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L2 Aristote distinguait les engagements volontaires des engagements involontaires de l’homme. Nous étudierons ce semestre les engagements se formant sans convention (articles 1370s du Code civil, dans le Titre IV du Livre III). Cela relève de ce qu’Aristote appelait la justice commutative ou corrective. Il s'agit bien d’une justice arithmétique, corrective. La responsabilité civile délictuelle (partie I) permet la réparation des dommages causés à autrui. Le quasi-contrat (partie II) contient souvent l’idée d’un enrichissement procuré à autrui et qu’il doit restituer. INTRODUCTION La responsabilité est l’idée d’avoir la perception des conséquences des actes et d’être capable de les assumer. En droit civil, le terme responsabilité a un sens particulier. La responsabilité civile délictuelle est gouvernée par le principe de la réparation intégrale du préjudice. Lorsqu’un dommage est subi par autrui, le responsable va devoir le réparer. En droit français la responsabilité est calquée sur le préjudice. Dans d’autres systèmes, la responsabilité civile est fondée sur la faute, tandis qu’en droit civil français la gravité de la faute est indifférente. Le droit de la responsabilité civile délictuelle en France est régi par les articles 1382 et suivants du Code civil. Dans le Code civil de 1804 seulement quatre articles concernaient la responsabilité civile délictuelle (1382 à 1386). Une loi de 1998 transposant en droit français la directive européenne sur la responsabilité des producteurs du fait des produits délictueux a intégré dans le Code civil les articles 1386-1 à 1386-18. Le nombre réduit d’articles relatifs à la responsabilité permet de comprendre que le droit de la responsabilité civile délictuelle est relativement jurisprudentiel. I – LE DOMAINE DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉLICTUELLE 1

Responsabilité délictuelle

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Aristote distinguait les engagements volontaires des engagements involontaires de l’homme.

Nous étudierons ce semestre les engagements se formant sans convention (articles 1370s du Code civil, dans le Titre IV du Livre III). Cela relève de ce qu’Aristote appelait la justice commutative ou corrective. Il s'agit bien d’une justice arithmétique, corrective.

La responsabilité civile délictuelle (partie I) permet la réparation des dommages causés à autrui. Le quasi-contrat (partie II) contient souvent l’idée d’un enrichissement procuré à autrui et qu’il doit restituer.

INTRODUCTION

La responsabilité est l’idée d’avoir la perception des conséquences des actes et d’être capable de les assumer. En droit civil, le terme responsabilité a un sens particulier. La responsabilité civile délictuelle est gouvernée par le principe de la réparation intégrale du préjudice. Lorsqu’un dommage est subi par autrui, le responsable va devoir le réparer. En droit français la responsabilité est calquée sur le préjudice.Dans d’autres systèmes, la responsabilité civile est fondée sur la faute, tandis qu’en droit civil français la gravité de la faute est indifférente.

Le droit de la responsabilité civile délictuelle en France est régi par les articles 1382 et suivants du Code civil. Dans le Code civil de 1804 seulement quatre articles concernaient la responsabilité civile délictuelle (1382 à 1386). Une loi de 1998 transposant en droit français la directive européenne sur la responsabilité des producteurs du fait des produits délictueux a intégré dans le Code civil les articles 1386-1 à 1386-18. Le nombre réduit d’articles relatifs à la responsabilité permet de comprendre que le droit de la responsabilité civile délictuelle est relativement jurisprudentiel.

I – LE DOMAINE DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉLICTUELLE

Le Code civil édicte le régime de droit commun de la responsabilité des personnes privées. Il ne s’agit donc pas de la responsabilité pénale ni de la responsabilité administrative.

En matière pénale, il faut d’ores et déjà noter que la responsabilité pénale a pour but de sanctionner un délinquant tandis que la responsabilité civile a pour but de réparer un dommage. L’effet de la responsabilité civile sera éventuellement de réparer le dommage en nature, mais le plus souvent cela se résoudra en dommages-intérêts. Ces sommes d’argent ne sont alors pas versées au Trésor Public mais à la victime. Il existe parfois des amendes civiles, sommes d’argent que le responsable doit payer à l’Etat notamment dans le cas de pourvois en cassation abusifs. Souvent dans le domaine pénal il existe un volet civil. Le risque serait qu’il existe une contrariété de jugement, le juge pénal et le juge civil jugeant dans des sens différents. C’est pourquoi l’on a mis en place des règles procédurales. On autorise la victime à porter son action en réparation de son dommage devant les

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juridictions pénales et de greffer son procès sur les intérêts civils au procès pénal (action civile, constitution de partie civile).

Pendant longtemps a existé le principe d’identité des fautes civiles et pénales, aujourd’hui largement abandonné. Une faute civile peut ainsi très bien être relevée quand bien même ne relèverait-on pas de faute pénale. On applique l’adage « le criminel tient le civil en l’état ». Si pour une même affaire il y a une action pénale et une action en réparation civile devant les juridictions civiles, la juridiction civile doit surseoir à statuer et attendre le résultat des juridictions pénales. Cela permet d’éviter les contrariétés de jugement. Cela se justifie par le fait que le procès pénal est inquisitoire et permet de découvrir des preuves plus facilement par opposition au procès civil accusatoire.

II – L’ORIGINE DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉLICTUELLE

Le mot de responsabilité se rapporte à la notion de « serment ». Cela vient du grec spendo ou du latin spondeo, serment s’accompagnant d’un rite et fait pour obtenir une protection divine, une garantie des dieux. L’idée du contrat est de se prendre en garanties mutuelles, ce qui a donné aussi le terme d’époux. Le spondeo est donc l’idée de garantie. On ajoute à ce terme le responsio qui est l’idée de garanties mutuelles.Historiquement, la responsabilité existait déjà en droit romain. On fait ici référence au droit du Digeste redécouvert au XIIème siècle. Il ressemble au droit anglais actuel selon lequel « le remède précède le droit ». L’idée était en effet qu’il y avait des actions particulières pour des types de dommages précis. Le droit français s’oppose à cela en ce que le droit précède l’action, il existe un régime général de la responsabilité.

Une loi célèbre du droit romain, la loi Aquilia était la loi a plus générale, datant vraisemblablement du IIème siècle avant Jésus-Christ, mais on restait encore dans des faits et dommages particuliers. En réalité, le droit de la responsabilité civile a beaucoup évolué selon les périodes entre l’idée de vengeance et de réparation des dommages. On a basculé dans l’idée de réparation avec le Droit de la guerre et de la paix de Grotius en 1625 (Chacun doit réparer le dommage commis par sa faute), ce qui a donné l’article 1382 du Code civil (Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer).

III – LES FONCTIONS DU DROIT DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉLICTUELLE

Le droit de la responsabilité délictuelle est l’idée de réparation du dommage subi. Très vite est apparue une difficulté concernant le terme utilisé, la « réparation ». Certains dommages paraissent en effet irréparables (mort, etc.). On devrait plutôt parler de compensation, d’indemnisation. Octroyer des dommages-intérêts pour compenser la perte, par exemple, d’un membre semble opérer une patrimonialisation du corps humain.

La responsabilité civile n’a pas de fonction punitive en principe. On ne sanctionnera pas plus une personne dont la faute est plus importante qu’une autre. Ceci dit en France il existe un pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond sur le montant du préjudice qui n’est en conséquence pas contrôlé par la Cour de cassation. Cela pose problème dans des cas de disparités de sanctions entre différentes juridictions de premier degré. Pour certains dommages les juges n’ont pas une grande marge d’appréciation. Ainsi, la destruction d’un bien appelle la réparation à hauteur de la valeur du bien détruit. Cependant, le droit français répare également le préjudice moral. Dès lors le pouvoir d’appréciation des juges est plus important. Le juge se laissera certainement influencer par le contexte, la gravité de la faute, mais sans y faire référence dans la mesure où il n’a pas le droit de prendre en compte cela sous peine de censure.

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Il y a des systèmes étrangers, en particulier le droit de common law, où la responsabilité civile à officiellement une fonction punitive partielle, on parle de punitive damages, les dommages-intérêts punitifs. La somme n’est alors pas calquée sur le dommage, mais se base sur la gravité de la faute ou pour éviter le plus souvent des « fautes lucratives ». Il s'agit d’une faute permettant de retirer un profit substantiel (ex. vol de photos par des magazines racoleurs). En France une atteinte à la vie privée ne permet pas d’espérer de très fortes sommes. Les juges ont tendance à retenir que les stars sont des personnes dotées d’une certaine fortune et n’ont alors pas besoin d’une réparation très importante. En droit américain le mécanisme est que la personne condamnée va devoir remettre tout le profit à la victime. La hauteur de la réparation est alors calquée sur le profit procuré par la faute et non sur la gravité de la faute ou, comme en droit français, sur la gravité du dommage. Le projet Catala « francise » les dommages-intérêts punitifs en retenant que ceux-ci sont possibles mais sans que l’ensemble du profit soit donné à la victime. Ce qui ne lui sera pas octroyé ira au Trésor Public. Dès lors le fautif est bien privé du profit mais cela n’est pas fait exclusivement au profit de la victime.

On parle aujourd’hui de plus en plus d’une autre fonction de la responsabilité civile délictuelle en évoquant sa fonction préventive. Elle pourrait servir à prévenir des dommages. Quelques auteurs estiment qu’en réalité le droit actuel de la responsabilité civile n’est fait que pour réparer. Il faudrait alors envisager des actions spéciales permettant d’agir pour prévenir un dommage avant qu’il ne soit causé. D’ores et déjà il apparaît possible de prévenir les dommages par le biais d’une action en référé. Des dommages-intérêts sont inenvisageables mais l’on peut recourir non pas à une réparation en nature, mais à une prévention en nature. Cela se traduit également par le développement du principe de précaution. Le principe de précaution a été mobilisé récemment concernant les antennes téléphoniques (TGI de Nanterre, 18 septembre 2008).

IV – LES FONDEMENTS DU DROIT DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉLICTUELLE

Depuis 1804 le droit a été modifié voire même transformé par la jurisprudence. Historiquement, les idées de pénalité et de droit civil étaient mêlées en matière de responsabilité. L’idée de faute était très présente dans le droit de la responsabilité civile délictuelle. En 1804, en réalité, la responsabilité civile délictuelle était en pratique centrée sur l’idée de faute. C’est parce qu’une personne avait commis une faute, même morale, à l’origine d’un dommage qu’elle devait le réparer. Le tournant est pris à la fin du XIXème et au début du XXème quand on se rend compte que ce système ne peut plus tenir. On a vu apparaître des dommages graves sans qu’aucune faute n’ait été commise (par exemple dommage corporel résultant d’une mauvaise maitrise d’une machine dangereuse, indépendamment de toute faute du chef d’entreprise dans son obligation d’entretien de la chose).

Saleilles et Josserand, juristes fameux du début du XXème siècle, on théorisé la théorie du risque (introduite une première fois en 1898 avec une loi sur la sécurité du travail) selon laquelle est responsable celui qui a commis une faute, mais également celui qui a créé un risque. On distingue la théorie du risque créé qui sanctionne la réalisation d’un dommage ayant à l’origine la création préalable d’un risque, de la théorie du risque-profit selon laquelle celui qui a le profit d’une activité doit avoir également la charge qui va avec. L’adage latin « Ubi emolumentum ibi onus » prévoit qu’où est le profit doit être aussi la charge.

Un troisième fondement qui a marqué le droit de la responsabilité civile, sans avoir été consacré par le droit, est l’idée de garantie. La théorie de la garantie a été introduite par Boris Starck auteur en 1947 d’une thèse intitulée Essai sur la notion de responsabilité civile considérée en sa double fonction de peine privée et de garantie.

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Le Code civil, et donc les juges, raisonnent toujours à partir de l’idée de ce qui a causé le dommage. On part toujours du fait générateur du dommage (cf. infra). En réalité, au regard de la jurisprudence et des lois modernes en la matière, on ne part pas du type de fait générateur mais plutôt du type de dommage. Starck estimait qu’il y avait des dommages très graves, par exemple les dommages corporels ou les atteintes aux biens, pour lesquels la responsabilité civile devrait fonctionner comme une garantie de l’indemnisation. Dès lors la responsabilité, l’indemnisation, devrait être permise même en l’absence de faute. Il existerait à côté de ces dommages d’une particulière gravité des dommages purement économiques ou moraux pour lesquels le rôle de la responsabilité civile serait de réparer en présence d’une faute. On déduit donc des régimes particuliers en fonction des types de dommages. A l’heure actuelle une telle thèse n’est pas vraiment appliquée.

Enfin, la responsabilité civile fait appel au principe de précaution. Ce principe de précaution reprend l’idée de prévenir un dommage avant qu’il ne devienne important. En réalité, ce principe correspond à une réalité tangible pour laquelle les concepts anciens ne valent pas. Le principe de précaution va trouver à s’appliquer dans des cas où il n’y a pas de risque particulier. C’est pourquoi ce principe diffère radicalement de la notion de risque, il faut donc que le droit y réagisse différemment.Un risque est une probabilité de dommage. On sait qu’il existe une probabilité de dommage et cela est donc assurable et peut rentrer dans le domaine de la responsabilité civile. Ce qui est radicalement nouveau à l’époque moderne est tout d’abord un changement radical d’échelle des dommages (EG : la mondialisation et la globalisation de la consommation multiplie les risques d’exposition des personnes aux dangers causés par une mauvaise gestion des stocks alimentaires). En matière de précaution, lorsque l’on ne connaît pas le risque réel ou même lorsqu’on ne sait pas s’il existe réellement un risque, il faut que le droit réponde d’une manière différente. On distingue donc quatre fondements : la faute, le risque, la garantie et le principe de précaution.

TITRE 1 : LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉLICTUELLE

Pour qu’une responsabilité civile délictuelle soit engagée il faut caractériser trois éléments cumulatifs. Tout d’abord il faut un fait générateur (sous-titre 1), un dommage réparable (sous-titre 2), et un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage réparable (sous-titre 3).

SOUS-TITRE 1 : LE FAIT GÉNÉRATEUR

Les articles 1382 à 1386 du Code civil prévoient des sanctions différentes selon le type de fait générateur. On distingue le fait personnel (chapitre 1), le fait des choses (chapitre 3) et le fait d’autrui (chapitre 3).

CHAPITRE 1 : LE FAIT PERSONNEL

On est responsable, dès 1804, de son fait personnel, de sa faute. La responsabilité du fait personnel est prévue dans les articles 1382 et 1383 du Code civil.Dans l’article 13821 on ne fait référence qu’à la faute. L’article 13832 prévoit en outre que l’on est aussi responsable de sa négligence et de son imprudence. Dans ces deux cas le régime de la

1 Article 1382 : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer »

2 Article 1383 : « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence »

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réparation est la même, d’où une visée plus fréquente de l’article 1382 dans les jugements rendus en la matière. La jurisprudence ne donne pas au mot faute le même sens que celui retenu en 1804 dans le Code civil. A l’origine deux éléments devaient être présents, un élément objectif et un élément subjectif.

SECTION 1 : L’ÉLÉMENT OBJECTIF

L’élément objectif de la faute demeure encore actuellement, on relève alors deux éléments, un élément matériel et un élément d’illicéité.

Elément matériel : « tout fait quelconque de l’homme ». Il n’y a aucune limite. Ce peuvent être des actes positifs, des gestes, des paroles, mais également une abstention, une omission (Civ, 27 février 1951, Branly). En l’espèce, un historien écrivait une œuvre sur l’histoire de la télévision sans jamais citer l’un de ses inventeurs. Le fait d’avoir omis ce fait permit de caractériser une faute.

Elément d’illicéité : il faut que l’acte soit illicite. A priori, l’acte doit être prohibé par le droit. Cependant il n’est pas nécessaire qu’un texte prévoie l’illicéité d’un comportement. Les juges tirent de la formule générale de l’article 1382 le pouvoir de décider eux mêmes de l’illicéité d’un acte. En général, les juges utilisent un standard, ils vont comparer le comportement de la personne considérée au comportement d’un « bon père de famille » (bonus pater familias).

Aujourd’hui on considère que même un enfant en bas âge peut être responsable tant le domaine de la responsabilité civile s’est étendu. C’est pourquoi l’on a affiné le standard du « bon père de famille » en comparant plutôt le comportement d’une personne considéré par rapport au comportement normal des personnes appartenant à la même catégorie.

Il existe une jurisprudence fournie en matière sportive. On a tendance à estimer que l’ordre sportif doit être séparé du domaine général de la responsabilité. Le juge pourra retenir qu’il y a bien une faute civile indépendamment de toute violation d’une règle du jeu ou qu’il n’y en a au contraire pas bien que la règle soit violée. Il est évidemment possible de commettre une faute dans l’exercice d’un droit. C’est ainsi qu’il peut exister un abus de droit pouvant se retrouver sur le terrain délictuel. Une personne abusant de son droit d’agir en justice pourra se voir reprocher une faute sur le terrain délictuel.

C’est au juge qu’échoue le pouvoir d’apprécier les faits en référence à un standard de conduite. Il existe de surcroît des faits justificatifs en matière pénale qui permettent d’être exemptés de responsabilité. Cela se retrouve également en matière civile. Ainsi le cas de force majeure permet de justifier une illicéité.

Une question importante concerne le fait de savoir si un fait justificatif pénal permet de justifier l’illicéité d’un comportement fautif en matière civile. Ainsi la légitime défense empêche qu’une personne soit condamnée pénalement. La Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts en l’espèce. Il s’agissait tout d’abord d’une responsabilité du fait des choses, mais l’on peut penser que la solution serait la même en matière civile.

Une femme stationnait dans un véhicule, de nuit, et s’est fait agresser par deux personnes. Elle a alors tiré sur l’un d’eux et est relaxée du fait de la légitime défense. Le juge civil retient alors que « la légitime défense reconnue par le juge pénal ne peut donner lieu devant la juridiction civile à une action en dommages-intérêts de la part de celui qui l’a rendue nécessaire » (Civ. 2ème, 22 avril 1992). La légitime défense est donc également un fait justificatif au civil.

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Cette solution semble critiquable dans la mesure où la responsabilité du fait des choses est une responsabilité sans faute. Dès lors si la légitime défense fait bien disparaître la faute, il ne semble pas justifié de bloquer la possibilité de réparation.La question s’est également posée en matière d’état de nécessité. En matière de droit civil, aucun arrêt n’a admis le fait justificatif de l’état de nécessité. On retient parfois un cas de force majeure bien que les faits s’apparentassent en réalité à un cas d’état de nécessité en matière pénale.

SECTION 2 : L’ÉLÉMENT SUBJECTIF

Traditionnellement, en 1804, il fallait également un élément subjectif. Aujourd’hui, depuis 1984, la faute n’a plus d’élément subjectif en droit français.

