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PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR LE DEVELOPPEMENT (PNUD) REVUE BIBLIOGRAPHIQUE ET REFLEXION SUR LES TECHNIQUES PROSPECTIVES Harilanto RAOELSON Consultant Octobre 2005 1

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PROGRAMME DES NATIONS UNIES POUR LE DEVELOPPEMENT (PNUD)

REVUE BIBLIOGRAPHIQUE ET REFLEXION SUR LES TECHNIQUES PROSPECTIVES

Harilanto RAOELSON Consultant

Octobre 2005

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SOMMAIRE

Page Introduction 4 Contexte 4 Méthodologie 4

Aperçu global sur les études prospectives 5 I. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE SELECTIVE SUR LES PRATIQUES

INTERNATIONALES EN MATIERE DE TECHNIQUES PROSPECTIVES 10

1. 1. Futurs Africains / ACBF. Rapport de l’Atelier Régional sur les Expériences Nationales d’Opérationnalisation des ENPLT, Dakar, Sénégal, 26 - 28 février 2001

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1. 2. Mills-Landell, Pierre. National Perspective Studies in Africa: A Vision of a Better Future. (Finance & Development) Dec 1993.

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1. 3. FAO, Comité des Forêts. L’Avenir des Forêts: Répercussions de l’Etude Prospective du Secteur Forestier en Afrique. Note du Secrétariat, Seizième session, Rome (Italie), 10-14 mars 2003

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1. 4. Rarivomanana, Philibert. L’Etude Prospective du Secteur Forestier en Afrique (FOSA), République de Madagascar, Ministère des Eaux et Forêts, Novembre 2000

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1. 5. Cered-Cernea, Université Paris X-Nanterre. Un Bilan de la Prospective Africaine, 2000

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1. 6. GIRI, Jacques. Le Sahel au XXI ème Siècle. Un Essai de Réflexion Prospective sur les Sociétés Sahéliennes. Éd. Karthala, 1989

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1. 7. UNESCO. Approches Prospectives et Stratégies Novatrices en faveur du Développement de l'Afrique au XXI ème Siècle. Séminaire international, Rapport final. Paris, 8-9 novembre 2001

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1. 8. Programme des Nations Unies pour le Développement. Études Prospectives Nationales À Long Terme : Un Instrument de Gestion Publique. Futurs Africains,1998.

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1. 9. Futurs Africains. Guide Méthodologique d’un Exercice NLTPS. Janvier 1993. 18 1. 10. Godet, Michel. La Boîte à Outils de Prospective Stratégique. Cahier n° 5, LIPSOR,

Cinquième édition mise à jour, Juin 2004. 19

II. PRATIQUES INTERNATIONALES DE LA PROSPECTIVE ET BILAN 21 2. 1. Au niveau du continent africain 21 A. Contexte 21 B. Objectifs des Etudes prospectives en Afrique 21 C. Méthodologie de réalisation des études prospectives en Afrique 21 D. Principaux réalisateurs des études prospectives en Afrique 22 2.1.1. Cas des Pays africains subsahariens 22 2.1.1.1. Algérie 23 2.1.1.2. Egypte 23 2.1.1.3. Maroc 24 2.1.1.4. Soudan 24 2.1.1.5. Tunisie 24 2.1. 2. Cas des pays de l’Afrique de l’Ouest (WALTPS) 25 2.1. 3. Cas des autres pays africains 30 2.1.3.1. Benin 30 2.1.3.2. Cap-Vert 31 2.1.3.3. Sierra Leone : VISION 2025 31 2.1.3.4. Madagascar : VISION 2030 et VISION Madagascar Naturellement 2020 33 2.1.3.5. Malawi : Un exemple de boucle de rétroaction 37 2.1.3.6. Maurice 38 2.1.3.7. Sao Tome et Principe 41 2. 2. Cas des Pays asiatiques : Inde et Chine 43 2. 3. Au niveau de l’Europe 45 2.3.1. Prospective régionale 45

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2.3.1.1. Limousin (France) 2.3.1.2. West Midlands (Royaume Uni) 2.3.1.3. North-East England (Royaume-Uni) 2.3.1.4. Pays Basque (Espagne) 2.3.1.5. Luxembourg 2.3.1.6. Wallonie 2.3.2. Prospective sectorielle 51 2.3.2.1. Prévisions de consommation en Energie 51 2.3.2.2. Prospective agricole 56 2.3.2.3. Prospective dans le secteur Métier 58 III. ELEMENTS D’EVALUATION 65 3. 1. Motivation des études prospectives africaines 65 3. 2. Bilan de la prospective 66 3.2.1. Au niveau de l’Afrique 66 3.2.2. Au niveau de l’Europe 68 3.2.2.1. Prospective et développement régional 68 3.2.2.2. Prospective et Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences 70 IV. RECOMMANDATIONS 74 4. 1. Leçons à tirer 74 4. 2. Recommandations 75 4.2.1. Au niveau des principes directeurs 75 4.2.2. Sur le plan institutionnel 75 4.2.3. Sur le plan stratégique 76 4.2.4. Sur le plan méthodologique 78 4.2.5. Au niveau de l’opérationnalisation 78 4.2.6. Au niveau de la préparation des NLTPS 80 CONCLUSION GENERALE 81 ANNEXE : Termes de référence

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REVUE BIBLIOGRAPHIQUE ET REFLEXION SUR LES TECHNIQUES PROSPECTIVES

Introduction La présente étude s’inscrit dans la démarche déjà initiée en 1997-1998 pour la mise en place effective d’un réseau national de partenariat NLTPS devant contribuer à l’élaboration d’un cadre stratégique de développement à long terme à Madagascar. Elle a pour objectifs de mettre en exergue quelques réalisations significatives concernant les pratiques internationales en matière de techniques prospectives (i.e., objectifs, approches, méthodologie, domaines d’intervention, organismes de recherche, conclusions,…), d’identifier des pistes possibles pour l’adaptation de ces pratiques au cas de Madagascar, et de formuler des recommandations pour l’élaboration de la stratégie nationale de long terme. Les résultats de cette étude font l’objet du présent rapport qui comporte quatre parties : (i) Revue bibliographique sélective sur les pratiques internationales en matière de techniques prospectives, (ii) Synthèse d’un échantillon d’études et techniques prospectives, (iii) Evaluation des études prospectives ainsi recensées, et (iv) Recommandations. Contexte Madagascar s’est engagé dans la mise en œuvre d’un programme à moyen terme visant à réduire la pauvreté, défini dans le Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP), lequel se réfère notamment aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) à l’horizon 2015. Toutefois, un développement rapide et durable reposant sur une vision à long terme conformément à la Vision « Madagascar Naturellement » (VINA) pour 2020 et aux perspectives de « Madagascar : Vision 2030 », implique, pour être effectif, l’élaboration d’un cadre stratégique cohérent intégrant le court et le long termes dans la conception et la mise en œuvre des politiques et stratégies de développement. C’est ainsi que, déjà en 1997, le gouvernement malgache avait, conjointement avec le PNUD, initié une nouvelle approche du développement prenant appui sur une vision à long terme. Des Ateliers de formation sur les « Etudes Prospectives à Long Terme » (National Long Term Prospective Studies : NLTPS) furent alors organisés en vue d’implanter un réseau national de partenariat NLTPS. Ainsi, la réalisation de cette étude rentre dans le droit fil d’une entreprise tendant à renforcer les acquis des actions menées dans le domaine des réflexions et techniques prospectives devant contribuer à la mise en place effective d’un cadre stratégique à long terme de développement. Méthodologie L‘étude a été réalisée suivant la méthodologie de travail décrite ci-après : Recherche documentaire sur Internet; Exploitation et analyse des informations ainsi recueillies et compilation d’autres

documents disponibles traitant de la prospective; Synthèse des résultats des travaux d’analyse et de compilation ; Diagnostic et évaluation des pratiques prospectives recensées ; et Formulation de recommandations.

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Aperçu global sur les études prospectives Concepts de base de la prospective Des résultats de recherche avancent quelques éléments de définition de la prospective, dont les suivants : La prospective est une « science ayant pour objet l’étude des causes techniques,

scientifiques, économiques et sociales qui accélèrent l’évolution du monde moderne, et la prévision des situations qui pourraient découler de leurs influences conjuguées »; La prospective apparaît en opposition de phase avec la prévision (forecasting) qui,

empruntant une démarche déterministe, s’appuie sur l’analyse du passé pour dessiner des futurs probables ; C’est avant tout un état d’esprit, une façon d’être, qui consiste à accepter l’idée d’accueillir

le futur, d’être ouvert à lui, sans a-priori dogmatique, ou idéologique. Contrairement à une idée reçue, l’ouverture d’esprit vers l’avenir, vers le futur comme objet d’un débat sur une réalité à construire, n’est pas aussi fréquente et générale qu’on pourrait le penser ; C’est un mécanisme de la pensée qui consiste à se tourner vers l’avenir pour réfléchir sur

l’actuel, le contemporain, et parfois même l’immédiat ; Il s’agit au fond d’une démarche qui vise à mettre en perspective les problèmes et les

enjeux, leur donner en somme une profondeur de champ que l’on n’a pas toujours quand on "colle" de trop près à l’événement ; Il s’agit de mettre en perspective une réalité, un enjeu perçu et vécu à un moment donné,

de façon à élaborer une position, prendre position, et se retourner vers le futur, vers le lendemain ; C’est un jeu itératif entre une mise en scène du futur, qui est en général un futur lointain,

hypothétique, spéculatif, et le présent, et qui débouche in fine sur un retour sur le futur, mais un futur d’une autre nature, le futur proche, palpable, tangible, le futur de l’action et de la transformation des choses, du changement et des ruptures voulues et non pas subies. D’où l’idée d’un mouvement de balancement entre une temporalité tournée vers des horizons lointains et une temporalité tournée vers des horizons proches qui porte sur les conditions de la transformation de la réalité ; C’est le "rêve passé au crible de la raison".

Prospective et notions connexes Prospective et planification

La prospective est une pensée « riche », et la planification est une pensée « sèche » Certes, dans un système sociétal stable sur ses bases et ses perspectives, donc invariant, on peut admettre que les configurations possibles se limitent à un très petit nombre de cas. Mais dans un monde instable, incertain, et de plus, « à rationalité limitée », ce qui est le cas de l’univers de l’économie actuelle, dans lequel aucun acteur n’a une visibilité certaine de l’ensemble, la prévision apparaît comme un mode de penser le futur largement dépassé ou en tous les cas, qui ne se suffit pas à lui-même. De fait, l’approche prévisionniste a tendance à céder de plus en plus la place à une vision prospectiviste des problèmes. La fin de l’ère Plan-prévision correspond à l’émergence de l’ère Plan-prospective ou encore Programmation-prospective. Ainsi l’époque est révolue où l’on programmait des investissements gigantesques sur la base d’une activité prévisionnelle en démographie qui se limitait à l’extrapolation des résultats de la période intercensitaire antérieure sur un horizon de vingt ans, sans se poser la moindre question sur le bien-fondé de la pente de la courbe sur l’ensemble de la période, ni se poser la moindre question sur la dynamique du champ sociétal et de ses liens avec le champ économique ou technologique, l’évolution des systèmes de valeur, le sens des choses. Ce silence de la pensée a eu pour effet de sérieusement déprécier cette activité. Il en est résulté la nécessité de se doter de nouveaux

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outils de travail, de nouveaux paradigmes pour fonder le discours sur la réalité et son devenir. C’est à ce point que la prospective apparaît comme une réponse. Non pas la réponse, mais comme une des réponses possibles. Prospective et stratégie

Est-ce que la notion de prospective apporte quelque chose de plus à la notion de stratégie ou s’agit-il d’un pléonasme ou d’un simple affichage publicitaire ? La question est sujette à controverse. Ce qui est sûr, c’est que la prospective, qui est avant tout un mode de pensée, n’est pas forcement marquée au sceau de l’action stratégique. Inversement, la prospective apporte à l’action stratégique une dimension supplémentaire, de l’ordre de la technique du raisonnement. La prospective représente un effort de mise en forme des idées qui peut apporter une dimension supplémentaire au discours stratégique, d’où l’intérêt du couplage entre les deux notions. Différents courants de prospective La prospective cognitive

Lorsque les systèmes doivent se mettre en situation de « penser » leur devenir, ils doivent se doter d’un ensemble d’outils permettant de se doter d’une « vision », d’une représentation de leur situation, de leur potentiel, de leur place ou de leur position. Et il faut que cette vision soit étayée par des analyses, des diagnostics en profondeur, des diagnostics diachroniques. C’est la prospective cognitive. Celle-ci renvoie à un champ général qui est la question des systèmes, et son outil, la systémique. Il est à noter que sans une connaissance sérieuse des origines et des stades antérieurs de développement, il y a peu de chance que l’on puisse véritablement comprendre la réalité substantielle d’un système à un moment donné. En effet, un système est avant tout l’expression de l’interaction entre des forces externes et des forces internes. L’articulation entre les deux facteurs donne un chemin, un mouvement. Pour cela, il est évidemment nécessaire de comprendre les logiques, les dynamiques, les trajectoires d’un système, toute chose égale par ailleurs, étant entendu que ce résultat, à un moment donné, est lui-même le résultat des interactions antérieures entre les forces internes et externes. La connaissance de cette historicité des trajectoires des systèmes est souvent bâclée dans les diagnostics, sur le mode, le « passé c’est le passé ». Mais, dans les systèmes, le passé, c’est 80% du présent. Ensuite, le passé se prolonge dans le présent/actuel, et il dessine les contours des cartes du futur. Les contours seulement, le reste étant l’œuvre de l’action humaine. Modifier une trajectoire de système est plus difficile que l’on ne croit. En effet, les systèmes sont des phénomènes à fort degré d’inertie. Ils sont en quelque sorte le résultat de concrétions produites dans la longue durée historique, et ce que l’on voit à un moment donné n’est que la conséquence de la formation et de la déformation dans des processus de longue durée. La prospective participative

Mais cette connaissance de l’historique d’un système ne suffit pas. Il faut que les acteurs /systèmes soient capables de faire partager leur analyse. Cela implique d’élaborer une représentation de la situation et des champs du possible « partagés ». C’est la prospective participative. Mais le partage n’a de sens que si on peut proposer des idées nouvelles, des sens nouveaux. C’est toute la question des valeurs, des finalités, dénommée la prospective idéelle, la prospective des valeurs, que les spécialistes de la prospective appellent la prospective «normative».

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La prospective de la faisabilité Il faut que la prospective puisse s’incarner dans le réel, c’est la dimension opérationnelle de la prospective dite « stratégique ». Et il faut que la faisabilité des intentions soit évaluée dans le champ même de la prospective, en l’occurrence la prospective de la faisabilité. Différents univers de prospective Il y a plusieurs univers de prospective, qui se traduisent par l’existence de différents courants, assez complémentaires les uns par rapport aux autres : - Prospective stratégique ; - Prospective du temps présent ; - Prospective des représentations ; - Prospective du champ de la connaissance ; et - Prospective territoriale. La prospective stratégique est le courant largement dominant. Dans sa version limitée au

seul univers de la dialectique pensée-processus-action, cette pratique de la prospective consiste à penser le long terme pour agir avec plus d’efficacité sur les mécanismes de prises de décision du court terme. C’est une prospective stratégique au sens où elle est en prise directe avec la volonté de changement des acteurs et des décideurs. La prospective du temps présent est un courant qui est orienté vers la question du

changement social et l’expression des processus de transformation du champ sociétal par lui-même, à un moment donné. C’est une sorte de miroir actif de la société civile, qui consiste à inviter la société à se penser par elle-même et pour elle-même. La prospective des représentations met en évidence le fait que la conscience du futur

reflète les visions et les représentations qu’une société a d’elle-même. Cette approche de la prospective est moins tournée vers le changement en soi que sur le discours que l’on porte sur le futur par rapport à notre présence au monde, aux traces du vécu antérieur dans le présent et ce que l’on voudrait transmettre aux générations futures. La prospective du champ de la connaissance qui est fondamentale, et qui joue un rôle

important, ne tient pas souvent le devant de la scène. Certains secteurs d’activité scientifique sont plus que d’autres concernés, comme la climatologie, les sciences de la terre, la science des écosystèmes. On peut dire que la futurologie anglo-saxonne est largement orientée dans cette direction de travail, mais il est vrai que le monde de la recherche est souvent réticent à l’idée de passer de la prévision à la prospective, qui n’est somme toute, de ce point de vue, qu’une activité de mise en débat de l’activité prévisionnelle. La prospective territoriale n’est pas un courant de pensée, mais simplement un mode

d’application. Elle est en aval de la prospective comme démarche générale, c’est un champ d’application comme pourrait l’être la prospective d’entreprise. Mais, les particularités du champ spatial sont présentes sur la pratique de la prospective. Ainsi, par exemple l’absence de véritable centre de pouvoir, le degré plus ou moins élevé, parfois assez faible, de cohésion entre les acteurs, la complexité du phénomène territorial, qui est une sorte de société globale localisée... Toutes ces caractéristiques impliquent de "mobiliser" les savoirs dans différents champs, de les faire interagir. Il n’est par exemple pas certain que les sciences régionales, en économie et en géographie, mais également en sciences historiques, en sociologie,... soient en situation de s’articuler correctement à l’activité de prospective. Et ce qui est vrai dans le champ de la connaissance, ce que bon nombre d’auteurs appellent la prospective cognitive, l’est également dans le champ de la prospective délibérative et participative. Puisque le champ territorial ou le spatial représente un cadre majeur de déploiement des activités humaines, et de l’existence humaine, les

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"prospectivistes" sont amenés à s’appuyer sur les méthodes et sur l’état d’esprit, la "philosophie" de la prospective, pour appréhender autrement la question de la connaissance du champ spatial/territorial, ce qui a pour effet secondaire d’entraîner les sciences des territoires ainsi que la prospective générale dans de nouvelles directions.

Ainsi la prospective territoriale questionne la prospective générale, elle l’empêche de s’enfermer dans un catalogue de méthodes préconçues : en d’autres termes, elle joue le rôle de "poile à gratter" de la prospective générale, et d’autre part, elle oblige les sciences des territoires à coopérer entre elles, à construire des socles épistémologiques communs. Le fait même d’exercer une activité de prospective dans les Régions contribue à la fois à crédibiliser les institutions régionales et l’entité régionale en tant que phénomène identitaire et projet politique, entendu au sens générique du terme. La prospective, parce qu’elle questionne le devenir régional, le met en chantier, et renforce par-là même le principe de territorialité régionale. Objectifs des réflexions prospectives Généralement, les objectifs des réflexions prospectives se présentent comme suit : C’est une attitude qui vise à explorer les futurs d’un enjeu, d’un objet de la connaissance

ou de l’action, en vue de se positionner sur la réalité présente et de l’orienter dans le sens désiré ou souhaité. La prospective est orientée vers la recherche d’une vision partagée, c’est-à-dire une

vision qui permette de dégager des consensus entre les personnes considérées comme les acteurs de leur devenir, à partir de leurs dissensions, de leurs conflits et de leurs contradictions. C’est l’une des formes modernes du dialogue social, qui intègre la notion d’expertise et de compétence. Il peut en résulter, un processus de modification des représentations collectives sur un enjeu particulier, et donc de transformation des conditions de l’action collective. Cette notion de partage est donc très importante, car c’est un facteur permissif de l’action. Sans changement des représentations, pas de processus de changement de la réalité elle-même. Or, la prospective, si elle est faite sérieusement, est un outil intéressant de la transformation des modèles mentaux qui guident les conduites individuelles et collectives. Ce n’est pas, et de loin, un simple exercice de communication ou d’information, bien qu’il arrive assez souvent que les spécialistes en communication s’emparent du discours de prospective. La prospective s’efforce de conjecturer en différenciant le probable, le plausible et le

vraisemblable, tout en privilégiant l’incertitude. L’avenir n’est pas déduit, mais il est une pluralité d’avenirs imaginés. « La prospective se propose, à partir d’une démarche pluridisciplinaire (systémique) prenant en compte la dimension du temps long, de contribuer à une meilleure compréhension du monde contemporain, d’explorer ce qui peut advenir, ses descendants possibles (les futuribles) et ce que nous pouvons faire ». Différentes approches et techniques en matière de prospective Sans chercher à retracer de manière exhaustive l’ensemble des méthodes utilisées dans l’analyse du futur, il est possible de les regrouper en grandes catégories. On peut repérer quatre grandes techniques permettant d’explorer les problèmes du long terme : La méthode des scénarios: C’est la technique la plus sophistiquée pour réaliser des

études prospectives. Cette méthode conduit, dans un premier temps, à décrire des futurs possibles (futuribles), eux-mêmes déterminés par l’évolution à long terme de facteurs clés,

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puis à étudier les cheminements permettant de passer de la situation présente à ces différents futurs, souhaitables, souhaités ou redoutés. La prévision effectue le trajet inverse puisqu’elle se fonde sur l’étude du passé pour

envisager des trajectoires futures. L’histoire raisonnée conduit à envisager l’avenir à partir de scénarios très fortement

conditionnés par les tendances lourdes du passé. Largement utilisée dans les travaux de futurologie, cette technique est plus sophistiquée que la simple prolongation des trends puisqu’elle envisage la possibilité de ruptures dans les trends antérieurs. En analysant l’histoire longue, parfois sur plusieurs siècles, cette méthode remet souvent en question l’idée maintes fois évoquée que « le temps s’accélère » et que demain sera encore plus incertain en raison des révolutions (au sens étymologique du terme), que le monde est en train de vivre. Le fil d’Ariane d’une force motrice consiste à conjecturer des futurs lointains (voire très

lointains) en fonction d’un nombre limité de « forces motrices », comme le progrès technique, les ressources naturelles ou encore les dynamiques de peuplement. Les futurs possibles se trouvent alors presqu’ entièrement conditionnés par les modalités de ces forces. Ces forces jouent le rôle d’un « fil d’Ariane » pour conjecturer des futurs lointains. Plusieurs « fils » ont ainsi servi à décrire les évolutions possibles des économies et des sociétés. Cette classification a un caractère évidemment académique. La pratique montre que le souci d’apporter des réponses concrètes aux questions posées passe par la combinaison de ces méthodologies. Domaines d’intervention de la prospective La présente étude a permis d’identifier un certain nombre de domaines ayant fait l’objet d’études prospectives et suggérant déjà des idées de recommandations en fournissant des pistes de réflexions et d’actions sur des défis majeurs auxquels sont confrontés actuellement de nombreux pays dont Madagascar. Ce sont, entre autres, les suivants : Energie Développement régional Développement agricole Gestion des ressources humaines Démo-économie Gestion du secteur forestier Protection de l’environnement Aménagement du territoire

Les grandes lignes des résultats d’études prospectives se rapportant à quelques-uns des thèmes sus-mentionnés feront l’objet de synthèse dans les développements infra.

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I. REVUE BIBLIOGRAPHIQUE SELECTIVE SUR LES PRATIQUES INTERNATIONALES EN MATIERE DE TECHNIQUES PROSPECTIVES 1.1. Futurs Africains / ACBF, Rapport de l’Atelier Régional sur les Expériences Nationales d’Opérationnalisation des ENPLT, Dakar, Sénégal, 26 - 28 février 2001. Le présent rapport formule les défis auxquels renvoie l'opérationnalisation, sous forme de deux questions : Comment rebâtir dans les pays africains les capacités de planification stratégique qui se sont fortement érodées et sans lesquelles l'opérationnalisation ne pourrait se faire? Comment forger des alliances avec les pouvoirs politiques pour emporter leur engagement dans le processus d'opérationnalisation, alliances sans lesquelles il ne peut prospérer?

La réflexion sur l'opérationnalisation doit s'inscrire dans un processus d'apprentissage, parce qu'il n'y a pas une solution définitive, satisfaisante et généralisable à tous les pays. Partout dans le monde, l'articulation entre réflexion prospective et action stratégique est à rechercher. Le processus d'apprentissage doit fonctionner sur le mode de réseau au niveau national. Cet atelier a été l’occasion de dresser le bilan des expériences nationales d' opérationnalisation. Les études sur les expériences nationales du Bénin, de la Côte d'Ivoire, de la Guinée Bissau, du Mali, de l'Ouganda et du Swaziland ont servi de références pour cet exercice. Des évaluations des efforts d'opérationnalisation et des différentes propositions des participants, ont été retenues un certain nombre de recommandations. Pour passer des formes diffuses à des processus plus structurés et plus systématiques d'opérationnalisation, il est nécessaire de développer des stratégies et actions auprès des partenaires au développement. Le manque d'information et la faible prise en compte des préoccupations de certaines agences de développement ont fortement limité les possibilités d'opérationnalisation des ENPLT. Il faudra aussi développer un plaidoyer auprès des décideurs politiques parce que l'opérationnalisation n’est pas seulement un exercice technique mais revêt également un caractère politique. Elle est largement tributaire des dispositions manifestées par les pouvoirs politiques. La différence de perception entre les décideurs et l'équipe nationale dans certains pays, la réaction négative de certains gouvernements interprétant les résultats de l'exercice comme un jugement de leur action ont amoindri les possibilités d'opérationnalisation des ENPLT. Au plan institutionnel , l’ancrage autour des institutions existantes pourrait être retenu comme principe. Toutefois, il devrait être recherché la mise en place d’un cadre institutionnel souple et flexible ayant un pouvoir d’animation et de décision important et ouvert aux partenaires de développement. Un tel cadre serait de nature à assurer la participation et la concertation entre différentes parties et à faciliter la prise de décision. Au plan méthodologique, un processus en quatre principales étapes a été proposé : 1. La formulation d’objectifs à moyen terme à partir de la vision nationale, quantifiés et vérifiables. L'objectif est de s'assurer du degré de consistance des orientations stratégiques proposées dans les NLTPS par rapport à la réalité (forces, faiblesses, opportunités, menaces). L’ étape première a aussi pour objet de vérifier que la vision et les stratégies subséquentes traitent des composantes essentielles du développement.

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2. L’analyse de l’adéquation (concordances ou discordances) des politiques, objectifs et programmes en cours par rapport aux objectifs à long terme de la vision. Dans la pratique, on ne peut décliner les stratégies opérationnelles et les programmes dans un processus linéaire, "top-down", uniquement à partir des orientations stratégiques du NLTPS. On est donc amené dans un mouvement à double sens à confronter les NLTPS avec les programmes en cours qui également façonnent l'évolution du pays. Cette analyse de concordances et discordances de programmes et projets en cours, du point de vue de leur cohérence par rapport aux objectifs et stratégies de la vision nationale pourra se concrétiser en cinq grandes activités : Répertorier tous les plans, programmes et projets en cours de mise en oeuvre ou en

cours de formulation ; Analyser leurs concordances/discordances par rapport aux orientations de la vision

nationale ; Analyser la concrétisation des différents objectifs des visions nationales à travers le

pipeline - des programmes et projets existants ; Tenir compte dans cette analyse des programmes d'activités des organisations et

agences sous-régionales, régionales et internationales;et Identifier les écarts entre les objectifs de la vision et les programmes en cours.

3. Etudes ciblées dans certains domaines importants. En raison de leur nature sélective et globale, les NLTPS comme toute étude prospective ne sauraient prétendre traiter tous les thèmes relatifs aux problèmes de développement d'un pays. Par ailleurs, des questions fondamentales telles que les évolutions démographiques, la compétitivité, les évolutions du marché des matières premières, les questions foncières, par exemple, n'ont pas souvent été analysées en profondeur. Ainsi des études ou analyses plus ciblées et plus détaillées seront nécessaires pour approfondir les études menées à la phase de diagnostic du processus NLTPS. De même, l'on pourrait être amené à réaliser des études complémentaires sur des thèmes d'importance qui n'ont pas été abordées. 4. Traduction des orientations stratégiques à long terme en plans d’action stratégiques à moyen terme comportant des indicateurs de suivi et d’évaluation. Une fois les études spécifiques menées, la vision et les stratégies globales révisées à la lumière de leur confrontation avec les programmes en cours de réalisation ou de formulation, on est à même de pouvoir élaborer un plan d'actions stratégiques de moyen terme dans un processus en cascades : Traduction des orientations stratégiques de la vision nationale en objectifs de moyen

terme quantifiables ; Propositions, analyse et choix des options stratégiques alternatives globales sur le moyen

terme ; Détermination des lignes d'action par problématique. Ce processus doit être, à l’exemple

du NLTPS, participatif. Cette participation ne se limite pas à la consultation, elle doit être implicative à toutes les phases de l’exercice et élargie à tous les représentants de la société.

Au plan des méthodes et outils, un certain nombre d’outils d'analyse, de prévision et de projection sont disponibles (matrice de comptabilité sociale, modèle d’équilibre général calculable, budgétisation par objectif) et peuvent être utilisés dans le processus d’opérationnalisation des ENPLT. Toutefois, la question des outils mérite d’être revue à la lumière de l’adéquation aux objectifs poursuivis par l’opérationnalisation.

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Ce qu’il faut retenir à ce niveau est que ce qui change, c’est moins les outils utilisés antérieurement dans la planification que l’esprit dans lequel ils doivent être employés dans cette nouvelle approche de planification stratégique. Au niveau des processus, il ressort de toutes les propositions la volonté de promouvoir une concertation entre divers acteurs de développement aussi bien au niveau national qu'au niveau international pour valoriser les ENPLT et constituer une plate-forme pour élaborer le cadre stratégique. 1.2. Mills-Landell, Pierre. National Perspective Studies in Africa: A Vision of a Better Future. (in Finance & Development, Dec. 1993, v. 30, n°4, p. 42(2). Le NLTPS constitue un moyen de favoriser un débat national sur les défis et priorités du développement en se basant sur une analyse approfondie des options à long terme. Mais pour être efficace, l’effort doit viser au-delà de l’élaboration d’une stratégie à long terme. Le NLTPS devrait lier la stratégie aux politiques actuelles du gouvernement et définir un cadre macroéconomique viable pour les actions de développement à mener dans le court terme. En tenant pleinement compte de la capacité institutionnelle, de la disponibilité des ressources, et des activités de développement en cours, un NLTPS pourrait aider un gouvernement à articuler des programmes multiannuels de développement incluant des programmes d’investissement dans le secteur public et des politiques macroéconomiques et sectorielles intégrant les contraintes financières et les contingences liées au commerce extérieur. Les mesures qui devraient être prises pour maximiser les chances de réalisation des objectifs comprennent, entre autres :

Faire en sorte que les mécanismes institutionnels de mise en œuvre de la stratégie soient

intégrés dans la méthodologie dès le début ; S’assurer d’un support politique tout au cours du processus, et ne pas attendre jusqu’à ce

que la phase d’étude soit terminée ; et Impliquer des équipes de chercheurs tout au long de la mise en œuvre de la stratégie, le

NLTPS étant considéré comme un processus d’apprentissage continu et itératif. L’opérationnalisation du NLTPS requiert des stratégies de marketing et beaucoup d’initiatives tant au niveau institutionnel qu’individuel en vue de familiariser tous les acteurs de développement au processus du NLTPS.

1.3. FAO, Comité des Forêts. L’Avenir des Forêts: Répercussions de l’Etude Prospective du Secteur Forestier en Afrique. Note du Secrétariat, Seizième session, Rome (Italie), 10-14 mars 2003.

