Upload
others
View
2
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
RÔLE DES CROYANCES A PRIORI ET DE LA
CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE DANS UNE TÂCHE DE
RAISONNEMENT CAUSAL
Thèse
Sébastien Walsh
Doctorat en psychologie - profil recherche et intervention
Philosophiæ Doctor (Ph.D.)
QUÉBEC, CANADA
© Sébastien Walsh, 2013
III
Résumé
Afin de s'adapter au monde qui l’entoure, l’humain doit comprendre les relations de
causes à effet présentes dans son environnement. Bien que des auteurs aient tenté
d'expliquer théoriquement cette habileté, plusieurs questions subsistent quant au rôle des
nombreux facteurs impliqués dans ce type de raisonnement. Cette thèse explore le rôle et
l’interaction de deux facteurs peu étudiés ensemble dans la littérature, soit les croyances a
priori et la contiguïté temporelle de la cause et l’effet. Notamment, les résultats obtenus par
plusieurs études ne confirment pas systématiquement une proposition populaire dans la
littérature pour décrire l'interaction entre ces facteurs, à savoir que les gens devraient
percevoir des liens de causalité plus forts lorsque le délai observé entre des évènements
concorde avec le délai attendu entre ceux-ci. La présente thèse postule que cette
proposition est probablement valide, mais nécessite des ajustements méthodologiques afin
d'être confirmée empiriquement. Ainsi, les participants de cette thèse ont été invités à
évaluer un lien causal potentiel entre des évènements à partir de données présentées sous
une forme novatrice, soit les tableaux-synthèses. Les tableaux indiquent le degré
d'association et la contiguïté temporelle des évènements à évaluer. De plus, les attentes des
participants sont manipulées grâce à des scénarios présentés au début de l'expérience.
L’Expérience 1 montre que, en l’absence de toute suggestion a priori, la force du lien
causal perçue entre la cause et l’effet par les participants diminue lorsque la durée du délai
entre cause et effet augmente. Toutefois, cet effet est contrecarré lorsque la présence d'un
délai entre la cause et l'effet est suggérée a priori. L’Expérience 2 teste l’effet de la
concordance de la durée du délai suggérée et de la durée du délai présente dans les données.
Les résultats montrent que la force causale perçue par les participants est plus élevée
lorsque les durées des délais suggérées et observées sont semblables, alors que la force
causale perçue est plus faible si les durées sont différentes. Les implications théoriques et
pratiques de ces résultats sont abordées en lien avec un modèle d’architecture cognitive
récent du raisonnement causal.
V
Abstract
To understand the world he is living in, a human being needs to understand the
causal relations that are present in his environment. Even though some researchers recently
tried to describe and modelize this ability, the role of the numerous factors implied in this
kind of reasoning has yet to be defined more thoroughly. Thus, this thesis aims to explore
the interaction between two factors that are not generally studied together, i.e. time
contiguity between a cause and its effect and someone’s a priori beliefs. Notably, it is
commonly believed that someone should perceive a stronger causal link between a cause
and an effect when the time lap between the events is in accordance with his expectations.
Unfortunately, results from the literature fail to systematically confirm such a claim. This
thesis asserts that this proposition would be empirically confirmed, given that a new
methodology is used to test it. Consequently, participants in the present study were asked
to judge the strength of a potential causal link between the use of an insecticide and the
change of color of the leaves of palm trees. The presentation of information at the
beginning of the experience was used to manipulate participant's expectations. The
information to be evaluated was presented in a table format. These tables illustrate how
many trees, vaporized or not with the insecticide, underwent a change of color in the 5 days
following the vaporization. The tables also indicate at what moment, for each affected trees,
the change occurred. Experiment 1 shows that, when no expectations are suggested to
participants, the strength of the perceived causal link between two events decreases when
the time lap between these events increases. However, this phenomenon does not occur if
the presence of a delay is suggested at the beginning. Experiment 2 explores all the
possible interactions between time contiguity of the events and a priori expectations. It
reveals that the perceived strength of the causal link is systematically stronger when the
observed time lap between the events is in accordance with someone’s expectation about
this time lap, as opposed to non-accordant time laps. These results are discussed in the
light of a recent architectural model of causal reasoning.
VII
Remerciements
J'adresserai des remerciements simples et courts, mais sincères. D'abord, merci à mon
directeur initial de thèse, Stéphan Desrochers. Malgré un départ inattendu, tu m'as accueilli
depuis le baccalauréat, donnant généreusement de ton temps pour m'enseigner l'art de la
recherche. Ton encadrement m'aura permis de grandir dans ce domaine et de réaliser la
présente thèse.
Ensuite, un merci spécial à Claudette Fortin et Sébastien Tremblay, qui ont pris la relève
dans le rôle de directeur de thèse. Vous m'avez offert votre temps, vos conseils et votre
support en tout temps. Vos compétences professionnelles et votre bienveillance m'auront
permis d'atteindre mes objectifs et de vivre la fin de ce long projet de façon positive. Je
n'aurais pas pu tomber sur une meilleure famille d'accueil et je vous en remercie encore.
Aussi, merci à mon ami et collègue Michel Sacy, avec qui j'ai partagé les joies et les
épreuves qui font partie de cette expérience. Après 8 ans d'étude ensemble, c'est encore un
plaisir de travailler avec toi et je souhaite longue vie à notre amitié.
Merci à Yves, Priscille, Marc-André, Alexandre, Marie-Julie, Jean-Christophe, Paul,
Simon, André-Anne, Amélie et mes autres amis, de m'avoir témoigné support et
acceptation au cours de ces années. Malgré que mes études furent une longue épopée et
que mon choix de carrière semblait plutôt abstrait au départ, vous avez tous, par votre
présence, contribué à ce que la réalisation de mon doctorat soit plus agréable. Partager ma
vie avec vous lui donne un sens et me pousse à vouloir en faire quelque chose de
constructif. Au plaisir de vous côtoyer encore longtemps.
Enfin, on ne se félicite soi-même que trop rarement. J'aimerais donc m'adresser toutes mes
félicitations pour mes efforts soutenus et mon accomplissement. C'est une grande étape
que je complète avec bonheur et fierté.
IX
Nous réalisons que ce que nous accomplissons n'est qu'une goutte dans l'océan.
Mais si cette goutte n'existait pas dans l'océan, elle manquerait.
- Anjezë Gonxhe Bojaxhiu (Mère Teresa)
Chacun a raison de son propre point de vue, mais il n'est pas impossible que
tout le monde ait tort.
- Mohandas Karamchand Gandhi
XI
Table des matières
RÉSUMÉ .................................................................................................................................. III ABSTRACT ................................................................................................................................. V REMERCIEMENTS .................................................................................................................... VII TABLE DES MATIÈRES ............................................................................................................... XI LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES DANS LE TEXTE .................................................................... XIII CHAPITRE 1 ............................................................................................................................... 1
LES PRINCIPALES PROPOSITIONS THÉORIQUES ............................................................................................................ 3 LES MODÈLES CONTEMPORAINS DU RAISONNEMENT CAUSAL ........................................................................................ 6 UNE INTERACTION PEU ÉTUDIÉE : LES CONNAISSANCES A PRIORI ET LA CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE ....................................... 15 ORIGINALITÉS ET OBJECTIFS DE LA THÈSE................................................................................................................ 24
CHAPITRE 2 ............................................................................................................................. 35
HYPOTHÈSES .................................................................................................................................................... 36 MÉTHODE ....................................................................................................................................................... 38 ANALYSES ET RÉSULTATS DE L’EXPÉRIENCE 1 ........................................................................................................... 42 DISCUSSION DES RÉSULTATS DE L’EXPÉRIENCE 1 ...................................................................................................... 45
CHAPITRE 3 ............................................................................................................................. 51
HYPOTHÈSES .................................................................................................................................................... 55 MÉTHODE ....................................................................................................................................................... 57 ANALYSES ET RÉSULTATS DE L’EXPÉRIENCE 2 .......................................................................................................... 58 DISCUSSION DES RÉSULTATS DE L’EXPÉRIENCE 2 ...................................................................................................... 65
CHAPITRE 4 ............................................................................................................................. 71
DISCUSSION GÉNÉRALE ....................................................................................................................................... 71 UN PREMIER EFFET : L'EFFET DIRECT DE LA CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE ........................................................................... 74 UN DEUXIÈME EFFET : INTERACTION DE LA CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE ET DES CROYANCES A PRIORI ..................................... 79 UN TROISIÈME EFFET : EFFET DES CROYANCES A PRIORI SUR LA SÉLECTION ET LA REPRÉSENTATION DE L'INFORMATION ÉVALUÉE
..................................................................................................................................................................... 84 AU-DELÀ DE L'EFFET DE LA CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE : LE RÔLE DU TYPE D'INFORMATION ET LA MANIPULATION DES CROYANCES
A PRIORI .......................................................................................................................................................... 86 LE RÔLE DU DEGRÉ D'ASSOCIATION ....................................................................................................................... 93 CONTRIBUTIONS THÉORIQUES .............................................................................................................................. 93 CONTRIBUTIONS PRATIQUES .............................................................................................................................. 106 LIMITES ET ÉTUDES FUTURES .............................................................................................................................. 114 CONCLUSION .................................................................................................................................................. 124
RÉFÉRENCES ......................................................................................................................... 127
XII
ANNEXE 1 .............................................................................................................................. 137 INSTRUCTIONS GÉNÉRALES POUR LES PARTICIPANTS DE L’EXPÉRIENCE 1 ET 2 ........................ 137 ANNEXE 2 .............................................................................................................................. 141 SCÉNARIOS DE DESCRIPTION DES INSECTICIDES PRÉSENTÉS AUX PARTICIPANTS ..................... 141 ANNEXE 3 .............................................................................................................................. 145 DEGRÉ D’ASSOCIATION ET DEGRÉ DE CONTIGUÏTÉ TEMPORELLE RETENUS POUR CHAQUE MATRICE DE L'EXPÉRIENCE 1 ET DE L’EXPÉRIENCE 2 ................................................................ 145 ANNEXE 4 .............................................................................................................................. 147 TABLEAUX ET GRAPHIQUES DES RÉSULTATS DE L’ANOVA SUR LES COTES FOURNIES À L’EXPÉRIENCE 1 ..................................................................................................................... 147 ANNEXE 5 .............................................................................................................................. 149 TABLEAUX ET GRAPHIQUES DES RÉSULTATS DE L’ANOVA SUR LES COTES FOURNIES À L’EXPÉRIENCE 2 ..................................................................................................................... 149 ANNEXE 6 .............................................................................................................................. 153 COMMENTAIRES LES PLUS FRÉQUENTS DES PARTICIPANTS .................................................... 153
XIII
Liste des Tableaux et Figures dans le texte
Figure 1. Exemple de modèle graphique causal représentant des liens génératifs et
préventifs entre diverses variables reliées au domaine de savoir médical. .........p.7
Figure 2. Architecture cognitive sous-jacente au modèle de révision des croyances (Belief
Revision Model, BRM), d'après Maldonado et al. (2007). ..............………....p.11
Figure 3. Architecture générale du raisonnement causal d'après Perales et Catena (2006).
...........................................................................................................................p.12
Figure 4. Influence des attentes quant au temps sur l’association d’une série d’évènements
en conjonctions. ................................................................................................p.30
Figure 5. Schéma représentant l’organisation du cahier expérimental présenté aux
participants. .......................................................................................…………p.39
Figure 6. Moyennes des cotes de force causale obtenues pour les différents niveaux du
facteur Contiguïté temporelle en fonction du facteur Suggestion d’un délai pour
l’Expérience 1. ..................................................................................................p.44
Figure 7. Moyennes des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction
Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle de l’ANOVA sur les cotes
fournies à l’Expérience 2. .................................................................................p.60
Figure 8. Moyennes des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction
Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle en fonction du Degré
d’association de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2. ................p.61
Figure 9. Moyennes des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction
Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle en fonction du Type
d’information de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2. ..............p.64
Figure 10. Architecture générale du raisonnement causal d'après Perales et Catena (2006).