Ce terme était marqué par plusieurs degrés dans la subjectivité. Il n’a jamais été nécessaire en droit français que l’acte ait été intentionnel ; on se contentait qu’il fut volontaire. La différence entre les deux termes est que l’acte volontaire recouvre les cas où la personne qui le commet à conscience de cet acte, elle sait qu’elle le commet. On dit que pour commettre un acte volontaire, il faut que la personne ait la capacité de discernement (distinction du bien et du mal). Cela se distingue de l’acte intentionnel dans lequel l’auteur a non seulement voulu l’acte mais en a également souhaité ses conséquences.

Avoir la capacité de discernement c’est la capacité de percevoir ses actes, même s’il s’agit de négligences ou d’imprudences. Deux catégories de personnes n’ont pas cette capacité, les enfants en bas âge et les aliénés. Ils ne peuvent pas commettre d’actes volontaires et a fortiori intentionnels. En droit français, la faute n’a pas besoin d’être intentionnelle, puisque l’article 1383 prévoit le dommage causé par une négligence, une imprudence. En revanche, pendant longtemps, il était nécessaire qu’il y ait un élément moral, un élément volontaire. Pour commettre une faute il fallait avoir la capacité de discernement. Tous les êtres privés de discernement ne pouvaient pas commettre de faute et en être tenus responsables. Les personnes sous tutelle ne sont pas nécessairement aliénées. Une loi du 3 janvier 1968 a introduit dans le Code civil un article 489-2 3 qui prévoyait que « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental, n’en est pas moins obligé à réparation ».

En matière de responsabilité civile délictuelle, le droit français se réfère au type de fait générateur. Il existe alors deux éléments constitutifs de la faute, un élément objectif et un élément subjectif. L’élément subjectif est l’élément moral de la faute, c'est-à-dire qu’on se réfère alors à la capacité de discernement de l’auteur de la faute, au caractère volontaire ou non de la faute.

Il n’est alors pas nécessaire d’avoir recours à un élément intentionnel, l’article 1383 du Code civil prévoyant la responsabilité de l’auteur d’un dommage, même causé par son « imprudence » ou sa « négligence ». Le caractère intentionnel de l’acte (le fait d’avoir voulu non seulement l’acte, mais également ses conséquences) est donc indifférent et n’a aucune conséquence sur la responsabilité civile de son auteur. En outre, l’étendue de cette responsabilité sera déterminée par l’importance du préjudice causé (principe de la réparation intégrale du préjudice) et non pas sur la gravité de la faute. Traditionnellement, l’acte devait être volontaire. La faute devait comprendre, outre un élément d’illicéité, un élément volontaire entendu comme la conscience de son acte par l’auteur. L’enfant ou le majeur aliéné n’était alors pas conçus comme des êtres capables de discernement et l’on ne pouvait leur imputer une faute justifiant la réparation du dommage.

Progressivement, la loi et la jurisprudence ont supprimé cette exigence.

3 Nouvel article 414-3 du Code civil (loi du 5 mars 2007, entrée en vigueur le 1er janvier 2009).

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L’article 489-2 précité, introduit dans le Code par une loi du 3 janvier 1968, signifiait en réalité que toute personne, majeur protégé ou majeur dans un état de démence passagère, devait réparer son dommage.

Le bouleversement a été plus radical avec quatre arrêts rendus en Assemblée plénière de la Cour de cassation le 9 mai 1984 et dont deux concernent la responsabilité du fait personnel. Nous évoquerons en conséquence deux d’entre eux ici.

L’arrêt Lemaire (Ass. plén. 9 mai 19844) : A la suite d’une erreur commise par un électricien dans le montage d’une douille, un enfant de treize ans avait été mortellement électrocuté en vissant une ampoule. L’électricien avait été condamné pénalement pour homicide involontaire. Mais au plan civil les juges avaient considéré que l’enfant avait commis une faute en ne fermant pas le disjoncteur avant de revisser l’ampoule. La responsabilité avait, de ce fait, été partagée par moitié. Le pourvoi des parents reprochait aux juges du fond d’avoir retenu une faute à l’encontre de l’enfant victime du dommage, sans rechercher s’il avait une capacité suffisante de discernement. La Cour de cassation rejette ce pourvoi au motif que la cour d’appel « n’était pas tenue de vérifier si le mineur était capable de discerner les conséquences de son acte ». Elle estime que le mineur avait effectivement commis une faute qui avait concouru au dommage subi.

Dans l’arrêt Derguini, un enfant de cinq ans avait été heurté mortellement par un véhicule alors qu’il traversait sur un passage protégé. Au civil, la cour d’appel avait partagé par moitiés les responsabilités, l’enfant ayant, par son imprudence, contribué à la réalisation de son propre dommage. Les parents se pourvoient en cassation sur le même fondement que celui examiné dans l’arrêt Lemaire et, là encore, la Haute juridiction se prononce en faveur d’une suppression de la recherche systématique de la capacité de discernement chez l’enfant victime.

Il résulte de ces arrêts que la capacité de discernement n’est plus un élément constitutif de la faute. Celle-ci est alors simplement objective.

CHAPITRE 2 : LE FAIT DES CHOSES

A côté du principe général de responsabilité du fait personnel des articles 1382 et 1383, le Code civil de 1804 prévoyait une responsabilité du fait des choses. Il en existait alors deux types, la responsabilité du fait des animaux (article 1385) et du fait des bâtiments en ruine (article 1386). Ce système s’étant montré particulièrement inadapté à la Révolution industrielle, les juges ont réfléchi à des moyens d’interpréter le Code civil dans un sens permettant d’adapter les solutions aux circonstances de l’époque. Par interprétation de l’alinéa 1er de l’article 1384 du Code civil, les juges ont découvert un principe général de responsabilité du fait des choses (Civ., 16 juin 1896, Teffaine5). En l’espèce, le 4 juin 1891, la machine du remorqueur à vapeur Marie explosa sur la Loire maritime dans le port de Nantes ; le mécanicien Teffaine, atteint par un jet de vapeur et d’escarbilles mourut le soir même. Sa

4 Ass. plén. 9 mai 1984, Lemaire c/ Declercq : « En l’état de ces énonciations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de vérifier si le mineur était capable de discerner les conséquences de son acte, a pu estimer sur le fondement de l’article 1382 du Code civil que la victime avait commis une faute qui avait concouru, avec celle de M. Lemaire, à la réalisation du dommage dans une proportion souverainement appréciée ».

5 Civ., 16 juin 1896, Teffaine : « Attendu que l’arrêt attaqué constate souverainement que l’explosion de la machine du remorqueur à vapeur Marie, qui a causé la mort de Teffaine, est due à un vice de construction ; qu’aux termes de l’article 1384 C. civ., cette constatation, qui exclut le cas fortuit et la force majeur, établit, vis-à-vis de la victime de l’accident, la responsabilité du propriétaire du remorqueur sans qu’il puisse s’y soustraire en prouvant soit la faute du constructeur de la machine, soit le caractère occulte du vice incriminé ».

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veuve assigna les propriétaires du remorqueur, employeurs du défunt. La Chambre civile de la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé contre l’arrêt d’appel qui avait retenu la responsabilité des employeurs sur le fondement de l’article 1386 du Code civil (responsabilité du fait des bâtiments en ruine) ; la Haute juridiction se réfère alors au principe général de responsabilité du fait des choses tiré du premier alinéa de l’article 1384 du Code6. L’interprétation extensive de l’alinéa 1er de l’article 1384 était alors ainsi consacrée, et en outre la Haute Juridiction qualifiait le nouveau régime de responsabilité de plein droit, c'est-à-dire de responsabilité sans faute, dès lors qu’elle n’invoquait que le cas fortuit et la force majeure comme pouvant exonérer le propriétaire.

La loi du 9 avril 1898, première grande loi consacrée au droit du travail, consacre cette solution en affirmant l’existence d’une responsabilité de plein droit de l’employeur, une responsabilité sans faute, objective. La jurisprudence a enfin été fixée par un arrêt de chambres réunies de la Cour de cassation (Ch. réun., 13 février 1930, Jand’heur7). Il n’est dès lors plus nécessaire que la « chose » ait un vice inhérent à sa nature et susceptible de causer un dommage. Les chambres réunies estiment également par l’arrêt Jand’heur que l’article 1384 al.1er du Code civil s’applique à toute personne qui a une chose sous sa garde, sans qu’il y ait à distinguer si la chose est ou non actionnée par la main de l’homme.

SECTION 1 : LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES CHOSES

Ces conditions sont très souples et aisément réunies, elles sont de surcroît cumulatives.

1. Une chose Depuis l’arrêt Jand’heur (Ch. réun., 13 février 1930), celle-ci peut être de toute nature. Les animaux (article 1385) et les bâtiments en ruine (article 1386) sont régis par des dispositions particulières, de même que les voitures. Sont également exclues du régime de l’article 1384 du Code les choses insusceptibles d’appropriation.

2. Un fait de la chose

C’est la prise en compte du rôle causal de la chose dans la survenance du dommage ; il est nécessaire de prouver que la chose a été l’instrument du dommage. Ainsi, lorsqu’une personne monte dans un arbre et chute, il n’y a pas fait de la chose car l’arbre n’a pas eu de rôle actif dans cette chute. On va avoir tendance à penser que lorsque le dommage a pour origine un contact avec la chose, celle-ci est l’instrument du dommage.

Concernant la responsabilité du fait des choses inertes, la Cour de cassation a longtemps semblé adopter une position extensive ; allant parfois jusqu’à l’absurde.

6 Article 1384 al. 1er : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».

7 Ch., réun., 13 février 1930, Veuve Jand’heur c/ Les galeries belfortaises : « la présomption de responsabilité établie par l’article 1384 al.1er du Code civil à l’encontre de celui qui a sous sa garde une chose inanimée qui a causé un dommage à autrui ne peut être détruite que par la preuve d’un cas fortuit ou de force majeure ou d’une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable ». Abandon du caractère « dangereux » de la chose retenu jusque là, refus de limitation de la chose aux seuls meubles, par référence au terme large de « chose inanimée ».

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Ainsi, un particulier avait installé une boite aux lettres sur laquelle un voisin s’est blessé et la Cour a retenu l’existence d’un dommage dont la boite aux lettres avait été l’instrument (Civ. 2 ème, 25 octobre 2001).

La Cour de cassation a mis un frein à cette jurisprudence par différents arrêts relatifs aux choses inertes. S’il existait auparavant (voir ci-dessus) une présomption de causalité favorable à la victime, un arrêt de la seconde chambre civile de la Cour de cassation a écarté toute présomption de causalité en imposant à la victime de rapporter la preuve du rôle actif de la chose inerte dans la survenance du dommage (Civ. 2ème, 24 février 20058).

En l’espèce, une jeune femme s’était blessée en heurtant une baie vitrée coulissante alors qu’elle pensait à tort celle-ci ouverte. La Cour de cassation estime que la chose n’avait eu aucun rôle actif. Néanmoins elle retient que par sa fragilité elle présentait un caractère anormal qui permettait de déduire la causalité permettant l’indemnisation. Un second arrêt rendu le même jour rejetait le pourvoi formé contre la cour d’appel qui avait retenu qu’un tremplin installé au bord d’un étang pour permettre des sauts en VTT n’avait pas été l’instrument du dommage dès lors que les constatations et énonciations des juges du fond établissaient l’ « absence d’anormalité de la chose ».

Par ces deux arrêts, la Cour estime donc que s’agissant des choses inertes, la preuve que la chose a été l’instrument du dommage requiert que celle-ci ait présenté une quelconque anormalité (de par sa fragilité, son positionnement, etc.).

3. La garde de la chosea – La définition de la garde

La définition est acquise depuis l’affaire Franck rendue par les chambres réunies de la Cour de cassation le 2 décembre 19419.

En l’espèce, le docteur Franck avait prêté son automobile à son fils (mineur et sans permis) qui la laissa en stationnement dans une rue. La voiture fut volée et le voleur renversa et tua un facteur. Les ayant droits du facteur poursuivirent le docteur Franck en le tenant pour gardien et responsable du véhicule. L’arrêt les débouta de leur demande en retenant qu’au moment de l’accident le fils du docteur avait été dépossédé de la voiture par le vol et en avait donc été privé de l’usage, de la direction et du contrôle. Il n’en avait alors plus la garde et n’était plus soumis à la présomption de l’article 1384 al. 1er du Code civil.

La garde apparaît alors comme l’usage, la direction et le contrôle d’une chose. Le propriétaire est présumé gardien, mais il s'agit d’une présomption simple qui peut être renversée par l’apport d’une preuve contraire.

En réalité la notion a évolué. La jurisprudence raisonne en termes de faute. L’acquisition de la maitrise de la chose peut faire éviter le dommage. Est alors qualifié de gardien celui qui pouvait éviter le dommage car il avait une certaine maitrise de la chose. Il existe par exemple une

8 Cf. GAJC Tome 2, 12ème édition, p.412/417.

9 GAJC, 12ème édition, p. 389 : Le propriétaire d’une automobile qui en est dépossédé par l’effet d’un vol se trouve dans l’impossibilité d’exercer sur sa voiture aucune surveillance. Par suite, privé de l’usage, de la direction et du contrôle du véhicule, il n’en a plus la garde et, en cas d’accident, il n’est plus soumis à la présomption de responsabilité édictée par l’article 1384, alinéa 1er du Code civil.

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incompatibilité des fonctions de gardien et de préposé (salarié), car un salarié qui utilise une chose dans son travail n’en a pas la maitrise, mais seulement l’usage. S’il a acquis un pouvoir indépendant10

sur la chose, la personne est gardienne, mais il ne peut s’agir d’un salarié car celui-ci reçoit des ordres de ses supérieurs ce qui exclue toute indépendance de pouvoir sur la chose.

b – Le transfert de la garde

Il peut tout d’abord exister un transfert volontaire de la garde si la personne qui était gardienne a de son plein gré remis la chose à une autre personne. Une présomption de garde étant attachée à la propriété, quand on transfère une chose on en transfère la garde. Il en va de même dans les contrats à titre précaire où l’on transfère avec la chose les pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle au détenteur précaire (location, etc.). Quand une chose technique ou dangereuse est transférée, la jurisprudence exige que la personne qui reçoit la chose reçoive également les moyens d’éviter que celle-ci ne cause un préjudice11.

Le rôle du discernement sur la garde :

La question est la suivante : Faut-il, pour être gardien, avoir la capacité de discernement ?Pendant longtemps, on a estimé que la garde impliquant l’usage, la direction et le contrôle de la chose, un être privé de discernement ne pouvait devenir gardien. C’est d’abord dans l’arrêt Trichard12 du 18 décembre 1964 que la Cour a estimé que la garde n’était pas incompatible avec l’absence de discernement.

La règle a été confirmée par la loi du 3 janvier 1968 et par l’introduction d’un article 489-2 du Code civil aux termes duquel, « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental, n’en est pas moins obligé à réparation ». Ce texte ne concernait néanmoins que la responsabilité des incapables majeurs, mais sa portée a été étendue aux enfants en bas âge par l’un des quatre arrêts précités du 9 mai 1984, l’arrêt Gabillet13.

En l’espèce, un enfant de trois ans jouant sur une balançoire improvisée avec un bâton, tombe et éborgne un de ses camarades. La cour d’appel d’Agen, dans un arrêt du 12 mai 1980, déclara Eric Gabillet responsable sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1 du Code civil. Les époux Gabillet se pourvoient en cassation, arguant l’absence de discernement de leur enfant. La Cour rejette cette argumentation en estimant que la portée de l’article 1384, alinéa 1 du Code civil s’étend à l’enfant mineur, sans qu’il y ait lieu de rechercher s’il disposait d’une capacité de discernement.

10 Droit des obligations, Responsabilité civile et quasi-contrats, Muriel Fabre-Magnan, 2007 p.190.

11 Civ. 1re, 9 juin 1993 : le propriétaire est demeuré gardien car, en sa qualité de professionnel, il ne pouvait ignorer le risque présenté par la chose (en l’occurrence de l’orge, matière susceptible de créer une fermentation dangereuse) et il n’avait pas attiré l’attention de l’utilisateur sur le risque que celui-ci pouvait normalement envisager.

12 Civ. 2e sect. civ., 18 décembre 1964, Trichard c/ Piccino : « Attendu que, de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a justement déduit que l’absence épileptique au cours de laquelle s’était produit l’accident, n’avait pas pour effet d’exonérer Trichard de la responsabilité qui pesait sur lui en sa qualité de gardien ».

13 Ass. plén., 9 mai 1984, Epoux Gabillet c/ Noye : « Mais attendu qu’en retenant que le jeune Eric avait l’usage, la direction et le contrôle du bâton, la cour d’appel qui n’avait pas, malgré le très jeune âge de ce mineur, à rechercher si celui-ci avait un discernement […] ».

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Néanmoins, il faut noter que certaines décisions retiennent la responsabilité des parents et écartent alors celle de l’enfant, les deux responsabilités ne pouvant être retenues systématiquement.

Le principe du caractère alternatif de la garde :

La garde n’est pas cumulative, mais alternative, ce qui signifie que plusieurs personnes ne peuvent être en même temps gardiennes d’une même chose à un même titre. En effet, si l’on attribuait la responsabilité à plusieurs personnes on aurait affaire à une forme de responsabilité collective, que le droit abhorre. Ainsi, toutes les fois où cela est possible, n’est responsable que la personne gardienne au moment du dommage.

Ainsi par exemple, dans une affaire où trois enfants jouaient avec une torche dans un hangar et alors que l’un d’eux, s’étant brûlé avec, l’avait lâchée provoquant ainsi un incendie ayant totalement détruit le hangar appartenant à ses voisins, la Cour de cassation reproche à la cour d’appel d’avoir retenu la responsabilité solidaire des trois enfants, « alors qu’il résultait de ses constatations et énonciations que si les enfants Z avaient antérieurement confectionné, allumé puis éteint des torches, cette circonstance n’était pas de nature à leur conférer l’exercice de la garde commune de la torche, instrument du dommage, dès lors qu’au moment de l’embrasement du foin par la torche, Gwenaël X qui la tenait dans sa main exerçait seul sur cette chose les pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction qui caractérisent la garde »14.

Il arrive exceptionnellement qu’on ne puisse pas identifier le gardien de la chose qui a causé le dommage, dans le cadre d’un accident en groupe. Dans ce cas, et afin d’éviter que le dommage ne soit pas irréparé, les juges ont utilisé la notion de garde en commun. L’hypothèse classique est celle de l’accident de chasse, lorsqu’on ne peut identifier à qui des membres du groupe de chasseurs appartenait la balle qui a causé le dommage.

Par ailleurs, la Cour de cassation a opéré une distinction entre garde de la structure et garde du comportement. Selon la thèse de Bertold Goldman15, il est possible de distinguer les dommages provenant du comportement de la chose, c'est-à-dire de la manière dont elle utilisée, des dommages provenant de sa structure, c'est-à-dire de la matière dont elle est constituée. Cette thèse est reprise dans la célèbre affaire dite de l’Oxygène liquide16.

