26
ACCÈS DES ÉTUDIANTS AUX SOINS : LEUR PROTECTION SOCIALE EST-ELLE À LA HAUTEUR DES ENJEUX ? - Mai 2015 -

Rapport Mutuelles, défenseur des droits

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Accès des étudiants aux soins : leur protectio, sociale est-elle à la hauteur des enjeux ?

Citation preview

  • ACCS DES TUDIANTS AUX SOINS :

    LEUR PROTECTION SOCIALE EST-ELLE

    LA HAUTEUR DES ENJEUX ?

    - Mai 2015 -

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 3

    Rsum

    RGULIREMENT slvent des diffrends entre les tudiants et les structures charges de la gestion de leur assurance maladie et materni-t obligatoire : les mutuelles tudiantes. Ces rclamations sont trans-mises par les tudiants ou leurs familles soit au Dfenseur des droits lui-mme, soit aux Dlgus membres de son rseau territorial. Lexa-men de ces rclamations rvle lexistence de srieuses dfaillances de la part des mutuelles tudiantes, mais galement de carences, notam-ment en matire dinformation des tudiants sur leurs droits. Ces diffi-cults affectent les tudiants non seulement en qualit dassurs so-ciaux, mais galement dusagers dun service public.

    Pris en qualit dassurs sociaux (section I), les tudiants sont rguli-rement confronts des retards daffiliation leur scurit sociale (1.1.1), parfois pendant plusieurs mois. Les mutuelles savrent par ailleurs dif-ficilement en mesure dexploiter leurs cartes Vitale (1.2.1), ce qui a no-tamment pour effet dentrainer une inflation des demandes de rem-boursements de soins par formulaires papier ou encore limpossibilit pour les tudiants concerns de se prvaloir du tiers-payant auprs des professionnels de sant. Par ailleurs, les donnes contenues dans les dossiers des tudiants, par exemple leurs dclarations de mdecin trai-tant ou la mention de prises en charge au titre daffections de longue dure (ALD), ne sont pas prises en compte par les mutuelles au moment des affiliations (1.1.2 et 1.1.3). Les tudiants confronts de telles dfail-lances se trouvent ainsi placs dans des situations de ruptures de droits, partielles ou totales, une protection sociale. Cest--dire quils ne peuvent plus bnficier, pendant une priode dune dure indtermi-ne, de la prise en charge de leurs dpenses de sant, que celle-ci soit immdiate, par exemple lorsque ltudiant bnficie dune dispense davance de ses frais de sant (ALD, CMU-C), ou diffre, lorsquil ne peut pas obtenir rapidement le remboursement (1.2.2), en tout ou par-tie, de ses dpenses de sant (retard daffiliation, pnalit pour non-res-

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 4

    | |Rsum

    pect du parcours de soins coordonns, etc.). Ces ruptures de droits la scurit sociale ne sont pas anodines. Elles aboutissent des situations de renoncement aux soins de la part des tudiants, soit parce quils nont pas les moyens de payer leurs dpenses de sant, par manque de moyens (CMU-C), ou parce que les traitements suivis sont particulire-ment onreux (ALD). Elles mettent galement en pril les missions de prvention assignes aux professionnels de sant, puisque les tudiants sont amens reporter, dans lattente de louverture effective de leurs droits la scurit sociale, la ralisation de soins quils considrent peu urgents, mais dont la prise en charge rapide aurait vit une aggrava-tion ultrieure (soins bucco-dentaires, etc.).

    Dautre part, les tudiants sont galement affects par les dfaillances des mutuelles en tant quusagers dun service public (section II). Ces difficults se caractrisent notamment par un taux dabsence de r-ponse trs lev des mutuelles aux sollicitations des tudiants (prs dune demande sur deux resterait sans rponse). Les rponses appor-tes, aprs de longs dlais dattente, rvlent par ailleurs un dfaut de formation des agents des mutuelles tant la qualit et la pertinence des informations dlivres sont source de rclamations (2.1.1). De nom-breux documents transmis par les tudiants, quil sagisse de demandes de remboursement de soins, de dclarations de mdecin traitant, etc. ne sont pas exploits, lorsquils ne sont purement et simplement pas perdus par les mutuelles. Par ailleurs, un aspect trs proccupant du fonctionnement de la scurit sociale des tudiants rsulte de lab-sence quasi-systmatique de dlivrance dune information par les mu-tuelles leurs assurs sur les voies et dlais de recours dont ils pour-raient se prvaloir (2.1.2). De manire plus gnrale, aucun dispositif dinformation satisfaisant ne semble avoir t mis en uvre par les mutuelles ou les pouvoirs publics, notamment lattention des tu-diants trangers (1.2.3), de ceux qui exercent une activit profession-nelle paralllement leurs tudes ou encore des tudiants en fin de cursus universitaire, qui ne sont pas suffisamment informs de lexpi-ration de leurs droits la scurit sociale tudiante (2.2.1). Enfin, lexer-cice par les mutuelles tudiantes dactivits de type marchand dans un contexte concurrentiel, notamment en matire dassurance sant com-

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 5

    | Rsum

    plmentaire, paralllement la mission de service public dont elles sont charges, soulve de lgitimes interrogations, en particulier sur la qualit des informations quelles dlivrent aux tudiants qui ne se-raient pas intresss par la souscription dune assurance sant facul-tative (2.2.2). Le manque de considration des tudiants en qualit dusagers dun service public constitue indniablement un facteur daggravation dun phnomne de renoncement aux prestations de s-curit sociale, par dfaut dinformation ou par lassitude des dmarches administratives quils doivent entreprendre.

  • Sommaire

    Synthse des prconisations du Dfenseur des droits 7

    Introduction 8

    Leffectivit de laccs aux soins nest pas assure pour tous les tudiants 9

    1.1. UN PROCESSUS DAFFILIATION DES TUDIANTS LEUR SCURIT SOCIALE MAILL DE RUPTURES DE DROITS TOTALES ET/OU PARTIELLES 9

    1.1.1. Des dlais daffiliation trop longs 9

    1.1.2. Une absence de respect du parcours de soins coordonns : les tudiants injustement sanctionns 10

    1.1.3. La situation proccupante des tudiants atteints daffections de longue dure (ALD) 11

    1.2. LA GESTION DE LASSURANCE MALADIE ET MATERNIT DES TUDIANTS : DES DFAILLANCES PERSISTANTES 12

    1.2.1. Des cartes Vitale inutilisables 12

    1.2.2. Des retards de remboursement pnalisants pour les tudiants et les professionnels de sant 14

    1.2.3. Des risques accrus pour les tudiants trangers ou en formation ltranger 15

    Mutuelles tudiantes et droits des usagers du service public : les tudiants ont-ils moins de droits que les autres assurs sociaux ? 17

    2.1. CONTACTER SA MUTUELLE : UN PARCOURS SEM DEMBUCHES 17

    2.1.1. Les rponses apportes ne sont pas la hauteur des attentes des tudiants 17

    2.1.2. Contrle hirarchique et juridictionnel des dcisions des mutuelles tudiantes : quelles voies de recours ? 19

    2.2. LINFORMATION DES TUDIANTS SUR LEURS DROITS LA SCURIT SOCIALE 20

    2.2.1. Une information institutionnelle variable, lacunaire voire inexistante 20

    2.2.2. Information des tudiants sur leurs droits la scurit sociale : la mission de service public dont sont charges les mutuelles tudiantes est-elle compatible avec leurs activits de type marchand ? 22

    Notes 24

    I

    II

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 7

    Synthse des prconisations du Dfenseur des droits

    R.1 : Mettre en uvre toute solution permettant damlio-rer les dlais daffiliation des tudiants leur scurit sociale ;

    R.2 : Assurer leffectivit de la transmission des informa-tions relatives ltudiant au moment du transfert de son dossier notamment en matire de dclaration de mdecin traitant et daffection de longue dure (ALD) ;

    R.3 : Permettre lensemble des tudiants de disposer dune carte Vitale utilisable ds leur affiliation leur scurit sociale ;

    R.4 : Amliorer de manire significative les dlais de remboursement des dpenses de sant engages par les tudiants ;

    R.5 : Assurer le traitement rapide des demandes de cartes europennes dassurance maladie (CEAM) et, dans lattente, dlivrer sans dlai une attestation provisoire de droits ;

    R.6 : Mettre en uvre un dispositif spcifique dinfor-mation lattention des tudiants trangers (hors-UE) qui souhaitent saffilier la scurit sociale compte tenu de la complexit et du cot des dmarches quils doivent raliser cette fin ;

    Amliorer significativement la qualit de la gestion du processus daffiliation des tudiants leur scurit sociale, ainsi que le suivi ultrieur de leur dossier afin dassurer leffectivit de leur accs aux soins.

    Mettre en uvre un vritable dispositif dinformation des tudiants sur leurs droits, non seulement en qualit dassurs dun rgime de scurit sociale mais galement en tant quusagers dun service public.