Le présent document donne un aperçu de l'étude prospective du secteur forestier en Afrique, dont il décrit notamment le processus, les principales conclusions, leurs incidences, ainsi que la suite qu'il est proposé de lui donner. L' Étude prospective du secteur forestier en Afrique (FOSA) présente une perspective sur une vingtaine d'années et fournit un cadre de planification à long terme pour le développement du secteur. Les principaux produits de cette étude sont un aperçu général et cinq rapports sous-régionaux consacrés aux enjeux propres à l'Afrique du Nord, à l’Afrique de l'Est, à l’Afrique australe, à l'Afrique centrale et à l’Afrique de l'Ouest. Ces rapports identifient les éléments moteurs, décrivent des scénarios de politique générale et institutionnels pour le développement du secteur forestier, évaluent leurs incidences sur l'avenir des forêts et présentent des formules possibles permettant d'accroître la contribution des forêts au développement durable.

Les objectifs de l'étude prospective du secteur forestier en Afrique étaient les suivants: analyser la situation, les tendances et les éléments moteurs qui façonnent le secteur

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forestier en Afrique, identifier les nouvelles possibilités et les contraintes à l'horizon 2020 et indiquer les stratégies qui pourraient améliorer la contribution des forêts au développement durable.

Les facteurs dont on prévoit qu'ils auront une incidence sur le secteur forestier pendant les vingt prochaines années sont, notamment, le rythme variable des changements politiques et institutionnels, la fréquence des conflits et des guerres, les changements démographiques, le fardeau de la dette, le fléchissement de l'aide au développement et la persistance de la pauvreté et de l'insécurité alimentaire. Si des changements de grande envergure n'interviennent pas, la situation des forêts africaines sera marquée par la persistance d’importantes pertes de couvert forestier, la détérioration de l'environnement, l'épuisement des produits forestiers non ligneux en général et des plantes médicinales en particulier, et par un recul sensible de la productivité et du pouvoir d'achat sur les marchés nationaux et locaux en raison du VIH/SIDA.

Pour inverser les tendances actuelles, une volonté politique assortie de stratégies intégrées est nécessaire pour lutter contre la pauvreté et protéger l'environnement. Cette action suppose la dévolution de pouvoirs aux principales parties prenantes par une réorientation des politiques, des changements institutionnels et la création de conditions favorables à une gestion durable des ressources. À cet égard, des efforts sont nécessaires pour redonner vigueur au secteur public, améliorer le jeu des forces du marché par l'adoption de mesures juridiques et institutionnelles, et appuyer le secteur non structuré.

L'étude prospective du secteur forestier en Afrique met en évidence les liens entre le secteur forestier, la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté, notant que la plupart des solutions résident dans des secteurs tels que l'agriculture et l'industrie. Cependant, les mauvais résultats économiques, en particulier dans le domaine de l'agriculture, obligent les pauvres à être tributaires des forêts en ce qui concerne leurs moyens de subsistance. Cela met les forestiers et autres décideurs devant un dilemme et en l'absence de changements radicaux, il restera difficile de surmonter ce problème. Étant donné que les approches traditionnelles des forêts sont insuffisantes pour lutter contre la pauvreté et pour empêcher la dégradation de l'environnement, il faut trouver de nouvelles solutions afin d'apporter un changement positif.

1.4. Rarivomanana, Philibert. L’Etude Prospective du Secteur Forestier en Afrique (FOSA), République de Madagascar, Ministère des Eaux et Forêts, novembre 2000. Ce document constitue une première étude prospective du secteur forestier à Madagascar. Elle a permis de dégager les principales contraintes et avantages du secteur forestier et d’identifier ce qu’on appelle les « moteurs de changement ». Les conclusions y afférentes peuvent à la fois ouvrir d’autres visions pour une meilleure gestion forestière et permettent déjà de démarrer certaines options. Toutefois, l’étude montre une limite importante au niveau de l’insuffisance et de la fiabilité des données qui a restreint l’analyse à un seul scénario. Il est donc évident que la poursuite des actions pour l’amélioration du système de collecte des informations devra pouvoir, non seulement contribuer à la fiabilité des données, mais également à leur utilisation. A l'heure actuelle, le reboisement entrepris n'arrive à compenser la dégradation forestière due à l'action de l'homme : défrichement, feux de végétation, exploitation forestière et prélèvement. Cette situation est encore aggravée par la pression démographique galopante et la pauvreté de la majorité de la population. Si ce rythme de dégradation se poursuit, le capital forestier, reconnu par son niveau élevé d'endémicité et de diversité, risque de disparaître d'ici quelques années.

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Face à ces problèmes, des actions ont été entreprises par l'État, à savoir : • La promotion de reboisement par l’application du décret n° 2000/383 du 7 juin 2000 qui consiste à instaurer un cadre incitatif au reboisement (incitations foncières, financières, techniques) et à en déterminer le mode de gestion conformément au principe du désengagement de l'Etat du secteur productif ; • La poursuite de l’aménagement des forêts existantes et la délivrance des permis d’exploiter seulement dans des lots forestiers aménagés et aux exploitants ayant acquis un minimum de formation professionnelle ; • L’intensification du recouvrement des redevances forestières qui alimentent le Fonds Forestier National, seule source pérenne permettant de financer les activités forestières préconisées dans le Plan Directeur Forestier National ; • Le renforcement des contrôles forestiers pour une meilleure maîtrise de la filière bois à travers la création des brigades de contrôle ; et • Le renforcement du suivi et contrôle de l’origine des produits, l’étude sur la normalisation et sur la fiscalité pour une répartition équitable des recettes. Pour améliorer la situation du secteur forestier, ces actions devraient être renforcées par : • La mise en oeuvre de la politique sectorielle du développement rural ; • La mise en oeuvre de la politique énergétique ; • La mise en oeuvre de la politique environnementale ; et • La promotion de la recherche forestière. Ce document formule trois hypothèses pour le secteur forestier en 2020 : 1ère hypothèse (Hypothèse optimiste (croissance) : dans le meilleur des cas, les contraintes liées au développement de la ressource et à sa gestion proprement dite sont partiellement ou totalement levée. Les moteurs du changement contribuent favorablement à lever ces contraintes en même temps qu'ils suscitent le développement du secteur forestier. 2ème hypothèse (Hypothèse 0) : dans un contexte de statu quo où rien ne change, les paramètres restent les mêmes. 3ème hypothèse (Hypothèse pessimiste) Comme les chiffres disponibles ne permettent pas de mesurer les tendances pour la première et la dernière hypothèse, la prospective présentée concerne donc le contexte de statu quo dans lequel les paramètres restent les mêmes. La prospective montre que, sans action conséquente pour renverser les tendances actuelles, la situation du secteur forestier sera amenée à se dégrader. Cette dégradation se traduira par une diminution à la fois de la couverture forestière et de la productivité des forêts. En clair, les ressources forestières ne pourront pas jouer l'un de ses rôles les plus importants qui est celui de satisfaire aux besoins socio-économiques de la population. Les méthodes classiques pour juguler cette dégradation consistent à mettre en oeuvre des mesures globales ou spécifiques. Ce document ne préconise pas la mise en oeuvre de mesures pour changer les "moteurs" dans le bon sens. Mais, il peut proposer les bases des orientations à prendre pour améliorer la situation à l'intérieur du secteur forestier, en tenant compte d'un environnement exogène changeant mais qui exerce une influence permanente sur l'évolution de la couverture et de la productivité forestière. 1.5. Cered-Cernea, Université Paris X-Nanterre. Un Bilan de la Prospective Africaine, 2000. Il s’agit d’une étude dirigée par Philippe HUGON, Professeur à l’Université Paris X-Nanterre et par Olivier SUDRIE, Maître de Conférences à l’Université de Versailles-Saint Quentin. L’étude a pour objectif de réaliser un bilan des travaux de prospective africaine menés au

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cours de la dernière décennie. Elle se compose de deux volumes : Le Volume 1 apporte des éléments de réponse à trois questions : Pourquoi réaliser des études prospectives sur l’Afrique ? (les objectifs) Comment réaliser de telles études ? (les méthodologies) Quelles études ont été publiées ? (une bibliographie sélective).

Le Volume 2 est consacré au recensement des institutions, publiques et privées, réalisant des analyses prospectives. Il apporte des compléments de réponse à la troisième question en regroupant des fiches bibliographiques sur les principales études prospectives réalisées sur l’Afrique.

L’étude part d’un postulat considérant l'Afrique subsaharienne comme la grande absente de la scène mondiale. Toutefois, malgré sa marginalisation, l’Afrique ne peut pas laisser indifférent le reste du monde.

L'Afrique subsaharienne, grande absente de la scène mondiale

L'Afrique subsaharienne pèse peu au niveau des grands agrégats macro-économiques. Elle représente, pour 10% de la population du globe, seulement 1% du PIB mondial, 1% des investissements directs étrangers et moins de 1,5% du commerce international. A maints égards, l'Afrique est aujourd'hui en position de "hors-jeu" économique. De cette configuration asymétrique naissent de nouveaux enjeux (géopolitiques, géo-économiques). En effet, l'Afrique deviendrait la zone d'influence "naturelle" de l'Europe. Le développement économique de l'Afrique apparaît alors comme un enjeu majeur pour celle-ci, d’autant plus qu'elle constitue une réserve minière et pétrolière appréciable.

La prospective africaine doit s'appuyer sur des spécificités africaines

Certains principes sont incontournables. A savoir :

Les spécificités africaines ne peuvent faire de l'Afrique un simple champs d'application de méthodes universelles. Les futurs possibles et souhaitables lointains doivent être liés aux situations passées,

présentes et futures proches. Il s'agit de comprendre les cheminements et de repérer les moments de rupture ou de bifurcations. L'analyse prospective doit être globale, à la fois géopolitique, macro-économique et

sectorielle. Elle suppose des cadres de cohérence dont la fonction est moins de quantifier les trajectoires futures que de mettre en évidence les contraintes et les risques de rupture. La prospective globale concernant l'ensemble de l'Afrique sub-saharienne doit

s'accompagner de prospectives régionales autour des grands pôles tels que l'Afrique du Sud, le Nigeria ou encore des pays présentant des risques de désintégration comme la République démocratique du Congo dans la région des Grands lacs.

Il convient toutefois de ne pas oublier qu'il n'y a pas de bonnes méthodes prospectives en soi. Il n'y a que des méthodes adaptées aux questions posées par les différents acteurs : gouvernements, bailleurs de fonds, entreprises privées, ONG...

Principales conclusions des études prospectives Africaines

Elles sont diverses et variées compte tenu du fait qu'il n'existe pas de prospective globale portant sur l'ensemble du continent africain. A défaut d'images globales, les prospectives démo-économiques réalisées pour l'Ouest-africain suggèrent l’image d’un futur africain où les dynamiques de peuplement jouent un rôle central (la population d' Afrique de l'Ouest

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augmentera de moitié d'ici à vingt ans, elle sera de 430 millions de personnes en 2020). Ces prospectives concluent à une Afrique qui s'urbanise rapidement et qui se polarise sur plus d'une trentaine de villes millionnaires (contre six en 1990), localisées principalement autour du Golfe de Guinée. Ces centres urbains constituent des pôles de croissance et des marchés pour les campagnes. La dégradation probable de l'environnement affecte une agriculture qui reste traditionnelle et extensive. Les villes se nourrissent de produits importés. Face à des Etats de plus en plus défaillants, les économies s'informalisent. Cependant, dans les études menées par rapport aux futurs souhaités par les représentants des pouvoirs publics, les opérateurs économiques et les acteurs de la société civile, il apparaît la nécessité pour eux de disposer d'Etats efficaces ("bonne gouvernance"), moins pour diriger le développement à long terme que pour le favoriser. Enfin, étant donné que l'Afrique aura à affronter la concurrence mondiale et à s'insérer dans la division internationale du travail, les études concluent que le développement économique à long terme passera impérativement par une intégration régionale accrue.

1.6. GIRI, Jacques. Le Sahel au XXI ème Siècle. Un Essai de Réflexion Prospective sur les Sociétés Sahéliennes. Éd. Karthala, 1989. L’ouvrage rédigé par J. Giri avec l’appui d’une équipe pluridisciplinaire, dans le cadre du Club du Sahel, fait suite à l’étude de l’OCDE "Le Sahel face aux futurs. Dépendance croissante ou transformations structurelles". Il se donne pour objet de dessiner des devenirs possibles du Sahel dans un horizon de long terme. La méthode retenue est historique et pluridisciplinaire. Elle repose sur l’élaboration de scénarii. L’auteur part d’une rétrospective historique remontant aux temps anté-coloniaux et coloniaux. Il rappelle les tendances plus récentes. La situation de la région ne s’est guère améliorée malgré les différentes aides et initiatives. La vulnérabilité des aléas climatiques et la dépendance vis-à-vis de l’aide alimentaire est grande. A ces facteurs anciens, s’ajoutent de nouvelles contraintes apparues au début de la décennie quatre-vingt, tels : l’endettement extérieur croissant, les déséquilibres financiers ayant conduit à des ajustements structurels, une forte croissance démographique. En 1970, la balance courante était à peu près équilibrée. En 1984, elle était déficitaire de 700 millions de $. Les dons versés de l’ordre de 200 millions de $ sont montés à environ 1 milliard de $ durant la même période. L’ouvrage dessine ensuite des avenirs possibles et sous quelles conditions ceux-ci peuvent se réaliser au cours des vingt-cinq prochaines années. Le scénario tendanciel, le plus vraisemblable, "n’est ni catastrophe, ni développement mais dépendance accrue". Les facteurs lourds qui pèseront seront le climat, les liens avec le monde arabo-musulman et côtier, l’évolution des pouvoirs et des valeurs, ainsi que la démographie. Ce scénario ne comporte pas d’incohérences majeures à la condition qu’un volume croissant d’aide extérieure soit consacré à combler les déficits. Une extrapolation des tendances passées conduirait à 7 milliards d’aide financière en 2010 soit la totalité de l’APD aux pays d’Afrique sub-saharienne. Un montant de 3 à 4 milliards est nécessaire et plus probable. Les autres scénarii, moins probables, vont des avenirs tragiques aux plus souriants. Ils supposent soit une forte chute des appuis extérieurs et/ou des catastrophes de type climatique, économique ou autre dans le premier cas, soit d’importantes transformations structurelles concernant les valeurs, les pouvoirs… Le grand intérêt de l’ouvrage est d’avoir adopté une perspective de long terme prenant en compte les différents éclairages disciplinaires. L’ouvrage en revanche retient sans réserve l’hypothèse du biais urbain critiqué à l’époque par plusieurs ouvrages : "Nourrir les villes africaines", "Urbanisation et dépendance alimentaire", SEDES, Coussy, Hugon, Sudrie. Il n’a pas pris en compte les inflexions des importations céréalières.

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Rédigé à l’époque de la guerre froide, l’ouvrage n’a pu évidemment intégrer les effets de la chute du mur de Berlin. La prise en compte de l’intégration régionale des pays sahéliens avec les pays côtiers est peu présente dans l’ouvrage. Il s’agit néanmoins d’une remarquable prospective qui, dix ans après, résiste au regard de la rétroprospective. 1.7. UNESCO. Approches Prospectives et Stratégies Novatrices en faveur du Développement de l'Afrique au XXI ème Siècle. Séminaire international, Rapport final. Paris, 8-9 novembre 2001. Ce rapport général se propose de faire apparaître : Les tendances principales qui se sont dégagées des exposés, des échanges et des

discussions sur les défis que l'Afrique est appelée à relever, dans le cadre des visions et agendas définis au plus haut niveau politique, notamment le Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique (NEPAD), en prenant également en compte les stratégies et priorités de l'UNESCO telles qu'elles ont été approuvées par la 31è session de la Conférence générale ; Les domaines dans lesquels l'UNESCO peut apporter utilement un appui concret aux

initiatives africaines à un moment où l'Organisation est précisément sur le point de s'engager dans le processus d'élaboration de stratégies régionales et sous-régionales, qui intéressent d'autant plus le continent africain que le NEPAD a fait de ces deux cadres ses champs privilégiés d'intervention ; Enfin les modalités pratiques au moyen desquelles l'UNESCO et l'Afrique pourraient, en

agissant ensemble, assurer d'un commun accord un nouveau départ pour le continent en revitalisant et en élargissant le partenariat déjà existant et en créant des nouveaux partenariats plus hardis et bien plus étendus encore dans les différents domaines prioritaires. Les travaux du séminaire ont porté sur sept thèmes principaux qui sont les suivants: Agenda africain et l'UNESCO: construire sur les bases du NEPAD ; Education en Afrique : Enjeux et perspectives - Quelles stratégies pour l'avenir? Science et technologie pour un développement durable en Afrique ; Droits humains, démocratie et sécurité humaine : perspectives et pistes d'action ; Diversité et pluralisme culturels, des enjeux pour le développement durable en Afrique ; Technologies de la communication et société du savoir : renforcement des capacités en

Afrique ; et Renforcement de la coopération panafricaine et du partenariat international.

1.8. Programme des Nations Unies pour le Développement. Études Prospectives Nationales à Long Terme : Un Instrument de Gestion Publique. Futurs Africains,1998. La notion d'études prospectives nationales à long terme découle du malaise général engendré par les mauvais résultats qu'ont donnés les démarches appliquées dans le passé pour gérer le développement en Afrique. Il ne s'agit pas de supplanter les efforts actuellement faits par les pays africains pour réformer leur économie et leur société. Il s'agit au contraire d'une démarche qui complète ces efforts, et qui mette l'accent sur un processus systématique d’élaboration et d'application de stratégies de développement cohérentes dans le long terme. Plus précisément, c'est un cadre systématique pour la gestion du développement fondée sur la participation et sur une stratégie. Il est désormais largement accepté que pour que le développement soit durable, il doit être centré sur la personne. Les NLTPS permettent d'appliquer concrètement ce principe, faisant de la personne à la fois la cause et la finalité du développement. L'importance de l’économie 17

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n'est pas méconnue, mais l’économie ne doit pas l'emporter sur d'autres dimensions de la vie comme la culture, la vie politique, l'environnement et la technologie. En fait, cette nouvelle démarche prête l'attention voulue à ces facteurs. L’équité entre générations et au sein des générations, la protection de l'environnement et la défense des libertés civiles figurent également en bonne place dans le processus des NLTPS qui deviennent ainsi un modèle global ou systémique du développement. Dans ce modèle, la planification du développement national devient un processus d'apprentissage. Les NLTPS encouragent la participation active de la population aux décisions nationales, mais également à la phase de l’exécution. Le dialogue et le consensus doivent être privilégiés par une concertation nationale. Cette perspective doit permettre à une nation de comprendre qu'elle ne s’égare pas, qu'elle va dans une voie bien déterminée, et cette perspective devient alors un principe directeur devant inspirer toutes les décisions nationales du développement. En outre, les dirigeants doivent penser et agir en fonction du long terme, et s’assurer que l'environnement des politiques qu'ils mènent est stable. Mais surtout, les NLTPS encouragent l'utilisation d'experts locaux, la création des capacités et la maîtrise par le pays des actions de développement. On part en effet de l’hypothèse que ce sont les nationaux, avec un soutien et une formation méthodologique appropriés, qui peuvent penser l'avenir de leur pays, organiser leur société dans ce sens. C'est ainsi qu'ils s’aperçoivent qu'ils sont bien maîtres du processus de développement, en faveur duquel ils s'engagent. Ce document fait ressortir les relations stratégiques entre les études prospectives nationales à long terme et la gouvernance. S’agissant de son objet, il est de plus en plus admis que la gouvernance a pour objectif de renforcer la capacité des autorités de gérer les processus de développement et de créer un climat favorable à l’exercice des responsabilités collectives dans la société civile. Ses éléments constitutifs sont : le renforcement des organismes de la société civile, l’avènement d'un Etat de droit, une concertation sur la conduite de l’économie, la transparence des consultations électorales, et l’avènement d'une culture de paix. Des exemples, empruntés aux exercices nationaux (Guinée Bissau, Maurice Zimbabwe) montrent comment ces éléments constitutifs sont compris et sont abordés dans plusieurs pays. Le document retrace les principales réalisations en matière d’études prospectives, ainsi que les principaux enseignements. Les leçons à retenir des premiers exercices NLTPS ont trait à la fois à la méthodologie, au processus participatif, à la durée de l'exercice et à la participation de l'administration et des bailleurs de fonds. 1.9. Futurs Africains. Guide Méthodologique d’un Exercice NLTPS. Janvier 1993. Le présent Guide Méthodologique est le premier d’une série de notes méthodologiques et techniques. Il est destiné à servir de guide aux cellules nationales de pilotage et à leurs groupes pluridisciplinaires pendant le processus d’élaboration des études. En outre, ce Guide Méthodologique constitue une source de renseignements pour les différents groupes et individus qui pourraient être intéressés à participer, d'une manière ou d'une autre, au processus d’élaboration des NLTPS. Le présent rapport se divise en deux parties. La section I explique la méthodologie et les principales phases du processus NLTPS alors que les annexes à cette section décrivent les objectifs et l'environnement opérationnels du projet. La section II décrit les étapes analytiques que les cellules nationales de pilotage devront entreprendre pour exécuter les études. L'objectif visé est de s’assurer que les différentes études à réaliser adopteront les mêmes étapes analytiques, afin de faciliter leurs synthèses et leurs comparabilités.

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L'objet de ce Guide Méthodologique est d'expliquer la méthodologie d’exécution d'un exercice NLTPS. Le présent document propose les phases et étapes fondamentales, ainsi que des techniques qui pourraient être utilisées. Il fournit également un cadre commun aux cellules nationales de pilotage, leur permettant ainsi d’établir des normes minimales pour comparer, intégrer et faire la synthèse des différents exercices NLTPS. La démarche technique adoptée par ce document ne consiste pas en un ensemble rigide de règles qu'il faut rigoureusement observer, mais plutôt en une approche souple qui permet de faire montre de beaucoup d’ingéniosité dans la conception de chaque projet NLTPS. Il est important de noter que ce Guide Méthodologique se veut un exercice purement technique qui ne cherche nullement à imposer une approche ou une position théorique/méthodologique aux cellules nationales de pilotage. 1.10. Godet, Michel. La Boîte à Outils de Prospective Stratégique. Cahier n° 5, LIPSOR, Cinquième édition mise à jour, juin 2004. Les concepts de prospective, de stratégie, de planification sont dans la pratique intimement liés, chacun appelle les autres et s'y mêle : on parlera de planification stratégique, de management et de prospective stratégique. Chacune de ces approches renvoie à un référentiel de définitions, de problèmes et de méthodes dont la spécificité est d'autant moins établie que le langage n'est pas stabilisé. En se posant la question Quelles stratégies pour quels scénarios ?, l’auteur fait remarquer qu’il n'y a pas de statistiques du futur. Face à l'avenir, le jugement personnel est souvent le seul élément d'information disponible. Il faut donc recueillir des opinions pour se forger la sienne et faire des paris sous forme de probabilités subjectives. L’ouvrage énumère les cinq questions fondamentales de la prospective stratégique après une mise au point sur la spécificité de la prospective et de la stratégie. Même si elles sont intimement liées, il convient de bien séparer : 1) le temps de l’anticipation, c’est-à-dire de la prospective des changements possibles et souhaitables ; et 2) le temps de la préparation de l’action, c’est-à-dire l’élaboration et l’évaluation des choix stratégiques possibles pour se préparer aux changements attendus (préactivité) et provoquer les changements souhaitables (proactivité). Cette dichotomie entre l’exploration et la préparation de l’action conduit à distinguer cinq questions fondamentales : Que peut-il advenir ? (Q1), Que puis-je faire ? (Q2), Que vais-je faire ? (Q3), Comment le faire ? (Q4), et une question préalable essentielle (Q0),Qui suis-je ? Cette question préalable sur l'identité de l'entreprise, trop souvent négligée, impose un retour aux sources sur ses racines de compétences, ses forces et ses faiblesses, qui n'est pas sans rappeler le fameux "connais-toi toi-même" des Grecs anciens. La prospective seule est centrée sur le “que peut-il advenir ?” (Q1). Elle devient stratégique quand une organisation s’appuie sur “qui suis-je ? ” (Q0), et s’interroge sur le “que puis-je faire ?” (Q2). Une fois ces deux questions traitées, la stratégie part du “que puis-je faire ?” (Q2) pour s’en poser deux autres : “que vais-je faire ?” (Q3) et comment le faire ? (Q4). D’où le chevauchement entre la prospective et la stratégie. L’auteur définit cinq idées clés de la prospective : Le monde change mais les problèmes demeurent Des acteurs clefs aux points de bifurcation Halte à la complication du complexe Se poser les bonnes questions et se méfier des idées reçues De l'anticipation à l'action par l'appropriation

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A propos des outils de prospective stratégique, l’auteur fait remarquer que, si le monde change, il subsiste bien des invariants et des similitudes dans la nature des problèmes rencontrés. Il recommande ainsi de puiser dans l'héritage accumulé, et d’entretenir la mémoire des méthodes et des outils pour mieux les enrichir. En ce qui concerne les outils de la prospective stratégique, il tient à rappeler leur utilité : stimuler l’imagination, réduire les incohérences, créer un langage commun, structurer la réflexion collective et permettre l’appropriation. Il attire l’attention de ses lecteurs sur les limites de ces outils et les illusions de la formalisation : les outils ne doivent pas se substituer à la réflexion ni brider la liberté des choix. Il convient aussi de préciser que les outils de la prospective n’ont pas la prétention de se prêter à des calculs scientifiques comme on peut le faire dans des domaines physiques (par exemple, pour calculer la résistance de matériaux). Il s’agit seulement d’apprécier de manière aussi objective que possible des réalités aux multiples inconnues. De plus, le bon usage de ces outils est souvent bridé par les contraintes de temps et de moyens inhérents aux exercices de réflexion. L’usage de ces outils est inspiré par un souci de rigueur intellectuelle notamment pour mieux se poser les bonnes questions (pertinence) et réduire les incohérences dans les raisonnements. Mais si l’utilisation de ces outils peut aussi stimuler l’imagination, elle ne garantit pas la création. Le talent du prospectiviste dépend aussi de dons naturels comme l’intuition et le bon sens. Si la prospective a besoin de rigueur pour aborder la complexité, il lui faut également des outils suffisamment simples pour rester appropriables.

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II. PRATIQUES INTERNATIONALES DE LA PROSPECTIVE ET BILAN 2.1. Au niveau du continent africain A. Contexte La crise économique et financière qui a touché la majeure partie des pays africains dès le milieu des années 80 a provoqué un raccourcissement des horizons temporels. La priorité accordée au rétablissement des équilibres financiers à court terme puis à l’ajustement structurel à moyen terme a conduit à négliger les problèmes du long et du très long termes. Les plans d’ajustement structurel manquent de perspective de politique de long terme, et sont exclusivement centrés sur les questions économiques. L’échec des expériences de planification et des plans d’ajustement structurel, réalisés sous l’égide des institutions internationales et l’absence de la réflexion sur le passage des prévisions aux actes, d’une part, et d’autre part, la concentration du plan sur le niveau régional ont été donc à l’origine des études prospectives. L’inscription des pratiques dans des perspectives de long terme, en les articulant aux exigences d’un avenir marqué par des changements rapides et une incertitude croissante, est donc une nécessité. En effet, les grands équilibres macro-économiques ne suffisent pas à garantir un développement durable. D’autres facteurs sont nécessaires, en particulier la formation du capital humain, la bonne gouvernance, et la coopération régionale. C’est dans ce contexte que sont menées des Etudes Nationales des Perspectives à Long Terme (ENPLT), pour identifier les forces et faiblesses de chaque pays concerné et pour améliorer son avenir. B. Objectifs des études prospectives en Afrique Ces Etudes Nationales de Perspectives à Long Terme poursuivent un double objectif : Etablir un dialogue approfondi sur le futur ; et Créer un consensus national sur un ensemble de questions-clés au centre du

développement à long terme. C. Méthodologie de réalisation des études prospectives en Afrique De nombreuses méthodes pour réaliser des études prospectives ont été appliquées en Afrique. Le choix dépend des questions posées, des champs à couvrir (géopolitiques, macro-économiques, sectoriels...) ou encore des horizons retenus. Concrètement, en Afrique, la mise en place d’un réseau de prospectives africaines a été réalisée par Futurs Africains. Le programme vise à soutenir la mise en œuvre des ENPLT, et à en assurer la coordination. Pour cela, Futurs Africains a pour mission de créer une banque de données fournissant l’information sur l’environnement socio-économique régional, d’organiser des séminaires de formations et des échanges d’expériences au niveau national. Futurs Africains place la détermination des aspirations des populations au cœur de sa méthodologie. Ainsi, dans ses principes fondamentaux, la méthodologie des ENPLT affirme la nécessité : d’une réflexion stratégique à long terme dans la gestion du développement; d’une vision partagée, visant à exprimer qualitativement un ensemble de buts à

atteindre ; de la participation de la population à la prise de décision politique ; et

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d’anticiper le futur par la planification par scénario. Le respect de ces principes doit favoriser une gestion stratégique du développement national. Réalisées à un horizon de 25 à 30 ans, les ENPLT se déroulent en cinq phases : 1. Identification de la problématique, en cernant les aspirations de la population dans son

ensemble. 2. Diagnostic stratégique, pour comprendre les systèmes nationaux étudiés et fournir le

cadre analytique qui servira à l’élaboration des scénarios et à la formulation des stratégies.

