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DESS MI 08/01/2004 M. Guy Carron de la Carrière CULTURE D'AFFAIRES EUROPEENNES U U n n m m o o d d è è l l e e s s o o c c i i a a l l e e u u r r o o p p é é e e n n e e x x i i s s t t e e - - t t - - i i l l r r é é e e l l l l e e m m e e n n t t e e t t s s e e r r a a i i t t - - i i l l s s u u f f f f i i s s a a m m m m e e n n t t a a f f f f i i r r m m é é p p o o u u r r ê ê t t r r e e u u n n e e d d e e s s c c a a r r a a c c t t é é r r i i s s t t i i q q u u e e s s d d e e l l ' ' U U n n i i o o n n ? ? d’HERBAIS Alexis, LESCROART Vincent, GRECO Ophélie, SOUBIGOU Antoine

Rapport Modele social Europeen

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Un rapport de DESS sur le Modele social Europeen

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Page 1: Rapport Modele social Europeen

DESS MI 08/01/2004

CULTURE D'AFFAIRES

EUROPEENNES

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d’HERBAIS Alexis, LESCROART Vincent, GRECO Ophélie, SOUBIGOU Antoin

M. Guy Carron de la Carrière

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Culture d'affaires Européennes DESS MI

Introduction ………………………………………………………………...2

1. Les Grandes lignes du modèle social européen vues de l’Etranger ………………………….3

1.1 Les éléments d’une citoyenneté sociale ……………………………………………………...3

1.2 Une législation du travail contraignante …………………………………………………….3

1.3 L’importance de la sphère publique ………………………………………………………....4

2. Analyse des grandes lignes: Les éléments d’un modèle social européen …………………….5

2.1 Les textes européens et le cadre institutionnel ……………………………………………...5

2.1.1. les textes fondateurs de l’Union Européenne ……………………………………………5

2.1.2. Les avancées de Lisbonne …………………………………………………………………6

2.1.3. Les limites ……………………………………………………………………………………6

2.2 Les caractéristiques du modèle social européen ……………………………………………6

2.2.1. Une volonté interventionniste des Etats ………………………………………………...7

2.2.2.Le dialogue et la concertation sociale …………………………………………………….8

2.3. Un modèle social européen hétérogène ……………………………………………………..9

3. Le modèle social dans la perspective de l'élargissement …………………………………….10

3.1 De grandes disparités entre les pays candidats et les Etats membres ……………………10

3.2 Des difficultés de mise en place du modèle social européen ……………………………...11

Conclusion …………………………………………………………………..13

Bibliographie ……………………………………………………………….14

Annexes ……………………………………………………………….…….15

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Introduction

On entend par " modèle social européen " une certaine idée de l'homme, de sa liberté, de sa dignité,

de ses droits. Un modèle social ancré dans notre histoire commune et fondé sur une tradition de

négociation collective, une protection contre les aléas de l'existence, un Etat garant de la cohésion sociale.

Il repose sur l'action concertée des partenaires économiques et sociaux et sur un ensemble de législations

sociales qui complètent l'économie de marché tout en créant un cadre de solidarité.

Doit-on envisager une spécificité européenne dans les rapports des individus avec la société et

l'entreprise? Cette spécificité peut-elle être considérée comme un pilier de la construction européenne?

En admettant cette spécificité doit-on la considérer comme une opportunité ou un ensemble de contraintes

notamment dans les domaines de la compétition économique?

Le modèle social européen constitue pour les uns le bouc émissaire de toutes les difficultés que

connaît l'Europe : il coûterait trop cher; il constituerait un obstacle sérieux à la croissance économique et à

l'emploi. D'autres présentent au contraire ce modèle comme le bouclier protecteur de tous les droits

péniblement acquis au cours des ans pour les travailleurs ; ils rappellent que les politiques ne doivent pas

se laisser dominer par le marché, qu'elles doivent avoir des dimensions sociales et humaines, et pas

seulement économique.