(Les flèches rouges ont été ajoutées à des fins illustratives pour la discussion,
elles indiquent les trois processus dans lesquels l’information quant à la
contiguïté temporelle peut être impliquée dans le raisonnement causal selon ce
modèle). ..........................................................................................................p.79
Figure 11. Représentation de la théorie des "doubles processus" dans sa forme la plus
simple, telle que définie originalement par Evans (1989). ...........................p.102
Figure 12. Représentation contemporaine de la théorie des " doubles processus ", d'après
d’Evans (2006). ............................................................................................p.104
XIV
Figure 13. Exemple de présentation des données sous forme de propositions et sous forme
d'arbre de fréquence. ....................................................................................p.119
Tableau 1. Combinaisons possibles entre la durée du délais attendue et la durée du délai
observée entre les évènements. ..…………………..........…..………...….....p.18
CHAPITRE 1
Introduction
Chapitre 1
2
La capacité d’établir des relations de cause à effet permet à une personne de
comprendre, prédire et manipuler le monde qui l’entoure (Lagnado, Waldmann, Hagmayer,
& Sloman, 2007; Perales & Catena, 2006). Cette habileté particulière est omniprésente dans
nos vies : on l’utilise autant dans notre quotidien que dans notre travail professionnel afin
d’inférer la présence de liens causaux entre des éléments de notre environnement, éléments
qui peuvent être de nature physique, psychologique, sociale, économique, etc. (Bungee,
2004). C’est ainsi que Julie pourra reconnaître quelle nourriture est bonne pour elle et
laquelle la rend malade, que Jean cherchera une explication pour la panne de sa voiture, que
Mario tentera d’identifier les causes de ses difficultés conjugales, ou encore que Marie se
consacrera à comprendre les lois de la physique et de la chimie. Il n’est donc pas étonnant
que plusieurs auteurs affirment que cette habileté est essentielle pour qu’un organisme
intelligent s’adapte de façon efficace à son environnement (p. ex. Buehner & May, 2002;
Holyoak & Cheng, 2011; Newsome, 2003). En psychologie, on cherche généralement à
observer et décrire les tendances naturelles des gens lorsqu’ils font des inférences causales,
plutôt que de tenter de définir comment ces inférences devraient être faites (Ahn & Kalish,
2000; White, 1990). Aussi, les chercheurs préfèrent étudier la causalité sous un angle
probabiliste, c'est-à-dire qu’un évènement pourra être perçu comme une cause s’il y a une
forte probabilité qu’il soit accompagné d’un effet donné. Par exemple, fumer la cigarette
augmente le risque de développer un cancer, mais ne le fera pas nécessairement dans tous
les cas. En comparaison, une vision déterministe de la causalité impliquerait que la cause
doit être suivie de l’effet (Johnson-Laird, 2006)1.
Ainsi, les chercheurs se sont surtout intéressés à décrire la façon dont les gens
perçoivent une force causale pour une relation, c'est-à-dire qu’ils se demandent à quel point
les gens pensent qu’une cause potentielle est liée à un effet observé (p. ex. à quel point
fumer cause-t-il le cancer? À quel point la nourriture avariée cause-t-elle les maux
d’estomac?) (Griffiths & Tenenbaum, 2005; Lagnado et al., 2007). La perception de la
1 Pour un point de vue critique sur les différentes conceptions de la causalité, voir aussi Humphreys (1989).
** LE GENRE MASCULIN A ÉTÉ EMPLOYÉ DANS LA RÉDACTION DE CE TEXTE DANS LE SEUL BUT DE
SIMPLIFIER SA LECTURE. CETTE PROCÉDURE NE DEVRAIT PAS FAIRE OUBLIER L’APPORT
ÉQUIVALENT DES FEMMES ET DES HOMMES À CETTE RECHERCHE. L’AUTEUR TIENT À REMERCIER
TOUS LES PARTICIPANTS ET PARTICIPANTES POUR LEUR CONTRIBUTION VOLONTAIRE.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
3
force causale qui lie deux évènements peut alors simplement être obtenue auprès d’un
participant en lui demandant de traduire son jugement par un nombre sur une échelle de
type Likert (p. ex. une échelle allant de 0 à 10, où 0 veut dire que la force causale est nulle
et 10 qu’elle est très forte). Par opposition, on distingue aussi la structure causale d’une
relation, qui réfère à l’aspect qualitatif de la relation entre les variables. On la traduit par la
présence d’une relation causale entre les variables, le nombre de variables impliquées, leur
enchaînement et la direction des relations entre les variables (p. ex. est-ce que fumer cause
le cancer? Quelles autres variables causent le cancer?) (Griffiths & Tenenbaum, 2005;
Lagnado et al., 2007).
Plusieurs auteurs ont récemment proposé des modèles théoriques pour décrire et
expliquer le raisonnement causal (p. ex. Griffiths & Tenenbaum, 2009; Maldonado, Catena,
Perales, & Candido, 2007; Perales & Catena, 2006; voir Holyoak & Cheng, 2011, pour une
revue récente). Bien que plusieurs facteurs susceptibles d’influencer ce processus
complexe aient été inclus dans ces modèles (Holyoak & Cheng, 2011; Lagnado et al., 2007;
Perales & Catena, 2006), il reste beaucoup d’études à mener afin de comprendre le rôle de
ces facteurs et comment ils interagissent entre eux (Perales & Catena, 2006). Le but du
présent projet est donc de contribuer au développement de ces modèles en testant
l’interaction entre deux facteurs reconnus dans la littérature, mais peu étudiés ensemble.
Ces facteurs sont la contiguïté temporelle de la cause et l’effet et les croyances a priori des
gens. Le présent texte résumera d'abord les principales propositions théoriques relatives au
raisonnement causal ainsi que les modèles théoriques qui en ont découlé, pour ensuite
présenter l’état des connaissances concernant le rôle et l’interaction de la contiguïté
temporelle et des croyances a priori. Subséquemment, cette thèse présentera deux
expériences qui permettront de mieux comprendre l’interaction des facteurs à l’étude et qui
apporteront un appui empirique aux récents développements des modèles théoriques du
raisonnement causal (p. ex. Griffiths & Tenenbaum, 2009; Perales & Catena, 2006).
Les principales propositions théoriques
Afin d’expliquer comment l’humain fait des inférences causales, les chercheurs se
sont initialement inspirés de deux courants de pensée issus de la philosophie. Le premier,
Chapitre 1
4
relié aux idées de Hume (1739/1960), proposait que la causalité est une perception de
l’esprit humain qui est principalement guidée par la constatation d’une association
constante entre des aspects de l’environnement (Buehner, Cheng, & Clifford, 2003;
Einhorn & Hogarth, 1986; Holyoak & Cheng, 2011). Par exemple, une personne qui
observe qu’une pression sur un interrupteur s’accompagne constamment d’un bruit de
sonnette pourra déduire qu’il existe un lien causal entre ces éléments.
Les premiers modèles explicatifs du raisonnement causal se sont donc
principalement centrés sur le rôle du degré d’association entre les variables (p. ex. Cheng,
1997; Cheng & Novick, 1992; Shanks & Dickinson, 1987; White, 2003a; White, 2003b,
2004). Pour étudier le rôle de ce facteur, les chercheurs ont comparé le jugement subjectif
de force causale perçue par les gens avec le Delta p (P), un indice objectif de covariation
normativement accepté et qui se base sur la fréquence des quatre situations (conjonctions)
possibles pour une cause et un effet dichotomique. Ces quatre situations possible sont (a)
la présence conjointe de la cause et l’effet (conjonction A), (b) la présence de la cause, mais
l'absence de l’effet (conjonction B), (c) l'absence de la cause, mais la présence de l’effet
(conjonction C) et (d) l'absence conjointe de la cause et l’effet (conjonction D). Plusieurs
études soulignent que le P est un facteur déterminant de la force causale perçue par les
participants (Allan & Jenkins, 1983; Cheng, 1997; De Houwer & Beckers, 2002;
Fugelsang, Thompson, & Dunbar, 2006; Hattori & Oaksford, 2007; Wasserman, Dorner, &
Kao, 1990; Wasserman, Elek, Chatlosh, & Baker, 1993; White, 2003c, 2004). Toutefois, la
plupart des auteurs s’accordent aussi pour dire que la perception d’un lien de causalité entre
deux évènements ne peut se réduire seulement à leur degré d’association et dépend
également d’autres paramètres, notamment la priorité temporelle de la cause, la contiguïté
spatiale et la contiguïté temporelle des évènements (Lagnado et al., 2007 présente une
revue exhaustive des indices de causalités. Voir aussi Buehner et al., 2003; Einhorn &
Hogarth, 1986; Hume, 1739/1960; Perales & Catena, 2006). De plus, une simple
association entre des variables n’implique pas nécessairement un lien causal (Cheng, 1997;
Suppes, 1970; White, 1990) et il semble que les gens font cette distinction (Lien & Cheng,
2000). Les chercheurs ont donc adapté leur cadre théorique à ces constats en s’orientant
vers un deuxième courant de pensée.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
5
Selon ce deuxième courant, relié aux idées de Kant (1781/1965), la connaissance
d’un mécanisme d’action ou d’une chaîne d’évènements, qui explique la connexion entre la
cause et l’effet, est nécessaire pour qu’un lien d’association soit perçu comme un lien
causal (Ahn & Kalish, 2000; Ahn, Kalish, Medin, & Gelman, 1995; Einhorn & Hogarth,
1986; Goldvarg & Johnson-Laird, 2001; Harré & Madden, 1975; Shultz, 1982; White,
1995). Autrement dit, lorsqu’ils perçoivent un lien causal entre des évènements, les gens
conçoivent que l’effet est nécessairement lié à une cause par un mécanisme de transmission
entre les objets ou la matière, ce qui permet à un élément de changer ou de produire un
autre élément en lui transmettant sa force. Les résultats de plusieurs études démontrent
d’ailleurs l’importance que jouent les croyances des gens concernant le mécanisme d’action
lors d’une tâche de raisonnement causal, et ce, chez les adultes (p. ex. Ahn & Kalish, 2000;
Ahn et al., 1995; Catena, Maldonado, Perales, & Cándido, 2008; Fugelsang & Thompson,
2003; Hagmayer & Waldmann, 2002; Kushnir, Gopnik, Schulz, & Danks, 2003) comme
chez les enfants (p. ex. Schlottmann, 1999; Shultz, 1982).
Par exemple, Ahn et al. (1995) ont trouvé que leurs participants, lors d’une tâche
d’inférence causale, rapportaient rechercher et préférer l’information relative au mécanisme
d’action causale plutôt que l’information relative au degré d’association entre les variables.
Également, Fugelsang, Stein, Green et Dunbar (2004) ont manipulé expérimentalement les
croyances de leurs participants concernant le mécanisme d’action, en leur présentant dès le
début de l'expérience un scénario qui dévoile de l’information sur la relation à évaluer, une
méthode employée par de nombreux auteurs dans la littérature (p. ex. Allan et al., 2003;
Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006; Catena et al., 2008;
Fugelsang et al., 2004; Fugelsang & Thompson, 2000a, 2003; Hagmayer & Waldmann,
2002; White, 2001). Ils ont trouvé que, pour des ensembles de données équivalents, les
participants accordent des cotes de force causale plus élevées lorsqu’on leur présente a
priori un mécanisme causal plausible comparativement à un mécanisme non plausible. Par
ailleurs, il est intéressant de noter que l’étude récente de l’influence des croyances a priori
ne se concentre plus seulement sur les croyances relatives aux mécanismes de transmission,
mais inclut aussi des croyances de différentes natures, comme celles liées au degré
d’association attendu (p. ex. Ahn et al., 1995; Fugelsang & Thompson, 2000b, 2003) ou
Chapitre 1
6
celles reliées à un délai quelconque entre la cause et l’effet (p. ex. Allan et al., 2003;
Buehner & McGregor, 2006; Hagmayer & Waldmann, 2002). Ces études ont ainsi amené
les chercheurs à accorder une place importante aux croyances a priori dans leur modèle du
raisonnement causal.
