprendre ni drouter. Et sa forme ? Encore une fois, on pouvait attendre des candidats quils eussent dj frquent le vers de Lucrce, celui de lhymne Vnus ou de la peste dAthnes... Quand bien mme ce ntait pas le cas, et malgr quelques archasmes que gote ce disciple dEnnius, la langue ne semblait pas prsenter de grands obstacles1 la comprhension, lexception de deux passages plus relevs sur lesquels on reviendra en dtail, et qui ont permis aux meilleurs candidats de briller. Aussi le jury a-t-il t surpris de trouver, sur les 200 copies corriges, un nombre important de copies que lon peut qualifier de catastrophiques : 28, soit 14 % du total, ont obtenu 2 ou moins, parmi lesquelles une copie blanche et 21 copies inacheves. Ce dernier point, surtout, a tonn le jury, pour les raisons voques plus haut, mais aussi parce que le texte tait dune longueur tout fait habituelle et parce que, enfin, les copies inacheves sont habituellement en nombre bien infrieur. Cet aspect a sans doute pes sur la moyenne de lpreuve : elle stablit pour cette session 8,59, soit presque un point en recul par rapport la moyenne obtenue lan dernier sur la page des Tusculanes de Cicron, situe 9,56 (contre 8 en 2012, sur un extrait de La Pharsale de Lucain). 87 copies (43,5%) obtiennent cependant une note gale ou suprieure 10, parmi lesquelles le jury sest rjoui de trouver quelques copies proches de lexcellence : une obtient 18, et 8 obtiennent 17.

    la lueur de ces constats initiaux, il nest pas inutile de dgager deux premiers conseils, bien modestes, ladresse des futurs agrgatifs. Dabord, concernant les copies inacheves, on ne saurait trop inciter les candidats tre plus attentifs lcoulement de la dure de lpreuve et prendre des repres en la matire durant les entranements en temps limit qui doivent rythmer leur anne de prparation. Sil est malais dtablir une loi gnrale, chacun doit sobserver au travail et avoir une ide du temps quil consacre approximativement chaque tape de lexercice : premire(s) lecture(s), traduction, mise au propre et relecture. Concernant, ensuite, le genre des textes, il semble que Lucain et Lucrce soient moins favorables nos candidats que Cicron : bien quune telle conclusion soit sans aucun doute partielle, il parat utile de suggrer aux agrgatifs de ne pas ngliger les textes potiques lors de leur prparation et, pour cela, de faire varier leurs textes de petit latin , non seulement en poques, mais aussi en genres et sous-genres, ne serait-ce que par plaisir et got de la varit !

    En premire(s) lecture(s

    Les candidats ne lignorent sans doute pas, car leurs professeurs les en instruisent ds les

    1. Nous tudierons plus bas dans ce rapport les diffrents types de difficults que prsentait ce texte dune part, sa traduction dautre part, et comment on pouvait y faire face.

  • 24

    classes du secondaire, et les rapports de jury sen font lcho2 : on ne peut commencer traduire un texte avant den avoir saisi le sens global et les grandes articulations. Lors de cette tape primordiale, on a tout intrt sappuyer, pour les mettre en rsonance avec le texte, sur la connaissance que lon peut avoir de luvre et sur le paratexte offert par le sujet. Il ne sagit pas dessayer de deviner au petit bonheur, mais davoir lesprit en alerte, prt accueillir tous les indices concourant au sens gnral, le lexique et les articulations logiques notamment, de mener, donc, une premire lecture intelligente qui sache tre attentive au dtail sans sy perdre, afin de parvenir une vision densemble qui servira de point de dpart.

    Comme ly invitaient le titre et le chapeau donns lextrait, le candidat pouvait demble se laisser guider par le champ lexical du dsir amoureux travers tout le texte : cupido, Venus, amantes et, bien videmment, amor qui, aux vers 1141 et suivants, se voyait nettement dcompos en deux cas de figure : in amore secundo , in adverso (amore) . Ce ne sont pas, ce stade, seulement les rcurrences, mais aussi, on le voit, les paralllismes ou les oppositions, moins nombreux que chez Cicron sans doute, mais bien prsents tout de mme, et significatifs, auxquels on gagne tre attentif.

