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Responsabilité municipale Renouvellement des pouvoirs en matière de déneigement Avec l’arrivée de l’hiver, le déneigement et l’entretien des chemins et trottoirs deviennent vite un sujet chaud pour les municipalités. Est-ce qu’elles ont l’obligation de garantir que les rues soient exemptes de glace ou de neige en tout temps? Quelles responsabilités leur incombent? Qui doit exercer le pouvoir discrétionnaire? Bien des questions surgissent, dont voici les réponses. d’enclave que dans le cas de la régle- mentation sur l’accès aux chemins publics et non dans le contexte de leur entretien d’hiver. Par contre, dans un contexte particulier, la question de sécurité des personnes ayant une condition physique limita- tive a été reconnue par le tribunal des droits de la personne notamment, afin de forcer la ville à dégager une portion de la voie publique pour leur permettre de sortir de chez elles 5 . Rappelons que l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire doit émaner du conseil municipal et non être délégué aux fonc- tionnaires. On constate que certaines municipali- tés décrètent les rues qui ne seront pas déneigées par simple résolution alors que d’autres le font par règlement. Aucune de ces méthodes n’a été contestée devant les tribunaux. Dans ce cas, les documents émanant du conseil sont présumés valides. Toutefois, la Loi spécifie que la muni- cipalité a compétence en matière de voirie sur les voies publiques, mais qu’elle doit agir par règlement pour régir l’accès à une voie publique, alors que le Code municipal exigeait un règle- ment pour décréter l’entretien des chemins d’hiver. AVANTAGES D’ADOPTER UN RèGLEMENT L’adoption d’un règlement permet aux citoyens de savoir à quoi s’en tenir. C’est pourquoi il est avantageux d’in- clure ou de spécifier les critères de sélection dans un règlement 6 . en matière de déneigement, plusieurs juristes ont cru que les municipalités étaient dorénavant soumises au régime général de la responsabilité extracon- tractuelle, et donc, qu’elle n’aurait plus ce pouvoir discrétionnaire sauf si elles avaient adopté un règlement sous l’an- cien régime. Depuis, plusieurs mètres de neige se sont abattus sur le Québec et quelques jugements sont venus clarifier l’interpré- tation à donner à la disparition des arti- cles du Code municipal permettant aux municipalités de décréter les rues qui bénéficient ou non du déneigement. OBLIGATIONS ET POUVOIR DISCRéTIONNAIRE Il est maintenant reconnu de façon pratiquement unanime par les tribunaux que la Loi sur les compétences municipales n’a pas créé d’obligation additionnelle dans le domaine de l’entretien hivernal des chemins et que les municipalités n’ont rien perdu du pouvoir discrétionnaire que leur conférait l’article 752 du Code municipal 2 . Le changement de directive d’inter- prétation dicté par l’article 2 de la Loi, qui prescrit une interprétation large et libérale de ses dispositions, a effective- ment amené les tribunaux à confirmer les pouvoirs discrétionnaires importants octroyés aux municipalités par le légis- lateur 3 . Toutefois, les tribunaux rappellent que l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ne doit jamais être abusif ou exercé à des fins impropres, de mauvaise foi ou encore, d’une façon déraisonnable. Malgré cela, la tendance qui se dessine actuellement 4 est de ne retenir la notion IMPACTS DE LA LOI SUR LES COMPéTENCES MUNICIPALES La mise en vigueur de la Loi sur les compétences municipales, le 1 er janvier 2006, a changé une grande partie du contexte juridique pour le monde muni- cipal. En matière de voirie, pas moins d’une cinquantaine d’articles du Code municipal portant directement sur la voirie et l’entretien des chemins ont été remplacés en tout et partout 1 par 13 articles de la Loi sur les compétences municipales. Bien malin était celui qui pouvait alors prévoir l’impact de cette compression législative. Devant l’annulation des dispositions conférant un pouvoir de discrétion M e Colette St-Martin Directrice, Gestion des risques et conformité La Mutuelle des municipalités du Québec Chronique Assurance 50 Décembre 2015 Vol. 40, No 4 QUORUM

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responsabilité municipale

Renouvellement des pouvoirs en matière de déneigementAvec l’arrivée de l’hiver, le déneigement et l’entretien des chemins et trottoirs deviennent vite un sujet chaud pour les municipalités. est-ce qu’elles ont l’obligation de garantir que les rues soient exemptes de glace ou de neige en tout temps? Quelles responsabilités leur incombent? Qui doit exercer le pouvoir discrétionnaire? bien des questions surgissent, dont voici les réponses.

d’enclave que dans le cas de la régle-mentation sur l’accès aux chemins publics et non dans le contexte de leur entretien d’hiver.

Par contre, dans un contexte particulier, la question de sécurité des personnes ayant une condition physique limita-tive a été reconnue par le tribunal des droits de la personne notamment, afin de forcer la ville à dégager une portion de la voie publique pour leur permettre de sortir de chez elles5.

Rappelons que l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire doit émaner du conseil municipal et non être délégué aux fonc-tionnaires.

On constate que certaines municipali-tés décrètent les rues qui ne seront pas déneigées par simple résolution alors que d’autres le font par règlement.

Aucune de ces méthodes n’a été contestée devant les tribunaux. Dans ce cas, les documents émanant du conseil sont présumés valides.