Les modèles contemporains du raisonnement causal
De nos jours, la plupart des chercheurs expliquent le raisonnement causal en
intégrant le rôle de l’évaluation du degré d’association avec celui des autres indices de
causalité (contiguïté spatiale ou temporelle, etc.) ainsi que celui des connaissances ou
croyances que les gens entretiennent à propos de la causalité (p. ex. Cheng, 1997; Griffiths
& Tenenbaum, 2009; Lagnado et al., 2007; Maldonado, Catena, Perales, & Candido, 2007;
Perales & Catena, 2006; White, 2003d). Notamment, on reconnaît maintenant que le
raisonnement causal ne peut se réduire à l'apprentissage implicite de liens entre les
évènements, mais que les gens se formeraient plutôt des représentations mentales des
relations de cause à effet qu'ils s'attendent de retrouver dans leur environnement (Holyoak
& Cheng, 2011). Ces représentations mentales des liens de causalité, que l'on peut appeler
« modèles mentaux causaux », indiquent le degré de probabilité perçu qu'un évènement en
causera un autre, et ce, pour des situations réelles ou hypothétiques (Evans 2006, p.381).
Par exemple, une personne peut avoir la croyance, sous forme de modèle mental, que le
virus de la gastro-entérite est contracté par 50 personnes sur 100 qui vont en voyage au
Mexique.
Depuis quelques années, il est devenu commun d'utiliser les réseaux de Bayes2
(Bayesian networks) afin de formaliser, de façon graphique, les représentations mentales
des gens concernant les liens de causalité probabiliste qui unissent un ensemble de
variables (voir Glymour, 2003; Griffiths & Tenenbaum, 2009; Holyoak & Cheng, 2011;
Pearl, 1993; Pearl & Russel, 2003). En effet, cette méthode permet d’illustrer de façon
compacte un ensemble de variables dans un contexte donné, d’établir la direction et la
nature du lien causal entre les variables (structure causale) et de paramétriser la force de
2 Aussi appelé « modèles causaux graphiques ».
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
7
chacun des liens en fonction de l’expérience vécue et de l’expérience nouvelle (Holyoak &
Cheng, 2011). Par exemple, on peut illustrer les liens de causalité entre certaines variables
reliées au domaine de savoir médical dans un simple schéma tel que celui de la Figure 1 ci-
dessous (tiré de Holyoak & Cheng, 2011).
Figure 1. Exemple de modèle graphique causal représentant des liens génératifs (lignes
pleines) et préventifs (lignes pointillées) entre diverses variables reliées au
domaine de savoir médical.
Toutefois, illustrer des relations à l'aide des réseaux de Bayes ne permet pas
d'expliquer comment les représentations mentales d'une personne sont combinées avec
l'information nouvelle observée lorsqu'une inférence causale est effectuée. Ce n'est que
récemment que l’utilisation de la méthode mathématique des inférences de Bayes (ou
inférences Bayesiennes) a permis cette intégration (Holyoak & Cheng, 2011). En effet,
cette méthode fournit une règle qui permet de calculer la probabilité qu'une hypothèse de
départ soit responsable des données observées (Griffiths & Tenenbaum, 2009). Plus
précisément, cette règle combine les connaissances existantes concernant la probabilité
connue d'une hypothèse ( P(H) ) avec la probabilité d'obtenir les nouvelles données
observées selon cette hypothèse ( P(D | H) ). Cette combinaison permet d'obtenir la
probabilité finale de l'hypothèse de départ en fonction des données obtenues ( P(H | D) )
virus
bactérie
antibiotique
fièvre
toux
Maux de
tête aspirine
-
-
Chapitre 1
8
(Holyoak & Cheng, 2011). Cette règle, illustrée à la Formule 1 ci-dessous, a élargi la
portée des modèles proposés dans la littérature en fournissant un moyen d’expliquer
comment les représentations mentales des gens, obtenues par l’expérience, vont d’abord
créer un modèle mental qui encadre l’interprétation des données nouvellement observées.
Ces nouvelles données pourront à leur tour actualiser l’information contenue dans ce
modèle mental hypothétique des relations causales.
(1) Règle sous-tendant les inférences de Bayes : P(H | D) = P(D | H ) ∙ P(H ) _________________________________
(tiré de Holyoak & Cheng, 2011) P(D)
Bien que l’utilisation des réseaux de Bayes et des inférences de Bayes soit de plus
en plus populaire dans la littérature (voir Griffiths & Tenenbaum, 2005, 2009; Holyoak &
Cheng, 2011), il faut toutefois souligner que ces méthodes mathématiques ne constituent
pas per se un modèle d’explication du raisonnement causal (Griffiths & Tenenbaum, 2009).
Effectivement, les propositions de base de ces méthodes sont conçues pour s'appliquer à
des relations d'association entre des variables. Afin de les appliquer à des situations
concernant des relations causales, il faut spécifier quelles connaissances et croyances a
priori sont pertinentes dans un contexte de causalité, ainsi que la fonction qui permet de
calculer la probabilité d'apparition de l'effet en fonction de l'influence des différentes causes
potentielles et de leur interaction (Griffiths & Tenenbaum, 2009; Holyoak & Cheng, 2011;
Lu, Yuille, Liljeholm, Cheng, & Holyoak, 2008). Par exemple, Cheng et ses collaborateurs
(Cheng 1997, Cheng & Novick, 1992; Novick & Cheng, 2004), proposent quatre croyances
de base qui guident les inférences causales des gens, soit (a) les causes influencent l'effet de
façon indépendante, (b) les causes alternatives inconnues peuvent provoquer l'effet, mais
pas le prévenir, (c) la force causale (causal power) d'une cause est indépendante de sa
fréquence d'apparition, et (d) l'effet ne survient pas sans cause. Ces quatre propositions
sont essentielles pour qu'une relation causale soit distinguée d'une simple relation
d'association entre des évènements. De plus, elles spécifient comment la probabilité
d'engendrer l'effet de chaque cause potentielle doit être combinée dans le calcul de la
probabilité d'apparition de l'effet (voir Novick & Cheng, 2004, pour plus de détails). Pour
leur part, Griffiths et Tenenbaum (2005; 2009) ont proposé que l'application des inférences
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
9
Bayesiennes au domaine des relations causales doit reposer sur trois composantes clés des
connaissances des gens, soit (a) l'ontologie des variables, (b) la plausibilité d'une relation
entre ces variables et (c) la forme fonctionnelle de la relation (voir Griffiths & Tenenbaum,
2009, pour plus de détails). Ces trois composantes permettent de définir les variables
pertinentes impliquées dans la relation, la structure causale plausible de la relation et la
fonction à employer pour calculer la probabilité d'apparition de l'effet en fonction des
différentes causes potentielles.
Malheureusement, la plupart des modèles suggérés dans la littérature pour expliquer
le raisonnement causal sont des modèles computationnels, c'est-à-dire qu'ils offrent une
méthode mathématique (telle que les inférences Bayesiennes ou encore une règle telle le
P) qui tente de prédire comment l’évaluation du degré d’association, encadrée par les
connaissances ou croyances a priori des gens, va influencer la production d’une réponse à
une tâche d’évaluation d’un lien de causalité (p. ex. Cheng, 1997; Griffiths & Tenenbaum,
2009; White, 2003; voir Hattori & Oaksford, 2007, pour une revue des formules
proposées). Bien que ces modèles permettent parfois des prédictions plutôt réalistes des
réponses des participants, ils ne permettent pas de comprendre l'ensemble des processus et
facteurs qui ont pu influencer ces réponses. En effet, en offrant une méthode de calcul
centrée sur le degré d’association des variables observées, les modèles computationnels ne
permettent pas de formuler précisément l’effet attendu de certains facteurs qui sont
susceptibles d’influencer le raisonnement subjectif des gens, tel que la contiguïté
temporelle.
À la connaissance du présent auteur, il n’y a que Perales et ses collaborateurs
(Maldonado et al., 2007; Perales & Catena, 2006) qui ont proposé un modèle permettant de
représenter schématiquement l’ensemble des facteurs susceptibles d’influencer ce
raisonnement causal. Ce modèle, actuellement en développement, permet de placer les
grands champs de recherche les uns par rapport aux autres et d’articuler les liens entre eux.
Son aspect de schéma hiérarchique est intéressant, car il est possible d'y ajouter de
nouveaux facteurs, ainsi que de redéfinir au besoin le rôle de certains facteurs encore peu
étudiés.
Chapitre 1
10
Un premier modèle architectural.
D’après Maldonado et al. (2007), toute proposition d’architecture cognitive visant à
décrire le processus du raisonnement causal doit distinguer au moins trois niveaux de
processus, qu’ils illustrent dans un schéma présenté à la Figure 2 ci-dessous. Le
mécanisme représentant le processus de base de l’architecture réfère à l’habilité de détecter
et encoder les stimuli ou les évènements pertinents à une attribution causale. C’est à ce
niveau qu’est perçue et encodée l’information nécessaire au calcul du degré d’association
entre des variables, c'est-à-dire l’information relative à la fréquence des évènements
concernant (a) la présence conjointe de la cause et l’effet (conjonction A), (b) la présence
de la cause sans l’effet (conjonction B), (c) la présence de l’effet sans la cause (conjonction
C), et (d) l’absence de la cause et l’effet (conjonction D). Au deuxième niveau, on retrouve
le mécanisme responsable du calcul statistique d’une relation de cause à effet à partir des
informations encodées au premier niveau. Une fois le processus de calcul statistique d’un
lien causal effectué, un autre mécanisme, correspondant au troisième niveau de
l’architecture, doit interpréter cette information provenant de l’expérience et l’intégrer avec
les connaissances ou croyances a priori de la personne qui raisonne.
Une version plus détaillée de ce modèle, qui illustre quelles informations sont
utilisées à chaque niveau de l’architecture, est offerte par Perales et Catena en 2006 (voir
Figure 3 ci-dessous). Dans leur modèle, deux types d’information de l’environnement
alimentent la représentation mentale d’un lien causal entre deux éléments (causal beliefs),
qui lui-même, fait partie d’une représentation plus vaste d’un réseau de liens causaux
(causal nets)3. Il s’agit de l’information concernant le degré d’association des événements
(section du bas) et l’information concernant les indices de structure causale (section du
haut).
3 Certains auteurs formalisent ces représentations mentales grâce à la méthode mathématique des réseaux
causaux Bayesiens (causal Bayes Net) (voir Griffith & Tenenbaum, 2009; Holyoak & Cheng, 2011).
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
11
Figure 2. Architecture cognitive sous-jacente au modèle de révision des croyances (Belief
Revision Model, BRM), d'après Maldonado et al. (2007).
Stimuli entrants
Mécanisme de détection
Fréquence des conjonctions
Premier Niveau
Mécanisme de calcul
Nouvelles Données = W1a + W
2b + W
3c + W
4d
a + b + c + d
Deuxième Niveau
Mécanisme d’intégration de l’information
Jn = J
n-k + b(Nouvelles Données – J
n-k)
Troisième Niveau
Résultat
Chapitre 1
12
Figure 3. Architecture générale du raisonnement causal d'après Perales & Catena (2006).
Les parties inférieures et supérieures représentent l’entrée d’information pour le
processus du raisonnement causal. La partie du milieu représente les produits
aléatoires (représentations) de ces processus. Les flèches représentent la
transformation et la modulation de l’information.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
13
Aux niveaux inférieurs du modèle, une personne doit d’abord sélectionner les
évènements dans l’environnement selon ses attentes conditionnées (conditioned
expectancies), puis se représenter la fréquence de ces évènements sous une forme
permettant le calcul du degré d’association (conjonction A, B, C et D). Ces étapes de
traitement de l’information, correspondant aux deux boîtes inférieures du modèle,
obéiraient probablement à un mécanisme d’apprentissage associatif, le traitement de
l’information étant guidé par les stimuli de l’environnement (processus ascendant4) (Perales
& Catena, 2006, p.310).
Suite à ces stades, on peut déduire que le traitement de l’information sera influencé
par des processus descendants5, tels que les biais attentionnels, mnésiques et cognitifs : par
exemple, une personne peut se souvenir plus facilement des premiers évènements observés
(Dennis & Anh, 2001; Marsh & Ahn, 2006) ou des derniers évènements observés (Lopez,
Shanks, Almaraz, & Fernandez, 1998). Également, l’information concernant la fréquence
de chaque conjonction sera ensuite filtrée par les connaissances a priori de la personne, qui
sélectionnera l’information jugée pertinente selon le contexte (Perales & Catena, 2006). La
proposition de cette étape de raisonnement trouve également écho chez plusieurs auteurs en
psychologie, qui ont proposé qu’une personne aborde un problème avec une hypothèse qui
guide la recherche et la sélection de l’information nécessaire pour y répondre (cf. Ahn &
Kalish, 2000; Fugelsang et al., 2004; Popper, 1963). L’information sélectionnée sera
ensuite utilisée dans le calcul du degré d’association. C’est d’ailleurs la description de ce
mécanisme de calcul, représentant le deuxième niveau du modèle de Maldonado et al.
