Requier-Desjardins M., 2007. Pourquoi faut-il investir en zones arides ?

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  • 8/8/2019 Requier-Desjardins M., 2007. Pourquoi faut-il investir en zones arides ?

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    Comit Scientifique Franais de la DsertificationFrench Scientific Committee on Desertification

    Numro 5

    Pourquoiourquoifaut-il investiraut-il investir

    en zones arides ?n zones arides ?Pourquoiourquoi

    faut-il investiraut-il investiren zones arides ?n zones arides ?

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    Comit Scientifique Franais de la Dsertification

    La cration, en 1997, du Comit Scientifique Franais de laDsertification, CSFD, rpond une double proccupation desministres en charge de la Convention des Nations Unies sur la luttecontre la dsertification. Il sagit dune part de la volont de mobiliserla communaut scientifique franaise comptente en matire dedsertification, de dgradation des terres et de dveloppement desrgions arides, semi-arides et subhumides afin de produire desconnaissances et servir de guide et de conseil aux dcideurs politiques

    et aux acteurs de la lutte. Dautre part, il sagit de renforcer lepositionnement de cette communaut dans le contexte international.Pour rpondre ces attentes, le CSFD se veut une force danalyse etdvaluation, de prospective et de suivi, dinformation et depromotion. De plus, le CSFD participe galement, dans le cadre desdlgations franaises, aux diffrentes runions statutaires desorganes de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre ladsertification : Confrences des Parties, Comit de la science et de latechnologie, Comit du suivi de la mise en uvre de la Convention.Il est galement acteur des runions au niveau europen etinternational.

    Le CSFD est compos d'une vingtaine de membres et d'un Prsident,nomms intuitu personaepar le ministre dlgu la Recherche etissus des diffrents champs disciplinaires et des principauxorganismes et universits concerns. Le CSFD est gr et hberg parAgropolis International qui rassemble, Montpellier et dans leLanguedoc-Roussillon, une trs importante communaut scientifiquespcialise dans lagriculture, lalimentation et lenvironnement despays tropicaux et mditerranens. Le Comit agit comme un organeindpendant et ses avis n'ont pas de pouvoir dcisionnel. Il n'a aucunepersonnalit juridique. Le financement de son fonctionnement estassur par des subventions du ministre des Affaires trangres eteuropennes et du ministre de lcologie, du Dveloppement et delAmnagement durables, la participation de ses membres ses

    activits est gracieuse et fait partie de l'apport du ministre dlgu la Recherche.

    Pour en savoir plus :

    www.csf-desertification.org

    Directeur de la publication

    Marc Bied-CharretonPrsident du CSFD

    Professeur mrite delUniversit de Versailles

    Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ)Chercheur au Centre dconomie

    et dthique pour lenvironnement etle dveloppement (C3ED-UMR IRD/UVSQ)

    Auteur

    Mlanie Requier-Desjardinsconomiste, Conseillre rgionale,

    Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS)[email protected]

    dition et iconographie

    Isabelle Amsallem (Agropolis Productions)[email protected]

    Conception et ralisation

    Olivier Piau (Agropolis Productions)[email protected]

    Remerciements pour les illustrations

    Danile Cavanna(Photothque INDIGOde lInstitut de recherche pour le dveloppement)

    le Centre d'Actions et de RalisationsInternationales (CARI),Krishna Naudin (Cirad),

    Jean-Franois Richard (AFD) ainsi queles auteurs des diffrentes photos

    prsentes dans le dossier.

    Impression : Les Petites Affiches(Montpellier, France)Dpt lgal : parution ISSN : 1772-6964

    Imprim 1 500 exemplaires

    CSFD/Agropolis International, juin 2007

    ur rfrence : Requier-Desjardins M., 2007. Pourquoi investir en zonesdes ? Les dossiers thmatiques du CSFD.N5. Juin 2007.FD/Agropolis, Montpellier, France. 40 p.

    Les dossiers thmatiquesdu CSFD numro 5

    agropolis productionsune

    ralisation

    La rdaction, la fabrication et la diffusion de ces dossiers sont entirement

    la charge du Comit, grce l'appui qu'il reoit des ministres franais.

    Les dossiers thmatiques du CSFD sont tlchargeables librement

    sur le site Internet du Comit.

    La rdaction, la fabrication et la diffusion de ces dossiers sont entirement

    la charge du Comit, grce l'appui qu'il reoit des ministres franais.

    Les dossiers thmatiques du CSFD sont tlchargeables librement

    sur le site Internet du Comit.

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    Lhumanit doit dornavant faire face un problme denvergure mondiale : ladsertification, la fois phnomne naturel etprocessus li aux activits humaines. Jamais

    la plante et les cosystmes naturels nont t autantdgrads par notre prsence. Longtemps considre commeun problme local, la dsertification fait dsormais partiedes questions de dimension plantaire pour lesquelles noussommes tous concerns, scientifiques ou non, dcideurspolitiques ou non, habitants du Sud comme du Nord. Il est

    dans ce contexte urgent de mobiliser et de faire participerla socit civile, et dans un premier temps de lui fournirles lments ncessaires une meilleure comprhensiondu phnomne de dsertification et de ses enjeux. Lesconnaissances scientifiques doivent alors tre la portede tout un chacun et dans un langage comprhensible parle plus grand nombre.Cest dans ce contexte que le Comit Scientifique Franaisde la Dsertification a dcid de lancer une nouvellesrie intitule Les dossiers thmatiques du CSFD quiveut fournir une information scientifique valide sur ladsertification, toutes ses implications et ses enjeux. Cette

    srie sadresse aux dcideurs politiques et leurs conseillersdu Nord comme du Sud, mais galement au grand public,aux journalistes scientifiques, du dveloppement et delenvironnement. Elle a aussi lambition de fournir auxenseignants, aux formateurs ainsi quaux personnes enformation des complments sur diffrents domaines.Enfin, elle entend contribuer la diffusion desconnaissances auprs des acteurs de la lutte contre ladsertification, la dgradation des terres et la lutte contrela pauvret : responsables dorganisations professionnelles,dorganisations non gouvernementales et dorganisations desolidarit internationale.Une douzaine de dossiers sont consacrs diffrents thmes

    aussi varis que les biens publics mondiaux, la tldtection,lrosion olienne, lagro-cologie, le pastoralisme, etc.,afin de faire le point des connaissances sur ces diffrentssujets. Il sagit galement dexposer des dbats dideset de nouveaux concepts, y compris sur des questionscontroverses, dexposer des mthodologies courammentutilises et des rsultats obtenus dans divers projets et enfin,de fournir des rfrences oprationnelles et intellectuelles,des adresses et des sites Internet utiles.Ces dossiers seront largement diffuss - notamment dansles pays les plus touchs par la dsertification - sous formatlectronique la demande et via notre site Internet, mais

    galement sous forme imprime. Nous sommes lcoutede vos ractions et de vos propositions. La rdaction, lafabrication et la diffusion de ces dossiers sont entirement la charge du Comit, grce lappui quil reoit desministres franais. Les avis exprims dans les dossiersreoivent laval du Comit.

    Avant-propos

    Marc Bied-CharretonPrsident du CSFD

    Professeur mrite de lUniversitde Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

    Chercheur au C3ED-UMR IRD/UVSQ

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    2 Pourquoi faut-il investir en zones arides ?

    Ce dossier a t lun des lments de base de latelier international

    sur les cots de linaction et les opportunits dinvestissementsdans les zones arides, semi-arides et sub-humides sches que leComit Scientifique Franais de la Dsertification a organis

    Rome en dcembre 2006, avec lappui du Mcanisme mondial de la

    Convention des Nations Unies sur la lutte contre la dsertification,du ministre franais des Affaires trangres et europennes, de

    lAgence Franaise de Dveloppement (AFD), et avec le soutien

    de nombreux autres partenaires tels que le Fonds international de

    dveloppement agricole (FIDA), la coopration technique allemande

    (GTZ, Deutsche Gesellschaft fr Technische Zusammenarbeit),lOrganisation des Nations Unies pour lalimentation et lagriculture

    (FAO), la Banque mondiale (Terrafrica), et lObservatoire du Sahara

    et du Sahel (OSS). Cet atelier international tait plac sous lgide

    de lanne internationale des dserts et de la dsertification. Il a

    rassembl environ quatre-vingt personnes provenant du Nord et du

    Sud, d agences de dveloppement et de ministres, des oprateurs

    comme des organisations non gouvernementales et des organismes

    professionnels, des scientifiques et des conomistes.

    Ce dossier du CSFD a t rdig grce lappui du Mcanisme

    mondial et des ministres franais de la Recherche et des Affaires

    trangres et europennes. Il repose sur lanalyse des cots socio-

    conomiques de la dsertification et sur lanalyse de quelques

    bnfices dactions de lutte contre la dsertification, notamment en

    Afrique. Ce travail danalyse a t fait en 2005-2006 avec lappui de

    lAFD (Constance Corbier) par le Centre dconomie et dthique sur

    lenvironnement et le dveloppement de lUniversit de Versailles

    Saint-Quentin-en-Yvelines (Mlanie Requier-Desjardins, Marc

    Bied-Charreton). Le rapport final a tent de synthtiser les tudes

    disponibles ce jour, notamment ltude ralise pour le Programme

    des Nations Unies pour lenvironnement par Dregne et chou (1992)

    et celles plus rcentes faites pour la Banque mondiale, le Fonds pour

    lenvironnement mondial et le Mcanisme mondial par les quipes

    de L. Berry (2003 et 2006), de G. Bjorklund (2004) et de C. Reij et

    Steeds (2003). Enfin, il prend en compte les tudes dvaluation

    environnementale effectues depuis de nombreuses annes sous

    lgide de la Banque mondiale, notamment par J. Bojo (1996),

    S. Pagiola et al.(2004) et M. Sarraf (2004). Ce rapport a enfin proposplusieurs scnarios de dveloppement (Requier-Desjardins et Bied-

    Charreton, 2006).

    Ce dossier prend en compte les acquis des manifestations

    internationales qui se sont droules en 2006 loccasion de lanne

    internationale des dserts et de la dsertification, en particulier

    ceux du colloque scientifique de juin Tunis sur lavenir des zonesarides organis conjointement par les agences des Nations Unies,coordonn par lOrganisation des Nations Unies pour lducation,

    la science et la culture (UNESCO), lOSS et le ministre tunisien de

    lenvironnement et du dveloppement durable, et ceux du forum

    international Dsertifaction organis en septembre Montpellieret qui a regroup des acteurs de la socit civile et des scientifiques

    venant dune soixantaine de pays.