    R.7 : Engager une rflexion sur la possibilit de remettre aux tudiants un rcpiss sous forme papier ou lectro-nique, attestant des dmarches accomplies par tlphone ou par visite en agence ;

    R.8 : Renforcer la formation des personnels des mutuelles tudiantes pour permettre damliorer significativement la qualit des rponses apportes ;

    R.9 : Assurer linformation des tudiants concernant la rglementation applicable en matire de voies et dlais de recours ;

    R.10 : Amliorer linformation des tudiants qui exercent une activit professionnelle paralllement leurs tudes et de ceux qui sont en fin de cursus universitaire ;

    R. 11 : Garantir que lexercice dactivits de type marchand par les mutuelles naltre pas la qualit des informations dlivres aux tudiants sur leur droit la scurit sociale, notamment lorsquils bnficient dj dune assurance sant complmentaire en qualit dayant droit ou en matire de CMU-C.

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 8

    Introduction

    En 2013, 2,4 millions dlves et tudiants se sont inscrits dans un tablissement denseignement suprieur.1 Quil sagisse dune premire inscription ou au contraire de la poursuite dun cursus entam depuis plusieurs annes, ils ont en principe t invits saffilier lune des onze mutuelles tudiantes charges de la gestion de leur scurit sociale obligatoire.2

    Outre lexercice de cette mission de service public, en contrepartie de laquelle elles peroivent des fonds publics, ces mutuelles proposent galement des contrats dassu-rance sant complmentaire facultatifs destins amliorer les taux de prise en charge des dpenses de sant de leurs adhrents.

    Si lactualit a mis en vidence les graves difficults finan-cires rencontres par la mutuelle tudiante nationale, les mutuelles rgionales ne sont pas pour autant exemptes de reproches puisque les rclamations individuelles portes la connaissance du Dfenseur des droits concernent tant la mutuelle nationale que les mutuelles rgionales.

    Le Prambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui fait partie de notre bloc de constitutionnalit, prvoit que la Nation doit garantir tous la protection de la sant.3 Cet engagement a t rcemment raffirm par des pouvoirs publics soucieux damliorer laccs des personnes aux droits sociaux, notamment en intensifiant la lutte contre le phnomne du non-recours aux prestations.4

    Pourtant, laccs de tous les tudiants une protection sociale effective et donc aux soins ne semble pas assur de faon satisfaisante. Lexamen des rclamations individuelles transmises par des tudiants et leurs familles au Dfenseur des droits tout au long de lanne montre que de nombreux tudiants se trouvent privs de scurit sociale effective, parfois pendant plusieurs mois aprs leur inscription dans lenseignement suprieur.

    Ces situations de rupture des droits des tudiants leur pro-tection sociale rsultent de labsence de dlivrance par leurs mutuelles de cartes Vitale fonctionnelles, de la non prise en compte de leurs dclarations de mdecin traitant ou daf-fections de longue dure (ALD), de la perte de la possibilit de bnficier du systme du tiers payant, de labsence de rponse des mutuelles aux interrogations des tudiants, etc. La liste des dfaillances est longue.

    Ces difficults ne sont pas nouvelles et sont rgulirement dnonces depuis de nombreuses annes par diffrents acteurs institutionnels, sans quaucune amlioration signi-ficative nait t constate ce jour.5 6 7

    Soucieux dentretenir un dialogue avec la socit civile, le Dfenseur des droits mne des oprations ponctuelles dap-pels tmoignages afin dtre au plus prs des proccupa-tions quotidiennes de nos concitoyens.

    Cest ainsi que le Dfenseur des droits a recueilli via un ques-tionnaire mis en ligne sur son site internet du 5 dcembre 2014 au 5 fvrier 2015, prs de 1 500 tmoignages relatifs laccs des tudiants leur scurit sociale.

    Le prsent rapport, illustr notamment par ces tmoignages dont le pourcentage ne sappuie nanmoins pas sur un chan-tillon reprsentatif, na pas pour ambition de se prononcer sur le schma structurel le plus adapt une gestion efficace de la scurit sociale des tudiants, mission qui revient aux pouvoirs publics. Il sagit davantage de prsenter de manire trs concrte les difficults auxquelles les tudiants sont quotidiennement confronts dans leurs relations avec leurs mutuelles et den tirer des propositions sous forme de prconisations.

    Aprs avoir dress le constat des difficults daccs une protection sociale effective que rencontrent les tudiants (I), le rapport soulignera la ncessit de donner aux tudiants un vritable statut non seulement dassurs sociaux mais gale-ment dusagers du service public de la scurit sociale (II).

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 9

    Leffectivit de laccs aux soins nest pas assure pour tous les tudiantsI

    1.1 Un processus daffiliation des tudiants leur scurit sociale maill de ruptures de droits totales et/ou partielles

    1.1.1 DES DLAIS DAFFILIATION TROP LONGS

    Depuis juillet 2014, je suis inscrite la [mutuelle] et ce jour, le 11 12 2014, je nai toujours pas de carte vitale ni dattestation et ils ne rpondent jamais au tlphone. Je dois reporter des soins car je nai pas les moyens davancer de largent [] .

    Lappel tmoignages a rvl que 26 % des tudiants ayant rpondu au questionnaire rencontrent un problme en matire daffiliation et/ou dsaffiliation avec leurs mutuelles tudiantes.

    Laffiliation dune personne au rgime tudiant de scurit sociale (RESS) est subordonne lacquisition par celle-ci du statut dlve ou dtudiant dun tablissement densei-gnement suprieur et au respect dune condition dge.8 9

    Ltudiant ne doit, par ailleurs, pas pouvoir relever prioritai-rement dun autre rgime de scurit sociale, que ce soit en qualit dassur (tudiant salari, etc.) ou dayant droit dun autre rgime (celui de ses parents, par exemple).10

    Au moment de son inscription dans son tablissement den-seignement suprieur, ltudiant doit dsigner la mutuelle

    nationale ou rgionale qui sera charge de procder son affiliation, puis sacquitter en principe dune cotisation forfaitaire de scurit sociale dont le montant slve 213 pour lanne 2014-2015.11 12

    Ces cotisations sont ensuite reverses par les tablissements denseignement suprieur lUnion de recouvrement des cotisations de scurit sociale et dallocations familiales (Urssaf) territorialement comptente.

    Laffiliation de ltudiant son rgime de scurit sociale prend en principe effet le 1er octobre de son anne dinscrip-tion dans un tablissement denseignement suprieur et se termine le 30 septembre de lanne suivante.13 Elle doit tre renouvele chaque anne.

    Le processus daffiliation consiste pour une mutuelle tu-diante, galement appele caisse prenante , demander la caisse cdante , le prcdent rgime de scurit sociale dont relevait ltudiant avant son inscription dans un tablissement denseignement suprieur, de lui communi-quer lensemble des donnes ncessaires son rattachement la scurit sociale tudiante : il sagit de la procdure de mutation inter-rgime.

    A lissue de cette procdure, le rattachement de ltudiant est act par la dlivrance dune attestation daffiliation qui lui per-met de faire valoir ses droits la scurit sociale auprs des professionnels de sant. Il dispose galement en principe de la possibilit de mettre jour sa carte Vitale ce moment-l.

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 10

    I | Leffectivit de laccs aux soins nest pas assure pour tous les tudiants

    Emma sest inscrite lUniversit le 30 octobre 2014. En dpit des dmarches effectues afin dobtenir son affiliation la scurit sociale des tudiants ds le mois doctobre 2014, Emma na t affilie quau cours du mois de mars 2015.

    Si la procdure daffiliation est en thorie relativement simple, sa mise en uvre ne va pas sans poser de difficults pour les mutuelles tudiantes puisque nombre dentre elles ne parviennent pas affilier leurs assurs en temps utiles.

    Lorsquun tudiant se trouve confront un retard daffilia-tion, il ne bnficie plus de son ancien rgime de scurit sociale mais pas encore de la scurit sociale tudiante. Il ne peut donc pas obtenir le remboursement de ses dpenses de sant par sa mutuelle avant que celle-ci nait procd la rgularisation de sa situation. Cet tudiant se trouve ainsi dans une situation de rupture totale de droit la scurit sociale.

    23 % des tudiants ayant particip lappel tmoignages du Dfenseur des droits indiquent avoir t contraints de faire lavance de leurs frais de sant, notamment en raison de difficults daffiliation.

    La situation est plus inquitante encore pour les tudiants bnficiant dune dispense davance de leurs frais de sant notamment lorsquils sont titulaires de la CMU-C ceux-ci se trouvant ncessairement dans des situations financires dif-ficiles ou lorsquils sont atteints dune affection de longue dure (ALD) prise en charge 100 %, les traitements suivis pouvant tre particulirement couteux (jusqu plusieurs milliers deuros chaque mois).14

    A dfaut de disposer de ressources financires suffisantes, et alors quils devraient tre dispenss de faire lavance de leurs dpenses de sant, ces tudiants peuvent tre contraints de diffrer la ralisation de leurs soins dans lattente de la rgularisation de leur situation par leurs mutuelles.

    Il est difficile de dterminer avec prcision si les difficults daffiliation rencontres par les tudiants sont imputables la mauvaise qualit des dossiers communiqus aux mutuelles par les rgimes cdants ou, au contraire, si elles rsultent de la mauvaise gestion par les mutuelles tudiantes des dossiers communiqus par les rgimes cdants.