Toutefois, la Loi spécifie que la muni-cipalité a compétence en matière de voirie sur les voies publiques, mais qu’elle doit agir par règlement pour régir l’accès à une voie publique, alors que le Code municipal exigeait un règle-ment pour décréter l’entretien des chemins d’hiver.

avantaGes D’aDopteR Un RèGLementL’adoption d’un règlement permet aux citoyens de savoir à quoi s’en tenir.

C’est pourquoi il est avantageux d’in-clure ou de spécifier les critères de sélection dans un règlement6.

en matière de déneigement, plusieurs juristes ont cru que les municipalités étaient dorénavant soumises au régime général de la responsabilité extracon-tractuelle, et donc, qu’elle n’aurait plus ce pouvoir discrétionnaire sauf si elles avaient adopté un règlement sous l’an-cien régime.

Depuis, plusieurs mètres de neige se sont abattus sur le Québec et quelques jugements sont venus clarifier l’interpré-tation à donner à la disparition des arti-cles du Code municipal permettant aux municipalités de décréter les rues qui bénéficient ou non du déneigement.

obLiGations et poUvoiR DiscRétionnaiRe I l est maintenant reconnu de façon pratiquement unanime par les tribunaux que l a Lo i su r l e s compétences municipales n’a pas créé d’obligation addit ionnel le dans le domaine de l’entretien hivernal des chemins et que les municipalités n’ont rien perdu du pouvoir discrétionnaire que leur conférait l’article 752 du Code municipal2.

Le changement de directive d’inter-prétation dicté par l’article 2 de la Loi, qui prescrit une interprétation large et libérale de ses dispositions, a effective-ment amené les tribunaux à confirmer les pouvoirs discrétionnaires importants octroyés aux municipalités par le légis-lateur3.

Toutefois, les tribunaux rappellent que l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ne doit jamais être abusif ou exercé à des fins impropres, de mauvaise foi ou encore, d’une façon déraisonnable.

Malgré cela, la tendance qui se dessine actuellement4 est de ne retenir la notion

impacts De La Loi sUR Les compétences mUnicipaLes

La mise en vigueur de la Loi sur les compétences municipales, le 1er janvier 2006, a changé une grande partie du contexte juridique pour le monde muni-cipal. En matière de voirie, pas moins d’une cinquantaine d’articles du Code municipal portant directement sur la voirie et l’entretien des chemins ont été remplacés en tout et partout1 par 13 articles de la Loi sur les compétences municipales.

Bien malin était celui qui pouvait alors prévoir l’impact de cette compression législative.

Devant l’annulation des dispositions conférant un pouvoir de discrétion

Me Colette St-MartinDirectrice, Gestion des risques et conformitéLa Mutuelle des municipalités du Québec

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Ce faisant, certains litiges invoquant le caractère discriminatoire ou abusif de la décision pourront être évités.

Plusieurs municipalités ont opté pour le critère de la présence d’une ou plu-sieurs résidences principales ou d’une certaine densité d’habitations occupées à l’année.

En fait, la municipalité est invitée à pré-ciser dans son règlement les critères qui encadrent la désignation des rues qui seront déneigées et celles qui ne le seront pas.

Par la suite, à titre d’exemple, une réso-lution annuelle pourrait spécifier le nom des rues correspondant aux critères en fonction du budget annuel.

Il serait également opportun pour la municipalité d’intégrer les critères de priorité du déneigement dans le règle-ment.

Celui-ci pourra donc prévoir que les routes les plus passantes et les cor-

ridors scolaires seront déneigés en premier par exemple, ou encore, que les rues ayant une pente importante doivent être recouvertes d’abrasif alors que d’autres types de rues en recevront qu’en cas de verglas ou autres condi-tions particulières.

obLiGations DécoULant De La neiGe pRojetée De La voie pUbLiqUe Même si l’article 69 de la Loi sur les compétences municipales autorise les municipalités à pousser ou à projeter la neige de la voie publique sur les ter-rains contigus et que les propriétaires de ces terrains doivent en supporter les inconvénients généraux, les municipali-tés ont tout de même l’obligation d’agir de façon raisonnablement attentionnée dans les circonstances.

Elles peuvent être appelées à payer pour les dommages à la propriété7 ou des désagréments abusifs8.

Il reste que l’entretien des chemins est une obligation de moyen et que les

municipalités n’ont pas à garantir que les rues soient exemptes de glace ou de neige en tout temps.

Elles doivent prendre les moyens rai-sonnables, dans les limites de leurs budgets, pour respecter les critères de déneigement qu’elles se seront fixés.

1 En ne tenant pas compte des dispositions sur les carrières et sablières qui se sont ajoutées en 2008.

2 Fillion c. Saint-René-de-Matane, 2010 QCCS 4011

3 Montréal c. Montréal-Ouest, 2009 QCCA 2172

4 Kling c. Carleton-sur-Mer, 2015 QCCS 301

5 Mastropaolo c. Municipalité de Saint-Jean-de-Matha, 2010 QCTDP 7 et Fillion c. Saint-René-de-Mathane précité

6 Carrier c. Newport, 2010 QCCS 6376

7 Patoka c. Ville de Beaconsfield, 2012 QCCQ 403

8 Friedman c. Ville de Vaudreuil-Dorion, 2010 QCCQ 5783

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