    Ce qui pouvait (et devait) frapper en second lieu dans ce texte tait limportance du lexique relatif au corps, dans sa dimension la plus matrielle : si pectus (v. 1090) et cors (v. 1138) sont attendus dans un texte concernant lamour, il fallait percevoir et, assez vite, interroger le fait que le corps entier (le nom corpus apparat trois fois) tait ici omniprsent, travers ses diffrents membra (facies, manus, pedes, animus, oculi, vultus) et ce qui laffecte (vires, sudor, aetas, aegrotare, vacillare...). Ds lors, le lecteur attentif et un tant soit peu inform pouvait rapidement se rendre compte que lamour faisait ici en grande partie lobjet dune approche pragmatique : il est notamment analys comme un processus dordre physique, rapproch (pour mieux ly opposer) du processus dingestion, comme le montrait bien, ds les premires lignes du passage, le couple cibus atque umor (v.1091) repris deux vers plus bas sous la forme laticum frugumque .

    Ds lors, on pouvait lire avec confiance ce texte comme une analyse du phnomne physique de lamour aboutissant, ainsi que lannonait le paratexte, sa condamnation plusieurs titres : la passion amoureuse offre des satisfactions illusoires, sans matire ( nil datur in corpus praeter simulacra , simulacra petit frustraque laborat , Venus simulacris ludit amantis ), elle mne une dmesure qui aboutit un puisement des forces vitales comme des biens matriels ( absumunt viris pereuntque labore , degitur aetas , lustris perire , labitur res , aegrotat fama vacillans ).

    Enfin, la prsence, dans ce texte plutt thorique et dmonstratif, de passages plus imags et truculents, ou caractre anecdotique pouvait, dans un premier temps, dconcerter le lecteur. Il fallait tenter de dlimiter ces excursus et den comprendre la logique, savoir leur valeur illustrative. Cela supposait aussi que lon entre dans leur conomie un peu particulire, leur style plus exubrant et leur syntaxe moins rigoureuse, et encore que lon se reprsente les images que fait alors natre le pote, en particulier dans les vers 1097 1104 qui construisent un parallle entre le rve et lamour ( ut in somnis / sic in amore ), lun et lautre vus comme illusion, puis aux vers 1123 1132 dans lesquels Lucrce dploie un vocabulaire soudain bariol, une syntaxe accumulative afin de mettre en scne les excs de luxe auquel mne la passion amoureuse.

    Cette premire lecture ou, avec plus de ralisme, ces deux ou trois premires lectures doivent, on la vu, combiner deux approches complmentaires du texte, qui sont comme la trame et la chane : saisir, sur le plan smantique comme sur le plan formel, ce qui fonde sa cohrence, mais aussi les tensions et variations qui en assurent la richesse et la progression. Cela rclame assurment bien des comptences, des efforts, et un certain sang froid sans doute, le jour de lpreuve.

    2. Nous nous permettons, sur ce point, de renvoyer les candidats au rapport de lpreuve de version latine pour lanne 2012 (pages 37 sq.) : sous le titre Lire avant de traduire , il expose parfaitement ce point crucial de mthode.

  • 25

    lments danalyse et proposition de traduction.

    Unaque res haec est, cuius quam plurima habemus, tam magis ardescit dira cuppedine pectus. Nam cibus atque umor membris adsumitur intus ; quae quoniam certas possunt obsidere partis, hoc facile expletur laticum frugumque cupido. Ex hominis uero facie pulchroque colore nil datur in corpus praeter simulacra fruendum tenuia ; quae uento spes raptast saepe misella.

    On peut distinguer trois moments dans ce passage : les deux premiers vers posent, sous forme dun paradoxe, une premire dfinition du dsir amoureux, puis vient une dmonstration, elle-mme subdivise en deux temps, de trois vers chacun, opposant (au moyen de vero) la relle satisfaction des besoins nutritionnels du corps lillusoire et impossible satisfaction du dsir amoureux. Ce premier passage ne prsente pas de vritable difficult morphologique ni syntaxique. En revanche, plusieurs questions de traduction se posent dj, auxquelles, en dbut de texte, il est parfois difficile de rpondre.

    - -que initial na pas tre traduit, puisquil relie la premire phrase de lextrait ce qui prcde.

    - Le mot res est rarement facile traduire en latin, il tend mme souvent des piges... Une chose est sre : il faut renoncer le traduire mcaniquement par chose ! Il sagit dabord de comprendre ce quil dsigne : ici, accompagn de ladjectif dmonstratif haec, il renvoie, comme lindique la suite, lamour, en tant que phnomne paradoxal. Au terme de phnomne, peut-tre trop smantis pour le res passe-partout, on peut prfrer cas .

    - una : se rappeler que ce nest pas ladjectif indfini ; il exprime bien la dimension extraordinaire du phnomne amoureux et mritait une traduction forte : unique , plutt qu une seule qui navait pas de sens ici.