3. Construction des scénarios alternatifs. 4. Formulation d’orientations et d’objectifs stratégiques à long terme. 5. Stratégies opérationnelles. Ces études prospectives doivent permettre d’explorer les futurs possibles à long terme et de mettre en évidence les défis et perspectives auxquels le pays devra faire face. Finalement, les études aideront à prendre "les décisions qui vont dans le sens de l’avenir souhaité". C’est le niveau national, niveau de la décision, que privilégie Futurs Africains, tout en resituant les études dans un environnement régional et mondial. D. Principaux réalisateurs des études prospectives en Afrique Une typologie sommaire permet de distinguer trois grandes catégories de producteurs dont les principales organisations travaillant sur l’Afrique. Il s’agit notamment : Des institutions publiques internationales : le PNUD (avec les études Futurs Africains dans le cadre des National Long Term Prospective Studies_NLTPS) ; l’OCDE et plus particulièrement le Club du Sahel (West African Long Term Perspectives Studies_WALTPS), la Banque mondiale, les Nations Unies (FNUAP), la FAO, la Commission Économique pour l’Afrique, la Commission Européenne ; Des institutions publiques nationales : le Central Planning Bureau néerlandais (à l’origine probablement de la meilleure étude prospective mondiale), les ministères du Plan de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, des centres de recherche spécialisés dans la prospective globale (le CERED Université Paris-X, DIAL, l’IFR Université de Stellenbosch et de Cape Town en Afrique du Sud, le Centre d’économie appliquée de l’Université d’Ibadan au Nigeria, le BNETD de Côte d’Ivoire), des centres spécialisés dans les prospectives partielles (dans l’agriculture : CIRAD, IFPRI, SOLAGRAL ; sur la démographie : CEPED, CICRED-IRD, INED ; sur le commerce : ODI Londres ; sur la santé : WHOA d’Harare ; sur l’énergie : Agence Internationale de l’Énergie, Department of Energy USA...) ; Des bureaux d’études privés : leur recensement s’avère plus délicat en raison de la confidentialité des études qu’ils produisent. On peut citer néanmoins : Hudson Institute (USA) qui a mené une étude sur les opportunités de marché à long terme en Afrique ; DME, spécialisé dans la modélisation macro-économique et financière et qui a réalisé de nombreuses études prospectives sur différents pays africains (notamment l’Afrique du Sud, Madagascar, la Côte d’Ivoire, le Sénégal...) ; Pro Activité Conseil, SERES (prospectives industrielles), INGEROP (transport et aménagement du territoire), Stratys (irrigation et immigration). 2.1.1. Cas des pays africains subsahariens Le besoin de repenser et de reconsidérer la gestion du développement en Afrique Sub-saharienne résulte de la faible performance des activités de développement menées depuis l’indépendance. Ce besoin s’explique également par la détérioration du niveau de vie en 22

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raison de la faiblesse du taux de croissance économique et l’accroissement démographique rapide. Les gouvernements seuls ne peuvent faire face aux besoins considérables des populations, d’où l’importance d’un partenariat entre le gouvernement, le secteur privé, la société civile, et les ONG pour la réalisation d’un développement durable. De plus, une planification fondée sur une vision du futur est importante pour les pays dont l’objectif est de garantir le bien-être des populations et des écosystèmes. 2.1.1.1. ALGERIE Les pratiques prospectives ne peuvent pas se dissocier du contexte socio-économique dans lequel les travaux de long terme sont effectués. C’est ainsi qu’en Algérie il est distingué une première période qui a débuté au milieu des années 1960 et qui s’est achevée vers la fin des années 1980. Cette première période a été marquée par un interventionnisme poussé de l’Etat, et une planification fondée sur des objectifs physiques orientés sur la satisfaction des besoins sociaux. L’industrialisation a été l’un des moyens majeurs pour réaliser ces objectifs, en assurant la satisfaction du marché intérieur et en garantissant l’emploi et le revenu. Dans ce système où les références au marché et au prix étaient quasiment inexistantes, les problèmes de financement ont conduit à l’endettement. Malgré les tentatives de réforme et de rénovation du système engagées pendant la période de transition qui marque la rupture avec une politique de gestion centralisée et dirigiste, des déséquilibres profonds persistaient, ce qui a nécessité la mise en place d’un programme d’ajustement structurel. Pendant cette période, marquée notamment par des transformations institutionnelles, un ajustement des structures économiques, un désengagement progressif de l’Etat et un rétablissement des équilibres macro-économiques, l’approche consistait à effectuer un cadrage macro-économique de moyen terme, compte tenu de nombreuses contraintes, notamment financières. Quant à la nouvelle situation, elle est caractérisée notamment par la prépondérance du rôle du marché et des visions à long terme avec comme objectif central le développement économique et social et plus particulièrement l’amélioration du bien-être dans un contexte de stabilité macro-économique. S’agissant des méthodes d’élaboration des perspectives de long terme de l’économie algérienne, leur caractère non formalisé et leur fondement sur des approches quasi-comptables sont à souligner. S’inscrivant dans un système de planification à titre indicatif, ces mécanismes sont censés fournir un cadre cohérent permettant d’étudier des profils de croissance à long terme en tenant compte d’un certain nombre de contraintes dont notamment démographiques, financières et économiques ainsi que des évolutions probables de l’environnement international. 2.1.1.2. EGYPTE Le cas de l’Egypte est illustré par quatre principaux aspects : (i) la nécessité de mener des études prospectives à long terme ; (ii) l’expérience de l’Egypte en matière d’études prospectives à long terme; (iii) le projet Egypte 2000 ; et (iv) les principales difficultés rencontrées. L’expérience égyptienne peut être résumée en termes de planification à long terme qui a commencé dans les années 1950 -1960 en association avec les activités de planification ou les études sectorielles. Des études prospectives à long terme ont été entamées dans les années 70. Plusieurs études avaient été menées par le groupe Egypte 2000. Le projet Egypte 2000 est la dernière initiative entreprise par l’ONG-Forum du Tiers-Monde qui a commencé en 1998. Son principal objectif est que les décideurs et la population prennent davantage conscience des opportunités futures et des risques que comporte une concentration sur la résolution des problèmes à court terme uniquement. Ce projet a une approche holistique et utilise des outils de simulation avec des informations aussi bien qualitatives que quantitatives. Il a été confronté à certaines difficultés dont les principales

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sont l’absence de mentalité et d’attitudes orientées vers le futur, le manque de fonds et la faiblesse de la banque de données. La leçon à retenir de cette expérience égyptienne est que le réalisme doit être le maître mot dans la préparation des études prospectives à long terme. 2.1.1.3. MAROC L’expérience marocaine se réfère à un contexte socio-économique essentiellement caractérisé au cours de la dernière décennie par une tendance à la baisse de la croissance économique avec néanmoins quelques résultats appréciables, notamment au niveau du déficit budgétaire. C’est ainsi que le Maroc a connu trois grandes phases dans le processus de planification. La première phase marquée par un système centralisé, a été suivie par une étape caractérisée par la décentralisation et la participation continue des instances régionales et locales. Quant à la troisième phase, elle correspondait à une période de crise qui a nécessité le lancement du programme d’ajustement structurel en 1981. La période de pause de 1993-1995 a commencé par la réflexion sur la modernisation du processus de planification qui a conduit à l’élaboration d’une nouvelle approche correspondant à une vision reposant sur l’identification des défis dans un contexte international plus ouvert. La concrétisation de la nouvelle approche repose sur les principes directeurs pouvant se résumer comme suit: Adoption d’une stratégie de développement s’étalant sur une plus longue période ; Cohérence entre le long et le moyen termes et une intégration des objectifs de croissance économique avec ceux du développement humain durable ; Une plus grande concertation entre les partenaires économiques et sociaux aux niveaux

national, régional et local ; Mise en place d’un ensemble de mécanismes comprenant notamment l’établissement d’une banque de projets supplémentaires, le renforcement du suivi et de l’évaluation ; La conduite d’études prospectives sur un certain nombre de domaines clés et sur le devenir de la société marocaine dans 20 à 25 ans.

2.1.1.4. SOUDAN L’expérience du Soudan porte sur la stratégie de développement pour la décennie 1992-2002. Cette étude a été menée en tenant compte non seulement des défis auxquels le pays est confronté, mais également de l’impact des nouvelles forces extérieures, telle que la mondialisation. Sa principale stratégie était de mobiliser toutes les ressources du pays, en conservant l’identité socioculturelle et religieuse du Soudan. Ses principaux objectifs couvrent tous les domaines: social, politique, militaire/sécurité, politique étrangère, économie, science et éducation. L’exercice ENPLT a donné lieu à un document de plan en deux volumes. Le premier volume se compose d’une introduction, de la stratégie nationale globale et des objectifs de l’étude. Le deuxième volume contient un ensemble de stratégies sectorielles. Parmi ces stratégies : développement et ressources humaines, culture et communication, sciences et technologie, développement social, etc. En matière de développement des ressources humaines, la stratégie met l’accent sur la consolidation de la formation et l’éducation dans tous les secteurs. La formation continue est une politique visant à atteindre un tel objectif.

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2.1.1.5. TUNISIE Les différentes étapes de la planification en Tunisie sont organisées en trois phases principales : une phase de planification centralisée, une période plus ouverte sur l’extérieur et une phase de planification orientée vers le renforcement des mécanismes de marché et d’ouverture sur l’extérieur tout en préservant les liens entre les exigences économiques et le bien-être social. Les stratégies adaptées se traduisent entre autres par le renforcement des instruments des études prospectives à long terme à travers notamment la création de l’ Institut Tunisien des Etudes stratégiques, avec pour objectif de procéder à la recherche, à l’étude et à l’analyse prospectives à moyen et à long terme. Quelques grandes réalisations au cours de la dernière décennie méritent d’être mentionnées, dont notamment : l’intégration des travaux d’élaboration du neuvième plan quinquennal de développement

économique et social (1997 – 2001) dans le cadre d’une vision prospective notamment à travers la réalisation d’une série d’études stratégiques jusqu’à l’horizon de l’an 2010; l’organisation d’une consultation sur les conclusions de l’étude prospective relative à la

Tunisie du XXI ème siècle et une autre portant sur l’école de demain; la création de Centres de recherche sectoriels chargés de l’élaboration d’études

prospectives et l’institution de banques de données et des observatoires dans divers domaines dont l’observatoire national de la compétitivité, l’observatoire national de la formation professionnelle et l’emploi, etc.; la réalisation d’un certain nombre d’études dans le cadre de « Projets Nationaux

Mobilisateurs » portant, entre autres, sur la pauvreté et l’exclusion dans les pays de l’UMA, les relations entre les pays de l’UMA et les pays européens, etc. ; et l’élaboration d’un réseau de réflexion stratégique au sein de l’ Institut Tunisien d’ Etudes

Stratégiques (lITES) et ce, en plus du développement de la modélisation, notamment au sein de l’ Institut d’Economie Quantitative. 2.1.2. Cas des pays de l’Afrique de l’Ouest (WALTPS) : Une vision à l’horizon 2020 Dans le cadre de son programme de travail 1998-1999, la Mission d’Etudes, d’Evaluation et de Prospective (MEEP) en France a conduit à une étude prospective sur "l’Afrique au XXIe siècle" afin de retrouver une approche à moyen terme des économies et des sociétés africaines. Mais il faudrait retenir essentiellement les travaux de WALTPS réalisés par le Club du Sahel sur les "Perspectives à long terme en Afrique de l’Ouest à l’horizon 2020". L’étude sur l’"Afrique 2020", au sujet de laquelle la MEEP prépare les objectifs et les modalités, est destinée à renforcer les connaissances et à approfondir les compétences des services de la Coopération française en matière d’études prospectives. Objectifs de l’étude L’étude a été menée avec un pilotage conjoint entre la cellule CINERGIE de la Banque Africaine de Développement (BAD) à Abidjan, le Secrétariat du Club du Sahel de l’OCDE à Paris et CILSS à Ouagadougou. Elle est réalisée sur un financement de la Commission européenne avec le concours de la BAD, la Banque mondiale, la Belgique, du Canada, des États-Unis, de la France et des Pays-Bas. Les travaux du groupe ont donné lieu, entre 1992 et 1994, à une série de documents qui ont abouti à la publication de l’étude de synthèse. L’étude de WALTPS a pour objectif de contribuer à la réflexion sur la croissance soutenable et l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. Ces questions sont abordées sur la longue durée, à l’horizon 2020, sous l’angle de la géographie humaine. Elle analyse les dimensions spatiales des évolutions du peuplement et leur impact en termes de changements économiques et sociaux. L’accent mis sur la géographie humaine se justifie par les

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prolongements possibles des effets sur les économies et les sociétés Ouest-africaines, du décuplement de la population régionale en moins d’un siècle (1960-2020), même dans l’hypothèse optimiste d’utilisation des moyens de contraception. L’étude tente de répondre aux questions suivantes :

Où vivront les quelques 430 millions d’africains de l’Ouest d’ici à l’an 2020 ? Quels seront les besoins exprimés par les diverses catégories de population réparties

dans l’espace ? Comment et dans quelle mesure les besoins seront-ils satisfaits, sur la base de quels revenus, de quelles activités et de quels échanges ?

Quelles stratégies faut-il envisager ? Quelles variables-clés permettront à l’Afrique de l’Ouest de tirer parti du dynamisme des populations, quels facteurs de blocages devront être levés ?

Méthodologie de l’étude En dépit de l’hétérogénéité de la région et contrairement à la plupart des travaux de prospective africaine par pays, l’étude adopte une approche régionale. Les auteurs justifient une telle démarche, par la forte mobilité des populations et l’interdépendance des économies réelles, et aussi par une médiocre utilisation, en termes d’efficacité économique, par les politiques officielles, de l’espace Ouest-afrîcain. L’étude ne s’appuie pas sur une approche systémique de tous les paramètres qui peuvent influer sur l’avenir. La méthode suivie consiste à lire les évolutions en cours en accordant un rôle-clé aux dynamiques démographiques spatiales et sociales dans le développement de la région, en situant ces évolutions sur une « trajectoire » non prédéterminée. Dans ce modèle dit démo-économique où la croissance se déduit quasi exclusivement de la géographie du peuplement, l’environnement international occupe une place relativement marginale. L’étude utilise plusieurs instruments originaux notamment : une base de données sur le peuplement, une méthode d’estimation de l’économie réelle de la région, et une modélisation des tensions de marché.

Dans cette méthodologie générale, on relève deux démarches complémentaires dans l’analyse prospective. La première tente de dégager une vision de l’avenir de l’Afrique de l’ Ouest à l’horizon 2020 sous la forme d’une image à long terme de la répartition des hommes et de leurs activités. Cette image découle des « projections » établies sur la base des évolutions mises en évidence dans une rétrospective longue (1960-1990) et de jeux d’hypothèses volontaristes de peuplement. Ces projections sont construites à partir de matrices de comptabilité sociale basées non pas sur des secteurs économiques mais sur des groupes sociaux (ruraux/urbains). Ces matrices sont établies pour l’ensemble des pays de la région. La seconde démarche s’appuie sur des tendances actuelles pour explorer trois scénarios d’évolution à moyen terme (horizon décennal) « qui illustrent les contradictions entre, d’une part, les contraintes et tendances à court et moyen termes et, d’autre part, les objectifs à plus long terme ».

Image à long terme

L’image à long terme s’appuie sur l’hypothèse d’un redémarrage de l’économie urbaine, et d’une convergence progressive de l’Afrique de l’Ouest vers la « norme » internationale des comportements. Ce qui suppose : une croissance de la population urbaine régionale de 4,2 % entre 1990 et 2020 (6,3 %

entre 1960 et 1990) avec un niveau moyen d’urbanisation qui passera de 40 à 63 % ;

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une croissance de la population rurale de 1 % l’an avec un effectif en augmentation de 40 % et le maintien de fortes migrations intra-régionales ;

une croissance des effectifs salariés du secteur moderne moins forte que celle de la population et donc une décroissance de la population non agricole dans ce secteur. Ceci conduit à une croissance de 5 % l’an du secteur informel (50 % du croît démographique total) qui tend à se différencier ;

le maintien de la croissance urbaine impliquant l’émergence progressive d’une agriculture vivrière de rapport pour le marché à partir d’un taux urbain de 50 % ;

l’augmentation des disparités sociales avec l’apparition d’un continuum social offrant tout un éventail diversifié d’activités et de revenus.

A ces hypothèses volontairement optimistes par rapport aux évolutions antérieures, s’ajoutent des hypothèses complémentaires sur l’évolution des ressources extérieures. La part des échanges internationaux de l’Afrique de l’Ouest restera prépondérante malgré un rapide développement de son commerce régional. Ainsi, l’étude suppose-t-elle une croissance de 3 % des exportations agroalimentaires, de 4 % pour les produits énergétiques, et une progression proportionnelle, au taux de croissance de la population, des autres exportations. Les autres paramètres des échanges extérieurs devraient converger vers le comportement «normal » mondial en 2020. A partir de la matrice de comptabilité sociale en base 1990, les projections établissent une croissance du produit régional brut (PRB) à l’an 2020 de 4,6 % en moyenne et le PRB moyen par habitant atteint 1 200 $ (soit 75 % de plus par rapport à 1990). La répartition sectorielle de cette croissance s’établit comme ci-après :

Agriculture : 14 % du PRB ; une croissance de la valeur ajoutée de 3,2 % en moyenne

(dont 2,6 % pour la production exportée hors de l’Afrique et 8,2 % dans la région). Secteur informel et intermédiaire : 23 % du PRB, baisse de la productivité par rapport au

secteur agricole (1,5%). Secteur moderne non agricole : forte contribution au PRB (63 %), grâce au dynamisme

des villes dont la part dans le PRB passe de 66 % en l990 à 82 % en 2020. L’écart de productivité ville/campagne reste constant à 3,3.

L’image intermédiaire de la région à l’horizon 2005 indique une sortie de crise (1990-2005) puis une phase de croissance soutenue (de 5 %) à partir de 2005, une fois « la crise des années 1980-1990 digérée et la profonde restructuration du peuplement et des économies engagée depuis les indépendances… bien avancée ». Le taux moyen de croissance du PRB devrait atteindre 4,1% l’an entre 1990 et 2005. Ce taux est supérieur à celui de la démographie mais inférieur au taux du reste de la période. Au niveau géographique, le Nigeria reste le moteur de cette dynamique avec 5 % de croissance contre 3,8 % pour le reste de la région. Cette croissance reste tributaire des transferts et des échanges extérieurs mais elle doit favoriser le commerce régional dont le taux de croissance atteint plus de 10 % entre 2005 et 2020. Cette dynamique de l’économie régionale s’accompagne d’une évolution différenciée des zones géographiques. • Le groupe de pays autour du Nigeria (les pays du Golfe de Guinée) constitue le poumon de l’économie régionale, mais le dynamisme de ce sous-ensemble est conditionné par le rythme et la reprise de la croissance nigériane lesquels dépendent du règlement des tensions publiques (2,1 % par habitant du taux de croissance moyen contre 1,6 % pour le reste de la région). • L’insertion dans la dynamique régionale des pays de la façade Atlantique, traditionnellement tournés vers le marché mondial, reste problématique.

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La marge de manœuvre des grands pays enclavés restera étroite et leur avenir demeure lié à leur capacité d’exportation de la main-d’œuvre et de produits agricoles vers la région.

La matrice de comptabilité sociale Les comptes démo-économiques établissent une vision de l’économie fondée sur les principaux groupes sociaux qui y contribuent, plutôt que sur des secteurs économiques. Ces comptes sont présentés dans une matrice de comptabilité sociale (MCS) : tableau carré dont les lignes et les colonnes retracent les ressources et les emplois des divers comptes considérés. La construction de cette matrice part de la dépense finale des diverses catégories de ménages et des administrations. A chaque catégorie de ménage urbain et rural identifiée dans la matrice de peuplement est affectée une dépense totale (provisoire), laquelle est répartie par poste et par origine, intérieure ou importée. De proche en proche on détermine les revenus qui expliquent cette dépense, les biens et services qui sont utilisés par les agents et les activités, les transferts qui assurent l’équilibre des comptes courants et de capital, etc. Par construction, la matrice est équilibrée : les revenus des agents (ménages et administrations) engendrés par le processus de production et les transferts sont égaux aux dépenses de ces agents. Les données exogènes et de contraintes du système sont principalement les dépenses finales et intermédiaires, les flux de biens et services et les flux financiers entre le pays et le reste du monde (données tirées des balances de paiement). Dans certains domaines comme les comptes du secteur public, l’image de l’économie réelle établie par la MCS est moins riche que celle présentée par la comptabilité nationale. Toutefois, elle est plus complète pour les relations offre/demande intérieure, l’identification des contributions du milieu urbain et du milieu rural à l’économie, la production et la consommation des biens et services non échangeables et la contribution du secteur informel à l’économie.

Le jeu de scénarios à 10 ans

L’étude explore aussi un jeu de trois scénarios qui prend en compte les contraintes actuelles sans totalement écarter des choix volontaristes. Le premier scénario, tendanciel, se caractérise par : une croissance rapide des grandes villes grâce à la maximisation des rentes

internationales et de la consommation des biens importés à bon marché, un renforcement du poids du Nigeria compte tenu de l’importance relative de sa dotation

en ressources naturelles dans la région, et un risque de développement de l’économie illicite (drogue, contrefaçon…) à cause de

l’épuisement des rentes traditionnelles dans certains pays.

La géographie économique de la région est marquée par la croissance plus rapide des zones côtières au détriment de l’hinterlands faute de production de richesse exportable. Dans ce scénario, l’aide internationale se réduit à une gestion minimum du développement dont le but est de limiter les effets d’entraînement négatifs (émigration, drogue, pollution…) sur les économies développées et de contribuer à l’aide humanitaire, pour les zones les plus démunies. Il s’agit d’un scénario de laisser-faire qui peut déboucher sur une marginalisation de l’État et donc des risques de déréglementation.

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Le deuxième scénario, stratégie de croissance orthodoxe, se détermine par : un développement des pôles sur une base libérale orthodoxe (exploitation des avantages

comparatifs, acquisition progressive de nouveaux secteurs de compétitivité autres que les matières premières) ; le retour progressif de l’investissement privé, national et international parallèlement à

l’amélioration de l’environnement. Ce scénario se distingue du premier par de profondes modifications structurelles : séparation du marché et de l’Etat, renouveau de l’Etat avec le développement de la bonne gouvernance. Les pôles dynamiques bénéficient du soutien durable de la communauté internationale qui contribue au maintien d’un « niveau d’activité acceptable dans les villes pendant la phase d’acquisition de la compétitivité ». Mais cette évolution risque d’être contrecarrée par la marginalisation des zones à faible dotation de ressources naturelles ou politiquement instables. Ces pays peuvent constituer un facteur de déstabilisation de la région du fait de la forte pression migratoire qu’ils exerceront sur les pôles de croissance. Enfin, le troisième scénario : intégration comme préalable à une croissance durable. Il se détermine par : un effet d’apprentissage économique régional à travers le développement de petites et

moyennes entreprises agricoles ou artisanales ; l’acquisition de la compétitivité sur un marché régional dont la gestion est collective.

La création du marché régional va s’accompagner dans un premier temps d’une baisse des grands flux commerciaux (protection de certaines filières ou réduction du commerce d’opportunité). Ceci aura pour conséquence une réduction du commerce intra-régional parallèlement au développement des productions locales ; pour la même raison, liée à l’apparition de possibilités de développement local, on devrait assister à l’ancrage local des populations avec pour conséquence une limitation des flux migratoires. Mais à long terme, compte tenu du caractère faiblement productif du développement des productions locales, la primauté du marché régional s’imposera à partir des substituts aux produits importés les plus attractifs; l’émergence progressive d’entreprises moyennes et d’opportunités d’exportations régionales va concerner tous les pays, même si elle à lieu d’abord dans les pôles. Néanmoins, des mécanismes correcteurs, en matière d’investissement, devraient être mis en œuvre pour éviter un trop grand déséquilibre entre les pôles et les zones périphériques. Malgré son caractère volontariste et réformateur dans ce dernier scénario, l’amélioration des niveaux de vie prendra du temps. En effet, la baisse des rentes commerciales et la hausse des prix due à un certain degré de protectionnisme devraient conduire dans un premier temps à des tendances récessives. Ce schéma de croissance régionale vise à éviter des déséquilibres graves au sein de l’espace régional qui autrement auraient pu déboucher sur la violence. Conclusion L’attention portée par WALTPS aux phénomènes démographiques et aux dynamiques induits par le tissu urbain a l’intérêt, d’une part, de fournir des réponses convaincantes aux nombreuses interrogations pour l’avenir de l’Afrique touchant sa population et, d’autre part, d’apporter une contribution à l’émergence de dynamiques endogènes, c’est-à-dire d’un développement qui partirait de l’intérieur même des pays d’Afrique de l’Ouest. Mais, ce choix méthodologique constitue en même temps la limite de cette étude dont l’ambition n’est pas de présenter pour cette vaste région hétérogène une prospective systémique. Celle-ci, au-delà de la simple décomposition analytique, permet de mettre en

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évidence les interactions et de dégager les dynamiques d’ensemble. Par ailleurs, par sa vision positive de la ville et de l’urbanisation, l’étude semble mettre l’accent exclusivement sur les effets de concentration. Or la dynamique de l’agglomération ne relève pas uniquement d’effet statique, de taille ou d’ampleur du stock disponible à un moment donné, mais aussi et surtout d’effets de réseaux, c’est-à-dire des possibilités qu’elle offre pour mettre en œuvre, avec des coûts de changements faibles, des réseaux d’activités à géométrie variable. En Afrique, les liaisons statistiques et les relations causales entre la croissance économique et la concentration urbaine sont loin d’être aussi évidentes que l’étude le suggère, à cause du caractère peu fonctionnel des villes africaines. Enfin, en dépit du durcissement de la contrainte financière des pays d’Afrique, l’étude de WALTPS semble la minimiser. Or si le problème de la dette de l’Afrique peut être résolu à moyen terme, celui du financement de son développement ne le sera sans doute pas. L’expérience du financement extérieur de cette partie du monde soulève de nombreuses questions relatives à l’absorption du capital (le volume optimal de ce financement et les procédures de son octroi) et à l’impact réel des opérations de restructuration de la dette réalisées jusqu’ici. Ces questions sont importantes pour la prospective africaine. 2.1.3. Cas des autres pays africains 2.1.3.1. BENIN C’est l’objet de la phase 3 des NLTPS que de se consacrer à la construction des scénarios et à la formulation d’une vision partagée. Pour assurer pleinement à cette phase le caractère participatif de l’exercice, les travaux entrepris se sont appuyés sur les résultats des enquêtes relatives aux aspirations menées auprès de 1704 béninois, les conclusions tirées à l’issue de près de 150 ateliers d’information, d’échange, de restitution et de validation tenus avec des béninois provenant de l’administration publique, de l’université (enseignants et étudiants), de l’armée, du secteur privé, des organisations professionnelles, des O.N.G, des associations de développement, des partis politiques, des organisations syndicales, etc. La cellule Technique de pilotage a aussi bénéficié de l’expertise d’une vingtaine de cadres béninois de différents horizons professionnels, tous formés dans la logique, les méthodes et les techniques des études prospectives, organisées en Groupe Pluridisciplinaire d’Appui (GPA), et mobilisés à travers une dizaine d’ateliers techniques. Ainsi, après exploration des futurs possibles du Bénin et examen de leur cohérence, de leur vraisemblance et de leur degré de probabilité, quatre (04) scénarios globaux sont apparus fort significatifs et bien probables. Parmi ceux-ci, deux méritent d’être évoqués: l’un, très pessimiste, Wahala, dont il faut éviter l’avènement et l’autre, moyennement optimiste, Alafia, dont le cheminement est souhaité pour le Bénin. Le scénario pessimiste, Wahala, est un scénario catastrophique où toutes les hypothèses sont fortement alarmistes : un univers institutionnel déséquilibré et un environnement externe non favorable à l’évolution du pays ; la famille, la communauté et la religion, trois éléments fondamentaux du domaine socio-institutionnel sont ébranlés du fait, entre autres, de la détérioration notoire des déterminants sociaux du bien-être dans un contexte où les bases humaines et matérielles du développement durable n’évoluent pas favorablement. Le scénario désiré, Alafia, c’est-à-dire la paix et la prospérité, prend appui sur l’amélioration de la gouvernance qui permet à l’Etat de faire fonctionner le secteur public sur la base des principes cardinaux de gestion institutionnelle et économique, de décentralisation, de transparence et de solidarité nationale, et d’établir avec le secteur privé les conditions de son épanouissement et de son expansion pour la prospérité de l’économie nationale. Ce contexte de prospérité et de bonne gouvernance permet à l’Etat de faire face aux difficultés

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générées par l’environnement externe non favorable et de mieux contenir les crises qui apparaissent au niveau de la famille et des religions. Le message véhiculé par le scénario désiré, renforcé par une nouvelle lecture des aspirations des populations, a permis de formuler comme suit la vision du Bénin à l’horizon 2025 : « LE BENIN EST, EN 2025, UN PAYS PHARE, UN PAYS BIEN GOUVERNE, UNI ET DE PAIX, A ECONOMIE PROSPERE ET COMPETITIVE, DE RAYONNEMENT CULTUREL ET DE BIEN-ETRE SOCIAL ». Cette vision repose sur la ferme conviction que le futur n’est pas prédéterminé; chaque peuple a le devoir d’envisager un type d’avenir qui intègre ses ambitions et ses rêves et de se mobiliser autour de cet idéal qui devient pour lui un défi. La vision Bénin-2025 est un rêve réalisable ; elle vise à mobiliser les béninois autour d’un idéal largement partagé. 2.1.3.2. CAP-VERT L’étape d'identification des aspirations a été un moment privilégié de l'exercice NLTPS, permettant de mieux connaître les valeurs du tissu social sur lequel les pouvoirs publics entendent agir. L’enquête a concerné un échantillon de 500 individus résidant dans quatre îles abritant 90% de la population du pays. Cette enquête a été complétée par des interviews réalisées auprès de 44 personnalités capverdiennes (politiciens, syndicalistes, religieux, opérateurs économiques, intellectuels, experts) dans le but de recueillir les ambitions et les priorités de développement de ces acteurs, ainsi que leur perception des stratégies passées et présentes. Des tables rondes ont été également réalisées dans 15 des 16 municipalités du pays et ont été l’occasion d’une réflexion locale sur le développement. Trois-cent-vingts (320) personnes, essentiellement des entrepreneurs et des jeunes, ont participé à ces tables rondes. Dans la 2ème phase de l’étude, consacrée aux études rétrospectives, a été privilégiée l’utilisation des études disponibles qui traitent de l’ordre du jour national et international (population, pauvreté, femme, environnement, etc.) et, à la fin de la 1 ère phase, des consultants nationaux ont été mobilisés pour l’étude des thèmes sélectionnés de façon judicieuse. En s’appuyant sur une évaluation des stratégies des acteurs, sur l’identification des tendances, des points forts et des points faibles, des faits porteurs d’avenir, et sur la base de trois incertitudes critiques, quatre scénarios aux noms évocateurs ont été construits. Il s’agit des scénarios dénommés : "Le crabe et l’huître", "Dragonnier belle-mère", "Le marsouin, le dauphin de l’Atlantique", "La marche de la tortue". Après les scénarios, la 3ème phase de l’exercice s’est terminée par l’élaboration d’une perspective réaliste, à l’horizon 2020. La perspective Cap-Vert 2020, qui tient à la fois compte des aspirations nationales, des contraintes et des atouts, ainsi que des futurs possibles, peut être résumée de la façon suivante : un pays disposant d’un système productif dynamique , bien inséré dans l’ économie mondiale ; un pays doté d’une politique sociale porteuse de développement humain durable, avec un sens esthétique et un sens aigu des préoccupations environnementales. Bref, « Un Cap-Vert accueillant, beau, utile et crédible ». Cette perspective de long terme a servi de point de départ à la formulation, dans une 4ème phase, des questions stratégiques majeures en vue de réaliser les objectifs contenus dans la perspective, et permis d’identifier une gamme d’options ou de politiques en réponse aux questions stratégiques. 2.1.3.3. SIERRA LEONE : VISION 2025

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Il est devenu de plus en plus impératif pour les gouvernements de planifier le développement de leurs pays dans le contexte d’une perspective à long terme. Ce qui devrait leur permettre d‘élaborer des plans de développement plus pertinents et mieux focalisés, de garantir

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l’usage optimal des ressources, et enfin de mieux canaliser les efforts vers des opportunités de développement à long terme. Le processus de formulation de la vision pour un développement à long terme de Sierra Leone, connue sous l’appellation SLV 2025, était initié en 1997 avec l’appui technique et méthodologique de l’African Futures Group à Abidjan dans la réalisation de l’exercice NLTPS. En fait, il a été reconnu nécessaire de mener une étude nationale de perspective à long terme suite à l’absence d’un Plan National de Développement pour Sierra Leone depuis les années 70. Les pouvoirs publics ont réalisé en même temps que les objectifs d’un développement durable à la sortie d’une guerre de rébellion pourraient être mieux atteints dans un cadre de réflexion et d’action à long terme.