    Nanmoins, comme nous le verrons dans la seconde partie de ce rapport, mme dans lhypothse o ces difficults daf-filiation ne seraient pas imputables aux mutuelles tudiantes, force est de constater que celles-ci accordent peu dintrt aux dmarches quengagent les tudiants afin dobtenir la rgularisation de leurs difficults.

    R1 : Le Dfenseur des droits prconise aux mutuelles tudiantes de mettre en uvre toute solution per-mettant damliorer les dlais daffiliation des tu-diants leur scurit sociale

    1.1.2 UNE ABSENCE DE RESPECT DU PAR-COURS DE SOINS COORDONNS : LES TUDIANTS INJUSTEMENT SANC-TIONNS

    Jai d donner 3 fois une feuille de dclaration de mdecin traitant lorsque jai chang de mdecin traitant car ils ont perdu 2 fois la feuille ! Et donc pendant plusieurs mois, je nai pas t rembourse de mes consultations chez mon mdecin traitant comme jaurais d sils navaient pas perdu les feuilles que javais amenes en mains propres en agence !

    Lappel tmoignages a rvl que 19 % des tudiants ont rencontr des difficults pour dclarer leurs mdecins traitant auprs de leurs mutuelles.

    La rglementation impose tout assur ou ayant droit g de seize ans ou plus dun rgime dassurance maladie, et donc ltudiant, de dclarer son mdecin traitant.15 Cette dcla-ration lui permet de sinscrire dans le cadre du parcours de soins coordonn, dont le non-respect entrane lapplication de pnalits sur le montant des remboursements de ses dpenses de sant.16

    Sil arrive parfois que labsence de dclaration de mdecin traitant soit imputable la ngligence des tudiants, certains dentre eux se voient injustement appliquer des pnalits en raison derreurs et de fautes de gestion imputables leurs mutuelles.

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 11

    I | Leffectivit de laccs aux soins nest pas assure pour tous les tudiants

    Lapplication de ces pnalits peut rsulter, tout dabord, de labsence de prise en compte par la mutuelle de la dclaration de mdecin traitant effectue par ltudiant auprs de son prcdent rgime de scurit sociale. Or, au moment de la mutation inter-rgime, il appartient la mutuelle de prendre en compte le mdecin dclar par ltudiant auprs de son prcdent rgime daffiliation.

    Cette rgle a t rappele par la Direction de la scurit sociale dans les termes suivants : la caisse cdante [lan-cienne caisse daffiliation] doit transmettre le numro de mdecin traitant [] la caisse prenante [la mutuelle tu-diante]. [Si] la transmission est incomplte, il appartient la caisse prenante de solliciter en priorit la caisse cdante et non lassur []17 . Ainsi, le changement de rgime daf-filiation na pas avoir de consquence sur la validit dune dclaration de mdecin traitant pralablement effectue.

    Cest pourquoi lorsque la mutuelle na pas pris en compte la dclaration effectue par ltudiant auprs de son prcdent rgime daffiliation, lapplication de pnalits au motif que les soins ont t engags en dehors du parcours de soins coordonns est fautive.

    Le cas chant, ltudiant est fond demander la restitution de ces pnalits auprs de sa mutuelle et ne devrait pas avoir, en principe, renouveler sa dclaration de mdecin traitant.

    Lapplication de ces pnalits peut galement rsulter de labsence de prise en compte par sa mutuelle de la dclaration de mdecin traitant effectue par ltudiant postrieurement son affiliation la scurit sociale tudiante. Un assur peut effectivement souhaiter changer de mdecin pour des motifs dordre personnel ou en raison de son changement de lieu de rsidence.

    Le changement de lieu de rsidence est un motif frquem-ment avanc pour changer de mdecin traitant. En effet, la population tudiante se caractrise par une importante mobilit gographique, de nombreux tudiants tant amens dmnager pour poursuivre leurs tudes dans un tablis-sement denseignement suprieur dont loffre de formation correspond davantage leurs projets professionnels. Dans ce cas, ltudiant doit dclarer un nouveau mdecin trai-tant sa mutuelle, au moyen du formulaire de dclaration correspondant.18

    Pourtant, mme lorsque ltudiant effectue lensemble des dmarches ncessaires la dclaration de son mdecin traitant, celle-ci nest pas toujours prise en compte par sa mutuelle, qui continuera lui appliquer des pnalits comme lillustre la situation dcrite dans lencadr.

    Laetitia a dclar deux reprises son mdecin traitant sa mutuelle tudiante. Pourtant, ses remboursements ont continu tre minors au motif que les soins avaient t engags hors du parcours coordonn (application de pnalits). Conscutivement lintervention du Dlgu du Dfenseur des droits quelle avait saisi, la mutuelle de Laetitia a finalement pris en compte de manire rtroactive sa dclaration de mdecin traitant et lui a rembours les pnalits retenues tort sur ses prestations.

    Labsence de prise en compte de la dclaration de mdecin traitant par la mutuelle de ltudiant rsulte soit de la perte du formulaire, soit de son inexploitation.

    Dans ces deux cas, il sagit dune dfaillance de la mutuelle qui a pour effet de pnaliser ltudiant dont les remboursements sont minors et qui doit engager de nouvelles dmarches pour dclarer son mdecin. Cette dfaillance a galement un impact sur les professionnels de sant, qui sont sollicits pour un motif dordre administratif et non mdical.

    R2 : Le Dfenseur des droits prconise aux mutuelles tudiantes de sassurer de leffectivit de la trans-mission des informations relatives ltudiant au moment du transfert de son dossier notamment en matire de dclaration de mdecin traitant

    1.1.3 LA SITUATION PROCCUPANTE DES TUDIANTS ATTEINTS DAFFECTIONS DE LONGUE DURE (ALD)

    Jai une pathologie qui ncessite une prise en charge 100 %. Le dlai de rponse est long, pour les soins en hpital, il ny a pas de prise en charge si la carte vitale nest pas mise jour lors du renouvellement de la cotisation. La demande nest pas traite au bout de 3 mois [] Lorsque jenvoie des feuilles de remboursement par courrier, le dlai de traitement est trs long. Aucune comprhension de la part des interlocuteurs de la [mutuelle], ce nest pas leur problme. En plus du handicap, il y a celui davoir une mutuelle tudiante.

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 12

    I | Leffectivit de laccs aux soins nest pas assure pour tous les tudiants

    Une affection de longue dure (ALD) est une maladie grave et/ou chronique ouvrant droit une prise en charge 100 % par lassurance maladie.19 Ltudiant atteint par une telle affection est exonr du paiement du ticket modrateur et na donc en principe pas faire lavance de ses dpenses de sant.

    Au mme titre que la dclaration de mdecin traitant, les informations relatives lALD doivent tre transmises par lancien rgime daffiliation de ltudiant sa mutuelle dans le cadre des oprations de mutations inter-rgimes. Si ces infor-mations ne sont pas transmises la mutuelle, il appartient celle-ci de les demander au prcdent rgime daffiliation de ltudiant.

    Luc est atteint dun cancer. Il bnficie normalement de la prise en charge 100 % de lensemble de ses dpenses de sant (consultations, mdicaments, frais de transport, etc.). Pourtant, sa situation na pas t prise en compte par sa mutuelle tudiante lors de son changement de rgime. Depuis, Luc se trouve contraint de faire lavance de ses dpenses de sant puis den demander le remboursement sa mutuelle. Les dmarches engages par Luc auprs de sa mutuelle tant restes sans rponse, il a sollicit laide du Dfenseur des droits qui est intervenu auprs de sa mutuelle. Luc bnficie dsormais de la prise en charge 100 % de ses dpenses de sant.

    Tel nest pourtant pas toujours le cas en pratique, puisque les tudiants atteints dune ALD se voient parfois dlivrer par leurs mutuelles une attestation daffiliation classique , qui ne leur permet pas de faire valoir leur droit une prise en charge 100 % de leurs dpenses de sant.

    Ces tudiants, dont le traitement est parfois particulirement onreux, peuvent se trouver en situation de rupture de droits en matire dassurance maladie.

    Lorsque ltudiant peut avancer les sommes ncessaires la poursuite de son traitement, quil bnficie dune solidarit familiale ou encore de la bienveillance des professionnels de sant, cette situation de rupture de droits nentrainera pas une rupture de prise en charge mdicale. Le sort des autres tudiants est plus incertain.

    R3 : Afin de lutter contre ces situations de rup-tures de droits la scurit sociale, le Dfenseur des droits souhaite que les mutuelles sengagent assurer, lors de la procdure de mutation inter-r-gime, un suivi particulier des dossiers des tudiants atteints daffections de longue dure (ALD)

    1.2 La gestion de lassurance maladie et maternit des tudiants : des dfaillances persistantes

    1.2.1 DES CARTES VITALE INUTILISABLES

    Un an sans carte Vitale, durant cette priode, mieux valait ne pas tre malade.