    - cuppedine / cupido : mot central pour notre texte, que lon trouvera une troisime fois au v. 1138. Dans les deux occurrences de ce passage, il dsigne manifestement le besoin, le manque, dans ce parallle entre lamour et la faim. Comme il sagit justement de comparer (pour les opposer) ces deux tats, et que les occurrences ne sont spares que de deux vers, il tait intressant de les traduire par le mme mot franais. Besoin , qui convenait bien pour les aliments, tait un peu fruste pour lamour. Le terme passion , trouv dans quelques copies et dans le Gaffiot, ne paraissait pas acceptable ici car il sapplique difficilement aux aliments. Dsir ou envie ne sont pas parfaits, mais constituent des solutions trs acceptables.

    - dira : la valeur mettre en avant ici tait celle dun danger funeste, que lon trouve plus bas dans le texte avec le verbe perire deux reprises. A t galement accepte lide dun caractre nigmatique ou mystrieux, en raison de la formulation paradoxale. En ce qui concerne le cas, la scansion confirmait lablatif.

    - adsumitur : laccord de proximit explique le singulier, ce qui est tout fait classique et doit tre connu.

    - membris : a t accepte la construction comme complment dagent et comme complment de lieu.

    - quae : relatif de liaison, traduire comme tel ; il en est de mme au vers 1096.

    - partis = partes, et il ne pouvait en tre autrement. L encore, cest un fait de langue classique.

    - hoc : il ne pouvait sagir que dun ablatif, exprimant ds lors la manire ou le moyen.

  • 26

    - Ex hominis vero facie : ce groupe de mots a donn lieu des erreurs qui ont laiss le jury abasourdi. Peut-on ignorer ce niveau dtudes que hominis ne saurait tre sous le rgime de ex ? Que vero ne peut qualifier facie , nom fminin ? Par ailleurs, que la conjonction de coordination vero ait ici le sens dune opposition, cest ce que devait amener voir lanalyse de la structure binaire de ce passage (voir ci-dessus).

    - raptast : il sagit ici dun parfait gnomique, ce que saepe aidait percevoir. Il devait donc tre traduit par un prsent.

    Cest l un cas unique : plus nous en possdons, plus notre cur senflamme dun dsir funeste. En effet, les aliments solides et liquides sincorporent aux membres du corps, lintrieur de celui-ci ; et puisquils peuvent y occuper des places dtermines, par ce fait, le dsir de boissons et daliments se trouve aisment assouvi.

    En revanche, rien de ce qui compose le visage et le teint charmant dun individu ne se transmet notre corps, si ce nest la jouissance de simulacres tnus; encore cet espoir, chtif, est-il souvent emport par le vent.

    Ut bibere in somnis sitiens quom quaerit et umor non datur, ardorem qui membris stinguere possit, sed laticum simulacra petit frustraque laborat, in medioque sitit torrenti flumine potans : sic in amore Venus simulacris ludit amantis, nec satiare queunt spectando corpora coram, nec manibus quicquam teneris abradere membris possunt, errantes incerti corpore toto.

    Il sagit l de lun des passages difficiles du texte, pour des raisons essentiellement syntaxiques. Lucrce accumule propositions subordonnes et coordonnes sans que la structure globale soit aussi ferme quelle le serait chez Cicron. Aprs leffort de construction rclam, ctait aussi la traduction qui tait dlicate et qui a souvent donn lieu de lourds solcismes.

    La premire tape consistait reprer la structure binaire commande ici encore par la comparaison ut in somnis... / sic in amore et la restituer en franais par une formule qui montrait bien que le paralllisme avait t vu, mais restait syntaxiquement correcte.

    Pour les vers 1097 1100, qui contenaient pas moins de neuf verbes conjugus, il fallait sefforcer de dlimiter les diffrents niveaux syntaxiques :

    - 1er niveau : sujet sitiens (sous-entendu homo) et ( valeur ici adverbiale plutt que coordonnante) non datur / sed petit / frustraque laborat / in medioque sitit

    - 2e niveau : subordination par rapport au 1er niveau : quom (=cum) quaerit : subordonne temporelle ; qui possit : subordonne relative au subjonctif.