Toutefois ce processus fut interrompu par deux fois à la suite d’un coup d’Etat le 25 mai 1997, et de l’invasion de la ville en janvier 1999. Mais en décembre 1999, il fut repris avec la finalisation d’une proposition de projet et la mise à disposition d’un fonds de financement par le PNUD, le Ministry of Development and Economic Planning (MODEP) ayant été désigné comme agence d’exécution.

Ce projet fut ainsi signé par le PNUD et le MODEP en juin 2000 pour instituer officiellement le NLTPS Sierra Leone Vision 2025 (SLV2025).

Le processus conçu comme un exercice de réflexion stratégique vise à :

Construire une vision nationale partagée à long terme du futur à travers un processus participatif ; Elaborer une stratégie nationale de développement qui identifie les objectifs nationaux de

développement à long-terme ; Formuler les politiques et programmes requis pour l’atteinte des objectifs ainsi identifiés

dans la vision commune ; Renforcer les capacités du gouvernement et de la société civile dans la conception et

l’implantation des politiques, programmes et projets nationaux de développement ; et Assurer la cohérence et l’articulation entre les politiques de développement à court,

moyen et long termes.

La Vision 2025 est caractérisée par trois éléments-clés : (i) la participation des citoyens, (ii) l’apprentissage national sur les problèmes de développement stratégique, et (iii) une vision partagée et un consensus national dans la formulation d’une stratégie nationale de développement.

La réalisation du NLTPS SLV 2025 a été prise en charge par une équipe de 7 experts nationaux indépendants formés par l’African Futures à Abidjan et assistés par un groupe de travail de 40-50 membres multidisciplinaires. La direction et la supervision des travaux étaient assurées par un Comité national de pilotage.

Une série d’activités ont été entreprises dans le cadre de cet exercice. Ce sont notamment les suivantes :

Sensibilisation au niveau national en vue d’obtenir le plus large engagement des parties prenantes dans le processus ; Implication entière des participants dans un exercice participatif pour débattre des thèmes

suivants : Ce qu’est la NLTPS-SLV2025 et les justifications de la NLTPS-Vision 2025 Approche (participative) à adopter pour le processus NLTPS

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Méthodologie à suivre (incluant les cinq phases) et les bénéfices escomptés du processus pour le pays tout entier

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Rôles et attentes de chaque citoyen dans le processus de NLTPS

Réactions des participants: Tout en louant les vertus du concept Vision 2025, les participants à l’exercice n’ont pas manqué de soulever un certain nombre de questionnements tels que relevés comme suit :

Comment garantir que les programmes et plans d’actions développés après ce processus ne soient pas relégués au rang des derniers soucis des futurs gouvernements successifs ? Après l’ère coloniale, les gouvernements ont élaboré des plans de développement de 5 à

10 ans, mais aucun de ces plans n’a produit les impacts attendus ou n’a été entièrement implanté. Quelle assurance avons-nous que cette fois-ci la Sierra Leone Vision 2025 sera effectivement mise en œuvre ? Etant donné que quels que soient les plans et programmes de développement élaborés,

la réussite de leur mise en œuvre ne dépendra en définitive que de l’attitude des Sierra Leoniens. Aussi, comment provoquer un changement d’attitude positif allant dans ce sens ? Est-ce que les programmes de développement arrêtés à l’issue de l’exercice NLTPS

auront l’aval et le support des parlementaires et des différents partis de l’opposition ?

2.1.3.4. MADAGASCAR : VISION 2030 et VISION Madagascar Naturellement 2020 En ce qui concerne le cas de Madagascar, deux (2) documents prospectifs ont été élaborés : (i) « Madagascar : Vision 2030 », et (ii) « Vision Madagascar Naturellement 2020 ». La vision de Madagascar en l’an 2030 Contexte Afin de pallier les insuffisances de la planification classique de développement, Madagascar s‘est engagé, comme d’autres pays Africains et Asiatiques, dans la planification stratégique à long terme suivant la méthodologie des « Etudes Nationales de Perspectives à Long Terme » (NLTPS). Ainsi avec l’appui de la Banque Mondiale et du PNUD, une journée de réflexion sur les études à long terme a été organisée en décembre 1994. Des séminaires -ateliers portant respectivement sur « le Développement Humain Durable », et « Le Développement Humain Durable et les Etudes Nationales de Perspectives à Long terme » ont été également organisés tout au long de l’année 1995. Le document « Madagascar : Vision 2030 », rédigé lors d’un atelier de formation aux techniques de la prospective organisé du 20 novembre 1995 au 15 décembre 1995, est une suite logique aux deux séminaires précités à l’issue desquels a été lancé un appel pour insister dans la poursuite de l’exercice sur, entre autres, la nécessité de continuer les débats dans le cadre du processus NLTPS mais en situant les thèmes abordés dans une perspective de long terme moins liés aux contraintes du court terme. Les scénarios sur le futur de Madagascar en l’an 2030 Dans le cadre du NLTPS, trois scénarios ont été élaborés sur le futur de Madagascar à partir des hypothèses sur les incertitudes critiques : Le scénario I « Le Paquebot de croisière » Ce scénario résulte de la combinaison de deux hypothèses : une bonne gouvernance et un environnement économique international favorable.

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Le paquebot atteint les objectifs de développement durable en 2030. Ce scénario comprendrait trois étapes: la période allant de 1996 à 2000, celle qui s’étend de 2001 à 2010, et celle de 2011 à 2030. Période 1996-2000 : Renaissance de l’enthousiasme populaire pour contribuer à la réalisation des objectifs de développement économique et social. Des mesures seront entreprises pour restaurer la crédibilité de Madagascar vis-à-vis de l’extérieur et pour assurer l’exploitation optimale des ressources : Gestion efficace des affaires publiques avec comme principal souci la satisfaction des

besoins des citoyens (services de base, protection de leurs personnes et de leurs biens) ; Mise en place de toutes les Institutions de la troisième République; autonomie budgétaire

des collectivités territoriales et existence de ressources humaines et financières nécessaires à leur mission ; échéances électorales respectées, gestion du pouvoir dans la transparence ; presse libre, indépendante, et une société civile plus engagée jouant effectivement leur rôle de contre-pouvoir ; Mise en place d’une Administration moderne et performante ; Restauration de la sécurité aussi bien en ville qu’en campagne ; Concrétisation des accords avec les Institutions de Bretton Woods ; Mise en œuvre des réformes relatives au redressement économique et financier ; Promotion de l’épargne nationale ; Création d’un climat propice à l’investissement étranger ; et Restauration des infrastructures de transports, de communication et de

télécommunication Dans ces conditions, les taux de croissance accuseront une tendance supérieure à 4% dans le secteur agricole, atteignant presque 10% dans le secteur industriel, plus de 6% dans le secteur de services et plus de 6% au niveau global. Période 2001-2010 : Elle correspond au « XXIe siècle de l’espoir et de la dignité ». Les réformes économiques se poursuivent, la croissance s’accélère pour atteindre les objectifs de Développement Humain Durable. Une série d’actions seront initiées pour l’avènement de la « terre d’espoir » : Amélioration du système éducatif mettant l’accent sur une formation professionnelle

adaptée ; Augmentation du taux d’investissement aux environs de 40% du PIB suite à la politique

d’ouverture sur l’extérieur, à la promotion de l’initiative privée, et au développement de l’épargne nationale ; Restauration des infrastructures socio-économiques permettant la dynamisation de la

production ; Amélioration des conditions de vie de la population avec comme objectifs un PIB par

habitant supérieur à celui de 1971, un taux de chômage réduit et un large accès des ménages à un logement décent et à l’eau potable. Le taux de croissance réel de l’économie tourne autour de 10% au cours de cette période. Période 2011-2030 : Elle constitue un tournant décisif avec comme aboutissement « Madagascar puissance régionale ». Elle est caractérisée par les faits marquants suivants : Plein emploi subséquent à des mesures de promotion des activités de production et à la

régulation de la croissance démographique (une population d’environ 36 millions d’habitants et un PIB/habitant atteignant 3000$ en 2030); et Une Administration efficace et un secteur privé dynamique.

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Le scénario II « Le Boutre » : Scénario catastrophe (à l’opposé du premier scénario) Le scénario procède de l’hypothèse d’un processus démocratique en plein dysfonctionnement et d’un environnement économique international marginalisant. Deux périodes essentielles constituent ce scénario : la première allant de 1996 à l’an 2000, et la seconde de 2011 à 2030. Une période intermédiaire allant de l’an 2001 à l’an 2010 serait marquée par l’instauration d’un pouvoir autoritaire. Période 1996-2000 : Le pays se trouverait dans un état de déliquescence affectant tous les domaines : politique, économique, social, technologique et scientifique, culturel, éducatif. Les caractéristiques de cette situation sont : instabilité économique et politique, insécurité généralisée, producteurs livrés à eux-mêmes, crises sociales aiguës liées à la paupérisation généralisée et à l’insécurité, montée des mouvements de contestation, etc. Période 2001-2010 : La dégradation de la situation s’amplifie sur tous les plans (politique, économique, social, culturel et environnemental,…) , et le pays risquerait de sombrer dans le chaos total avec la faillite du pouvoir politique, l’explosion sociale induite par la paupérisation croissante de la population, et la formation de poches de famine dans certaines régions. La situation deviendrait intenable avec le temps, ce qui inciterait la population à faire appel à un groupe de militaires et de civils pour instaurer un pouvoir fort et autoritaire. Période 2011-2030 : Le pays se trouverait complètement marginalisé dans le système économique international. Il ne survit que grâce à un système d’assistance internationale mis en place par le système des Nations Unies pour apporter les secours nécessaires aux victimes de la famine et de l’état de déchéance totale. Dans ce scénario catastrophe, en l’an 2030, le Malgache aura « perdu son âme ». Le pays aura été dépouillé de ses richesses naturelles et de son patrimoine culturel, et la population réduite au combat pour la seule survie. Le scénario III « La Goélette » Le troisième scénario est déterminé par la perspective d’une nouvelle donne favorable en matière de gouvernance dans un environnement économique international marqué par la mondialisation. Ce scénario se déroule en trois étapes : la première couvre la période 1996-2000, la seconde allant de 2001 à 2010 et la troisième de 2011 à 2030. Période 1996-2000 : Conscients des enjeux du développement économique et social du pays, et des difficultés de tous ordres qui y sont associées, les dirigeants politiques trouvent une plate-forme pour concevoir et mettre en œuvre un programme cohérent de redressement économique et financier du pays emportant l’adhésion de toutes les parties prenantes. Ainsi, le processus démocratique se poursuit (organisation d’élections transparentes, renforcement du processus de décentralisation), et les négociations avec les Institutions de Bretton Woods donnent les résultats escomptés dans le respect des intérêts du pays. La combinaison des facteurs internes favorables et la disponibilité des bailleurs de fonds à appuyer nos efforts de développement rendent Madagascar apte à mieux faire face aux défis de la mondialisation de l’économie. Le taux de croissance du PIB atteindrait ainsi les 6%. Période 2001-2010 : Les difficultés rencontrées au cours de la période précédente auront été surmontées et le pays s’engage résolument dans l’application de son programme de redressement et de consolidation de la croissance. Des changements notoires auront été enregistrés sur tous les plans. Sur le plan politique : réduction significative des pratiques perverses (clientélisme

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politique, népotisme, clanisme, discrimination ethnique); Sur le plan économique et financier: renforcement des réformes déjà entreprises

auparavant avec un début de résultats positifs, promotion de l’épargne nationale et diversification de la production ; développement de l’exportation suite à l’amélioration de la qualité des produits et au respect des clauses des contrats commerciaux ; expansion du tourisme et libre circulation des personnes et des biens en raison de la restauration des infrastructures ; mise en place de banques de développement et de mutuelles de crédit à partir de la réforme du système financier. Sur le plan social : recul de la déscolarisation et de la déperdition scolaire ainsi que de

l’analphabétisme des adultes; implantation des écoles techniques et commerciales dans toutes les grandes villes avec l’appui du secteur privé ; formation de jeunes immédiatement opérationnels répondant aux besoins du pays par les Universités ; amélioration des services des soins au sein des hôpitaux ; création d’industries pharmaceutiques ; éradication des maladies endémiques (neuro-paludisme, diarrhée, peste, choléra) ; valorisation du patrimoine culturel et artistique ; épanouissement de la langue nationale comme outil de communication et de diffusion de connaissances et facteur d’affermissement de l’unité nationale. Au terme de cette période 2001-2010, le PIB en termes réels aura connu un accroissement de l’ordre de 8% par an. Période 2011-2030 : Les acquis de la période précédente sont consolidés avec un accent particulier mis sur l’instauration d’un système d’éducation performant à tous les niveaux. Les mesures prises sur le plan économique garantissent un rythme de croissance économique soutenue et durable de 10% en moyenne annuelle. Le pouvoir d’achat des ménages connaît de nettes améliorations avec un large accès aux services sociaux de base. Pour ce qui est de l’environnement, Madagascar aura retrouvé sa réputation originelle d’être l’ « Ile verte ». En somme, les objectifs du Développement Humain Durable sont presque entièrement atteints en l’an 2030. « Madagascar : Vision 2030 » Une vision de Madagascar en l’an 2030 est la synthèse des images virtuelles des scénarios I et scénarios III. Cette vision est résumée comme suit :

Madagascar, pays dynamique et prospère, grenier de l’Océan Indien. Madagascar : pays bien gouverné, un modèle de développement et de démocratie. Madagascar, phare culturel régional, plaque tournante de l’Océan Indien où règnent la

tolérance, le Fihavanana et l’esprit de solidarité. Une société harmonieuse, des Malgaches fiers et riches de leur diversité. Madagascar redevenue l’Ile verte et propre et le sanctuaire d’une biodiversité régénérée.

Orientations stratégiques du développement de Madagascar Les orientations stratégiques pour la réalisation de la vision « Madagascar 2030 » s’articulent autour des thèmes suivants : Satisfaire les besoins fondamentaux ; Améliorer la gouvernance ; Construire une économie forte ; Régénérer et valoriser l’environnement ; Reconstruire un système éducatif performant ; S’appuyer sur les valeurs culturelles malgaches pour stimuler les mentalités en vue du

développement humain.

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Plan d’action de la Vision « Madagascar 2030 » Le plan d’action de la vision « Madagascar 2030 » comporte trois phases : Phase initiale : 1996-2000 Phase intermédiaire : 2001-2010 Phase finale : 2011-2030

Les quatre (4) composantes du plan d’action (1996-2000) sont les suivantes : Rétablir la confiance :

- entre l’Etat et la population ; - entre l’Etat et le secteur privé (national et étranger) ; et - entre Madagascar et ses partenaires extérieurs. Enrayer la dégradation et assainir l’environnement politique et administratif Stabiliser et restructurer l’environnement politico-économique Amorcer le décollage de l’économie

Vision Madagascar Naturellement 2020 La Vision 2020 pour Madagascar et ses régions s’inscrit dans le cadre global du DSRP mais en le complétant avec des mesures spécifiques compte tenu des exigences du processus de décentralisation et de revalorisation du monde rural dans le contexte de réduction de la pauvreté. Analyse de la situation présente La Vision 2020 part d’un constat sur quelques insuffisances du DSRP et certaines idées et perceptions en cours concernant Madagascar. Au travers d’un diagnostic de la situation transparaît la problématique de développement d’un pays essentiellement à vocation agricole confronté à toute une série de défis multidimensionnels (gouvernance, capacités, infrastructures, éducation, santé, économie,…). Il s’en dégage les quelques constatations suivantes : Le DSRP est excellent mais il lui manque une vision ; il se concentre sur le tourisme, les

mines, la pêche, l’aquaculture et les industries manufacturières comme secteurs porteurs ; les mesures du DSRP sont nécessaires mais insuffisantes pour le développement rural ; Réduire la pauvreté est un objectif mais non une vision ; Les images véhiculées jusqu’ici sur Madagascar sont entachées de flou : « L’île rouge »,

« L’île continent », « Le pays des lémuriens ». Contenu de la vision 2020 Environnement Conditions de vie de la population Primauté du développement rural Un développement régional compatible avec la spécificité de chaque région Les mesures à prendre

2.1.3.5. MALAWI : Un exemple de boucle de rétroaction Le Malawi a été l'un des premiers pays à appliquer la démarche de la boucle de rétroaction dans la préparation de son étude prospective nationale à long terme, après un atelier de formation tenu au début de 1996. Pour établir ce cadre institutionnel, il a fallu recruter une

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équipe nationale et constituer un groupe de travail, puis un atelier national de trois semaines a été organisé, qui a réuni environ 75 malawiens représentant les différentes parties prenantes, et parmi lesquels figuraient les chefs coutumiers, des membres du Parlement, des représentants du secteur prive, des ONG et des handicapés. Durant cet atelier, des experts nationaux ont organisé des séminaires sur des questions telles que la parité entre les sexes, la gouvernance, l’innovation technologique, le sida et la croissance économique. Les participants ont été invités à repérer les aspirations nationales, à remplir les cellules d’une matrice de renseignements sur certains domaines essentiels, à construire des scénarios, à formuler un projet de perspective nationale, à recenser des questions stratégiques et à élaborer une vaste stratégie de développement national. Le premier projet de rapport portant l’étude prospective, préparé à la suite de l’atelier, a servi de document de référence pour la consultation nationale. La consultation nationale a comporté plusieurs réunions régionales et de groupes cibles, comportant des experts et des parties intéressées, ainsi que des programmes de discussions à la radio et des articles dans la presse. La consultation a eu lieu dans tous les districts du Malawi. Des groupes spécifiques ont été consultés : ruraux, agriculteurs, jeunes, magistrats, policiers, militants politiques et membres des comités de développement de district pour n’en mentionner que quelques-uns. Il est à noter que, grâce à Internet, les Malawiens vivant à l’étranger ont pu participer à cette grande consultation. Aucune partie prenante n’a été laissée de côté et la concertation a été aussi large que possible. Pendant que la consultation nationale sur la NLTPS se poursuivait, des réseaux d’études étaient constitués afin d’examiner les neufs grandes questions recensées lors du premier atelier national : la bonne gouvernance, l’économie compétitive, la culture viable, l’infrastructure socio-économique, la sécurité alimentaire et la nutrition, la valorisation et la gestion des ressources humaines, la répartition juste et équitable du revenu, la science et la technologie, et enfin l’environnement. Ces groupes avaient pour tâche de passer en revue l’information de fond dans chaque domaine et proposer des stratégies. Chaque groupe a préparé un rapport. Ce processus a été suivi d’un deuxième atelier national tenu en janvier 1997, qui avait pour but de passer en revue les stratégies et les plans d’actions correspondants, proposés par chaque groupe, afin de réviser la perspective nationale, de préparer une stratégie de développement national et de discuter le cadre de l’application des résultats de la NLTPS. L’équipe nationale a été chargée d’établir la version définitive des rapports et d’ organiser une conférence nationale afin de lancer la perspective nationale et la stratégie de développement du pays. Ensuite, le Gouvernement devrait mener un processus de définition des moyens d’applications afin de réaliser la perspective et les stratégies. A la fin de l’exercice, en mai 1997, le processus avait duré au total 16 mois environ. Malgré les retards, on relève une réduction substantielle du temps nécessaire par rapport aux exercices antérieurs qui appliquaient la démarche initiale. Malgré cette réduction du calendrier, la démarche fondée sur une boucle de rétroaction permet de préserver les principes de la méthodologie initiale des NLTPS sans compromettre pour autant la qualité de ces études. 2.1.3.6. MAURICE Ancienne colonie britannique, Maurice a engagé d’importantes réformes et connu un développement économique et humain remarquable depuis son indépendance en 1968. A cette époque, le pays avait eu un revenu nominal par tête d’habitant de l’ordre de US$ 200, alors que depuis un certain temps il est devenu un pays à revenu moyen avec un revenu par tête de US$ 3900 en 2002. La fréquentation de l’école primaire pour les enfants

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de 6 à 11 ans est quasi généralisée et le taux d’alphabétisme des adultes, estimé à 84,3% en 2000, est l’un des plus élevés en Afrique. Le pays dispose de bonnes infrastructures hospitalières et de réseaux de services publics médicaux performants. La qualité de vie s’est améliorée de façon significative depuis son indépendance. A travers les années, les fruits de la croissance ont été équitablement répartis au sein de toute la société. Le taux d’accès à l’eau est de 84% pour les ménages dont 99 % sont équipés d’électricité. L’espérance de vie est passée de 63 ans en 1972 à 72 ans en 2000. La mortalité infantile a subi une chute notoire de 58 pour 1000 en 1970 à 16 pour 1000 en 2000. Contrairement aux nombreux pays Africains, Maurice n’est pas encore confrontée à la pandémie du SIDA, le taux de prévalence étant de 0,1% en 2001. Doté d’un système parlementaire et démocratique basé sur le multipartisme, Maurice connaît une relative stabilité politique par rapport à ses voisins du continent Africain. Au moment de son indépendance, Maurice avait engagé des négociations avec l’Union Européenne pour bénéficier d’un quota d’exportation pour sa principale production, la canne à sucre. Dans les années 70, des entreprises de la zone franche ont été mises en place pour encourager les investissements dans des activités de production à haute intensité de travail pour l’exportation. L’habillement et le textile constituaient les domaines d’activités principales de ces entreprises, et contribuaient aux 61% des exportations totales du pays en 2002. Entre 1976 et 1999, le PIB s’était accru en moyenne de 5,4 % par an. En 2002, cependant, des conditions climatiques défavorables ayant affecté la production de canne à sucre, une économie globale fragilisée, et une forte concurrence des pays émergents dans le secteur textile ont rabaissé le taux de croissance du PIB à 2 %. Une légère reprise dans la production de canne à sucre et l’investissement public dans la construction et les services ont induit un taux de croissance de 4,4 % en 2003. Mais les entreprises de la zone franche continuaient à survivre consécutivement aux pertes d’avantages compétitifs. Alors que Maurice a procédé avec succès à la diversification de son économie, son secteur agricole continuait à être dominé par la canne à sucre, et le secteur industriel par le textile et l’habillement. Conscient des menaces potentielles que présente cette situation, le Gouvernement a décidé de rechercher de nouvelles sources de croissance. En juin 2003, le taux de chômage a atteint 10,2%, représentant alors le plus grand et immédiat défi à relever. En effet, la fermeture d’usines dans la zone franche a entraîné la perte d’environ 5300 emplois en 2001-2002, et d’environ 4000 en 2002-2003. Les secteurs agricole et de transformation de la canne à sucre ont aussi enregistré des pertes d’emplois. Pour faire face à ces problèmes, le Gouvernement a adopté de nouvelles approches consistant à investir massivement dans l’éducation et la formation et à promouvoir les TICs. Des efforts ont été également déployés pour diversifier les entreprises de la zone franche et transformer le pays en un centre régional de services financiers. Le Gouvernement a donc reconnu le besoin d’adopter un nouveau cadre de référence pour assurer le développement et la croissance économique. Par une nouvelle approche de la planification à long terme, il s’est exercé à identifier le futur rôle de Maurice, non seulement au niveau du continent Africain, mais aussi en tant que pays pivot entre l’Afrique, l’Inde et la plupart des pays développés. Une vision holistique à long terme Depuis l’indépendance, l’objectif à long terme que s’étaient assigné les gouvernements successifs de Maurice était de réduire la pauvreté par la création d’emplois, et d’assurer à la

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population une meilleure qualité de vie tout en préservant la cohésion sociale. Depuis 1970, des plans de développement ont été élaborés, dont certains n’ont été qu’un ensemble de mesures axées sur le moyen terme. La planification à long terme procédait plutôt d’un acte de consensus informel construit sur la base d’un système de valeurs et objectifs partagés entre différents acteurs sociaux et politiques et traduits par la suite en politiques gouvernementales et programmes. Au début des années 90, les décideurs politiques se sont sentis de plus en plus mal à l’aise avec ce type de modèle de planification perçu ainsi comme une simple réaction aux chocs économiques sans aucune perspective sur le développement à long terme. Ils ont ainsi commencé à chercher une voie pour promouvoir la cohésion au sein de la société multiethnique Mauricienne, encourager la population à jouer un rôle plus actif dans le processus de développement, et de plus nouer des liens de partenariat entre le gouvernement, le secteur privé et la société civile. La décision prise entre 1994 et 1997 de développer la « Vision 2020 : The National Long Term Perspective Study » était ainsi conçue en vue de mieux faire face aux défis associés à la mondialisation et libéralisation du commerce international. Elle était aussi motivée par l’urgence de revoir l’ancienne approche du développement, caractérisée par une gestion économique à court terme, et le constat que les problèmes émergents, à cause de leur caractère particulier, pourraient être mieux abordés dans le cadre d’une stratégie plus globalisante et étendue devant prendre en compte l’évolution du contexte économique et social tant au niveau national qu’international. Une stratégie à moyen terme dérivée de la vision 2020 En avril 2000, le gouvernement a présenté le National Strategy for Sustainable Development 1999 –2005 (NSSD). Le NSSD identifie un programme d’action pour atteindre les buts de la Vision 2020 et fixe de manière pratique les étapes à suivre pour asseoir les bases d’une économie performante. Après les élections de septembre 2000, le nouveau gouvernement a présenté une nouvelle stratégie appelée Economic Agenda for the New Millennium (NEA). L’élaboration du NEA, en cohérence avec les objectifs fixés dans la Vision 2020, était justifiée par la nécessité de résoudre des problèmes graves tels le déséquilibre des finances publiques, le niveau sans précédent des dettes publiques, un déficit budgétaire insoutenable et l’accroissement du chômage. Le gouvernement a ainsi pris des mesures pour améliorer la gestion économique en visant la restauration de l’équilibre macro-économique, la maîtrise de l’inflation, la création d’un environnement propice à la compétitivité des exportations, la création d’emplois productifs, un niveau plus élevé de l’épargne et de l’investissement, et une croissance soutenue. Le NEA a été complété par des stratégies sectorielles. Il y aussi un Plan National d’Action contre la Pauvreté et l’Exclusion et un Plan National de Développement des Ressources Humaines. Le Ministère de l’Agriculture a publié un Plan Stratégique du Secteur Sucrier pour 2001-2005. Appropriation nationale La Vision 2020 est le fruit d’une large consultation nationale impliquant de nombreuses parties prenantes : secteur privé, société civile, groupements des jeunes, syndicats, gouvernement. Elle a été conçue depuis le début comme un processus interactif allant au- delà des mécanismes traditionnels de prise de décision. Les différentes propositions et contributions, formalisées dans un document cohérent intitulé Vision 2020. The National Long Terme Perspective Study par une task force, ont été examinées par le Cabinet et soumises pour information par la suite à l’Assemblée Nationale. Le document a été approuvé en 1997 par le gouvernement.

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Rôle des partenaires Durant la préparation de la Vision 2020, des représentants de la société civile et du secteur privé ont largement participé dans les groupes de travail. Les observateurs ont toutefois reconnu que les consultations ont été limitées à la haute hiérarchie des organisations de la société civile et du secteur privé, et ont rarement impliqué les entités de base. Par ailleurs, l’Assemblée Nationale a été impliquée seulement de façon marginale en tant qu’institution dans la préparation de la Vision 2020. Des partenaires externes ont apporté leur appui financier et technique à la formulation de la Vision 2020. Il s’agit du PNUD conjoinetment avec Futurs Africains, et de quelques consultants externes. Emergence de la culture de la consultation

En 2002 a été mis en place le Conseil National Economique et Social (CNES) remplaçant l’ancien Conseil National du Développement Economique. La mission du CNES est de favoriser la formation de consensus par un dialogue entre les partenaires sociaux et d’aider à la recherche de solutions aux problèmes économiques et sociaux. 2.1.3.7. SAO TOME et PRINCIPE Un accord signé entre le Gouvernement de Sao Tome et Principe, représenté par le Ministre des Affaires étrangères, a attribué à une Equipe de Pilotage, l’élaboration de l’Etude Nationale des Perspectives à Long Terme pour Sao Tome et Principe. Cette ENPLT a été effectuée dans le cadre d’un exercice participatif sur le développement prospectif de Sao Tome et Principe comprenant fondamentalement un triple objectif : Réaliser une recherche multisectorielle relative au développement intégré de Sao Tome

et Principe sur un horizon de 25 ans ; Introduire, à Sao Tome et Principe, une approche de gestion du développement dans le

cadre de la méthodologie prospective et participative des exercices généraux du NLTPS, avec l’appui technologique de Futurs Africains ; Amener les différentes couches de la société, les acteurs du processus de

développement et la nation en général, à procéder à l’analyse sur le passé et le présent, en vue de tirer les leçons pour visionner les avenirs alternatifs et élaborer des stratégies et des plans d’actions de développement, en englobant les périodes de court, moyen et long termes fondés sur l’identification la plus fidèle possible de leurs problèmes et des respectives aspirations Ce document, dénommé Sao Tome et Principe 2025, est une synthèse des études élaborées entre 1996 et 1998, relatives à chacune des 4 phases du NLTPS, à savoir : Les aspirations saotoméennes Sao Tome et Principe : une rétrospective Les scénarios Les stratégies

Pionnier et totalement innovant à S.T.P., l’exercice de prospective « Sao Tome et Principe 2025» fut élaboré dans un large cadre participatif qui a permis d’établir un environnement de réflexion collective, à un moment où le pays, plus de 23 ans après l’ascension à l’indépendance nationale, et après avoir essayé plusieurs initiatives de développement politique et socioéconomique, dresse un bilan extrêmement modeste. En effet, celui-ci affiche des résultats qui étaient loin de concrétiser les attentes de la période pré- indépendance. En effet, les grands déséquilibres macroéconomiques persistent, en dépit du fait que le pays avait entamé l’application du Programme d’Ajustement Structurel depuis 1987, avec l’

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appui des Institutions de Brettons Wood. L’endettement continue à s’accroître, le taux de croissance du PIB des dix dernières années est, en moyenne, de 1,5%, alors que le taux de croissance démographique est de 2,2%. Ce qui, associé à un taux d’inflation qui a atteint 81% en 1997, et à la dépréciation de la monnaie nationale par rapport aux monnaies convertibles, est en train de provoquer une dégradation continue du niveau de vie et l’ exacerbation de la pauvreté. Le régime autocratique, implanté entre 1975-1990, malgré ses bonnes intentions de procéder à un développement rapide du pays, dans le cadre d’une planification centralisée, a été incapable de traduire en actes de telles intentions. Le peuple saotoméen a massivement adopté, par l’intermédiaire d’un référendum organisé en août 1990, une Constitution Politique qui lui a permis de rompre avec le régime monolithique, et de démontrer ainsi qu’il veut vivre dans un régime démocratique. Le manque de consensus entre les forces politiques dans le but de concevoir et d’appuyer un programme commun qui constitue l’une des conditions de base pour le développement du pays, fait que les gouvernements successifs n’ont pas réussi à mettre en place des politiques, des plans et des programmes cohérents, en vue de faire face aux énormes défis qui s’imposent pour inverser les tendances de dégradation du pays, dans les domaines politico-institutionnel, économique, culturel, de l’environnement et des infrastructures. Avec l’avènement du régime démocratique, plusieurs organisations qui dépendaient de l’Etatet du Parti unique qui leur servait de support ont commencé à disposer d’une certaine autonomie, et sont arrivées de ce fait à se constituer comme des éléments de la société civile. Les diverses transformations opérées dans le domaine économique, politique et social ont constitué l’environnement dans lequel l’étude s’est déroulée. Celles qui se distinguent comme les plus significatives se situent au niveau de la prise en compte des aspirations, de la formulation des stratégies, et surtout, de l’implication des concernés dans la réalisation de l’étude. Force est toutefois de reconnaître que malgré l’avènement d’un système démocratique, Sao Tome et Principe n’a pas connu concomitamment une évolution positive dans plusieurs domaines, notamment économique et social. Ce n’est que par la suite qu’une nouvelle dynamique était en train de se créer avec les nouvelles couches de population entreprenantes. En fait, la quête de dialogue, de participation, de concertation responsable et d’une bonne gouvernance constitue une préoccupation majeure pour les saotoméens. C’est ainsi que s’est fait sentir l’impérieux besoin pour le pays de disposer de stratégies pour atteindre l’avenir souhaité, à l’horizon 2025. Une nouvelle démarche s’impose alors comme une alternative à l’actuelle gestion confrontée à la dérive, et ce dans la mesure où il faudra dorénavant promouvoir une gestion par anticipation à moyen et long termes, dans un environnement incertain et complexe La synthèse présentée ci-après s’articule autour des quatre principales étapes de l’exercice: Collecte des aspirations et des problèmes du peuple de S.T.P : elle s’est fondée sur

une méthodologie largement participative ; Rétrospective sur le système de Sao Tome et Principe: elle consistait à faire le

diagnostic du système économique, politique, et social pour en détecter les tendances dominantes, les germes du changement, les forces, les faiblesses, les opportunités et les menaces ; Analyse des évolutions possibles du pays dans les 25 prochaines années : elle a permis

de dégager 3 scénarios qui représentent les évolutions futures déterminées par des incertitudes clés dont la plus structurante est la qualité de la gouvernance ;

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La présentation des stratégies identifiées pour atteindre l’avenir souhaité par les saotoméens : ces stratégies constituent des réponses aux questions capitales, c’est-à-dire celles qui conditionnent de manière prépondérante l’avenir du pays.