    Ce dossier tente de synthtiser le savoir-faire sur la question des

    cots conomiques de la dsertification et de poser celle des

    opportunits dinvestissement en zones arides. Il rassemble des

    donnes et des rsultats peu publis et a le grand mrite de poser

    la question de la ncessit de procder la restauration du capitalnaturel avant quil ne soit trop tard, cest--dire avant que les

    ressources naturelles ne soient trop dgrades et que le niveau de

    pauvret ainsi engendr ne soit trop bas.

    Prface

    Denis LoyerResponsable de la Division

    Environnement et ressources naturelles Agence Franaise de Dveloppement

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    Sommaire

    4 propos du capital naturel en zones sches

    7Les valuations des cots macroconomiquesde la dsertification en Afrique

    18Rentabilit et ralits des investissementsdans la lutte contre la dsertification

    32Faut-il investir en zones arides ?

    36Lexique

    38Pour en savoir plus

    40

    Acronymes et abrviationsutiliss dans le texte

    Sommaire

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    propos du capitalnaturel en zones sches

    epuis plus de trente ans, les ressourcesnaturelles des rgions arides se dgradent enraison de laugmentation de la pression deshommes sur leur milieu naturel et de crises

    climatiques comme les scheresses prolonges qui sesont manifestes dans diverses rgions du monde.

    Le capital naturel :

    un ensemble de ressources exploitables

    Cette dgradation du capital naturel entrane unprocessus de dsertification de plusieurs centaines demillions dhectares sur tous les continents et conduit des situations de pauvret de plus en plus graves pourdes centaines de millions de personnes.

    En effet, ces personnes tirent lessentiel de leurs revenusde lexploitation des ressources naturelles : eau, sols etvgtation. Les pays situs dans les zones arides vivent

    surtout de lagriculture et de llevage ; la part due lexploitation de leur capital naturel dans la productionde leur richesse nationale est trs importante. Parailleurs, les cosystmes des rgions arides rendent des

    services qui vont au-del de la simple fourniture de sols,de vgtation, deau et de nutriments pour lagricultureet llevage.

    La dgradation de ces cosystmes est donc dommageableen termes conomiques, sociaux et environnementaux.Prvenir leur dgradation et restaurer le capital natureldgrad devraient figurer au titre des priorits nationales

    et internationales dans le contexte du respect desobjectifs du Millnaire pour le dveloppement adoptsen 2000. En effet, la problmatique de la lutte contre ladgradation des ressources et contre la dsertification serfre clairement aux objectifs Rduire la pauvret et lafaim et Assurer un environnement durable .

    Le chapitre Dsertification de lvaluation descosystmes du Millnaire (MEA) montre que ladgradation des zones arides, semi-arides et sub-humides sches empchera datteindre ces objectifs.Enfin, le rapport intitul Where is the wealth of

    Nations publi par la Banque mondiale (2006) soulignelimportance du capital naturel dans les pays pauvres,en particulier en Afrique. De plus, la plupart des payspauvres sont situs dans les zones arides.

    D

    4 Pourquoi faut-il investir en zones arides ?

    rosion par ruissellementdans la rgion du Sa hel. Burkina Faso.

    R. Fauck IRD

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    Lvaluation des cots conomiques

    de la dgradation et de la dsertification

    Lanalyse des cots de la dsertification a t jusquprsent peu traite. Les mthodes dvaluation enconomie de lenvironnement ont rarement tappliques aux espaces arides et semi-arides. Dunefaon gnrale, ces mthodes se sont avres difficiles

    appliquer sur ces immenses espaces. Lestimationdes pertes conomiques entranes par la dgradationdes terres a dabord t faite pour les surfaces cultives partir de la mesure des pertes moyennes en sols deculture par hectare et par an. Les rendements perdusont t valus en tablissant des liens avec les pertes enazote lies lrosion des sols puis convertis en valeursmontaires. Une bonne modlisation des processusrosifs a t ainsi ralise. Comment peut-on ensuitelutiliser pour passer de lvaluation des services rendusen matire de production agricole lvaluation delensemble des services rendus par ces cosystmes ?

    Des approches plus locales ont conduit considrer lescots de la dsertification en termes de productionsrurales perdues : agriculture, levage et forts. Toutes cesmthodes connaissent des limites comme par exemplela non prise en compte de la multifonctionnalit delespace. Enfin, elles ne traitent gnralement pas deseffets indirects comme lenvasement des barrages enaval, les impacts des nuages de poussires ou les pertesen biodiversit. Comment amliorer la prise en comptedes effets indirects ?

    Pourquoi investir en terres arides ?

    Une meilleure connaissance des cots conomiqueset sociaux peut dboucher sur des argumentaires enfaveur des investissements en terres arides. Mais cetteconnaissance doit tre accompagne dune analyse dela rentabilit des investissements raliss dans la luttecontre la dsertification (LCD). Malheureusement ladocumentation disponible sur ce thme est rare ; il sagitessentiellement de ltude de Reij et Steeds pour le Sahel(2003) et de celle de Hien pour le Burkina Faso (2004).Des informations existent galement dans quelquesrapports de projet, parfois indits.

    Ce dossier tente de montrer que les taux de retourconomique (TRE) doprations de rhabilitation de

    terres sont positifs et encourageants. Ils sont parfoissous-estims : les bnfices socio-institutionnelsne sont par exemple pas pris en compte dans cesvaluations. Faut-il alors amliorer les calculs du TREdans les projets de LCD et comment ? Plus globalement,comment transformer les informations obtenues surles cots conomiques et les taux de retours de certainsprojets raliss en zones arides en argumentaires pour

    accrotre linvestissement dans les rgions sches ?

    Ce dossier prsente les valuations des cots macroconomiques de la dsertification en Afrique, enesquissant un inventaire et en prsentant les principauxrsultats. Pour cela, la notion de dsertification a tlargie celle de dgradation des terres. La secondepartie traite de la rentabilit et des investissements dansla lutte contre la dsertification.

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    propos des objectifs du M illna irepour le dveloppement (OM D)

    Le 8 septembre 2000, laube de lentre dans le 21mesicle, lAssemble Gnrale des Nations Unies a adopt unedclaration appele Objectifs du Millnaire . Elle rappelleles valeurs fondamentales qui doivent guider les relationsinternationales : la libert, lgalit, la solidarit, la tolrance, lerespect de la nature, le partage des responsabilits. Elle fixe les

    six objectifs suivants : Paix, scurit et dsarmement Dveloppement et limination de la pauvret Protger notre environnement commun Droits de lhomme, dmocratie et bonne gouvernance Protger les groupes vulnrables Rpondre aux besoins spciaux de lAfrique

    Et aussi de renforcer lorganisation des Nations Unies.

    La lutte contre la dsertification se situe clairement dans lesobjectifs 2 et 3.

    Pour en savoir plus :

    www.un.org/ french/ millenniumgoals/

    Zoom

    propos du capital naturel en zones sches

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    Sol fortement rod par les averses.Sud du Niger.

    M.-L. Sabri IRD

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    valuation des cosystmes pour le Millnaire(M illenium Ecosystem Assessment, MEA)

    Cette valuation a t demande par le Secrtaire Gnral desNations Unies, Kofi Annan, en 2000. Un secrtariat de cettevaluation a t coordonn par le Programme des Nations Uniespour lenvironnement (PNUE) et quatre groupes de travail ont

    rdig un document final qui a t publi en 2005. Loriginalitde ce document est quil tente de rpondre des questionsnouvelles, par exemple : comment les cosystmes et les servicesquils procurent ont-ils volu ? Quest-ce qui est lorigine deces changements ? Comment ces changements affectent-ils lebien-tre de lhomme ? Comment les cosystmes pourraient-ilschanger dans lavenir ? Quelles sont les options possibles pourrenforcer la conservation des cosystmes et leur contribution aubien-tre de lhomme ?

    Environ deux mille personnes ont contribu cette publicationqui postule que les hommes font partie intgrante descosystmes qui rendent des services indispensables au bien-

    tre de lhumanit : fourniture de ressources non renouvelablescomme les minraux et lnergie fossile, de ressourcesrenouvelables comme leau, le bois, lalimentation ; fourniturede services de rgulation du climat, des rivires, de la qualit deleau ; fourniture de services dordre culturel, esthtique, spirituel,ducatif et de loisir. Ce document prsente des tendances etdes scnarios et cinq rapports additionnels sont consacrs labiodiversit, la dsertification, les zones humides, la sant, lemonde des affaires. Le rapport spcifique sur la dsertificationpeut tre considr comme celui qui fait le point le plus completet le plus rcent sur cette question.

    Pour en savoir plus :www.maweb.org/ en/

    ww w.ecologie.gouv.fr/ evaluation-des-ecosystemes-pour-le.html

    Zoom

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    Les valuationsdes cots macroconomiquesde la dsertification en Afrique

    a dsertification est dfinie par la Conventiondes Nations Unies sur la lutte contre ladsertification (UNCCD, 1994) comme ladgradation des zones arides, semi-arides et

    sub-humides sches par suite de divers facteurs parmilesquels les variations climatiques et les activitshumaines .

    La dsertification en Afrique :

    un problme grave pourtant msestimCette convention, rdige et ratifie en 1994 lasuite du Sommet de Rio, veut attirer lattention surla situation tragique des zones arides, abritant plusdun milliard de personnes parmi les plus pauvres dumonde (Dobie, 2001). Elle insiste dans larticle 7 surla situation de la rgion africaine particulirementtouche aussi bien dun point de vue environnementalque socio-conomique : en effet, 37% des rgionssches menaces se trouvent en Afrique.

    La dserti fication est la fois un problme de dvelop-pement et denvironnement (Cornet, 2002). Cependant,la part de laide publique au dveloppement (APD)consacre au secteur rural des zones sches est endiminution constante depuis 15 ans. En 2005, 5 pourcent de lAPD mondiale taient ddis des oprationsdamnagement des terres dgrades (Berry et al.,2006).

    Lanalyse des cots conomiques de la dsertificationet de la dgradation des terres permettrait de mieuxprendre conscience de lampleur du phnomne enmesurant son impact sur le dveloppement rural etagricole en particulier. Elle pourrait enfin servir laprise de dcision sur lorientation sectorielle de laideau dveloppement.

    Deux familles de mthodes dvaluation des cotsconomiques sont diffrencies dans ce qui suit

    ainsi que leurs principales limites mthodologiques.Puis sont prsents et discuts les rsultats ainsi queleur porte pour le dveloppement rural des rgionssches.