Dans une première partie nous proposons d'évoquer un aperçu des opinions Outre- Atlantique quant

à notre modèle social. Puis dans une seconde partie nous définirons plus précisément le contenu de ce

modèle et les enjeux posés par l'élargissement de l'union européenne à 25 membres.

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1. Les Grandes lignes du modèle social européen vues de l’Etranger.

"Un grand nombre de raisons ont été avancées pour illustrer une image négative de l'Europe. Les

européens accordent plus d'importance aux loisirs qu'au travail. L'omnipotence de la législation sociale,

le manque d'entreprenariat , la tiédeur et le manque d'audace des managers européens dans un contexte

d'instabilité économique et financière qui caractérisent ce début de siècle."1

Afin d’envisager l’existence, ou non, d’un modèle européen, nous proposons d’étudier l’analyse

qu’on peut en donner Outre-Atlantique. La difficulté, voire la gageure, consiste dans le fait que ce modèle,

s’il existe, ne laisse pas indifférent. Entre les sarcasmes de la presse ultraconservatrices et les louanges

qu’il a pu susciter de la part de certains membres de l’administration Clinton, nous avons préféré baser

notre propos sur une contribution américaine aux travaux de l’OCDE sur la question…

1.1 Les éléments d’une citoyenneté sociale

Ce qui est profondément ressenti est tout d’abord une acception très différente du terme

« citoyenneté ». Les américains relèvent que la notion même de citoyenneté est indissociable de la notion

de « social ». A telle enseigne qu’ils parlent pour l’Europe (Essentiellement les 15 moins l’Angleterre et

l’Irlande) de Social Citizenship. Or, la notion anglo-saxonne de citoyenneté relève plus d’une forme de

contrat entre l’individu et la nation alors que dans notre définition courante, on entendra par citoyenneté la

place de l’individu dans son environnement sociétal. Sans prétendre expliciter plus avant la notion,

précisons que la construction européenne s’est plutôt effectuée au centre (Sociale Démocratie et

Démocratie Chrétienne) dans un soucis évident d’apaiser les tensions tant sur le plan politique que social

qui existaient par le passé et qui peuvent en partie expliquer les antagonismes et les conflits de la première

partie du XXème siècle.

Du point de vue américain, les éléments de cette citoyenneté sociale seraient principalement une

législation du travail contraignante et l’importance de la sphère publique.

1.2 Une législation du travail contraignante

On l’a vu plus haut, il existe une sorte d’image d’Epinal véhiculée Outre-atlantique faisant de l’Europe

une sorte de monde hédoniste dans lequel la valeur « travail » serait vidée de sa substance…

1 Jonathan Fenby, The Observer, 1/9/2003

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"Dans les années 80, les Etats-Unis et l'Europe ont commencé à diverger. Les normes américaines en

matière de temps de travail ont changé de telle sorte que la moyenne annuelle du temps de travail aux

Etats-Unis dépasse l'Europe de près de 350 heures soit 9 à 10 semaines de plus"2

En fait, les observateurs sérieux balayent ces idées reçues mais relèvent toutefois le caractère

extrêmement lourd de la législation sur le travail. Cependant, et notamment dans les milieux progressistes

américains, l'exemple européen suscite parfois l'admiration.

"La croissance de la France approche les 3% alors que son taux de chômage passe sous la barre des 10%

en dépit d'un gouvernement socialiste qui a mis en place la semaine des 35 heures. La Finlande est

devenu leader dans le secteur de la téléphonie mobile en dépit d'un fort taux de prélèvements obligatoires

pour les ménages et une législation du travail très contraignante. La Hollande a toujours une politique

sociale très généreuse, bien qu'ils aient réduit la fiscalité des entreprises et adoucit les contraintes des lois

sur le travail."3

De plus, les différents mécanismes de participation des salariés à la marche de l’entreprise par le

biais des syndicats a tendance à « épouvanter » les américains qui parlent aussi de citoyenneté

économique à ce propos. Cette législation aurait pour effet de porter atteinte au fondement même du

management, de la gouvernance d’entreprise : La flexibilité.