(2007), qui a retenu l’attention de la plupart des chercheurs. Ces derniers ont ainsi proposé
des modèles computationnels permettant de prédire les réponses offertes par les participants
dans une tâche de raisonnement causal (voir Hattori & Oaksford, 2007, pour une revue des
algorithmes proposés).
Le calcul du degré d’association n’est cependant pas la fin du processus de
raisonnement causal. La personne qui raisonne doit encore déterminer si ce degré
4 Bottom-up.
5 Top-down.
Chapitre 1
14
d’association est significatif, puis s’il est causal ou non, pour enfin l’intégrer dans sa
représentation mentale du lien causal évalué, ou autrement dit avec ses connaissances et
croyances a priori (troisième niveau du modèle de Maldonado et al., 2007). Selon Perales
et Catena (2006), pour qu’un lien d’association soit aussi perçu comme un lien causal, il
doit être combiné avec l’information concernant l’ordre et la contiguïté temporelle, ainsi
qu’avec les connaissances et croyances causales a priori (section supérieure du modèle), qui
sont des indicateurs de structure causale. De plus, pour des raisons illustratives, la
représentation d’un lien causal spécifique entre deux éléments (causal beliefs) a été séparée
des connaissances sur les catégories et les mécanismes causaux (à droite), c'est-à-dire nos
connaissances générales concernant la plausibilité que certains types de causes entrainent
certains effets. Par exemple, nous savons qu’une roche peut briser une fenêtre, tout comme
le fera n’importe quel autre objet dur dans les mêmes conditions avec les mêmes règles.
L’évaluation d’un lien causal spécifique et les connaissances sur les catégories et
mécanismes causaux partageraient une même base de représentation, mais à des niveaux
d’abstraction différents. Toutefois, les distinguer de façon graphique permet d’illustrer, à
l’aide d’une flèche bidirectionnelle, que les connaissances sur les catégories causales
influencent l’évaluation d’un lien causal spécifique effectuée à partir de l’information
provenant de l’environnement. De façon réciproque, l’acquisition d’informations nouvelles
permet de raffiner nos connaissances sur les catégories et mécanismes causaux. Enfin, les
auteurs notent, sans détailler, que les connaissances causales peuvent moduler l’utilisation
de l’ordre et la contiguïté temporelle comme indice de causalité.
Bref, le raisonnement causal implique un grand nombre de facteurs qui peuvent
s’articuler de façon complexe en une structure hiérarchique. Le modèle de Perales et
Catena (2006) ne se veut pas une revue exhaustive de la littérature sur chacun de ces
facteurs, mais il permet de placer les grands champs de recherche les uns par rapport aux
autres et d’articuler les liens entre eux. Notamment, il permet de réunir dans un même
modèle, à des niveaux distincts, des processus de traitement de l’information d’ordre
ascendant (bottom-up, guidés par les l’information de l’environnement) et descendant (top-
down, guidés par les représentations mentales ou les croyances a priori). Malheureusement,
bien que Perales et Catena dressent une liste des sources d’informations sur la structure
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
15
causale qui sont utilisées par les personnes qui raisonnent (section supérieure du modèle),
ils mentionnent aussi que certaines parties du modèle ne sont pas détaillées. De plus, ils
ajoutent que l'on en connait très peu sur l'interaction entre ces facteurs ou sur ceux qui ont
préséance lorsqu’ils ne pointent pas dans la même direction. La présente thèse a donc pour
objectif de préciser le rôle et l’interaction entre deux facteurs présents dans la section
supérieure de leur architecture cognitive, c'est-à-dire les croyances a priori et la contiguïté
temporelle de la cause et l’effet. Nous verrons, dans la prochaine section, de quelle façon
cette recherche permettra de détailler cette partie peu définie du modèle de Perales et
Catena.
Une interaction peu étudiée : les connaissances a priori et la contiguïté temporelle
Tel que décrit dans la section précédente, selon le modèle de Perales et Catena
(2006), l’information quant à la contiguïté temporelle sert principalement d’indice de
structure causale. Cet indice peut être modulé par les connaissances ou croyances a priori,
bien que les auteurs ne précisent pas exactement de quelle façon. De plus, les croyances a
priori peuvent aussi opérer à un niveau plus précoce dans le processus, soit au niveau de la
transformation de la fréquence des conjonctions en estimation du degré d’association
(flèche grise se terminant entre la 2e et la 3
e boîte inférieure du modèle) : on peut ainsi
supposer qu’elles vont encadrer la recherche et la sélection de l’information pertinente au
calcul de la force causale de la relation (voir Ahn & Kalish, 2000; Fugelsang et al., 2004;
Perales & Catena, 2006). Enfin, l’influence des croyances a priori peut opérer à un
troisième niveau de processus, soit au niveau de leur intégration avec l’estimation du degré
d’association. D’ailleurs, plusieurs auteurs partagent l’avis qu’il existe un processus de
révision de la force causale perçue par les participants en fonction de leurs croyances a
priori quant au mécanisme en jeu (Catena et al., 2008; Fugelsang et al., 2004; Fugelsang &
Thompson, 2003; Perales, Catena, Maldonado, & Cándido, 2007).
Toutefois, bien qu’il dresse un portrait global du rôle de la contiguïté temporelle et
des croyances a priori, le modèle de Perales et Catena (2006) ne permet pas d'émettre de
prédictions précises concernant la force causale perçue par les gens lors de situations
précises d’évaluation d’un lien causal. Par exemple, le modèle ne mentionne pas comment
Chapitre 1
16
l’information quant à la contiguïté temporelle sera traitée selon qu’une personne observe
des délais contigus (courts) ou non contigus (longs) entre les évènements à évaluer. Le
modèle ne mentionne pas non plus comment les croyances a priori vont modifier
l’utilisation et l’interprétation de cette information. Pour répondre à cette question et tenter
de détailler cette partie du modèle, la présente thèse peut cependant s’appuyer sur une
littérature qui s’est spécifiquement intéressée au rôle de la contiguïté temporelle dans le
raisonnement causal.
La plupart des travaux de recherche empirique ont étudié le rôle de la contiguïté
temporelle dans le raisonnement causal en ayant recours à une méthodologie qui consiste à
présenter aux participants une série d’évènements successifs concernant la cause et l’effet
(série de conjonctions A, B, C et D) défilant un à la fois. À partir de leurs observations de
l’ensemble des conjonctions, les participants doivent alors se prononcer sur la force causale
liant la cause potentielle et l’effet qu’ils perçoivent. Dans un tel contexte, la contiguïté
temporelle joue un rôle important dans le processus d’attribution d’une force causale à une
relation, car au-delà d’un certain délai raisonnable entre les deux évènements, il devient
difficile de les relier (Shanks & Dickinson, 1987; Shanks, Pearson, & Dickinson, 1989) et
le nombre de variables alternatives qui peuvent intervenir augmente (Buehner & McGregor,
2009). Plusieurs travaux récents ont d'ailleurs observé que la force causale d’une relation
diminue lorsque la contiguïté temporelle des évènements diminue (Buehner & May, 2002,
2003, 2004; Greville & Buehner, 2007; Michotte, 1954; Shanks et al., 1989), suggérant
ainsi qu'une forte contiguïté temporelle est nécessaire pour qu'une personne perçoive un
lien causal. Cependant, il semble que les gens peuvent aussi concevoir des relations
causales qui impliquent un très long délai entre la cause et l’effet, par exemple dans le cas
de l’acte de reproduction et la naissance d’un bébé (Einhorn & Hogarth, 1986). Ce dernier
constat a ainsi mené les chercheurs à modifier leurs propositions théoriques concernant le
rôle de la contiguïté temporelle dans le raisonnement causal.
Pour ce faire, plusieurs auteurs ont eu recours à la tradition kantienne, qui postule
que les gens considèrent qu’une relation causale implique un mécanisme de transmission
liant la cause et l'effet (p. ex. Ahn & Kalish, 2000; Buehner & McGregor, 2006; Einhorn &
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
17
Hogarth, 1986; Griffiths & Tenenbaum, 2009; Maldonado et al., 2007; Perales & Catena,
2006). Ainsi, les croyances des gens concernant les propriétés du mécanisme d’action en
jeu vont déterminer le délai qu’ils peuvent s’attendre d’observer entre les évènements
(Buehner & May, 2002, 2004; Einhorn & Hogarth, 1986; Hagmayer & Waldmann, 2002;
Shultz, 1982). La présence d’une relation causale devrait donc se refléter par un délai
approprié entre la cause et l’apparition de l’effet. Par exemple, tomber au sol devrait causer
immédiatement une douleur au dos, alors qu'un effort physique soutenu devraient causer
des douleurs au dos après quelques heures, voire une journée. Ces auteurs supposent donc
que les connaissances et croyances a priori d’une personne devraient moduler
l’interprétation de l’information quant à la contiguïté temporelle dans l’évaluation d’un lien
causal donné.
Afin de valider empiriquement cette hypothèse, Buehner et McGregor (2006) ont
voulu tester systématiquement toutes les situations d’interaction possibles entre les
croyances a priori et la contiguïté temporelle dans les données à évaluer. Pour ce faire, ils
ont résumé l’ensemble des situations qu’une personne peut possiblement rencontrer à leur
forme la plus simple, soit quatre situations que l’on retrouve dans le Tableau 1 ci-dessous.
Selon ce tableau, l’ensemble des délais qu’une personne peut constater entre deux
évènements peut être résumé à un délai contigu (immédiat, court) ou non contigu (différé,
long)6. De la même façon, les attentes d’une personne peuvent être résumées à une attente
d'un délai contigu ou non contigu entre les évènements, dépendamment de ses croyances.
Il en résulte donc des situations où le délai constaté peut concorder ou non avec celui
attendu. Buehner et McGregor proposent alors que le degré d’association entre deux
évènements sera perçu comme un indicateur de relation causale par une personne
uniquement lorsque le délai observé entre ces évènements concorde avec le délai qu’elle
s’attend d'observer pour ce contexte, [car cette situation reflète la présence du mécanisme
d’action causale]7.
6 Il existe évidemment un continuum de temps entre un délai « contigu » et un délai « non contigu », et ce qui
constitue un délai contigu ou non dépend hautement du contexte. Il s’agit ici de résumer expérimentalement
l’ensemble des possibles. 7 L’encadré est un ajout personnel.
Chapitre 1
18
Cependant, la formulation actuelle de la proposition de Buehner et McGregor
(2006) pose problème; elle suggère que les gens conçoivent la contiguïté temporelle
comme un indice de causalité déterministe (présence ou non d’un lien causal entre des
évènements si le délai observé et le délai attendu concordent), alors qu’ils évaluent un
jugement de causalité dans un contexte probabiliste auprès de leurs participants (force
causale perçue entre des évènements associés statistiquement). Par exemple, ils affirment
que des valeurs « élevées » de force causale, telles qu’obtenues dans des études antérieures
(Buehner & May, 2002, 2003, 2004), indiquent que les gens ont perçu une relation causale
entre des évènements associés statistiquement. Toutefois, ils ne précisent pas à partir de
quelle valeur la cote de force causale donnée par un participant (sur une échelle de type
Likert) indique qu’il perçoit un lien de causalité.
Tableau 1.
Combinaisons possibles entre la durée du délais attendue et la durée du délai observée
entre les évènements.
Durée du délai observée entre les évènements
Durée du délai
suggérée Contigu (court) Non contigu (long)
Contigu (court)
Concordant
(relation causale perçue
ou
force causale élevée)
Non concordant
(relation causale non perçue
ou
force causale faible)
Non contigu (long)
Non concordant
(relation causale non perçue
ou
force causale faible)
Concordant
(relation causale perçue
ou
force causale élevée)
De plus, leur proposition ne permet pas de décrire l’influence potentielle du degré
de contiguïté temporelle des évènements (délai contigu ou non) sur la force causale perçue
par une personne, car elle limite son rôle à celui d’indicateur de structure causale. Afin de
représenter plus adéquatement le rôle de la contiguïté temporelle dans un contexte de
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
19
causalité probabiliste, la proposition de Buehner et McGregor (2006) doit donc être
reformulée en termes quantitatifs.
