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« GRENOBLE PASSE DE
L’ECO-QUARTIER A L’ECO-CITE »
Article de Dominique Pialot - Juillet 2013
Avec les interviews de :
- Michel Destot, Député-Maire (PS) de Grenoble
- Valérie Diore, Directrice Générale de la SEM InnoVia Grenoble durablement et de la SAGES
- Cyria Emelianoff, Maître de conférences en géographie, aménagement et urbanisme à -
l’Université du Maine
- Laurent Gaillard, Directeur de l’urbanisme de la ville de Grenoble
- Stéphane Siebert, Adjoint au maire de Grenoble en charge du développement durable
Marquée par un climat continental aux températures très contrastées et une situation
géographique contrainte par les montagnes environnantes, Grenoble innove depuis des
années pour gérer sa transformation en se reconstruisant sur elle-même. Distinguée en
2009 pour l’éco-quartier de Bonne, elle participe aussi au programme Eco-cité avec
l’immense projet de la Presquîle.
« Le phénomène de massification des éco-quartiers est typiquement français, observe Cyria
Emelianoff, maître de conférences en géographie, aménagement et urbanisme à l’Université
du Maine (Le Mans). Après un engouement particulièrement vif et à la marge pour les
démarches durables, les villes françaises ont voulu changer d’échelle et généraliser certaines
innovations et bonnes pratiques à l’ensemble de l’agglomération. »
Grenoble, ville alpine de 450.000 habitants, est le symbole même de ce phénomène.
Contrainte par sa situation géographique encerclée par les massifs du Vercors, de la
Chartreuse et de Belledonne, la ville fait face depuis de longues années à un déficit en matière
de foncier, et à un tassement du centre-ville au nord le long de l’Isère.
Aussi, lorsque le terrain de la caserne De Bonne se libère en 1994, la ville y voit l’occasion de
desserrer son centre-ville tout en expérimentant quelques principes propres aux éco-quartiers.
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La performance énergétique, pierre angulaire de l’urbanisme
Au début des années 2000, sous l’impulsion de l’élu Vert Pierre Kermen, le projet de
l’architecte Christian Devillers est choisi parmi trois propositions. Au départ, surtout axé sur la
mixité des usages et la mixité sociale,
le projet regroupe, sur un terrain de 8
hectares, les trois bâtiments militaires
pré-existants rénovés, ainsi qu’un
immeuble pour personnes âgées, un
cinéma, une résidence étudiante, un
immeuble de bureaux à énergie
positive, un EHPAD (Etablissement
d’Hébergement pour Personnes
Agées Dépendantes), un centre
commercial en bois, une résidence
hôtelière, une école primaire
également en bois… « La ville pousse la filière « bois construction » via la commande
publique », souligne Laurent Gaillard,
directeur de l’urbanisme.
Afin de mixer les styles architecturaux, trois constructeurs (accession et social) ont été
sélectionnés pour chaque ilot de bâtiments. En tout, 900 logements, dont 40 % de logements
sociaux, pour quelque 2000 personnes ont été réalisés. «50% des appartements en accession
libre ont été vendu en dessous du prix du marché », affirme Laurent Gaillard.
Dès 2003, la participation au programme européen Concerto conduit Grenoble à se pencher
de plus près sur l’efficacité énergétique de son nouveau quartier. Cette ville qui connaît la plus
forte amplitude thermique de France, à la fois dans l’année et au cours d’une même journée,
va servir de terrain d’expérimentation à toutes sortes de techniques d’isolation par l’extérieur.
Livrés en 2008, bien avant l’entrée en vigueur de la réglementation thermique 2012 et avant
même le Grenelle de l’Environnement, les logements respectent l’objectif de 50 kWh/m2/an
pour le chauffage. Outre différentes formes d’isolation par l’extérieur, sont également testées
des technologies telles que la ventilation double-flux, le solaire thermique ou la mini-
cogénération au gaz. « Le monitoring imposé par le programme Concerto, pendant deux ans
après la livraison, est contraignant, mais il permet d’ajuster le tir » reconnaît Laurent Gaillard.
En 2009, la ZAC (Zone d’Aménagement Concertée) de Bonne reçoit le grand prix national
EcoQuartier. Mais surtout, l’exigence en matière de performance énergétique fait boule de
neige et s’inscrit dans les PLU (Plan Local d’Urbanisme) et les SCOT (Schéma de Cohérence
Territoriale). D’autres éco-quartiers se construisent, sur l’ancienne friche industrielle de
Bouchayer-Vialley ou sur la ZAC de Blanche-Monnier.
Quartier Flaubert, aménagé dès 2005
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ZAC de Bonne
Etendre l’expérimentation de 8 à 240 hectares
Grenoble peut alors voir plus grand, et passer de l’éco-quartier à l’éco-cité. Sur le site de la
Presqu’île, qui abrite de longue date plusieurs grandes entreprises et instituts de recherche, un
projet de 240 hectares doit accueillir à terme 10.000 habitants, 6000 chercheurs, 3500
étudiants, 6000 salariés… Le projet bénéficie de 7 millions d’euros sur les 750 millions dévolus
au programme « Ville de demain » des investissements d’avenir.