    Lappel tmoignages a rvl que 36 % des tudiants ont rencontr des difficults pour obtenir une carte Vitale fonctionnelle.

    En principe, tout assur titre principal ou en qualit dayant droit reoit, lorsquil atteint lge de 16 ans, une carte Vitale personnelle (carte dassurance maladie) qui a vocation tre

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 13

    I | Leffectivit de laccs aux soins nest pas assure pour tous les tudiants

    conserve mme en cas de changement de rgime de scurit sociale.20 21 Le cas chant, la mise jour de cette carte (dans une pharmacie par exemple) permet un assur de continuer bnficier du remboursement de ses dpenses de sant de la part de son nouveau rgime de rattachement.

    Si la procdure de mutation inter-rgime se droule sans difficults, ltudiant nouvellement affili sa scurit sociale doit mettre jour sa carte Vitale dans les jours suivant son affiliation. Ainsi, lors dune consultation chez un professionnel de sant, la mutuelle tudiante ainsi que le rgime dassu-rance sant complmentaire de ltudiant peuvent recevoir les informations ncessaires la prise en charge de ces soins et ainsi procder leur remboursement.

    Les mutuelles tudiantes semblent cependant plus particu-lirement confrontes des difficults que dautres rgimes pour exploiter les cartes dj dtenues par les tudiants. Ces cartes ne pouvant pas tre mises jour, elles deviennent inutilisables.

    Dans ces situations, les tudiants concerns sont invits par leurs mutuelles demander la fabrication dune nouvelle carte Vitale, moyennant lenvoi dun certain nombre de docu-ments justificatifs.

    Tous les ans, ils veulent changer ma carte vitale alors que ce nest finalement pas ncessaire ce qui moblige avancer la totalit de mes frais de sant car celle-ci ne fonctionne pas .

    Le rapport intitul Les cots de gestion de lassurance maladie labor conjointement par linspection gnrale des finances (IGF) et linspection gnrale des affaires sociales (IGAS) mentionne que le GIE Ssame Vitale estime que 2,5 mil-lions de cartes Vitale actives sont rattaches au RESS (rgime tudiant de scurit sociale), qui ne compte que 1,7 million dassurs [] soit 47 % de cartes surnumraires. Lexcdent correspond des rattachements errons au RESS et des cartes en doublons [] .22

    La Direction de la scurit sociale a, de son ct, pourtant rappel aux mutuelles tudiantes que la procdure de mise jour des cartes Vitale dans le cas dune mutation intra ou inter rgime doit tre systmatiquement respecte, et la carte Vitale de lassur ne doit pas faire lobjet dune demande de restitu-tion de la part de la caisse prenante ou cdante au moment de sa mutation. La carte Vitale ne doit tre remplace quen cas de ncessit technique [] .23

    Ici encore, les donnes dont dispose le Dfenseur des droits ne lui permettent pas de dterminer si lincapacit des mutuelles tudiantes exploiter les cartes Vitale dte-nues par les tudiants est imputable aux prcdents rgimes de scurit sociale dont relevaient les tudiants ou leurs propres carences.

    Toutefois, cette situation engendre une inflation inutile et coteuse des dmarches administratives auxquelles les tu-diants concerns par lobsolescence de leurs cartes Vitale sont astreints puisquils doivent envoyer leurs mutuelles un certain nombre de documents justificatifs afin dobtenir une nouvelle carte.

    Au-del de lalourdissement des dmarches administratives quengendre cette situation, le fait pour un tudiant de ne pas disposer dune carte Vitale le contraint non seulement faire lavance de ses dpenses de sant, mais galement demander de manire systmatique le remboursement de ses soins par formulaire papier.

    Il est noter que certaines mutuelles tudiantes imputent limportance des dlais de fabrication des nouvelles cartes Vitale aux tudiants eux-mmes, qui transmettraient des photocopies de pices didentit de qualit mdiocre ou dun format diffrent de A4 , qui ne signeraient pas le for-mulaire photo ou dont la photo serait de mauvaise qualit.

    Les mutuelles tudiantes spargneraient bien des tracas pour grer ces dossiers de demandes de renouvellement de cartes Vitale si elles mettaient en uvre des mesures afin dexploiter le parc de cartes dj existantes.

    R4 : Le Dfenseur des droits prconise aux mutuelles tudiantes de mettre en uvre toute solution qui permette lensemble des tudiants de disposer dune carte Vitale utilisable ds leur affiliation leur scurit sociale ;

    1.2.2 DES RETARDS DE REMBOURSEMENT PNALISANTS POUR LES TUDIANTS ET LES PROFESSIONNELS DE SANT

    Il a fallu plus de deux ans pour que je puisse utili-ser ma carte vitale donc pendant ce temps jai d envoyer les feuilles de soins. Mais aprs 6 mois denvois, toujours pas de remboursement [] Au final aprs avoir rcupr les dupli-cata, ma situation a pu tre rgle aprs encore plusieurs semaines.

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 14

    I | Leffectivit de laccs aux soins nest pas assure pour tous les tudiants

    Lappel tmoignages a rvl que 57 % des tudiants ont rencontr des difficults pour obtenir le remboursement de leurs dpenses de sant par leurs mutuelles.

    La gnralisation de lutilisation de la carte Vitale a permis de simplifier et dacclrer le processus de demande de prise en charge des dpenses de sant engages par les assurs sociaux et leurs ayant droits.24

    Cette procdure dmatrialise est totalement transparente pour les assurs qui nont plus, dune part, complter la feuille de soins qui tait prcdemment dlivre par le pro-fessionnel de sant sollicit et, dautre part, transmettre ce document leurs organismes dassurance maladie par voie postale ou en agence.

    Lampleur des difficults rencontres par les tudiants pour obtenir le remboursement de leurs dpenses de sant peut notamment sexpliquer par les srieuses difficults que rencontrent les mutuelles tudiantes pour leur dlivrer des cartes Vitale fonctionnelles. En effet, sans cette carte, les tu-diants sont contraints de solliciter le remboursement de leurs dpenses par lintermdiaire dun formulaire de demande de remboursement de soins.25

    Ma mutuelle a mis un an me dlivrer une carte Vitale qui fonctionne donc pendant toute cette priode, jai d me faire rembourser avec des feuilles de soins et du coup jattendais jusqu deux ou trois semaines pour tre rembourse. En tant qutudiant, cest beaucoup dargent.

    Le rapport intitul Les cots de gestion de lassurance mala-die prcit a confirm cette situation, voquant le fait que la proportion de feuilles de soins papier, plus couteuses liquider, [slevait ] 21 % (pour le rgime tudiant), pour une moyenne des CPAM de 10,3 % [] .26

    La persistance de lutilisation de formulaires papier de demande de remboursement de soins constitue un facteur daggravation du risque de non recours de ltudiant aux soins. En effet, elle implique non seulement que ltudiant fasse lavance de ses dpenses auprs du professionnel de sant consult mais entrane galement un alourdissement des dmarches administratives quil doit engager auprs de sa mutuelle pour en obtenir le remboursement (affranchisse-ment, dpt en agence, etc.).

    Pour chapper ces contraintes, ltudiant peut alors tre tent de repousser plus tard la ralisation de soins qui ne lui semblent pas indispensables dans limmdiat. Le report de ces soins peut toutefois avoir des consquences sur la sant de ltudiant, en ce quil entrave la ralisation, par les profes-sionnels de sant, de leur mission de prvention en matire de dpistage de maladies, de sant bucco-dentaire, etc.

    Par ailleurs, les difficults rencontres par les tudiants en matire de remboursement de dpenses de sant ne rsultent pas uniquement de lutilisation de feuilles de soins papier mais galement de lincapacit des mutuelles effec-tuer ces remboursements dans des dlais raisonnables.

    Ces dlais de remboursement excessifs impactent tant les tudiants eux-mmes que les professionnels de sant.

    Certains mdecins ne veulent mme plus prendre la carte Vitale de mon fils [atteint dune ALD prise en charge 100 %] tant ils savent quils devront attendre des mois avant de se faire payer.

    Lorsque ltudiant bnficie du tiers payant (CMU-C ou ALD), il est en principe dispens de faire lavance de ses frais de sant.27 Dans ces situations, il revient au professionnel de sant de demander le remboursement des dpenses de sant ainsi avances aux mutuelles daffiliation des tudiants concerns.

    En raison cependant des problmes rcurrents que ren-contrent les professionnels de sant pour obtenir le rem-boursement de ces sommes auprs des mutuelles, certaines rticences pourraient apparatre lorsquil sagit daccorder aux tudiants le bnfice du systme du tiers payant.

    Ainsi, des tudiants se sont vu imposer par le professionnel de sant quils avaient consult de faire lavance de leurs dpenses de sant ou encore de dposer un chque de caution, afin de garantir le professionnel de sant dun dfaut de paiement de la mutuelle de ltudiant.

    R5 : Le Dfenseur des droits prconise aux mutuelles tudiantes damliorer de manire significative les dlais de remboursement des dpenses de sant engages par les tudiants

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 15

    I | Leffectivit de laccs aux soins nest pas assure pour tous les tudiants

    1.2.3 DES RISQUES ACCRUS POUR LES TUDIANTS TRANGERS OU EN FOR-MATION LTRANGER

    En octobre [2014], jai fait une demande pour une carte europenne dassurance maladie et je lattends toujours [dbut danne 2015].