En l’espèce, une société avait expédié des bouteilles d’oxygène comprimé et l’une des bouteilles explosa durant le transport. La cour d’appel avait refusé de retenir la responsabilité de la société car celle-ci n’avait plus la « garde matérielle » de la chose. La Cour de cassation censura cette décision en opérant une distinction entre le pouvoir de surveiller la chose et le pouvoir d’en contrôler tous les éléments.

Techniquement, il n’y a pas de transfert de garde lorsqu’on n’acquière pas les moyens de contrôler la chose. Cette jurisprudence ne vaut que pour les choses dotées d’un dynamisme propre17. Il peut en conséquence exister deux types de garde sur une même chose. Le gardien de la structure est alors

14 Civ. 2e, 19 octobre 2006.

15 La détermination du gardien responsable du fait des choses inanimées, Sirey, 1947.

16 Civ. 2e, 5 janvier 1956, Bouloux et veuve Lathus c/ L’Oxygène liquide et autres : « Au lieu de se borner à caractériser la garde par la seule détention matérielle, les juges du fond devaient, à la lumière des faits de la cause et compte tenu de la nature particulière des récipients transportés et de leur conditionnement, rechercher si le détenteur auquel la garde aurait été transférée avait l’usage de l’objet qui a causé le préjudice ainsi que le pouvoir d’en surveiller et d’en contrôler tous les éléments ».

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le propriétaire de la chose, bien que certains auteurs considèrent aujourd’hui cette distinction dépassée. Il n’en demeure pas moins que certains arrêts récents font référence à cette distinction, non plus tant pour maintenir la responsabilité du fait de la chose sur le propriétaire que pour la maintenir sur le fabricant18.

SECTION 2 : LE RÉGIME JURIDIQUE DE LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES CHOSES 1. Une présomption de responsabilitéa – Le principe

Le principe de la responsabilité du fait des choses est issu de l’alinéa premier de l’article 1384 et de l’arrêt Jand’heur19 qui ont établi l’existence d’une présomption de responsabilité. Il ne s’agit pas d’une simple présomption de faute, l’absence de faute du gardien n’étant pas exonératoire.

b – L’exception

Le Code civil prévoit néanmoins une exception en matière de communication d’incendie. En ce cas, l’article 1384 al. 220 prévoit en effet qu’il s'agit d’une responsabilité pour faute, et dès lors la responsabilité du gardien ne pourra être engagée que si l’on parvient à démontrer une faute de sa part.

2. Les causes d’exonération du gardiena – La cause étrangère

Le gardien ne peut être exonéré que par la preuve d’une cause étrangère, qui s’analyse soit en un cas de force majeure (exonération totale), soit en une faute de la victime de nature à engager sa propre responsabilité (exonération partielle), soit en une faute d’un tiers, qui a contribué au dommage (exonération partielle dans les rapports entre les codébiteurs entre eux et non vis-à-vis de la victime). S’il existe un tiers coresponsable du dommage, l’auteur et le tiers sont tenus in solidum. Chacun est alors tenu d’indemniser la victime (rapport d’obligation à la dette). Le rapport de contribution à la dette permettra ensuite de partager le paiement des indemnités entre les coauteurs. Enfin, il s'agit de préciser que la victime pourra demander à l’un quelconque des codébiteurs tenus in solidum l’entier paiement de la réparation.

b – L’acceptation des risques

La notion d’acceptation des risques repose sur la question du consentement de la victime. L’idée d’acceptation des risques va exonérer le responsable. On utilise principalement cette théorie en matière sportive, lorsque la victime accepte de participer à une discipline risquée. Dès lors, en vertu de cette thèse, la victime ne peut demander d’indemnité au gardien si le risque envisageable et

17 Ce qui implique une certaine dangerosité intrinsèque de la chose. Droit des obligations, Responsabilité civile et quasi-contrats, Muriel Fabre-Magnan 2007 p.197.

18 Civ. 2e, 16 janvier 1991 : « le fabricant avait conservé la garde de la structure de l’appareil », sa responsabilité pouvait être engagée.

19 V. infra, note 7.

20 Article 1384, al. 2 : « celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s’il est prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable ».

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accepté se réalise effectivement. L’acceptation des risques est alors l’acceptation des risques normaux du sport.

c – Les faits justificatifs

Cette cause d’exonération est apparue plus lentement. Ainsi, un arrêt récent21 a accepté que la légitime défense, reconnue au pénal, puisse être considérée comme une cause exonératrice de responsabilité. Dès lors, la victime ne pouvait se retourner contre la personne ayant riposté à son attaque illégitime.

Dans deux cas spéciaux prévus par le Code, on trouve également des régimes particuliers.

L’article 1385 du Code civil pose un régime particulier en ce qui concerne les animaux. La responsabilité vise le propriétaire de l’animal, mais peut également viser celui qui en a la charge. Cette responsabilité est de plein droit et le propriétaire ne peut s’en exonérer que pour une cause étrangère ou dans le cadre de l’acceptation des risques. L’article 1386 établit un régime particulier en matière de bâtiments. Le propriétaire d’un bâtiment, en vertu de cet article, est responsable des dommages causés par celui-ci lorsqu’il est en ruine en raison d’un défaut d’entretien ou d’un vice de construction. Cette dernière disposition ne s’applique néanmoins plus depuis que l’on utilise extensivement l’article 1384, al. 1 du Code civil.

CHAPITRE 3 : LE FAIT D’AUTRUI

Cela ne peut se comprendre que lorsqu’il existe un lien particulier entre autrui et celui qui est responsable pour lui. Dans le Code civil de 1804 il existait déjà des cas de responsabilité du fait d’autrui. L’article 1384 contenait plusieurs alinéas prévoyant des cas de responsabilité du fait d’autrui. Ces cas étaient principalement la responsabilité des père et mère du fait de leur enfant mineur, la responsabilité des maitres et commettants du fait des domestiques et préposés et la responsabilité des instituteurs et commerçants du fait de leurs élèves et apprentis. Dans l’alinéa 1er de l’article 1384 on a également découvert un principe général de responsabilité du fait d’autrui (Blieck 1991).

SECTION 1 : LES RÉGIMES SPÉCIAUX DE RESPONSABILITÉ DU FAIT D’AUTRUI

Il n’y a pas réellement de principe général de responsabilité du fait d’autrui au sens où il ne s’applique pas à tous les rapports interindividuels, c’est pourquoi l’on étudiera ici dans un premier temps les régimes spéciaux.

I – LA RESPONSABILITÉ DES PÈRE ET MÈRE DU FAIT DE LEUR ENFANT MINEUR

L’article 1384 al. 4 du Code civil22 prévoit cette responsabilité. Les termes ont été modifiés afin de prendre en compte l’évolution du vocabulaire juridique.Article 1384 al. 4 : « Le père et la mère en tant qu’ils exercent l’autorité parentale sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».

21 Civ. 2e, 22 avril 1992.

22 Article 1384 al. 4 (ancien) : « Le père et la mère en tant qu’ils exercent le droit de garde sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».

La garde est à la fois l’aspect juridique et l’aspect matériel de la cohabitation.

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Cette évolution permet de prendre en compte le changement sociologique et juridique de la notion de « droit de garde ».

La jurisprudence a modifié en profondeur ce cas de responsabilité. La responsabilité des dommages causés par les enfants est de plus en plus assurée.

A – Les conditions de la responsabilité des père et mère du fait de leur enfant mineur

Ces conditions sont cumulatives et s’il en manque une seule la responsabilité des père et mère ne peut être mise en œuvre.

1. Le lien de filiation

Il faut qu’il existe un lien de filiation. Elle doit être juridiquement établie, c'est-à-dire que l’enfant doit être issu du mariage (présomption de paternité), ou reconnu par son père. Il peut également exister une possession d’état d’enfant des père et mère envisagés. Si le père est le père biologique mais qu’il n’y a pas d’autre précision (reconnaissance, etc.), il est difficile de penser que la responsabilité pourra être engagée.

2. L’autorité parentale

La responsabilité des père et mère ne peut être engagée que lorsqu’ils disposent de l’autorité parentale sur l’enfant. Lorsque le lien de filiation est établi, l’autorité parentale est présumée.Depuis 2002 on évoque l’autorité parentale et non plus la « garde ».

3. La minorité de l’enfant

L’enfant doit donc avoir moins de dix-huit ans au moment des faits. Un mineur émancipé est néanmoins assimilé à un majeur et l’on ne peut retenir la responsabilité de ses parents.

4. La cohabitation

La cohabitation, a priori, est le fait que l’enfant habite effectivement avec ses père et mère. Cela a posé de nombreux problèmes dans les cas où le dommage survenait alors que l’enfant ne demeurait pas chez ses père et mère (vacances, etc.).

Au départ, la cohabitation était interprétée à la lumière de la « faute » des parents dans le cadre de leur devoir d’éducation ou de surveillance de l’enfant. Malgré une fugue on pouvait alors considérer qu’il y avait une faute dans l’éducation et la responsabilité des père et mère pouvait être retenue. La notion de cohabitation a évolué ces derniers temps avec l’alourdissement de la responsabilité des père et mère. Celle-ci ne repose plus sur l’idée de la faute des père et mère. Il s'agit aujourd’hui d’une responsabilité de plein droit, objective.

Techniquement, on peut dire que le revirement date d’un arrêt SAMDA23 qui dématérialise la condition de cohabitation et en fait une condition plus juridique qui la rapproche en pratique de l’autorité parentale.

En l’espèce, un jeune garçon de seize ans avait volé une automobile et l’avait endommagée. La mère, qui en avait la garde, est assignée en réparation. Le père hébergeait néanmoins l’enfant en

23 Civ., 2nde, 19 février 1997, SAMDA : « L’exercice d’un droit de visite et d’hébergement ne fait en effet pas cesser la cohabitation du mineur avec celui des parents qui exerce sur lui le droit de garde ».

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application de son droit de visite. La cour d’appel avait retenu la responsabilité du père sur le fondement de l’article 1382 en alléguant une faute de surveillance et non sur l’article 1384 al.4 car il n’y avait pas de cohabitation. La mère avait en revanche été mise hors de cause en énonçant qu’au jour des faits l’enfant était en résidence chez son père et ne cohabitait donc pas avec sa mère. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel qui avait statué ainsi « alors que l’exercice d’un droit de visite ou d’hébergement ne fait pas cesser la cohabitation du mineur avec celui des parents qui a l’autorité parentale ».

La jurisprudence postérieure a repris cette idée lorsque les enfants étaient en vacances chez les grands-parents.

De même dans une affaire une grand-mère s’occupait d’un enfant depuis douze ans et la Cour de cassation a estimé que cela n’avait pas fait cesser la cohabitation des enfants avec ses père et mère. Ce qui compte de plus en plus aujourd’hui est donc le pouvoir juridique sur l’enfant.

5. L’exigence d’un fait dommageable de l’enfant

L’alinéa 4 de l’article 1384 prévoit que les parents sont solidairement responsables du « dommage causé par leur enfant ».

Pendant longtemps, pour que la responsabilité des parents soit engagée, la jurisprudence a exigé, comme pour tous les cas de responsabilité du fait d’autrui, que puisse être d’abord retenue la responsabilité de leur enfant mineur. Cependant, le mineur étant souvent en bas âge et donc dépourvu de discernement, si la jurisprudence avait exigé que l’enfant ait commis une faute pour que les parents soient responsables pour lui, ces derniers ne l’auraient jamais été.

Il fallait alors un fait « objectivement illicite de l’enfant » afin de retenir la responsabilité des parents. En effet, la faute était à l’époque composée d’un élément objectif et d’un élément subjectif. Comme on ne pouvait recourir à l’élément moral, il fallait se référer à un élément objectivement illicite (qui est devenu la faute telle qu’entendue aujourd’hui, c'est-à-dire en son seul élément objectif). Un premier arrêt daté 1984 (Ass. plén. 9 mai 1984), l’arrêt Füllenwarth, est venu bouleverser cette conception.

En l’espèce, un petit garçon jouait avec un arc et a éborgné son camarade. Le père de la victime assigne le père Füllenwarth en sa qualité de civilement responsable. La cour d’appel avait déclaré le père entièrement responsable des conséquences de l’accident. La Cour de cassation estime qu’ « attendu que pour que soit présumée sur le fondement de l’article 1384 al.4 la responsabilité des père et mère habitant avec eux, il suffit que celui-ci ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage ».

Cette formule est nouvelle en ce que la jurisprudence ne prenait pas en compte la définition de l’article 1384 mais faisait référence à un acte objectivement illicite. Ici, seul est attendu le lien de causalité entre le fait de l’enfant et le dommage subi par la victime.Dans les arrêts ultérieurs, la Cour de cassation a continué à exiger une faute de l’enfant. Dès 1984, la cinquième condition d’engagement de la responsabilité des père et mère est la faute de l’enfant. On comparait alors le comportement de l’enfant au standard de l’enfant bien éduqué. Le véritable revirement de jurisprudence est un arrêt de la deuxième chambre civile en date du 10 mai 2001. Depuis, la faute de l’enfant n’est plus nécessaire pour engager la responsabilité des parents.

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En l’espèce, un enfant participait à un match de rugby à la récréation. A l’occasion d’un plaquage, l’enfant est blessé à l’œil. Ses parents assignent les parents de l’auteur du plaquage en réparation, ainsi que l’assureur. Un chapeau prévoit que la responsabilité des père et mère « n’est pas subordonnée à l’existence d’une faute de l’enfant ».

Il faut tout de même que l’acte de l’enfant soit causal. Enfin, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a réaffirmé la solution dans un arrêt du 13 décembre 2002, en retenant que « Pour que la responsabilité de plein droit des père et mère exerçant l’autorité parentale sur un mineur habitant avec eux puisse être recherchée, il suffit que le dommage invoqué par la victime ait été directement causé par le fait, même non fautif, de la victime ».

Attention ! Ne jamais parler de garde mais d’autorité parentale. A priori, depuis l’arrêt SAMDA, la cohabitation suppose la résidence habituelle de l’enfant au domicile des parents ou de l’un d’eux. S’il y a garde alternée, la résidence habituelle est chez les deux parents, tandis que s’il n’existe qu’un droit de garde la responsabilité est à chercher du côté du parent chez qui l’enfant à sa résidence. Lorsqu’il n’y a pas la réunion des éléments nécessaires à l’engagement de la responsabilité des père et mère, il est toujours possible de tenter de retenir la responsabilité du fait personnel des parents (article 1382 du Code civil) lorsqu’ils ont commis une faute dans l’éducation ou la surveillance de l’enfant par exemple.

Depuis l’arrêt de 2001, la responsabilité préalable de l’enfant n’a pas être recherchée pour engager la responsabilité des père et mère. Si l’on veut poursuivre directement l’enfant (s’il est très riche par exemple), cet arrêt n’a rien changé à la responsabilité de l’enfant. Afin de le poursuivre il faudra toujours démontrer qu’il a commis une faute (article 1382) ou qu’il était le gardien d’une chose ayant causé un dommage (article 1384 al.1er). L’arrêt de 2001 a été confirmé par l’Assemblée plénière le 13 décembre 2002. Elle reprend la même formule et admet qu’il n’est pas nécessaire de rechercher une faute de l’enfant pour pouvoir retenir la responsabilité de plein droit des père et mère exerçant l’autorité parentale sur l’enfant auteur du dommage. B – Le régime de la responsabilité des père et mère du fait de leur enfant mineur

Il existe différents types de régimes en matière de responsabilité : sans faute ou de plein droit (presque tout le temps également « responsabilité sans faute »), faute prouvée (article 1382) ou faute présumée.

Il y avait un alinéa 7 à l’article 1384, ajouté en 1937, qui disposait que la responsabilité des père et mère a lieu à moins que les père et mère ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait reproché à leur enfant. Depuis toujours en réalité, le régime de responsabilité des père et mère était une présomption simple de faute. Dès lors que les cinq conditions étaient cumulativement réunies, les père et mère étaient responsables. Les juges retenaient que les parents pouvait s’exonérer en démontrant l’absence de faute.

On présumait que quand l’enfant avait commis une faute dommageable, il y avait soit une faute dans son éducation soit une faute dans sa surveillance. Les parents devaient alors prouver qu’ils n’avaient commis ni une faute de surveillance ni une faute d’éducation. Un revirement de jurisprudence a été opéré par la seconde chambre civile de la Cour de cassation le 19 février 1997 (Civ. 2nde, 19 février 1997, Bertrand).

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En l’espèce, un petit garçon roulait à bicyclette et a rencontré un homme roulant en motocyclette. L’homme demande réparation au père de l’enfant en tant que civilement responsable. La cour d’appel de Bordeaux retient la responsabilité du père au motif que celle-ci ne peut être dégagée que lorsque les parents démontrent l’absence de faute dans la surveillance ou dans l’éducation de l’enfant.La Cour de cassation rejette en disant que l’arrêt a exactement énoncé que « seule la force majeure ou la faute de la victime pouvait exonérer M. X… de la responsabilité de plein droit » du père. Si l’on n’a pas à rechercher l’absence de faute c’est que la faute est indifférente. Depuis l’arrêt Bertrand, l’absence de faute des parents n’est plus exonératoire.

L’arrêt Bertrand relève par ailleurs que la responsabilité des père et mère du fait de leur enfant est une responsabilité de plein droit. Il y a donc une présomption de responsabilité, il s'agit d’une responsabilité objective, sans faute.

II – LA RESPONSABILITÉ DES MAITRES ET COMMETTANTS DU FAIT DE LEURS DOMESTIQUES ET PRÉPOSÉS

La responsabilité des commettants du fait de leurs préposés et la responsabilité des maitres du fait des domestiques sont placées sur le même plan et bénéficient du même régime.

A – Le régime de la responsabilité du commettant1. Les conditions de la responsabilité des commettants

Il existe trois conditions, là aussi cumulatives. Sans celles-ci le commettant n’et pas exonéré, il est tout bonnement irresponsable.

a – L’existence d’un lien de préposition

Un lien de préposition est une relation d’autorité entre deux personnes, ce qui signifie que l’une des deux personnes est en mesure de donner des ordres à une autre, qui lui obéit. Ce lien peut être de fait ou de droit. L’exemple type est la relation entre l’employeur et le salarié, lien juridique de préposition. Cependant, il faut marquer dès maintenant qu’il peut également exister un lien de préposition même pour une activité bénévole.