    La principale difficult rsidait ici dans la restitution en franais : il fallait notamment veiller ce que la phrase et un verbe principal...

    in somnis / in amore : il faut viter de traduire la prposition in de manire systmatique par dans , sans avoir rflchi au sens spcifique quelle recouvre. Par exemple, na pas t accepte (sans la pnaliser lourdement) la traduction par dans lamour qui, en franais, demeure ambigu, l o en amour , dans le cas de lamour , ou encore, dans lexprience de lamour sont explicites. Il tait enfin bienvenu de conserver le paralllisme structurant ce passage, ce qui supposait de trouver une formulation convenant la fois au sommeil (ou au rve) et la passion

  • 27

    amoureuse.

    possit : la valeur du subjonctif ( tel quil pt ) devait tre traduite. Le jury a trouv bien maladroit quun liquide puisse tre dit capable dteindre la soif... La traduction par un conditionnel tait inexacte.

    amantis = amantes.

    satiare () spectando corpora. Les deux constructions suivantes ont t acceptes : corpora COD de satiare ou de spectando. En revanche, la construction qui faisait de corpora le COD des deux la fois a t pnalise.

    On sera attentif lexpression franaise de la possession : contrairement au latin, le franais utilise le singulier, valeur distributive, lorsque lobjet possd se limite un lment par possesseur. Les amants rassasient leur corps (et non leurs corps).

    errantes incerti : on a trouv pour ces deux termes bien des constructions tonnantes. La licence potique ne permet pas tout : en loccurrence, ces deux termes, au nominatif, ne pouvaient qualifier lablatif manibus, tout sduisant que ft ce tour.

    De mme que, dans lexprience du sommeil, un homme, assoiff, lorsquil cherche boire, nobtient certes pas de liquide susceptible dteindre le feu qui embrase ses membres, mais se jette sur des simulacres de boissons et peine en vain, et demeure assoiff alors quil boit au milieu dun fleuve imptueux ; de mme, dans lexprience de lamour, Vnus trompe les amants au moyen de simulacres, et ils ne peuvent se satisfaire par le spectacle du corps qui se trouve face eux, ni ne peuvent, de leurs mains, arracher quoi que ce soit ces membres dlicats, sgarant, laventure, sur le corps tout entier.

    Adde quod absumunt uiris pereuntque labore, adde quod alterius sub nutu degitur aetas. Labitur interea res et Babylonia fiunt, languent officia atque aegrotat fama uacillans.

    Ltude de la passion amoureuse, jusque-l centre sur lide dillusion, est partir dici consacre au thme du divertissement et de la dissipation, qui touchent les amoureux dans leur corps comme dans leur bien.

    viris = vires. Il sagissait ici du COD du verbe absumunt et non de son sujet : voir larticle du Gaffiot ce verbe, qui le donne comme transitif et, mme, traduit notre passage. Ds lors, par le biais de la coordination - que, pereunt avait aussi pour sujet ils , dsignant les individus amoureux.

    res apparat nouveau, avec cependant une signification diffrente de celle quil avait au vers 1089 : le contexte (officia, fama, bene parta patrum et les objets prcieux des vers 1125 1132) mettait cette fois sur la voie de lide de fortune, de richesse. Une copie donnait la traduction suivante : la ralit suit son cours . Cette proposition tait judicieuse, plutt lgante, mais ne prenait pas suffisamment en compte le contexte, en loccurrence les vers suivants. Cela montre bien quil ne faut pas hsiter revenir en arrire sur une premire traduction, lorsque le contexte a permis daffiner la comprhension.

    languent officia : de mme que le liquide peut difficilement tre qualifi de capable (cf. ci-dessus), de mme, les devoirs ne languissent pas...

    Ajoute cela quils puisent leurs forces et succombent cette peine, ajoute que leur vie se consume sous la volont dun autre. Entre-temps leur bien scoule et ce ne sont que babioles de

  • 28

    Babylone, leurs devoirs sont dlaisss et leur rputation, vacillante, chancelle.

    Unguenta et pulchra in pedibus Sicyonia rident scilicet et grandes uiridi cum luce zmaragdi auro includuntur, teriturque thalassina uestis adsidue, et Veneris sudorem exercita potat. Et bene parta patrum fiunt anademata, mitrae, interdum in pallam atque Alidensia Ciaque uertunt. Eximia ueste et uictu conuiuia, ludi, pocula crebra, unguenta, coronae, serta parantur ;

    Ce passage se dmarque donc un peu du reste du texte, par un lexique color et une syntaxe qui fait la part belle laccumulation. Sil ne prsente pas vritablement de difficults syntaxiques, les images ntaient pas toutes aises comprendre ni restituer. Enfin, le vocabulaire bariol et souvent rare pouvait mettre le candidat face des choix pour lesquels il possdait peu dlments de jugement. On ne rptera jamais assez que, pour ce genre de passages, les traducteurs doivent se munir de leur sens critique et quil est utile dessayer de visualiser ce qui est dcrit, afin de saisir la signification de limage.