Pour garantir le bon déroulement des différentes phases du projet sus-mentionnées, le Ministère du Plan et des Finances a créé comme cadre institutionnel un Comité d’Orientation et de Suivi composé de 15 membres provenant de différents secteurs-clés. D’autres Comités étaient parallèlement opérationnels. Il s’agit du Comité Technique ou Comité de Pilotage composé par une équipe multidisciplinaire permanente de trois membres dont le Coordonnateur. Un Comité Consultatif est constitué par un ensemble de représentants du corps social saotoméen participant aux divers séminaires et débats prévus au long de l’étude. Enfin, un Groupe de Réflexion pluridisciplinaire est constitué par les membres du Comité de Pilotage et par quelques consultants nationaux pour analyser ponctuellement les documents de chaque phase du projet ainsi que les documents globaux devant être publiés. 2. 2. Cas des pays asiatiques : Inde et Chine L’étude prospective de l’Inde fait le point sur la croissance indienne depuis l’Indépendance mais plus spécialement sur son accélération depuis 25 ans, les changements structurels qui l’ont accompagnée, les sources de tensions et de fragilité. Elle passe en revue les études prospectives qui sont disponibles sur la croissance à long et très long terme de cette économie. Tout au long de cette analyse, la Chine se présente naturellement comme un point de référence, car les deux pays sont proches par la taille démographique et se situent sur une trajectoire de rattrapage qui les laisse cependant encore très loin du niveau de revenu des pays riches. Les objectifs du 10ème Plan quinquennal : 2002-2007 Le 10ème plan indien affiche un objectif de croissance de 8 % par an en moyenne sur la période 2002-2007, soit une nette accélération par rapport aux tendances observées ces dernières années. Il table sur une accélération de la croissance dans tous les secteurs, grâce à une augmentation du taux d’investissement qui devrait atteindre 28 % sur la période et à une amélioration de l’efficacité de l’investissement. Il prévoit une augmentation des dépenses publiques en particulier dans les infrastructures, qui devrait entraîner une hausse de l’investissement privé. La croissance dans l’industrie manufacturière devrait atteindre 9,8 % ; celle de l’agriculture 4 %, grâce à des efforts visant à la rendre moins vulnérable aux chocs climatiques (et notamment à la sécheresse), ce qui permettrait d’assurer des revenus stables à la population rurale. Les ménages ruraux consacrant une part croissante de leurs revenus aux dépenses non alimentaires (25 % en 1973/1974 et 41 % en 1999/2000), ils ont un rôle dans le soutien de la demande globale. L’augmentation de l’investissement est l’élément clef de l’accélération prévue de la croissance. Pour accroître les dépenses publiques d’infrastructure sans creuser le déficit budgétaire, le plan table sur une réduction des subventions et sur une baisse de la charge d’intérêt qui résulterait d’une réduction du niveau d’endettement. L’amélioration du solde budgétaire passera aussi par une augmentation des recettes. À cet égard, le gouvernement indien prévoit d’améliorer le recouvrement des taxes et impôts et d’étendre l’assiette fiscale (imposition des services). L’augmentation de l’investissement privé suppose la mise en place de procédures et réglementations administratives moins contraignantes, mais aussi la poursuite des réformes dans d’autres domaines tels que le marché du travail, encore très rigide et l’amélioration du système financier.

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Méthodologie Les scénarios élaborés par des institutions publiques ou privées montrent qu’en l’absence d’une avancée radicale des réformes, et d’une forte amélioration des infrastructures, la croissance se situera plus vraisemblablement entre 6 % et 7 %. De même, d’autres scénarios présentés sont basés sur un modèle économétrique pour l’économie indienne, et permettent de préciser les perspectives de croissance pour la période 2002-2007 et d’apprécier les chances de réalisation des objectifs du 10 ème Plan. Ils insistent sur la poursuite sans accélération des réformes. Combinée avec la situation actuelle de sous-emploi et de montée du chômage, l’évolution démographique des prochaines années est aussi un formidable défi pour la politique de l’emploi. D’autres exercices prospectifs consacrés à la seule économie chinoise concluent tous au maintien d’une croissance forte, entre 7 et 8 % d’ici 2010 et à une baisse tendancielle par la suite, en raison principalement des tendances démographiques, mais aussi d’un ralentissement des gains de productivité liés aux changements structurels, d’un affaiblissement des facteurs de rattrapage (baisse de la rentabilité du capital et moindre retard technologique). La Chine et l’Inde doublent leur poids dans l’économie mondiale d’ici 2030. Dans les exercices prospectifs, l’Inde comme la Chine poursuivent leur processus de rattrapage. La croissance prévue de leur économie est plus rapide que celle de l’économie mondiale ou que celle des économies à revenu élevé. Cependant leurs niveaux relatifs de revenu resteront encore longtemps très inférieurs à ceux des pays industrialisés. Leur place dans l’économie mondiale s’élargit mais son périmètre dépend beaucoup du taux de change utilisé pour comptabiliser en dollar leurs productions. Actuellement le poids de l’Inde comme de la Chine dans l’économie mondiale varie du simple à plus du triple selon que l’on estime leurs produits intérieurs bruts au taux de change courant ou en Parité de Pouvoir d’Achat (PPA). Les analyses menées selon des méthodes analogues donnent des résultats très proches tant pour la croissance chinoise que pour la croissance indienne. Si l’on applique ces scénarios de croissance aux produits intérieurs bruts de chacun des pays et si l’on retient le taux de croissance du PIB mondial, on parvient aux conclusions suivantes quant à leur poids dans l’économie mondiale au cours des prochaines décennies : En 2030, l’Inde comme la Chine auront presque doublé leur poids dans le PIB mondial par rapport à 2000. Quels que soient les modes d’estimation (taux de change 2000 ou PPA), l’Inde aura en 2030 le poids économique qu’a actuellement la Chine dans le monde ; elle aura aussi le niveau de revenu relatif qui est celui de la Chine actuellement. Une deuxième économie de la taille actuelle de la Chine aura donc émergé. Elle pèsera alors encore moitié moins lourd que la Chine dans le PIB mondial. Au taux de change actuel, l’Inde produirait 2,5 % à 3 % du PIB mondial et la Chine 6 % en 2030. Leur poids cumulé ferait un peu moins de 10% du PIB mondial. Le niveau de revenu par tête de l’Inde serait alors un cinquième de la moyenne mondiale, celui de la Chine dépasserait à peine le tiers. En parité de pouvoir d’achat de 1995, la contribution au PIB mondial de l’Inde serait respectivement de 9 %, 11 % et celle de la Chine 20 %. En PPA, le revenu par tête de l’Inde serait autour de la moitié de la moyenne mondiale, celui de la Chine aurait dépassé le niveau moyen mondial. Ces deux pays feraient à eux deux 30% du PIB mondial.

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Ces estimations ne prennent cependant pas en compte les inévitables évolutions du taux de change. Les estimations pour 2030 réalisées au taux de change de 2000 sous-estiment le niveau atteint par ces deux économies car elles ne prennent pas en compte le processus d’appréciation des monnaies qui accompagne la croissance des économies émergentes. Au contraire, les estimations en PPA surestiment sans doute les niveaux de production de ces pays en 2030, car elles ne prennent pas en compte le fait que leurs structures de prix va progressivement converger avec ceux des pays développés. Ce problème peut être résolu en estimant, d’une part, les taux de croissance en volume des économies émergentes, et d’autre part, le taux d’appréciation de leur monnaie qui accompagnera le processus de rattrapage . Un rythme d’appréciation des monnaies s’ajoute aux effets de la croissance en volume pour donner la valeur en dollars courants de la production des différentes économies émergentes au cours des prochaines décennies. Le résultat est que vers 2015 la taille de l’économie chinoise (en dollars courants) dépasse celle du Japon et la Chine devient alors la deuxième économie mondiale derrière les États-Unis. Elle ne rejoint les États-Unis qu’après 2040. L’Inde devient vers 2030 la troisième économie mondiale devant le Japon, derrière les États-Unis et la Chine. La Chine et l’Inde deviennent les principaux moteurs de la croissance mondiale, mais ils ont encore des revenus par tête faibles par rapport à ceux des pays riches, puisqu’en 2040, le revenu par habitant en Chine serait le quart et celui de l’Inde un dixième du revenu par tête aux États-Unis. L’Inde se caractérise par des changements très progressifs de ses structures et de sa stratégie économique. Depuis 50 ans, elle a significativement élevé son taux de croissance et son effort d’investissement. Au cours des prochaines décennies, l’Inde se trouvera dans une phase de sa transition démographique favorable à l’accélération de sa croissance, avec une population d’âge actif qui croît plus vite que sa population totale (une phase qu’ont déjà dépassée la plupart des pays d’Asie de l’Est et qui prend fin en Chine vers 2010). La capacité de l’Inde à tirer parti de cet atout dépendra de l’effort d’investissement qu’elle pourra réaliser, soit en mobilisant ses ressources internes, soit en attirant des financements extérieurs. L’investissement constitue la variable qui détermine largement les perspectives de la croissance indienne. Le taux d’investissement montre une tendance lente mais indéniable à s’élever sur le long terme, ce qui peut justifier des scénarios optimistes de croissance, même s’il est peu probable que l’effort d’investissement atteigne des taux comparables à celui qui prévaut en Chine (plus de 40 %), qui reste exceptionnel même en Asie. Depuis 1980, ces deux géants démographiques, qui étaient initialement parmi les pays les plus pauvres, ont enregistré des performances économiques nettement supérieures à la moyenne des pays en développement, en termes de revenu par tête comme de productivité du travail. Si l’Inde poursuit le processus de rattrapage sur lequel elle est engagée, une deuxième économie de la taille actuelle de la Chine aura émergé d’ici une vingtaine d’années. Les pays européens et américains ont aussi depuis longtemps investi dans des réflexions stratégiques à long terme concernant différents domaines. 2.3. Au niveau de l’Europe 2.3.1. Prospective régionale Le recours à la prospective comme outil d’analyse des éventuelles perspectives à long terme des développements sociétaux et technologiques a depuis peu tendance à se généraliser dans les débats politiques nationaux. Pour que cet outil puisse prouver son utilité à une échelle régionale plus réduite, les méthodes de prospective doivent s’adapter à des enjeux, des contextes et des groupes d’intérêts plus complexes et différents de ceux que l’on observe au niveau national.

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Pertinence Les bénéfices potentiels de la prospective régionale sont importants, mais cette pratique est encore peu développée en raison du caractère variable des structures régionales économiques et gouvernementales et d’une tendance à favoriser les enjeux à court terme. Le développement régional est depuis longtemps l’une des principales politiques structurelles de l’Union Européenne et des États membres. Il vise à promouvoir une distribution plus équilibrée et durable des richesses, du bien-être et du développement socio-économique. Au fil des années, l’importance de l’activité politique régionale n’a cessé d’augmenter tandis que les gouvernements nationaux octroyaient de plus en plus de pouvoir aux instances subnationales, contrepartie d’une autre migration similaire des compétences vers des organismes supranationaux et internationaux comme l’UE et l’Organisation Mondiale du Commerce. L’inauguration du Comité des Régions en 1994 est un signe incontestable de l’importance croissante des politiques régionales en Europe. Les experts en études régionales reconnaissent aujourd’hui que divers facteurs, tangibles ou tacites et géographiquement localisés, interviennent de façon déterminante dans le bien-être socio-économique et le développement potentiel des régions. Des pans entiers de la littérature spécialisée sont consacrés aux économies régionales, aux grappes d’entreprises régionales, aux systèmes d’innovation régionaux; ces analyses soutiennent, par exemple, que promouvoir les interactions entre les acteurs, ingrédient de plus en plus nécessaire dans une économie reposant sur la connaissance, est plus facile dans un environnement régional favorable. Elles soulignent également que les “régions” au sens socioéconomique du terme ne correspondent pas nécessairement au découpage politique et dépassent parfois les frontières nationales. Depuis quelques années, on assiste à la disparition progressive des pratiques de transfert politique de type “couper/coller” qui s’échinaient à implanter les modèles de développement et les instruments politiques des régions développées dans les régions plus en retard. L’approche actuelle est beaucoup plus spécifique et orientée de bas en haut. Elle tient compte des particularités des différentes régions et repose sur l’idée que l’unicité et la diversité peuvent constituer des atouts exploitables. En outre, alors que l’on privilégiait avant les dotations aux infrastructures physiques et aux ressources, on s’intéresse aujourd’hui davantage au développement du capital intellectuel et des biens immatériels. Au niveau de l’UE, ces changements ont eu notamment pour effet une harmonisation implicite de certains aspects des politiques régionales. De la nécessité de prévoir Dans les dix dernières années, la prospective est devenue un outil d’information reconnu et répandu permettant d’étayer le processus de prise de décisions en matière de planification des politiques technologiques. Elle est utilisée pour systématiser les débats portant sur les perspectives et désirs futurs que pourraient entraîner les sciences et technologies (S&T), en vue d’orienter les décisions d’aujourd’hui. Il s’avère particulièrement utile d’élever le niveau de connaissances d’un large éventail d’acteurs sur les développements en S&T et les besoins de la société et des entreprises. Les résultats tacites et tangibles de la prospective sont considérés comme des atouts précieux pour la définition des priorités concernant les initiatives publiques et/ou privées, la création d’une vision commune, la formation de réseaux et la diffusion de l’éducation et du savoir parmi les acteurs concernés, notamment les décideurs politiques.

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Les sceptiques affirment qu’il existe déjà des méthodes de planification politique et stratégique adaptées et bien établies à tous les niveaux de la prise de décision publique et privée. Mais les règles du jeu connaissent une évolution radicale et, de ce fait, la planification trop rationnelle et les méthodes linéaires de développement politique s’avèrent inappropriées. Les méthodes interactives en temps réel, mises en évidence par les prospectives, s’avèrent par conséquent de plus en plus nécessaires. Les nouvelles pratiques prévisionnelles en matière de planification se caractérisent par la prédominance des méthodes interactives et participatives dans les analyses et travaux de recherche, ce qui attesterait de l’émergence d’un nouveau paradigme. Les méthodes ne sont pas “nouvelles” au sens strict du terme; elles sont utilisées et développées depuis plusieurs décennies déjà. Elles ne remplacent pas non plus les formes plus traditionnelles de planification ni les études sérieuses menées par les experts, au bureau ou sur le terrain. Néanmoins elles font l’objet d’une utilisation accrue et tendent à prendre une part de plus en plus décisive dans les exercices de planification. Le caractère décisif de cette tendance tiendrait à l’accélération de l’évolution de la société, des marchés, de la science et de la technologie, qui aurait rendu les méthodes de planification rationnelles inadéquates, leur utilité exigeant de longues périodes de relative stabilité. Les méthodes de prospective prônent une approche “d’urgence” de la planification, fonctionnant davantage sur le mode du temps réel. L’émergence de la prospective régionale Les enjeux et priorités d’une région peuvent être très différents de ceux du pays dans son ensemble en fonction des urgences des diverses circonscriptions socio-économiques, mais aussi des différences (entre régions) et de la grande variabilité des situations gouvernementales et institutionnelles. Cela signifie que la prospective régionale doit se distinguer par bien des aspects de la prospective nationale, même s’il subsiste des similitudes et des effets de synergie. La plupart des activités de prospective annoncées ont été réalisées à l’échelle nationale. Certains pays ont tenté d’impliquer les acteurs et enjeux régionaux, soit directement dans l’exercice de prospective, soit en tant que cibles du transfert des résultats et des pratiques de la prospective nationale. Le succès de cette approche verticale orientée vers le bas est loin d’être attesté. Néanmoins, la pertinence et le potentiel de la prospective au niveau régional commencent à attirer l’attention des acteurs politiques, et dans certains cas, des exercices spécifiques de prospective régionale ont été entrepris. Prospective régionale et variabilité régionale La prospective au niveau national est déjà spécifiquement adaptée à chaque pays et il est rare que le processus de prospective globale employé soit le même d’un pays à l’autre. Au niveau régional, les approches possibles de la prospective doivent tenir compte, outre des facteurs qui distinguent les pays, des dimensions importantes qui différencient individuellement chaque région. L’une des principales différences entre les pays aussi bien qu’entre les régions tient à leur niveau relatif de développement économique. À partir d’une échelle relative, on peut tenter de regrouper les différents objectifs qui sous-tendent les prospectives nationales le long d’un axe de “développement”. Les actions de prospective relatives aux différentes priorités pourraient être orientées en fonction des objectifs généraux suivants: Pour la gouvernance et les institutions : Enrichir le processus de prise de décision Pour le commerce : Encourager la formation de réseaux Pour le capital social : Encourager une vision à long terme

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Pour les infrastructures du savoir : Renforcer les liens entre les scientifiques et les communautés d’entreprises.

Exemples de prospective régionale Limousin (France): la région du Limousin est l’une des premières à avoir utilisé la prospective régionale. Sa première étude (1987) fournissait des scénarios pour le développement de la région à l’horizon 2007. En 1997, une deuxième étude de prospective a été entreprise, avec une échéance fixée à 2017. Cette étude repose sur une méthodologie en trois phases: Diagnostic rétrospectif visant à analyser l’incidence et l’impact du premier exercice de

prospective sur les politiques mises en œuvre; Diagnostic prospectif décrivant les principales tendances à différentes échelles et dans

divers domaines à un niveau global, en vue de représenter ces tendances au moyen d’une matrice d’impacts croisée pour décrire l’impact des tendances sur la région et rechercher les diverses possibilités d’action dont cette région dispose; et Définition des actions.

West Midlands (Royaume-Uni) : l’agence de développement régional des West Midlands (Advantage West Midlands) a entrepris un exercice de prospective de deux ans fin 1999. Cet exercice a pour objectif de soutenir la compétitivité industrielle régionale via l’utilisation de la prospective, l’échange des meilleures pratiques et le recours à une stratégie cohérente de recherche, de développement technologique et d’innovation. Cet exercice s’adresse principalement aux PME. Il est conçu comme un exercice de mini-prospective imitant l’approche des groupes de pilotage et des panels d’experts du secteur de la prospective nationale. North-East England (Royaume-Uni) : Foresight North East est un programme conçu en 1996 et en fonctionnement depuis 1998. En plus de constituer un relais de contact pour la prospective nationale, ce programme a mené avec succès plusieurs activités de prospective régionale grâce à un ensemble de méthodes. Les ateliers de scénarios qui portaient sur le secteur pétrolier et l’éducation professionnelle ont reçu un accueil très favorable. Des correspondances en termes d’opportunités ont été observées dans les secteurs de l’énergie et de l’environnement. Des séminaires de haute technologie ont été organisés dans les communications, les capteurs chimiques, la nanotechnologie et d’autres domaines spécialisés. Le choix de la méthode relève généralement du comité ou du groupe concerné. Pays Basque (Espagne) : des activités de prospective liées au plan de science et technologie pour le Pays basque mis en place par le gouvernement basque sont réalisées périodiquement. Le plan s’organise autour de huit groupes industriels (aéronautique, automobile, énergie, environnement, télécommunications, appareils électriques, savoir et machines-outils). Les groupes sont responsables de l’analyse des tendances technologiques futures, en vue d’alimenter trois catégories de programmes de soutien en S&T. De plus, un groupe de travail chargé de l’analyse technologique étudie les tendances à venir pour repérer les grandes tendances technologiques qui auront une incidence pour la région, et ces informations viennent étayer les aspects centraux du plan. « Luxembourg 2010 » - Développement de l’espace provincial : c’est en février 1999, alors que le projet de schéma de développement de l’espace régional (SDER) était soumis à consultation, qu’a été émise pour la première fois, au sein de plusieurs institutions de la province de Luxembourg, l’idée de réaliser un Schéma de Développement de l’Espace provincial (SDEP). L’objectif imaginé alors était de décliner les documents d’orientation que sont le SDER et plus largement le Schéma de Développement de l’Espace communautaire (SDEC) au niveau du territoire provincial.

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Chemin faisant et après diffusion de cette idée auprès d’autres opérateurs provinciaux qui ont montré un intérêt certain pour cette initiative, l’objectif a été élargi pour devenir la réalisation d’un véritable projet de territoire pour la province de Luxembourg, la notion de territoire étant prise ici dans son acceptation la plus large, c’est-à-dire comprenant à la fois la dimension « société » et la dimension « espace » sur lequel vit cette société. C’est alors que le SDEP a été rebaptisé pour devenir « Luxembourg 2010 ». Méthodologie : Partir de questions pour aboutir à une "Charte" La méthode proposée consiste à partir du questionnement des acteurs, de façon à ce que des réponses concrètes soient apportées aux questions que ceux-ci se posent, et à les aider à effectuer les choix stratégiques nécessaires pour assurer le développement du territoire. Parallèlement à la consultation de ces acteurs ayant une influence sur le territoire, seront organisées des interventions d’experts prospectifs, chargés de mettre en évidence certaines évolutions de fond non spécifiques à la province. Sur base de ce questionnement, de premières orientations (regards vers l’avenir) ont pu être dégagées, donnant une hypothèse de la vision du futur du territoire souhaitée par les acteurs. Cette hypothèse va être restituée dans les prochains mois aux différents publics impliqués. Suite à ces échanges, à cette mobilisation progressive des acteurs, une charte sera élaborée, reprenant les principales perspectives issues de la réflexion et débouchant sur l’ opérationnalisation des pistes d’actions retenues Le diagnostic à produire découlera précisément de ces deux types de questionnements. Il portera sur quelques « grands enjeux à maîtriser » et « projets fédérateurs » qu’il s’agit d’identifier, de choisir puis de traiter. La méthode permet la mobilisation progressive des acteurs pour déboucher sur une « Charte » qui concrétise leur engagement. Toutes les étapes suivantes sont importantes, notamment celles de consultation et de restitution. Phasage Phase 1: Initier la démarche Phase 2: Identifier les acteurs et intervenants à impliquer Phase 3: Consulter les acteurs et intervenants pour identifier les grands enjeux à maîtriser et les projets fédérateurs Phase 4: Hiérarchiser les grands enjeux et les projets fédérateurs Phase 5 : Produire un diagnostic sur les enjeux fédérateurs Phase 6 : Confronter les acteurs aux conclusions du diagnostic Phase 7 : Mettre en place des « groupes de projets » pour traduire ces axes en plans d’actions Phase 8 : Evaluation et réorientations - Suivi Organisation de la démarche Un Comité de pilotage de décideurs politiques et des forces vives est le maître-d’ouvrage

de la démarche, garant de son déroulement d’ensemble et d’une vision globale et territoriale des enjeux de développement. Il valide les différentes étapes et porte les conclusions. Une équipe technique est constituée en tant que groupe opérationnel du Comité de

pilotage, réalisant l’essentiel du travail technique aux différentes étapes. Elle rassemble des techniciens-clés du territoire, issus d’institutions de la province et coordonnés par des techniciens de l’équipe de coordination. Des experts méthodologiques et en sources d’information externes seront mobilisés pour l’aider dans sa tâche. Des regards prospectifs seront sollicités dans un certain nombre de domaines en forte mutation pour éclairer les enjeux.

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Un panel d’une centaine d’acteurs sera impliqué, dans les différentes sphères de

compétences (forces vives, décideurs externes au territoire,…), au cours des différentes étapes de la démarche. Un conseil de personnalités de haut niveau sera sollicité à quelques reprises pour garantir

la pertinence des grands enjeux et projets fédérateurs choisis. Dans tous les cas, le résultat doit être concret et constitué de pistes pour l’action, déclinées à partir des orientations qui auront été privilégiées dans le « projet », sous forme d’actions prioritaires à mettre en œuvre, déterminant les décideurs potentiels et les acteurs à mobiliser. « Wallonie 2020 » Sous le titre de Wallonie 2020, le cinquième congrès La Wallonie au futur s’inscrit résolument dans la suite du congrès de 1998 « Sortir du XXème siècle : évaluation, innovation, prospective », et invite les citoyens à s’impliquer davantage dans l’invention de leur avenir collectif. L’objectif est de penser autrement en osant définir des futurs souhaitables pour la Wallonie à l’horizon de 2020, afin de mieux déterminer ce qui est possible et réalisable et d’en trouver les chemins. L’enjeu de cette offre publique de réflexion est d’amener les citoyens à participer à l’agenda politique et à exercer leur intelligence créative et critique. La démarche prospective à laquelle les citoyens sont conviés relève d’une dynamique par laquelle les citoyens se fixeront des principes souhaitables pour tous et rechercheront les actions ou décisions à mettre en œuvre pour atteindre ces souhaitables et les rendre possibles : devenir véritablement acteurs d’un futur collectif, défini collectivement. Un appel aux acteurs La première exigence de ce projet a été de mobiliser des acteurs concernés se voulant parties prenantes dans les choix d’avenir. Sont, dès lors, invités à participer, tous ceux qui manifestent une volonté d’action là où ils vivent, à travers leurs engagements et leurs responsabilités, qu’ils se situent dans la sphère de la société civile et du monde associatif, dans celle de l’économie et des entreprises, ou encore dans celle de l’Etat, de l’enseignement, de la recherche, de la culture ou de la santé. Une démarche participative Ces acteurs ont constitué des groupes de travail associant des personnes issues d’horizons, d’âges et de milieux différents. Ces groupes se sont réunis entre février et juillet 2002 pour définir les nœuds de futur. Dès octobre 2002, de nouveaux groupes seront constitués en fonction des enjeux définis. Cette deuxième phase permettra de formuler ce qui paraît souhaitable puis d’identifier ce qui est possible pour la Wallonie en 2020. Cette deuxième phase s’achève en janvier 2003. Phasage Quatrième phase : Congrès Wallonie 2020 octobre 2003

Un dialogue avec de grands décideurs : Recommandations communes

Troisième phase avril - septembre 2003

Actions stratégiques innovantes Rapport transversal de synthèse : Un citoyen responsable et solidaire, une région créative, intelligente et ouverte

Deuxième phase Des futurs souhaitables aux futurs possibles

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novembre 2002 - janvier 2003 Rapport transversal de synthèse : Renouveler la vision

Première phase novembre 2001- octobre 2002

Emergence des nœuds de futur Rapport transversal de synthèse : A la recherche du citoyen actif et visionnant

Lancement de la démarche novembre 2001

Un appel aux acteurs, une démarche participative

2.3.2. Prospective sectorielle 2.3.2.1. Prévisions de consommation en Energie

En France, en application de l’article 6 de la loi du 10 février 2000, relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité (RTE) a réalisé à la demande du Ministère de l’Industrie un bilan prévisionnel sur l’évolution des structures d’offre et de demande d’électricité aux horizons 2006, 2010 et 2015. Le ministère pourra s’appuyer sur ce bilan prévisionnel pour établir les objectifs quantitatifs de la Programmation Pluriannuelle des Investissements de production électrique (PPI).

Le bilan prévisionnel consiste à :

établir des prévisions de consommation intérieure d’électricité et d’échanges entre la France et les autres pays, éléments constituant la demande totale d’électricité ; confronter ces prévisions de demande aux perspectives connues d’évolution des parcs de

production ; évaluer ainsi les besoins en nouvelles capacités de production aux différentes échéances

pour garantir un niveau défini de sécurité d’approvisionnement.

Méthodologie Les prévisions de consommation sont fondées sur une approche sectorielle détaillée, de type « bottom-up », qui segmente la consommation d’électricité en secteurs, branches et usages, et la projette dans ses différentes composantes dans le cadre de scénarios d’évolutions économiques, politiques et sociales, à long terme. RTE a élaboré trois scénarios d’évolution à long terme, désignés par R1, R2 et R3, qui s’inspirent des travaux prospectifs du Commissariat général du Plan, Énergie 2010-2020 : trois scénarios énergétiques pour la France, publiés en 1998. Le scénario R1 traduit une implication moins forte de l’État dans l’économie nationale et un rôle dominant du marché qui s’exerce parfois au détriment des considérations environnementales. Le scénario de référence R2 suppose que le comportement de l’État et des acteurs économiques et sociaux ne connaît pas de rupture importante, mais qu’une inflexion s’opère toutefois vers des efforts accrus en matière d’efficacité énergétique et de maîtrise de la demande. Pour le scénario R3, l’Etat intervient au contraire fortement dans la recherche d’une meilleure efficacité énergétique. Les prévisions de consommation déclinées des scénarios R1, R2 et R3 sont résumées dans le tableau « Prévisions de consommation en énergie annuelle et taux de croissance » ci-dessous.