Il ne faut pas confondre lien de préposition et lien de subordination . S’il y a lien de subordination (contrat de travail), il y a nécessairement un lien de préposition. En revanche, il peut exister un lien de préposition sans qu’il y ait nécessairement de lien de subordination. Il ressort de la jurisprudence qu’il y a préposé et commettant lorsqu’une personne agit au profit d’une autre. Néanmoins, il ne suffit pas de recevoir des instructions de la part d’une personne pour être son préposé, il faut vraiment n’avoir pas d’indépendance dans la façon de les mettre en œuvre (Com., 24 janvier 2006).

b – La faute du préposé

Il faut qu’il existe une faute du préposé. Cela peut être opposé aux conditions de la responsabilité des père et mère puisqu’il n’est plus nécessaire que l’enfant ait effectivement commis une faute. L’alinéa 5 de l’article 1384 prévoit que les commettants sont responsables du dommage causé par leurs préposés. En réalité, la jurisprudence n’a jamais appliqué à la lettre l’alinéa 5 car on a toujours su que la responsabilité du fait d’autrui ne pouvait être engagée que si l’on pouvait engager la responsabilité d’autrui. Or, deux situations permettent d’engager préalablement la responsabilité, la

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faute et la garde (à moins que le préposé soit en même temps commettant pour quelqu’un d’autre et que l’on engage sa responsabilité sur ce fondement, ce qui n’est pas réellement fréquent !).

Sur la faute, en réalité, la jurisprudence avant 1984 exigeait un acte objectivement illicite de la part du préposé. Il n’était pas nécessaire de démontrer sa faute, et l’on pouvait alors retenir la responsabilité du préposé, même aliéné, ce qui permettait de facto d’engager la responsabilité du commettant. Depuis 1984, il faut démontrer une simple faute du préposé. S’il n’a pas commis de faute sa responsabilité ne peut être engagée et celle de son commettant non plus.

En droit français, il y a un principe d’incompatibilité des fonctions de gardien et de préposé, dès lors de toute façon la responsabilité du préposé ne pourra être envisagée dans ce cas car il ne peut avoir de pouvoir autonome sur la chose en ce qu’il est, justement, préposé et donc dépendant du commettant. Le commettant demeure gardien de la chose et l’on ne pourra donc jamais rechercher la responsabilité d’un éventuel préposé gardien. Un salarié peut très bien devenir gardien d’une chose, mais il ne sera dès lors plus préposé dans le cadre de l’utilisation de ladite chose (voir not. Civ., 2e 3 juin 200424).

Si l’on ne peut engager la responsabilité du commettant sur le fondement de l’article 1384 al.5, il est toujours envisageable de chercher la responsabilité personnelle du commettant (par exemple si le lien de préposition est né d’une menace du commettant, donc d’une faute, etc.).

c – Un lien entre le fait dommageable et les fonctions du préposé

Cela signifie qu’il ne faut pas d’abus de fonctions du préposé. S’il y a abus de fonctions il n’y a pas de lien. A la lecture de l’alinéa 5 de l’article 1384 on voit que les commettants sont responsables des dommages causés par leurs préposés « dans les fonctions auxquelles ils les ont employées ». Très souvent, le dommage causé à un tiers par le préposé va avoir un certain lien avec les fonctions, mais cela reste tendancieux.

La question du lien entre le fait dommageable et les fonctions du préposé a été le terrain de nombreux affrontements entre les juges du fond et la Cour de cassation d’une part, et entre les différentes chambres de la Cour de cassation d’autre part. Selon les chambres, les juges de la Haute Juridiction avaient une conception plus ou moins large de la responsabilité du commettant. Si l’on veut retenir largement la responsabilité du commettant et offrir une large garantie à la victime, il faut retenir le plus souvent le lien avec les fonctions, il faut alors avoir une conception restrictive de l’abus de fonction. Au contraire, les juges souhaitant une responsabilité moindre du commettant retiendront plus facilement l’abus de fonction.Ainsi, certaines chambres voyaient un lien lorsque le dommage était causé sur le lieu de fonction ou dans le temps de la fonction ou encore dans le moyen de la fonction (par exemple dommage causé en utilisant une voiture de fonction). D’autres chambres avaient une interprétation plus extensive de l’abus de fonction.

La jurisprudence a été très hésitante. A compter de 1960, les chambres réunies de la Cour de cassation ont entamé un mouvement de stabilisation de la jurisprudence, qui sera totalement établie en 1988 par l’Assemblée plénière (anciennes chambres réunies).

24 Civ., 2e, 3 juin 2004 : un préposé était « devenu, par l’effet d’une initiative personnelle sans rapport avec sa mission, gardien et conducteur occasionnel du véhicule d’un tiers au moyen duquel il avait commis l’acte dommageable ». Dès lors, il en résultait qu’il ne pouvait plus être considéré comme préposé puisqu’ « il avait ainsi agi en dehors de ses fonctions, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions ».

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Dans l’arrêt de 1988, la Cour de cassation a vraisemblablement retenu une conception large de la responsabilité du commettant. L’Assemblée plénière estime qu’il faut trois conditions pour que le commettant ne soit pas responsable. La Cour de cassation évoque une « exonération » ce qui ne semble pas approprié puisque s’il manque l’un des trois éléments de la responsabilité on parle d’irresponsabilité et il n’y a pas besoin d’avoir recours à une cause d’exonération. Avec cet arrêt la Cour de cassation retient que le commettant ne peut s’exonérer (sémantiquement incorrect) que si le préposé agit hors des fonctions auxquelles il est employé , sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions.

Enfin, la jurisprudence des diverses chambres de la Cour de cassation a tendance a examiner implicitement l’existence d’un abus de fonctions du préposé au regard du critère de l’apparence. Ainsi, il convient d’apprécier si la tierce victime a pu ou non légitimement croire que le préposé agissait dans le cadre « normal » de ses fonctions.

2. Les causes d’exonération du commettant

La responsabilité du commettant repose sur une présomption de responsabilité et le fait qu’il n’ait pas commis de faute n’est donc pas exonératoire (responsabilité objective, de plein droit). En outre, sa responsabilité étant une garantie pour la victime, il n’est pas non plus admis à démontrer que l’acte du préposé a constitué pour lui un cas de force majeure. La seule possibilité d’exonération pour le commettant dans ses rapports avec la victime est la démonstration d’une cause étrangère (faute de la victime ou force majeure). En effet, dans l’hypothèse où un acte dommageable du préposé avait été rendu nécessaire par un cas de force majeure, c’est que son comportement ne peut être qualifié de fautif, et donc la responsabilité du commettant ne peut être engagée pour lui. Certes, en toute rigueur, on devrait dire plutôt que les conditions de la responsabilité du commettant ne sont pas réunies (puisqu’il n’y a pas de faute du préposé), mais on parle en général d’exonération du commettant. Cas pratique : Si une victime vient nous voir, il s'agit d’envisager la responsabilité du commettant avant d’envisager celle de son préposé.

B – Le régime de la responsabilité du préposé

Comme toutes les responsabilités du fait d’autrui, la responsabilité du commettant avait toujours été conçue comme une garantie posée en faveur de la victime et qui ne profitait qu’à elle. Celle-ci bénéficiait alors d’une seconde garantie en sus de celle personnelle de l’auteur direct du dommage.Ce régime de la responsabilité est marqué par l’immunité du préposé. Jusqu’à présent on examinait la faute du préposé à travers l’article 1382 du Code civil. Une fois que le commettant avait désintéressé la victime, il pouvait se retourner contre son préposé par la voie de l’action récursoire. En revanche, quand un assureur indemnise la victime, il ne peut exercer d’action récursoire à l’encontre du préposé du commettant, sauf si celui-ci a commis une malveillance (article L.121-12 al.3 du Code des assurances). On parle alors de subrogation de l’assureur dans les droits du commettant vis-à-vis du préposé.

En pratique, le régime est devenu bien plus complexe. Il y eut d’abord un changement dans les conditions de la responsabilité du préposé vis-à-vis du commettant dans le cadre d’une action récursoire de ce dernier. Dans un arrêt Rochas (Com., 12 octobre 1993), la Chambre commerciale de la Cour de cassation jugea que la responsabilité du préposé ne pouvait être retenue à l’encontre du commettant que s’il avait commis non plus simplement une faute mais une « faute personnelle », détachable de leurs fonctions de préposé, ce qui n’était pas le cas en l’espèce où les préposés à qui on reprochait des actes d’utilisation illicite de marque et de concurrence déloyale avaient agi dans le cadre de la mission qui leur avait été confiée par leur employeur. Le revirement s’étendit à l’action intentée directement par la victime à l’encontre du préposé, et ce dans un arrêt Costedoat rendu

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en Assemblée plénière de la Cour de cassation le 25 février 2000. En l’espèce, des agriculteurs s’étaient adressés à la société Gyrafrance qui avait accepté de répandre des produits herbicides sur leur récolte par hélicoptère ; mais ce traitement ayant été réalisé par un jour de fort vent, les herbicides furent disséminés sur des fonds voisins où ils endommagèrent des végétaux ; les juges du fond avaient fait droit à la demande de dommages-intérêts formée par les voisins, notamment à l’encontre du pilote de l’hélicoptère, M. Costedoat, qui était le préposé de la société Gyrafrance. La victime avait donc choisi d’intenter une action à son encontre, sur le fondement de la responsabilité du préposé, sur le fondement de la responsabilité personnelle de celui-ci. La cour d’appel avait retenu la responsabilité du préposé au motif que celui-ci aurait dû, en raison des conditions météorologiques, s’abstenir de procéder ce jour-là à des épandages de produits toxiques. Mais la haute Assemblée censura cette décision en énonçant, dans un chapeau préliminaire de principe, « que n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant ». Ainsi, la responsabilité du préposé ne pouvait en l’espèce être retenue puisqu’il n’avait pas été prétendu que M. Costedoat avait excédé les limites de la mission dont l’avait chargé la société Gyrafrance.

Néanmoins, se pose la question de savoir si l’immunité du préposé perdure lorsqu’il a commis une faute pénale. Dans un affaire où un homme, M. Cousin, préposé comptable salarié dans une entreprise, avait établi des faux contrats et fût condamné pour faux, usage de faux et escroquerie, la Cour de cassation a retenu « que le préposé condamné pénalement pour avoir intentionnellement commis, fût-ce sur ordre du commettant, une infraction ayant porté préjudice à un tiers, engage sa responsabilité civile à l’égard de celui-ci ».

Sur le point de la « condamnation » la jurisprudence est plus souple et il suffit que l’infraction ait été constatée judiciairement ou même que la faute dommageable de nature intentionnelle ait été constatée par un juge des référés. De surcroit, la jurisprudence exige un caractère « intentionnel ». La Chambre criminelle de la Cour de cassation a élargi la notion d’infraction pénale de nature à permettre de lever l’immunité du préposé et par conséquent a étendu les cas où la responsabilité personnelle du préposé pouvait être engagée. Elle a jugé en effet, dans un arrêt du 28 mars 2006 (Cass. Crim., 28 mars 2006), que l’immunité du préposé devait également être écartée lorsque celui-ci a commis une faute qualifiée au sens de l’article 121-3 du Code pénal. Celle-ci ne requiert qu’un dol éventuel, c'est-à-dire une mise en danger d’une particulière importance, ou un manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.

En droit du travail, il existait une immunité du salarié, selon laquelle si le salarié exécutait mal son travail il ne pouvait être poursuivi par l’employeur, sauf faute lourde de la part du salarié (Soc., 27 novembre 1958). Quand la victime poursuivait le commettant, ce dernier n’avait pas d’action récursoire à l’encontre de son préposé. La question qui se pose alors est celle de la combinaison de l’immunité du préposé avec l’abus de fonction du préposé.

La formule de l’arrêt Costedoat paraissait couvrir davantage d’hypothèses que celle utilisée dans la jurisprudence sur l’abus de fonction du préposé. En effet, si le préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions (le commettant n’est alors pas responsable), c’est nécessairement qu’il a excédé les limites de sa mission (il est donc responsable vis-à-vis de la victime). Mais l’inverse n’est pas vrai : il pourrait y avoir des hypothèses où le préposé a excédé les limites de sa mission (il est donc personnellement responsable vis-à-vis de la victime ou, sur action récursoire, vis-à-vis du commettant) sans pour autant avoir commis un abus de fonction, c'est-à-dire avoir agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions (si bien que le commettant est alors également responsable), par exemple lorsqu’il a été autorisé à les excéder par un commettant complice.

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C’est ce qu’a finalement jugé la Cour de cassation. Dans un arrêt du 16 juin 2005, elle a estimé qu’un préposé pouvait encourir une responsabilité personnelle pour être sorti des limites de sa mission, sans que le commettant soit pour autant exonéré en l’absence d’abus de fonction du préposé.En l’espèce, la gardienne d’une résidence pour personnes âgées avait extorqué des fonds à un pensionnaire particulièrement vulnérable et fut pénalement condamnée pour abus de faiblesse ; elle avait ainsi excédé les limites de sa mission et devait donc être personnellement responsable des dommages causés par son fait. Mais la Cour de cassation approuve les juges du fond de ne pas avoir pour autant écarté la responsabilité de l’association gestionnaire de l’établissement dans la mesure où un abus de fonction n’était pas caractérisé : « Ledit abus de faiblesse imputable à Mme B… n’impliquant pas nécessairement qu’elle ait agi hors du cadre de ses fonctions au sens de l’article 1384 al.5 du Code civil ».

En présence en revanche d’un abus de fonction du préposé ne permettant pas d’engager la responsabilité du commettant, la responsabilité personnelle du préposé pourrait toujours être recherchée car il aurait alors nécessairement, a fortiori, excédé les limites de la mission qui lui avait été impartie.

III – LES AUTRES RÉGIMES DE RESPONSABILITÉ DU FAIT D’AUTRUI A- La responsabilité des artisans du fait de leurs apprentis

En vertu de l’article 1384 al.6 du Code civil, il faut qu’il existe une relation d’artisan à apprenti. C’est le cas lorsqu’il existe un contrat de travail d’apprentissage. Si le contrat de travail est nul, l’artisan peut tout de même être reconnu responsable. Quand un dommage est causé par un apprenti mineur dans le cadre d’un contrat d’apprentissage, c’est l’artisan, et non ses père et mère, qui peut être tenu responsable. En effet, il ne peut y avoir de cumul des responsabilités du fait d’autrui.

On estime en général que cette responsabilité de l’artisan du fait de son apprenti n’est qu’une présomption simple de faute, l’artisan peut alors s’exonérer en démontrant qu’il n’a pas commis de faute.

B – La responsabilité des professeurs du fait de leurs élèves

En application de l’article 1384 al.6 du Code civil, les instituteurs sont responsables du fait de leurs élèves pendant leur temps de travail. On estimait longtemps qu’il s’agissait d’une présomption simple de faute, le professeur pouvait alors s’exonérer en démontrant qu’il n’avait pas commis de faute.Une loi du 5 avril 1937 a voulu supprimer cette présomption de faute pesant sur l’instituteur. Mais au lieu de supprimer tout simplement l’alinéa 6 de l’article 1384 du Code civil, ce qui aurait rendu applicable le droit commun de la responsabilité du fait personnel prévu à l’article 1382, la nouvelle loi inséra un alinéa 8 qui ajoutait que « en ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l’instance ».

Un régime de responsabilité pour faute pèse donc désormais sur les instituteurs : leur responsabilité du fait de leurs élèves ne peut être engagée qu’à la condition de démontrer à leur charge une faute qui a rendu possible le dommage causé par l’élève (surveillance, etc.). Mais, comme toute responsabilité du fait d’autrui, il faut également démontrer une faute dans le comportement de l’élève, ou tout au moins un fait d’une chose dont il était gardien et de nature à engager sa propre responsabilité.

SECTION 2 : LE PRINCIPE GÉNÉRAL DE RESPONSABILITÉ DU FAIT D’AUTRUI

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En 1804, le Code civil ne prévoyait la responsabilité du fait d’autrui que dans les cas limitativement prévus par le législateur. L’Assemblée plénière de la Cour de cassation (Ass. plén., 29 mars 1991, Blieck) a posé un principe général de responsabilité du fait d’autrui.En l’espèce, un centre d’aide aux handicapés pour le travail avait pour but de faire travailler des handicapés dans le centre afin de permettre leur insertion sociale. Par hypothèse ils étaient dotés d’une certaine liberté, un régime de liberté contrôlée. Un jeune handicapé qui vivait dans ce centre mit le feu à la forêt voisine, qui appartenait aux consorts Blieck. Ils demandèrent alors réparation à l’association et non au handicapé. La cour d’appel a condamné le centre et son assureur à des dommages-intérêts par application de l’article 1384 al.1 du Code civil. L’Assemblée plénière abonde alors dans le sens de la cour d’appel pour retenir ce principe général de responsabilité du fait d’autrui.

I – LE RÉGIME JURIDIQUE DU PRINCIPE GÉNÉRAL DU FAIT D’AUTRUI

Il existe trois régimes juridiques possibles ; la faute prouvée (instituteurs), la faute présumée (artisan) et la responsabilité de plein droit (parents et commettant). Une hésitation a d’abord porté quant à savoir s’il s'agissait d’une faute présumée ou d’une responsabilité de plein droit. Le nouveau régime de responsabilité issu de l’arrêt Blieck est un régime de responsabilité de plein droit. Le régime devient alors plus sévère que celui de la responsabilité des père et mère. C’est pourquoi l’arrêt Bertrand de 1997 vint aligner la solution en la matière sur la solution retenue par l’arrêt Blieck.

La Cour de cassation a néanmoins énoncé que l’application du régime général du fait d’autrui requiert au préalable qu’autrui soit lui-même responsable (Civ., 2e, 20 novembre 2003).

La question du domaine d’application est plus délicate. Il faut tout d’abord qu’il existe un lien entre les personnes. A la première lecture de l’arrêt Blieck on constate qu’en réalité il n’éclaire pas réellement notre esprit quant au domaine d’application du principe général de la responsabilité du fait d’autrui. Il semblait qu’il fallait que l’association ait accepté la charge d’ « organiser et de contrôler » le mode de vie de l’handicapé, à titre permanent. Ces conditions sont bien restrictives. En réalité, on a tenté de faire jouer l’alinéa 1er dans de nombreux autres cas, sans succès (grands-parents chez qui l’enfant passe des vacances, etc.).Dans la continuité de l’arrêt Blieck on retient la responsabilité de ceux qui acceptent la charge d’organiser et de contrôler la vie d’autrui. On en revient à l’idée où l’autrui n’a pas de discernement. On peut retenir sa responsabilité sur l’article 1382 mais il est utile de lui offrir une garantie supplémentaire.

Il faut que l’association ou la personne individuelle ait accepté d’organiser et de contrôler la vie d’un handicapé. La jurisprudence l’a élargi aux associations et groupements accueillant des mineurs. La situation est plus ardue dans la mesure où les parents sont encore responsables sur le fondement de l’article 1384 al.4 du Code civil. La responsabilité de l’association sur l’alinéa 1 er ne se conçoit alors que si l’association a officiellement la responsabilité juridique sur l’enfant, c'est-à-dire que ce dernier a été juridiquement placé auprès de l’association. Si en revanche les parents conservent l’autorité juridique sur l’enfant ils demeurent responsables sur l’alinéa 4. On ne pourra alors poursuivre l’association sur le fondement de l’alinéa 1er et seule la preuve d’une faute dans la surveillance, par exemple, sur le fondement de l’article 1382 et 1383 permettra de poursuivre l’association.