En conséquence, le présent auteur suggère que les croyances a priori des gens vont
encadrer l’interprétation de l’information quant à la contiguïté temporelle, de façon à ce que
l’information présentant un délai qui concorde aux croyances a priori augmente la
probabilité perçue que la cause potentielle provoque l’effet observé. À l’opposé,
l’information présentant un délai qui ne concorde pas aux croyances a priori devrait
diminuer cette probabilité perçue, voire ne pas l’influencer. En termes probabilistes, on
peut alors affirmer que l’information qui concorde aux croyances a priori devrait augmenter
la force causale perçue pour la relation, alors que l’information qui ne concorde pas devrait
diminuer la force causale perçue. Conséquemment, plutôt que de prédire qu’une relation
causale sera perçue lorsque le délai observé correspond au délai attendu, on peut prédire
que la force causale perçue par une personne devrait être plus élevée lorsque le délai
observé entre la cause et l’effet correspond au délai attendu selon ses croyances,
comparativement aux situations où les délais observés et attendus ne correspondent pas
(Tableau 1 ci-dessus). Par exemple, si une personne appuie sur un interrupteur et observe
que cela active aussitôt les lumières de la pièce, elle percevra une force causale élevée entre
les évènements, car elle s’attend à un effet immédiat. Par contre, si la pièce s'illumine
plusieurs minutes plus tard, elle percevra une force causale plus faible pour son action sur
l'interrupteur et elle sera plutôt tentée de chercher une cause alternative, par exemple un
deuxième interrupteur activé par une autre personne (voir Einhorn & Hogarth, 1986). On
peut aussi appliquer cette prédiction à des évènements séparés par un délai plus long
lorsque la personne s’attend à un tel délai; si un homme souffre d'indigestion, il percevra
une force causale élevée avec la nourriture ingérée il y a quelques heures, mais une force
causale plus faible pour la nourriture qu'il vient tout juste de consommer.
Afin de tester cette prédiction, on peut retracer plusieurs études qui se sont
intéressées à l’effet d'interaction entre la contiguïté temporelle des évènements et les
croyances a priori sur l’évaluation de la force causale d’une relation (Allan et al., 2003;
Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006; Hagmayer & Waldmann,
Chapitre 1
20
2002). Pour la plupart d’entre elles, les participants devaient évaluer la force causale d’une
relation à partir de leurs observations d’un ensemble d’évènements qui défilaient
successivement et qui étaient séparés par des délais variables. De plus, ces études
manipulaient expérimentalement les attentes des participants en leur dévoilant, au début de
l’expérience, les propriétés ou le mécanisme en jeu dans la relation (Buehner & May, 2002,
expérience 1 et 2; Buehner & McGregor, 2006), le délai explicitement attendu entre la
cause et son effet, (Buehner & May, 2003, 2004) ou encore ces deux types d’informations
(Allan et al., 2003, expérience 2; Buehner & May, 2002, expérience 3). D’une part, ces
études confirment en partie la prédiction formulée en termes quantitatifs émise dans le
paragraphe précédent. En effet, il a fréquemment été observé que, lorsque l’on suggère a
priori un délai court entre la cause et l’effet, les ensembles de données présentant un délai
court entre les évènements reçoivent des cotes de force causale plus élevées que celles
obtenues avec des ensembles de données présentant un délai long (Allan et al., 2003;
Buehner & May, 2002, 2003, 2004), alors que l’inverse est observé lorsque l’on suggère un
délai long a priori (Allan et al., 2003; Buehner & McGregor, 2006). De plus, des études
montrent que les ensembles de données présentant un délai court entre les évènements
reçoivent des cotes de force causale plus élevées lorsque l’on suggère a priori un délai court
entre la cause et l’effet que lorsque l’on suggère un délai long (Allan et al., 2003; Buehner
& McGregor, 2006), alors que le phénomène inverse se produit pour des ensembles de
données présentant un délai long (Allan et al., 2003; Buehner & May, 2002, 2003, 2004).
D’autre part, ces mêmes études n’appuient toutefois pas systématiquement la
prédiction formulée ci-dessus. Ainsi, on observe souvent que, lorsque l’on suggère un délai
long entre la cause et l’effet, des ensembles de données présentant un délai long entre les
évènements reçoivent des cotes de force causale aussi élevées, voire moins élevées, que des
ensembles de données présentant un délai court (Buehner & May, 2002, 2003, 2004). Dans
le même ordre d’idée, certaines études rapportent que les données présentant un délai court
entre les évènements reçoivent des cotes de force causale aussi élevées, peu importe la
suggestion a priori (délai court ou long) (Buehner & May, 2002, 2003, 2004). Une étude
(Buehner & McGregor, 2006) constate même que la suggestion d’un délai court entre la
cause et l’effet n’entraîne pas de différence entre les cotes de force causale fournies pour
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
21
des ensembles de données présentant un délai court ou long entre les évènements. Enfin,
les résultats de l’étude de Buehner et McGregor (2006) indiquent que des ensembles de
données présentant un délai long entre les évènements reçoivent des cotes de force causale
aussi élevées, peu importe la suggestion a priori (délai court ou long).
Bref, bien que la suggestion d’un délai semble toujours influencer la force causale
perçue pour des ensembles de données présentant un délai quelconque, il semble difficile
de prédire systématiquement comment cette influence se traduira sur l’évaluation de la
force causale des participants. En fait, plusieurs études montrent une baisse de la force
causale perçue lorsque le délai entre les événements augmente (Buehner & May, 2002,
2003, 2004; Greville & Buehner, 2007; Shanks et al., 1989), suggérant un biais en faveur
d’une contiguïté temporelle forte (Buehner & McGregor, 2006). Toutefois, tout comme
Buehner et ses collaborateurs, le présent auteur suggère que des artéfacts créés par la
méthodologie de ces études ont pu engendrer la divergence entre les différents résultats
obtenus et la proposition théorique testée. Premièrement, la nature et les propriétés des
outils méthodologiques utilisés dans ces études ont pu suggérer aux participants qu’un délai
court entre la cause et l’effet était plausible, en dépit des instructions présentées a priori
(Buehner & May, 2004, Buehner & McGregor, 2006). En effet, dans ces tâches (Buehner
& May, 2002, 2003, 2004; voir aussi Shanks et al., 1989), les données à évaluer étaient
présentées par le biais d'un ordinateur : les participants devaient appuyer sur un bouton du
clavier pour observer l’apparition ou non d’un effet à l’écran de l'ordinateur. Grâce à leur
connaissance sur les ordinateurs et les systèmes électriques, les participants ont facilement
pu présumer que l'ordinateur contrôlait la durée du délai entre la cause et l'effet et qu'il
générait un effet immédiatement suite à leur action, et ce, même si le scénario expérimental
suggère qu'un délai est attendu entre la cause et l'effet. Il est donc probable que le biais en
faveur d’une forte contiguïté temporelle retrouvé dans ces études découle de la nature de la
tâche utilisée et ne devrait donc pas se retrouver dans tous les contextes ( Buehner & May,
2004, Buehner & McGregor, 2006). D’ailleurs, lorsque la nature de la tâche à effectuer est
différente, comme dans l’étude de Buehner et McGregor (le participant observe une boîte
en bois dans laquelle une balle roule sur un interrupteur en fin de parcours, ce qui allume
une lumière), on remarque que les participants évaluent correctement à la baisse la force
Chapitre 1
22
causale perçue pour les situations où le délai observé entre la cause et l’effet est court alors
que l’appareil suggère un délai long.
Deuxièmement, la majorité des études sur l’interaction entre les croyances a priori
et le degré de contiguïté temporelle de la cause et l’effet présentent les données à évaluer
aux participants sous un format essai par essai, qui consiste à présenter un ensemble
d’évènements à observer défilant l'un à la suite de l’autre (Allan et al., 2003; Buehner &
May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006). Dans ce format de présentation des
données, la performance des participants qui évaluent la force causale d'une relation peut
être influencée par la charge cognitive et mnésique exigée pour accomplir cette tâche (voir
Lagnado et al., 2007; Waldmann & Walker, 2005). Buehner et McGregor soulignent
d'ailleurs que la charge cognitive exigée pour réaliser ce type de tâche est élevée, car les
participants doivent évaluer un lien de causalité probabiliste (la cause n’accompagne pas
systématiquement l’effet) et pour lequel les évènements se succèdent en temps réel. Cela
implique donc qu’ils doivent juger si les évènements sont apparus ensemble (présence
conjointe de la cause et l’effet; conjonction A) ou de façon indépendante (présence de la
cause sans l’effet ou présence de l’effet sans la cause; conjonction B et C). Devant un tel
effort cognitif, il peut être plus difficile pour les participants de discriminer précisément
l’information quant à la contiguïté temporelle et de l'interpréter en fonction de leurs
croyances a priori : ils se référeront alors à l’indice le plus saillant et adopteront une
heuristique simple, c'est-à-dire qu’une forte contiguïté temporelle indiquera la présence
d’un lien causal (Buehner & May, 2003; Buehner & McGregor, 2006). En corollaire, il
peut être plus facile pour les participants d'observer l’information concernant la contiguïté
temporelle et de l’intégrer avec leurs croyances a priori dans un contexte plus simple,
comme lorsque la relation causale à évaluer est déterministe et que la succession des
évènements est bien définie (p. ex. Schlottmann, 1999). D’ailleurs, la seule étude (Allan et
al., 2003) qui définit le début et la fin de chaque séquence d’évènements à observer obtient
des résultats qui suggèrent que les participants ont interprété la contiguïté temporelle en
fonction de leurs croyances a priori. La force causale perçue par les participants de cette
étude est plus élevée lorsque le délai observé entre la cause et l’effet correspond au délai
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
23
attendu selon la suggestion a priori, comparativement aux situations où les délais observés
et attendus ne correspondent pas.
Enfin, bien que les tâches expérimentales des études de la littérature soient
similaires, l’information dévoilée au début de l’expérience afin de manipuler les croyances
a priori des participants est très variable d’une étude à l’autre. Certaines expériences
présentent des scénarios qui dévoilent, de façon implicite ou explicite, le mécanisme liant la
cause et l’effet (Buehner & May, 2002, expérience 1 et 2; Hagmayer & Waldmann, 2002,
expérience 1), d’autres dévoilent la durée du délai attendue entre ceux-ci (Buehner & May,
2003, expérience 1 et 2; 2004; Hagmayer & Waldmann, 2002, expérience 2), alors que
d’autres encore dévoilent ces deux informations (mécanisme + durée du délai attendue)
(Allan et al., 2003; Buehner & May, 2002, expérience 3; Buehner & McGregor, 2006).
Ainsi, l'utilisation de différents types d’information pour induire une croyance (mécanisme,
durée du délai attendue ou mécanisme + durée du délai attendue) pourrait expliquer en
partie la variabilité retrouvée dans les résultats de la littérature concernant l’interaction
entre les croyances a priori et la contiguïté temporelle (cf. Allan et al., 2003; Buehner &
May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006). En effet, il est difficile de savoir si
ces différents types d’information ont tous été aussi efficaces pour influencer le jugement
des gens, ce qui complique notre interprétation du rôle de ce facteur pour expliquer les
résultats obtenus.
En somme, au regard de la littérature, il existe de nombreux résultats qui confirment
partiellement la proposition théorique émise dans cette thèse et inspirée de la littérature
(notamment Buehner & McGregor, 2006), postulant que la force causale perçue pour une
relation dépend de la concordance du délai observé dans les données avec le délai attendu
par les gens (voir p.19). Toutefois, les résultats obtenus dans la littérature ne concordent pas
systématiquement avec les prédictions découlant de cette proposition. Afin d'obtenir des
résultats qui confirmeraient la validité de cette proposition théorique, il est probablement
nécessaire de recourir à une méthodologie qui ne présente pas les mêmes limites que les
études précédemment mentionnées.
