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Recherche des Entérovirus et des Entérophages dans les coquillages et les eaux de mer par F. DENIS et JEAN BRISOU Faculté de Médecine, Poitiers (France) L'étude de la distribution des entérovirus et des entérophages dans la nature est nécessaire, car elle permet d'apprécier la contamination fécale virale. La présence de bactériophages entériques est souvent le témoin d'une contamination bactérienne, la recherche d'entérovirus est importante également car des eaux saines sur le plan bactériologique peuvent être souillées par les virus. Les entérovirus présents dans les eaux de mer sont dangereux non seulement parce qu'ils peuvent provoquer une contamination directe, mais aussi parce que par l'intermédiaire de coquillages l'homme peut être infecté. Ces coquillages sont en effet dangereux car ils concentrent bactéries et virus et de ce fait peu- vent contenir beaucoup de contaminants alors que l'eau environnante est moins polluée. Recherche des entérovirus dans les eaux de mer Si la recherche d'entérovirus dans les eaux très contaminées pose moins de problème, le problème est très délicat en ce qui concerne l'eau de mer et d'une manière générale dans les eaux contenant un titre peu élevé de virus. - On peut traiter soit l'eau en utilisant de grands volumes soit l'eau exprimée de tampon gaze [MOORE] traînés par un bateau ou attachés à un point fixe pendant plusieurs heures. - Concentration du virus : les méthodes sont nombreuses; on a proposé des techniques de concen- trations par évaporation, par précipitation avec entraîneur; dans cette dernière méthode on a provoqué des floculats protéiques par relargage au sulfate d'ammonium. D'autres procédés de floculation ont été proposés en traitant les eaux avec des sels de fer et d'aluminium. La concentration par résine échangeuse d'ions [KELLY, 1958] utilisant le Dowex 10,200 à 400 mesh et albumine bovine fraction V permet une concentration de l'ordre de 20 fois. La méthode combinée: adsorption sur filtre et échangeur d'ions [WALLIS & MELNICK] permet le traitement de près de 4 litres d'eau mais selon les auteurs l'efficacité de la méthode est appuyée différenlment pour SCHAFER rendement moyen de 10 % puis 27 % avec quelques modifications alors que SCHNEWEIS récupère 80 % des virus par cette technique. L'emploi des méthodes de filtration a fait égalelnent l'objet de nombreux travaux signalés par SCHAFER; on peut utiliser 1 litre d'eau, le soumettre soit à une centrifugation soit à une préfiltration puis on fait passer celui-ci à travers une membrane Millipore (DAWP ou GSWP) puis à travers une membrane alginate sartorius. La solution du citrate de sodium à 3,8 %qui a servi à dissocier la membrane est inoculée sur les systèmes cellulaires. Des concentrations par ultra-centrifugations (( sharples " permettent de traiter plusieurs litres par jour ... On tend, pour traiter de grands volumes, à utiliser de plus en plus des enrichis- sements en système diphasique d'après ALBERTSSON, cette méthode utilise le système sulfate de dextran - polyéthylène glycol; on ajoute à l'eau à analyser du sulfate de Dextran 50 pour obtenir une concentration finale de 0,2 0/0' du polyéthylène glycol 6000 pour avoir une concentration de 6,45 %' On ajoute également C1Na (concentration finale 0,3 M) le tout est agité, placé dans une ampoule à décantation et laissé 24 heu- res à 4 0 . La phase inférieure a concentré le virus, une deuxième concentration peut alors intervenir. Rapp. COnll17. in!. Mer Médit., 22, 3, pp. 35-38 (1973). [35] 1 / 4

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Page 1: Recherchedes Entéroviruset des Entérophages dansles

Recherche des Entérovirus et des Entérophagesdans les coquillages et les eaux de mer

par

F. DENIS et JEAN BRISOU

Faculté de Médecine, Poitiers (France)

L'étude de la distribution des entérovirus et des entérophages dans la nature est nécessaire, car ellepermet d'apprécier la contamination fécale virale. La présence de bactériophages entériques est souventle témoin d'une contamination bactérienne, la recherche d'entérovirus est importante également car deseaux saines sur le plan bactériologique peuvent être souillées par les virus.

Les entérovirus présents dans les eaux de mer sont dangereux non seulement parce qu'ils peuventprovoquer une contamination directe, mais aussi parce que par l'intermédiaire de coquillages l'homme peutêtre infecté. Ces coquillages sont en effet dangereux car ils concentrent bactéries et virus et de ce fait peu­vent contenir beaucoup de contaminants alors que l'eau environnante est moins polluée.