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Dans d’autres hypothèses on a élargi la solution aux cas où une personne qui a pour mission d’organiser et de contrôler l’activité d’autrui. La Cour de cassation a rapidement admis ce type d’hypothèses. Des arrêts de la seconde Chambre civile du 22 mai 1995 sont venus élargir substantiellement l’hypothèse de l’arrêt Blieck.Dans le cadre d’un match de rugby une personne d’une des deux équipes a subi un dommage assez important causé par l’un de ses adversaires. Il suffisait alors de se fonder sur l’article 1382 afin de retenir la responsabilité des auteurs des dommages. En réalité, dans les deux affaires on n’a pas pu identifier celui qui avait été à l’origine des blessures.

Dans les deux cas, la cour d’appel avait retenu la responsabilité du club sur le fondement de l’article 1384 al.5, responsabilité du fait des commettants. Dans les pourvois on invoquait l’absence de lien de préposition qui faisait obstacle à l’application de cette responsabilité. La Cour de cassation procède alors à une substitution de motifs en rejetant les pourvois au motif que le club était responsable sur le fondement de l’alinéa 1er de l’article 1384 du Code civil. Il semble a priori que cela soit lié à l’existence d’une « compétition sportive ».

Néanmoins, dans le cadre d’un défilé de majorettes organisé par une association, une majorette a été blessée. La Cour de cassation rejette le pourvoi contre l’arrêt qui avait retenu la responsabilité de l’association (1995). Dès lors, il ne semble pas nécessaire qu’il s’agisse d’un sport dangereux. La Cour de cassation a refusé d’étendre la solution à un syndicat dans le cadre de la destruction de produits dans un magasin par des exploitants agricoles. La Cour d’appel avait refusé d’accorder l’indemnisation des dommages par la FNSEA sur le fondement de l’article 1384 al.1 er. La Cour de cassation rejette au motif qu’un syndicat qui n’avait ni pour objet ni pour mission d’organiser l’activité de ses membres ne pouvait pas être tenu responsable sur ce fondement. En revanche, en cas de faute particulière du syndicat on aurait pu rechercher la responsabilité du syndicat sur le fondement de l’article 1382.

Questions de fin :

Différence entre abus de fonction du préposé et sortie de fonction : la notion d’abus de fonction du préposé sert à juger de la responsabilité du commettant ; alors que le point de savoir si le préposé est sorti des limites de ses fonctions sert à savoir si l’on peut sortir de la responsabilité du préposé. SOUS-TITRE 2 : LE DOMMAGE RÉPARABLE

Les trois conditions sont cumulatives, dès lors en l’absence d’un dommage, et bien que l’on retienne l’existence d’une faute, il ne sera pas possible de retenir la responsabilité civile. Un dommage est une atteinte portée à autrui dans sa personne ou dans ses biens. Certains auteurs distinguent la notion de dommage de celle de préjudice. Pendant très longtemps ces deux notions étaient considérées comme synonymes, mais la thèse absurde soutenue par ces auteurs est que l’atteinte elle-même est le dommage et que le préjudice est ce qui est pris en considération par le droit. Il pourrait ainsi selon eux y avoir un dommage sans préjudice.

Le type de dommage fait toujours évoluer le droit de la responsabilité civile. Il y a eu tout d’abord l’apparition des « dommages de masse », c'est-à-dire les dommages causés à une catégorie entière de personnes ou d’animaux. Dans le même mouvement on a découvert des dommages s’étalant dans le temps. Au regard du droit français, toute souffrance est a priori réparable.

CHAPITRE 1 : LES CATÉGORIES DE DOMMAGES RÉPARABLES

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En réalité, ce sont des catégories purement pédagogiques, n’ayant aucune conséquence sur le droit de la responsabilité civile puisque, quel que soit le dommage, le régime de réparation est le même. On peut souvent distinguer trois types de dommages : matériel, corporel et moral. Lorsqu’il y a une atteinte à un bien il s'agit d’un dommage matériel, lorsqu’il y a atteinte à la personne on parle de dommage corporel et quand il s'agit d’une souffrance psychique on parle de dommage moral. Certains auteurs établissent une distinction entre les dommages patrimoniaux et les dommages extrapatrimoniaux.

I – LES DOMMAGES PATRIMONIAUX

Un dommage patrimonial est une atteinte qui se matérialise notamment par une perte patrimoniale. Dès lors, il est aisément chiffrable puisqu’il dispose d’une valeur patrimoniale, pouvant s’exprimer en argent. On peut alors distinguer plusieurs types de dommages patrimoniaux.

A – Le dommage matériel

Il s'agit de l’atteinte à un bien appropriable. Néanmoins, cela ne peut jouer que pour les biens corporels. Récemment, les juges ont fini par admettre l’idée de préjudice « écologique », c'est-à-dire un dommage causé à l’environnement. Il faut avoir un intérêt à agir pour demander réparation à travers le droit de la responsabilité civile, cela ne pourra alors jouer que pour les propriétaires des terres souillées par le pétrole (affaire de l’Erika), les personnes lésées par ces atteintes.

B – Le dommage pécuniaire

Il s'agit d’une « plaie d’argent », une perte d’argent. La victime doit donc dépenser directement (si c’est indirect, comme la réparation d’une voiture, il s'agit d’un dommage matériel) une certaine somme ou en être privée à cause du fait générateur. On peut identifier deux sous-catégories. On y trouve tout d’abord les conséquences pécuniaires du dommage corporel. La personne qui subit une atteinte à son intégrité physique est touchée par une atteinte pécuniaire (frais de soins, d’hospitalisation, etc.). Un accident peut également entrainer une incapacité ou une invalidité et le droit de la responsabilité civile prend en compte un taux d’invalidité ou d’incapacité si cela est définitif ou dure un certain temps. On distingue des taux d’incapacité partielle ou totale (IP ou IT), ce qui peut se combiner avec le fait que l’incapacité soit permanente ou temporaire. On y trouve ensuite, comme dans de nombreux droits européens, de dommages purement économiques (pure economic loss). Il s'agit de pertes d’argent dans l’exercice d’une activité lucrative. Il n’y a alors pas forcément atteinte à un bien (cf. concurrence déloyale entre deux commerçants).

II – LES DOMMAGES EXTRAPATRIMONIAUX

On les appelle également les dommages moraux. Les dommages extrapatrimoniaux sont des atteintes à des valeurs autres que le patrimoine de la victime. Ce sont toujours des atteintes à la personne. Ce sont des souffrances, des douleurs, physiques ou morales. Ils sont néanmoins difficilement chiffrables, il est en effet difficile d’estimer en argent la souffrance humaine par exemple. La réparation d’un préjudice moral a longtemps été rejetée et il a fallu attendre 1833 pour que cette réparation soit admise par les juges. En matière de préjudice moral il semble tout de même préférable de parler d’indemnisation.

A – Les conséquences extrapatrimoniales du dommage corporel

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Quand il y a atteinte à l’intégrité de la personne, un dommage corporel, cela peut entrainer un dommage corporel mais également un préjudice moral, douleurs physiques et psychiques ressenties par la victime. On trouve dans cette catégorie un nombre de préjudices considérables dont la liste continue à évoluer de jour en jour.

On peut dresser une liste non exhaustive de ces préjudices. Tout d’abord le pretium doloris qui est le « prix de la douleur », qui recouvre les souffrances physiques endurées par la victime. Il existe également un préjudice esthétique, une disgrâce physique dont on peut demander réparation (défiguration, cicatrice, etc.). Il existe également un préjudice d’agrément, ce qui recouvre « la privation des joies usuelles de la vie », « des agréments normaux de l’existence ». En réalité, c’est lorsqu’une personne ne peut plus exercer une activité d’agrément qu’elle pouvait faire avant. On a pu considérer que le fait de ne plus pouvoir jardiner constituait un préjudice d’agrément, tout comme le fait de ne plus pouvoir pratiquer un sport. Si l’on ne peut plus exercer une profession, il peut s’agir d’un préjudice d’agrément mais également d’une perte de revenu.

La Cour de cassation a eu à préciser la définition du préjudice d’agrément. S’est d’abord posée la question de savoir comment devait être réparé le préjudice, objectivement ou subjectivement. La question du ressenti du préjudice par la victime a posé question, notamment pour les victimes en état végétatif. Il semblait impossible d’indemniser le pretium doloris, mais rien ne s’opposait à l’indemnisation des autres types de dommage. Dans un arrêt d’Assemblée plénière du 19 décembre 2003, la Cour a dit que le préjudice d’agrément « est un préjudice subjectif de caractère personnel résultant des troubles ressentis dans les conditions d’existence. Sur les tiers payeurs et les assurances (sécurité sociale) : compléter avec le livre.

Plus récemment, la cour de cassation a reconnu l’existence d’un préjudice d’établissement autonome qui consiste en la perte d’espoir de réaliser un projet familial. Cela semble dangereux car cela souligne la volonté de chiffrer toute sorte de préjudice. C’est l’idée que l’on ne supporte plus le négatif.

B – L’atteinte aux sentiments

Il s'agit d’une souffrance totalement indépendante d’une atteinte à l’intégrité physique. C’est par exemple l’atteinte à l’honneur ou à la réputation. Par exemple, cette salope de Bernard Tapie a obtenu 45 millions d’euros en réparation de l’atteinte à son honneur, ce qui semble particulièrement excessif quand on sait que la réparation allouée en cas de décès d’un enfant est d’environ 100 000 euros.

Le préjudice d’affection est lié au dommage ou au décès d’un être cher. La personne qui demande réparation allègue sa souffrance du fait de la souffrance physique d’autrui. Cela est difficilement chiffrable. On cite toujours, sur ce préjudice, des arrêts où une personne demandait réparation pour avoir vu à la télévision une proche victime d’un accident de voiture dans lesquels la Cour de cassation a refusé l’indemnisation. On a accepté la réparation pour la mort d’un cheval et d’un chien.

CHAPITRE 2 : LES VICTIMES DU DOMMAGE RÉPARABLE

Afin de limiter les possibilités de recours face à l’extension des catégories de dommages réparables, on a voulu restreindre l’acception du terme « victime ». Seule la victime ou celui qui est subrogé dans ses droits peut demander réparation.

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Cela suppose évidemment que la victime soit distincte de l’auteur. Il faut également avoir la personnalité juridique, c'est-à-dire être né vivant et viable. Il n’y a pas besoin d’avoir la capacité juridique pour être victime puisqu’un mineur peut être victime.Cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas subir un dommage avant sa naissance, et la victime pourra demander réparation lorsque le dommage sera visible (cas de l’enfant né handicapé du fait d’une extraction au forceps ratée). Certains dommages ne peuvent être subis que par des personnes physiques.

On distingue en droit français les victimes directes ou immédiates et les victimes par ricochet. Les victimes directes ont subi le dommage (atteinte à leur intégrité physique, à leur patrimoine, etc.). Une victime par ricochet subi une atteinte par contrecoup d’un autre dommage. Le préjudice par ricochet peut être matériel ou moral. On ne répare néanmoins pas dans n’importe quelles circonstances, il faut démontrer l’existence d’un lien étroit entre la victime et la victime par ricochet.Pendant un certain temps on avait exigé qu’il y ait entre les deux victimes un lien de droit. C’est pour cela que pendant longtemps on a refusé l’indemnisation à la concubine du fait du dommage causé à son concubin. On disait que la concubine n’avait pas d’intérêt légitime juridiquement protégé. Aujourd’hui, depuis l’arrêt Dangereux (Ch. mixte, 27 février 1970) où un tiers avait causé le décès du concubin, on admet que la concubine puisse obtenir réparation dès lors qu’elle démontre des liens affectifs et matériels suffisants avec la victime. La victime doit démontrer qu’elle était entretenue par la victime directe.

Pendant longtemps on avait exigé que le préjudice direct ou immédiat soit très grave. Cela a depuis été abandonné et même lorsqu’il n’y a que de simples blessures on peut demander réparation du préjudice par ricochet.

CHAPITRE 3 : LES CONDITIONS DU DOMMAGE RÉPARABLE

Il faut tout de même certaines conditions, non pas sur le type de préjudice, mais sur les conditions que doit remplir le type de préjudice pouvant être réparable. Il faut que le dommage satisfasse à trois conditions.

Le dommage doit tout d’abord être certain, c'est-à-dire qu’il ne doit pas être simplement éventuel, que la victime pourrait encore éviter. Le dommage doit être tenu pour acquis et être évalué. Il s'agit principalement des dommages déjà réalisés. Ceci étant dit, on peut indemniser parfois des dommages non encore réalisés, que l’on appelle des dommages futurs, si l’on est d’ores et déjà certain de sa survenance future. Il en va ainsi par exemple d’une personne dont les médecins disent qu’elle sera handicapée à vie, qui se verra octroyer une indemnisation à vie. De même, si à la suite d’une perfusion une personne devient séropositive on pourra l’indemniser pour son traitement. En revanche, on ne pourra l’indemniser pour le SIDA s’il n’est pas encore déclaré et il faudra alors demander à nouveau une réparation dans cette éventualité.

Dans un arrêt récent, la jurisprudence a décidé qu’il n’était pas nécessaire que l’état de la victime se soit aggravé pour obtenir une nouvelle indemnisation. C’était le cas d’une femme devenue handicapée qui avait obtenu une aide. Lorsqu’elle donne naissance à deux enfants elle demande une nouvelle aide. Parfois, les juges peuvent tenter d’empêcher la survenance des dommages futurs par des mesures particulières. C’est par exemple le cas d’une interdiction de publier un journal contenant des propos diffamatoires. Cela n’empêche pas la réparation de la perte d’une chance. Un doute subsiste néanmoins sur la situation de la victime telle qu’elle aurait été en absence du fait dommageable. Il faut tout de même être certain de son existence.

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L’hypothèse classique concernant la perte d’une chance est celle de l’étudiant qui s’apprête à participer à un concours et ne peut s’y présenter du fait d’un accident. A cause du fait dommageable, on a perdu une probabilité de ne pas subir le dommage. On ne peut savoir si l’étudiant aurait réussi le concours mais il existe un préjudice certain et actuel, le fait de ne pas avoir pu tenter sa chance. La difficulté sera alors de calculer le dommage réparable. L’indemnisation ne sera pas intégrale et va dépendre de la probabilité de la chance qu’il y avait d’éviter le dommage. Il faut que la chance soit perdue, que l’on ne puisse tenter sa chance. C’est pourquoi on ne peut indemniser facilement l’étudiant qui rate un examen puisqu’il existe une session de rattrapage.

Dans un arrêt récent l’avocat n’avait pas procédé à une diligence particulière mais la victime pouvait encore faire un pourvoi en cassation. La chance n’était alors pas entièrement perdue. Le dommage doit également être direct. Les dommages réparables doivent être la conséquence directe du fait générateur. La principale difficulté en la matière sera de distinguer lien de causalité et nécessité du caractère direct du dommage, domaines techniquement différents. Cela ne présente pas de difficulté particulière, sauf dans deux hypothèses. Tout d’abord cela pose problème dans le cadre des préjudices en cascade. Dans un préjudice en cascade, un préjudice découle d’un autre. Pothier donnait comme exemple un agriculteur achetant une vache malade, contaminant tout son troupeau et entrainant sa faillite. En l’espèce, tous les préjudices sont liés par un lien de causalité car sans le préjudice aucun dommage n’aurait eu lieu. La Cour décide qu’à partir d’un moment, même s’il existe un lien de causalité, le préjudice est indirect. Cela vaut notamment pour les cas où l’on trouve une autre cause au dommage.

Dans une affaire où un homme était handicapé des suites d’un accident de la circulation. Après un incendie à l’hôpital il n’a pu sortir et est décédé. La cour d’appel avait ordonné la réparation tandis que la Cour de cassation a retenu que le préjudice était indirect car étant handicapé il s’était vu alloué l’assistance d’une tierce personne et sa mort avait été causée par l’incendie et non directement par son handicap, d’ailleurs réparé.

Une autre hypothèse difficilement appréhendable est celle des prédispositions de la victime. Cela a un lien avec l’idée de prévisibilité du dommage. L’exemple type est celui de la personne qui crève un œil à un borgne. Se pose alors la question de savoir si l’on indemnise la perte d’un œil ou de sa cécité nouvelle. La règle est que l’on doit réparer le dommage tel qu’il est apparu et que l’on ne tient pas compte des prédispositions de la victime. On devra réparer le fait d’avoir rendu quelqu’un aveugle ou de l’avoir tué en lui faisant peur lorsqu’il était cardiaque. Le droit à indemnisation ne peut être réduit en raison d’une prédisposition pathologique.

Enfin, l’intérêt lésé doit être légitime. Certains dommages peuvent paraître irréparables. Le droit refusa par exemple longtemps de protéger l’intérêt de la concubine car il n’est pas juridiquement considéré légitime. En 1970 un arrêt n’exige plus de lien de droit entre la victime et la victime par ricochet, la solution antérieure est donc abandonnée.

Il existe dans la jurisprudence récente des dommages non réparables en soi. Dans une affaire une femme voulait avorter et vint voir un médecin qui effectua l’intervention. Peu de temps après la femme se rendit compte que l’avortement avait échoué et demanda réparation de son préjudice au chirurgien. Dans un arrêt de 1991 la Cour de cassation est venue affirmer que l’existence d’un enfant conçu ne peut constituer un préjudice réparable. La souffrance de la femme n’est alors pas considérée comme légitime par les tribunaux. Dans cette affaire la Haute Juridiction

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semble réserver l’indemnisation à une éventuelle malformation de l’enfant car elle précise que l’enfant était en l’espèce parfaitement constitué. L’affaire Perruche : fiche p. 50. 17 novembre 2000.

Une femme enceinte souhaite faire un test pour empêcher son enfant de développer la rubéole in utero. Le laboratoire lui indique qu’elle est saine mais il s’avère qu’il s’était trompé. L’enfant nait alors gravement handicapé. Suite à cela les parents demandent réparation et agissent également en réparation au nom de leur enfant. C’est la distinction entre les deux types d’action qui a alors posé problème.