Chapitre 1
24
Originalités et Objectifs de la thèse
Jusqu’ici, les deux courants de pensée qui ont guidé l’élaboration des modèles
explicatifs du raisonnement causal ont été présentés; l’un centré sur l’association entre les
évènements, l’autre sur les représentations mentales des gens. Les modèles qui en ont
découlé, tels que celui de Perales et Catena (2006), sont encore en développement et la
description de certaines parties de ceux-ci est incomplète ou encore peu détaillée. C'est le
cas, notamment, de l’interaction entre les croyances a priori des gens et la contiguïté
temporelle de la cause et l’effet. Afin de pallier ce manque dans la description des
modèles, la présente thèse propose de s’appuyer sur une littérature spécifique à ces facteurs,
qui offre des propositions théoriques intéressantes, mais dont les prédictions n’ont
malheureusement pas pu être confirmées empiriquement. En effet, aucune étude n'a pu
démontrer systématiquement que les gens perçoivent des liens de causalité plus forts
lorsque le délai observé entre des évènements concorde avec le délai attendu entre ceux-ci.
Les résultats divergents obtenus jusqu'à maintenant s'expliquent probablement par des
artéfacts méthodologiques découlant de la tâche employée dans les études antérieures.
Nous avons d'ailleurs identifié certains de ces artéfacts, soit la nature de la tâche qui
suggère qu'un délai contigu peut être attendu (Buehner & May, 2004), la charge cognitive
élevée requise pour réaliser la tâche (Buehner & McGregor, 2006), ainsi que l'utilisation de
différents types d'information afin d'induire une attente d'un délai chez les participants.
L’objectif général de cette thèse est conséquemment de préciser une partie peu
détaillée du modèle de Perales et Catena (2006), soit celle concernant le rôle des croyances
a priori et de la contiguïté temporelle de la cause et l’effet. Le défi consiste à tester
systématiquement l’interaction entre ces facteurs, mais en utilisant une méthodologie
nouvelle, dont la nature et les propriétés ne sont pas sujettes aux mêmes limites que celles
de la littérature existante. Pour ce faire, nous étudierons le jugement des gens dans une
tâche de raisonnement causal probabiliste qui exige une charge cognitive moins élevée que
celles des études antérieures. De plus, l’impact de différents types d’information
(mécanisme, durée du délai attendue ou mécanisme + durée du délai attendue) pouvant être
présentés a priori afin de suggérer une croyance sera comparé méthodiquement, ce qui n’a
encore jamais été fait.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
25
D’abord, afin de diminuer la charge cognitive des participants, plusieurs arguments
justifient l’utilisation d’un format de présentation des données alternatif au format essai par
essai, qui est généralement choisi parce qu’il est jugé plus écologique : ce format représente
bien comment le participant découvre intuitivement une relation de causalité à partir de
stimuli observés en temps réel (Griffiths & Tenenbaum, 2005). Toutefois, il est aussi
possible de rendre disponible d’un coup l’ensemble des informations à évaluer aux
participants sous forme de phrases, de liste détaillée, ou de tableaux synthèses. La
littérature suggère que ces formats alternatifs de présentation des données pourraient
solliciter des processus cognitifs différents de la méthode essai par essai et être moins
exigeants cognitivement pour les participants.
Premièrement, la présentation des données essai par essai requiert que les
participants observent, encodent, mémorisent et rappellent l'information afin de l'analyser et
de produire un jugement concernant la force causale entre les évènements. On observera
alors que les participants sont parfois plus influencés par les premières données observées
(Dennis & Anh, 2001; Marsh & Ahn, 2006) ou par les dernières données observées (Lopez,
Shanks, Almaraz, & Fernandez, 1998). À l'inverse, la présentation simultanée des
informations à évaluer illustre clairement l'ensemble des données et réduit la demande en
termes d'effort mnésique de la part des participants, car ils ont toute l’information
disponible devant eux (Holyoak & Cheng, 2011). Ceci réduit donc les possibles biais reliés
à la mémoire et à l’attention (p. ex. effet de récence ou de primauté).
Deuxièmement, cette méthode facilite la manipulation du degré de contiguïté
temporelle de la cause et l’effet (Greville & Buehner, 2007). En effet, l’information
fournie sous forme de tableaux délimite clairement chaque conjonction et combien de
temps s’est écoulé entre la cause et l’effet (s’il y en a un) pour cette conjonction. Au
contraire, lors d'une présentation successive des évènements en temps réel, le participant
doit juger si un effet est survenu suite à une cause contiguë, une cause différée, ou
simplement une cause indépendante de celle qui a été évaluée. La perception du participant
risque donc de modifier le type de conjonction observé et, en corollaire, le degré
d’association perçu entre cet effet et la cause potentielle (voir la Figure 4, p. 30, pour une
Chapitre 1
26
illustration de ce phénomène) (Greville & Buehner, 2007; Hagmayer & Waldmann, 2002).
La présentation simultanée des données est donc avantageuse en contexte expérimental, car
elle supprime l’ambigüité qu’il pourrait y avoir entre le rôle de l’information quant à la
contiguïté temporelle et celui du degré d’association perçu entre la cause et l’effet (Greville
& Buehner, 2007). De plus, comme le participant n’a pas à subjectivement évaluer le
temps qui s’écoule entre la cause et l’effet, car cette information lui est donnée, cela
élimine l’interférence engendrée par la perception des séquences temporelles (Hagmayer &
Waldmann, 2002).
Troisièmement, lorsque le participant ne peut qu’observer les données du tableau
sans intervenir sur les variables, cela favorise un effort mental conscient pour évaluer les
données. Ce type de présentation solliciterait donc un jugement délibéré de la part du
participant (Griffiths & Tenenbaum, 2005).
Quatrièmement, le recours à la présentation des données essai par essai provient de
la tradition des recherches avec les animaux, car on ne peut leur présenter l'information
autrement (Hagmayer & Waldmann, 2002). Or, il a été démontré que les participants
humains sont sensibles à la description écrite de l’information quant à la contiguïté
temporelle dans une tâche d’inférence causale (Hagmayer & Waldmann, 2002). Les gens
sont donc capables de se représenter l'influence de la contiguïté temporelle sur une relation
causale, même s'ils ne l'expérimentent pas en temps réel. De plus, lorsque les données ne
sont pas observées en temps réel, mais sont plutôt décrites, il est probable que les
participants porteront leur analyse sur le délai qui est réellement impliqué dans la tâche,
plutôt que sur leur estimation subjective du délai qui découlerait de la nature ou des
propriétés du matériel utilisé, comme cela a pu être le cas dans les études critiquées par
Buehner et McGregor (Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Shanks et al., 1989).
Cinquièmement, la présentation des données essai par essai limite les chercheurs à
étudier l'effet de différents facteurs sur l'évaluation d'une relation causale entre des
éléments physiques/mécaniques, dont les délais d'action sont relativement courts (en termes
de secondes, p. ex. l'appui sur un interrupteur et l'apparition d'une lumière). Il serait
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
27
d'ailleurs impossible d'étudier en laboratoire comment une personne évalue en temps réel
des relations causales impliquant des évènements séparés par des délais de quelques jours,
mois ou années (p. ex. l'effet de la publicité d'un commerce sur les ventes du mois suivant).
Pour sa part, la présentation des données sous forme de tableaux permet d'illustrer des
évènements de différentes natures, en plus de ne pas avoir de limite quant à la durée des
délais représentée entre les évènements. Un tel format de présentation peut donc s'avérer
plus écologique lorsque les relations causales à évaluer concernent des domaines abstraits
ou impliquant des délais plus longs, tel qu'on le retrouve dans les relations sociales,
économiques, politiques, etc.
Enfin, la présentation des données dans deux tableaux adjacents (voir la section
Méthode), illustrant respectivement la présence et l’absence de la cause, suggère aux
participants que l’impact potentiel de la cause doit être évalué en fonction d’un groupe
expérimental et d’un groupe contrôle. Cette situation incite donc les participants à adopter
un raisonnement de type scientifique, ce qu’on ne retrouve pas nécessairement de façon
intuitive chez ces derniers (cf. White, 2003b).
En résumé, le format par tableaux présente l’information de façon non ambigüe, il
permet de distinguer le rôle de la contiguïté temporelle et du degré d'association, il
minimise le recours aux processus mnésiques, attentionnels et d’estimation du temps, il
sollicite un jugement délibéré de la part du participant, il permet l'étude du raisonnement
concernant des relations causales abstraites et impliquant des délais longs, il incite à
adopter un raisonnement scientifique et il décrit explicitement l’information quant à la
contiguïté temporelle qui doit être évaluée. Nonobstant, il demeure qu’une tâche
d’inférence causale représente une tâche complexe qui fait appel à plusieurs processus
cognitifs et qui demande beaucoup de ressources mentales. Toutefois, les propriétés du
format de présentation des données par tableaux réduisent vraisemblablement la charge
cognitive des participants qui doivent évaluer un lien causal pour un ensemble de données,
comparativement à la méthode essai par essai généralement employée dans la littérature8.
8 Cette conclusion, bien qu'appuyée par plusieurs arguments issus de la littérature et entérinée par d'autres
auteurs, demeure une inférence théorique, une déduction logique. Toutefois, elle serait difficile à
Chapitre 1
28
De ce fait, les participants devraient avoir plus de facilité à observer l’information quant à
la contiguïté temporelle et à l'interpréter en fonction des croyances a priori qui leur sont
suggérées. De plus, comme l’interaction entre les croyances a priori et la contiguïté
temporelle est encore peu étudiée, il convient d’explorer l’influence de ces facteurs à l’aide
d’une méthodologie qui favorise un raisonnement optimal de la part des participants et qui
permet d’éliminer le plus d’interférences possible avec d’autres processus cognitifs. C’est
pourquoi les données à évaluer par les participants dans ce projet leur sont présentées
simultanément sous forme de tableaux (voir section Méthode).
À notre connaissance, il n’existe que deux études qui portent sur le rôle de la
contiguïté temporelle lorsque les données sont présentées sous forme de tableaux (Greville
& Buehner, 2007; Hagmayer & Waldmann, 2002). Dans leur expérience, Greville &
Buehner (2007) présentaient l’ensemble des conjonctions à évaluer dans deux tableaux,
sans toutefois suggérer aucune croyance a priori quant au délai attendu dans la relation à
évaluer. Un premier tableau indiquait si 40 cultures de bactéries avaient individuellement
survécu ou non à l’exposition à un rayon X (cause) durant cinq jours. Un deuxième tableau
indiquait si 40 autres cultures de bactéries avaient survécu ou non en l’absence de
l’exposition au rayon X durant ce même temps. Leurs tableaux étaient divisés en cinq
colonnes, représentant cinq jours d’observation pendant lesquels les cultures pouvaient
mourir. Ils manipulèrent la proportion de cultures qui périssaient dans les deux tableaux
ainsi que la proportion de cultures qui périssaient dans les premiers ou les derniers jours
d’observation. Ils ont notamment observé que, pour des ensembles de données ayant le
même degré d’association statistique entre la cause et l’effet, la force causale attribuée à la
relation par les participants diminue lorsque le nombre de jours entre la cause potentielle et
l’effet augmente. Ils illustraient ainsi que la force causale perçue par les participants est
sensible à la contiguïté temporelle de données présentées dans des tableaux.
Une autre étude (Hagmayer & Waldmann, 2002) demandait à tous les participants
d’une première expérience d’évaluer l’efficacité des interventions utilisées par deux
objectiver empiriquement. Cet aspect est expliqué dans la section Limites et Études futures de la présente
thèse.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
29
communautés pour combattre une épidémie de moustiques sur une période de 20 ans, et ce,
à partir de données présentées dans un tableau. Les données présentées étaient les mêmes
pour les deux communautés. Cependant, alors que la première communauté utilise une
intervention qui devrait agir dans la même année si elle est efficace (insecticide vaporisé
dans les champs), la deuxième communauté utilise une intervention qui devrait agir dans
l’année suivante si elle est efficace (culture de plantes qui attirent un prédateur naturel des
moustiques). En présentant ces différents mécanismes, les auteurs souhaitaient ainsi
induire des attentes spécifiques concernant le temps d’action de la cause potentielle. Ces
attentes devraient alors influencer la façon dont les évènements sont associés ensemble et,
en corollaire, le degré d’association de la cause et l’effet (voir Figure 4). Les résultats de
cette expérience confirment que les cotes des participants pour chaque communauté
reflètent le degré d’association de la cause et l’effet correspondant aux attentes temporelles
suggérées a priori. Hagmayer et Waldmann concluaient que la connaissance du mécanisme
liant la cause et l’effet permet aux participants de déduire le temps qui devrait les séparer,
ce qui influence alors leur évaluation du degré d’association perçu entre les évènements, et
donc de la force causale perçue pour la relation. À ces résultats s’ajoutent ceux d’une
deuxième expérience, dont les résultats démontrent que la simple suggestion du temps
d’action attendu pour une cause (1 jour ou 2 jours), sans mention du mécanisme, permet
aussi d’influencer l’interprétation d’un ensemble de conjonctions.