    Lappel tmoignages a rvl que 10 % des tudiants avaient rencontr des difficults pour obtenir une carte europenne dassurance maladie.

    La carte europenne dassurance maladie (CEAM) permet aux tudiants de bnficier dune prise en charge pour les soins mdicalement ncessaires survenus loccasion de sjours temporaires (dpart dans le cadre du programme Erasmus par exemple) sur le territoire dun autre Etat membre de lUnion europenne, en Norvge, au Liechtenstein, en Islande ou en Suisse.28

    Cette carte doit tre demande par ltudiant sa mutuelle pralablement son dpart ltranger. Depuis le 1er juillet 2014, la CEAM a une dure de validit de deux annes (un an pour les cartes mises avant cette date). En cas durgence ou de demande trop tardive, un certificat provisoire de rempla-cement est dlivr. Ce certificat est valable 3 mois.29

    A dfaut de bnficier de la CEAM, ltudiant doit sacquitter de la totalit des dpenses de sant quil engage lors de son sjour ltranger. Le cas chant, il doit conserver les justi-ficatifs de ses dpenses de sant pour ensuite en solliciter la prise en charge par sa mutuelle tudiante, par lintermdiaire du centre national des soins ltranger (CNSE).

    En dpit de limportance que revt cette carte pour les tu-diants, force est de constater que les mutuelles nassurent pas un suivi satisfaisant des demandes de cration de CEAM, les tudiants devant parfois attendre des mois avant de lob-tenir, souvent aux prix de nombreuses relances.

    Amlie sest rendue ltranger dans le cadre du programme Erasmus et a donc pris lattache de sa mutuelle tudiante afin de solliciter la dlivrance dune carte europenne dassurance maladie (CEAM). Ses dmarches, engages par courriels et courriers, tant restes sans rponse pendant 4 mois, Amlie a sollicit laide du Dfenseur des droits, qui est intervenu auprs de sa mutuelle. Conscutivement cette intervention, Amlie a pu rapidement obtenir un certificat temporaire lui permettant de justifier de ses droits la scurit sociale, dans lattente de la fabrication de sa CEAM.

    Par ailleurs, si les tudiants des Etats membres de lUnion europenne et provenant de pays tels que la Norvge, le Liechtenstein, lIslande ou la Suisse, sont en principe dis-penss daffiliation la scurit sociale tudiante dans la mesure o ils continuent de bnficier du rgime de scurit sociale de leur pays dorigine, tel nest pas le cas en revanche des tudiants venant dautres pays.

    En effet, leur immatriculation au RNIAM, au moment de leur inscription dans un tablissement denseignement suprieur en France, est subordonne la communication dun certain nombre de documents tablis selon des formalits spci-fiques afin den garantir lauthenticit.30 Ainsi, les actes dEtat civil trangers doivent tre lgaliss ou apostills afin dtre recevables. Ils doivent galement tre traduits en langue franaise par lintermdiaire dun traducteur asserment.

    La ralisation de ces dmarches administratives complexes et parfois coteuses puisquelles impliquent notamment des frais de traduction peut prendre de nombreux mois et retarder dautant leur affiliation la scurit sociale des tudiants.

    Dans cette attente, les tudiants trangers concerns ne peuvent pas obtenir la prise en charge des dpenses de sant quils engagent et sont par consquent particulirement expo-ss au renoncement aux soins.

    Ces situations de renoncement se trouvent par ailleurs aggraves par labsence daccompagnement de la part des mutuelles des tudiants trangers dans les dmarches quils doivent accomplir.

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 16

    I | Leffectivit de laccs aux soins nest pas assure pour tous les tudiants

    R6 : En considration de ces lments, le Dfenseur des droits prconise :- dassurer un traitement plus rapide des demandes de cartes europennes dassurance maladie (CEAM) et, dans lattente, de dlivrer sans dlai une attes-tation provisoire de droits ;- de renforcer les dispositifs dinformation existants des tudiants trangers (hors-UE) qui souhaitent saffilier la scurit sociale compte tenu de la complexit et du cot des dmarches quils doivent raliser cette fin

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 17

    Mutuelles tudiantes et droits des usagers du service public : les tudiants ont-ils moins de droits que les autres assurs sociaux ?

    2.1 Contacter sa mutuelle : un parcours sem dembuches

    2.1.1 LES RPONSES APPORTES NE SONT PAS LA HAUTEUR DES ATTENTES DES TUDIANTS

    Il est trs difficile de joindre [ma mutuelle] par tlphone moins de les harceler ou de commencer appeler avant lheure douverture. Les rendez-vous en agence sont inu-tiles parce que nos interlocuteurs ne sont pas comptents pour nous rpondre et nous demandent chaque fois de faire un courrier recommand [] .

    Lexamen des rclamations individuelles portes la connais-sance du Dfenseur des droits et de ses dlgus a mis en vidence une absence massive de rponse de la part des mutuelles aux demandes des tudiants.

    Lanalyse de lappel tmoignages a confirm ce constat puisquil en rsulte que prs de 50 % des dmarches entre-prises par les tudiants auprs des mutuelles resteraient sans rponse. En outre, lorsquune rponse est apporte, 77 % des tudiants indiquent que celle-ci lest trop tardivement.

    Un tel constat est proccupant puisque ces dmarches sont gnralement entreprises par des tudiants confronts des retards daffiliation, des cartes Vitale dfaillantes, ou lab-sence de la prise en compte du caractre exonrant de lALD dont ils sont atteints. Ainsi, labsence de rponse de la part des mutuelles saisies engendre la persistance de situations de rupture de droits des tudiants leur scurit sociale, compromettant ainsi leffectivit de leur accs aux soins.

    De manire plus spcifique, il est intressant de noter que les moyens de communication privilgis par les tudiants sont

    les appels tlphonique (70 %), les visites en agences (56 %), les courriels (44 %) et, enfin, les courriers (31 %).

    Si lutilisation massive des appels tlphoniques semble pou-voir tre explique par le caractre peu contraignant pour lassur dune telle dmarche, tel nest pas le cas en revanche des visites en agences, qui ncessitent non seulement une disponibilit de ltudiant aux horaires douverture de son agence mais galement un temps dattente parfois important au guichet.

    La prvalence importante des appels tlphoniques et des visites en agence semble traduire la volont des tudiants dchanger avec un interlocuteur en direct qui ils pour-ront expliquer leurs difficults, dans lespoir dobtenir des rponses adaptes.

    En effet, lexamen de nombre de dossiers par le Dfen-seur des droits a rvl que les rponses apportes par les mutuelles, par courrier ou par courriel, prsentaient un caractre souvent bref et sans pdagogie, comme lillustre le tmoignage suivant :

    Jai limpression de parler un mur ; des rponses toutes faites par mail mais rien navance.

    Effectivement, 67 % des tudiants ayant particip lappel tmoignages indiquent quils nont pas eu le sentiment davoir t couts par leur interlocuteur.

    II

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 18

    II | Mutuelles tudiantes et droits des usagers du service public : les tudiants ont-ils moins de droits que les autres assurs sociaux ?

    Mme lorsquil parvient obtenir une rponse positive de la part de sa mutuelle, ltudiant nest pas au bout de ses peines. En effet, 44,3 % des tudiants indiquent que les difficults quils rencontraient nont pas pu tre rsolues en dpit des rponses positives apportes par leurs mutuelles.

    Edriss a souscrit un contrat dassurance complmentaire propose par sa mutuelle tudiante. Il sest toutefois rendu compte que cette souscription tait inutile, tant dj couvert par la complmentaire de ses parents. Il a donc pris lattache de sa mutuelle afin de lui demander lannulation du contrat et la restitution du chque correspondant qui navait pas encore t encaiss. Malgr la rponse positive de sa mutuelle, le chque dEdriss est encaiss quelques jours plus tard. Il a donc crit sa mutuelle afin den obtenir le remboursement. Sa dmarche nayant pas t suivie deffet, Edriss a demand laide du Dfenseur des droits, dont lintervention lui a permis dobtenir la restitution des sommes demandes.

    Tel est par exemple le cas de ceux qui ont engags des dmarches auprs de leurs mutuelles afin dobtenir la dli-vrance dune attestation daffiliation, dune carte Vitale ou dun remboursement de soins. Nombre dentre eux reoivent ainsi comme rponse des services des mutuelles concernes que tout est mis en uvre pour que les dossiers soient traits au plus vite , puis devront continuer patienter plusieurs semaines, voire plusieurs mois, dans lattente de la rgulari-sation de leur situation.

    Au-del de laspect quantitatif, les rponses apportes par les mutuelles se caractrisent par la trs faible qualit de linformation dlivre.

    Ainsi, 67 % des tudiants estiment que les rponses apportes par leurs mutuelles ne leur sont pas utiles.