Flexibilité de l’emploi tout d’abord ainsi que celle du temps de travail. Cette atteinte à la flexibilité

expliquerait le « manque de réactivité » de l’économie européenne, ainsi que ses performances moindres

que celles des Etats-Unis.

1.3. L’importance de la sphère publique

En quelques mots, les américains reprochent à notre modèle social d’avoir engendré une sorte de

« monstre tentaculaire » : les services publics.

Ils dénoncent l’émergence en Europe d’une sphère publique dont la principale préoccupation ne serait plus

le bien commun mais la préservation des intérêts d’une caste anti-productive, autiste et catégorielle.

Cette caractéristique du modèle social européen ne semble pas seulement reconnue Outre-atlantique car la

lutte contre celle-ci constitue un cheval de bataille pour bien des politiciens de la « vieille Europe ».

2 David Brooks, The New York Times, 25/11/2003 3 Jeaffrey L Beatty 10/10/1999 European welfare states

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2. Analyse des grandes lignes: Les éléments d’un modèle social européen

Ainsi que nous venons de le voir, il semble qu’un modèle social européen existe : le seul fait qu’il

soit critiqué, voire qu’il nous soit envié dans certains cas l’atteste.

L’objet de cette partie est de décrire ce modèle et d’en dégager les principales caractéristiques.

Nous examinerons par la suite quels sont les enjeux et les répercussions sur ce modèle de l’élargissement

de l’Europe à 25 pays.

Le modèle social européen tire son existence d’une volonté commune des Etats membres, volonté

affichée dans les principaux textes et accords de l’Union. Il est caractérisé par un ensemble de mesures et

de pratiques mises en œuvre dans chaque Etat. Le droit européen reflète par conséquent un modèle social

européen.

2.1 Les textes européens et le cadre institutionnel

2.1.1. Les textes fondateurs de l’Union Européenne

La plupart des textes et traités originels contiennent des dispositions à caractère social et se

préoccupent du bien être des pays membres. On retrouve de telles dispositions dans les traités de Rome de

1957 (art.117 et 118) ou encore dans le traité de Maastricht de 1992. La Charte Communautaire des Droits

Fondamentaux des Travailleurs de 1989 (déclaration solennelle de 11 chefs d’Etat, le gouvernement

britannique refusant de s’y associer) est devenu une référence en matière sociale. Elle établit des droits

dans 12 domaines dont l’emploi et la rémunération, l’amélioration des conditions de travail, la protection

sociale, les négociations collectives, la formation professionnelle, l’égalité du traitement entre hommes et

femmes, l’information et la consultation des travailleurs ou encore la protection de la santé et de la

sécurité dans le milieu de travail.

Le Traité d’Amsterdam de 1998 confirme dans son préambule l’attachement de l’Union aux droits

fondamentaux tels qu’ils sont définis dans la charte de 1989 et se pose en « accoucheur de l’Europe de

l’emploi », le traité de Maastricht ayant avant lui dessiné les contours d’une Europe sociale.

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2.1.2. Les avancées de Lisbonne

Le sommet de Lisbonne en 2000 a inventé un nouvel outil particulier adapté aux domaines où les

Etats ont la responsabilité première : la méthode de coordination. Les Etats s’engagent autour d’objectifs

communs (moderniser le modèle social européen en investissant dans les ressources humaines et en luttant

contre l’exclusion sociale) qu’ils mettent en œuvre conformément à leurs institutions et à leurs pratiques

propres. Les résultats de chacun sont ensuite évalués collectivement et les « meilleures pratiques »

permettent ainsi d’enrichir l’action des autres. Après Lisbonne, cette forme de coordination s’est étendue

du seul domaine de l’emploi à la lutte contre l’exclusion et à la réforme des retraites.