    scilicet semblait pouvoir porter indiffremment sur le groupe le prcdant ou sur le groupe le suivant, si bien que les deux traductions ont t acceptes.

    grandes zmaragdi : Parle-t-on de grandes meraudes ? Assurment pas ! Que les candidats cartent de leur copie le franais qui sent la traduction ! Certains, qui ont eu lesprit critique suffisant pour renoncer cette (non-)traduction, ont propos magnifiques , ou merveilleuses . Bel effort, mais est-ce lide ? Pas vraiment : il fallait garder lesprit lide de taille, et, la croisant avec les pierres prcieuses et le contexte dun luxe tapageur, trouver un adjectif appropri, dont sans doute la langue franaise est pourvue. normes paraissait trs convenable, imposantes , vraiment satisfaisant.

    teritur : lide dusure ne semblait pas difficile saisir, qui pouvait sexpliquer par le fait que le vtement tait frquemment lav, ou frquemment port, comme le dit le vers suivant.

    exercita : comme pour grandes et teritur , la difficult rside ici dans la comprhension de limage et lexigence face au franais. Les candidats qui se sont contents de consulter larticle exercitus, a, um nont pas trouv leur bonheur et se sont rabattus sur des traductions qui ne faisaient pas sens. Pour ceux qui, en revanche, prenaient le temps de lire larticle exerceo , la tche se trouvait grandement facilite. En effet, le premier sens propos par Gaffiot est mettre en mouvement sans relche , qui prsentait pour commencer lavantage dentrer en rsonance avec adsidue en dbut de vers. Lorsquon y ajoutait lide de mouvement, que lon croisait avec lobjet du vtement, pour peu que lon essaie de se reprsenter laction, le tour tait jou.

    bene : cest le sens moral qui tait attendu ici, cause de la rfrence aux anctres.

    Le vers 1130 a trs souvent donn lieu des constructions fautives par suite dune mauvaise analyse syntaxique. Plusieurs candidats ont fait du groupe Alidensia Ciaque le COD de vertunt. Mais que faisaient-ils alors de la conjonction atque ? On voit bien quil fallait que le groupe cit ft coordonn pallam et, comme ce dernier, sous le rgime de la prposition in .

    eximia : la scansion indique quil sagit dun ablatif fminin singulier, ce qui lui interdit de qualifier convivia. Ds lors, qualifiant veste, il doit tre mis en facteur commun pour porter galement sur victu.

    crebra a souvent suscit la perplexit des candidats, qui ont parl de coupes pleines , ou riches . L encore, si le Gaffiot ne donnait pas directement la rponse, un certain discernement

  • 29

    dans lusage du dictionnaire (ou, mieux encore, dans celui de sa mmoire de latiniste) donnait de bons rsultats. Le terme est souvent utilis pour dsigner des arbres serrs, constituant une fort dense. On pouvait alors, en visualisant cela, imaginer les tables couvertes de coupes, en rangs serrs. Le sens temporel de remplies sans cesse / la chane a paru intressant.

    Les parfums et les lgantes chaussures de Sicyone luisent sur leurs pieds, on peut en tre sr, et dimposantes meraudes lclat vert sont serties dans lor, le vtement vert de mer est us avec constance et, port sans relche, il boit la sueur cause par Vnus. Il nest pas jusqu lhritage honntement acquis par les pres qui ne soit converti en bandeaux, en diadmes, qui, parfois, se mue en manteau et en toffes dAlindes et de Cos. Dans une dbauche de parures et de victuailles, banquets, jeux, coupes en rangs serrs, onguents, couronnes et guirlandes sont prpars.

    nequiquam, quoniam medio de fonte leporum surgit amari aliquid, quod in ipsis floribus angat, aut cum conscius ipse animus se forte remordet desidiose agere aetatem lustrisque perire, aut quod in ambiguo uerbum iaculata reliquit, quod cupido adfixum cordi uiuescit ut ignis, aut nimium iactare oculos aliumue tueri quod putat, in uoltuque uidet uestigia risus.

    Le texte retrouve ici une dmarche plus analytique, un vocabulaire plus classique afin de prsenter les dconvenues amres auxquelles donne lieu la passion amoureuse, mais lexpos continue de sappuyer sur des images et, la fin de ce passage, Lucrce expose, un peu la manire dun moraliste et de faon trs elliptique, deux anecdotes ou sayntes. Lavalanche de quod a aussi dstabilis certains candidats qui nont pas toujours su distinguer les diffrentes formes que recouvre le mot. Pourtant, la structure syntaxique globale tait ici assez ferme et rigoureuse, rythme par lanaphore aut... aut... aut.