    La faible qualit des rponses apportes par les mutuelles aux demandes des tudiants est notamment caractrise par

    des demandes de pices complmentaires souvent inutiles ou encore des rponses incomprhensibles pour les tudiants.

    Si les demandes de pices complmentaires par les mutuelles tudiantes peuvent videmment tre lgitimes (dclaration de mdecin traitant, feuille de soins), tel nest pas en revanche le cas lorsque ces demandes de pices sont faites au motif que les mutuelles ont gares des documents ayant dj t transmis par les tudiants ou que celles-ci sont incapables dexploiter les donnes dont elles disposent dj.

    Je me rends dans lagence [de ma mutuelle] o on me dit que la feuille de soins a d tre perdue, quil faut que jaille en faire faire un duplicata.

    Tel est notamment le cas de ltudiant qui ne parvient pas obtenir un remboursement de soins de la part de sa mutuelle, alors quil a utilis sa carte Vitale en consultation et a dj obtenu le remboursement de la part complmentaire, et auquel sa mutuelle rclame nanmoins un duplicata de feuille de soins.

    Lisa sest rendue chez son mdecin gnraliste. A lissue de cette consultation, elle sacquitte de la somme de 23 , tandis que son mdecin a tltransmis la mutuelle tudiante, grce la carte Vitale, lensemble des donnes qui devaient lui permettre dobtenir le remboursement de cette consultation. Aucun remboursement nayant t effectu sur son compte en banque, Lisa sest adresse sa mutuelle afin dobtenir des explications. En rponse, son interlocuteur lui a demand de lui transmettre une nouvelle feuille de soins portant la mention duplicata , tablie par le professionnel de sant qui avait dlivr loriginal [] .

    Linflation strile des changes entre les tudiants et les mutuelles rsulte principalement de lincapacit de ces der-nires grer les flux de documents (courriers, documents justificatifs, etc.) et donnes (tltransmission de cartes Vitale) qui leurs sont transmis par les tudiants ou les pro-fessionnels de sant.

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 19

    II | Mutuelles tudiantes et droits des usagers du service public : les tudiants ont-ils moins de droits que les autres assurs sociaux ?

    Jai envoy plusieurs mails la [mutuelle] en rai-son de 3 non remboursements de frais mdicaux, mais nai reu aucune rponse satisfaisante. Ils me demandent de faire parvenir les feuilles de soin alors mme quil sagissait de paie-ments par carte vitale. Ils ont semble-t-il perdu les documents puisque jai par ailleurs reu les remboursements de ma mutuelle [].

    Cest un facteur daggravation du phnomne de renoncement aux soins ou aux demandes de prise en charge des dpenses de sant dj engages puisque certains tudiants peuvent renoncer demander des duplicatas de feuilles de soins leur mdecin ou une nouvelle dclaration de mdecin traitant, estimant que cela nen vaut pas la peine.

    Ces situations peuvent galement engendrer une spirale procdurire (changes raliss systmatiquement sous forme de courriers envoys en recommand avec accus de rception, etc.) de la part des tudiants ou de leurs parents, exasprs de devoir renvoyer systmatiquement les mmes documents leurs mutuelles.

    Pierre a t dispens de saffilier la scurit sociale tudiante au moment de son inscription dans son tablissement denseignement suprieur, en raison de sa qualit dayant droit de lun de ses parents assur dun rgime spcial. Cependant, conscutivement au changement dactivit professionnelle de ce parent, Pierre a perdu sa qualit dayant droit dun rgime spcial et a donc sollicit son affiliation la scurit sociale tudiante auprs dune mutuelle tudiante. En rponse, lorganisme sollicit lui a seulement indiqu quil ne lui tait pas possible de solliciter son affiliation au seul motif que ni sur le certificat, ni sur le coupon, nest prcis le centre payeur [] .

    Le second type de difficults auxquelles les tudiants se trouvent confronts vis--vis de leur mutuelle rsulte des rponses parfois totalement incomprhensibles que ces organismes apportent leurs demandes. Lexemple ci-dessus en est lillustration typique :

    La demande formule par Pierre aurait d tre analyse par sa mutuelle tudiante comme une demande implicite dinfor-mation sur la procdure quil devait suivre pour obtenir son affiliation la scurit sociale des tudiants. Pourtant, son interlocuteur sest content de lui indiquer que son affiliation la scurit sociale des tudiants ntait pas possible, sans lui apporter la moindre indication sur la manire dont il pouvait saffilier la scurit sociale.

    Pourtant, les organismes de scurit sociale sont en prin-cipe dbiteurs dune obligation dinformation et de conseil lgard des assurs, obligation qui leur impose dapporter des rponses exactes aux demandes des assurs, dans des dlais raisonnables.31 32

    Force est de constater que les mutuelles tudiantes semblent cependant peu se soucier de la qualit de linformation quelles dlivrent aux tudiants, particulirement lorsque le sujet est complexe (coordination entre rgimes de scurit sociale, CMU-C, etc.).

    R7 : Le Dfenseur des droits prconise aux pouvoirs publics et aux mutuelles tudiantes dengager une rflexion sur la possibilit de remettre aux tudiants un rcpiss sous forme papier ou lectronique, attestant des dmarches accomplies par tlphone ou par visite en agence33

    R8 : Par ailleurs, la formation des personnels des mutuelles tudiantes doit tre renforce pour per-mettre damliorer significativement la qualit des rponses apportes

    2.1.2 CONTRLE HIRARCHIQUE ET JU-RIDICTIONNEL DES DCISIONS DES MUTUELLES TUDIANTES : QUELLES VOIES DE RECOURS ?

    Lappel tmoignages a rvl que 95 % des tudiants nont pas t informs par leurs mutuelles des voies dont ils disposent pour obtenir le rexamen de leur dossier.

    Lexamen des rclamations individuelles portes la connais-sance du Dfenseur des droits, ainsi que des rsultats de lap-pel tmoignage, ont mis en vidence labsence de toute infor-mation des tudiants en matire de voies et dlais de recours.

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 20

    II | Mutuelles tudiantes et droits des usagers du service public : les tudiants ont-ils moins de droits que les autres assurs sociaux ?

    Pourtant, les organismes de scurit sociale font lobjet dune rglementation spcifique en matire de voies et dlais de recours. Ainsi, larticle L. 142-1 du code de la scurit sociale a institu une organisation du contentieux gnral de la scu-rit sociale [qui] rgle les diffrends auxquels donnent lieu lapplication des lgislations et rglementation de scurit sociale [] .

    Lorganisation de ce contentieux se caractrise tout dabord par la possibilit dont dispose un assur, qui conteste une dcision ou labsence de dcision dun organisme de scurit sociale, de former un recours gracieux auprs de la commission de recours amiable (CRA) de cet organisme.34

    Dans lhypothse o la CRA confirme la dcision initiale de lorganisme, lassur peut ensuite former un recours conten-tieux auprs du tribunal des affaires de scurit sociale.35 A chaque tape de la procdure, il incombe lorganisme de scurit sociale dinformer son assur des voies et dlais de recours dont il dispose.36

    Il importe de prciser quune voie de recours peut tre utilise tant pour contester une rponse apporte par un organisme de scurit sociale que pour le contraindre en apporter une. En effet, lexpiration du dlai au-del duquel une dcision implicite de rejet est acquise, un assur peut en principe saisir le tribunal des affaires de scurit sociale.

    Les mutuelles tudiantes tant charges de la gestion de la scurit sociale obligatoire des tudiants et donc dune mis-sion de service public, elles pourraient tre concernes par les dispositions lgislatives et rglementaires applicables aux autres organismes de scurit sociale en matire de voies et dlais de recours. Cependant, il apparait quelles ninforment pas, dans 95,10 % des cas, les tudiants de lexistence de ces dernires. Par ailleurs, une simple recherche sur lInternet en atteste, aucune information institutionnelle nexiste sur les voies de recours dont disposent les tudiants.

    A dfaut davoir connaissance de lexistence de ces voies de recours, les tudiants nen usent pas. Il rsulte de cette situation que les dcisions prises par les mutuelles chappent donc la mise en uvre dun contrle, quil soit hirarchique ou juridictionnel. Or, rien nindique que les mutuelles seraient moins exposes que dautres organismes de scurit sociale la commission derreurs dapplication de la rglementation ou encore dinterprtation des faits qui sont ports leur connaissance.

    R 9 : le Dfenseur des droits prconise aux mutuelles tudiantes dinformer les tudiants des voies et dlais de recours dont ils disposent pour contester les dcisions

    2.2 Linformation des tudiants sur leurs droits la scurit sociale

    2.2.1. UNE INFORMATION INSTITUTION-NELLE VARIABLE, LACUNAIRE VOIRE INEXISTANTE

    Le manque dinformation des tudiants sur leurs droits en matire de scurit sociale impacte ceux qui exercent une activit professionnelle paralllement leurs tudes. Il existe, par ailleurs, des lacunes dans laccompagnement des tudiants dans leur transition vers lemploi en matire de scurit sociale.