    Lvaluation de lrosion pluvialepar des modles agro-cologiques

    Il existe de nombreux travaux de modlisation desphnomnes drosion qui remontent au dbut desannes soixante. La rfrence en amont de la plupart

    de ces recherches est lquation universelle des pertesen sols (EUPT ou USLE en anglais, Hilborn et Stone,2000). Cette quation permet destimer la perte en terreou le taux annuel moyen drosion long terme sur lapente dun champ : ce taux (exprim en tonnes paracre) rsulte de la configuration des pluies, du type desol, de la topographie, de lassolement et des pratiquesde gestion des cultures.

    LEUPT est donc un modle de prvision et danalysede lrosion qui concerne surtout les sols cultivs. Sesdveloppements sont nombreux, de la formulationdquations alternatives des pertes en sols la

    modlisation des liens entre la perte en sols, la perteen nutriments des sols, et celle en productivit. Lamise en vidence de ces liens permet de calculer le cotconomique de lrosion.

    L

    Les valuations des cots macroconomiques de la dsertification en Afrique

    ! Rpartition des terres sches par continent

    Les zones arides, semi-arides et sub-humides sches,appeles zones sches, se caractrisent par un tauxdvapotranspiration entre 0,05 et 0,65 ; les zones polaireset sub-polaires en sont exclues. Les rgions sches

    reprsentent 40% des terres merges du globe.

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    8 Pourquoi faut-il investir en zones arides ?

    Une mthode util ise au Mali et au Zimbabwe :lquation universelle des pertes en sols

    Au Mali, lEUPT a t utilise en 1989 pour quantifier laperte moyenne en sols de culture par hectare (Bishopet Allen, 1989, cit par Boj, 1996). En utilisant descoefficients de dclin labors sur une base statistiquepour le Niger, on passe de cette perte en sols celle ennutriments*.

    En largissant les rsultats des parcelles lensembledes rgions agricoles du pays, la perte moyenneannuelle en nutriments est obtenue lchellenationale. Celle-ci est ensuite valorise en termesmontaires partir du prix des engrais commerciaux.

    La fourchette annuelle de cette perte, qui va de 2,6 11 millions USD (dollars amricains, 1989), est alorsutilise comme une approximation de la perte macro-conomique lie la dsert ification.

    La mthode conomique utilise dans cet exemplemalien est celle des cots de remplacement, savoirlestimation montaire dune perte en capital naturelpar la valeur du capital artificiel correspondant desfonctions identiques. Sur la question de la pert inence dece type dvaluation conomique ralise directement partir de la perte en nutriments, il y a bien sr dbat.

    De nombreux spcialistes reconnaissent que ces pertessont leves dans les rgions sches en raison depluies rares mais intenses, ce qui contribue fortement

    la baisse de productivit des sols, et par voie deconsquence la dsertification ou la dgradation

    des sols (Craswell et al., 2004). En mme temps, cettemthode conduirait une surestimation des cots dela dgradation des sols (Pagiola et al., 2004).

    Cette mthode a t galement applique auZimbabwe en 1986. Les rsultats des exprimentationsstatistiques ont alors reli les pertes en sols cellesen nutriments pour les deux principaux types desols du pays (Stocking, 1986, cit par Boj, 1996). Lesquatre principaux systmes de production agricoledu Zimbabwe se sont vus ensuite attribuer un tauxdiffrenci drosion, ce qui permet de quantifier lespertes en nutriments une chelle nationale en tenant

    compte de facteurs cologiques et agro-conomiques.Ainsi, la dgradation des terres coterait chaque annequelques 117 millions USD (1986) au Zimbabwe.

    Cependant, pour en revenir au cas du Mali, on peutaussi argumenter que la plupart des surfaces affectespar la dsertif ication sont en fait des pturages naturelsarides, par dfinition non pris en compte par lEUPT etque lestimation des pertes lies la dsertificationpour ce pays, sur la base des pertes en sols de culture,est par consquent largement infrieure la ralit.

    * Les principaux nutriments des sols sont lazote et le phosphore.Dans de nombreux travaux et exprimentations de terrain, seullazote est pris en compte. Carbone, azote et potassium sont lesprincipaux composants de la matire organique des sols.

    Femmes rapportant de leau chez elles.Oudalan. Markoy, Burkina Faso.

    F. Sodter IRD

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    valuation de limpact de la perteen nutriments sur la productivit des sols en thiopie

    Depuis les annes 1980, de nombreuses exprimenta-tions menes en Afrique cherchent comprendre et mieux caractriser les liens entre pertes de nutrimentset pertes de productivit des sols. En thiopie parexemple, lvaluation de limpact de la perte de nutri-ments sur la productivit des sols repose sur la miseen uvre dun protocole dexprimentations concrtesau niveau des exploitations agricoles : le rendementde deux crales principales est tudi en relationavec la quantit dazote dans les sols (Sertsu, 1999, citpar Berry et Olson, 2003a). Les pertes en rendementobserves varient entre 46 et 544 USD par hectare pourle bl et entre 31 et 379 USD par hectare pour le mas, enconsidrant la version basse de limpact de la perte enazote sur la quantit de rcolte lhectare.

    Dautres types de modles sont utiliss pour

    comprendre les relations entre leau, les sols et laproduction agricole, ainsi que pour estimer les cots dela dgradation. En thiopie par exemple, lOrganisationdes Nations Unies pour lalimentation et lagriculture(FAO) a ralis un modle de satisfaction de la demandeen eau des cultures, qui l ie les valeurs pluviomtriquesmensuelles, la capacit de rtention en eau des sols etlvapotranspiration pour connatre les variations derendement des cultures (FAO, 1986 cit par Boj, 1996).Au Zimbabwe, des modles de croissance des plantesont t appliqus lchelle des districts pour mesurerlimpact de lrosion sur le rendement de six cultures

    distinctes (Grohs, 1994 cit par Boj, 1996).

    Des modles drosion des solsde plus en plus complexes

    Globalement, les modles drosion des sols devien-nent de plus en plus labors car ils prennent encompte simultanment les effets des pluies et du ventsur lrosion des sols. Ils mettent galement en relationla profondeur des sols, les pertes de matire organiqueet les pertes en eau des sols ainsi que les organismesprsents dans les sols ou biotes pour obtenir le taux dedclin des rendements des cultures ou fourrages (voirp. ex. Pimentel et al., 1995).

    Plusieurs modles partiels sont souvent coupls pourfavoriser des approches la fois plus fines et pluscompltes du phnomne rosif et de ses impacts.Des combinaisons de modles gnriques et appliquspeuvent tre ainsi trouves (p. ex. pour le Malawi :Banque mondiale, 1992 cit par Boj, 1996). La carto-graphie de lrosion et de lusage des terres lchelle

    des pays permet dextrapoler les rsultats obtenusau niveau des parcelles ou des districts lchellenationale.

    Du point de vue mthodologique, la modlisationpermet finalement destimer les pertes de productionsur un ensemble dannes prdfini et de donnerainsi la dgradation des terres sa valeur annuellemoyenne. Cependant, la plupart des travaux voqusse limitent limpact de la dsertification sur lesrendements de culture, ngligeant ainsi les activitsdlevage et forestires galement affectes par la

    baisse de productivit des sols.

    Les valuations des cots macroconomiques de la dsertification en Afrique 9

    Perte en rendement de deux crales due la perte en azote (N) lie lrosion des sols en thiopieDaprs Sertsu, 1999, cit par Berry et Olson, 2003a.

    CulturePerte en rendement

    (kg) par kg de Nperdu

    Perte en nutriment N (kg/ ha)Rcolte p erdue

    (kg/ ha)

    Ratio de rponse descultures

    Basse Haute Basse Haute

    Mas 9,6 36 429 345 4 120

    Bl 6,9 36 429 248 2 960

    Valeurs montaires des pertes de rendement en crales rsultant de la dgradation des sols en thiopieDaprs Sertsu, 1999 cit par Berry et Olson, 2003a.

    CultureRcolte perdue

    (kg/ ha)Fourchette basse

    Prix du grain (Birr*/ kg) Perte tota le (Birr*)

    Bas Haut Basse Haute

    Mas 345 0,80 9,5 276,0 3 294

    Bl 248 1,60 19 396,8 4 736

    * Le Birr est la monnaie thiopienne. 1 euro = 11.38800 Birr (mars 2007)

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    Les mthodes dva luationen conomie de lenvironnement

    Plusieurs familles de techniques dvaluation des biensenvironnementaux existent. Dans la pratique, trs peu dentreelles sont utilises pour valuer le cot de la dsertification et dela dgradation des terres.

    Lvaluation directe des prfrences rvles sur march relest la plus simple : le changement de productivit donne uneinformation sur la variation de ltat de lenvironnement ; cetteinformation est directement mesurable via les variations deproduction de biens et de services marchands. La valeur dubien environnemental est ici apprcie par sa contribution auxactivits productives des agents conomiques.

    Lvaluation par changement de productivit procde en deuxtapes :! Dtermination des effets physiques dune variation de

    lenvironnement sur lactivit conomique." Mesure de la valeur montaire de la fonction cologiqueendommage.

    Cette valuation est celle utilise dans la quantification des cotsde la dsertification : mesure de la perte agricole, en btail eten bois.

    Aucune parmi les mthodes dvaluation directe sur march-substitut et march fictif, nest utilise pour lvaluation descots de la dsertification. La mthode des cots de transportprsenterait cependant un intrt pour le cas des sites touristiquesdes rgions sches, car elle permet de calculer la perte de

    revenu, par exemple lie dsertification, partir des volutionsde la frquentation de ces sites. Elle traduirait donc aussi unevariation de la valeur dusage du bien environnemental.

    La mthode dvaluation contingente rvle les prfrences desindividus, lesquelles servent de base pour lvaluation des biensenvironnementaux. En pratique, des enqutes sont effectuesauprs des individus en leur demandant de dterminer le montantquils sont prts payer ou recevoir pour garder un mme niveaude bien-tre. Elle offre une possibilit pour lvaluation du cot dela dsertification si on cherche valuer le consentement payer

    partir des efforts consentis par les agents, par exemple en termesde temps de travail plutt que de paiement montaire.

    Toutes ces mthodes se rapportent lanalyse conomiquestandard : elles sappuient sur ltude des comportements desconsommateurs et visent reconstituer une fonction de demandepour le bien naturel considr.

    Les mthodes indirectes attribuent une valeur montaire auxdommages physiques dus la dgradation de lenvironnement.Contrairement aux prcdentes, elles ne se fondent pas sur lecomportement des agents conomiques. La mthode des cots de

    remplacement postule par exemple quil est possible de remplacerdes pertes de fonctions productives du milieu naturel par du capitalartificiel qui permettra de restaurer les fonctions perdues. Le prixde march de ce capital artificiel permet ensuite dattribuer unevaleur la perte environnementale. Cette valuation doit treraliste, cest--dire que la solution de remplacement doit tre lamoins coteuse parmi des solutions alternatives. Cette mthodeest utile lorsque les donnes conomiques et physiques sontdifficiles estimer ou obtenir car le scnario de remplacementest indpendant des prfrences des individus sur les marchs.Par exemple, dans le cas de la dsertification, lorsque les quantitset les variations de nutriments du sol sont connues, il est possibledattribuer une valeur la dgradation des terres en utilisant le prix

    des engrais commerciaux.