    Il pouvait tre de bonne mthode de partir de celle-ci pour recomposer la syntaxe du passage : aut cum... remordet / aut quod () reliquit / aut () quod putat : cette premire tape permettait de distinguer les deux occurrences de quod ci-dessus, conjonctions explicatives, des deux autres (vers 1134 et 1138), qui sont des pronoms relatifs au neutre, le premier ayant pour antcdent aliquid, le second verbum.

    Il reste alors identifier une subordonne explicative introduite par quoniam, qui na pas pos problme.

    Enfin, les vers 1135 et 1139 sont occups par des propositions infinitives, la premire introduite par se remordet , la seconde par putat .

    nequiquam : il y avait l, en tte de vers, une rupture violente avec le tableau opulent prsent aux vers prcdents, si bien quune traduction forte tait bienvenue. Lexpression A quoi bon ! rendait tout--fait compte de lide ; hlas, elle tait, en franais, dlicate articuler avec la conjonction explicative qui suivait.

    leporum : quelle na pas t la surprise du jury de trouver ici des fontaines de livres ! Lesprit critique est invit ne pas faiblir, mme chez les lecteurs dAlice au pays des Merveilles.

    in ipsis floribus / ipse animus : un grand nombre de candidats ne fait manifestement pas la distinction entre ipse et idem. Ce nest pas parce que la langue franaise peut avoir recours au terme mme pour lun et lautre quils ont le mme sens : les erreurs en version naissent souvent dun manque de matrise et de rflexion de la langue-cible, ici le franais. Il faut rappeler rapidement que, l o idem renvoie lidentit, dans le cadre surtout dune comparaison, ipse exprime linsistance. Par ailleurs, la traduction de lexpression conscius ipse animus par lesprit conscient de lui-mme a t estime fautive, puisque la forme aurait alors t ipsius et non ipse.

  • 30

    lustris a donn lieu bien des incohrences quand les candidats ont choisi le sens de la priode quinquennale ou celui du sacrifice. Le contexte gnral, et mme le dbut du vers, particulirement ladverbe desidiose devaient les inviter privilgier lide de dbauche.

    Les vers 1136-7 taient objectivement ardus du fait de la formulation soudain trs elliptique. La prsence de deux quod de nature diffrente ajoutait la confusion. Quelques candidats y ont vu clair cependant.

    v. 1136 : la seule construction tenable consistait faire du participe parfait passif jaculata, au nominatif fminin, le sujet de reliquit (qui est un parfait, traduire comme tel puisquil marque ici une antriorit par rapport au vers suivant, qui prsente la consquence de cette premire tape) et dont verbum est le COD. lentre jaculor du Gaffiot, on trouvait lexpression lancer des paroles et la rfrence Lucrce, qui devait confirmer le candidat dans cette construction. Lexprience amoureuse est ici prsente travers deux silhouettes peine esquisses : une femme et un homme. Cet homme nest effectivement que sous-entendu dans le vers 1136 : il convenait de suppler le pronom eum, COD de reliquit et sur lequel portait lexpression in ambiguo.

    Passons au vers suivant. Il sagit donc dune proposition subordonne relative. Plusieurs candidats, qui avaient saisi cela, ont voulu faire de quod le COD de vivescit. Il fallait cependant faire confiance Gaffiot qui donne ce verbe comme intransitif, avec la rfrence notre passage. Ds lors, quod ne peut tre que le sujet de vivescit et adfixum lui est appos. Une autre difficult tait offerte par le nom cupido et, l encore, un usage attentif de Gaffiot aidait considrablement. On pouvait hsiter entre le nom cupido (alors au nominatif) et ladjectif cupidus, a, um : la scansion du vers, croise avec les indications fournies par le Gaffiot, permettait dopter pour la seconde solution en raison du i bref, quod cupi formant un dactyle. Or, le i du nom cupido est long. Ds lors, la forme cupido devait tre analyse comme lpithte au datif de cordi, ce qui confortait le stade prcdent de lanalyse, faisant de quod le sujet du verbe.

    vers 1139 : la tournure elliptique se poursuivait ici ; il fallait suppler le pronom personnel eam, sujet des infinitifs jactare et tueri.