    Lappel tmoignages a rvl que 16 % des tudiants prouvent des difficults obtenir le remboursement de leur cotisation de scurit sociale

    Les tudiants salaris sont clairement lss avec la scu tudiant, car non seulement on doit payer 213 euros le jour de linscription mais en plus ils cotisent tous les mois au rgime des travailleurs. On se retrouve donc payer deux fois et voir notre dossier faire des vas et vient entre la Cpam et la caisse des tudiants. [] .

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 21

    II | Mutuelles tudiantes et droits des usagers du service public : les tudiants ont-ils moins de droits que les autres assurs sociaux ?

    16 % des tudiants qui ont rpondu lappel tmoignages exercent une activit professionnelle paralllement leurs tudes. Ce taux correspond aux chiffres prsents par le rap-port effectu en 2007 par le Conseil conomique, social et environnemental (CESE) sur le travail tudiant, selon lequel 15 20 % des tudiants, soit environ 400 000 personnes, tra-vaillent de faon rgulire pendant leurs tudes .37

    Ltudiant qui justifie au moment de son inscription dans len-seignement suprieur, soit dun contrat de travail dure indtermine (CDI), soit dun contrat dure dtermine (CDD) couvrant la priode du 1er octobre de lanne dins-cription au 30 septembre de lanne suivante, dont linten-sit est au moins gale 60 heures de travail par mois ou 120 heures de travail par trimestre, est dispens du verse-ment de la cotisation de scurit sociale tudiante.38

    Toutefois, sil ne remplit pas ces conditions, ltudiant doit sacquitter titre provisionnel de sa cotisation de scurit sociale tudiante, puis en demander lUrssaf le rembour-sement la fin de lanne universitaire.

    Pour cela, ltudiant doit demander sa mutuelle une attes-tation de radiation de la scurit sociale tudiante, quil doit ensuite transmettre lUrssaf. Cette procdure relativement simple en principe engendre pourtant de srieuses difficults, notamment en raison des nombreuses pices justificatives que ltudiant doit produire dabord auprs de sa mutuelle puis auprs de lUrssaf comptente, mais galement du manque de coordination entre ces organismes.

    Par ailleurs, en dpit du nombre important dtudiants concer-ns par cette procdure de demande de remboursement, il apparat quaucun dispositif dinformation satisfaisant na t mis en place, que ce soit par les mutuelles elles-mmes ou les pouvoirs publics.

    En outre, si ces informations existent pour les tudiants sala-ris, tel nest pas le cas pour les tudiants exerant une acti-vit professionnelle indpendante relevant dun autre rgime de scurit sociale que le rgime gnral (RSI, MGEN).

    A linstar des tudiants exerant une activit professionnelle, les tudiants sont galement peu informs, notamment du devenir de leurs droits la scurit sociale tudiante lors-quils achvent leur parcours universitaire.

    Le problme de la mutuelle tudiante, cest que lorsquon commence travailler, le transfert vers la Scurit Sociale nest pas automatique et quaucune information ne nous indique les dmarches ncessaires suivre. Ainsi, on ralise trop tard que nous ne sommes pas couverts. Il faut faire les dmarches et laffiliation la Scurit Sociale prend plusieurs semaines [].

    Comme nous lavons vu plus haut, laffiliation dun tudiant sa scurit sociale est valable en principe du 1er octobre de son anne dinscription dans lenseignement suprieur au 30 octobre de lanne suivante.39

    A lissue de ses tudes, deux situations sont susceptibles de se prsenter pour ltudiant : soit il dbute une activit pro-fessionnelle dont lintensit est suffisante pour lui permettre dacqurir des droits auprs dun nouveau rgime de scurit sociale, soit il ne commence pas dactivit professionnelle (ou lintensit de celle-ci est insuffisante) et continue alors de bnficier des prestations du rgime tudiant de scurit sociale dans le cadre du dispositif de maintien de droits pen-dant une dure dune anne compter du 30 septembre de lanne de la fin de ses tudes.40 41

    De nombreux tudiants indiquent regretter le manque din-formation dlivre par les mutuelles tudiantes concernant leurs droits la scurit sociale lissue de leurs tudes. Ils ne bnficient daucun accompagnement et ne disposent pas toujours des informations suffisantes pour saffilier au rgime de scurit sociale dont ils devraient relever (rgime gnral, rgime des indpendants, rgimes spciaux).

    Il arrive ainsi que des tudiants se trouvent en situation de rupture de droits la scurit sociale lissue de leurs tudes, alors mme quils ont dbut une activit profession-nelle, dfaut davoir t informs quils devaient demander le transfert de leur dossier de leur mutuelle vers le nouveau rgime de scurit sociale dont ils dpendent. Cette situa-tion de rupture de droits est susceptible de se prolonger le temps que lancien tudiant ralise des dmarches daffilia-tion auprs de sa nouvelle caisse de scurit sociale.

    R 10 : Le Dfenseur des droits prconise aux pou-voirs publics et aux mutuelles tudiantes damliorer linformation des tudiants qui exercent une activit professionnelle paralllement leurs tudes et de ceux qui sont en fin de cursus universitaire

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 22

    II | Mutuelles tudiantes et droits des usagers du service public : les tudiants ont-ils moins de droits que les autres assurs sociaux ?

    2.2.2 INFORMATION DES TUDIANTS SUR LEURS DROITS LA SCURIT SOCIALE : LA MISSION DE SERVICE PUBLIC DONT SONT CHARGES LES MUTUELLES TUDIANTES EST-ELLE COMPATIBLE AVEC LEURS ACTIVITS DE TYPE MARCHAND ?

    Jai souscrit par erreur une mutuelle sant com-plmentaire lors de mon inscription en premire anne de licence. Je prcise par erreur parce que cette complmen-taire ma t prsent comme une souscription obligatoire [...].

    Jai travaill [la mutuelle] en job tudiant et je peux tmoigner des pratiques douteuses pour affilier les tu-diants et pour leur vendre des assurances ou autres mutuelles complmentaires

    Lappel tmoignages a rvl que 55 % des tudiants se sont vu proposer de souscrire un contrat dassurance sant complmentaire par une mutuelle tudiante.

    Les mutuelles tudiantes sont des personnes morales de droit priv but non lucratif, relevant du code de la mutualit (CDM), qui ont pour mission de participer la gestion du rgime lgal dassurance maladie et maternit des tudiants.42

    Elles ont la possibilit de mener une action de prvoyance, de solidarit et dentraide, dans les conditions prvues par leurs statuts, afin de contribuer au dveloppement culturel, moral, intellectuel et physique de leurs membres et lam-lioration de leurs conditions de vie [] . 43Cest sur ce fon-dement quelles peuvent proposer aux tudiants des contrats dassurance sant complmentaire.44 La Cour des comptes a estim quenviron un quart des tudiants avait souscrit une offre sant complmentaire propos par une mutuelle tudiante.45

    Amliorer le taux de couverture de la population par une assu-rance sant complmentaire est une ncessit voulu par les pouvoirs publics. Cest en ce sens, notamment, qua t adop-te la loi n 2013-504 du 14 juin 2013 relative la scurisation de lemploi. La gnralisation du dispositif du tiers-payant lhorizon 2017 par le Gouvernement doit galement participer

    ce mouvement damlioration de laccs de tous aux soins de sant.

    Pourtant, si lamlioration du taux de prise en charge des dpenses de sant engages par les tudiants, grce notam-ment la souscription dune assurance sant complmentaire, est souhaitable, celle-ci doit se faire dans la transparence.

    Or, les tmoignages et donnes recueillies par le Dfenseur des droits rvlent que les mutuelles nhsiteraient pas pr-senter aux tudiants ces contrats dassurance sant compl-mentaire comme tant obligatoires alors quils ne prsentent quun caractre facultatif.46

    Leur souscription par des tudiants qui bnficieraient dj dune couverture sant complmentaire - en qualit dayant droit de leurs parents par exemple savre donc inutile et couteuse.

    Par ailleurs, ladoption de la loi n 2013-504 prcite, pr-voyant ladhsion obligatoire des salaris une complmen-taire sant, devrait entraner une augmentation du nombre dtudiants bnficiaires dune assurance sant complmen-taire en qualit dayants-droit. Linformation dlivre par les mutuelles tudiantes devra intgrer cette nouvelle donne au risque daggraver le nombre de souscriptions inutiles.

    Ces pratiques commerciales des mutuelles, parfois juges agressives par les tudiants eux-mmes, ont inquit la Direction de la scurit sociale, qui a d rappeler aux ta-blissements denseignement suprieur [de veiller] ce que la pluralit des mutuelles ne conduise pas des pratiques contraires aux intrts des tudiants, notamment lexercice simple et rapide de leurs droits [] .47

    Par ailleurs, si comme nous lavons vu, lacquisition par un tudiant dune assurance sant complmentaire est souhai-table lorsquil ne bnficie pas ou plus de celle de ses parents, une telle souscription a cependant un cot important et nest donc pas accessible aux tudiants les plus modestes. Certains dentre eux sont donc ligibles la CMU-C.48

    Il sagit dun dispositif dassurance sant complmentaire pouvant tre attribu certains tudiants, notamment sous condition de ressources, au mme titre que laide lacqui-sition dune complmentaire sant (ACS).49

    Le rapport labor par lObservatoire des non recours aux droits et services (ODENORE) le 28 aot 2014 relatif lab-sence de complmentaire sant chez les tudiants ( la demande du fond CMU) rappelait que 6,3 % des tudiants, avec ou sans complmentaire sant, pourraient tre ligibles la CMU-C : cela reprsente plus de 92 000 tudiants si lon

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 23

    extrapole lensemble des inscrit dans les universits fran-aise [] .