2.1.3. Les limites

Du point de vue des textes le Traité d’Amsterdam donne de larges possibilités d’initiative à la

Commission et aux institutions communautaires. Mais on assiste régulièrement à un décalage entre les

intentions sociales affichées et la réalité des moyens mis en œuvre. La Charte des Droits fondamentaux de

1989 par exemple n’a aucune force contraignante. Autre exemple, l’Agenda Social défini après Lisbonne

n’a aucune force contraignante car la politique sociale demeure du domaine et de la compétence des

politiques nationales (art. 29 de l’Agenda). Par ailleurs, des objectifs quantifiés de réduction du taux de

chômage ne sont pas fixés ni dans l’Agenda, ni dans les Lignes Directrices de l’Emploi de 2001. On peut

donc en conclure que la politique sociale et de l’emploi est encore conduite par les Etats, malgré une

volonté évidente d’harmonisation à l’échelle de l’Union ce qui semble être en décalage avec les ambitions

affichées…

2.2. Les caractéristiques du modèle social européen

A la question « existe t-il un modèle européen des relations sociales dans l’entreprise ? » le

commissaire européen aux affaires sociales répond par l’affirmative. Le dialogue social et la qualité des

relations industrielles sont au centre de ce modèle. Celui-ci se caractérise par une protection sociale de

qualité, l’investissement dans l’éducation et les qualifications ainsi que par les réformes destinées à

améliorer le dynamisme de l’économie.

Mais il est clair que ce modèle social européen, même s’il est enraciné dans l’histoire du continent

européen n’est pas uniforme et homogène, il s’appuie notamment sur des traditions nationales propres à

chaque pays, ces traditions sont solidement ancrées.

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2.2.1. Une volonté interventionniste des Etats

On dit souvent que si on veut faire la preuve de l’existence d’un modèle social européen, il suffit de

voyager. Les Etats membres ont en matière sociale des caractéristiques communes qui les distinguent des

autres régions du monde : le rôle important du dialogue social que nous examinerons plus en détail, des

partenaires sociaux organisés (avec un syndicalisme européen puissant et des patronats engagés), des

systèmes étendus de protection sociale qui garantissent la cohésion sociale, des dispositifs visant à réduire

les inégalités, et enfin des services publics performants, l’ensemble se traduisant par des taux de

prélèvement obligatoire élevés, de 45% en moyenne pour l’Union Européenne contre 33.3% aux Etats

Unis et 30.8% au Japon4.

L’Europe possède un régime élaboré de sécurité sociale, y compris le cas échéant, l’octroi d’un revenu

minimum garanti ainsi que d’autres protections du travail (RMI et SMIC en France, caisses de vieillesse,

de maladie, familiales…). Ce système de sécurité sociale repose dans de nombreux pays sur le modèle de

l’Etat providence : la répartition des revenus (plus ou moins importante selon les Etats) est pratiquée dans

les pays de l’Union. Aux Etats Unis, ce système de l’Etat providence a été délaissé au profit d’un système

plus individualiste basé davantage sur la capitalisation des revenus que sur la répartition. Les salariés

souscrivent des assurances privées très coûteuses et placent leur épargne sur les marchés financiers (les

fameux fonds de pension investis dans le monde entier).

De plus, de nombreux pays européens possèdent des services publics à finalité sociale (éducation,

santé, transports), dont la responsabilité, estime t-on doit rester entre les mains de l’Etat, même si leur

gestion s’apparente davantage à une gestion privée (exemple d’EDF ou de la SNCF en France).

La volonté interventionniste des Etats Européens s’est souvent affichée, notamment pour intervenir

activement en matière industrielle, économique et sociale (les 35 heures en France, la fixation de normes

communes en matière de durée du travail en Europe qui ne peut excéder 48h hebdomadaires…) , pour la

recherche d’un consensus avec les partenaires sociaux dans l’élaboration et la mise en œuvre des réformes

(réforme des retraites négociée en Suède ou en France avec les syndicats et les représentants du patronat).