Chapitre 1
30
Figure 4. Influence des attentes quant au temps sur l’association d’une série d’évènements
en conjonctions. C représente la présence d’une intervention pour une
communauté, E représente la présence d’une épidémie de moustique. Le
panneau A montre les évènements regroupés lorsqu’il n’y a pas de délai attendu
entre la cause et l’effet. Le panneau B montre les évènements regroupés
lorsque le délai attendu est de t = 1an.
Bref, bien qu’offrant des résultats intéressants, le format de présentation des
données sous forme de tableaux demeure très peu utilisé dans la littérature lorsque vient le
temps de s’intéresser à l’impact de la contiguïté temporelle. Par ailleurs, malgré que l’étude
de Hagmayer et Waldman (2002) soit la seule à s’être intéressée à l’interaction entre les
croyances a priori et la contiguïté temporelle dans les données fournies, elle ne permet pas
de vérifier les interactions qui nous intéressent, à savoir si (a) la force causale attribuée à
une relation diminue lorsque le délai entre la cause et l’effet augmente, tel que constaté à
plusieurs reprises dans la littérature, et (b) si la force causale attribuée à une relation dépend
de la concordance ou non du degré de contiguïté temporelle de la cause et l’effet avec celui
attendu selon les croyances a priori.
Le principal objectif de la présente thèse de doctorat consiste donc à vérifier si les
croyances a priori interagissent avec la contiguïté temporelle selon les deux possibilités
soulevées ci-dessus. Pour ce faire, nous utiliserons un format de présentation simultanée
des données, c'est-à-dire sous forme de tableaux semblables à ceux de Greville et Buehner
(2007). Autrement dit, cette thèse veut vérifier si les prédictions définies dans le
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
31
paragraphe précédent (a et b) seront confirmées dans de nouvelles conditions
expérimentales utilisant, en particulier, une présentation simultanée de l’information à
évaluer. En effet, ce format de présentation est moins exigeant sur le plan de la charge
cognitive que les méthodes employées dans la littérature et il limite le recours à d’autres
processus cognitifs. La présente thèse permettra donc de répondre à deux questions qui
émergent de la littérature concernant l’interaction entre les croyances a priori et la
contiguïté temporelle, à savoir :
(1) si le biais favorable pour les fortes contiguïtés temporelles retrouvé dans les
études antérieures est ubiquitaire ou s’il est spécifique à ces études, et
(2) s’il est possible, dans un contexte optimal, de moduler systématiquement la
force causale perçue par les participants selon que la durée du délai observée
dans les données concorde ou non à la durée du délai attendue selon leurs
croyances.
Également, les informations fournies aux participants afin de manipuler leurs
croyances a priori sont très variables d’une étude à l’autre. De ce fait, on ne sait pas encore
exactement quelle(s) information(s) précise(s) est(sont) susceptible(s) de suggérer
efficacement une attente d'un délai, pour ainsi moduler l’influence de la contiguïté
temporelle dans l’attribution d’une force causale à un ensemble de données. Certaines
études ont déjà démontré que l’influence de la contiguïté temporelle sur l’évaluation d’une
force causale peut être modulée par la présentation a priori d’informations mentionnant la
durée du délai attendue entre la cause et son effet (Buehner & May, 2003, 2004; Hagmayer
& Waldmann, 2002) et/ou le mécanisme les liant (Allan et al., 2003; Buehner & May,
2002; Buehner & McGregor, 2006; Hagmayer & Waldmann, 2002). Par contre, aucune
étude ne s’est intéressée à comparer systématiquement l’efficacité de ces différents types
d’information. Pourtant, plusieurs études ont démontré l’importance des croyances a priori
dans les processus d’interprétation des données et d’inférence causale (p. ex. Ahn & Kalish,
2000; Ahn et al., 1995; Catena et al., 2008; Fugelsang & Thompson, 2000a, 2003;
Hagmayer & Waldmann, 2002; Kushnir et al., 2003; White, 1995). D’ailleurs, cet état des
connaissances ne nous permet pas de confirmer que la connaissance d’un mécanisme
Chapitre 1
32
d’action causale est nécessaire, voire suffisante, pour influencer le jugement des gens, tel
que proposé par plusieurs auteurs de la littérature (voir p.5).
Le deuxième objectif de la présente thèse consiste donc à comparer les différents
types d’information susceptibles de moduler l’impact du degré de contiguïté temporelle
d’une cause et d’un effet sur l’évaluation de la force causale d’une relation. Ainsi, il nous
apparaît intéressant de comparer, pour la première fois à l’intérieur d’une même expérience,
trois types d’information couramment utilisés dans la littérature, soit (a) un délai formulé
en termes de durée du délai attendue uniquement, (b) un délai formulé en termes de
mécanisme uniquement, et (c) un délai formulé en termes de durée du délai et de
mécanisme.
Enfin, étant donné que le degré d’association entre les variables est reconnu pour
être un facteur déterminant dans le jugement causal des gens (voir p.4), ce facteur sera aussi
inclus dans le devis expérimental. Il sera ainsi possible de vérifier si les effets recherchés
dans les 2 premiers objectifs sont indépendants du degré d’association de la cause et l’effet.
Pour réaliser ces objectifs, deux expériences sont menées. Le but de l’Expérience 1
sera, entre autres, de vérifier si les participants interprètent l’information présentée sous
forme de tableaux de la même façon que dans les études antérieures. En effet, seulement
deux études ont utilisé un format de présentation des données par tableaux pour étudier
l’impact de la contiguïté temporelle (Greville & Buehner, 2007; Hagmayer & Waldmann,
2002) et aucune d’elles ne permet de répondre aux questions posées dans la présente thèse
(identifiées à la p.31). L’Expérience 1 permettra d’observer si la diminution normalement
constatée de force causale perçue par les participants lorsque la durée du délai entre la
cause et l’effet augmente se retrouve également lorsque les données sont présentées sous
forme de tableaux. Surtout, il sera aussi possible de vérifier si l'on peut modifier cet impact
habituel avec un tel format de présentation en manipulant les croyances a priori des
participants, c'est-à-dire en présentant des informations véhiculant des attentes relatives au
délai temporel. L’impact du type d’information présenté pour suggérer une attente sera
aussi évalué pour la première fois à l’intérieur d’une même expérience. Pour ce faire, trois
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
33
scénarios suggérant un délai long entre la cause et l’effet (formulés en termes de durée du
délai, de mécanisme, et durée du délai et mécanisme) seront utilisés, ce qui permettra de
comparer leur efficacité respective pour contrecarrer la baisse de force causale
normalement constatée en présence d’un délai long dans les données fournies.
L’Expérience 2 permettra de pousser plus loin l’exploration des interactions
potentielles entre les croyances a priori et le degré de contiguïté temporelle des données
fournies sous forme de tableaux. En s’inspirant des propositions de Buehner et McGregor
(2006) reformulées en termes quantitatifs dans la présente thèse, cette deuxième expérience
évaluera l'effet de la concordance de la durée du délai suggérée (suggestion a priori d’un
délai long ou court) avec la durée du délai présente dans les données à évaluer (long ou
court), et ce, à l’intérieur d’un même plan expérimental. Il sera ainsi possible de vérifier si
la force causale attribuée à une relation dépend de la concordance ou non du degré de
contiguïté temporelle de la cause et l’effet avec celui attendu selon les croyances a priori.
Encore une fois, l’impact de différents types d’information présentés pour suggérer une
attente d'un délai sera comparé.
Chapitre 2
Expérience 1
Chapitre 2
36
La première expérience vise à confirmer le rôle habituel de la contiguïté temporelle
dans l’évaluation d'un lien causal, c'est-à-dire que la force causale perçue diminue lorsque
le délai entre la cause et l’effet augmente. Ce résultat a été constaté une seule fois jusqu’à
ce jour dans un contexte d'évaluation d'un lien causal à partir de données présentées
simultanément sous forme de tableaux (Greville & Buehner, 2007). De plus, cette
expérience vise principalement à évaluer s’il est possible de moduler cet effet en présentant
a priori de l'information concernant le délai attendu entre la cause et l’effet, une interaction
qui n’a pas encore été testée à ce jour avec un tel format de présentation. Par ailleurs, étant
donné l’importance accordée à ce facteur par la littérature, l’effet de différents degrés
d’association des variables sera évalué, afin de vérifier l’impact potentiel de ce facteur.
Enfin, cette expérience aspire aussi à évaluer, pour la première fois à l’intérieur d’un même
devis expérimental, quel type d’information doit être transmis afin de suggérer
efficacement une attente d'un délai et ainsi contrecarrer la baisse de cette force causale.
Pour ce faire, des scénarios sont présentés aux participants (disponibles en Annexe 2) afin
de suggérer la présence d’un délai entre la cause et l’effet; ces scénarios sont formulés en
termes de durée du délai uniquement, en termes de mécanisme d’action uniquement, ou en
termes de durée du délai et de mécanisme d’action. Les scénarios, présentant donc
différents types d’information qui véhiculent des attentes en un délai, sont présentés à des
groupes indépendants de participants, afin que l’information fournie dans un scénario
n’influence pas l’interprétation des informations quant au délai suggéré dans un autre
scénario. De plus, chacun des groupes de participants reçoit aussi un scénario ne suggérant
rien quant au délai attendu (condition contrôle), afin de servir de comparaison.
Hypothèses
D’après les résultats obtenus dans les études antérieures, en l’absence de croyances
a priori pour encadrer l’interprétation de l’information à évaluer, les gens vont
intuitivement percevoir que la force causale d’une relation diminue lorsque la durée du
délai entre les variables observées augmente. La première hypothèse stipule donc que,
lorsque le scénario présenté a priori ne suggère aucun délai, on devrait observer une
diminution de la force causale perçue par les participants au fur et à mesure que la durée du
délai entre la cause et l’effet augmente dans les données à évaluer.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
37
De plus, certaines études ont démontré qu’on peut contrecarrer cette baisse de force
causale normalement constatée lorsque la durée du délai entre la cause et l’effet augmente,
si l'on suggère aux participants dès le départ qu’un délai est possible (Buehner & May,
2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006). La deuxième hypothèse énonce alors que,
lorsqu’un scénario suggérant un délai est présenté a priori, la force causale perçue par les
participants ne devrait plus diminuer malgré une augmentation de la durée du délai dans les
données fournies. Conséquemment, les cotes de force causale attribuées pour des
ensembles de données présentant un délai long entre la cause et l’effet devraient être aussi
élevées que celles pour des ensembles de données équivalents, mais présentant un délai
court.
Également, plusieurs auteurs suggèrent que les croyances a priori des gens
encadrent le traitement de l’information observée dans une tâche d’inférence causale : ainsi
l’information observée qui concorde avec les croyances a priori ne serait pas évaluée de la
même façon par les gens que l’information qui ne concorde pas. La présente thèse formule
même des prédictions précises à ce propos, suggérant que l’information concordante devrait
contribuer à augmenter la force causale perçue, contrairement à l’information non
concordante (voir p.19). En conséquence, il est possible que les données présentant un
délai long entre la cause et l’effet reçoivent un traitement privilégié de la part des
participants de cette expérience, puisqu’elles concordent avec le délai suggéré a priori dans
le scénario expérimental. Tel que déjà constaté dans les études ayant recours à un format
essai par essai (Allan et al., 2003; Buehner & McGregor, 2006), la troisième hypothèse
propose que, lorsqu’un délai est suggéré a priori, les cotes de force causale fournies pour
des ensembles de données qui présentent un délai long devraient être plus élevées que
celles fournies pour des ensembles de données qui présentent un délai court entre la cause
et l’effet. Dans le même ordre d’idées, les cotes de force causale fournies pour des
ensembles de données qui présentent un délai long devraient être plus élevées lorsqu’un
délai est suggéré aux participants plutôt que lorsqu’aucun délai n’est suggéré.