    Daprs Bailly et al., 2000 ; Brismar et al., 2004 ;

    Lescuyer, 2005 ; Willinger, 1996.

    Zoom

    valuation directe valuation indirecte

    Prfrences rvles Prfrences exprimes Pas de prfrence

    Sur march rel Sur march-substitut Sur march fictif

    Changementde productivit

    Dpenses de protection Biens substituables

    Prix hdonistes Cots de transport

    valuation contingente Mthode dose-effet Cots

    de remplacement

    Les mthodes dvaluation montaire de lenvironnementDaprs Lescuyer, 2005.

    Pourquoi faut-il investir en zones arides ?10

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    Lvaluat ion des cosystmes du Millnaire (MilleniumEcosystem Assessment, MEA, 2003) dfend aujourdhuiune approche en termes de services rendus parles cosystmes : pour les zones arides, celaconcerne lapprovisionnement en nourriture et enbois, la rgulation de la biodiversit, du cycle desnutriments, la qualit de lair et le climat, la santhumaine, la dtoxication, les services culturels et touris-tiques. De nombreuses institutions parmi lesquelles laBanque mondiale et le PNUE (Programme des NationsUnies pour lenvironnement) travaillent actuellement loprationnalisation de cette approche en utilisantdes mthodes classiques ou innovantes dvaluationconomique (Pagiola et al., 2004 ; Shepherd, 2006).

    Comment la connaissance acquise sur la modlisationdes processus rosifs, traitant principalement desservices rendus en matire dapprovisionnement en

    nourriture et plus marginalement de la rgulation ducycle des nutriments, va-t-elle tre utilise ou amlio-re pour sinscrire dans cette comprhension nouvelledu rle de lenvironnement et dans des valuationsplus compltes des cots de sa dgradation ?

    Les approches spatiales fondes

    sur les usages des terres

    Le deuxime type dapproche pour valuer les cots dela dsertification repose sur une division de lespace

    rural selon ses usages conomiques principaux : leschamps de culture (irrigue et pluviale), les espaces depture pour llevage et les forts essentiellement pourla production de bois et de produits non ligneux.

    En appliquant un taux de dclin la productivitnaturelle de ces espaces, les pertes globales deproduction rurale sont obtenues. Les valuations de

    ces taux de dclin de la productivit dpendent deltat de dsertification observ par des observatoireslocaux de la dsertification ou par des jugementsdexpert.

    Estimation mondiale du cotde la dgradation des terres

    Lunique estimation mondiale du cot de ladsertification divise par exemple les rgions schesen fonction de trois activits rurales principales :lagriculture irrigue, lagriculture pluviale et lespturages (Dregne et Chou, 1992). Dans cette tude,qui date des annes 1990, les forts semblent treconsidres comme des pturages. Les surfacesaffectes sont alors comptabilises par pays partirde donnes issues de lOrganisation des Nations Uniespour lducation, la science et la culture (UNESCO).

    La seconde tape de ce travail consiste valuer lecot de la dsertification par hectare pour chaquetype de terre ou dactivit. Cette valuation rsultede plusieurs tudes micro menes en Australie et auxtats-Unis : la perte en productivit lie au processusde dsertification est globalement estime 40% ;chaque anne, la dgradation cote 7 USD par hectarede pturage, 38 USD par hectare de culture pluviale et250 USD par hectare de culture irrigue. Ces chiffressont ensuite appliqus lensemble des surfacesmondiales dgrades.

    Ainsi, chaque anne, 11 milliards USD sont perdussuite la dsertification des terres irrigues, 8 milliardssuite la dsertification des cultures pluviales et 23milliards suite la dgradation des pturages. La perteconomique annuelle lie la dsertification est alorsde 42 milliards USD (1990). Lactualisation de cettetude reste faire.

    Les valuations des cots macroconomiques de la dsertification en Afrique

    Les surfaces dgrades par type de terres dans le monde et en Afrique (x1 000 ha)Daprs Dregne et Chou, 1992.

    Types de terre Surface totale Surface af fecte par ladgradation

    % des surfaces affectes

    Monde

    Terres irrigues 145 495 43 147 30

    Cultures pluviales 457 737 215 567 47

    Pturages 4 556 420 3 333 465 73

    Tout type de terres 5 159 652 3 592 179 70

    Afrique

    Terres irrigues 10 424 1 902 18

    Cultures pluviales 79 822 48 863 61

    Pturages 1 342 345 995 080 74

    Tout type de terres 1 432 591 1 045 845 73

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    12 Pourquoi faut-il investir en zones arides ?

    Estimation du cot de la dgradation des terresmarocaines par la Banque mondiale

    Parmi les rapports de la Banque mondiale ralissen 2003 sur lvaluation des cots de la dgradationenvironnementale dans les pays du MENA (MiddleEast and North Africa), ltude mene sur le Marocadopte une approche un peu similaire la prcdente :cultures, pturages et forts sont distingus et lessurfaces correspondantes soumises dsertificationsont values. Pour les cultures et les pturages, deuxtats de dsertification sont diffrencis et assortisde deux taux de dclin de productivit bass sur des jugements dexperts.

    Estimation de la dgradation des terresde culture pluviale au Maroc

    ha : hectare qx : quintaux USD : dollars amricains

    Dh : dirhams, monnaie marocaine, 1 euro = 11,198 Dh (mai 2007)Daprs Banque mondiale, 2003a.

    Limitebasse

    Limitehaute

    rosion modre 25% 50%

    Surfaces cultives dgrades(1 000 ha)

    2 175 4 350

    Dclin de productivit 20% 20%

    Dclin des rendements (qx/ ha) 2 2

    Production perdue (1 0 00 qx ) 4 350 8 700

    Valeur perdue(millions Dirham [Dh])

    130 260

    Valeur perdue (millions USD) 13,7 27,3

    rosion lgre 50% 100%

    Surfaces cultives dgrades(1 000 ha)

    4 350 8 700

    Dclin de productivit 5% 5%

    Dclin des rendements (qx/ ha) 0,5 0,5

    Production perdue (1 0 00 qx ) 2 175 4 350

    Valeur perdue (millions Dh) 65 130

    Valeur perdue (millions USD) ?? ??

    M oyenne (millions Dh) 97,5 195

    Moyenne (millions USD) 10,2 21,5

    La perte issue des espaces forestiers brls est obtenueen sommant la perte moyenne en bois et celle enproduits forestiers non ligneux drive dune estimationmoyenne mondiale par hectare (Banque mondiale,2003a). Les prix au producteur du bois, du bl et de

    lorge permettent de valoriser en termes montaires lesquantits annuelles de production perdues.

    Des estimations bases sur la seule fournituredaliments ou de bois par les terres

    Dans de nombreux pays, le manque de donnes, quellessoient dissmines dans diverses institutions ousimplement indisponibles, empche souvent de raliserde telles valuations des cots de la dsertification et dela dgradation des terres. Des combinaisons diverses dedonnes environnementales et agro-conomiques sontalors observables : en Tunisie, les valuations nationalesdes surfaces en terres perdues chaque anne distinguent

    les surfaces irrigues de celles en culture pluviale ; ilest alors possible de calculer la perte conomique encrales partir des rendements moyens de ces terres etdu prix international du bl (Banque mondiale, 2003b). Au Rwanda, lvaluation de la dgradation des terressappuie sur le calcul de la baisse de la productivitpar tte entre 1982 et 1994 pour les crales et lestubercules, obtenue par le croisement de recherchesmicro et de donnes nationales sur les types et lesquantits de production agricole entre 1966 et 1986. Enfaisant lhypothse que cette baisse de productivit estlie la dgradation des terres, la production cralire

    moyenne perdue annuellement est estime, puis savaleur montaire (Berry et Olson, 2003b).

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    13Les valuations des cots macroconomiques de la dsertification en Afrique

    Ces valuations, fondes sur une approche spatiale,considrent principalement les cots de la dsertificationen termes de production rurale perdue (agriculture,levage et fort). Rapportes lapproche dveloppepar lvaluation des cosystmes du Millnaire entermes de services rendus par les cosystmes, ellesse limitent uniquement lvaluation des servicesdapprovisionnement en nourriture et en bois.

    Les limites des estimations

    et la non prise en compte des effets indirects

    Des limites internes :chelles temporelles et spatiales

    La plupart des valuations sont bases sur une priodede rfrence et utilisent des sries de donnes surdes temps longs. Cela permet de limiter limpactdvnements conjoncturels, un critre fondamentaldans le cas des rgions sches o la pluviomtrieconnat une forte variabilit. Cependant, la valeurannuelle finale dpend toujours de la priode de temps

    choisie comme rfrence : pour la rgion du Sahelpar exemple, les estimations bases sur la priode

    1970-1985 fourniront des cots annuels de ladsertif ication probablement suprieurs ceux calculssur la priode 1990-2003 en raison de la priodicit desvariations pluviomtriques.

    Toutes les mthodes rencontres font lhypothseque des donnes obtenues une chelle micro etsur la base dexprimentations locales peuvent treextrapoles. Elles servent de base des modlisationsreprsentatives des principaux types de terres et modesdexploitations agricoles, dont les rsultats sont ensuiteagrgs au niveau national. Elles peuvent aussi dfinirdes taux moyens annuels de dclin de la productiviten fonction des activits conomiques considres.Les cots rsultant des deux types de mthodes sontgnralement des cots bruts car ladaptation effectivedes populations rurales la dgradation des terres, parexemple par des techniques de conservation des eaux et

    des sols, nest pas prise en compte.

    Des limites externes : non prise en comptede la mult ifonctionnalit de lespace

    La pluriactivit des populations rurales en fonctiondes saisons est de rigueur dans de nombreuses rgionssches. La limite principale des approches spatialesest quelles ne parviennent pas prendre en comptecette multifonctionnalit de lespace dans lvaluationdes cots de la dsertification : dans ces approches, lessurfaces rurales sont en effet divises selon lactivit

    dominante. Quant aux modles drosion, ils valuentprincipalement la dgradation des sols de culture etparfois celle de systmes agropastoraux intgrs. Maisils ne sappliquent pas aux zones de pturages naturelsqui constituent lessentiel des rgions arides.

