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BARROUX par Julien Marcelot Photographie : Christophe Gruner des pour la jeunesse Manches remontées et cheveux en bataille, Stéphane Barroux est assis sous un grand mât, à quelques mètres d’un trampo- line géant, dans la cour du Jar- din d’Alice, squat et résidence d’artistes où il a son atelier. On entend au loin les écoliers libérés qui s’amusent – c’est l’heure de la récréation. L’illustrateur sourit, il sait que les enfants disent par- fois qu’il « peint mal ». Parce que ses dessins débordent des lignes tracées et parce qu’il laisse des espaces non coloriés. Ces choix donnent à son trait une allure sensible, vivante. « J’adapte ma technique en fonction de l’histoire, ajoute-t-il. Pour un carnet de voyage par exemple, ce sera le pinceau ; pour La Fabrique, dans une usine, ce sera l’acrylique, le crayon et le collage. Selon le projet, j’accentue plus ou moins la partie abstraite. » L’artiste aime particulière- ment tremper ses pinceaux dans le voyage et donner vie à des mondes situés à des milliers de kilomètres du nôtre. Ce n’est pas l’exotisme qui l’intéresse, mais plutôt l’altérité, voire l’actualité, comme lorsqu’il décrit, dans une farandole de couleurs pastel, une île du Pacifique victime du réchauffe- ment climatique et de la montée des eaux appelée Tuvalu (Mango Jeunesse). Il aime les histoires au message huma- niste, social. « Je ne sais pas dessiner les princesses et les dauphins », dit celui qui a passé une partie de son enfance en Algérie et au Maroc. Il a commencé sa carrière dans la publicité, avant de s’envoler avec femme et enfant au Ca- nada, puis aux Etats-Unis. « La pub m’a beaucoup appris mais je n’en pouvais plus, se souvient-t-il. Je voulais changer de vie. J’avais eu la chance d’être expatrié avec mes parents et c’est quelque chose que je souhaitais of- frir à mes enfants. » L’exil lui porte chance. De l’autre côté de l’Atlantique, il pu- blie des ouvrages jeunesse et collabore avec des titres prestigieux de la presse anglo-saxonne (New York Times, Washington Post). Le retour en France est dif- ficile mais Barroux s’ap- puie sur son expérience américaine et ses méthodes de travail rapides, efficaces. A chaque rendez- vous chez un éditeur, il débarque avec www.deslivrespourlajeunesse.fr le site des éditeurs jeunesse du Syndicat national de l’édition Quelques dates clés 1965 : naît aux Pavillons- sous-Bois (Seine-Saint- Denis). 1996 : s’installe au Canada. 2007 : fonde Kilowatt, une maison d’édition jeunesse.

Rencontre avec Barroux

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Page 1: Rencontre avec Barroux

BARROUXpar Julien Marcelot

Photographie : Christophe Gruner

despour la jeunesse

Manches remontées et cheveux en bataille, Stéphane Barroux est assis sous un grand mât, à quelques mètres d’un trampo-line géant, dans la cour du Jar-din d’Alice, squat et résidence d’artistes où il a son atelier. On entend au loin les écoliers libérés qui s’amusent – c’est l’heure de la récréation. L’illustrateur sourit, il sait que les enfants disent par-fois qu’il « peint mal ». Parce que ses dessins débordent des lignes tracées et parce qu’il laisse des espaces non coloriés. Ces choix donnent à son trait une allure sensible, vivante. « J’adapte ma technique en fonction de l’histoire, ajoute-t-il. Pour un carnet de voyage par exemple, ce sera le pinceau ; pour La Fabrique, dans une usine, ce sera l’acrylique, le crayon et le collage. Selon le projet, j’accentue plus ou moins la partie abstraite. »

L’artiste aime particulière-ment tremper ses pinceaux dans le voyage et donner vie à des mondes situés à des milliers de kilomètres du nôtre. Ce n’est pas l’exotisme qui l’intéresse, mais plutôt l’altérité, voire l’actualité, comme lorsqu’il décrit, dans une farandole de couleurs pastel, une île du Pacifique victime du réchauffe-

ment climatique et de la montée des eaux appelée Tuvalu (Mango Jeunesse). Il aime les histoires au message huma-niste, social. « Je ne sais pas dessiner les princesses et les dauphins », dit celui qui a passé une partie de son enfance en Algérie et au Maroc. Il a commencé sa carrière dans la publicité, avant de s’envoler avec femme et enfant au Ca-nada, puis aux Etats-Unis. « La pub m’a beaucoup appris mais je n’en pouvais plus, se souvient-t-il. Je voulais changer

de vie. J’avais eu la chance d’être expatrié avec mes parents et c’est quelque chose que je souhaitais of-frir à mes enfants. » L’exil lui porte chance. De l’autre côté de l’Atlantique, il pu-blie des ouvrages jeunesse et collabore avec des titres prestigieux de la presse anglo-saxonne (New York Times, Washington Post).

Le retour en France est dif-ficile mais Barroux s’ap-puie sur son expérience

américaine et ses méthodes de travail rapides, efficaces. A chaque rendez-vous chez un éditeur, il débarque avec

www.deslivrespourlajeunesse.fr le site des éditeurs jeunesse du Syndicat national de l’édition

Quelques dates clés

1965 : naît aux Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).

1996 : s’installe au Canada.

2007 : fonde Kilowatt, une maison d’édition jeunesse.

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son book et un carton rempli de projets en cours. Aujourd’hui, le carton déborde toujours. Même le hasard s’y met lorsque Barroux découvre au détour d’une rue, jeté dans une poubelle, un carnet de notes tenu par un ancien combattant de la Grande Guerre. Le trésor donnera nais-sance à l’émouvant On les aura ! Carnet de guerre d’un poilu (Seuil). L’illustrateur aime aussi cultiver certaines idées sans les réaliser. Elles l’accompagnent. « Je m’ima-gine comme un jardinier qui sème de nom-breuses graines. Parfois rien ne pousse, et parfois certaines grandissent plus vite que d’autres, alors il faut s’en occuper rapide-ment. » Dans le Jardin d’Alice, on les cueille délicatement au crayon et au pinceau.

Repères bibliographiques

Ahmed sans abri, de Barroux. Mango Jeunesse, 2007.

Je m’appelle pas Ben Laden !, de Barroux et Bernard Chambaz. Rue du Monde, 2011.

Le Paris de Léon, de Barroux. Actes Sud Junior, 2011.

La Fabrique, de Barroux. Autrement, 2012.

Alpha : Abidjan - Gare du Nord, de Barroux et Bessora. Gallimard Jeu-nesse, 2014.

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