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Tableau 1. Prévisions de consommation en énergie annuelle et taux de croissance Scénarios 2000 2010 2015 2020 2000- 2010 2010- 2015 2010-2020

Scénario R1 (TWh) 451 520 544 561 1,4% 0,9% 0,6%

Scénario R2 (TWh) 451 513 536 550 1,3% 0,9% 0,5%

Scénario R3 (TWh) 451 503 519 527 1,1% 0,6% 0,3%

Source : Ministère de l’Industrie * Consommation totale, pertes réseau incluses. Ces prévisions intègrent les effets d’actions de Maîtrise de la demande d’électricité (MDE) dans l’industrie, les usages spécifiques de l’électricité, ou l’isolation des bâtiments. Les prévisions en énergie figurant dans le tableau ont été établies pour une température normale correspondant à la référence actuelle, et ce, à fin de comparaisons avec les autres exercices prospectifs existants. Elles doivent être réduites de 6 TWh pour être cohérentes avec la nouvelle hypothèse de normale retenue. En puissance, l’incidence du changement de référence sur la réduction des appels à la pointe est de 1,5 GW. Hypothèses de production Il est important de souligner qu’en ce qui concerne les moyens de production, le principe même du bilan prévisionnel impose une approche prudente qui ne tient compte que des développements de nouvelles capacités que l’on peut considérer comme certains. Il ne s’agit pas, en effet, d’essayer de prévoir des scénarios de développement pour les différentes filières, mais de quantifier les besoins en capacités supplémentaires par rapport à ce qui est déjà décidé. Le scénario de production retenu en référence est, pour ces raisons, désigné par scénario « Minimal ». Deux éléments principaux marquent le contexte actuel du développement des capacités de production en France : la faiblesse du nombre d’installations récentes et de projets d’unités de forte puissance ; l’encouragement, par les dispositions d’obligation d’achat, au développement des filières

de production issues des sources d’énergies renouvelables.

Scénario de référence : scénario « Minimal » Le scénario de référence, encore une fois, est volontairement minimaliste, et ne retient pour les nouvelles capacités que des projets effectivement engagés. Production thermique nucléaire: il est retenu l’hypothèse d’une durée de vie minimale de quarante années pour les centrales existantes ; ce qui conduit à une stabilité du parc nucléaire pour toutes les échéances étudiées (2006, 2010,2015). Toutefois, si certaines des tranches actuelles devaient être arrêtées avant 2015, on peut considérer, en première approche, que les évaluations de besoins en nouvelles capacités établies dans ce bilan prévisionnel seraient à majorer d’un volume équivalent à la somme des puissances arrêtées. En ce qui concerne l’hydroélectricité, il n’y a pas de projets avancés de développement d’installations de forte puissance, et les développements probables de petits équipements demeureront très faibles en regard de la taille du parc existant. Production thermique classique centralisée : les récentes directives européennes visant à réduire l’émission de polluants atmosphériques (directives 2001/80/CE et 2001/81/CE) pourront contribuer à des décisions de retraits d’exploitation pour les équipements de production thermique classique les plus anciens, dès les prochaines années.

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Une hypothèse de retraits d’exploitation échelonnés de groupes du palier 250 MW a été retenue dans les scénarios de RTE. S’agissant du développement de nouvelles capacités, le nombre de projets effectivement engagés est très faible.

Scénario « EnR »

Un second scénario s’écarte du scénario de référence, en examinant explicitement l’hypothèse d’un développement important des moyens de production utilisant des sources d’énergies renouvelables. Il s’inspire du rapport sur la Programmation Pluriannuelle des Investissements de production électrique (PPI) de janvier 2002 qui a démontré la nécessité de ce développement pour approcher l’objectif indicatif fixé en France par la directive 2001/77/CE, d’une couverture par les énergies renouvelables de 21% de l’énergie électrique consommée en 2010. Le développement principal concerne la filière éolienne : on examine une hypothèse de 5 GW installés en 2006, 12 GW en 2010, et 16 GW en 2015. Ces capacités fournissent 12 TWh en 2006, 27 TWh en 2010, et 37 TWh en 2015, en retenant une production annuelle de deux mille trois cents heures. Elles ont été fixées de façon à ce que l’ensemble des contributions des énergies renouvelables atteigne effectivement 21 % de la consommation intérieure en 2010, pour le scénario de demande R2.

Le scénario intègre aussi une hypothèse de développement de la cogénération, avec 200 MW installés d’ici à 2006, puis 300 MW supplémentaires entre 2006 et 2010, et 500 MW entre 2010 et 2015.

Examen de l’équilibre offre-demande d’électricité : aspects méthodologiques Principe de l’approche probabiliste À partir des prévisions de consommation, il est nécessaire, pour construire une vision représentative des avenirs possibles, d’introduire une approche probabiliste qui décrive les principaux aléas pouvant affecter le système électrique. Cette approche probabiliste fournit des résultats en espérance mathématique sur la façon dont l’équilibre offre – demande sera réalisé aux différentes échéances. Une simulation a été effectuée sur un ensemble de près de cinq cents situations différentes pour chaque année d’étude, en combinant des aléas sur les conditions climatiques, les apports en eau vers les centrales hydroélectriques, la disponibilité du parc de production thermique, et la production éolienne.

Critères de dimensionnement du parc de production Compte tenu de l’étendue des scénarios d’aléas pris en compte, des situations de défaillance apparaissent pour lesquelles l’offre ne peut couvrir toute la demande, et qui imposeraient des délestages de consommation. Pour des raisons économiques, il n’est pas envisageable de développer de nouvelles capacités de production pour couvrir les risques en toutes circonstances. Il faut donc se référer, pour dimensionner le besoin de renforcement du parc, à un critère définissant le niveau de risque que l’on souhaite couvrir. Le critère retenu pour le bilan prévisionnel est le suivant : on renforce le parc de production pour ne pas dépasser une espérance mathématique de durée de défaillance annuelle égale à trois heures. Ce critère équivaut, compte tenu de la structure du système électrique français, à n’accepter que 10 % de cas défaillants dans les scénarios, autrement dit, à n’accepter de risque de défaillance qu’une année sur dix.1

1 L’espérance mathématique de durée de défaillance est couramment désignée en économie de l’électricité par le terme de LOLE (Loss Of Load Expectation).

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Scénarios simulés et catégories de résultats Les scénarios de consommation (R1,R2 et R3) ont été croisés avec les scénarios d’évolution du parc de production (« Minimal » et « EnR ») aux échéances 2006 (seulement R2), 2010 et 2015. La confrontation entre demande et offre est réalisée en puissance pour quatre postes horaires par jour, sur une durée de douze mois encadrant le mois de janvier de l’année d’étude. Résultats des simulations offre-demande

Horizon 2006 Le risque de défaillance existe, mais il est faible et acceptable en regard du critère retenu. Les probabilités de défaillance et espérance de durée de défaillance sont de 3 % et 0,8 heure pour le scénario « Minimal », et de 1% et 0,5 heure pour le scénario «EnR». De façon plus concrète, il existe donc un risque, à trois chances sur cent, de rencontrer des situations de défaillance à l’horizon 2006. Ce risque de défaillance existe en fait en permanence, mais sa probabilité d’apparition va demeurer très faible sur les toutes prochaines années. Une telle situation pourrait apparaître en cas d’épisode de très grand froid géographiquement étendu au niveau européen, et d’une durée d’au moins une à deux semaines.

Horizon 2010 Dans la logique d’un scénario de parc « Minimal », et la demande continuant de croître, le risque de défaillance augmente par rapport à 2006 et dépasse le seuil d’acceptabilité retenu, avec une espérance de durée de défaillance de onze heures, et un risque de vingt-deux chances sur cent. L’espérance d’énergie de défaillance s’élève à 25 GWh, ce qui correspond à une défaillance moyenne de 2,4 GW. Pour revenir au niveau de risque défini comme acceptable, le besoin en moyens supplémentaires garantis est de 3 GW. Pour les scénarios de consommation R1 et R3, les besoins sont respectivement de 4,1 GW et 1,4 GW. Autrement dit, il faut qu’entre 2006 et 2010, des moyens permettant un accroissement de l’offre et / ou une réduction de la demande soient mis en œuvre, pour un volume garanti de l’ordre de 3 GW par rapport à la situation actuelle. Dans le scénario « EnR », les développements retenus sur la biomasse, la cogénération et surtout l’éolien apportent une production supplémentaire de 37 TWh par rapport au scénario « Minimal ». Les simulations de ce scénario « EnR » fournissent trois résultats principaux : le risque de défaillance reste acceptable (2,7 heures) pour le scénario de consommation

de référence. Mais ce résultat est très dépendant de la modélisation, encore provisoire, de la production éolienne ; la production totale des moyens thermiques diminue de 15 TWh par rapport au scénario

de parc « Minimal » ; les exports augmentent de 20 TWh par rapport au scénario « Minimal ».

Horizon 2015

En l’absence de développement de capacités (hypothèse de principe du scénario «Minimal»), le risque de défaillance atteint 83 %, et l’espérance de durée de défaillance annuelle quatre-vingt-sept (87) heures pour le scénario de consommation R2.

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Une telle configuration à cet horizon n’est pas réaliste, parce que les mécanismes de marché ou l’intervention des pouvoirs publics auront, d’ici là, répondu par des investissements à la dégradation de la situation. Mais la poursuite du scénario « Minimal » vise à évaluer la progression des besoins jusqu’à 2015. Les besoins nécessaires à l’atteinte du niveau de sécurité de référence augmentent d’environ 5 GW par rapport à 2010 pour les trois scénarios de consommation. Par conséquent, entre 2010 et 2015, la mise en œuvre de moyens de renforcement de l’offre ou de réduction de la demande doit se poursuivre, pour un volume annuel de l’ordre de 1 GW. En variante «EnR», on peut formuler les mêmes observations que pour l’exercice 2010, mais sur des volumes plus importants. L’apport en production supplémentaire par rapport au scénario minimal est de 50 TWh (dont 37 TWh pour l’éolien et 10 TWh pour la biomasse), qui conduisent à une augmentation de 30 TWh sur les exportations, et une réduction d’une vingtaine de TWh sur la production thermique (dont 5 TWh pour le nucléaire). Les contributions en puissance de l’éolien (2,3 GW) et de l’ensemble biomasse et cogénération (2,1 GW) ne suffisent pas à maintenir un niveau de défaillance acceptable. Il est nécessaire, à cet horizon, de renforcer le parc à hauteur de 3,7 GW en puissance garantie pour le scénario de référence R2. Le diagnostic, les besoins et les moyens d’action

Le diagnostic structurel L’évolution des composantes d’offre et de demande fait apparaître un risque de dégradation progressive de la sécurité d’approvisionnement : la croissance de la consommation, même si son rythme est modéré, se poursuit ; des moyens de production thermique classique anciens devraient être progressivement

déclassés ; le volume de nouvelles capacités de forte puissance en construction est très faible.

Dans ce contexte, les simulations montrent un risque croissant de situations de défaillance au moment des pointes de consommation hivernales. Si l’on s’en tient aux seuls projets de nouvelles capacités de production effectivement engagés aujourd’hui, le niveau de sécurité retenu comme référence (espérance probabiliste de durée de défaillance limitée à trois heures par an) ne sera plus respecté vers 2008.

Les besoins Des moyens de renforcement de l’offre de production et de réduction de la demande en pointe doivent être mis en œuvre d’ici à 2010, pour un volume cumulé en puissance garantie de l’ordre de 3 GW pour le scénario de référence, et de 4 GW pour le scénario haut de consommation. Entre 2010 et 2015, il sera nécessaire de continuer à développer les différentes solutions portant sur l’offre et sur la demande, à hauteur d’un volume annuel garanti de l’ordre de 1 GW pour couvrir la croissance de la consommation et les arrêts d’installations de production anciennes.

Les moyens d’action Actions sur la demande La réduction de la consommation intérieure appelée au moment des pointes hivernales peut principalement résulter d’actions de maîtrise de la demande ou d’effacements volontaires. Les effets d’actions existantes de la Maîtrise de la demande d’électricité (MDE) sont déjà pris

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en compte dans les prévisions de consommation élaborées par RTE. D’autres gains sont possibles, mais ils ne devraient se concrétiser qu’à long terme, et à la condition de bénéficier de politiques volontaristes. L’impact de ces éventuelles mesures supplémentaires serait probablement encore assez faible aux horizons 2008-2010 qui voient apparaître les premières situations critiques. Les effacements volontaires peuvent résulter de dispositions tarifaires incitatives mises en place par les fournisseurs, ou d’une participation au mécanisme d’ajustement pour les plus gros consommateurs. L’hypothèse retenue pour ce bilan prévisionnel sur les possibilités d’effacements à la pointe est de 3 GW. Or, comme on peut le constater en examinant des courbes journalières de consommation passées, le poids des effacements tarifaires dépassait 6 GW il y a encore quelques années. Il apparaît donc une marge sur les possibilités d’effacements volontaires. On peut raisonnablement supposer qu’une grande partie de ce potentiel, accessible dans des conditions économiques avantageuses par rapport au coût de développement de nouvelles capacités de production, pourrait être assez rapidement et spontanément exploitée. Actions sur l’offre La réponse principale à la croissance de la demande est logiquement le développement de nouvelles capacités de production. Mais on peut constater que les investissements en nouvelles capacités de forte puissance sont très faibles depuis plusieurs années, et que cette situation se poursuivra au moins dans un futur proche. Si l’on tient compte, de plus, des délais nécessaires à la réalisation des installations, on doit s’attendre à ce qu’il n’y ait que peu de mises en service de nouveaux moyens puissants d’ici au début de la période critique, c’est-à-dire dans cinq ans. La remise en service de tranches disponibles en réserve peut également être envisagée. Cette solution, plus économique que le développement de nouvelles capacités de pointe, pourrait renforcer l’offre d’une manière à la fois rapide et importante en volume. La simulation du scénario « EnR » qui suppose un développement massif des filières de production issues de sources d’énergies renouvelables, montre que la contribution de ces moyens dans la problématique particulière du passage des pointes pourrait être importante. Elle dépendra en fait de la taille globale de ce parc, de la répartition structurelle entre l’éolien et les filières offrant une production plus régulière et, pour la seule production éolienne, des garanties de puissance minimale que pourrait apporter l’éloignement géographique des principales régions de production. 2.3.2.2. Prospective agricole Contexte La Prospective agricole à l’horizon 2010 en France s’inscrit dans un contexte marqué par de nouveaux défis s’adressant au secteur agricole suite à de profondes mutations économiques et technologiques, entre autres. Le « Cercle Prospective des filières agricoles et alimentaires » est ainsi né en 1995 à l’initiative de BASF, leader de produits de protection des cultures. Il s’agit de réfléchir et de tenter de comprendre les changements qui pourraient affecter le monde agricole et sa filière : distributeurs, fournisseurs, industrie agroalimentaire... Il existe peu de structures permettant à tous les acteurs de réfléchir ainsi à leur avenir en commun. Les représentants de la grande distribution et les associations de consommateurs ont été rapidement associés à ces travaux. Quatre à cinq fois dans l’année, des réunions de travail permettent d’engager un véritable travail collectif, d’échanger sur les analyses de chacun et de dégager une synthèse commune. Pour encadrer les débats engagés, ouverts et directs, les membres du Cercle ont choisi un thème par année: Quels agriculteurs pour quelles agricultures en 2010 en France ?

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Les scénarios qui émergent aujourd’hui sont le fruit de cette réflexion collective. Pour mieux comprendre les enjeux et imaginer les choix possibles, le Cercle Prospective a bâti deux scénarios pour l’agriculture française à l’horizon 2010. Un exercice rendu nécessaire par l’imminence de rendez-vous cruciaux pouvant amener à de profonds bouleversements. En 2004, dix pays de l’Est sont officiellement entrés dans l’Union européenne. En 2005, les nouvelles négociations de l’Organisation mondiale du commerce modifieront les équilibres économiques du secteur. En 2006, la Politique agricole commune (PAC) sera révisée dans le cadre budgétaire préétabli. Tous ces choix politiques vont avoir des répercussions sur les campagnes. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’agriculture vit en perpétuelle mutation. Pour répondre aux besoins d’une population croissante, elle a investi dans la mécanisation, l’augmentation nécessaire des rendements, l’amélioration des techniques agronomiques. Il y a eu un prix à payer. La population active agricole a fondu de plus de 25 % en 1955 à 3 % aujourd’hui. Il ne reste plus que 650 000 exploitations, dont bon nombre sont dirigées par des agriculteurs de plus de 50 ans qui n’ont pas tous de successeurs. Dans la même période, les liens avec le consommateur se sont distendus. La concentration de la population française dans les villes a affaibli, voire rompu, les rapports entretenus par les Français envers leurs campagnes. Les circuits de distribution se sont concentrés. Les conditions de vie modernes ont favorisé l’émergence de produits transformés ou prêts à l’emploi. La production agricole brute passe désormais par des phases industrielles de plus en plus complexes. Les crises alimentaires des années 90 ont souligné cruellement ce fossé grandissant. La vache folle, les poulets à la dioxine, les épisodes de listérioses ont amené les citadins à exiger encore plus de qualité et de savoir d’où vient ce qu’ils mangent. Depuis peu, le spectre de la grippe aviaire frappe à la porte de l’Europe. La production de masse est dénoncée par certains au profit des nourritures de terroir ou estampillées. Et les Français s’inquiètent de plus en plus des pollutions diffuses de nitrates ou autres dans les rivières et les nappes phréatiques de nombre de régions françaises. En 2006, la révision de la PAC va être l’occasion d’un choix crucial entre des modèles de production agricole difficilement conciliables entre eux. Va-t-on décider d’une libéralisation totale du secteur agricole ou bien tenter de dessiner d’autres modes de production, d’autres rôles destinés à maintenir la vie économique et sociale des zones rurales ? Les acteurs du Cercle Prospective se sont arrêtés aux 2 scénarios proposés. Ils sont le fruit d’un travail méthodologique réputé et d’un apport d’expériences dans la connaissance d’un métier. Ils sont bien réels à moins que, d’ici peu, un vrai projet agricole ne voie le jour, proposant de nouvelles perspectives à la société. Scénarios du secteur agricole français en 2010 Scénario 1 : Et si le libéralisme aveugle faisait mourir les campagnes…. Les pays agricoles les plus libéraux ont imposé la suppression de barrières douanières. Grâce à cette suppression, les agriculteurs français pensaient être armés pour affronter la concurrence étrangère. Cependant, face aux grandes fermes d’autres pays étrangers, la France se rend compte que même les exploitations modernes les plus performantes ne résisteront pas à une économie agricole totalement libéralisée. Les producteurs les moins performants sont balayés du marché pour laisser la place aux grands producteurs. La tendance en 2009, prévoit un fléchissement du nombre d’exploitations avec un nombre important de défaillances d’entreprises. En France, la mesure s’avère vite une catastrophe.

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Scénario 2 : Et si la France des jardins produisait des ouvriers de la nature… En 2006, la Politique Agricole Commune a subordonné ses aides à des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement. Les prix à la production sont liés aux cours mondiaux mais cette PAC verte compense le manque à gagner en subventionnant les travaux d’entretien de la nature. Malgré la fin des subventions agricoles, les aides européennes sont destinées aux autres services assurés par l’agritourisme vert, protection de la ressource en eau, entretien des milieux naturels hébergeant des espèces rares ou en voie de disparition. En 1979, l’objectif était l’évolution du rendement. En 2010, le monde rural va accueillir un grand nombre de touristes et les classes de petits parisiens. La population ne cesse de grandir pour atteindre plus de 7 Milliards d’hommes. Avec l’adoption de la PAC verte, l’exploitation trouve son équilibre financier. Conclusion : Il faut garder les paysans en France ; Il faut diversifier et proposer des produits de la ferme directement aux consommateurs ; Il faut renouer le contact avec le citadin ; Il ne faut plus faire un métier mais plusieurs.

2.3.2.3. Prospective dans le secteur Métier Méthodologie En matière de Prospective Métier, l’objet est non seulement de déterminer les futurs paniers de compétences nécessaires à l’organisation, mais aussi dans une perspective dynamique, le mode d’acquisition et de constitution de ces compétences au cours du temps. Ainsi, dans la démarche de construction de scénarios telle qu'elle est présentée au sein de l'école française de prospective, la première étape consiste à constituer "la base". À partir d'une approche systémique, pouvant être mise en œuvre au travers d'une analyse structurelle, sont identifiées les "variables clés", les plus influentes du système. En général, les influences les plus fortes sont issues des variables extérieures au système – ce qui correspond bien à la logique de la stratégie. On "élimine", en quelque sorte, la plupart des variables internes, car par définition, elles ne sont pas les plus influentes pour l'avenir de l'organisation. Par la suite, l’essentiel de la réflexion d’anticipation ne portera pas sur ces variables qui relèvent de la politique générale. Une différenciation doit être opérée entre ce qui est du ressort du stratégique – le choix des activités et l'allocation des ressources – de ce qui appartient à la politique générale de l'entreprise – l'articulation entre la stratégie, les structures, le processus de décision et l'identité de l'entreprise. Ainsi, l’on comprend mieux pourquoi les démarches de prospective aboutissent, le plus souvent à repérer les compétences futures nécessaires à l’organisation, mais laissent de côté la question de l’articulation entre ces compétences et les différentes dimensions de la politique générale comme celles de la politique de ressources humaines, c'est-à-dire, les processus de gestion. Autre conséquence du mode de constitution de la base, un certain nombre de facteurs externes propres aux ressources humaines, telles les évolutions de la législation, du marché du travail ou du système de formation, sont négligées du fait de leur influence globale relativement faible sur l’ensemble de l’organisation, alors que celles-ci sont essentielles pour la gestion des ressources humaines. Les démarches de Prospective Métier imposent ainsi de sélectionner les variables clés selon l'approche de la prospective stratégique pour identifier les compétences futures des ressources humaines mais aussi de modéliser les processus de gestion d’acquisition et de

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construction des compétences pour pouvoir repérer et maîtriser leurs évolutions dynamiques. Les difficultés de l'insertion de la prospective dans le champ de la Gestion des ressources humaines et de la Gestion prévisionnelle des emplois, des métiers et des compétences La modestie de l'insertion de la prospective dans le champ théorique et pratique de la gestion des ressources humaines renvoie à la difficile intégration par les entreprises de la dimension temporelle dans les décisions de ressources humaines. Les explications de la domination du court terme dans ce domaine résident pour l'essentiel dans les liens entre la stratégie et les ressources humaines qui seront présentés dans un premier temps et se concrétisent notamment dans la réalité des pratiques de gestion anticipées des emplois, des métiers et des compétences qui privilégient des approches plus statiques et dynamiques, abordées dans un second temps. L'importance stratégique des décisions de ressources humaines et le rejet des problématiques de long terme. La gestion des ressources humaines fait face à un paradoxe: elle n'a jamais été autant dominée par les impératifs de court terme, tout en voyant son importance sur le plan stratégique reconnue. C'est probablement la non-résolution de ce paradoxe qui explique la faiblesse du courant prospectif. Une gestion des ressources humaines dominée par le court terme

Des ressources humaines devenues stratégiques Les années 80 et 90, ont aussi été caractérisées par la place grandissante des ressources humaines dans le développement des avantages concurrentiels. C’est à cette époque que les compétences de l'entreprise deviennent la clé du succès à long terme. Ainsi, l'intérêt de l'entreprise est de créer, développer et préserver son capital humain spécifique à long terme, plus difficile à reconstituer que ses équipements physiques soumis à l'obsolescence ou sa clientèle plus volatile, pour se préparer dans les meilleures conditions à affronter les aléas du futur, ou redéployer ses technologies et ses métiers dans des environnements favorables. Prospective et ressources humaines : les raisons d'un rapprochement La justification de la faible présence de la prospective dans les pratiques de gestion de ressources humaines serait la subordination de ces dernières à la stratégie. En effet, si l'on considère que la Gestion des ressources humaines instrumentalisée est ravalée au rang de "tactique", ce serait un non-sens d'entreprendre une réflexion prospective appliquée à des tactiques. Cette explication de l'absence de prospective en matière de ressources humaines n'est pourtant pas suffisante car la Gestion des ressources humaines relève dans certains cas de la prospective stratégique, car même si elle est subordonnée à la stratégie, elle peut impliquer des irréversibilités stratégiques au niveau de l'organisation. En effet, on définira le champ de la prospective stratégique comme étant celui relevant des décisions stratégiques définies ainsi : "la décision stratégique est soit celle qui crée une irréversibilité pour l'ensemble de l'organisation, soit celle qui anticipe une évolution de son environnement susceptible de provoquer une telle irréversibilité". Selon cette approche, la Gestion des ressources humaines pouvant potentiellement provoquer des irréversibilités au niveau de l'organisation (ce qui correspond à la reconnaissance de son importance stratégique), elle peut relever, malgré sa subordination à la stratégie, de la prospective stratégique. On citera à titre d'illustration, le cas des structures par âges. Le rééquilibrage des pyramides des âges a été considéré par certains groupes d’industriels comme un enjeu stratégique auquel peuvent même être subordonnés les choix organisationnels ou la composition du capital

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pour une entreprise donnée où l'on peut envisager d'affecter les fonds dégagés de sa privatisation au rajeunissement du personnel (cf. cas Renault). Il semble ainsi que, progressivement, la maîtrise des structures par âge devient pour certaines entreprises un objectif stratégique. Il est vrai qu'il s'agit de situations extrêmes et qu'en général, la Gestion des ressources humaines, du fait de sa subordination à la stratégie, provoque des irréversibilités locales. Toutes les tactiques ne sont pas forcément caractérisées par un environnement et un temps constant. Il existe des situations intermédiaires entre tactique et stratégie pour lesquelles l'environnement n'est pas totalement donné, et le temps est variable. Pour mieux anticiper ces irréversibilités locales, on peut pratiquer une prospective dite "non stratégique" (i.e., prospective opérationnelle) qui se différencie de la prospective stratégique par une notion d'échelle entre irréversibilité au niveau de l'organisation (ce qui relève de la stratégie et de la prospective stratégique) et irréversibilité locale. Ainsi, malgré sa subordination à la stratégie, la Gestion des ressources humaines relève de la prospective stratégique lorsqu'elle provoque des irréversibilités à l'échelle de l'organisation ou opérationnelle, si ce sont des enjeux plus locaux qui sont concernés. Certains ont pensé un temps que cette prospective opérationnelle de la gestion des ressources humaines puisse être incarnée par la gestion prévisionnelle des emplois, des métiers et des compétences. Pistes de recherches pour un renouvellement théorique et méthodologique de la Prospective Métier Les spécificités de l'approche théorique et méthodologique induites par les enseignements précédemment relevés sont d’abord examinées, pour ensuite proposer des pistes de recherche. Les spécificités de la constitution de la base en prospective opérationnelle

Les aspects dynamiques de la gestion prévisionnelle des emplois, des compétences et des métiers s’imposent au champ de la réflexion prospective car ils peuvent êtres porteurs d’irréversibilités locales ou à l’échelle de l’organisation. Ces irréversibilités qui sont le cœur de l’objet des réflexions prospectives ne peuvent, à l’inverse de la prospective stratégique, être repérées par la seule sélection des variables les plus influentes de ces domaines. En effet, nombre d’irréversibilités en gestion des ressources humaines sont liées au fonctionnement même du système ressources humaines en interaction avec les autres systèmes de l’organisation et l’environnement externe. A titre d’illustration, on peut reprendre un exemple impliquant l'âge et ses effets. La variable "structure par âge" influence de façon indirecte les variables résultats de la gestion des ressources humaines. Par exemple, que 80 % du personnel ait entre trente-cinq et quarante-cinq ans n'affecte pas directement les performances d'une entreprise à l’instant t. Par contre, cette situation peut avoir un effet sur la dynamique des carrières proposées au personnel et donc éventuellement sur les motivations qui pourraient s'en trouver amoindries et finalement rejaillir sur les compétences performances de l'entreprise en t+i et constituent in fine une irréversibilité stratégique pour l'organisation. La constitution de la base d’une réflexion de Prospective Métier doit donc intégrer les dimensions liées au processus temporel composant la gestion des ressources humaines. Il s’agit d’établir "le modèle d'un phénomène ou d'un processus ”, c’est-à- dire “ essentiellement un mode de représentation tel qu'il permette, d'une part de rendre compte de toutes les observations faites et, d'autre part, de prévoir le comportement du système considéré dans des conditions plus variées que celles qui ont donné naissance aux observations". Cette modélisation pour répondre à l’objectif de rendre compte des aspects dynamiques des ressources humaines, outre le fait de décrire de façon complète le phénomène en repérant

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les éléments qui le composent, doit aussi intégrer l’identification des relations entre ces éléments. En effet, si l'on considère que l'organisation est un "système de flux" (autorité formelle, flux régulé, communication informelle, constellation de travaux et système de processus de décision ad hoc), il s'agit dans la modélisation de s'intéresser non seulement aux variables mais aussi aux flux entre ces variables dans le temps. Ce sont de ces flux que naît une grande part des irréversibilités stratégiques et locales liées à la gestion des ressources humaines. Ce dernier aspect, l’intégration des flux entre les variables dans la modélisation, constitue la deuxième nécessité de différenciation des outils entre la prospective stratégique et la Prospective Métier. En effet, en prospective stratégique, on s'intéresse aux relations entre les variables, essentiellement lors de l'étape de constitution de la base. C'est un moyen de repérage des variables clés, c'est-à-dire celles qui émettent directement ou indirectement l'influence relative la plus élevée vers les autres variables ; ensuite, les relations entre les variables où les sous-systèmes ne sont conservés que très partiellement. La Prospective Métier apparaît encore comme peu développée, car les outils actuels de la prospective, bien adaptés à la prospective stratégique ou générale, ne répondent pas forcément aux nécessités de la prospective opérationnelle en matière de métiers, à savoir, le besoin d'une modélisation complète du phénomène étudié et de ses interactions avec les différents éléments de l'organisation et de l'environnement d'une part, et d'autre part, la capacité à traiter des flux entre les différentes variables dans une dynamique temporelle tout au long du processus de réflexion. L’analyse théorique des processus d’action complexe comme cadre théorique de la

constitution de la base en prospective opérationnelle Les méthodologies issues de l’analyse théorique des processus d’action complexe paraissent répondre aux principales exigences repérées précédemment puisqu'elles permettent de modéliser complètement un processus d'action dans le temps, en s'intéressant aux relations entre les différents éléments qui composent ce processus. Les principaux concepts utilisés La phénoménologie de l'action, en formalisant la dynamique des enchaînements de décisions au cours du temps, à partir de l'observation de processus d'action, paraît répondre aux exigences repérées de la modélisation dans le cadre d’une réflexion de prospective sur les métiers. Elle applique au processus étudié une grille de lecture composée de concepts conçus pour mettre en lumière une logique dans l'enchaînement temporel des événements, malgré leur complexité. Dans la mesure où elle modélise la dynamique d'enchaînements des événements par des règles, qui sont des relations entre des variables ou des contraintes et qui découpent l'action en phases, qui sont des durées de validité de ces règles, la phénoménologie de l'action est adaptée à l'étude de processus dont on ne peut déterminer clairement ni le début ni la fin. D'une part, elle permet de traduire l'ajustement mutuel des objectifs et des règles au cours du temps. D'autre part, elle justifie l'absence de limites temporelles fondées sur des événements particuliers, puisqu'elle travaille sur des variations temporelles. Dans cette logique différentielle, on ne justifie pas le choix du début et de la fin du processus mais celui de sa durée, qui doit contenir plus d'une phase. Les changements de phases, appelés transferts, y jouent un rôle particulièrement important. D'une part, en changeant les règles, ils modifient les effets des décisions ou le système de contraintes que ces décisions respectent. D'un point de vue stratégique, un modèle phénoménologique de l'action permet de repérer les transferts en cours et d'y adapter le système de décisions et d'objectifs. D'autre part, les règles ne changent pas toutes en même temps. L'étude des décalages entre les phases et de leurs conséquences permet alors de construire des scénarios prospectifs où le temps est introduit par les différences de durées.