Recherche des entérovirus dans les eaux de mer

Si la recherche d'entérovirus dans les eaux très contaminées pose moins de problème, le problèmeest très délicat en ce qui concerne l'eau de mer et d'une manière générale dans les eaux contenant un titrepeu élevé de virus.

- On peut traiter soit l'eau en utilisant de grands volumes soit l'eau exprimée de tampon gaze[MOORE] traînés par un bateau ou attachés à un point fixe pendant plusieurs heures.

- Concentration du virus : les méthodes sont nombreuses; on a proposé des techniques de concen­trations par évaporation, par précipitation avec entraîneur; dans cette dernière méthode on a provoquédes floculats protéiques par relargage au sulfate d'ammonium. D'autres procédés de floculation ont étéproposés en traitant les eaux avec des sels de fer et d'aluminium.

La concentration par résine échangeuse d'ions [KELLY, 1958] utilisant le Dowex 10,200 à 400 meshet albumine bovine fraction V permet une concentration de l'ordre de 20 fois. La méthode combinée:adsorption sur filtre et échangeur d'ions [WALLIS & MELNICK] permet le traitement de près de 4 litresd'eau mais selon les auteurs l'efficacité de la méthode est appuyée différenlment pour SCHAFER rendementmoyen de 10 %puis 27 %avec quelques modifications alors que SCHNEWEIS récupère 80 %des virus parcette technique.

L'emploi des méthodes de filtration a fait égalelnent l'objet de nombreux travaux signalés parSCHAFER; on peut utiliser 1 litre d'eau, le soumettre soit à une centrifugation soit à une préfiltration puison fait passer celui-ci à travers une membrane Millipore (DAWP ou GSWP) puis à travers une membranealginate sartorius. La solution du citrate de sodium à 3,8 %qui a servi à dissocier la membrane est inoculéesur les systèmes cellulaires. Des concentrations par ultra-centrifugations (( sharples " permettent de traiterplusieurs litres par jour ... On tend, pour traiter de grands volumes, à utiliser de plus en plus des enrichis­sements en système diphasique d'après ALBERTSSON, cette méthode utilise le système sulfate de dextran ­polyéthylène glycol; on ajoute à l'eau à analyser du sulfate de Dextran 50 pour obtenir une concentrationfinale de 0,2 0/0' du polyéthylène glycol 6000 pour avoir une concentration de 6,45 %' On ajoute égalementC1Na (concentration finale 0,3 M) le tout est agité, placé dans une ampoule à décantation et laissé 24 heu­res à 40. La phase inférieure a concentré le virus, une deuxième concentration peut alors intervenir.

Rapp. COnll17. in!. Mer Médit., 22, 3, pp. 35-38 (1973).

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Par cette technique, en suivant les modalités proposées par SHUVAL, on peut espérer concentrerde 500 fois le virus initial; la méthode préconisée par cet auteur serait capable de détecter l à 2 entérovirusdans 1 litre d'eau.

Récemment WALLIS & MELNICK ont proposé un appareil susceptible de concentrer les virus pré­sents dans 300 gallons d'eau, l'élution finale de virus pourrait se faire dans 5 ml. Cet appareil révolution­naire est très intéressant, mais volumineux, il permettrait une récupération de 100 % des virus.

Une fois la concentration virale obtenue, on peut avec la suspension virale inoculer des souriceauxnouveau nés et des systèmes cellulaires RS, Hela ou KB, LLCMK2 ou cellules fibroblastiques telle WI38. Le choix de la lignée, l'emploi de souriceau conditionne les résultats. Dès qu'un pouvoir pathogèneou un effet cytopathogène est détecté, l'entérovirus est identifié par les techniques habituelles de séroneu­tralisation, d 'hémagglutination, etc ...

Résultats de la recherche des entérovirus

A. PAOLETTl a pu écrire, en 1965, qu'en dehors de l'indication d'une recherche négative sur 40échantillons examinés « aucun texte, ni aucun rapport pas même celui de CLARKE, BERG, KABLER et CHANG,tenu au récent congrès de Londres (septembre 1962) ne fournit de données pour des expériences tendant àisoler des entérovirus à partir des eaux de mer ». En fait, bien souvent on s'appuie sur des techniques nepermettant d'isoler des virus que dans des eaux d'·égoût ou sur des travaux théoriques visant à récupérerdes quantités considérables de virus mis en suspension artificiellement dans des eaux distillées ou desmilieux tampon artificiels.

A ce jour les travaux visant à rechercher les virus dans les eaux de mer à distance des côtes sontencore très rares.