A l’inverse, aux Etats Unis, l’approche pour résoudre les problèmes de travail et d’emploi apparaît

beaucoup moins interventionniste, elle laisse davantage de place à l’initiative individuelle. L’accent est

mis sur la liberté et la responsabilité des agents économiques plutôt que sur le pouvoir politique au niveau

de l’Etat ou au niveau fédéral. Au plan législatif, on insiste davantage sur l’égalité de chances et de

traitement que sur une certaine égalisation des revenus. Aux Etats Unis, on a toujours privilégié la

4 Données de 2003. Maximum Suède 57.2%, France 49.6%, Allemagne 44.6%, RU 40% et minimum en Irlande avec 32.8%

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négociation collective d’entreprise par rapport à la loi. En Europe en revanche, on attend de son

gouvernement, de son administration et de la loi, une assistance pour l’amélioration des conditions de vie

et de travail. Au Japon, la haute administration de l’Etat joue un rôle très actif, mais ses préoccupations se

focalisent avant tout sur la croissance et le développement économique, la question sociale est secondaire

(même si ce système tend à évoluer au grès des crises économiques majeures).

2.2.2. Le dialogue et la concertation sociale

La régulation sociale en Europe est fondée sur la concertation bi ou tripartite (Etat, syndicats et

représentants du patronat) à différents niveaux, mais spécialement au niveau national (professionnel ou

interprofessionnel). Certes, d’autres régions du monde et notamment l’Amérique latine ou l’Afrique ont

connu et connaissent des accords tripartites, mais aucune région n’a utilisé autant le dialogue tripartite,

formel ou informel.

Les négociations sur l’emploi notamment peuvent avoir des effets très bénéfiques : elles soulignent

toujours la dimension sociale et finalement humaine des relations professionnelles. Elles créent également

un environnement favorable à l’amélioration de la situation économique générale et à la croissance (c’est

le cas aux Pays Bas avec les accords de Wassenaar, en novembre 1982 qui constituent toujours la base de

la stratégie sociale). Actuellement en Europe, les gouvernements n’ont jamais autant cherché à signer des

accords tripartites pour mobiliser chacun sur le thème de l’emploi. Parfois, en cas d’échecs répétés des

négociations, c’est le gouvernement qui légifère (la France a légiféré sur les 35 heures faute d’avoir

obtenu l’accord des partenaires sociaux).

Pourtant différents types de négociations coexistent en Europe, de nouveaux modes de dialogue social

sont apparus.

En Italie par exemple, la réussite de l’Emilie-Romagne et de la Vénétie -où les petites entreprises

jouent un rôle clé- repose sur le fait que les gouvernements régionaux ont favorisé le dialogue à l’échelon

régional ou local. En Emilie-Romagne, les 3 syndicats les plus importants de la région et les 4 principales

associations d’employeurs représentant des entreprises artisanales (moins de 20 salariés) ont conclu dès

1983 un certain nombre d’accords relatifs au développement de ces entreprises. Les gouvernements

locaux ont en outre fourni certains biens collectifs qui ont allégé les coûts des entreprises. Autre exemple

italien plus récent : celui des conventions sur les horaires dans la cité (i tempi della città) afin de mieux

coordonner les heures d’ouverture des services publics, des commerces et de bureaux, les rythmes des

transports publics et le temps de travail. Ces accords sont conclus par des syndicats, des associations de

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commerçants ou de quartier, des organisations d’employeurs et les autorités de plusieurs villes italiennes.

Ces arrangements ont été ensuite consacrés par une loi (loi n° 240 de 1990).

En Irlande, la pratique d’accords collectifs au sommet (non contraignants) est très développée.

L’accord signé en 1994 a ajouté une nouvelle dimension au tripartisme : il contient un engagement formel

de la part du gouvernement et des partenaires sociaux de stimuler les initiatives locales et celles des petites

communautés en faveur du maintien et de la création d’emplois.