Auparavant, la Cour de cassation indemnisait les parents pour leur préjudice propre. Ici enfant demande réparation préjudice au travers des parents. Le tribunal n’accepte pas indemnisation enfant. CA de renvoi a refusé. Cour de cassation casse à nouveau. CA : enfant n’a pas de préjudice indemnisable car son préjudice n’est du qu’à la rubéole de sa mère et non faute médecin. Cour de cassation dit qu’il faut indemniser. A la suite de l’arrêt, certains ont dit que l’arrêt était inadmissible (dans la presse). Indemnisation du préjudice d’être né. C’est de la folie : le fait de naitre comme l’avait dit en 91, ce n’est pas un préjudice. Faute du médecin est acquise. Auteurs ont dit qu’il faut lien de causalité entre faute et handicap. Faute du médecin n’a pas engendré malformation. C’est la mère qui a attrapé la rubéole, mais ce n’est pas le médecin qui cause le handicap. Causalité, s’il y en a une, est avec la naissance. Donc enfant demande réparation préjudice d’être né. Voudrait dire que droit de ne pas naitre reconnu par Cour de cassation. S’est propagé, aussi à politique. Donc on a fait loi : Mars 2002 sur responsabilité médicale qui unifie les règles : « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance ». + Les parents ne peuvent demander réparation que d’un préjudice moral. Donc on n’indemnise plus rien pratiquement, car préjudice moral est faible.

D’autres estiment que l’interprétation de la Cour de cassation est bonne. Droit de ne pas naitre. Il ne faudrait pas faire de la morale. La cour a raison. Pensent que le droit est une technique neutre. Pour eux définition liberté : droit d’être fou.

Pourquoi est-ce fou d’accorder un droit de ne pas naitre ? Droit seulement pour titulaire d’une personnalité juridique. Or pas né, alors pas de personnalité juridique. Qui représente le fœtus ? Le droit a une fonction anthropologique. Il a donc à voir avec l’humanité de la personne. Tout ce qui a été dit aurait été vrai si la cour avait indemnisé la naissance de l’enfant. Mais on peut lire l’arrêt autrement. Pourquoi semble opportun d’indemniser l’enfant : si on indemnise parents, si les parents meurent il n’y a plus d’indemnité, donc plus de préjudice. Il faut indemniser l’enfant car c’est lui qui doit assumer handicap. En lisant l’arrêt, on ne peut dire que la naissance d’un enfant handicapé est un préjudice. Mais le handicap en lui même est un préjudice réparable. Cour de cassation dans Perruche ne parle à aucun moment de naissance. Cour de cassation dit que l’enfant peut demander réparation du handicap. Il reste le problème du lien de causalité : Ceux qui ont commenté ont confondu deux obligations du médecin : soin et information. On a raisonné qu’avec obligation de soin. Mais ici c’était l’obligation d’information. Mauvaise information. Cause les conséquences sans que ça les ait provoquées. Ici lien de causalité entre violation de l’obligation d’information et le préjudice. Mais c’est une responsabilité médicale, donc contractuelle, donc c’est la mère qui doit se prévaloir. Mais depuis 2006, quand contrat cause dommage à tiers, il peut s’en prévaloir sur fondement de la responsabilité délictuelle. Suite à la loi anti perruche : si assurance à cause handicap, les parents ont du rendre l’argent d’indemnisation du dommage. Finalement on ne peut forcer les personnes à rendre. Préjudice d’être né n’est pas réparable en soi.

L’arrêt perruche ne se justifie que si faute médicale grave. Ce qui était sous jacent dans l’arrêt était l’avortement qui est une liberté juridiquement protégée en France. C’est un droit ? (Si il y a débiteur

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qu’on peut poursuivre). Médecin n’a pas mis la femme en mesure de décider en toute liberté si voulait avorter. L’a privé de sa liberté de choisir d’avorter. Aux USA : l’action des parents : action en wrongful birth : naissance dommageable. Wrongful life : vie préjudiciable. Seulement certains Etats acceptent.

L’hypothèse des victimes en situation illicite : droit dit que pas d’intérêt légitime juridiquement protégé. Victime qui a préjudice en principe réparable, mais le droit refuse de le réparer car estime que l’intérêt n’est pas juridiquement protégé. Par exemple, victime qui a provoqué l’auteur qui lui a donné un coup. 1382, il y a faute : coup de poing. Mais provocation peut être faute de la victime : cause d’exonération. Au moins partielle. Affaire : trafic de caméscopes volés. A l’occasion du trafic a été tué. Famille demande réparation du préjudice matériel (fournissait besoins) et moral. Préjudice pas réparé. Tentation d’appliquer nemo auditur propriam turpitudinem allegans. Mais adage pas applicable en matière délictuelle. Ne s’applique pour contrat dans certains cas. On ne refuse réparation que quand lien direct entre illicéité et dommage.

SOUS-TITRE 3 : LE LIEN DE CAUSALITÉ

Il s'agit de la condition de réparation du dommage. Lien ne jouera pas de la même façon selon le type de fait générateur. Pour le fait des choses, il ne faut pas mettre lien de causalité à part, car lien de causalité est un des critères de l’engagement du fait de la chose : il faut un rôle causal de la chose : chose ait été instrument du dommage. Le fait d’autrui : pour parents, lien de causalité réside dans le fait dommageable de l’enfant : fait de l’enfant qui a causé un dommage. Un seul régime où responsabilité sans besoin de faute ni causalité quand dommage : les accidents de la circulation.

CHAPITRE 1

I – LA DÉFINITION DU LIEN DE CAUSALITÉ

Entre la faute et le dommage et non le contraire. C’est un lien qui unit une cause à son effet. Concomitance : n’est pas suffisant. Il faut vrai lien de cause à effet. Parfois définition intuitive, mais parfois pas. Rendu plus difficile par contrôle de la Cour de cassation. Doctrine a théorisé lien de causalité pour suppléer à l’absence de définition de la Cour de cassation. Deux théories possibles. Cour de cassation ne tranche pas entre les deux théories.

1) Théorie de l’équivalence des conditions

On applique quand dommage est la conséquence de plusieurs faits. Retient un événement comme cause d’un dommage lorsque, sans l’événement, le dommage ne se serait pas produit. L’événement est une condition sine qua non du dommage. Regard rétrospectif sur les événements : on se demande ce qui ce serait passé si fait générateur ne s’était pas produit. S’il y avait quand même eu dommage, pas de causalité. On reconstitue concrètement le cours des événements. En général on dit que c’est ce qui conduit à la définition la plus large du lien de causalité. Différencier lien de causalité et préjudice direct : il peut y avoir lien de causalité indirect. Si on refuse il faut voir si c’est parce qu’absence causalité ou trop distendu.

2) Théorie de la causalité adéquate

Raisonnement abstrait : on regarde si en théorie, selon cours normal des choses, ce genre d’événement cause ce type de dommage. Si oui, causalité. Beaucoup plus abstrait. En ce sens pas de

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lien de causalité si accident de voiture, besoin transfusion et attrape hépatite. Parfois, comme le premier est trop large, les juges retiennent cette théorie. Employé plutôt quand incertitude sur le cas concret. Pour les cas de la sclérose en plaque. Quand on s’interroge sur lien de causalité avec hépatite B. on ne peut remonter le cours des événements pour savoir si lien de causalité, car rares cas où vaccin donne maladie. On demande avis d’experts, on cherche de façon abstraite si vaccin donne normalement la maladie. Selon les cas elle utilise une ou autre des théories en fonction de ce qui lui paraît juste. Si veut restreindre utilise la deuxième, si veut étendre, utilise la première.

II – LA QUESTION DE LA PREUVE DU LIEN DE CAUSALITÉ

Le lien de causalité est une condition de la mise en œuvre de la responsabilité et le demandeur, donc la victime, doit prouver le lien de causalité. Parfois, il demeure une petite incertitude. En principe il faut démontrer, mais dans certains domaines, la Cour de cassation est plus souple, comme dans les cas de contamination par transfusion sanguine.

Dans arrêts récents, Cour de cassation a même posé une présomption, mais on ne peut présumer que quand certains éléments réunis. 2001. Transfusion : personne doit démontrer que contamination a eu lieu à l’occasion de la transfusion sanguine, et qu’elle ne présente aucun mode de contamination qui lui soit propre, il appartient au centre de transfusion que les produits étaient exempts de tout vice. Présomption simple qui conduit à renversement de la charge de la preuve. Affaire médecin libéral. Dans les poubelles, un éboueur s’est fait piquer par une seringue usagée et s’est rendu compte plus tard que séropositif. A demander réparation au médecin. Médecin a dit que ses patients pas séropositifs, Cour de cassation a estimé que médecin ne pouvait pas savoir.

CHAPITRE 2 : LA RUPTURE DU LIEN DE CAUSALITÉ

On parle de force majeure ou cas fortuit, mais on parle plus volontiers de force majeure. Vocabulaire pas fixé dans les arrêts pour cas fortuit. Evénement de force majeure rompt la causalité et exonère de la responsabilité. Traditionnellement un événement de force majeur c’est un événement qui rempli trois condition : irrésistibilité, imprévisibilité et extériorité.

Imprévisibilité : Date d’appréciation de l’imprévisibilité c’est la date de survenance du dommage. Irrésistible : insurmontable, impossible d’éviter le dommage. On ne peut empêcher la survenance du dommage. Extérieur : en matière délictuelle : à la personne qui l’invoque. Evolution : Cour de cassation dans les années 90 avait réunie les conditions irrésistible et imprévisible dans condition d’impossibilité d’éviter dommage : même si on avait pu prévoir, si on avait tout fait pour éviter mais qu’on n’avait pas pu, quand même exonéré. Imprévisibilité n’était plus une condition. Argument de logique et de justice. Il fallait avoir fait tout ce qui était en son possible. Deux arrêts d’assemblée plénière du 14 avril 06. Femme découverte morte. On n’a pas réussi à prouver l’homicide involontaire. Donc surement suicide, ce qui constitue un cas de force majeure qui peut exonérer la RATP. Cour de cassation dit qu’il faut caractère imprévisible et irrésistible. Retient les deux critères de nouveau.

La maladie : en matière contractuelle arrêt spécial, machine particulière, on a considéré que constituait force majeur, même si pas extérieur. Question des dommages dans métro et train sont classiques. Il faut quand même trois caractères de la force majeure. Exonération totale ou partielle ? Dépend de la force majeure. Si force majeure, a priori, pas de faute, donc exonération totale. La force majeure donne exonération totale, toujours. Système du tout ou rien.

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CHAPITRE 3 : LES AUTRES CAUSES ÉTRANGÈRES : HYPOTHÈSE DE PLURALITÉ DES CAUSES

Deux hypothèses : la faute de la victime et la faute du tiers. En toute rigueur, on ne parle pas de faute de la victime. Exonération partielle pour l’auteur du dommage. I – FAIT VICTIME DE NATURE À ENGAGER LA RESPONSABILITÉ

Fait de la victime : quand la victime a au moins contribué, par son fait, à la constitution du dommage. Si fait victime constitue cas de force majeure, exonère totalement l’auteur. Conditions pour exonération partielle : - Fait de nature à engager la responsabilité de la victime : faute victime ou fait de la chose dont la victime avait la garde qui a causé dommage. - Il faut qu’ait contribué au dommage dont victime demande réparation

Comment se fait le partage ? De combien est exonéré l’auteur. En général on compare la gravité des comportements de l’auteur et de la victime. Si faute de chacun ayant contribué au dommage, on fait partage selon gravité. Si l’un des deux est fautif et que l’autre a contribué au dommage avec chose (sans faute) en général, responsabilité reste intégralement sur le fautif. Quand aucun n’a commis de faute, on dit qu’on fait un partage par tête ou par force virile. Difficulté pour les victimes par ricochet : faute de la victime directe opposable à la victime par ricochet ? Cour de cassation a dit que oui : donc cause d’exonération pour l’auteur.

II – LE FAIT D’UN TIERS

Si a caractère force majeure : exonération totale. Si le fait a contribué au dommage : faute ou fait de la chose dont le tiers était gardien. Si c’est le cas, il est coresponsable, co-auteur du dommage : donc responsabilité in solidum. Faute du tiers pas exonératoire à l’égard de la victime : elle peut demander réparation à n’importe lequel des c auteurs solidaires. Oui in fine car action récursoire.

CHAPITRE 4 : RÉGIMES SPÉCIAUX DU FAIT DES CHOSES SPÉCIALES

Loi du 5 juillet 1965 dite Badinter pour les accidents de la circulation.Loi de 1998 pour les produits défectueux.

SECTION 1 : L’INDEMNISATION DES VICTIMES D’ACCIDENT DE LA CIRCULATION : LOI DU 5 JUILLET 1985

Pendant très longtemps, ils ont été réparés sur le fondement de 1384 al. 1. Depuis très longtemps déjà, le professeur Tunc et d’autres ont plaidé pour l’introduction d’un régime spécial pour les accidents de la circulation car les causes d’exonération n’allaient pas. Quand il y a un accident de la circulation, il y a très souvent une petite faute de la victime. En pratique, la compagnie verse les fonds et systématiquement, elle contestait le montant de l’indemnisation de la victime. La victime n’avait aucune indemnisation pendant le cours de la procédure. Le législateur n’a pas bougé pendant longtemps car les avocats n’étaient pas pour car c’était un contentieux gigantesque.

Elle a rendu un arrêt Desmares en 1982 où elle a fait un revirement de jurisprudence, il y a faute de la victime et la faute de la victime n’est pas exonératoire sauf quand c’est une force majeure mais elle a repris sa jurisprudence.

La loi de 1985 a été adoptée et elle contient deux innovations majeures car elle avait deux buts : - Fond du droit : fond d’indemnisation dans les articles 1 à 6- Aspect procédural : articles 7 à 48

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I – LE DOMAINE D’APPLICATION DE LA LOI DU 5 JUILLET 1985

C’est dérogatoire à 1384 al.1. La loi de 1985 ne s’applique que pour les accidents de la circulation survenus en France. Cela concerne tous les accidents de la circulation survenus en France même si par rapport à la législation, l’accident est qualifié autrement. Le domaine est précisé par l’article 1 er

de la loi : la loi s’applique aux victimes d’un accident de la circulation mêmes si elles sont transportées en vertu d’un contrat donc la loi transcende la différence délictuelle/ contractuelle. Il faut qu’il y ait un accident qui soit fortuit c'est-à-dire qui arrive par hasard. En revanche, les dommages volontairement causés par le conducteur ne sont pas un accident car ce n’est pas arrivé fortuitement. L’origine de l’accident peut être quelconque. Même un incendie est un accident de la circulation. On a retiré les choses volontaires pour des raisons d’assurance. Il faut que se soit un accident de la circulation c'est-à-dire que la circulation se définit de façon fonctionnelle c'est-à-dire quand le véhicule était destiné à circuler même si au moment du dommage il était immobile. Il y a eu une jurisprudence sur les bennes accrochées à des camions, si tout est accroché, c’est destiné à circuler mais la benne seule n’est pas un engin destiné à circuler. La question qui s’est posée aussi est la voie de la circulation. La nature de la voie qu’elle soit privée ou publique, c’est accident de la circulation. Il faut que se soit un lieu de circulation et il y a eu comme exemple un cyclomoteur en stationnement dans un hall d’immeuble. Quand il y a une compétition sportive, la cour de cassation considère qu’il n’y a pas d’accidents de la circulation quand on est dans un circuit fermé.

Qu’est ce qu’un véhicule ? Quel type de véhicule donne lieu à l’application de la loi de 1985 ? Il faut un véhicule terrestre à moteur. Ex : tondeuse à gazon. Il faut qu’il y ait un conducteur possible ainsi que ces remorques attachées au véhicule à moteur. Si la partie détachée n’a pas de moteur, donc est immobile seule, n’est pas un véhicule. On exclut de cette loi les accidents de tramway et de train circulant sur les voies qui leurs sont propres. S’il y a une collision sur une voie non propre et un véhicule, c’est un accident de la circulation.Il faut l’implication d’un véhicule dans un accident de la circulation. La notion d’implication est la notion clef de la loi de 1985. L’idée est qu’on ne voulait plus des discussions sans fin sur les questions de causalité du dommage donc il a été clair dans les travaux préparatoires qu’on utilisait le concept d’implication qui n’est pas causalité. L’implication du véhicule était la participation du véhicule d’une manière ou d’une autre au dommage. La cour de cassation utilise aujourd’hui l’idée que le véhicule est intervenu à quelque titre que se soit dans le dommage. Dès lors qu’il a joué un rôle quelconque dans sa réalisation c'est-à-dire pas nécessaire un rôle causal. La cour de cassation a réaffirmé que l’implication ne suppose pas un quelconque rôle anormal du véhicule. La notion d’implication a été complexifiée par la jurisprudence. La jurisprudence a distingué la notion d’implication dans l’accident de l’implication dans le dommage dans deux cas particuliers.

La première hypothèse est celle d’accident complexe c'est-à-dire qu’il y a une pluralité de véhicules impliqués dans l’accident. Ex : carambolage. La cour de cassation a finit par décider qu’il y avait un accident global et unique qui implique tous les véhicules et il suffit qu’un véhicule soit impliqué dans le dommage pour qu’il soit tenu à réparer.

La seconde hypothèse est le fait qu’il y a eu un accident et un dommage et un autre dommage est apparu ensuite. LA cour de cassation a posé des présomptions d’imputabilité à l’accident. Ce sont des présomptions simples c'est-à-dire que l’auteur pourra démontrer que le dommage n’est lié à l’accident de la circulation. L’arrêt de 1997 était un accident de la circulation qui avait provoqué des blessures légères à la jambe puis la victime est morte d’une crise cardiaque. La cour d’appel l’a déboutée de sa demande car la victime n’a pas démontré le lien. La cour de cassation censure et pose une présomption simple donc l’auteur du dommage doit prouver qu’il n’y a pas de lien. La notion d’implication du véhicule est extrêmement large.

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Le domaine de la loi n’est indiqué que dans l’article 1er. La loi ne dit pas directement qui est responsable. C’est en lisant l’article 2 qui concerne les causes d’exonération montre qui est responsable. La force majeure et le fait du tiers ne sont pas des causes d’exonération par le conducteur ou le gardien d’un véhicule de l’article 1er. Le responsable au sens de la loi de 1985 est le conducteur ou le gardien d’un véhicule au sens de l’article 1er. La loi de 1985 n’est applicable que quand le défendeur est un conducteur ou un gardien au sens de cette même loi. La principale jurisprudence sur les conducteurs ne s’oppose pas tant au régime d’indemnisation des dommages du conducteur comme victime. Le gardien au sens de cette loi est le propriétaire du véhicule c'est-à-dire celui qui a l’assurance. Au sens du défendeur, il n’y a pas eu énormément de jurisprudence. En revanche, le gardien n’est pas nécessairement le conducteur du véhicule, il se peut qu’ils agissent l’un contre l’autre. Par exemple, le gardien victime peut agir contre le conducteur qui n’est pas le propriétaire. Le conducteur peut aussi agir contre le gardien, par exemple il a été blessé contre le gardien, ce qui va déclencher l’assurance. Par exemple, une jeune femme faisait de l’autostop a été prise en charge par l’automobiliste, il était ivre, elle a pris le volant à sa place, elle a eu un accident et elle est morte, ses héritiers ont pu agir contre le propriétaire du véhicule. Cela suppose que la personne n’agisse pas contre elle même.