    Mais cest en vain, puisque, du milieu de cette source de plaisirs, surgit une pointe damertume, de nature nous tourmenter jusquau cur de la floraison. Tantt il advient que lesprit lui-mme, lucide, soit pris de remords parce quil passe sa vie dans loisivet et dprit en dbauches. Tantt cest quelle a lanc une parole qui la laiss dans le doute ; et cette parole, fiche dans un cur qui dsire, savive comme un feu. Tantt cest parce quil estime quelle dispense trop ses regards, ou quelle en regarde un autre et, sur son visage, il voit lombre fugace dun sourire.

    Atque in amore mala haec proprio summeque secundo inueniuntur ; in aduerso uero atque inopi sunt, prendere quae possis oculorum lumine operto, innumerabilia ; ut melius uigilare sit ante, qua docui ratione, cauereque ne inliciaris.

    Le dernier passage du texte souvrait sur une figure de renchrissement : si, mme lorsquil sagit damour heureux, partag, de tels dsagrments existent, quen est-il dans le cas contraire ? Cette dernire ide fournissait une conclusion notre extrait : mieux vaut ne pas cder la passion amoureuse.

    Ce passage ne comportait pas de difficults morphologiques ni syntaxiques notables. Toutefois, dans un nombre important de copies, le balancement structurant les premiers vers in amore proprio summeque secundo [] in adverso vero atque inopi na pas t saisi, ce qui entranait frquemment des constructions fort hasardeuses, parmi lesquelles un mauvais dcalque du franais (quune rapide consultation du Gaffiot aurait pourtant permis dcarter), au terme duquel in adverso tait traduit par au contraire . Cette erreur rsultait de ce que les candidats ne songeaient pas suppler un second amore , rpondant celui du vers prcdent. Il sagit l

  • 31

    pourtant dune tournure frquente, y compris dans les textes les plus classiques. Plus grave, certaines traductions faisaient de ladjectif inopi lattribut du sujet de sunt, ce qui est morphologiquement impossible, puisquil sagit dun adjectif de la seconde classe. quoi sajoutait un obstacle syntaxique avec la prsence de la coordination atque.

    linverse, certains candidats, qui avaient identifi la construction, ont eu cur de traduire le chiasme form par les adjectifs proprio / secundo // adverso / inopi : la finesse de lecture, leffort stylistique que rvlait cette intention ont t valoriss.

    mala haec : pour la traduction de ladjectif substantiv au neutre pluriel, on se reportera aux remarques formules plus haut pour la traduction de res . Le candidat, arriv au terme du texte, doit bien avoir compris de quelle nature sont ces maux dus la passion amoureuse, ce qui lui permet den offrir une traduction plus lgante, mais aussi plus juste que ces mauvaises choses qui a souvent t propos.

    qua ratione : le sens de manire ou de mthode semblait ici prfrable celui de doctrine. Lucrce renvoie, travers ce terme, aux vers qui prcdent notre extrait, dans lesquels il conseille notamment ses lecteurs de distraire son esprit pour lempcher de succomber aux attraits illusoires de la passion.

    Des souffrances de cette sorte, on en trouve mme dans le cas dun amour stable et au plus haut point heureux ; mais dans celui dun amour malheureux et auquel son objet chappe, on pourrait les percevoir les yeux ferms, elles sont innombrables. Aussi vaut-il mieux par avance tre sur ses gardes, de la manire que jai montre, et veiller ne pas se laisser sduire.

    Conclusion

    Quelles taient les difficults spcifiques de ce texte ? Si lon excepte deux passages arides et une certaine htrognit stylistique, les vers de Lucrce proposs cette anne aux candidats ne comportaient pas dobstacles morphologiques ni syntaxiques majeurs. Ds lors, il apparat que de trs nombreuses erreurs, certaines lourdes et tendues, dautres plus bnignes, auraient pu tre vites.