En Belgique, des initiatives sont menées en vue de la création d’emplois au niveau local à travers des

organisations tripartites appelées agences locales pour l’emploi.

Ces exemples illustrent le fait que les Etats en Europe n’ont peut-être jamais été aussi actifs dans les

négociations économiques et sociales.

2..3 Un modèle social européen hétérogène

De nombreux auteurs sont convaincus que l’espace social du travail européen est loin de constituer un

ensemble homogène : la production du travailleur par l’éducation et la formation, son utilisation dans les

processus productifs (durée du travail, mobilité professionnelle), l’insertion et la promotion sociale (rôle

des diplômes) et les relations professionnelles sont des domaines qui relèvent de la responsabilité

exclusive des Etats. Il en va de même pour toutes les législations sociales qui sont toujours élaborées à

l’échelon national, même si des normes européennes commencent à apparaître. L’Europe semble partagée

entre 2 modèles : le modèle anglo-saxon (GB, Irlande) dont les normes sociales sont proches des normes

US et du Canada et le modèle Rhénan (France, Allemagne notamment) où l’Etat joue toujours un rôle

prépondérant dans la régulation économique et sociale.

Quelques exemples montrent que le modèle social européen n’est pas homogène. La durée du temps

de travail par exemple : la durée conventionnelle hebdomadaire moyenne des temps de travail par pays en

2002 était de 38.2 heures. En France elle est de 35 H, en Grande Bretagne elle est de 37.2 H, 39 H en

Irlande et 40 H en Grèce.

Les règles de protection sociale des salariés sont également très différentes selon les pays ; Prenons

l’exemple des congés de maternité en Europe : la durée de ces congés varie entre 14 semaines en Irlande

et 28 semaines pour le Danemark. 9 pays de l’UE accordent des congés de paternité dont la durée est

également très variable : 14 jours au Danemark, 3 semaines en France, 4 semaines en Norvège et 3 mois

en Islande. Les allocations de maternité varient également. Par exemple, en cas d’adoption, le Danemark,

la France et l’Espagne versent des allocations aux parents, pas les pays Bas.

De manière générale, il en va de même pour l’ensemble des systèmes de sécurité sociale (cf. annexes

1 et 2). Certains pays ont une faible protection sociale (GB, Irlande) alors que d’autres ont opté pour un

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système de protection très développé plus coûteux (comme la France, l’Allemagne ou la Suède) qui repose

sur la perception de recettes fiscales et sociales plus importantes (cf. annexe 3). Idem pour les services

publics : l’Irlande ou la Grande Bretagne ont des services publics peu développés (la vétusté des hôpitaux

et des chemins de fer de nos voisins d’outre Manche ou l’état de délabrement de certaines routes

irlandaises non financées par des fonds européens l’attestent) ; d’autres pays ont un secteur public plus

important (parfois trop important aux yeux de la Commission). C’est le cas de la France notamment qui

dispose de grosses entreprises publiques (SNCF, La Poste, EDF…) afin d’assurer un service public de

qualité au nom de l’intérêt général et du bien être de la population. L’enseignement public est la norme

(Universités financées par les recettes fiscales de même que l’ensemble des systèmes de santé financés par

l’ensemble des cotisations sociales).

3. Le modèle social dans la perspective de l'élargissement

Le futur élargissement de l'Union Européenne aux pays d'Europe centrale et orientale a fait naître

une série d'attente et de craintes concernant l'avenir de l'Europe et de son modèle économique et social.

3.1 De grandes disparités entre les pays candidats et les Etats membres

L'élargissement de l'Union Européenne n'est pas une nouveauté, ce qui est nouveau c'est d'une part,

le nombre élevé de pays candidats (dix pays) et d'autre part, le fait que ce soit des pays dont le niveau de

développement économique et social dans de nombreux domaines est largement inférieur à celui des pays

jusqu'ici accueillis au sein de l'Union (sauf Chypre, Malte et la Slovénie qui sont des pays faiblement

agricoles et relativement riches), en effet le niveau de vie est fortement supérieur en Europe de l'Ouest

qu'à l'Est, les salaires y sont quatre fois inférieurs et l'ensemble des pays candidats ne représente que 7%

du PIB de l'Union européenne.