    Le processus dacquisition de droits au titre de la CMU-C seffectue en deux temps. Tout dabord, ltudiant doit adres-ser sa demande de CMU-C, accompagne de diverses pices justificatives, la caisse primaire dassurance maladie (Cpam) dont il relve territorialement.

    Lorsque lexamen de sa demande aboutit favorablement, la Cpam lui dlivre une attestation de droits la CMU-C, quil lui appartient ensuite de transmettre sa mutuelle afin dobtenir une prise en charge 100 % de ses dpenses de sant.

    Outre les difficults rencontres par certains tudiants pour obtenir la prise en compte par leurs mutuelles de leur prise en charge au titre de la CMU-C (perte des attestations, prises en compte tardives, etc.), la monte en charge de ce dispo-sitif est, de manire plus structurelle, conditionne par la dlivrance dune information de qualit aux tudiants sur son existence mme.

    Or, les interlocuteurs naturels des tudiants en matire de scurit sociale ne sont pas les Cpam mais les mutuelles tudiantes. Par consquent, en qualit dorganisme charg de la gestion de la scurit sociale des tudiants, les mutuelles devraient tre charges dune mission dinformation des tu-diants en matire de CMU-C.

    Dans ce contexte conomique concurrentiel qui est le leur, les mutuelles pourraient, dans certains cas, avoir tendance privilgier les seuls tudiants intresss par la souscription dune assurance sant complmentaire, et ngliger une information essentielle pour les plus dmunis dentre eux.

    R 11 : Le Dfenseur des droits prconise aux mutuelles de sassurer que lexercice dactivits de type marchand naltre pas la qualit des informa-tions dlivres aux tudiants sur leur droits la scurit sociale, notamment lorsquils bnficient dj dune assurance sant complmentaire en qua-lit dayant droit ou en matire de CMU-C

    II | Mutuelles tudiantes et droits des usagers du service public : les tudiants ont-ils moins de droits que les autres assurs sociaux ?

  • Accs des tudiants aux soins : leur protection sociale est-elle la hauteur des enjeux ? 2015 | 24

    |

    1. Etudiants inscrits dans lenseignement suprieur la rentre 2013 (INSEE).

    2. LMDE, SMEREP, SMEBA, SMERRA, VITTAVI, SMENO, MGEL, SMECO, MEP, SMEREB, SMERAG.

    3. Prambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

    4. Circulaire NDGCS/SD1B/2014/14 du 16 janvier 2014 relative la mise en place dactions visant amliorer laccs aux droits sociaux.

    5. Rapport fait au nom de la commission denqute sur le rgime tudiant de scurit sociale le 6 juillet 1999.

    6. Rapport de la Cour de comptes de septembre 2013 intitul La scurit sociale des tudiants.

    7. Rapport dinformation fait au nom de la commission des affaires sociales par le groupe de travail sur la scurit sociale et la sant des tudiants du 12 dcembre 2012.

    8. CSS, art. L. 381-4.

    9. CSS, art. R. 381-5 et R. 381-7 10.

    10. CSS, art L. 381-4.

    11. Arrt du 5 aot 2014 fixant la cotisation forfaitaire dassurance maladie due par les tudiants pour lanne universitaire 2014-2015.

    12. Circulaire n DSS/DES/2003/281 du 11 juin 2003 relative aux modalits de gestion du rgime obligatoire de scurit sociale des tudiants.

    13. CSS, art. R. 381-18.

    14. Fiche dinformation sur le tiers-payant.

    15. CSS, art. L. 162-5-3.

    16. CSS, art. L. 162-5 L. 162-5-4.

    17. Circulaire n DSS/4D/2011/479 du 21 dcembre 2011 relative au transfert des informations mdecin traitant des assurs et la mise jour des cartes Vitale en cas de mutation intra et inter-rgime.

    18. Formulaire Cerfa n 12485*02 intitul Dclaration du choix du mdecin traitant.

    19. CSS, art. L. 322-3 (3 et 4).

    20. CSS, art. L. 161-31 et R. 161-33-6.

    21. Arrt du 14 mars 2007 relatif aux conditions dmission et de gestion des cartes dassurance maladie.

    22. Rapport intitul Les cots de gestion de lassurance maladie.

    23. Circulaire n DSS/4D/2011/479 du 21 dcembre 2011 relative au transfert des informations mdecin traitant des assurs et la mise jour des cartes Vitale en cas de mutation intra et inter-rgime.

    Notes

  • Conception et ralisation : le Dfenseur des droits- Mai 2015 -

    | Notes

    24. CSS, art L. 161-31.

    25. Fiche dinformation sur la feuille de soins.

    26. Rapport intitul Les cots de gestion de lassurance maladie..

    27. Fiche dinformation sur le tiers-payant.

    28. Fiche dinformation du CLEISS sur la CEAM.

    29. Fiche dinformation sur la CEAM.

    30. Fiche dinformation de la Cnil sur Le rpertoire national inter-rgime de lassurance maladie.

    31. Cass. civ. 2me, 16 octobre 2008 (pourvoi n 07-18492).

    32. Cass. soc, 26 octobre 1995 (pourvoi n 93-14181).

    33. A linstar de la proposition n 1 du Dfenseur des droits sur la gnralisation du mmo de fin de conversation tlphonique.

    34. CSS, art. R. 142-1.

    35. CSS, art. R. 142-18.

    36. Article 19-2 de la loi n 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

    37. Rapport du CESE intitul Le travail des tudiants du 28 novembre 2007.

    38. Circulaire n2003-281 du 11 juin 2003 relative au rgime obligatoire de scurit sociale des tudiants.

    39. CSS, art. R. 381-18.

    40. CSS, art. R. 313-2.

    41. CSS, art. L. 161-9.

    42. CDM, art. L. 111-1.

    43. CDM, art. L. 111-1.

    44. Il est intressant de noter ce sujet que les modalits de fonctionnement des mutuelles tudiantes semblent tre davantage orientes en faveur des 26,60 % des tudiants qui ont souscrit une assurance sant complmentaire puisque seuls ceux-ci, en qualit dadhrents des mutuelles, participent la gestion de cette structure (article L. 114-1 CDM). Si la volont du lgislateur de lpoque tait dassocier les tudiants au fonctionnement des organismes chargs de la gestion de leur scurit sociale, ne serait-il pas pertinent de sinterroger sur la possibilit dtendre cette association tous les tudiants, et pas seulement ceux dentre eux qui ont souscrit une assurance sant complmentaire ?

    45. Rapport de la Cour de comptes de septembre 2013 intitul La scurit sociale des tudiants.

    46. Cass. crim 3 novembre 2009 (n 09-81737).

    47. Circulaire n2003-281 du 11 juin 2003 relative au rgime obligatoire de scurit sociale des tudiants.

    48. Fiche dinformation sur la CMU-C.

    49. Fiche dinformation sur lACS.

  • LES MISSIONS DU DFENSEUR DES DROITS

    Cr par la loi organique du 29 mars 2011, le Dfenseur des droits est une autorit ind-pendante de rang constitutionnel qui exerce une mission de protection des droits et liberts, dans le cadre du traitement des rclamations individuelles qui lui sont adresses ou des cas dont il se saisit doffi ce. Ainsi, il peut tre saisi directement et gratuitement par toute personne physique ou morale :

    qui estime tre lse par le fonctionnement dune administration ou dun service public ;

    qui estime tre victime dune discrimination directe ou indirecte, prohibe par la loi ou par un engagement international, que lauteur prsum de cette discrimination soit une personne prive ou publique ;

    qui est victime ou tmoin de faits dont elle estime quils constituent un manquement la dontologie par des personnes exerant une activit de scurit sur le territoire de la Rpublique ;

    qui considre que les droits fondamentaux dun enfant ou dun adolescent ne sont pas respects, ou quune situation met en cause son intrt. Dans ce cas, les personnes habilites saisir le Dfenseur des droits sont : lenfant ou ladolescent lui-mme, son reprsentant lgal, un membre de sa famille, un reprsentant dun service mdical, social ou dune association de dfense des droits de lenfant.

    Par ailleurs, le Dfenseur des droits exerce une mission de promotion de lgalit et de laccs aux droits, en particulier au titre des recommandations gnrales quil formule.

    VOUS POUVEZ SAISIR LE DFENSEUR DES DROITS :

    Soit par courrier adress au :Dfenseur des droits7, rue Saint-Florentin

    75409 PARIS Cedex 08

    Soit en ligne sur :www.defenseurdesdroits.fr (rubrique saisir )

    Soit en saisissant lun des 397 dlgus du Dfenseur des droits sur :www.defenseurdesdroits.fr (rubrique Trouver mon dlgu )