Dans les eaux d'une part et dans les coquillages et fruits de mer d'autre part, les résultats les plusimportants sont dus à METCALF et coll. Ces auteurs recherchant des entérovirus en ont isolé 51 souchesdans 109 échantillons d'eau (Technique de gazes), 55 dans 109 échantillons d'huîtres (chaque échantil­lon = 10 huîtres). Les virus les plus fréquents sont les virus polio environ 85 %essentiellement le type 1,les Coxsackie B (1 1 %) des échovirus plus rarement; des réovirus étant présents également dans l'eau.

Recherche des bactériophages

Dans les eaux de mer comme dans les eaux douces on peut trouver les bactériophages actifs sur lesbactéries saprophytes et pathogènes de l 'homme et des animaux. Ce sont surtout les bactériophages desbactéries entériques qui sont recherchés dans la mer.

Plusieurs méthodes d'isolement sont utilisées. On peut étaler un volume d'eau connu ou une dilu­tion d'eau à la surface d'un milieu gélosé à la surface de laquelle on a préalablement ensemencé une culturede la souche détectrice le tout étant mis à incubation à température convenable et on dénombre les plages;des variantes de cette technique existent notamment celle de la double couche [ADAMS]. On peut aussiutiliser des techniques d'enrichissement, et la technique de Madame A. GUELIN est souvent utilisée, elleconsiste à ajouter différents volumes de l'eau à étudier (jusqu'à 2 à 10 litres) débarassée de bactéries à uneeau peptonée, le tout est inoculé avec une souche détectrice et incubé à température optimale, après 6 ou18 heures on filtre le tout sur membrane à 0,45 Il ou on chauffe à 56° une demi-heure pour se débarrasserde la souche. Puis on titre les bactériophages sur bactéries détectrices ... Le plus petit volume d'eau entrai­nant une lyse contenait donc au moins un bactériophage.

On peut également utiliser d'autres techniques notamment les méthodes d'enrichissement bipha­siques : le système sulfate de Dextran - Polyéthylène glycol [ALBERTSSON 1967] ou celui à base de sulfatede Dextran - méthyl cellulose décrit en détail par FRICK [1961] peuvent être utilisés. D'autres systèmesont été proposés pour rechercher les bactériophages dans les eaux naturelles, SOBER et coll. préconisentune technique utilisant des polyélectrolytes insolubles pour concentrer les faibles taux de virus.

Dans les fruits de mer on peut également rechercher les bactériophages. Pour cela on nettoie lescoquillages et on broie ceux-ci par lots de 6 à 12 animaux, le tout est centrifugé à basse vitesse et le surna­geant est alors analysé en vue d'une recherche de bactériophages.

Les souches test sont classiquement pour les coliphages E. coli B, E, coli 125, pour les Shigelles,Shiga ... on pourrait adjoindre à cette recherche, la mise en évidence de bactériophages anti-salmonella,les souches de S. para B des Iysotypes TAUNTON et DUNDEE pouvant servir de souches test.

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Résultats de la recherche des bactériophages

La présence de bactériophages du groupe coli-typhique-dysentérique a été signalée dans l'eau demer par plusieurs auteurs comme le rapporte Mme A. GUELIN.

HAUDUROY [1923], SEMPE & CHAYANE [1925] d'HERELLE [1926] ARLOING & SEMPE [1926], FEJGIN[1926], FORTUNATO [1928], NYBERG [1931] GILDEMEISTER & WATANABE [1931], GEE [1932] et TEccE [1939]. ..Les recherches effectuées par ARLOING & SEMPE dans la mer Rouge et l'océan Indien n'avaient pas étécouronnées de succès; mais aussi bien N-YBERG dans les ports d 'Helsinki que A. GUELIN dans celui deRoscoff ont isolé les bactériophages dans l'eau de mer. Ce dernier auteur a proposé la méthode quantita­tive qui est très utilisée, toutefois BUTTIAUX comme PESO & MIGNONE ne pensent pas que le dénombrementde ces éléments ait une valeur pour estimer l'importance d'une contaluination.

Conclusions

Certains auteurs avaient trouvé un parallélisme entre le taux des entérovirus et celui des coliphagesdans les eaux et les fruits de mer, d'autres tels METcALF, VAUGHN & STILES ont montré que les coliphagessont plus fréquents que les entérovirus, que les variations des coliphages et d'entérovirus ne sont passuperposables, enfin que les entérovirus se luaintiennent plus longtemps que les coliphages dans les eaux.

Cette controverse est d'importance car les modalités des contrôles de salubrité des eaux dépendentde ces études. Il semble que les recherches doivent s'orienter vers l'isolement de virus, les entérophagesne suffisant pas pour apprécier la pollution entérovirale.

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Cette con11TIunication est présentée par J. BRISOU qui comn1ente directement les résultats.

Pas de discussion.

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