    Les cots de la dsertification exprims en valeurmontaire sont aussi trs dpendants du prix descrales de rfrence. Ces prix peuvent varier dusimple au double dune anne sur lautre, et desamplitudes plus fortes sont constates au cours dunemme anne. De plus, ils diffrent dans les villes etdans les campagnes, et sils sont considrs lchelle

    dun producteur ou celle des cours internationaux.Cest pourquoi certaines valuations travaillent surdes intervalles de cots, en prenant la fois en compteles cours au plus bas et les cours au plus haut observspour les mmes crales.

    Ces valuations font appel aux services de la tl-dtection ou aux bases de donnes nationales surlvolution de la dgradation, sur les usages des terres etsur les productions rurales. Lhtrognit des donnesdisponibles selon les pays conduit, dans de nombreuxcas et de faon pragmatique, recourir des mthodes

    dvaluation distinctes, dont les rsultats sembleront apriori difficilement comparables entre eux.

    Culture du riz en terrasse Madagascar.Une paysanne ramasse les jeunes

    plants pour tre repiqus.M.-N. Favier IRD

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    14 Pourquoi faut-il investir en zones arides ?

    La question des effets indir ects

    La majorit des valuations ne traite que des effetsdirects de la dsertification et de la dgradation desterres. Sont rarement valus : lenvasement des barrageset les pertes consquentes en eau et en lectricit, lavariation de la production de pche et les perturbationsde la navigation dans les cours deau, les impacts desnuages de poussires sur les transports ariens et sur lasant humaine, ou un niveau plus global, les pertes encarbone et en biodiversit rsultant de la dserti ficationet de la dgradation des terres.

    Le Maroc et la Tunisie estiment cependant les cotsde lenvasement des barrages : la quantit deauperdue chaque anne est traduite en quantit perduedlectricit (KWh) ou bien deau industrielle etdomestique, lesquelles sont valorises partir des

    prix courants. Les cots indirects de la dsertificationreprsentent 0,06 pour cent du PIB (produit intrieurbrut) en Tunisie et 0,03 pour cent au Maroc.

    Des rsultats sous-estims

    En considrant la plupart des limites voquesauparavant, les rsultats sont largement sous-estims.

    Les rsultats nationaux sont donns en pourcentagedu PIB pour les pays dAfrique du Nord. Pour lAfriquesub-saharienne, les cots de la dgradation des terres

    sont prsents en pourcentage du PIB agricole (PIBA)compte tenu de limportance du secteur primaire dansces pays (le PIBA peut reprsenter jusqu 40% du PIBcomme cest le cas au Niger).

    Concernant les pays dAfrique du Nord, les cots dela dsertification sont loquents : compte tenu de lapart des ressources en ptrole et gaz naturel dans lePIB de lAlgrie, le pourcentage obtenu sur les cots dela dsertification souligne la gravit du phnomne.Le pourcentage gyptien est mettre en relation avec

    limportance des surfaces irrigues dans ce pays, parexemple dans la valle du Nil et avec les problmes desalinisation de ces terres.

    Dans les pays sub-sahariens, les pertes conomiquesdues la dgradation des terres sont comprises entre1 et 10 pour cent du PIB agricole. Il semble difficile deconclure a priori sur ces rsultats dans la mesure o ilsne semblent pas lis la nature des mthodes util ises.Cependant, les pourcentages les plus bas correspondentaux tudes qui nvaluent que la perte agricole, ce quiva dans le sens dune certaine cohrence. Ensuite,on peut aussi souligner que malgr la diversit des

    mthodes, on obtient des rsultats souvent contenusdans un intervalle significatif, de 3 5 pour cent duPIB agricole. Enfin, ces rsultats peuvent tre mis enrelation avec la croissance annuelle agricole des paysconsidrs : brivement, on peut argumenter que lecot annuel de la dgradation des terres dans les paysdAfrique sub-saharienne est plus ou moins quivalent leur croissance agricole moyenne. Ce qui questionnela ralit du dveloppement rural de ces pays, la foisimmdiat et dans une perspective plus durable*.

    * Sur le fond, cette remarque sapplique aussi la croissance agricoledes pays du Nord. Faudrait-il alors sorienter vers un renouveau

    gnral des comptabilits publiques incluant les revers cologiquesdes acquis conomiques ou de laccroissement des productions ?

    Route coupe par les eaux, Cette photographiea t prise durant lhiver 2003, anne

    pluviomtrie suprieure la moyenne.Nord Tunisie.

    J.-F. Richard

    Le cot de la dsertification pour quatrepays dAfrique du Nord en 2003

    (en pourcentage du PIB)Daprs Sarraf, 2004.

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    15Les valuations des cots macroconomiques de la dsertification en Afrique

    Cots annuels de la dgradation des terres lchelle mondialeet pour neuf pays dAfrique sub-saharienne

    (pourcentage du PIB agricole et valeur absolue)M : millions PIBA : PIB agricole

    Daprs Boj J., 1996 ; Berry et Olson, 2003 a et b.

    Pay s, sourceanne

    Type deperte

    Cot(/ PIBA)

    Cot annuel(valeur

    absolue)Principaux lments mthodologiques

    MondeDregne(1992)

    Agriculturelevage

    _ 42 milliardsUSD

    (USD 90)

    tendue spatiale de la dsertification, cot du dclin de laproductivit par ha

    RwandaBerry et Olson(2003)

    Agriculture 3 ,5 % 2 3 M USD(USD 2003)

    Sries sur les productions agricoles, perte de productivit par tte

    thiopieBerry et Olson(2003)

    Boj & Cassels (1994)

    Sutcliffe (1993)

    FAO (1986)

    Agriculturelevage

    Fort

    idem

    idem

    Agriculture

    4%

    4%

    5%

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    Le sorgho rassembl en gerbe est emmen

    dans les greniers familia ux pa r les hommeset les femmes. En pays bassari, Sngal.O. Barrire IRD

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    18 Pourquoi faut-il investir en zones arides ?

    Rentabilit et ralitsdes investissementsdans la luttecontre la dsertification

    es investissements de projets engags dans laLCD concernent des oprations de rhabilitationdes terres, cest--dire de rtablissement dufonctionnement des cosystmes et des services

    qui en dpendent (rsilience et productivit). Ils sediffrencient donc de la restauration cologique qui vise rtablir une intgrit ou une authenticit cologique.

    Ils se distinguent aussi de la raffectation qui dsignela transformation dun paysage par le choix dun nouvelusage. Ces deux derniers types dinvestissement peuventtre plus coteux que la rhabilitation, avec des impactset des bnfices diffrencis (Aronson et al., 1995). Laplupart des projets de dveloppement sintressent aurendement ex ante des plans daction quils proposent. Lecalcul de ce rendement sert la fois planifier le projet et en justifier la mise en uvre par lannonce de retoursconsquents et bnficiant aux populations locales.Cependant, les rsultats effectivement obtenus par cesprojets diffrent en gnral de ceux annoncs car leur

    mise en uvre est tributaire de leurs contextes locaux,nationaux ou internationaux difficiles prvoir.

    Le taux de retour conomique ex post (TRE) des projetsde LCD est intressant car il fonde la russite effectivedu projet ou la rentabilit de linvestissement ralis. Unsecond indicateur chiffr vient complter le TRE afin demieux dcrire les contraintes des producteurs : il sagitdu dlai de retour conomique sur investissements,calcul pour plusieurs techniques de conservation deseaux et des sols (CES) partir de donnes de projets auBurkina Faso.

    Les conditions dun taux de retour conomique positif

    Mode de calcul du TRE des projetsde LCD et les difficults rencontres

    La rfrence sur ces travaux est celle de Reij et Steedsqui ont ralis en 2003 une valuation de 12 projetsde dveloppement agricole et de lutte anti-rosive enrgions sches africaines (pluviomtrie comprise entre200 et 800 mm par an). Ces projets ont t financs etmis en uvre par la coopration internationale, par

    les gouvernements africains et par des populationsbnficiaires : ce sont principalement des projets de

    CES (za, digues, cordons pierreux), dirrigation ainsique des oprations de reboisement. Leur taux de retour

    dpasse 10 pour cent.Lvalua tion du taux de retour conomique compareune situation initia le (ou sans projet) avec la situation avecprojet. Ltude de la rentabilit se limite gnralement une apprhension locale des bnfices engendrs, elle-mme rduite aux aspects mesurables de ces bnfices,cest--dire principalement aux variations de rendementdes cultures ou celle de la production de bois dansle cas des oprations de reboisement. Ces quantitssont ensuite multiplies par les prix correspondants.La valorisation conomique des gains obtenus est enfinrapporte au cot des projets comme suit :

    Taux de retour conomique = (bnfices / cots) x 100

    Il est important de souligner que la dure des projetsest un critre essentiel pour la validit des oprationsdvaluation. Dune part, il est difficile de calculer lesbnfices dun projet de court terme car les variationsde productivit des terres des rgions sches sonttributaires de lala pluviomtrique ; un relev sur unecourte priode ne permet donc pas de diffrencier

    simplement les effets dun projet de LCD du contexteclimatique dans lequel il intervient.

    L

    Creusement de demi-lunesP. Burger CARI

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    19Rentabilit et ralits des investissements dans la lutte contre la dsertification

    Dautre part, la raction du milieu naturel auxtechniques de rhabilitation nest optimale quau bout

    de plusieurs annes, voire dune dcennie et plus.Mme si des effets positifs immdiats sont recenssds les premires annes par les producteurs ruraux,lensemble des bnfices issus des amliorationscologiques lchelle dun cosystme nest mesurableque dans la moyenne et longue dure. Les valuationsde projets sur trois cinq annes ne prendront alors encompte que la portion congrue des retours potentiels.

    Quatre exemples russisde projets adaptatifs et concerts

    travers lanalyse des quatre projets prsents dans

    le tableau ci-dessous, lvaluation des bnficesde la LCD travers le calcul des TRE repose surlaccroissement des rendements, sur les gains dunediversification agricole vers des cultures plus forte

    valeur ajoute et sur ceux dune production planifiede bois. Cependant, les facteurs de russite sont avant

    tout contextuels : cest la rappropriation des projetspar les populations locales au Niger et au Nigeria quiconstitue le ferment de leur russite, ou encore lacapacit de ces projets permettre lmergence dunedemande sociale compatible avec leurs objectifs et sy adapter.

    Dans un cas, le changement dorientation du projet etsa russite sappuient sur un change dexpriencesentre producteurs africains de pays diffrents. Dansles deux cas, les acteurs locaux crent ou intgrentun march, ce qui contribue au succs des projets :valorisation des techniques de LCD par la cration

    dun march local des terres rhabilites au Niger etintgration lconomie marachre rgionale pour lenord du Nigeria.