    Ne serait-il pas juste dadopter face au texte une lecture qui, en quelque sorte, fasse confiance celui-ci ? Il na probablement pas t crit pour fournir des agrgatifs une succession dnigmes, mais pour signifier et tre compris. Alors, certes, le latin nest pas notre langue maternelle, et il est normal, intressant mme, que le texte nous rsiste ; mais est-il envisageable que Lucrce dcrive la passion amoureuse comme une fontaine de livres ? On voit ici comment la circonspection, que nous avons plus haut nomme sens critique, sarticule la confiance. Dans lusage du dictionnaire, plusieurs fois voqu en dtail ci-dessus, la mme double attitude nous semble devoir primer. En effet, lorsque, par exemple, Gaffiot donne vivescit pour un verbe intransitif, il convient de lui faire confiance, de sinterdire de construire le vers en donnant ce verbe un COD. Les interdictions nes du dictionnaire suppriment bien des hypothses hasardeuses, auxquelles on perd un temps prcieux, et bien des erreurs. Mais cest aussi la circonspection qui doit guider celui qui a les yeux plongs dans les pages du dictionnaire : si le champ des possibles est souvent vaste, ces possibles ne sont pas interchangeables. Certains sont purement et simplement rejeter (lustris au sens de priode de cinq ans au vers 1136), dautres ne sont pas satisfaisants ( couleur pour color dsignant le teint dun visage au vers 94), dautres, mme, restent inventer par le candidat, au sens tymologique de ce terme : une fois le sens compris, on peut par exemple construire une priphrase si les termes proposs ne paraissent pas ajusts3. Les candidats semblent parfois faire un usage troit et monovalent du dictionnaire, lui demandant mcaniquement de substituer un mot franais un mot latin, de combler un trou, dans une sorte de grille au dpart indchiffrable ; quils renoncent

    3. Voir par exemple notre choix de traduire, au vers 1142, inopi par qui ne possde pas son objet , qui permet de rendre la valeur privative du prfixe et de faire antithse a proprio. Nest-ce pas plus satisfaisant que pauvre , impuissant ou sans ressource que lon trouve dans le Gaffiot ?

  • 32

    lide selon laquelle on ne cherche dans le dictionnaire quun mot quon ne connat pas... On y cherche aussi de quoi dplier un mot, de quoi croiser le sme et le texte4. Il faut prendre conscience des diffrents usages de cet outil, les pratiquer, saisir combien cest alors la magnifique profondeur des langues que lon explore5.

    On laura saisi, ce nest donc pas seulement la confiance envers le texte, envers le dictionnaire que doit sarticuler cette attitude circonspecte : cest aussi la confiance en sa propre connaissance, du latin comme du franais. Les professeurs, les rapports de jury antrieurs ont enseign quelle mthode, rgulire et rigoureuse, permet de prparer lpreuve de version afin de laborder avec cette fondamentale confiance.

    4. Nous pouvons ici penser au concept de signifiance , que dveloppe M. Riffaterre en prolongement de la signification : Tout se joue dans la diffrence entre signification et signifiance. Dans le langage quotidien, les mots semblent relis verticalement, chacun la ralit quil prtend reprsenter, chacun coll sur son contenu comme une tiquette sur un bocal, formant chacun une unit smantique distincte. Mais en littrature, lunit de signification, cest le texte lui-mme. Les effets que les mots, en tant qulments dun rseau fini, produisent les uns sur les autres substituent la relation smantique verticale une relation latrale qui, se constituant au fil du texte crit, tend annuler la signification individuelle que les mots peuvent avoir dans le dictionnaire. Le lecteur qui essaie dinterprter la rfrentialit aboutit au non-sens : cela le force chercher le sens lintrieur du nouveau cadre de rfrence donn par le texte. Cest ce nouveau sens que nous appelons signifiance. (Cest nous qui soulignons) Lillusion rfrentielle in Littrature et ralit, Paris, 1982, p. 93-94. Riffatterre ne parle pas ici de traduction mais de la situation du langage littraire.

    5. Nous renvoyons ici les candidats des remarques trs justes concernant lusage du dictionnaire dans le rapport sur la version latine 2012 (page 44).

  • 33

    RAPPORT SUR LA VERSION GRECQUE

    tabli par Isabelle GASSINO

    Le sujet de lpreuve peut tre consult ladresse suivante :

    http://cache.media.education.gouv.fr/file/agregation_externe/62/8/s2014_agreg_ext_lettres_class_4_308628.pdf

    Le texte de Thocrite propos aux candidats de la session 2014 a induit des rsultats quivalents ceux de la session prcdente, puisque la moyenne des copies stablit 8,865 (elle tait de 8,866 en 2013). La mdiane est 10, cest--dire que, sur les 200 copies corriges, 100 ont obtenu une note suprieure ou gale 10, et les 100 autres, une note infrieure 10. Une diffrence notable par rapport lanne passe : les meilleures copies de cette session nont pu recevoir une note aussi leve (celle-ci tait de 18 en 2013, contre 16 seulement en 2014), en raison non seulement dun certain nombre de fautes de grec, mais surtout de fautes dorthographe peu compatibles avec le titre dagrg.

    Autre trait souligner : on compte cette anne un grand nombre de traductions diversement inacheves (51 sur 200, soit un quart) depuis la copie o seuls deux ou trois vers sont traduits, et parfois de manire fautive, celle laquelle