L’enjeu consiste à connecter le centre-ville à cette zone circonscrite entre l’Isère et le Drac,
l’autoroute A48, le chemin de fer, le CEA… 400.000 mètres carrés y seront dédiés à la
recherche et développement, 200.000 mètres carrés au tertiaire et autant au logement.
Comme à la ZAC de Bonne, « l’axe « logement abordable » a été essentiel pour la Presqu’île »
témoigne Valérie Diore, directrice générale de la SEM d’aménagement Innovia, en charge du
projet. Pour le député maire Michel Destot, « l’aspect social est primordial pour que les
citoyens s’approprient les enjeux du développement durable », même si Grenoble compte une
population d’ingénieurs sensibles à
ces sujets, et que le réchauffement
climatique est particulièrement
visible dans les massifs alentours.
« Pour mettre un logement
performant au prix du logement
social, il faut optimiser le coût de
construction et le coût d’usage, et
raisonner en coût global, ce qui
n’est pas encore très répandu »,
regrette Stéphane Siebert, adjoint
au maire de Grenoble en charge du
développement durable. « Malgré
un investissement de départ plus
important, les entreprises qui investissent dans ces solutions comprennent qu’elles
récupèreront leur mise dans la durée », renchérit Michel Destot.
C’est en faisant travailler tous les acteurs en synergie dès la conception, en bousculant un peu
les promoteurs, que se réalisent les économies d’échelle. « En matière de ville durable, les
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difficultés sont d’ordre organisationnel, pas technique. On est en train d’industrialiser une
approche jadis artisanale, résume Stéphane Siebert. Mais il faut garder en tête le temps de la
ville, et ne pas vouloir faire table-rase du passé ; 85 % des bâtiments qu’occuperont nos
enfants en 2050 existent déjà. »
Mutualiser l’énergie et les transports à l’échelle de l’îlot urbain
Le changement d’échelle rend possible de nouvelles solutions, notamment en mutualisant
l’énergie et la mobilité.
« Passer de l’éco-quartier à l’éco-cité, c’est comme passer d’une voiture traditionnelle équipée
d’un moteur électrique, à une voiture entièrement reconçue pour être électrique » analyse
Stéphane Siebert. En effet, à partir de logements performants sur le plan énergétique, c’est un
éco-quartier de deuxième génération, c’est-à-dire tout un écosystème, qui peut se mettre en
place. Grâce aux possibilités des réseaux intelligents (illustrées par le démonstrateur GreenLys
piloté par ERDF, GDF SUEZ, GEG, INP et Schneider Electric) et à l’utilisation des batteries de
voitures électriques, les bâtiments pourront en période de pointe être alimentés par la chaleur
récupérée auprès des systèmes de refroidissement et du réseau d’assainissement.
« Pour les transports, on a tenu un raisonnement inverse de ce qui se pratique
traditionnellement, en fixant à l’avance un taux de 25 % de déplacements en véhicule
individuel, à partir duquel on a prévu les espaces de stationnement », explique Stéphane
Siebert. Cette méthode implique d’importants efforts pour faciliter l’utilisation des transports en
commun, dont une offre tarifée sur un seul et unique ticket, qui suppose un accord entre au
moins quatre autorités organisatrices, la région, le syndicat mixte des transports en commun
(SMTC), le département et l’agglomération…Une solution qui a vocation à être déployée dans
toute la ville. Le stationnement sera mutualisé en silo à l’entrée du quartier. « On essaie de
faire abandonner la deuxième voiture, avant, un jour peut-être, la première », se prend à rêver
Valérie Diore. Grâce au tramway remis en service il y a 30 ans, dont la cinquième ligne
desservira justement la Presqu’île, l’utilisation des transports en commun atteint 21 %, contre
32 % pour la voiture et 5 % pour le vélo, qui bénéficie, outre 86 kilomètres de pistes cyclables,
d’une consigne dédiée à la gare. A l’instar d’EDF et de Toyota qui doivent y tester un nouveau
véhicule à 3 roues en libre service, les grandes entreprises se montrent friandes de ces
laboratoires de la ville durable grandeur nature.
« Ce qu’on a fait à Bonne, en plein cœur d’une ville, et qu’on fera demain sur près de 240
hectares, peut valoir pour le monde entier, quelles que soient la taille de la ville et la proximité
du centre, remarque Michel Destot. Le vingtième siècle a vu l’apogée des Etats nations, mais
au vingt-et-unième siècle, c’est à travers les gouvernements locaux que
se construira l’avenir. Les villes ne se font pas la guerre. »
Propos recueillis le 14 juin 2013 par Dominique Pialot, journaliste indépendante, rédactrice en chef du Grand Reportage.
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