    Taux de retour ex post de quatre projets de LCDDaprs Reij et Steeds, 2003.

    Projets Pays Dure Taux de retour

    CES (eau, za ) Niger 1988-1995 20%

    Petite irrigation (pompes individuelles) Nigeria, Kano 1975 - ? 38%

    Gestion de fort communautaire Tanzanie 1992-1999 12%Office du N iger, riziculture gra nde chelle Mali >25 annes 30%

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    20 Pourquoi faut-il investir en zones arides ?

    1. Conservation des solset des eaux au Niger, district dIllela

    Ce projet a pour objectif de promouvoir des techniques de captage de leau par la construction de banquettes en courbesde niveau et de demi-lunes. Au dpart, laccueil des populationsest plutt hostile, il ny a pas de recours une machinerie lourdeni au systme des rations alimentaires pour la rmunration dutravail, ce qui tait la rgle auparavant dans la rgion.

    En 1989, le projet organise des changes avec la rgion du

    Yatenga au Burkina Faso, rgion o les terres sont rhabilitespar la technique du za. Lemprunt et ladoption au Niger de cettetechnique promue par les agriculteurs nigriens aprs leur visite auBurkina Faso, sont alors soutenus par ce projet.

    En 1998, 9 000 ha de terres dgrades ont t traits, soit 15%des surfaces cultives de la zone daction du projet. Lanalyse cot-avantage compare les rendements sur les terres traites et nontraites : Le cot total de la rhabilitation est de 250 USD/ ha : il faut

    compter 40 60 jours de travail par ha, plus la production et letransport du fumier et du compost.

    Les bnfices sont de 65 USD/ ha et par an. Le taux de retour conomique de ce projet est de 20%.

    2. Irrigation petite chelle au Nigeria,pompage de nappes superficielles

    partir du milieu des annes 70, des projets de dveloppementagricole sont initis au nord du Nigeria, pour accrotre laproduction par lirrigation, par lutilisation de fertilisants et par laconstruction d infrastructures (routes notamment). La distribution depompes carburant individuelles permet aux exploitants de capterleau des puits pour lirrigation.

    Dans lensemble, ces projets sont des checs, excepts pour

    ceux situs au fond des valles, o se dveloppent des culturesde saison sche et marachres (oignons, tomates, ail) grce lirrigation. Le taux de retour du projet de ltat de Kano est parexemple estim 38%*.

    Daprs Reij et Steeds, 2003.

    * Seul le cot dextraction de leau est pris en compte. Aucune valuationdu prix de leau souterraine nexiste, notre connaissance, en milieu ruralafricain.

    Exemple

    Demi-lunes en eauP. Burger CARI

    Deux projets russis gr ce leur ra ppropria tion pa r les populations locales

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    La mise en uvre russie dune dcentralisationde la gestion des ressources naturelles ainsi que laresponsabilisation des producteurs qui en dcoule,expliquent le TRE positif du projet tanzanien et duprojet malien de lexemple ci-contre. En effet : La participation des populations locales sur le projet

    tanzanien conditionne la russite. La dcentralisation de la gestion des primtres

    irrigus, et donc des tours deau, fonde la russite duprojet de lOffice du Niger.

    On ignore dans lexemple tanzanien comment lesbnfices des plantations sont redistribus auxpopulations. La rhabilitation des espaces communsest gnralement un chec en raison dune absence

    de dfinition ou de respect des droits dusage desressources. Mais dans un contexte de dsertificationet de rarfaction du bois, lassurance dune sourcergulire dapprovisionnement en bois ou de revenusupplmentaire, peut aider lorganisation communeet au respect de pratiques dentretien et de valorisationde lespace forestier (mise en dfens, surveillance,nettoyage, partage du bois mort, etc.).

    Ces taux de retour conomique positifs paraissenttributaires des conditions sociales et inst itutionnellesde la mise en uvre de ces projets.

    Les limites des valuations du TRE

    Le TRE est un indicateur intressant puisquil permetde convaincre, chiffre lappui, de la rentabilit desinvestissements de LCD. Est-il possible de lutiliserdans le cas des projets de courte dure qui fontlessentiel des investissements actuels de cooprationen matire de LCD ?

    Les bnfices cologiques potentiels de nombreusestechniques de LCD sont connus de longue date. LeTRE permet lvaluation de ces techniques dans des

    contextes socio-conomiques diffrencis : associ une analyse contextuelle, il permet de comprendre lesfacteurs de la rentabilit des projets. Ladquation desprojets une demande sociale, laccs des bnficia iresaux opportunits de march et une dcentralisationparticipative de la gestion des ressources naturelles auniveau local, semblent tre trois des critres cls de larentabilit des projets (peu de travaux oprationnelsexistent ce jour sur la demande sociale dans lesactions de dveloppement). Reij et Steeds (2003)recommandent de ne pas faire dpendre les projetsdes seuls services publics et de mieux connatre les

    institutions locales prives et publiques pour identifierles prestataires de service adquats.

    Rentabilit et ralits des investissements dans la lutte contre la dsertification

    Deux projets russis grce unedcentralisation participativede la gestion des ressources naturelles

    1. La gestion communautaire des forts en Tanzanie

    Entre 1992 et 1999, un projet de gestion conjointe de 13 000 hade fort est mis en place par les autorits gouvernementales et lescommunauts villageoises dune rgion de Tanzanie. Il a eu pourrsultats la diminution notoire de lexploitation illgale du bois,la plantation darbres et la construction de fours amliors. Lesbnfices sont calculs sur les bases suivantes : Plantation de 9 millions darbres sur 3 500 ha de terres, avec

    un rendement de bois de feu de 400 m3 par ha (trois rotationsde 7 ans).

    Une utilisation de bois rduite de 50%, soit une conomie de9 600 tonnes de bois par an, pour une consommation de 5 kg

    par jour.

    Le taux de rendement conomique de ce projet est estim 12%.

    2 . LOffice du

    Niger au Mali

    LOffice du Niger estun des projets les plusimportants en matiredirrigation en Afrique

    sub-saharienne.En 1980, 50 000 hade terres irrigues ontun rendement en rizde 1,5 tonnes lhectare. Le systme dorganisation est tatiqueet centralis avec peu de maintenance et une gestion inefficacede leau.

    partir de 1986, une rforme de dcentralisation du systmede gestion des terrains irrigus a lieu : des comits de gestioncomposs dagriculteurs sont crs pour la gestion des toursdeau ; les agriculteurs sont lis ces comits par des contrats deperformance :

    Les rendements passent de 1,5 5,5 tonnes l ha. Laproduction atteint alors 300 000 tonnes.

    Il y a une diversification des revenus par l introduction decultures de saison sche comme loignon (70 000 tonnesproduites en 1999).

    La collecte des taxes sur leau passe de 60% 97%. 30 00 0 ha de terres irrigues sont rhabilits et 30 000 autres

    hectares sont irrigus. Le revenu net du riz augmente de 450 1 000 USD lha dans

    les zones rhabilites.

    Le taux de retour li cette rforme est de 30%.

    Daprs Reij et Steeds, 2003.

    DeuxExemple

    21

    Champs de terrerapporte irrigus. Mali.J. Laure IRD

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    Dans les exemples proposs, les projets valusconcernent des activits de CES ou dirrigation dans deschamps de cultures et des reboisements. Ils mettent enuvre des techniques traditionnelles de LCD *.

    Toutefois, les projets pastoraux sont absents de cesestimations chiffres**. Il est en effet difficile de calculerleur TRE : les relevs cologiques sur les pturages desdiffrentes zones de transhumance et ceux vtrinairessur la productivit des troupeaux transhumants sontlourds et coteux mettre en uvre (Bonnet et al.,2004). Les bnfices de techniques plus novatrices deLCD, comme le semis direct sur couverture vgtalepermanente dans les projets dagrocologie, ne sontpas encore estims : les donnes relles sont encoretrop rcentes pour le calcul dun TRE reprsentatif.Les externalits positives de lagrocologie, commela capacit stocker le carbone et amliorer la

    biodiversit, sont importantes et reconnues (Raunet etNaudin, 2006). Elles sont parfois chiffres. Un calculraliste du TRE devrait les prendre en compte. Enfin,le TRE ne donne pas dinformations sur laprs projet.Dans de nombreux cas, larrt du projet signifie larrtdes amnagements proposs. Cependant, lchelledune gnration, les projets ont des effets importantssur la socit locale.

    * Ces techniques sont : mcaniques : za, demi-lunes, cordons pierreux,diguettes en terre, digues filtrantes ; biologiques : paillage et mise en dfens ; agroforestires : reboisements, vgtation ligneuse, bandesenherbes, tapis herbacs, brise-vents et haies vives.

    ** La plupart des projets dlevage ont impos aux troupeaux et auxleveurs une sdentarit inadapte la variabilit climatique desrgions sches. Ils se sont solds par des checs. Mais le discours achang depuis quinze ans et de nouveaux projets tentent prsentdorganiser la mobilit pastorale.

    22 Pourquoi faut-il investir en zones arides ?

    Les bnfices issus des techniquesde CES pour le dveloppement rural,Platea u centra l du Burkina Faso

    Entre 1975 et 1985, 25% de la population de la rgion du centredu Burkina, la plus dgrade et la plus densment peuple (100hab/ km) migre vers des zones plus humides ; les rendementsagricoles chutent 400-500 kg par ha et le niveau des nappesphratiques baisse galement. partir de 1986, trois projets de

    rhabilitation environnementale et dintensification agricole, dunedure de 10 15 ans, permettent lamnagement de 101 000 ha,soit 35 40% des surfaces cultives de 7 provinces. Les projets sesont appuys sur les groupements villageois qui reprsentent 30%de la population cible (soit 120 000 personnes).

    Points forts dans les villages

    qui ont une longue exprience de ces techniques

    1. La rduction de la pauvret et lamlioration de la scuritalimentaire sont sensibles.2. La rduction de lexode rural dcoule dune hausse desrendements de 50% et de la rduction des surfaces cultives parhabitant.

    3. Lapparition de surplus de production permet la constitutionde revenus supplmentaires parfois thsauriss sous la forme debtail.4. Une meilleure intgration des activits agricoles et dlevage etune diversification des systmes de production : rapparition decertaines cultures commerciales et de rente (nib et ssame).5. Le dveloppement de sources collatrales de revenus : marchdu travail pour le creusage de trous (za), march de fumureorganique, location dquipements de transport. Ces nouvellesactivits contribuent lamlioration des revenus agricoles de 25 30%.6. La hausse du revenu des femmes qui bnficient des CES ; la

    baisse de leurs temps de corve (eau et bois) suite la remontedes nappes phratiques et au reboisement.