Toutes les vagues d'élargissement ont rendu encore plus complexe la définition de normes sociales

communes, l'entrée de nouveaux pays ne faisant qu'accroître la diversité des régimes de protection. Depuis

le traité d'Amsterdam, entré en vigueur en 1999, il existe une base légale communautaire en matière de

politique sociale. Les autorités européennes s'efforcent régulièrement de rappeler "l'objectif de

convergence des protections sociales dans le respect de la diversité des systèmes nationaux". Entre les

pays candidats et le reste de l'Union européenne, c'est en effet dans le domaine social que la distance qui

reste à parcourir est la plus importante.

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Dans le domaine de la protection sociale, les PECO sont plus tournés vers le modèle américain

prôné par les institutions internationales, que vers le modèle social européen. Ils ont mis en place des

systèmes de protection sociale extrêmement libéralisée et conformes aux prescriptions du FMI, qui les

éloignent encore plus du modèle social européen.

Les normes sociales des pays de l'Est sont peu exigeantes et un manque d'investissement social en

Europe centrale et Europe de l'Est sera nuisible tant à la cohésion sociale qu'au progrès économique

européen. En effet on ne pourra pas réussir l'élargissement sans une application effective de l'acquis

communautaire, pour que les joueurs respectent les mêmes règles sur le terrain. De plus, de nombreux

pays membres de l'Union européenne ont peur de l'immigration ainsi que du dumping social à grande

échelle en provenance de pays tels que la Pologne, la Hongrie ou encore la République Tchèque. Les

entrepreneurs recherchent des conditions plus avantageuses et libérales (au sujet du temps de travail, des

contrats de travail et du dialogue social) ainsi certains craignent que le système de l'Est s'étende. Les

quinze Etats membres de l'Union pourraient réagir à cette menace en imposant de nouvelles normes

sociales. En fait, la peur des délocalisations vers les pays à bas salaires s'est avérée non fondée lors des

précédents élargissements, notamment à l'Espagne et la Grèce.

3.2 Des difficultés de mise en place du modèle social européen

Il n'est pas facile d'harmoniser des politiques sociales qui résultent de traditions de relations sociales

différentes selon les pays, et d'une organisation particulière des droits sociaux ainsi que des grandes

différences dans le financement et dans les niveaux de protection sociale. Nous avons vu précédemment

les caractéristiques communes des pays européens tant au niveau des pratiques que de la législation

sociale. Cependant la situation sociale et budgétaire ne tranche pas beaucoup avec celle de la plupart des

pays membres: vieillissement démographique, tensions sur les comptes sociaux, chômage élevé etc. Ainsi

au-delà de leur diversité, les systèmes de protection sociales sont confrontés à des problèmes analogues,

mais la fragilité actuelle des systèmes sociaux des PECO lié à la spécificité de la transition peut constituer

une divergence potentielle dont la réduction passera par un renforcement de la cohésion des politiques

sociales européennes.

La commission européenne ne sous-estime pas les obstacles que les pays candidats doivent

surmonter pour restructurer leurs économies, se conformer aux règles et normes européennes et réformer

leurs institutions en conséquence. Les efforts que doivent fournir les candidats pour transformer leurs

économies et pour adhérer au marché intérieur ainsi qu'à l'union monétaire, doivent se focaliser sur la lutte

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contre l'inflation et sur la stabilité monétaire; or l'adoption de telles mesures se fait bien souvent au

détriment des dépenses sociales, de la protection sociale et des services sociaux; les pays se trouvent en

effet confrontés à d'important déficits de financement. Il apparaît que la politique sociale ait été considérée

comme un luxe pour des pays qui ont adopté une économie de marché. Les pays candidats se sont engagés

à instaurer l'acquis communautaire dans le domaine social, cependant le choc de la transition du passage

d'une économie centralisée à une économie de marché peut conduire à une chute du niveau social pour

certains citoyens, à l'exclusion d'une partie de la population (augmentation du chômage) ainsi qu'à une

mise à l'écart des enjeux sociaux et égalitaires en faveur des priorités économiques.