Une personne descendue pour fermer la porte de son garage. Elle n’a pas mis le frein à main et le véhicule l’écrase, elle ne peut demander réparation.

II – LE RÉGIME D’INDEMNISATION DES VICTIMES D’ACCIDENT DE LA CIRCULATION

Le régime est protecteur. Les articles 2 à 6 ne régissent que les causes d’exonération de la responsabilité. On a modifié toutes les causes d’exonération du régime droit commun. Le régime d’indemnisation de la loi de 1985 part d’une double distinction : elle distingue d’abord selon les types de dommages et selon les types de victimes.

- Selon les types de dommage :La loi a voulu favoriser l’indemnisation des dommages corporels c'est-à-dire les atteintes aux personnes.

A – Les dommages corporels c'est-à-dire les atteintes à la personne

C’est le cœur de la loi de 1985 et le régime d’indemnisation n’est pas du tout le même. Une atteinte à la personne au sens de cette loi c’est les dommages corporels auxquels la loi dans son article 5 ajoute les dommages subis à certains biens particulièrement attachés à la personne. On assimile les dommages sur fournitures et appareils délivrés sur prescription médicale. Le dommage est toujours entièrement réparé parce que la loi va limiter considérablement les causes d’exonération. L’article 2 de la loi est très général et ne distingue pas selon les types de victimes. Notamment pour les dommages corporels mais pas seulement, la force majeure et le fait d’un tiers ne sont pas des causes d’exonération. Il reste à voir la question de la faute de la victime. Dans la loi quand on est en matière de dommages corporels, il faut procéder à une autre distinction selon le type de victimes. Il y a des victimes « normales » c'est-à-dire le régime général et des victimes particulièrement protégés et des victimes protégées. C’est el droit commun des victimes non conductrices. C’est l’article 3 de la loi qui donne le régime et qui énonce « les victimes hormis les conducteurs sont indemnisés des dommages résultant des atteintes à la personne qu’elles ont subis sans qu’on puisse leur opposer leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident ». Au début de la loi, il y a eu énormément de contentieux car les compagnies ont plaidé que la faute de la victime était inexcusable. Tout allait donc dépendre de la position de la cour de cassation sur cette notion. La cour de cassation a senti que c’était un point central de la loi et elle a voulu protéger la victime donc elle a donné une interprétation restrictive de la notion de faute inexcusable par 11 arrêts du 20 juillet 1987 où la faute inexcusable est la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité

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exposant sans raisons valables son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience. Les juges du fond n’ont pas tout de suite suivi la jurisprudence pour responsabiliser les victimes. La cour de cassation s’est réunit en AP et dans un arrêt du 10 novembre 1995, elle a repris mot pour mot la définition de 1987 donc elle ne cède pas. Il n’y a donc quasiment jamais faute inexcusable.

Ex : piéton qui court et traverse la chaussé n’est pas une faute inexcusable, la faute du piéton qui a surgit à l’arrière d’un fourgon n’est pas une faute inexcusable, la faute du piéton qui entreprend en courant hors du passage clouté sans précaution n’est pas une faute inexcusable, piéton qui pour se faire prendre en autostop s’était mis au milieu de la route sans éclairage de nuit, par temps pluvieux alors qu’il avait bu c’était une faute inexcusable, … Les seuls cas où on a retenu la faute inexcusable, c’est quand une personne traverse des voies de circulation rapide séparées par un terre-plein central.

L’article 3 al. 3 où la victime n’est pas indemnisée par l’auteur de l’accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu’elle a volontairement recherché le dommage qu’elle a subi.Il y a des victimes particulièrement protégées. C’est l’article 3 al. 2. Les victimes non conductrices âgées de moins de 16 ans ou de plus de 70 ans ou encore celle qui sont titulaires au moment de l’accident d’un titre leur reconnaissant un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité au moins égal à 80%. On ne peut leur opposer que la recherche volontaire du dommage.

Il y a des victimes conductrices. C’est le cas le plus compliqué car c’est le cas où la jurisprudence a modifié le plus le régime de la loi. Les juges sont intervenus car le régime posé par la loi était extrêmement sévère pour la victime conductrice. Dans la loi, le régime est très défavorable à la victime conductrice car on estime que c’est lui qui a pris son engin à moteur donc il doit assumer le risque. Ce régime très défavorable de s’applique qu’à la victime conductrice car ce régime est déduit de l’article 4 de la loi qui ne vise que le conducteur. Le principe de cet article est que la faute commise par la victime conductrice a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation qui lui est due donc sa faute est opposable (régime de droit commun de 1382). La moindre faute même simple au sens de 1382 et 1383 est opposable au conducteur du véhicule. Le gardien est le propriétaire du véhicule alors que le conducteur est celui qui conduit le véhicule à moteur. Le gardien est considéré comme une victime normale et on ne peut lui opposer que sa faute inexcusable. Si le gardien est conducteur, on lui applique le régime des victimes conductrices. Le gardien si il est victime alors qu’il n’est pas conducteur (hors de la voiture ou passager) ne se voit pas appliquer ce régime.

Il y a deux difficultés complexes : comment s’apprécie la faute du conducteur au sens de l’article 4 ? Qu’est ce qu’un conducteur au sens de l’article 4 ?Comment s’apprécie la faute du conducteur au sens de l’article 4 ?

En résumé, c’est ce qu’on appelle une faute simple mais causale du conducteur qui va permettre de réduire son droit à indemnisation.La faute de l’article 4 c’est la faute au sens du droit commun sans considération de la gravité de la faute. C’est une faute tout à fit simple. En revanche, la difficulté qui s’est posé est de savoir si la faute du conducteur ait été à l’origine de l’accident ou plutôt à l’origine de son dommage ? Il y a une évolution dans la jurisprudence parce que en particulier la 2ème chambre civile était très rigoureuse avec les victimes conductrices c'est-à-dire qu’elle considérait que n’importe quelle faute du conducteur était une faute de nature à réduire son indemnisation même si en réalité elle n’avait aucun rôle dans la survenance de son dommage.

Ex : conducteur consomme de l’alcool ou des stupéfiants, il a un accident qui n’est pas dû à sa consommation et donc son dommage n’est pas dû à sa consommation. La 2ème chambre civile considérait qu’il y avait quand même une faute car ayant pris de l’alcool, il n’aurait pas dû prendre le volant.

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Il y a eu un revirement de jurisprudence par deux arrêts du 6 avril 2007 de l’assemblée plénière de la cour de cassation où la cour est plus indulgente en exigeant pour que sa faute lui soit opposable que sa faute soit la raison ou la cause du dommage du conducteur. Dans les deux cas, elle retient que l’état d’alcoolémie n’est pour rien dans le dommage subi par le conducteur donc cette faute ne peut lui être opposé pour réduire son droit à réparation.

Il y a un cas où le conducteur n’attache pas sa ceinture de sécurité, ce qui est une faute au sens de 1382. Le fait de ne pas avoir la ceinture cause un dommage plus important. Donc il y a bien un lien de causalité entre la faute et le dommage donc c’est bien une faute causale donc on va réduire le droit à indemnisation.

Qu’est ce que c’est un conducteur ?

La jurisprudence est fixée mais complexe. A priori celui qui est conducteur est celui qui est au volant. Celui qui est éjecté du véhicule de son véhicule pose des problèmes à cause de la question des accidents complexes. Il faut chercher la position de la personne que l’on veut qualifier de conducteur au moment de l’accident complexe. S’il est éjecté à la suite de l’accident alors qu’il était au volant, il est conducteur mais si une personne a un accident, il est éjecté et est renversé par une personne, il n’est pas considéré comme conducteur. Le cas s’est posé des véhicules de conduite où celui qui prend des leçons est au volant et l’accompagnateur a des pédales, on considère que c’est l’accompagnateur qui a la maitrise du véhicule et est considéré comme le conducteur du véhicule. Le conducteur est indépendant de l’âge. Le conducteur est celui qui est volant même si la voiture est à l’arrêt. C’est celui qui soutient qu’une autre personne est conductrice de démontrer qu’il n’est pas conducteur.

La question qui se pose est de savoir contre qui le conducteur va pouvoir agir pour demander réparation de son dommage. Il y a plusieurs actions possibles de la victime conductrice.

Premièrement, elle peut agir dans un accident complexe contre soit le conducteur, soit le gardien d’un véhicule co-impliqué. Il faut donc qu’il y ait un autre véhicule impliqué. A ce moment là, à nouveau, contre l’action qu’il fait contre le conducteur ou le gardien, on va pouvoir lui opposer sa faute. La question essentielle qui s’est posée c’est de savoir comment se fait le partage de responsabilité. Il y a une victime conductrice qui agit contre un autre conducteur donc il faut savoir comment partager la responsabilité et de combien son droit à réparation est diminué. On regarde la gravité respective des fautes. Si l’auteur est responsable sans faute (1384 alinéa 1), la faute de la victime conduit à une exonération totale. Si c’est deux gardiens, on partage par tête. Sur le fondement de la loi 1985, il ya opposition entre la 2ème chambre civile et la chambre criminelle. La deuxième chambre appliquait les règles du droit commun c'est-à-dire que la victime conductrice qui a commis une faute ne pouvait obtenir une indemnisation que si l’auteur conducteur avait lui même commis une faute. En revanche, la chambre criminelle a jugé que chaque conducteur même si il n’est pas fautif doit indemniser l’autre sauf si la faute du conducteur fautif est la seule cause de son dommage. On a réunit une chambre mixte qui a rendu un important arrêt le 28 mars 1997 qui a pris la position plus indulgente de la chambre criminelle et désormais c’est au juge du fond d’apprécier souverainement la part de responsabilité qui doit être laissée à chaque conducteur mais ce qui est certain c’est qu’on ne subordonne plus l’action du conducteur victime contre un conducteur impliqué à la faute de ce dernier.

Deuxièmement, le conducteur peut agir si seulement son véhicule est impliqué contre le gardien du véhicule donc il faut que le gardien et le conducteur ne soient pas la même personne. Si le conducteur est en même temps gardien, il ne peut pas être indemnisé au sens de la loi de 1985. On aurait pu décider l’inverse car la loi de 1985 déclenche une assurance mais en réalité tout va

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dépendre des régimes d’assurance. A priori donc la loi de 1985 n’est pas applicable donc l’indemnisation n’est pas automatique. En revanche si le conducteur n’est pas gardien, il peut agir contre le gardien du véhicule.

Ex : jeune femme faisait de l’autostop a été prise en charge par un automobiliste, elle s’est aperçue qu’il est ivre, elle propose de prendre le volant, la femme n’avait pas son permis de conduire et donc ils ont eu un accident, la conductrice décède, elle agit contre le gardien, la cour d’appel avait refusé cette demande car elle considère qu’il fallait une faute du gardien mais la cour de cassation censure en disant « le conducteur si il n’est pas gardien a le droit de la part de celui-ci à l’indemnisation … ». On peut cependant lui opposer sa faute si c’est une faute causale.

Pour finir, il peut toujours y avoir une action de la victime conductrice contre un autre responsable c'est-à-dire un piéton, un cycliste. A ce moment là, l’action est fondée sur le droit commun.

A – La réparation des dommages aux biens

C’est l’article 5 de la loi. Pour les dommages aux biens, on ne distingue pas selon les types de victime. Il y a donc un seul régime qui est le régime de droit commun uniquement pour la faute de la victime « la faute commise par la victime a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation du dommage aux biens qu’elle subit ». En droit commun, il y a aussi la force majeure et la faute d’un tiers mais l’article 2 énonce que la force majeure et la faute d’un tiers ne sont pas des causes d’exonération donc elles ne sont pas des causes d’exonération. L’article 5 précise aussi un cas particulier qui est celui où un dommage matériel est causé à un véhicule alors que le conducteur du véhicule n’est pas gardien. A ce moment là, le propriétaire va demander l’indemnisation des dommages causés à son véhicule, l’article 5 prévoit que la faute du conducteur peut être opposée au propriétaire pour l’indemnisation des dommages causés par son véhicule donc l’assurance peut opposer la faute du conducteur au propriétaire du véhicule. Il aura bien sur une action récursoire contre le conducteur.

B – Le cas particulier des victimes par ricochet d’un accident de la circulation

En droit commun, on indemnise la victime par ricochet comme la victime directe c'est-à-dire que les limitations opposées à la victime directe sont opposables à la victime directe. Le régime est exactement le même dans l’article 6. Quand la victime par ricochet est conductrice, le régime est plus complexe. La victime directe n’est pas conductrice et la victime subie un dommage par ricochet, peut-on réparer le dommage subi par la victime par ricochet comme conducteur ou comme la victime directe ? Le texte ne tranchait pas parce que l’article 4 qui traite le cas du conducteur ne distingue pas selon que le conducteur était victime directe ou par ricochet. Une chambre mixte le 28 mars 1997 opte pour la solution la plus sévère pour le conducteur c'est-à-dire qu’on applique l’article 4 c'est-à-dire que le conducteur a le droit à l’indemnisation de ses dommages sauf faute ayant contribué à la réalisation de préjudice.

Qu’est ce qu’on peut opposer à la victime pour réduire son indemnisation ?

Atteinte à la personne Atteinte aux biens

Droit commun

Faute excusable ; cause exclusive de l’accident

Recherche volontaire du dommage

Faute simple

Victime particulièrement protégée (-16 ans, ou +70 ans, et 80%)

Recherche volontaire du dommage Faute simple

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Victime conductriceFaute simple causale, c’est-à-dire à l’origine de son dommage

Faute simple

1 – La procédure d’indemnisation des victimes d’accident de la circulation

Ce sont les articles 7 à 27 de la loi. La loi a voulu accélérer les procédures d’indemnisation. Si la loi a pu poser un régime d’indemnisation très favorable à la victime c’est parce qu’elle l’a couplé à un régime d’assurance. Les articles 7 à 27 ont été codifiés et introduit dans le code des assurances.Le code des assurances prévoit une obligatoire de s’assurer quand on fait rouler un véhicule terrestre à moteur. C’est l’assurance de base. C’est donc l’obligation d’assurer un véhicule pour le faire circuler. L’obligation de base l’assurance couvre les dommages aux biens ou à la personne subis par les tiers. Un cas particulier est prévu. Les contrats d’assurance doivent couvrir la responsabilité civile du gardien ou du conducteur. La loi prévoit que cela couvre la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite même non autorisée du véhicule. Cependant, si on prend un contrat d’assurance et que la voiture est volée, le contrat ne peut assurer les dommages que subis lui même les voleurs et les complices. Il est prévu aussi des recours si aucun assureur ne veut assurer, l’Etat a un bureau central de tarification qui fixera les tarifs d’assurance.

Il y a deux points intéressants dans la procédure que l’on retrouve en droit commun. On distingue l’obligation à la dette et la contribution à la dette.

A – L’obligation à la dette

L’idée était que l’assureur soit obligé d’indemniser la victime dans des bonnes conditions et surtout très rapidement. La grande nouveauté de la loi est que lorsque dans un accident de la circulation il y a eu des dommages corporels, l’assureur doit présenter à la victime une offre d’indemnisation et ce dans les 8 mois à compter de l’accident. Cette offre d’indemnisation doit être raisonnable c'est-à-dire qu’elle doit être mesurée par rapport à ce que va décider le juge. S’il fait une offre que le juge dans l’évaluation du dommage considère comme manifestement insuffisante, l’assureur va être condamné à de lourdes pénalités. Une sanction très lourde est prévue dans types d’hypothèses : soit l’offre est tardive soit l’offre est manifestement insuffisante. Les sanctions sont sur la base d’intérêt. Ex : en cas de retard dans le paiement de l’indemnité, l’assureur doit payer des taux d’intérêt doublés. Si le juge estime que l’offre était manifestement insuffisante, l’assureur doit des dommages et intérêts à la victime, un rattrapage des sommes mais il doit aussi verser 15% d’indemnités en plus au fond de garantie. Les juges ont une interprétation très large c'est-à-dire que toutes ces sanctions peuvent être cumulées. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel c'est-à-dire qu’un nouveau dommage peut apparaître et dans ce cas l’assureur doit faire une nouvelle offre. Si la victime est décédée, l’offre est faite aux héritiers.

L’assureur peut proposer une transaction à la victime. La transaction est très dangereuse car elle évite de faire un procès mais prive la victime de la possibilité de faire un procès. Les règles sont beaucoup plus strictes que pour un contrat de droit commun car les façons de faire annuler les transactions sont beaucoup plus restrictives mais c’est possible. La seule difficulté dans l’obligation à la dette, c’est quand il n’y a pas d’assurance. Par exemple, quand on ne peut pas poursuivre un responsable ou quand on ne peut pas mobiliser une assurance (propriétaire du véhicule sans assurance ou auteur inconnu). Dans tous ces cas, l’indemnisation se fait par un fonds de garantie limitée aux dommages corporels. Le fonds indemnise la victime et ensuite il a une action récursoire contre la personne responsable de l’accident.

B – La contribution à la dette

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Comment se fait le partage entre les co-auteurs ?Il y a plusieurs recours possibles. Il y a pour commencer les recours entre co-auteurs. Les recours dépendent est de savoir si c’est un co-auteur impliqué ou de droit commun. La cour de cassation décide aujourd’hui que le conducteur du véhicule impliqué a un recours contre un conducteur co impliqué sur le fondement de l’article 1382 mais aussi 1251 du code civil.Il peut y avoir aussi des recours entre co auteurs impliqués et ceux du droit commun. A chaque fois la contribution se fait à proportion de la gravité respective des fautes et si un auteur n’a pas commis de faute, il n’aura pas à contribuer à la dette.La jurisprudence a déclaré certains recours irrecevable c'est-à-dire qu’elle a paralysé certains recours. L’idée générale est qu’elle ne veut pas retirer d’une main ce qu’elle a donné de l’autre. Par exemple, elle déclare irrecevable, les recours contre les personnes responsables du fait de la victime c'est-à-dire hypothèse où une personne a un accident, l’auteur a réparé le dommage subi par la victime mineure et veut exercer une action contre les parents de la victime en tant que responsable du fait de leur enfant. Sont paralysés pour la même raison, les recours contre les héritiers ou le conjoint de la victime. Si le conjoint ou les héritiers sont co-auteurs du dommage, l’action récursoire est irrecevable.

C – La question particulière du recours des tiers payeurs

Un tiers payeur est quelqu’un qui a avancé les sommes et qui va pouvoir récupérer ses sommes auprès de l’auteur du dommage. Avant les tiers payeurs venaient au procès et concourrait sur l’enveloppe de la victime. Une loi de 1973 avait obligé en droit commun les juges à distinguer les dommages personnels et les dommages non personnels (ceux soumis à l’action récursoire des tiers payeurs). La loi de 1985 qui concerne les accidents de la circulation en a profité dans certaines dispositions pour affiner les recours des tiers payeurs sur les dommages à la personne aux articles 28 à 34 de la loi. Ces dispositions étaient valables pour tous les recours des tiers payeurs dès lors qu’il y avait dommage corporel donc c’était un régime de droit commun. Cette loi de 1985 avait affiné la liste des prestations ouvrant droit à recours. Cet article a été codifié par une loi du 21 décembre 2006 pour introduire une subrogation c'est-à-dire un recours qui se fait désormais poste par poste c'est-à-dire que le tiers payeur ne peut exercer une action récursoire pour demander à récupérer une somme qu’il a avancé que si elle démontre que la somme correspond bien à la somme avancée pour un poste.