    7. La constitution dune lite de paysans.Parmi les critres de russite, i l faut aussi mentionner la rfection deroutes principales permettant le commerce. Dans les villages o lesmthodes de CES nont pas eu lieu, les tendances lamliorationnont pas ou peu t constates.

    Points faib les

    1. Les amnagements de CES requirent une organisation et deschoix collectifs, en particulier parce quils ncessitent dtre mis enuvre lchelle du bassin versant.2. On observe la dgradation continue des surfaces collectives,

    la faible diffusion des techniques, voire labsence dentretien desamnagements raliss.3. Les projets se sont appuys sur une approche participative enpassant par des groupements de producteurs souvent constitusdepuis plus dune gnration.4. La reprsentativit de ces groupements pose question car cetteapproche participative ne permet pas dviter la marginalisationde certains groupes.5. Les disparits socio-conomiques se sont accrues : exclusionet appauvrissement de ceux qui ne peuvent pas entretenir lesamnagements raliss (cots des intrants et absence de mainduvre suffisante) dune part et enrichissement des bnficiaires

    dautre part.Daprs Hien et al., 2004.

    Exemple

    Cordons pierreux.

    CARI

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    Le rle des facteurs institutionnels et sociaux

    Les indicateurs privilgis dans ltude de Reij et Steeds(2003) concernent principalement laccroissement desrendements agricoles et lamlioration de la scuritalimentaire. Ce sont les objectifs prioritaires classiquesde lutte contre la dsertification, adapts la situationdes rgions sches : soulager la pauvret et accrotredurablement les niveaux de vie. Cependant, au vu desdeux projets rcents de LCD, des critres plus sociauxpourraient tre inclus dans le calcul du TRE, comme parexemple lestimation des bnfices gnrs par la baisse

    des conflits locaux sur les ressources pour dfendre larentabilit de ces projets.

    Dautres critres plus rgionaux ou globaux (migrations,eau, biodiversit, changement climatique) pourraient tregalement avancs et intgrs ces calculs. Ils placeraientla dsertification dans une perspective mondiale.

    Deux projets de LCDaux bnfices socio-institutionnels

    Trois caractristiques fondent lvolution de la

    situation environnementale dans la plupart des paysdAfrique :

    Lextension des superficies cultives (au dtrimentdes espaces pastoraux)

    La dgradation gnrale de la fertilit et la modi-fication des cosystmes

    La recrudescence des conflits autour de la gestiondes ressources naturelles

    Deux projets de longue dure portant lun sur lagestion des ressources naturelles au nord du BurkinaFaso (projet PSB Sahel) et lautre sur la mobilitpastorale au Tchad (projet pastoral Almy Baham)

    sappuient sur la gestion dcentralise des ressourcesnaturelles et le dveloppement local pour promouvoirla LCD. Ils prsentent des points communs dans lamthodologie adopte : Ils identifient les ressources fondamentales aux

    dif frentes activits rurales. Ils recensent les modes et temps dappropriation et

    dusage de ces ressources par des groupes sociauxdiffrencis.

    Sur la base de ces informations, ils construisentdes cadres de concertation pour dfinir des usagesdurables des ressources rhabilites, en valorisant

    les modes traditionnels de la prise de dcision surles ressources.

    Rentabilit et ralits des investissements dans la lutte contre la dsertification

    Parcelle gre en SCV. Coton sur couverture detige de sorgho et de Crotalaria retusa (crotalaire),

    village de Mambang, Nord Cameroun. K. Naudin

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    Pourquoi faut-il investir en zones arides ?24

    Deux pro jets de LCDau volet institutionnel central

    Le PSB-Sahel (1989-2004), Burkina Faso

    Le Programme Sahel Burkinab (PSB) est un projet de luttecontre la dsertification implant au nord du pays et ax sur laresponsabilisation des populations dans la gestion des ressources

    naturelles. Il a mis en place des : appuis institutionnels : dfinition et mise en uvre de conventionslocales denvironnement ;

    amnagements CES : 20 787 ha (za, demi-lunes, bandesenherbes, compostage, paillage, reforestation, cordons etdigues) ;

    formations / alphabtisation ; appuis aux initiatives socio-conomiques des populations

    (infrastructures communautaires socio-conomiques et hydrau-liques, crdits aux activits lucratives) ;

    infrastructures sanitaires et ducatives.

    Des rsultats :

    Doublement des rendements des cultures et fourragers deszones traites

    Variation de la charge pastorale consquente Taux de recouvrement en hausse Retour de la biodiversit Adoption croissante de ces techniques par les populations

    locales Chute de 75% des conflits lis la gestion des ressources

    naturelles

    Mais les donnes quantitatives sur lamlioration des conditionsde vie, sur la valorisation conomique des gains en rendement ne

    sont pas disponibles.

    Le projet pastoral Almy Baham au Tchad (1995-200x)

    Il sagit dun projet de maillage dune zone pastorale enamnagements hydrauliques afin daccrotre la fluidit dela transhumance et viter le surpturage. tendue spatiale :300 00 0 km ; ouvrages hydrauliques : 400 puits et mares(cration et rparation) ; cheptel concern : 3,7 millions dUBT

    (Unit Btail Tropical) ; population concerne : 150 000leveurs.

    Lide directrice est dassurer une meilleure rpartition du btailtranshumant sur le territoire partir dun maillage hydraulique ochaque ralisation reste de faible capacit (infrieure 7 000 m3)afin de limiter la pression pastorale et dviter l installation agricolesur chaque zone. Ces ouvrages ont des fonctions diffrentes ethirarchises : ouverture de nouveaux pturages, scurisationdes axes de transport et des routes caravanires, retardementet diversion des troupeaux lors de la descente vers les zones desaison sche (moment des rcoltes) et de la remonte (moment dessemailles), protection des berges cultives.

    Le dispositif dintervention du projet comporte deux volets : Un volet pastoral (levage) qui accompagne les ngociations

    locales pour limplantation des points deau et la gestion desouvrages et des ressources par les usagers ; il inclut le travail dereconnaissance des pistes de balisage.

    Un volet hydraulique qui assure les tudes techniques, lespassations de march et qui contrle les travaux excuts pardes entreprises (ouvrages hydrauliques et balises). Lorganisationtraditionnelle des tours deau est faite par le gestionnaire depoints deau , souvent le chef de village ou de la fraction la plusancienne frquenter les lieux.

    Daprs Dabir, 2004 ; Bonnet et al., 2004 ; Jouve et al., 2002.

    Exemple

    Dans le cas du PSB-Sahel, la mise en uvre deconventions locales denvironnement collectivementngocies a permis une baisse de 75 pour cent desconfl its lis aux ressources. Ladministration gre moinsde 20 pour cent des conflits rsiduels, ce qui permet unediminution jusqu 90 pour cent des dpenses lies auxrglements des litiges.

    Le projet Almy Baham sest appuy en priorit sur lesgestionnaires traditionnels des ressources en eau : aucunconflit na eu lieu lors de la mise en place des comitsde gestion des ouvrages (comits de gestion paritairesdes points deau et de commissions prfectoralespour la dlimitation des axes de transhumance) et lascurisation des circuits de dplacement est relle.

    La mise en place russie de techniques de LCD requiertdonc une vision plus intgre du dveloppement local. Lecalcul du taux de retour de tels projets pourrait prendreen compte les bnfices lis la baisse ou labsencede conflits sur les ressources. Ces investissements dansla mise en uvre des dispositifs de concertation surla gestion des ressources contribuent au succs destechniques de LCD mises en uvre *.

    * Les rserves mises tiennent au fait que le contexte juridiquedu pays ne reconnat pas les institutions locales de gestion desressources naturelles et de dveloppement local mises en uvre parles projets.

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    25Rentabilit et ralits des investissements dans la lutte contre la dsertification

    Une sous-estimation des bnfices

    En prenant en compte lensemble des lmentsdvelopps prcdemment, les bnfices servant debase au calcul du TRE des projets de LCD peuvent trenotablement largis.

    De faon gnrale, les bnfices sociaux etenvironnementaux ne sont jamais ou trs peu pris encompte dans lvaluation chiffre des projets. Troistypes de bnfices semblent cependant relativementsimples obtenir : Les bnfices de la diminution des conflits sur lesressources naturelles. Les bnfices du stockage de carbone ds que lestaux moyens de stockage peuvent tre connus.

    Les bnfices de la stabilisation des populations,bien que la mthode par les cots dopportunit soitrfutable*.

    Il ressort in fine que les TRE des projets de LCD russissont sous-valus. Une meilleure prise en compte deleurs bnfices se heurte linsuffisa nce des mthodesdisponibles et leur cot de mise en uvre.

    * Si la socit civi le des pays du Nord devait classer limportance desimpacts de la LCD, ce serait les thmes du changement climatiqueet de la migration qui primeraient (daprs le contenu de la pressefranaise sur lanne mondiale des dserts et de la dsertification).

    Une base plus exhaustive de calcul du TRE des projets de LCD# : indique les bnfices rarement quantifis ce jour par les projets de LCD.

    ? : Quelles (autres) mthodes dvaluation ?

    Types de bnfice Indicateurs Mesures possibles

    LOCAUX

    Accroissement des produits agricolesdisponibles

    Variation de production agricole Variations des rendements x Prix locaux(globaux)

    Accroissement du fourrage disponible et dela charge en btail

    Variation de production des leveurs Variations de la capacit de chargex Prix locaux (globaux) Variations des rendements fourragers

    x Prix locaux (globaux) du fourrage derfrence

    Reforestation Variation des surfaces forestires Variations des volumes de bois et desproduits non ligneux x prix locaux (globaux)

    Accroissement de leau disponible Remonte des nappes phratiques Variation des temps de corve deaux Cot moyen de la main duvre Volume x Valeur de leau rcupre ?

    # Gestion des ressources naturelles Diminution des conflits Baisse observe du nombre de conflitsx Cot moyen de rglement des conflits

    # Stabilisation de la population Baisse de lexode rural Cot dopportunit : cot du branchementpour leau potable en ville (rapport aunombre de bnficiaires)

    ?# Rcupration de la biodiversit Espces rcupres dans les jardins privs Surfaces ou quantits concernes x Prix

    locaux (globaux) des espces rcupres?

    GLOBAUX

    # Adaptation au changement climatique Stockage du carbone Quantits de carbone stockesx Prix de march du carbone

    # Rcupration de la biodiversit Modification des cosystmes et despaysages

    ?

    # Rcupration de la fertilit Variation du couvert vgtal : Meilleure infiltration de leau Remonte de la fertili t

    (matire organique, nutriments, etc.) Baisse de la lbdo

    ?