Pour que l'élargissement n'entraîne pas la dilution au lieu de l'approfondissement du modèle social

européen, il faut accentuer les efforts pour que se mettent en place les acteurs du dialogue social et les

institutions nécessaires à la mise en œuvre effective de l'acquis communautaire et de son contrôle.

L'Europe n'a aucunement vocation à imposer un système de protection sociale uniforme, sa finalité est

plutôt de faire converger les systèmes de chaque pays vers un "modèle social européen" et à tirer les

législations sociales vers le haut pour les améliorer. Le but étant de former un socle commun qui s'impose

à tous les Etats membres.

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Conclusion

Emploi, protection sociale, qualité du travail, formation, démocratie sociale, développement durable

sont au cœur des préoccupations des promoteurs de la construction de l'Union européenne.

Davantage qu'une émanation de la politique de l'Union européenne, le modèle social européen

constitue un patrimoine commun aux peuples de l'Europe en matière d'emploi et de travail. Ce concept

traduit une triple réalité : une régulation sociale fondée sur la concertation ; un régime élaboré de

protection sociale et l'existence de services publics à finalité sociale, ainsi qu'un interventionnisme actif de

l'Etat en matières industrielle, économique et sociale.

Ce modèle social distingue l'Europe des autres régions du monde et fonde une identité européenne

véritable. Si ce modèle doit faire face à des critiques et à des difficultés, l'évolution semble davantage aller

dans le sens de son adaptation que dans celui de sa disparition. Malgré tout on peut craindre que

l'élargissement de l'Union ne tire vers le bas les normes sociales pour aboutir à un plus petit dénominateur

commun.

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Le modèle social européen 08/01/2004 14

Journaux et publications

European Welfare States, Jeffrey L. Beatty 10/10/1999

Jonathan Fenby, Japan’s lesson for Europe, The Observer, 01/09/2003

Claus Heinisch, European Integration and the welfare state, University of Pittsburgh 09/2002

David Brooks, Refuting the Cynics, New York Times, 26/11/2003

James Wickham, The end of the European social model: before it began? National forum on

Europe OCDE 30/01/2002

Servais Jean-Michel, Quelques reflections sur un modèle social européen

Sites web

www.forumgc.org

www.lexpansion.com

www.humanite.presse.fr

www.euronet.be

www.jeunes-europeens.org

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ANNEXES (source : EUROSTAT)

Annexe 1 : Revenu moyen en cas de chômage (en % du PIB par habitant)

Les résultats montrent que l’indemnisation moyenne du chômage se répartit principalement entre 30 et 50%. Les dépenses moyennes par bénéficiaire en Irlande, au Portugal et au Royaume Uni étaient inférieures à 30% du PIB par habitant, alors qu’au Danemark, en Allemagne et en Autriche, elle dépassait les 50%. Cependant, ces chiffres n’englobent pas toutes les prestations auxquelles un chômeur peut avoir droit (allocations au logement qui constituent un important moyen de soutien dans certains pays, surtout au Royaume Uni).

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Annexe2 : les allocations de maternité (en % du PIB par habitant)

Les allocations versées par naissance représentent plus de 60% du PIB en 1999 pour la Finlande ou la Suède, moins de 10% au royaume Uni, en Irlande ou au Portugal.

Annexe 3 : les sources de financement de la protection sociale

La part « gouvernement général » correspond aux impôts divers, aux recettes fiscales. Le Danemark et l’Irlande financent leur système de protection sociale avec l’impôt principalement. La France, l’Allemagne ou la Belgique ont davantage recours aux cotisations (patronales ou salariales).