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Les apports du cadre théorique proposé En premier lieu, il s’agit de recourir à une méthodologie de représentation du phénomène de gestion dynamique des compétences qui soit fondée sur une perspective systémique. Non seulement la problématique de l’évolution des métiers concerne les différents champs de la gestion des ressources humaines, mais le système de décisions et d'actions, plus ou moins clairement spécifié, qui constitue la Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences (GPEC), interagit avec d'autres dimensions de l'organisation : dimensions financière, technique et organisationnelle notamment. Il faut donc pouvoir non seulement mesurer ses implications sur ces autres dimensions, mais aussi évaluer les contraintes que les autres dimensions exercent sur les choix en termes de gestion des ressources humaines, ainsi que les éventuelles contradictions ou convergences d'intérêts qui peuvent apparaître aux différents niveaux de l'organisation. Il apparaît ainsi important de se donner une vision multidimensionnelle et systémique des effets de la gestion dynamique des compétences sur les organisations afin de ne pas aboutir à des prises de décisions parcellaires aux effets mal évalués. En second lieu, l’analyse théorique des processus d’action complexe s’attache à identifier les « actes » des acteurs, se dégageant des problématiques de la recherche de l’intention. Dans le cas de la gestion des compétences et des métiers, phénomène souvent partiellement implicites pour une partie au moins des acteurs, il est en effet essentiel de se fonder, pour le représenter, sur les actes effectifs et non sur les seules intentions des acteurs, sans pour autant négliger celles-ci au travers notamment du concept « d’objectif ». En troisième lieu, l’analyse théorique des processus d’action complexe ne retient pas comme fondement des relations entre les variables, la notion de l’influence comme c’est couramment le cas dans les approches systémiques comme l’analyse structurelle utilisée en prospective. Elle s’intéresse à l’existence effective de « règles» ou contraintes de comportements entre deux variables dans le temps, sans poser la question du sens de l’influence ni son intensité entre les variables. La hiérarchisation entre les variables qui en résulte n’est pas ainsi fonction du niveau d’influence mais est fondée sur la temporalité des relations entre variables, des contraintes de comportements les plus pérennes aux plus volatiles. On est bien dans une logique de dynamique temporelle, et on pallie ainsi certaines limites des outils classiques de la systémique en prospective, à savoir leurs aspects statiques. Enfin, elle permet aussi de modéliser les relations entre « règles » alors que là encore, l’outil de référence, l’analyse structurelle, ne retient que les relations entre variables. Elle offre ainsi la possibilité d’une représentation plus complète des phénomènes complexes étudiés : la confrontation du cadre théorique proposé avec des cadres théoriques concurrents. La méthodologie requise doit pouvoir permettre de modéliser les processus concernés. Vouloir décrire dans un modèle de gestion des compétences et des métiers suppose que l'on s'y intéresse comme à un processus au sens de "progression (en tant qu'ordre et séquence d'enchaînement) d'événements dans l'existence d'une entité organisationnelle au cours du temps". Deux difficultés méthodologiques majeures liées à l'impossibilité de borner le processus de constitution dynamique des compétences dans le temps se combinent. L'une concerne la mise en œuvre de la politique. Elle est due à l'instabilité temporelle des objectifs du fait de l'inexistence de bornes temporelles. L'autre concerne l'analyse théorique de la politique, puisqu'il faut prolonger l'étude diachronique de sa dynamique du passé vers le futur. Non seulement le processus de gestion des compétences n'a pas d'origine identifiable, mais il n'a pas non plus de fin identifiable par une décision ou un changement organisationnel particulier : même si aucune décision n'est prise en termes de recrutements, de carrières ou de départs, l'ensemble du système se déforme d'une année sur l'autre.

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On doit alors étudier un enchaînement continu de décisions et d'actions dans le temps, qui maintient un flux en vue de conserver un état stationnaire malgré l'évolution de contraintes, ou qui cherche au contraire à modifier les flux, soit pour s'adapter aux évolutions du système de contrainte, soit pour le modifier par des effets rétroactifs. L'impossibilité de borner le processus dans le temps a ainsi des conséquences sur la redéfinition, au cours de son déroulement, des objectifs et des moyens à mettre en œuvre. L'instabilité temporelle des objectifs rend notamment inadéquate une logique de projet dans la mesure où, si celui-ci est défini comme une "démarche spécifique qui permet de structurer méthodiquement et progressivement une réalité à venir", il "implique un objectif et des besoins à entreprendre avec des ressources données". L'analyse théorique des processus s'appuie sur des études diachroniques comme dans le cas du changement organisationnel ou de décisions stratégiques. Mais dans ces approches, même si on ne connaît pas nécessairement bien le début du processus, sa fin au moins est identifiée. Or, la politique de gestion des compétences ne conduit pas nécessairement à un changement organisationnel ni à une décision stratégique identifiée qui pourrait justifier la fin de l'intervalle temporel de l'étude. Cette méthodologie permet de modéliser la construction et l'acquisition des compétences de populations larges et homogènes au cours du temps autour de la notion de parcours professionnel et de repérer notamment les irréversibilités imputables à la dynamique interne du système et aux facteurs d'évolution de l'environnement. Cependant, cette approche, si elle s'attache à pallier les limites de la GPEC et des outils classiques de la prospective stratégique dans l'étude de l'évolution des processus, elle n'est pas appelée à se substituer à la réflexion sur les compétences futures nécessaires à l'organisation. Mais elle permet en rendant explicites les processus de décision (et d'action), "de comprendre comment les décisions opératoires, managériales et stratégiques sont liées les unes aux autres et quels rôles jouent les différents participants (…) dans les phases des différents processus de décisions" afin de mieux préciser les effets et les évolutions de ces processus de décisions et d'action concernant les compétences et les métiers. Les résultats de la recherche et les développements en cours Au total, les difficultés d'insertion de la prospective dans les problématiques de ressources humaines en général, et dans celles portant sur les métiers en particulier, tiennent tant aux spécificités des pratiques actuelles des entreprises, tout au moins en France, qu'à l'inadéquation des outils de la prospective stratégique souvent transférés à l'identique sur-le-champ de la compétence et des métiers. En effet, alors que l'importance stratégique des ressources humaines est reconnue depuis les années 80, dans les faits, ce sont les impératifs de court terme qui ont prédominé dans les décisions et les actions des Directions de Ressources Humaines du fait de l'instrumentalisation de la gestion des ressources humaines par rapport à la stratégie. Pourtant, malgré cette subordination à la stratégie, la gestion des ressources humaines relève de la prospective, car les problématiques de long terme s'imposent à elle, étant génératrices d'irréversibilités à l'échelle locale et à celle de l'organisation. D'ailleurs, tant les chercheurs que les praticiens ont tenté de réhabiliter le long terme dans le champ des emplois, des compétences et des métiers au travers du développement de la GPEC. Mais, cet essai de répondre tout à la fois aux spécificités de la gestion des ressources humaines, qui par nature est un phénomène dynamique, et aux impératifs de l'adaptation à la stratégie, n'a pas pu être transformé, compte tenu du peu d'effets de la GPEC sur les pratiques des entreprises. Freinée par la prééminence de la stratégie et par le faible rapport de force des Directions de ressources humaines, ses difficultés sont aussi imputables à ses méthodologies, dominées par une conception statique de la compétence qui exclut, de fait, la logique des métiers. De ce fait, la GPEC est souvent restée cantonnée à une logique d'adaptation a posteriori de la ressource humaine aux exigences de la stratégie et s'est vite trouvée cantonnée à une recherche de la flexibilité et de l'adaptabilité dans un contexte de fortes incertitudes environnementales et stratégiques.

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Mais, ces raisons, tenant à la domination des impératifs stratégiques de court terme sur la gestion des ressources humaines et aux limites tant conceptuelles que méthodologiques de la GPEC, ne suffisent pas à justifier le très faible développement des démarches de Prospective Métier dans les entreprises. On constate que dans les rares cas où des organisations ont résolument adopté une perspective systémique et à long terme, en tenant compte de la subordination à la stratégie des ressources humaines, elles ont aussi éprouvé des difficultés pour passer de l'anticipation sur les compétences à la gestion effective de ces compétences dans le temps. Ces entreprises sont parvenues, en effet, grâce à ces réflexions prospectives, à identifier les compétences futures nécessaires à l'entreprise, mais elles ne sont pas parvenues pour autant à repérer les irréversibilités issues de la dynamique temporelle des processus de gestion des compétences et des métiers, sous-estimant les effets des variables internes à l'organisation. Ainsi, il est apparu, à l'issue de cette recherche, nécessaire de proposer de nouvelles pistes méthodologiques pour aborder la Prospective Métier. En effet, compte tenu de la prédominance des variables internes, il s'agit de constituer la base de prospective, non pas au travers d'une hiérarchisation des variables les plus influentes, mais par l'intermédiaire d'une modélisation complète et dynamique du phénomène étudié. Celle-ci doit permettre, dès l'origine de la réflexion, d'intégrer la problématique de la dynamique de la compétence tant dans ses impacts sur la capacité à obtenir, aujourd'hui et à l'avenir, les compétences requises par la stratégie que dans ses effets sur les futurs processus de gestion à mettre en place pour obtenir ces compétences cibles. Pour répondre à ces exigences, il est nécessaire de recourir aux concepts de la phénoménologie de l'action. En effet, la phénoménologie de l'action, modélisant des enchaînements de décisions et d'actions dans le temps et intégrant les relations entre les variables, permet de répondre aux nécessités de la Prospective Métier.

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III. ELEMENTS D’EVALUATION L’évaluation porte sur les études prospectives africaines, d’une part, et sur les études prospectives effectuées au niveau de l’Europe, d’autre part. Cette approche a été surtout déterminée par la nécessité d’élargir le champ de vision sur les études et techniques prospectives, sans pour autant prétendre à l’exhaustivité, et de disposer ainsi d’autres éléments de comparaison aux fins d’asseoir une culture de la prospective intégrant les spécificités et la dynamique caractéristique de la société et de l’économie malgaches contemporaines. 3.1. Motivation des études prospectives africaines La prospective africaine a eu son heure de gloire, au lendemain des indépendances. L’exercice, très souvent marqué de volontarisme, se réalisait alors dans un contexte de planification et d’édification de stratégies de développement impulsées par l’État. A partir des années 1980, la crise et les priorités accordées à la stabilisation à court terme des économies africaines ont dévalorisé l’exercice. Quand il eut lieu (notamment sous l’égide du PNUD), sa fonction était d’être un générateur de rêves et un révélateur d’utopies Les études prospectives africaines procèdent d’un certain nombre de considérations ayant servi de catalyseurs aux nombreux travaux de réflexions qui les sous-tendent. Les plus déterminants de ces facteurs sont les suivants : Le constat d’échec des expériences de planification et des plans d’ajustement structurel,

réalisés sous l’égide des institutions internationales, constitue l’une des principales motivations de l’étude prospective en Afrique. La prospective africaine est un impératif vital pour anticiper certains risques et maîtriser

les dynamiques de long terme, surtout dans le contexte actuel de la mondialisation et de la révolution technologique avec l’avènement des Technologies de l’ Information et de la Communication (TIC). La priorité donnée au rétablissement à court terme des équilibres physico-financiers, à la

réhabilitation des appareils productifs et aux ajustements ne doit pas masquer les profondes mutations structurelles que connaît l’Afrique. Les effets de la croissance démographique ou urbaine, la satisfaction des besoins sociaux ou la destruction des écosystèmes supposent le regard de la longue durée, la planification des investissements et des infrastructures et donc des éclairages évitant la myopie du court terme. Si gouverner c’est prévoir, allonger les horizons permet d’éclairer les décisions. La division internationale du travail est en voie de profonde restructuration (déplacement

des centres de gravité, nouveaux secteurs moteurs). Cette restructuration contraint le Sud à se repositionner dans la division internationale du travail. La crise interne des systèmes productifs suppose des transformations profondes. Les acteurs extérieurs qui pèsent sur l’Afrique ont des horizons à long terme ; par leurs

choix actuels, ils dessinent les devenirs. Les investissements productifs, énergétiques ou miniers, les choix d’implantation des firmes, les modes de gestion de la dette ou les conséquences des politiques d’ajustement se situent dans des horizons de dix à quinze ans. Les images et les anticipations que se font ces acteurs du dedans et du dehors, sont en partie des prophéties autoréalisantes ; ils définissent largement ces devenirs. Les anticipations à long terme des décideurs, notamment des investisseurs, s’éloignent des anticipations rationnelles face au futur. Elles s’expliquent davantage par des myopies ou par des regards dans le rétroviseur conduisant à des anticipations extrapolatives. Elles n’en déterminent pas moins le niveau actuel et futur des variables économiques. Enfin, les dynamiques des sociétés, enracinées dans la longue durée, renvoient à des

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mouvements profonds et anciens : l’avenir est en partie inscrit dans l’histoire passée ; selon des probabilités diverses, il est possible d’extrapoler certaines tendances lourdes, spatiales, démographiques, culturelles, sociales, politiques, économiques ou écologiques. Il importe, à côté de ces facteurs structurants, d’introduire l’indétermination, l’instabilité, les incertitudes ou les aléas et de repérer l’émergence des acteurs innovants. Le passé nous a enseigné que l’histoire n’était pas linéaire : elle oblige à réintégrer la complexité et l’incertitude ; peut-être donne-t-elle plus de lucidité pour penser des devenirs possibles. Il ne s’agit pas de retrouver les erreurs des plans volontaristes ou de la déconnexion entre les contraintes du court terme et l’utopie du long terme mais de penser différents cheminements évitant "la myopie du marché et la dictature de l’instant". 3.2. Bilan de la prospective 3.2.1. Au niveau de l’Afrique A maints égards, l’Afrique est aujourd’hui en position de « hors-jeu » économique. Elle demeure largement à l’écart du mouvement de mondialisation. Il n’est donc pas étonnant, dans ces conditions, que le continent soit, à l’inverse de l’Asie ou de l’Amérique latine, presque totalement absent des grands scénarios d’évolution possible de l’économie mondiale à long terme. D’une part, l’Afrique est absente des grandes prospectives mondiales et des grandes réflexions de futurologie. Sa marginalisation économique peut en partie l’expliquer. Les prospectives économiques oublient volontairement l’Afrique dont le futur, quel qu’il soit, ne conditionnera pas le devenir du monde. En effet, si le continent africain représente 18,2 % de la superficie mondiale, 10,3 % de la population (7,9 % en 1970), 7,2 % de la population urbaine (4 % en 1970), sa contribution à la richesse mondiale est faible (1,1 % du PIB mondial contre 2,2 % en 1970) et son niveau de vie régresse avec un PIB par tête inférieur de près de 90 % à la moyenne mondiale (contre 70 % en 1970) ; D’autre part, les facteurs lourds qui pèsent sur l’ Afrique ne sont pas les mêmes que dans les pays industrialisés ou émergents. Les facteurs clés concernent les dynamiques de peuplement, l’évolution des produits primaires, les dynamiques de l’informel. Enfin, des facteurs sociaux et culturels jouent également un rôle particulier. Ainsi, la conception du temps dans certaines sociétés conduit à faire du futur une actualisation du temps des ancêtres. Les sociétés africaines apparaissent alors fortement ancrées dans les traditions et l’historicité pèse fortement. Ces facteurs militent en faveur d’analyses prospectives spécifiques à l’Afrique, y compris Madagascar. Ce qui suppose une méthode réalisée par des experts maîtrisant non seulement les techniques des études de long terme, mais aussi possédant la connaissance approfondie du terrain qui les conduira à accorder un poids important au passé pour explorer l’avenir. A cet égard, la formation de nouveaux cadres prospectivistes dans les administrations publiques, les organisations de la société civile, entre autres, s’avère d’une importance capitale. Les résultats des études prospectives sont généralement qualitatifs ; il n’y a ni projection,

ni même modélisation. Il y a aussi lieu de noter l’absence de réflexion sur le passage des prévisions aux actes,

d’une part , et d’autre part, le manque de consistance et de cohérence dans l’articulation entre le plan national et le plan régional. Les plans d’ajustement structurel ainsi que les documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté manquent de perspective de politique de long terme, et sont principalement centrés sur les questions économiques et accessoirement sur des questions sociales de moyen terme.

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La véritable prospective - l’image des futurs possibles - fait défaut. Dialogue, structures ad hoc pluridisciplinaires et participation des populations ne débouchent finalement que sur un recueil de bonnes intentions. Seuls les travaux portant sur l’environnement mondial et commandités (et non réalisés) par Futurs Africains, conduisent à l’exposé de scénarios possibles. La critique formulée à l’encontre du plan de Lagos, c’est-à-dire d’une certaine manière "le manque de pragmatisme", pourrait semble-t-il se retourner contre Futurs Africains. Le programme, ambitieux, n’a finalement pas complètement abouti, même dans les pays qui ont achevé leurs Études Nationales de Perspectives à Long Terme. Finalement, le programme semble achopper sur l’objectif d’efficacité qu’il s’était implicitement fixé. Les conclusions de certaines études prospectives réalisées en Afrique n’ont jamais été

appliquées faute de volonté politique ou d’actions concrètes de la part des responsables concernés. En revanche, certaines études ont connu un début d’application. Parmi les causes générales d’erreurs d’analyse, il faut relever :

la myopie face aux forces de changement et d’inertie, l’effet d’annonce et le mensonge politique, l’insuffisance et la censure de l’information, l’inexactitude des données et l’instabilité des modèles, l’erreur d’interprétation, et les obstacles épistémologiques.

Parmi les causes spécifiques d’erreurs d’analyse figurent :

Une vision parcellaire de la prévision (e.g., en économie où la discipline s’érige en secteur autonome, la prévision économique est coupée de la prévision sociale et politique) ; l’exclusion des variables quantifiables ; des méthodes de prévision qui supposent l’existence de relations stables entre les variables (or les structures ne sont ni constantes, ni statiques) ; l’explication de l’avenir par le seul passé; une modélisation excessive (un modèle, par définition réductionniste, n’est pas la réalité mais un moyen, parmi d’autres, de la regarder), le conformisme des conjoncturistes. S’agissant de l’appui opérationnel aux études nationales ou régionales, on relève

l’insuffisance des capacités. En dehors de la réflexion sur les méthodes à mettre en œuvre pour explorer le futur, adaptées à l’Afrique, menée par Futurs africains, il n’existe pas dans le sous-continent de Centre de recherche s’intéressant à cette question. En matière de formation, l’étude de la prospective ne figure que très rarement dans les programmes des universités africaines. Seuls l’Institute for Futures Research de l’Université de Stellenbosch et The Center for Regional Development (SENRIO) à Potchefstrom ont développé une réelle capacité de formation à la démarche prospective. Tous les deux se trouvent en Afrique du Sud et ciblent en priorité une clientèle sud-africaine, provenant en majeure partie du secteur privé. En dehors de ces deux institutions, au cours de ces dernières années, l’Institut africain pour le Développement Economique et la Planification (IDEP) à Dakar et l’École normale supérieure du Mali ont dispensé des enseignements ponctuels, grâce aux ressources financières et intellectuelles de Futurs africains. Un petit nombre seulement de pays ont conduit leurs études nationales avec leurs propres ressources. Les autres ont dû avoir recours à une assistance technique extérieure. Si les programmes ne sont pas en contradiction avec les propositions contenues dans

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les études de prospectives et si les aspirations du NLTPS ont été prises en considération certaine, le processus d'opérationnalisation ne parvient véritablement pas à y être initié. Au détriment de sa crédibilité et de son potentiel opérationnel, certaines études

prospectives ne prennent pas suffisamment en compte les réalités du pays. Il est perçu plus comme un document politique qu'un outil de planification économique et sociale. Bien qu'ayant le mérite d'avoir déclenché un processus participatif de réflexion sur l'avenir du pays, celui-ci est resté un document sur les aspirations. Les analystes font remarquer que l’une des faiblesses des NLTPS est le manque

d’indicateurs pour mesurer le progrès fait dans la réalisation des buts et objectifs définis. En fait, un seuil de pauvreté devant permettre de mesurer le progrès social réalisé dans le temps n’a jamais été identifié officiellement dans la majorité des cas. Certaines agences gouvernementales sont encore réticentes à publier les données et les indicateurs concernant leurs performances dans la prestation de services. La préparation des NLTPS a éveillé beaucoup d’enthousiasme mais cet enthousiasme a

vite diminué avec le retard mis dans leur publication. En effet, les dirigeants se préoccupaient tout d’abord de résoudre les problèmes urgents de court terme et de consolider leur pouvoir, déconnectant ainsi leur attention des stratégies à long terme. L’appréciation des expériences de pays a fait ressortir un certain nombre de points

significatifs : Il y a un consensus sur le fait que l’exercice NLTPS n’est pas seulement une vision, mais en plus un processus participatif et des produits qui peuvent se résumer en cinq éléments constitutifs : les aspirations nationales ; les études de base (rétrospectives et de situation); les scénarios d'évolution à long terme ; la vision globale synthétique ; les orientations stratégiques globales. L’opérationnalisation consistera à prendre en compte tous ces différents éléments. L'implication dans le processus NLTPS des personnes et des structures ayant en charge l'élaboration des politiques publiques facilite l'appropriation des résultats ainsi que leur opérationnalisation. Cela a été le cas pour le Mali, le Swaziland et la Guinée Bissau. La marginalisation de ces structures dans le processus NLTPS en Ouganda les a amenées à le considérer comme un exercice externe, éloigné de leurs préoccupations. 3.2.2. Au niveau de l’Europe L’évaluation porte sur quelques cas d’études prospectives considérées comme étant les plus significatives quant à la pertinence des démarches méthodologiques adoptées, susceptibles de servir de canevas de réflexion, et ce malgré les différences de situation. Il s’agit en particulier des cas de Luxembourg et France, à travers quelques thèmes d’actualité tels que le développement régional et la gestion des ressources humaines. 3.2.2.1. Prospective et développement régional Méthodologie Véritable projet pilote au niveau de la région wallonne, la démarche " Luxembourg 2010 " ouvre plusieurs axes de réflexions et d’actions : L'’implication des acteurs, réels artisans de Luxembourg 2010

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Il s’agit de créer ou recréer un réseau fort d'acteurs autour du projet. Le 6è principe commun d'action du " Contrat d'Avenir pour la Wallonie " est marqué par un désir d'ouverture et une recherche constante de la participation et de la mobilisation des acteurs du développement. . L'objectif d'un fonctionnement des acteurs en réseaux est ainsi pleinement rencontré. « Luxembourg 2010 » s'inscrit à contre-courant de la plupart des démarches de réflexion stratégique où le travail est confié à un sous-traitant chargé de " livrer " ses conclusions. Car comment mieux s'assurer d'une pleine participation des acteurs à la mise en œuvre d'un projet de territoire qu'en leur faisant élaborer eux-mêmes le projet ? L'identification d'enjeux et projets fédérateurs avant la réalisation d'un diagnostic

La démarche s'écarte ce faisant des méthodologies classiques. Elle prévoit la réalisation d'un diagnostic après l'identification des enjeux et d'une sélection de projets fédérateurs. Elle présente aussi l'avantage d'éviter toute dispersion inutile en centrant ce diagnostic sur des données réellement nécessaires pour concrétiser enjeux et projets. La participation des acteurs et du grand public

La première originalité l'a démontré partiellement : l'accent est volontairement mis sur l'aspect participatif de la méthode. En plus de la présence d'une équipe technique composée d'acteurs locaux, le nombre d'acteurs qui sont impliqués à divers titres est loin d'être négligeable (plus de 270 au total ). Une démarche globale et transversale

" Luxembourg 2010 " se veut une démarche globale et transversale. Elle se centre sur un nombre limité d'enjeux et de projets tout en dépassant l'approche sectorielle classique pour se diriger vers une véritable démarche de société, avec toutes ses composantes. Ce qui ne signifie nullement qu'elle a l'ambition d'être exhaustive. L'ouverture sur l'extérieur

Loin de rester enfermée dans les limites provinciales, « Luxembourg 2010 » s'est engagée dans un projet " d' échanges d'expériences de développement territorial ". En commun, les participants réfléchissent sur les problématiques qui influencent directement leur territoire : le sentiment d'appartenance chez les jeunes, les services publics et les réseaux de communication en milieu rural, l'importance de l'enseignement dans une politique de développement rural. Cette coopération permet de mettre en lumière certains secteurs où des projets communs supplémentaires pourraient être préparés par quelques territoires mais aussi plus largement avec d'autres entités de la Grande Région de façon à accroître les échanges entre les différentes collectivités actives au sein de celle-ci. Une vision partagée

L’objectif est donc de construire un « projet de territoire » au niveau de la province de Luxembourg, constituant une vision du futur à 10 ans, partagée par ses acteurs et les citoyens, et d’exprimer une volonté collective d’y parvenir, fondée sur un système de valeurs partagées et débouchant sur des axes stratégiques majeurs à concrétiser à l’horizon prévu, validés par les acteurs de la société. Les leçons tirées en matière de développement régional L’une des principales leçons qui se dégagent du cas « Luxembourg 2010 » est que la

prospective ne constitue pas un simple jeu de méthodes ou d’outils "prêt à l’emploi" que les planificateurs régionaux et les responsables politiques peuvent prendre et appliquer. Il en va de même de la prospective nationale. Les approches de prospective nationale ne seront certainement pas très utiles si l’on ne

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fait que les transférer à un niveau régional et local. De même, les pratiques qui se sont avérées bonnes dans une région ne se transfèrent pas forcément bien dans une autre. Néanmoins, lorsqu’ils existent, les résultats de prospectives nationales et même internationales (scénarios globaux, tendances lourdes, cartes technologiques et résultats d’enquêtes Delphi), peuvent constituer un atout précieux dans les travaux de prospective régionale. Les méthodes de prospective habituelles (brainstorming, création d’une vision, analyse

de scénarios, méthode Delphi) sont pertinentes au niveau régional mais doivent être adaptées aux problèmes spécifiques des acteurs régionaux. L’idée de produire un guide général des besoins en prospective régionale doit être modulaire et fournir aux responsables politiques et aux chercheurs non seulement des outils, mais aussi et surtout des études de cas et des recommandations détaillées sur la gestion des processus. En fait, le processus de prospective est plus important que le résultat lui-même, et plusieurs voies peuvent être explorées en fonction des caractéristiques nationales et régionales. Dans certaines régions, des activités de planification régionale plus traditionnelles, qui ne contiennent pas certains éléments essentiels de la prospective, ont été resservies, remballées sous le label “prospective”. Il arrive également que la prospective soit perçue comme une activité sans intérêt, étant associée à des considérations quelque peu éloignées et abstraites concernant uniquement les entités nationales et internationales. Par conséquent, l’enjeu dans l’application de la prospective régionale est de montrer ce qu’elle apporte plutôt que ce qu’elle change dans les processus de planification en place (en créant de la valeur et de nouvelles dimensions, en encourageant les actions des acteurs en place, en fournissant des outils et des méthodes permettant d’élargir leur horizon), mais aussi de démontrer la légitimité et l’efficacité des stratégies régionales. Conclusion Étant donné l’importance croissante des régions (en tant qu’échelle de référence pour les entreprises et le développement socio-économique) et des politiques régionales en Europe (comme en Afrique et Madagascar), la situation est propice à la mise en œuvre de la prospective régionale. Néanmoins, il est nécessaire de concevoir et de diffuser une description permettant de concevoir clairement ce qu’elle signifie, comment la mettre en place et ce qu’elle peut apporter en termes de valeur ajoutée. Des actions innovantes avec des outils appropriés devraient être par la suite initiées en vue de mieux cibler les domaines porteurs au niveau de chaque région. Toutefois, le succès de ces instruments dans la mise en place d’une prospective fondée sur un développement régional durable dépend également fortement de la capacité des acteurs régionaux à adopter une vision cohérente et ascendante des besoins et possibilités. Dans tous les cas, une étude attentive des initiatives de prospective régionale s’avère nécessaire pour repérer les bonnes pratiques et les spécificités régionales, et dont les résultats devront être largement diffusés et discutés. 3.2.2.2. Prospective et Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences (GPEC) L'échec de l'insertion de la prospective dans les pratiques de GPEC Alors que la GPEC a pu paraître dans la décennie 80, comme un moyen de réhabiliter le long et le moyen terme dans les décisions de ressources humaines, il semble bien que dans la pratique, cette démarche soit le plus souvent restée une technique. La GPEC n'a pu s'affranchir de la domination des impératifs de la stratégie en matière de ressources humaines qui se traduit par la confusion entre la recherche de la flexibilité et la domination

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des décisions de court terme. C’est probablement pour cette raison que l’on a pu constater une si faible insertion de la prospective et de ses méthodes dans les pratiques de GPEC. Des démarches de GPEC plus réactives que prospectives Les grandes étapes de la gestion prévisionnelle des ressources humaines sont marquées par quatre temps. Durant les années 60, c’était l'entrée de la prévision dans la gestion du personnel grâce au progrès de la recherche opérationnelle et à l'avènement de l'informatique. Il s'agit d'approches purement quantitatives utilisées dans une optique de simulation des effets des politiques de ressources humaines sur les principales variables concernées (la masse salariale, les recrutements, les promotions, etc.) ou dans une perspective d'optimisation, c'est-à-dire de détermination des valeurs optimales de certaines variables (le recrutement, etc.) sous contraintes. Ces modèles ont été, dans les faits, peu utilisés, d'une part en raison de leur complexité et d'autre part, à cause de leur incapacité à intégrer des dimensions qualitatives essentielles comme le climat social ou les évolutions de l'environnement. Dans les années 70, s'est développée la gestion prévisionnelle des carrières qui s'intéressait plus particulièrement aux cadres dans une perspective individuelle. Ces approches ont été délaissées, comme la planification d'entreprise, à la suite du premier choc pétrolier, du fait de leur incapacité à intégrer les incertitudes et les ruptures. Mais dans les années 80, à la fois en raison de la difficulté à gérer les sureffectifs, de la multiplication des plans sociaux et de la prise de conscience de l'intérêt stratégique des ressources humaines, il a été constaté un renouveau de la gestion prévisionnelle qui à l'occasion change de dénomination, le terme d'emploi se substituant à celui d'effectif. La dimension prospective paraît désormais nécessaire. Pourtant, force a été de reconnaître que cet objectif a été rarement atteint, les outils mis en place à cette époque, se sont concentrés sur la description des emplois afin d'évaluer les écarts par rapport aux besoins. Il s'agissait en fait dans la plupart des cas d'élaborer des "cartes des emplois" à partir de la notion d'"emploi type". La démarche restait très globale et quantitative et intégrait peu d'éléments qualitatifs et notamment ceux qui sont relatifs aux aspects dynamiques de la construction des compétences. Les faiblesses de ces démarches, plus statiques que dynamiques, ont eu pour conséquence un certain recul de ces pratiques. De plus, c'est toujours une logique de subordination de la gestion des ressources humaines à la stratégie qui prédomine. Au début des années 90, la gestion prévisionnelle des emplois se voit de plus en plus adjoindre le terme de compétences. Certains interprètent cette évolution de façon positive, la notion de compétence permettant de mettre l'accent sur le contenu des emplois et non plus uniquement sur leur nombre. Pour d'autres, plus sceptiques, les directions des ressources humaines n'ayant pas les moyens de contrôler les évolutions des effectifs, qui sont pour l'essentiel du ressort de la direction générale, se seraient trouvé un nouveau terrain d'action. Les méthodes quant à elles se diversifient comme les pratiques, la GPEC relevant d'un caractère hétérogène. Ainsi, quatre méthodes ont-elles été élaborées: (i) l'approche par le potentiel estimé, (ii) l'approche par les connaissances professionnelles, (iii) l'approche par les savoir-faire opérationnels, et (iv) l'approche par les démarches intellectuelles. Au total, la dimension anticipatrice de la GPEC est reléguée au second plan, c'est le plus souvent l'"employabilité" qui est recherchée, c'est-à-dire l'acquisition de la polyvalence en interne et en externe, le développement de compétences valorisables sur le marché du travail.