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    Pourquoi faut-il investir en zones arides ?

    Le dlai de retour sur investissement

    ou les contraintes des producteurs

    Si les investissements dans la LCD produisent des effetsobjectivement bnfiques pour les socits commepour lenvironnement, pourquoi les populations ruralesdes rgions affectes ne les ralisent-elles pas de faonplus spontane et systmatique ? Des analyses sur lesdterminants de linvestissement sur les terres lchelledes mnages seraient bienvenues.

    Une approche en termes de dlai de retour surinvestissement est dveloppe ici. partir de quelquesexemples chiffrs, une hypothse est avance selonlaquelle le dlai de retour sur les investissements de LCDest trop long compte tenu de ltroitesse des marges de

    manoeuvre financires de la plupart des producteurslocaux.

    Les dlais de retour sur les digues,diguettes et cordons pierreu x

    Le dlai de retour sur les digues, les diguettes et lescordons pierreux a t calcul au Burkina Faso par leprojet PATECORE, puis partir des donnes du projetPSB-Sahel.

    Le dlai de retour sur investissement calcul par le

    projet PATECORE est de 3 ans pour les producteursavec le soutien du projet et de 7 ans sinon.

    Le dlai de retour selon PATECOREau Burkina Faso (1988-2000)

    Le Projet damnagement des terroirs et de conservationdes ressources dans le plateau central (PATECORE) :800 groupements villageois, 8 antennes dcentralises,60 000 ha de terres restaures (CES).

    Cots lhectare

    ! Total : 155 233 FCFA*, soit environ 237 ! Extrieur (projet) : 80 244 FCFA*, soit environ 122 ! Paysan (contribution en travail) : 75 000 FCFA*,

    soit environ 115

    Bnfice pris en compte

    ! Le rendement par superficie a augment de 250 kg/ an/ ha(25 000 FCFA*/ an)

    Dlai de retour

    ! Linvestissement du projet de 80 000 FCFA*/ ha est amorti aprs4 annes.! Linvestissement paysan de 75 000 FCFA*/ ha est amorti aprs3 annes.! Dlai total : 7 ans

    Daprs Wauters, 2005.* 1 euro = 655,957 FCFA (juin 2007 )

    Exemple

    26

    Champ de za de 4 ans, Zade Gourga,commune de Ouahigouya au Burkina Faso

    chez un paysan modle.M. Lepage IRD

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    27Rentabilit et ralits des investissements dans la lutte contre la dsertification

    Les cots ont t galement inventoris pour chaquetype damnagement mcanique de CES.

    Les cots des cordons pierreux diffrent en fonctiondes deux projets. Deux facteurs principaux peuventexpliquer cette diffrence : La distance des moellons ncessaires et le transportcorrespondant : dans le cas o les moellons doivent

    tre apports, les frais de camionnage ont t valusentre 87 500 et 105 000 FCFA. Le cot de la main duvre : la charge de travailpour les cordons pierreux individuels est de 97 heurespar ha (construction familiale) et de 673 heures parha pour les cordons collectifs (organisations nongouvernementales [ONG], projets de dveloppement).

    Le rapport cot-bnfice obtenu sur la base des rsultatsdu PSB-Sahel indique que le temps de valorisation desinvestissements totaux (cordons, digues et diguettes)est de 3 8 annes (Hien et al., 2004).

    Cots par ha des cordons pierreux, digues et diguettesfiltrantes, Burkina Faso

    Daprs Hien et al., 2004.

    Ralisation Cots lha en FCFA

    Projet PATECORE

    Cordons pierreux 32 000

    Diguettes filtrantes 49 000

    Digues filtrantes 100 000

    Programme Sahel Burkina

    Cordons pierreux 94 540

    Digues filtrantes 114 206

    Leza: un calcul gnrique au Burk ina Faso

    Le za est une des techniques de CES largementdcrites dans la littrature. Les conditions de russiteoptimales du za sont des pluviomtries annuelles de300 800 mm et des sols trs pauvres. Le za est maladapt pour les sols sableux. La contrainte majeure estcelle lie au besoin en main duvre : des fourchettes

    allant de 900 4 000 heures de travail par hectare ontt recenses (soit 150 571 journes de travail de 6heures). Ladoption du za entrane une rduction dessuperficies cultives. Les effets bnfiques du za surle sol et la vgtation peuvent se faire sentir pendanttrente ans (Le Hourou, 1998).

    Ainsi, au Burkina Faso, un hectare de za cote aminima 120 000 FCFA en main duvre (soit 183 eurosou 235 USD, novembre 2006). Pour la variation desrendements, toujours au Burkina Faso, le za avecmatire organique permet de passer en moyenne dunrendement en crales de 0,7 tonnes par hectare un

    rendement variant de 1 1,7 tonnes par hectare enfonction de la qualit des sols et de la pluviomtrie(Som et al., 2000).

    partir des donnes FAO sur les prix des crales entre2000 et 2003, le nombre dannes ncessaires pourrentabiliser linvestissement dun hectare a t calcul(tableau page suivante).

    Les mmes tendances sont observes sur le prix dunecrale lautre et des variations importantes duneanne lautre. titre informatif, ces variations

    semblent sans rapport avec le niveau de la productionde ces crales pour les quatre annes.

    Bnfices conomiques des techniquesde CES dans le cadre du PSB Sahel

    Gains de production observs

    ! Augmentation de 47% de petit mil sous cordons pierreux! Augmentation de 11% pour le sorgho sous cordons pierreux! Augmentation de 75% 133% pour les cultures mises en placesous cordons pierreux, diguettes et digues filtrantes

    Bnfices conomiques pour 1999

    ! Sous cordons pierreux, le bnfice annuel des plantations de milest de 11 600 FCFA*, celui du sorgho est de 24 682 FCFA*.! Avec des digues filtrantes, le bnfice annuel li la culture dusorgho est de 45 570 FCFA*.

    Daprs Hien et al., 2004.* 1 euro = 655 ,957 FCFA (juin 2007)

    Exemple

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    28 Pourquoi faut-il investir en zones arides ?

    Prix de trois crales (mil, mas et sorgho) de 2000 2003 (BurkinaFaso, FCFA par tonne, 1 euro = 655,957 FCFA [juin 2007])

    Daprs les statistiques de la FAO.

    Annes M il M as Sorgho

    2000 75 407 66 331 69 291

    2001 120 161 99 455 107 624

    2002 133 952 112 337 122 411

    2003 96 737 71 653 84 382

    Trois scnarios optimiste, intermdiaire ou pessimistesont proposs partir des variations dans les rendementsduza. Le rendement des cultures obtenu la premire annesuivant linvestissement ralis est estim une tonne parhectare. Le calcul des gains nets est successivement faitpour les trois principales crales du pays : mil, mas etsorgho. Les mesures pour la culture du mil sont prsentesdans le tableau ci-dessous pour chaque scnario.

    Le dlai de retour dun investissement dun hectare enmil varie entre 2 et 4 annes. Ce dlai dpend fortementdes variations interannuelles du prix du mil. Pour lescultures du mas et de sorgho, les calculs montrentque le dlai de retour pour le cot initial et a minimade 120 000 FCFA peut atteindre 5 ans dans le cas dunscnario pessimiste (en utilisant les prix de 2003 pourles annes 4 et 5). Le dlai de retour dun investissementen zasur un hectare au Burkina Faso varie donc entredeux et cinq annes en considrant un cot a minimade cet investissement.

    Ces scnarios permettent dvaluer limpact conjointdes alas climatiques et conomiques sur lespossibilits dinvestissement des producteurs. Laporte de ces calculs est bien sr relativiser : commela fourchette basse du cot dun za a t utilise, il estpossible de multiplier par deux le dlai de retour surinvestissement*. On retrouve alors pour le zades dlaisde retour comparables ceux des investissements endigues, diguettes et cordons pierreux : de lordre de trois huit annes.

    * Le cot de 100 000 FCFA par ha peut varier au moins de un quatreen raison des variations de temps de main duvre ncessaire, enincluant le cot de la matire organique, de son transport et celui deleau ncessaire. Les cots de maintenance seraient aussi prendreen compte. Dans ces rgions du Burkina Faso, le prix du fumiervarie de 1 000 2 500 FCFA par charrette (Hien et al., 2004), mais lenombre de char rettes ncessaires pour traiter un hecta re de zaestinconnu.

    Le dlai de retour sur investissement, mil sur za, Burkina FasoLes critures en grasse rfrent lanne o linvestissement initial est rcupr par le producteur.

    1 euro = 655,957 FCFA (juin 2007)

    Scnario 1 : optimiste Scnario 2 : intermdia ire Scnario 3 : pessimiste

    Anne 0(2000)

    Rendement = 0,7 Rendement = 0,7 Rendement = 0,7

    Anne 1(2001)

    Rendement = 1Gain net = 0,3 x 120161 = 36 048 FCFA

    Rendement = 1Gain net = 0,3 x 120161 = 36 048 FCFA

    Rendement = 0,7Gain net = 0,3 x 120161 = 36 048 FCFA

    Anne 2(2002)

    Rendement = 1,7Gain net = 1 x 133952 = 133 952 FCFA

    Rendement = 1Gain net = 0,3 x133952 = 40 185 FCFA

    Rendement = 1Gain net = 0,3 x133952 = 40 185 FCFA

    Anne 3

    (2003)

    Rendement = 1,7

    Gain net = 1 x 96737 = 96 737 FCFA

    Rendement = 1

    Gain net = 0,3 x 96737 = 29 021 FCFA

    Anne 4 Rendement = 1

    Boisement.Mbour, Sngal.

    A.M. Sarr IRD

  • 8/8/2019 Requier-Desjardins M., 2007. Pourquoi faut-il investir en zones arides ?

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    29Rentabilit et ralits des investissements dans la lutte contre la dsertification

    Favoriser linvestissement

    dans la rcupration des terres

    Il faut plusieurs annes aux producteurs pour rcuprerles investissements de CES raliss dans la rcuprationou lentretien de leurs terres : de quatre cinq annesen moyenne et une fourchette largie de deux huitans. Ces dlais sont un frein la mise en place de cestechniques. Cette variabilit du temps de retour est trslie celle de la pluviomtrie et des prix des crales.Lvaluation conomique des diffrentes techniques deCES, de leurs cots et de leurs bnfices, reste dlicate enraison de la diversit des cots relevs. Les valuations neprennent pas en compte les cots de maintenance desamnagements.

    Notre indicateur de la propension investir danslentretien des terres est donc le dlai de retour surinvestissement : compte tenu des faibles margesbudgtaires et de