SECTION 2 : LA RESPONSABILITÉ DU FAIT DES PRODUITS DÉFECTUEUX

Ce régime trouve son origine dans une directive de l’UE du 25 juillet 1985. Avant même que la directive ait été transposée, les juges s’en sont inspirés ouvertement et officiellement. La directive de 1985 avait prévu un délai de transposition et ce délai était de 3 ans donc en juillet 1988, il aurait dû y avoir une loi interne de transposition. La France n’a pas transposé la directive dans le délai autorisé et la France a été condamnée. Cette directive n’a fini par être transposée que dans une loi du 19 mai 1998. Cette loi a été codifiée dans le code civil. A la suite de la responsabilité délictuelle (1386), on a jouté 18 articles de 1386-1 à 1386-18 dans un titre IVème bis de la responsabilité du fait des produits défectueux.

1 – Le domaine de la responsabilité du fait des produits défectueux

Le point essentiel de savoir pour quels produits on applique le nouveau régime. Ces produits sont définis par l’article 1386-3 avec une définition très large du produit puisqu’un produit c’est tout bien meuble même si il est incorporé à un immeuble. C’est aussi des produits fabriqués, sol, élevage et pêche. La question des victimes est originale car le nouveau régime transcende délictuel et contractuel. L’article 1386-1 montre que ce régime n’est ni contractuel ni délictuel.

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La question des dommages est réglée par l’article 1386-2. Il y a des dommages qui résultent de l’atteinte à la personne mais aussi la réparation qui résulte d’une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui même.

La directive avait prévu que pour les dommages aux biens, c’était réparé sous déduction d’une franchise de 500€ c'est-à-dire que la victime mettait de sa poche 500€. La France a couvert plus largement et ne fait pas de franchise. La France a été condamnée dans un arrêt du 25 avril 2002 par la CJCE car elle a considéré qu’on était tenu d’appliquer cette franchise. L’article 1386-2 a été réformée par une loi de 2004 et la réparation est faite que pour un montant supérieur à 500€ (franchise). En droit interne, il y a un objectif de protection mais pour l’UE, cette règle qui prévoit une franchise était vue comme une entrave à la concurrence car tout régime de protection est vu comme une entrave à la concurrence.

Quels sont les responsables ? Le responsable au sens de ce nouveau texte est le producteur c'est-à-dire celui qui a produit l’objet défectueux. Le producteur est celui qui à titre professionnel fabrique un produit fini ou celui qui fabrique une partie composante ou celui qui produit une matière première. C’est l’article 1386-6 qui l’énonce. Le texte prévoit que certaines personnes sont assimilées au producteur. Tout d’abord, celui qui se présente comme producteur en imposant sur le produit son nom, sa marque, ou n’importe quels autres signes. Est assimilé aussi celui qui importe le produit dans la communauté européenne c'est-à-dire l’importateur est assimilé au producteur.

En droit français, dans la transposition de la directive, on avait ajouté d’autres personnes assimilées au producteur. Notamment, il avait ajouté le vendeur ou le loueur pouvaient également être responsable vis-à-vis de la victime et il avait prévu que dans ce cas là ils pouvaient exercer une action récursoire contre le producteur. La France a été condamnée pour mauvaise transposition de la directive. La France par la loi de 2004 a modifié la rédaction de l’article 1386-7 pour préciser que le vendeur et le loueur ne sont responsables que si le producteur est inconnu. La France a été condamnée de nouveau en 2006. Une loi du 5 avril 2006 a modifié l’article 1386-7 et il est désormais prévu que si le producteur ne peut être identifié, le vendeur et le loueur peuvent être responsables sauf si ils révèlent le nom du producteur à la victime.

La question qui se pose a été de savoir est ce que ce régime qui est mis en place est le seul régime juridique ou la France peut elle garder les autres régimes plus favorables à la victime ? La CJCE ne veut pas de régimes plus protecteurs dans certains pays. La directive supprime donc tous les autres régimes fondés sur la même idée que la directive c'est-à-dire les régimes de responsabilité pour risques.

2 – Les conditions de la responsabilité du fait des produits défectueux

Les conditions sont censées être assez souples. Pour de nombreux pays européens, cette directive a fonctionné un régime protecteur alors qu’en France il y avait un régime plus protecteur.

- Il faut que le produit ait été mis en circulation de l’article 1586-5 c'est-à-dire quand le producteur s’en est dessaisi volontairement. Ex : vente. Un arrêt de la CJCE dit que le dessaisissement existe dès que le producteur l’a fait sortir de la production pour le fournir à quelqu’un.

- Il faut un défaut. Un produit est défectueux au sens du nouveau régime quand il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. Il doit être tenu compte notamment des indications, des présentations et des informations données du produit car dans l’appréciation de la formule il y a l’idée de « a quoi on s‘attendait » donc c’est lié aux informations données. Un producteur n’a pas le droit de mettre sur le marché un produit excessivement dangereux même si il prévient. Un produit ne peut être considéré comme défectueux du seul fait qu’un produit plus

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perfectionné, c'est-à-dire moins dangereux, ait été mis sur le marché. Le défaut est une condition nécessaire pour engager la responsabilité des produits défectueux. C’est un régime de responsabilité objectif. Il n’est pas nécessaire de démontrer une faute donc c’est un régime de responsabilité sans faute. C’est censé être un régime beaucoup plus favorable de 1382. - Il faut un lien de causalité entre le produit et le dommage . C’est à la victime d’apporter la preuve du lien entre le produit et le dommage.

3 – Les causes d’exonération ou de limitation de la responsabilité du fait des produits défectueux

Le producteur a 2 moyens de défense : - S’exonérer de sa responsabilité : le code en prévoit une série et précise que certains éléments ne sont pas des causes d’exonération. Ex : 1386-10= le producteur ne peut pas s’exonérer en démontrant que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l’art, des normes existantes ou qu’il a fait l’objet d’une autorisation administrative, le producteur reste responsable si le produit est défectueux. L’article 1386-11 prévoit les causes d’exonération. Le producteur est responsable de plein droit à moins qu’il ne prouve :+ Qu’il n’a pas mis le produit en circulation.+ Que le défaut n’était pas inhérent au produit mais est survenu ultérieurement pour une cause qui n’est pas liée à la fabrication.+ S’il prouve que le produit n’a pas été destiné à la vente ou à toute autre forme de distribution.+ Que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles législatives ou règlementaires. + Si l’état des connaissances scientifiques et techniques n’a pas permis de déceler le défaut du produit. C’est ce qu’on appelle un risque de développement c'est-à-dire un défaut qu’on ne pouvait pas connaître au moment de la mise en circulation. Cette circonstance est celle du sang contaminé et de l’amiante.

Qui doit supporter le risque ? Les directives laissent les pays libres d’en faire ou non une cause d’exonération. Ex : association de deux médicaments était dommageable, la cour de cassation a considéré que le producteur était responsable en 1986. On a ajouté un article 1390-12 : le producteur ne peut invoquer le risque de développement comme cause d’exonération quand le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par un produit issu de celui-ci. Evidemment on pensait à l’affaire du sang contaminé. La France a été condamné à nouveau car le législateur avait prévu que le producteur ne pouvait plus mettre en œuvre la cause d’exonération concernant les règles législatives ou le risque de développement, si le défaut apparaît après la prescription et que le producteur ne prend pas toutes les mesures donc le producteur devra montrer qu’il a continué à suivre son produit pour pouvoir s’exonérer.

Le code prévoit une possibilité de limiter la responsabilité du producteur et éventuellement de la supprimer en cas de faute de la victime. La faute du tiers n’est pas une cause d’exonération.

- Les clauses limitatives de responsabilité sont un autre moyen de défense. Le principe est que ces clauses sont nulles. Il existe des exceptions pour les dommages causés aux biens qui ne sont pas utilisés par la victime principalement pour sa consommation ou son usage privé à condition que la clause soit stipulée entre professionnels.

4 – La mise en œuvre de la responsabilité du fait des produits défectueux

Les principales règles sont les règles de délai. Le producteur n’est responsable de son produit que pendant dix ans après sa mise en circulation. Après si un défaut apparaît, il ne sera plus responsable sur ce régime. C’est donc un délai de garantie. Le point de départ (art 1386-16) est la mise en circulation du produit qui a causé le dommage. C’est quand le produit est entré dans un processus de commercialisions où il est offert au public aux fins d’être utilisé ou consommé. Le délai peut être

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interrompu par une action en justice. On prévoit un délai de prescription de l’action en réparation de 3 ans à compter de la date à laquelle le demandeur a ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur. Dans un arrêt du 25 avril 2002, la CJCE a jugé en considérant que l’article 13 de la directive ne donne pas le droit de maintenir un régime général de responsabilité du fait des produits défectueux.

SECTION 3 : LA THÉORIE DES TROUBLES DU VOISINAGE

C’est un régime assez transversal qui se trouve entre le droit des biens et le droit de la responsabilité. Au début du 19ème siècle apparait la théorie des troubles du voisinage c'est-à-dire quand il y a des dommages et des troubles entre voisin. - Il faut un trouble anormal de voisinage. Il faut prendre en compte de l’environnement et la pré-occupation du lieu. - Il faut un trouble entre voisin sans considération entre locataire et propriétaire.

TITRE 2 : LES CONSÉQUENCES DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE DÉLICTUELLE

La conséquence essentielle est l’obligation de réparer le dommage. C’est le principe de la réparation intégrale du préjudice c'est-à-dire que la responsabilité est calquée sur le dommage et est à hauteur du dommage. Le responsable doit réparer tout le dommage qui a été causé c'est-à-dire compenser tous les préjudices qui en ont résulté.

Il faut évaluer les réparations pour connaitre le montant des dommages et intérêts. Pour cela, tout dépend du type de dommages. L’idée générale est que les dommages et intérêts doivent réparer le préjudice subi sans qu’il en résulte ni perte, ni profit. Il y a eu des arrêts où par exemple il y a eu un dommage causé par un responsable et un tiers a aidé à diminuer le dommage. Le responsable doit rémunérer l’assistance de la tierce personne. La jurisprudence s’est intéressée à la question selon laquelle dans certains droits étrangers, la victime a l’obligation de minimiser son dommage mais les juges sont extrêmement réticents en France. La victime doit se retrouver exactement dans la même situation dans laquelle était avant le fait dommageable. Il n’est pas question que la victime s’enrichisse, ce qui pose une difficulté avec l’hypothèse des fautes lucratives c'est-à-dire une faute qui enrichi celui qui la commet même si on considère qu’il va devoir réparer le dommage qu’il a causé car le profit qu’il tire de la faute est supérieur au préjudice qu’il doit réparer. Ex : délit de presse. Il y a des projets pour essayer d’introduire la notion de dommages et intérêts punitifs mais pour l’instant, ce n’est pas admis. Les juges français sont assez réticents.

Le montant des dommages et intérêts relève du pouvoir souverain des juges du fond en évaluant le dommage subi par la victime. Ils n’ont même pas à motiver leur décision mais maintenant ils doivent un peu plus motiver en vertu de la loi de décembre 2006 qui donne des dommages poste par poste. C’est une motivation au sens technique mais ce n’est pas une motivation au sens d’explication. Ils ont ensuite un pouvoir souverain pour choisir le mode de réparation. Le choix dont dispose les juges se divise entre la réparation en nature et la réparation par équivalent c'est-à-dire par des dommages et intérêts. La réparation en nature concerne des mesures non pécuniaires. Il y a une série : délit de presse, diffamation Ex : publication du jugement dans une revue. Le plus souvent c’est par l’attribution de dommages et intérêts. Cela pose le problème de l’appréciation du montant. La règle est que la somme est déterminée au jour où le juge statue. La dette de réparation est une dette de valeur c'est-à-dire quand on doit non pas une somme dont le montant est fixé mais on doit quelque chose qui est exprimé dans les termes d’une valeur. Les dommages et intérêts peuvent être versés sous forme d’une rente souvent par les assurances.

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Quelle est la valeur juridique du droit à réparation ?

La question est complexe. Ce droit à valeur législative c'est-à-dire que le législateur peut prévoir dans un cas particulier une règle inverse. La question s’est posée de savoir si le législateur est totalement libre ou s’il est lié par certains principes.

Valeur constitutionnelle ou non ? Décision du conseil constitutionnel : loi Auroux = aucune action ne pouvait être intentée pour les dommages causés par un conflit collectif du travail ou à l’occasion du grève. Le conseil a déclaré ce texte inconstitutionnel, c’est contraire à la constitution de paralyser une action civile car les fautes même graves ne seraient pas réparées. Le conseil constitutionnel considère que personne ne doit nuire à autrui, en principe, il cite 1382. On ne peut pas écarter complètement 1382. Le conseil constitutionnel a constitutionnalisé 1382 mais pas dans sa rédaction complètement.

La CEDH a rendu des décisions qui pourraient avoir des conséquences en matière de responsabilité civile à travers le droit à un procès équitable. Elle a développé cet article et en a déduit une série de conséquences sur la responsabilité. Elle déduit le droit d’accès effectif à un juge. Le conseil constitutionnel a rendu plusieurs décisions plus récemment notamment en 2005 : aucune personne ne peut se heurter à une prohibition générale d’accès au tribunal et d’agir en justice pour demander réparation de son préjudice.La personne doit être mise dans l’état le plus proche duquel dans lequel elle était avant l’état dommageable.

La question de l’action en réparation

C’est a priori la victime qui va agir pour demander réparation, et l’auteur du dommage qui sera défendeur. Lorsqu’il s'agit d’incapables ce sont leurs représentants qui agissent en justice. Il s'agit bien de distinguer l’action des parents en leur nom propre et au nom de leur enfant mineur. La question se pose pour les actions collectives. La possibilité d’agir en justice pour un intérêt collectif est limitée. Souvent l’action est autorisée pour les associations en vertu de la loi. La règle générale dégagée par la jurisprudence est d’autoriser l’action lorsqu’il est dans son objet social la défense des intérêts en justice.

Les juges sont réticents à l’admission des actions des associations de défense. Aux Etats-Unis on admet les « class actions » qui permettent à des représentants de nombreuses personnes lésées afin d’agir en justice.

La transmission de l’action

Le plus souvent, les héritiers de la victime pourront agir en tant que victime par ricochet. Se pose néanmoins la question de l’action après décès de la victime. Les préjudices patrimoniaux peuvent être transmis. La réparation des préjudices moraux, bien que plus personnels, a pu également être transmise.

La transmission passive

La question se pose de la transmission de la dette de l’auteur. Une réforme du 23 juin 2006 entrée en vigueur le 1er janvier 2007 protège un peu plus les héritiers et prévoit qu’a priori celui qui accepte une succession pourrait demander à être déchargé d’une dette de responsabilité si elle en ignorait l’existence et que cela posait trop fortement sur son patrimoine propre.

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La subrogation personnelle

Il s'agit d’un mode de transmission entre vifs. On est alors subrogé dans les droits de quelqu’un vis-à-vis de quelqu’un d’autre. Elle existe pour les tiers payeurs. Ils sont alors subrogés dans les droits de la victime vis-à-vis de l’auteur du dommage (la sécurité sociale, l’un des tiers payeurs envisageables, ne peut, comme nous l’avons déjà dit, intervenir que poste par poste).

La prescription de l’action

La réforme du 17 juin 2008 a mis en place une prescription quinquennale (nouvel article 2224) en matière contractuelle.Un début de réforme en 1985 en matière délictuelle avait introduit un article 2270-1 du Code civil qui prévoyait que les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivaient par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. Une loi de 1998 avait prévu que lorsque le dommage était causé par les actes de torture ou de barbarie ou de violences sexuelles commises à l’encontre d’un mineur, l’action en responsabilité civile se prescrit par vingt ans. Depuis la loi du 17 juin 2008, la prescription est de cinq ans.

Il existe des exceptions, conformes aux catégories de 1998, et l’on a ajouté un article 2226 conservant ces hypothèses avec une prescription de vingt ans. On a également conservé un délai de dix ans pour l’action en responsabilité née à raison d’un événement ayant entrainé un dommage corporel.

SOUS-TITRE 1 : LES GARANTIES SPÉCIALES DE RÉPARATION

CHAPITRE 1 : L’ASSURANCE

Il y a plusieurs catégories d’assurance. C’est ainsi que l’on distingue les assurances de personnes et les assurances de dommages.

Les assurances de personnes assurent une personne, et prévoient un taux forfaitaire. L’assurance de dommages est fondée sur un principe indemnitaire et indemnise à hauteur du dommage.

Au sein même des assurances de dommages fondées sur le principe indemnitaire, on distingue les assurances de biens et les assurances de responsabilité. Une assurance de biens permet d’assurer son bien propre ou le bien d’autrui contre un type de fait, tandis que les assurances de responsabilité garantissent l’assuré contre une dette de responsabilité contre une dette qu’il pourrait contracter vis-à-vis d’autrui. L’assurance fonctionne avec des principes généraux, avec l’idée que la faute intentionnelle, dolosive, n’est pas assurable.

Rôle de l’assureur dans le procès

Il a pour rôle de garantir la condamnation de son assuré. Il peut exister des clauses de direction de procès, en vertu desquelles s’il y a un procès c’est l’assurance qui dirige le procès. En pratique la jurisprudence a reconnu très tôt (1926) que la victime avait une action directe à l’encontre de l’assureur. Un arrêt de 2000 a également prévu que la victime peut poursuivre l’assureur sans que l’auteur ne soit directement poursuivi.

Les mécanismes de subrogation

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Page 44: Responsabilité délictuelle

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L’assureur peut parfois avoir des actions subrogatoires, par exemple contre un coauteur.

CHAPITRE 2 : LES FONDS DE GARANTIE

Le législateur en a mis plusieurs en place. Un fonds de garantie est un organisme qui a la personnalité juridique, personne morale, qui intervient en dernier recours, c'est-à-dire quand aucun responsable n’a pu être trouvé ou quand la personne n’était pas assurée. La question essentielle est celle de leur financement. En général, il s'agit de prélèvements sur les contrats d’assurance.

Une fois qu’il a indemnisé la victime, il est subrogé dans les droits de la victime vis-à-vis du responsable. Un des premiers fonds de garantie fut établi afin de réparer les victimes d’infractions de terrorisme et de très graves infractions pénales. On a également créé en 1991 le fonds d’indemnisation des victimes du SIDA, la causalité ayant souvent été impossible à établir.

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