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L'approche statique et individuelle, obstacle au développement de l'anticipation sur les métiers Au-delà de la difficulté de la prise en compte par la GPEC des perspectives de long terme, c'est aussi les outils qui ont été développés et les concepts qui les sous-tendent qui sont autant de freins à la mise en place d'approches prospectives. C'est une conception restrictive de la compétence, essentiellement statique, qui fonde le plus souvent ces démarches. C'est principalement cette dernière difficulté de la GPEC à prendre en compte les aspects dynamiques de la construction des compétences au niveau individuel et collectif qui explique le faible développement de l'anticipation sur les métiers. Dans les faits, il semble que l'on en soit resté le plus souvent à une conception statique, où l'on voit plus émerger des organisations qualifiées que qualifiantes, c'est-à-dire caractérisées par le recours accru à des personnels de plus en plus qualifiés, supposés être en mesure de répondre aux évolutions requises. Ainsi, la compétence étant envisagée plutôt de façon statique et individuelle, la coordination entre la dimension individuelle et collective des compétences que l’on retrouve dans la notion de métier pose problème aux entreprises du fait notamment de l'impossibilité de prendre en compte les interactions temporelles entre ces deux aspects. La GPEC s'est ainsi, jusqu'à présent, plus attachée à identifier les compétences nécessaires à l'entreprise à l'instant T qu’à repérer les futurs processus d'acquisition et de développement de ces compétences. C'est finalement tant la vision à court terme, dominante dans les démarches de GPEC, que la conception restrictive de la compétence, plus individuelle que collective et plus statique que dynamique qui explique la difficulté d'insertion de la prospective dans ce type de démarche. Un faible développement de la prospective des métiers et des compétences du fait de l'inadaptation des outils "classiques" Il est à constater, en effet, au travers d'un rapide bilan que même lorsque les entreprises adoptent résolument une démarche de prospective sur les compétences et les métiers, elles butent aussi sur la difficulté à articuler cette réflexion prospective avec les évolutions des processus de gestion correspondants en raison notamment de l'inadaptation à ces problématiques, des outils et démarches utilisés. Une gestion des ressources humaines dominée par le court terme L'évolution de la gestion des ressources humaines, tout au moins en France, est marquée par la domination du court terme depuis la première crise pétrolière à l’exception d’une courte réhabilitation des perspectives de moyen terme à la fin des années 80. De 1975 à 1985, la priorité était donnée à la gestion quantitative de l'emploi, sur la gestion des compétences, dans un contexte de fort renouvellement des qualifications. La période suivante, de 1986 à 1990, caractérisée par l'embellie du marché de l'emploi, fut marquée par l'intégration accrue de la logique de compétences se traduisant notamment par le développement de démarches de Gestion prévisionnelle des emplois et des métiers dans nombre de grands groupes. Mais avec le retournement de conjoncture du début des années 90, il était reconnu que "la Gestion des ressources humaines a dû abandonner, en raison du chômage, sa prétention à construire un "ordre social", pour se réfugier dans la simple gestion à court terme de l'emploi". Les Directeurs de Ressources Humaines, peu impliqués dans la stratégie présente et future de l'entreprise, ont un rôle qui reste centré sur les aspects à court terme et administratifs de leurs métiers.

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Un bilan sommaire des pratiques des entreprises en matière de prospective de gestion de ressources humaines Le bilan présenté ci-dessous n'a pas de portée exhaustive. Il s'agit de constituer une typologie des pratiques de prospective dans ce domaine. Deux grandes catégories d'exercices sont à distinguer: les uns centrés sur des thèmes relevant de la prospective stratégique, et les autres s'attachant, plus spécifiquement, à des sujets de prospective de ressources humaines. Dans le premier cas, de loin le plus courant, la prospective en matière de ressources humaines peut être considérée comme un produit dérivé de la prospective stratégique. Les variables de ressources humaines ne sont intégrées à la réflexion que dans la mesure où elles constituent un des enjeux déterminants pour l'avenir de l'organisation. Le plus souvent, il est constaté que les réflexions de prospective stratégique n'intègrent pas de variables de ressources humaines. Les "retombées" de ces travaux dans le domaine de la Gestion des ressources humaines dépendent principalement du degré d'appropriation de la réflexion. S'il s'agit de démarches participatives, on peut considérer que ceux qui exercent la fonction ressources humaines (Directeurs des ressources humaines et responsables opérationnels), ayant participé à l'exercice, peuvent mener une réflexion sur les conséquences des grandes évolutions futures repérées sur la Gestion des ressources humaines, de façon plus ou moins formelle et plus ou moins explicite dans ce domaine. Le second cas est celui de réflexions dont l'objet principal est la gestion des ressources humaines. Ils ne sont pas tous initiés par les Directions de Ressources humaines. Une part significative de ces travaux relèvent des Directions Générales. Il s'agit d'ailleurs d'une catégorie intermédiaire, entre prospective stratégique et prospective des ressources humaines. Elle comporte principalement deux thèmes : la gestion des "hauts potentiels" et celle des "métiers sensibles". La gestion des hauts potentiels a tendance à être considérée comme appartenant à la sphère stratégique, car porteuse d'irréversibilité. La gestion des métiers sensibles a connu de nouveaux développements ces dernières années avec la diffusion du modèle stratégique centré sur les compétences. Il s'agit de rechercher une cohérence entre les compétences stratégiques futures nécessaires au développement de l'entreprise et les compétences actuelles et à venir des ressources humaines. L'autre type de travaux de prospective et de gestion des ressources humaines concerne des réflexions portant sur des populations plus larges. Dans ce cas, ceux-ci ont tendance à être initiés par les Directions de Ressources Humaines. C'est dans cette catégorie d'exercice que se situe la Prospective Métier. Dans ce contexte, les évolutions à venir des métiers de l'entreprise, dépendent, pour une grande part, de sa stratégie future et cette dernière n'est pas forcément définie, ce qui rend ces exercices périlleux. De l'inadaptation des outils de la prospective stratégique au champ de la prospective métier Mais même lorsque la prospective des ressources humaines s'intègre à une réflexion de prospective stratégique, les difficultés restent entières. Si ce type de travaux est tout à fait en mesure de permettre l'identification des compétences futures nécessaires, au travers des méthodologies classiques de "l'école française de prospective", notamment, ils ne contiennent que rarement des indications sur les trajectoires qui permettront d'atteindre ces objectifs. Pourtant en matière de scénarios, si l'image finale, la description d'une réalité future est essentielle, souvent le cheminement l'est plus encore.

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IV. RECOMMANDATIONS 4.1. Leçons à tirer Les difficultés inhérentes aux études prospectives Les politiques publiques sont souvent décalées par rapport aux enjeux réels, et les temps

d’élaboration des politiques publiques sont hors d’échelles par rapport aux exigences de réactivité des systèmes publics. Les enseignements de la rétro-prospective : la rétro-prospective souligne que les

prévisionnistes ou les futurologues se sont trompés et ont souvent oublié l’essentiel. Les évolutions passées de l’Afrique ont été très contrastées et peu conformes aux potentialités existantes ou aux attentes lors des indépendances. Les pays à fort potentiel tels l’Ouganda, Madagascar ou la Guinée ont régressé économiquement ; à l’opposé, des pays mal dotés tels la Côte d’Ivoire ou instables comme le Cameroun, ont connu une croissance rapide et un respect des grands équilibres du moins jusqu’au début des années quatre-vingt. Dans les années soixante, les pays d’Asie supposés à vocation agricole devaient asseoir

prioritairement leur autosuffisance rizicole. Des prévisions faites en 1960 pour 1976 ne pouvaient intégrer la montée des nouveaux pays industriels, l’économie d’endettement ou la montée en puissance des pays pétroliers. La crise des années 70 affectant l’économie mondiale suscitera un regain d’intérêt pour les travaux de prospective; les ruptures induites par la crise justifiant la nécessité d’explorer des trajectoires alternatives à long terme. En matière de formation, l’étude de la prospective n’est pas encore universellement

reconnue dans les programmes des universités africaines. Il existe donc un besoin réel de renforcement des capacités dans ce domaine si l’on veut que la culture de la réflexion prospective à des fins de gestion du développement prenne racine en Afrique. Si l’opérationnalisation apparaît bien amorcée, la principale difficulté pourrait provenir de

la revue des projets et programmes pour assurer leur cohérence avec les orientations stratégiques de l’exercice NLTPS. En effet eu égard à la multiplicité des projets et programmes et des méthodologies diverses utilisées pour le montage des projets et programmes, une mise en cohérence aussi bien au niveau sectoriel qu'au niveau spatial s'avère nécessaire pour l'élaboration du cadre de référence à moyen terme. Par ailleurs, la faible capacité des structures techniques pourrait aussi constituer un handicap sérieux à l'opérationnalisation. La méthode « fil d’Ariane » se situe volontairement dans le très long terme et adopte une

représentation partielle, voire partiale. La représentation du futur est déterministe. L’incertitude et le rôle des acteurs sont limités.

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4. 2. Recommandations Les recommandations tirées des principaux travaux de prospective réalisés et ayant pu être recensés dans le cadre de cette étude, sont présentées ci-après. 4.2.1. Au niveau des principes directeurs Les principes directeurs des études prospectives nationales à long terme devraient avoir comme base : Le réalisme et le pragmatisme Les études centrées sur le quotidien de la population (énergie, éducation, santé, sécurité,

logements sociaux, emploi,…) Un solide engagement de l’Etat La transparence et la responsabilité L’implication de toutes les parties prenantes, en particulier, les pouvoirs publics, la société

civile et le secteur privé, à toutes les phases. 4.2.2. Sur le plan institutionnel Le pays devrait identifier et renforcer des dispositions institutionnelles et durables permettant de soutenir le processus de mise en place effective du réseau national de NLTPS. Cela devrait inclure des comités de coordination, des structures de ressources et de secrétariat qui impliqueraient toutes les parties prenantes dans ce processus, notamment : le secteur privé, les organisations non-gouvernementales, les associations locales, les organisations professionnelles, les groupes d’intérêts et la communauté universitaire. Ce nouveau cadre institutionnel devrait:

maintenir l’intérêt du pays pour les réflexions prospectives et conduire des travaux à portée nationale, régionale et locale ;

être accessible et utile aux décideurs politiques qui souhaitent opérationnaliser les études prospectives nationales ; avoir une ouverture sur le monde extérieur et tisser des liens étroits avec les structures régionales comme l’Union Africaine, le COMESA, le SADC, la COI, la BAD, la CEA et des initiatives telles que NEPAD.

L’ancrage autour des institutions existantes pourrait être retenu comme principe. Toutefois, il devrait être recherché la mise en place d’un cadre institutionnel souple et flexible ayant un pouvoir d’animation et de décision important et ouvert aux partenaires de développement. Un tel cadre serait de nature à assurer la participation et la concertation entre les différentes parties prenantes et à faciliter la prise de décision. Dans tous les cas, l’objectif reste le renforcement des capacités nationales (secteur public, secteur privé, société civile). Un moyen de répondre à cet objectif est la mise en place d’un partenariat où toutes les parties prenantes seraient à la fois fournisseurs et bénéficiaires d’appui. Ce partenariat pourrait se réaliser à travers la constitution d’un réseau dont la conception reste à définir et les modalités à cerner compte de l’évolution du contexte. En effet, il ne saurait y avoir a priori de schéma type à suivre en la matière. Ce réseau pourrait s’articuler autour des échanges d’information, d’expérience, de connaissances et de savoir-faire dans les domaines de l'opérationnalisation des études de développement. A cet égard, la nécessité de faire le point sur les études existantes et d’en capitaliser les résultats est d’une grande importance dans le processus de réhabilitation du réseau national de NLTPS à Madagascar.

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4.2.3. Sur le plan stratégique (articulation entre court et long termes) La préparation d’un plan stratégique de moyen terme pour assurer le lien entre les NLTPS et les programmes d’action à court terme qui servirait à la fois de cadre de cohérence pour les politiques sectorielles et thématiques, et de lien entre la vision nationale et la programmation des actions, s’avère aussi importante. Il sera le support d'une présentation globale et exhaustive des objectifs et stratégies définis pour chacun des principaux domaines de la vie économique et sociale du pays. Sa préparation devra fournir l'occasion d'harmoniser les objectifs et stratégies nationaux ainsi que les politiques globales macro-économiques, sectorielles ou thématiques contenues dans plusieurs documents épars (DSRP, PGE, Vision Madagascar Naturellement, etc.) en leur donnant un horizon temporel identique et un cadre plus consistant ; Les spécificités du contexte national militent en faveur d’une approche plus différenciée et spécifique de la prospective répudiant toute solution de facilité consistant en l’application sans discernement de méthodes prétendument universelles ; L’analyse prospective doit être globale, à la fois géopolitique, macro-économique et sectorielle (politique énergique, emploi, agriculture, éducation, formation professionnelle, logements sociaux et habitat, etc.); elle suppose des cadres de cohérence dont la fonction est moins de quantifier les trajectoires futures que de mettre en évidence les contraintes et les risques de rupture ; Il est nécessaire d’inscrire les pratiques quotidiennes de gouvernance "dans des perspectives de long terme, en les articulant aux exigences d’un avenir marqué par des changements rapides et une incertitude croissante". Ainsi, les grands équilibres macro-économiques ne suffisent pas à garantir un développement rapide et durable. D’autres facteurs sont à prendre en compte, en particulier : la formation du capital humain, la bonne gouvernance, et la coopération régionale et internationale. De plus, "toute stratégie est un acte de volonté plutôt qu’un acte technique" ; L’étude de WALTPS présentée précédemment a dégagé un certain nombre de recommandations et orientations stratégiques en direction des gouvernements ouest-africains et des agences d’aide. Parmi ces recommandations, on peut en retenir quelques-unes qui pourraient servir de repères au réseau national de NLTPS à Madagascar: le renforcement des capacités d’institutions indépendantes d’information et d’analyse

économique, démographique et sociale, capables de conseiller efficacement le gouvernement (cf. INSTAT, CNFTP, Conseil pour la Sauvegarde de l’ Intégrité, etc.); au plan des politiques économiques, une meilleure prise en compte du processus de

décentralisation et de déconcentration; la définition d’une stratégie de conquête des marchés régionaux (COMESA, SADC,); la nécessité de consentir des efforts très importants pour la formation, facteur de

développement et d’intégration sociale ; et la nécessité d’une réflexion sur la mobilisation d’importantes ressources financières dont

aura besoin le gouvernement au cours des prochaines décennies.

Les études prospectives devraient accorder plus d’attention aux phénomènes démographiques et aux dynamiques induits par le développement urbain en vue de fournir, d’une part, des réponses adéquates aux nombreux problèmes touchant l’avenir de la population de Madagascar et, d’autre part, d’apporter une contribution à l’émergence de dynamiques endogènes, c’est-à-dire d’un développement qui partirait de l’intérieur même du pays. En dépit de l’exacerbation de la contrainte financière du pays (plafonnement de

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l’investissement public, et nécessité de recourir aux IDE), celle-ci semble occultée dans les études prospectives effectuées jusqu’à présent. Or, si le problème de la dette de Madagascar peut être résolu à moyen terme (cf. récentes mesures d’annulation de la dette par divers bailleurs de fonds), celui du financement de son développement ne le sera sans doute pas. L’expérience du financement extérieur soulève de nombreuses questions relatives à l’absorption du capital (le volume optimal de ce financement et les procédures de son octroi) et à l’impact réel des opérations de restructuration de la dette réalisées jusqu’ici (cf. IPPTE et Initiative d’ Allègement des Dettes Multilatérales_IADM). Ces questions sont importantes pour la prospective malgache. Un plaidoyer permanent pour les études prospectives : un tel plaidoyer, appuyé par des exemples concrets de pratiques qui se sont avérées avoir des résultats positifs, est nécessaire pour répandre une nouvelle manière de penser le futur parmi les acteurs de la vie nationale et leurs partenaires. À titre d’exemple, il pourrait être envisagé de faire du réseau national de NLTPS une plate-forme qui évaluera les divers efforts réalisés pour la promotion des exercices de prospective à Madagascar. Le plaidoyer comporte des éléments de contenu et des éléments de stratégie. En termes de contenu, des messages ciblés devraient être développés sur l’exigence de gérer le développement dans une perspective de long terme. Au plan de la stratégie, il faudrait utiliser toutes les opportunités pour développer le plaidoyer et tirer ainsi parti des revues de programmes, des divers ateliers et séminaires, des rencontres au sommet. Il convient également de développer des campagnes au niveau national sur l’utilité de la démarche NLTPS, ses méthodes et ses résultats et sur l’importance des études prospectives dans la gestion du développement. Se doter des capacités nécessaires pour bien conduire des études prospectives, à savoir le renforcement des capacités de conduite d’études prospectives et de formulation de politiques basées sur l’exploration systématique des futurs possibles, et visant à repérer les bonnes pratiques et les spécificités régionales, et les résultats devront être largement diffusés et discutés. Développer un programme de dissémination et de communication des résultats d’études prospectives, surtout à l’intention des responsables du Gouvernement ainsi que du secteur privé et des organisations de la société civile. En effet, il est d’une grande importance que les études soient portées à la connaissance du plus grand nombre et il faut donner ainsi l'occasion à tous les principaux acteurs de prendre connaissance des études prospectives. Un effort particulier d'information et d'implication doit être fait à destination de ceux qui ont à charge l'élaboration des politiques et stratégies de développement. L’administration doit être mieux impliquée dans les NLTPS, tout comme les bailleurs de fonds doivent l’être dès le début du processus. Les NLTPS sont un cadre de dialogue national sur les principaux objectifs et options de développement. Elles doivent être également un cadre de concertation avec les bailleurs sur les stratégies de développement. Cette double concertation aura le mérite de faciliter le financement et l’application des actions de développement. L’intégration régionale constitue un impératif dans le développement national. Ce besoin, historique, d’intégration régionale répond en outre à la nécessité de rentabiliser les équipements, les infrastructures, d’accroître la taille des marchés, pour stimuler la croissance. De plus, face au défi de la mondialisation, Madagascar ne doit pas laisser s’aggraver son insularité. Toutefois, s’il est reconnu que l’intégration régionale est nécessaire, de véritables stratégies de développement à long terme devraient être mises au

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point pour en capitaliser les retombées positives virtuelles et en réduire les effets pervers potentiels. 4.2.4. Sur le plan méthodologique (approche participative et holistique) Le processus participatif apparaît comme l'une des pierres d'achoppement, aussi bien lors des discussions sur les conditions cadres d'un exercice NLTPS que lors de la conduite des études. Il faudrait penser à un processus participatif qui s'organise autour de deux pôles. Le premier pôle serait constitué d'un nombre restreint de personnes : décideurs, aides à la décision, leaders d'opinion, promoteurs de sensibilisation. Le second pôle, plus large, concernerait le reste de la population, par un processus d'information pour le grand public. Les Régions et les Communes doivent se prendre en charge, sans attendre une hypothétique assistance par le niveau central. Et puisque les enjeux de la régionalisation touchent directement les collectivités territoriales, elles sont amenées à se doter d’outils nouveaux, notamment des outils de la réflexion prospective et de l’action stratégique pour rendre plus efficaces les plans régionaux de développement (PRD) et les plans communaux de développement (PCD). La question de l’organisation en prospective est importante, car la prospective n’est pas une activité que l’on réalise en « salon » ou sur un coin de table. C’est une activité collective, pas toujours publique, du moins dans ses prémices, mais qui demande des moyens, la mise en place d’un dispositif, plus ou moins sophistiqué, mais réel. Par ailleurs, en matière d’exercice NLTPS, sans motivation des acteurs, il y a peu de chance que l’on débouche sur une sorte de « prise en considération » de la démarche de prospective . Le cadre méthodologique qui était proposé pour les études prospectives à Madagascar devrait être amélioré notamment en essayant d’ajouter à une approche jusqu’à présent très qualitative des outils plus quantitatifs. Des formations devraient être envisagées sous différentes formes : Des ateliers régionaux ou nationaux de courte durée sur la façon de mener une réflexion

prospective et sur la gestion stratégique du développement ; Des formations à la carte de très courte durée pour des décideurs politiques et leurs

conseillers ; et Des formations spécifiques destinées aux responsables des collectivités territoriales.

Dans tous les cas, la production et la diffusion d’un guide pour les études prospectives sont indispensables. 4.2.5. Au niveau de l’opérationnalisation Les orientations de politique issues de l’exercice NLTPS doivent être traduites en stratégies opérationnelles, mais le passage à l’opérationnalisation n’est ni automatique ni linéaire. Il demande des préalables. Il commande de trouver des solutions à des problèmes qui sont de deux ordres : politiques et institutionnelles, et techniques. Il appelle notamment la définition d'objectifs quantifiables pouvant faire l'objet de programmation d'action ainsi que de la mise en place d'indicateurs de suivi de mise en oeuvre et d'évaluation des résultats. A partir des évaluations des efforts d'opérationnalisation, un certain nombre de recommandations sont présentées ci-après: Pour passer des formes diffuses à des processus plus structurés et plus systématiques

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d'opérationnalisation, il sera nécessaire de développer des stratégies et actions auprès des partenaires au développement. Le manque d'information et la faible prise en compte des préoccupations de certaines agences de développement pourraient considérablement limiter les possibilités d'opérationnalisation des NLTPS. Il faudra développer un plaidoyer auprès des décideurs politiques parce que

l'opérationnalisation n’est pas seulement un exercice technique mais revêt également un caractère politique. Elle est largement tributaire des dispositions manifestées par les pouvoirs politiques. La différence de perception entre les décideurs et l'équipe nationale dans certains pays, la réaction négative de certains décideurs focalisés sur des échéances à court terme (électorales) interprétant les résultats de l'exercice comme un jugement de leur action ont amoindri les possibilités d'opérationnalisation des NLTPS. Au plan des méthodes et des outils, un certain nombre d’outils d'analyse, de prévision et

de projection sont disponibles (matrice de comptabilité sociale, modèle d’équilibre général calculable, budgétisation par objectif, etc.) comme pouvant être utilisés dans le processus d’opérationnalisation des NLTPS. Toutefois, la question des outils mérite d’être revue à la lumière de l’adéquation aux objectifs poursuivis par l’opérationnalisation. L’élaboration des modules sur l’opérationnalisation des visions à long terme pour assurer

un continuum études prospectives - formulation de stratégies et politiques - mise en œuvre des programmes est nécessaire. Ce qu’il faut retenir à ce niveau est que ce qui change c’est moins les outils utilisés antérieurement dans la planification que l’esprit dans lequel ils doivent être employés dans cette nouvelle approche de planification stratégique. Des éléments sur l’organisation et les appuis requis par l’opérationnalisation sont proposés ci-après : Pour le cadre stratégique national Au niveau des processus, la volonté de promouvoir une concertation entre divers acteurs

de développement aussi bien au niveau national qu'au niveau international pour valoriser les NLTPS et constituer une plate-forme pour élaborer le cadre stratégique est requise. Au niveau des produits :

Elaborer un document de politiques économiques et sociales de long terme appelé à être opérationnalisé;

Développer un programme de formation dans le domaine de l’analyse, de la formulation et de la gestion des politiques de développement. S’il y a accord pour l'utilisation d'un cadre stratégique national comme moyen d’opérationnaliser les NLTPS, plusieurs modalités pour y parvenir doivent être conçues. Les deux principales propositions sont :

Préparer à partir des divers produits du NLTPS, un plan stratégique de moyen terme; et Utiliser les documents de politiques comme un véhicule d’opérationnalisation des

NLTPS, et plus particulièrement le Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP), et le MAP (Madagascar Action Plan). Parmi les six pays retenus comme des pays pilotes, le Mali s'est engagé dans la seconde option, en considérant le cadre de stratégies de lutte contre la pauvreté comme le cadre par excellence d'opérationnalisation de son NLTPS. La Guinée-Bissau et le Swaziland travaillent

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à la préparation d'un plan stratégique de moyen terme. La Côte d'ivoire et le Bénin n'ont encore, au stade actuel de leurs travaux, retenu aucune des deux options. Quelle que soit l’option retenue et quel que soit le schéma technique élaboré, les exigences à respecter sont :

Tenir compte des programmes en cours de réalisation ou de préparation; et

Considérer l’horizon temporel que requiert un cadre stratégique de moyen terme, qui tire les objectifs des NLTPS.

Au niveau politique, institutionnel et technique, l’analyse des pratiques et réflexions prospectives recensées a conduit à la formulation des recommandations ci-après :

Le renforcement du dispositif de conduite des NLTPS (poursuite du renforcement méthodologique, développement des outils d’analyse, de prévision et de prospective); Le développement des méthodes et techniques de participation ; La constitution d'un groupe/d'une force de propositions pour un changement dans la démarche de la gestion du développement; et Le renforcement des fonctions de la gestion du développement et de la planification stratégique au sein des institutions nationales.

4.2.6. Au niveau de la préparation des NLTPS Pour être plus efficace, la préparation des NLTPS devrait tenir compte d’un certain nombre de préalables méthodologiques dont notamment les suivants :

La préparation des NLTPS devrait être menée sur la base de la culture nationale ; La préparation d’une stratégie à long terme holistique et participative est indispensable pour identifier les intérêts mutuels qu’ont les différentes parties prenantes et mobiliser de larges segments de la population autour du NLTPS.

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CONCLUSION GENERALE

A l’instar de nombreux pays africains, Madagascar est aujourd’hui confronté à de multiples défis : ceux imposés sur le plan interne par l’ampleur des tâches à accomplir pour un développement rapide et durable devant mener à terme à la réduction significative de la pauvreté, et ceux sur le plan international, découlant des grands changements qui affectent notamment les règles du jeu économique et commercial mondial. Dans un tel environnement exposé à de profondes mutations, le futur est plus que jamais chargé d’incertitudes et, en dépit des progrès accomplis dans la construction de capacités nationales, beaucoup reste à faire. Le pays a, en effet, à résoudre des problèmes plurisectoriels tels que l’énergie, l’éducation, l’emploi, le logement, l’insécurité aussi bien en milieu urbain qu’en milieu rural, la santé, l’agriculture, l’urbanisme, la décentralisation effective, pour ne citer que les plus urgents. Les enjeux sont vitaux pour l’Etat et rendent nécessaire la concertation entre divers acteurs de développement aussi bien au niveau national qu'au niveau international pour valoriser les ENPLT et constituer une plate-forme pour élaborer le cadre stratégique. En définitive, L’actualisation des études prospectives antérieures est nécessaire car elles doivent

intégrer les changements internes et externes intervenus entre-temps; Un renforcement des capacités dans le domaine des études prospectives est d’une

grande importance si l’on veut que la culture de la réflexion prospective à des fins de gestion du développement prenne racine à Madagascar. Les propositions telles que l’aptitude à saisir les enjeux, l’aptitude à engager des

processus décisionnels, l’identification d'enjeux et projets fédérateurs avant la réalisation d'un diagnostic, l’ouverture sur l'extérieur, et une vision partagée sont indispensables pour mener efficacement les études prospectives.. La collecte et l’analyse d’informations sur la situation de Madagascar et les forces qui le

feront évoluer demain doivent être régulièrement mises à jour. Une telle action devrait intéresser de nombreux groupes : le gouvernement, les partenaires techniques et financiers, les groupements professionnels, les organisations de la société civile, les organisations non-gouvernementales de développement, les milieux d’affaires (nationaux et étrangers). Tous ces acteurs et partenaires du développement de Madagascar peuvent tirer avantage d’une plus grande interaction sur des questions prospectives. Cela suppose qu’il existe un réseau actif capable de suivre toutes les initiatives à

caractère prospectif, d’en tirer les leçons et d’être le dépositaire de connaissances sur les travaux prospectifs. La création d’un réseau des centres d’excellence qui comprend des institutions d’enseignement supérieur et de recherche est indispensable. Il est donc nécessaire de lui donner vie et de le faire évoluer pour en faire le réseau d’information stratégique dont a besoin le pays. Tout ceci implique, en particulier, les axes d’intervention suivants : Articulation entre réflexion prospective et action stratégique ; Inscription de la réflexion sur l'opérationnalisation dans un processus d'apprentissage,

parce qu'il n'y a pas une solution définitive, satisfaisante et généralisable à tous les pays ; Fonctionnement du processus d’apprentissage sur le mode de réseau au niveau national; Développement d’un plaidoyer auprès des décideurs politiques car l'opérationnalisation

n’est pas seulement un exercice technique mais revêt également un caractère politique ; Recherche d’une mise en place d’un cadre institutionnel souple et flexible ayant un

pouvoir d’animation et de décision important et ouvert aux partenaires de développement

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afin d’assurer la participation et la concertation entre différentes parties et de faciliter la prise de décision ; Au plan méthodologique, formulation d’objectifs à moyen terme à partir de la vision

nationale, quantifiés et vérifiables en vue de s'assurer du degré de consistance des orientations stratégiques proposées dans les ENLPT par rapport à la réalité (forces, faiblesses, opportunités, menaces) et de vérifier que la vision et les stratégies subséquentes traitent des composantes essentielles du développement ; Analyse de l’adéquation (concordances ou discordances) des politiques, objectifs et

programmes en cours par rapport aux objectifs à long terme de la vision. Dans la pratique les stratégies opérationnelles et les programmes ne peuvent être déclinées dans un processus linéaire, "top-down", uniquement à partir des orientations stratégiques de l'ENPLT. Il faudrait procéder dans un mouvement à double sens pour confronter les ENPLT avec les programmes en cours qui également façonnent l'évolution du pays ; et Utilisation des outils d’analyse, de prévision et de projection dans le processus

d’opérationalisation des ENPLT, et révision de ces outils en rapport aux objectifs poursuivis par l’opérationnalisation.

Les modèles des ENPLT recueillis à travers cette étude ne sauraient prétendre traiter tous les thèmes relatifs aux problèmes de développement du pays, loin s’en faut. Seuls quelques thèmes ont été analysés. Aussi, des études ou analyses plus ciblées et plus détaillées seront-elles nécessaires pour approfondir davantage les problèmes sectoriels cruciaux auxquels le pays fait face actuellement (e.g., politique énergétique, politique d’investissement, amélioration de l’environnement des affaires, mesure des implications de l’e-gouvernance sur la gestion publique, etc.).

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