Par ailleurs, à l’instar des nombreuses études qui ont démontré que le jugement
causal des gens est fortement influencé par le degré d’association des variables, on peut
Chapitre 2
38
prédire que la force causale perçue pour un ensemble de données sera sensible au P.
Ainsi, la quatrième hypothèse postule que la force causale perçue par les participants sera la
plus élevée lorsque le P est fort (.75), suivi du P faible (.25) puis du P nul (0).
Enfin, s’il est vrai que les attentes a priori quant au délai attendu entre des
évènements dépendent de la croyance en un mécanisme d’action causal (voir Ahn &
Kalish, 2000; Einhorn & Hogarth, 1986), il est probable que les trois premières hypothèses
ne soient confirmées qu’avec les cotes des participants qui ont obtenu des informations en
termes de Mécanisme d’action uniquement ou de Durée du délai et Mécanisme. Toutefois,
en s’appuyant sur les résultats de la littérature, il apparaît que tous les types d’information
pourraient réussir à suggérer efficacement aux participants qu’un délai est possible entre les
variables évaluées. La dernière hypothèse suggère donc que tous les types d’information
utilisés dans cette expérience seront efficaces pour suggérer qu’un délai est plausible entre
la cause et l’effet; la force causale perçue par les participants pour des situations
équivalentes devrait donc être similaire, peu importe le type d’information reçu.
Méthode
Participants.
Trente (30) participants par groupe expérimental (3 groupes selon le type
d’information reçu: Mécanisme uniquement, Durée du délai uniquement, Durée du délai et
Mécanisme), ont été recrutés, soit 90 participants au total (31 hommes : 59 femmes). Les
participants ont été recrutés sur le campus de l’Université Laval, via des affiches, des
annonces effectuées durant des cours universitaires de premier cycle et des courriels ciblés.
L’expérience est d’abord présentée comme une recherche portant sur le raisonnement
adulte.
Matériel.
Un questionnaire contenant toutes les informations nécessaires pour réaliser la tâche
est remis aux participants. Une représentation schématique de l’organisation du
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
39
questionnaire est illustrée à la Figure 5 ci-dessous. Ce questionnaire présente d’abord une
mise en situation expliquant aux participants qu’ils doivent évaluer le rôle de certains
insecticides sur le changement de couleur au rouge des feuilles des palmiers vaporisés (voir
Annexe 1, instructions générales).
Figure 5. Schéma représentant l’organisation du cahier expérimental présenté aux
participants (les chiffres représentent les matrices à évaluer).
Suite à la mise en situation générale, le questionnaire est séparé en deux sections.
Une première section comporte 9 ensembles de données (matrices) de 80 données
(conjonctions) chacune à évaluer, et ce, sans recevoir aucune information a priori
(condition contrôle). Une deuxième section comporte les mêmes 9 matrices de données à
évaluer, mais, cette fois-ci, précédées d’un scénario suggérant qu’un délai long est possible
entre la cause et l’effet. L’ordre de présentation de ces deux sections est contrebalancé de
façon à ce que la moitié des participants reçoivent le scénario suggérant une attente d'un
délai en premier. Trois scénarios sont utilisés pour suggérer la présence de ce délai, selon la
condition expérimentale dans laquelle se trouve le participant : les scénarios sont donc
formulés (a) en termes de Durée du délai uniquement, (b) en termes de Mécanisme d’action
uniquement, ou (c) en termes de Durée du délai et de Mécanisme d’action (voir Annexe 2).
Chaque participant n'est donc exposé qu'à un seul type d'information, selon son groupe
Chapitre 2
40
expérimental. L'ordre de présentation des matrices est aussi aléatoire, les matrices sont
présentées dans un ordre différent pour chaque participant d'une même condition
expérimentale (Durée du délai, Mécanisme, ou Durée du délai + Mécanisme).
Chaque matrice, constituant une situation à évaluer, présente l’ensemble des
données à évaluer pour cette situation sous forme de deux tableaux (exemple à l’Annexe 1).
Un premier tableau présente ainsi un groupe de 40 palmiers ayant été exposés à
l’insecticide, dont certains d’entre eux ont vu toutes leurs feuilles changer au rouge. Un
deuxième tableau présente un groupe contrôle d’un nombre équivalent de palmiers n’ayant
pas été exposés à la substance, mais qui peuvent également présenter des feuilles qui ont
toutes changé au rouge. Un X dans la ligne d’un palmier signifie que ses feuilles ont
changé au rouge. La colonne indique le temps, après la vaporisation de l’insecticide, auquel
le changement de couleur a été observé, soit 1, 2, 3, 4 ou 5 jours après l’exposition des
palmiers à l’insecticide 9
.
Les neuf matrices de chaque section (contrôle et expérimentale) ont été développées
en combinant trois degrés d’association et trois degrés de contiguïté temporelle de la cause
et l’effet. L’information à propos du degré d’association entre la cause et l’effet est
représentée par la fréquence relative des palmiers dont les feuilles ont changé au rouge dans
le groupe contrôle et expérimental, tel que mesuré objectivement par le Delta p (P). Le P
se calcule en soustrayant la probabilité de voir un effet apparaître lorsque la cause est
absente (groupe contrôle de palmiers) à la probabilité de voir un effet apparaître lorsque la
cause est présente (groupe de palmiers exposés à l’insecticide). Le P est donc un rapport
de proportion qui s’exprime entre -1 et 1, et on peut le résumer grâce à la formule : P =
[P(e|c)] - [P(e|¬c)]. Trois degrés d’association ont été retenus, soit nul (P = 0), faible
9 La fenêtre temporelle choisie n’est pas arbitraire et se fonde sur les résultats obtenus à un sondage pré-
expérimental effectué auprès de 74 étudiants qui ont répondu à la question : « Nous nous intéressons à une
relation causale particulière : la vaporisation d’un insecticide sur les plantes cause parfois un effet
indésirable, soit l’apparition de taches rouges sur leurs feuilles. Selon vous, dans le cas où les plantes
seraient sensibles à l’insecticide employé, cette relation de cause à effet devrait prendre combien de jours
pour se manifester? Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, c’est votre opinion qui nous intéresse. »
Les résultats indiquent qu’en moyenne, un individu s’attend à ce qu’un délai de 3,74 jours (E.T. = 3,53)
survienne entre la vaporisation de l’insecticide et l’apparition d’un effet sur les feuilles des plantes, alors
que le mode et la médiane sont de 3 jours. Par ailleurs, 68,9% des étudiants ont jugé que ce délai devrait
être de 3 jours ou moins.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
41
(P = .25) et fort (P = .75). Par mesure de simplicité, et parce que l’effet du P n’est pas
l’objet principal de la recherche, la probabilité de l’effet dans le groupe contrôle se veut
représentative du hasard et a été fixée à [P(e|¬c)] = .25 pour toutes les matrices. La
probabilité de l’effet dans le groupe expérimental [P(e|c)] est donc fixée de façon à obtenir
le P approprié pour chaque matrice. La [P(e|c)] , la [P(e|¬c)] et le P retenus pour
chaque matrice sont rapportés dans le tableau de l’Annexe 3. En guise d’exemple, pour le
niveau de P faible (P = .25), il y a 10 palmiers qui ont changé de couleur dans le groupe
contrôle, et 20 dans le groupe expérimental.
L’information à propos de la contiguïté temporelle est, quant à elle, représentée par
la distribution des effets sur les cinq temps d’observation. Comme l’ont fait Greville et
Buehner (2007), pour donner l’impression d’une forte contiguïté (délai court), 40% des
effets se retrouvent dans la première colonne, 30% dans la deuxième colonne, 20% dans la
troisième colonne, 10% dans la quatrième colonne et 0% dans la cinquième colonne. La
distribution inverse est utilisée pour donner l’impression d’une faible contiguïté (délai long)
entre la cause et l’effet, alors que les effets se distribuent également dans chaque colonne
pour suggérer que le délai est aléatoire. Par exemple, pour un ensemble de 80 données (40
par tableau) à évaluer présentant un délai court et un degré d’association faible (P = .25),
il y a 8 X dans la première colonne du tableau expérimental, 6 X dans la deuxième colonne,
4 X dans la troisième colonne, 2 X dans la quatrième colonne et aucun X dans la dernière
colonne, pour un total de 20 X. La distribution des effets pour le groupe contrôle se veut
représentative du hasard, soit toujours le même nombre de X dans toutes les colonnes. Les
9 matrices ainsi obtenues (voir Annexe 3) sont agencées de façon différente dans les deux
sections du cahier afin qu’elles ne soient pas reconnues par les participants. Les
participants ont donc 18 ensembles de données en tout à évaluer.
Procédure.
Les participants sont rencontrés individuellement ou en petit groupe (d’une à trois
personnes) dans un local sur le campus de l’Université Laval. Tout d’abord, le cahier
contenant les instructions est remis aux participants qui en font la lecture, mais
Chapitre 2
42
l’expérimentateur accompagne tout de même les participants dans leur lecture afin de
s’assurer qu’ils ont bien compris la tâche. Après avoir lu les instructions générales et la
page de présentation du premier insecticide, les participants commencent leurs évaluations.
Pour chaque ensemble de données (matrice), le participant doit donc comparer les données
des deux tableaux, en fonction du degré d’association (P) et de la contiguïté temporelle. Il
indique ensuite son évaluation de la responsabilité de l’insecticide sur le changement de
couleur subit des feuilles des palmiers pour chacun des ensembles sur une échelle de type
Likert (tel qu’illustré dans l’exemple de l’Annexe 1), allant de -10 (l’insecticide empêche
très fortement le changement de couleur des feuilles) à 10 (l’insecticide cause très
fortement le changement de couleur des feuilles), en passant par 0 (aucun lien de cause à
effet entre l’insecticide et le changement de couleur des feuilles). Toutes les nuances
possibles entre ces nombres sont évidemment possibles. Sous l’échelle, une section
commentaire de trois lignes est disponible pour les participants désirant laisser leur
impression ou leur raisonnement qualitatif à propos de l’effet de l’insecticide. Les
participants recommencent ensuite la même procédure pour la deuxième section après avoir
lu la page de présentation du deuxième insecticide. La toute dernière page du cahier
contient une feuille demandant l’âge, le sexe et l’occupation de la personne, à des fins
statistiques.
Analyses et résultats de l’Expérience 1
L’analyse choisie vise à évaluer (a) s’il existe bel et bien une baisse de la force
causale perçue par les participants en fonction de l’augmentation de la durée du délai
présente dans les données fournies sous forme de tableaux, et (b) s’il est possible de
contrecarrer ce phénomène en présentant a priori aux participants des informations
suggérant qu’un délai est possible entre les évènements. De plus, l’impact potentiel du
degré d’association des variables et du type d’information utilisé pour suggérer l'attente
d'un délai est évalué. Les cotes fournies par les participants pour chacun des 18 ensembles
de données10
ont donc été regroupées dans une ANOVA à plan mixte, avec les facteurs
intra-sujets Suggestion d’un délai (2 niveaux; aucune suggestion, suggestion d’un délai),
10
Toutes les réponses des participants ont été enregistrées deux fois et comparées par l'auteur et son
assistante.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
43
Contiguïté temporelle (3 niveaux; délai court, aléatoire, long) et Degré d’association (3
niveaux; P = 0, .25, .75). De plus, le Type d’information reçu lorsqu’un délai est suggéré
(3 niveaux; formulé en termes de mécanisme, de durée du délai, ou de durée du délai et
mécanisme) est utilisé comme facteur inter-sujet, divisant les participants en trois groupes
de 30 participants. Étant donné le nombre élevé d’ANOVAs qui doivent être effectuées
pour analyser l’ensemble des effets principaux et d’interaction, un seuil alpha conservateur
de .01 est retenu pour toutes les ANOVAS. Une correction de Bonferonni est utilisée pour
les comparaisons a posteriori, et la correction de Greenhouse-Geisser est utilisée lorsque le
postulat d’homogénéité des variances n’est pas respecté. Par souci de simplicité, les degrés
de liberté et les carrés moyens non corrigés sont présentés lorsque cela s’applique.
Les seuls effets significatifs sont les effets principaux de la Contiguïté temporelle (p
< .001) et du Degré d’association (p < .001), ainsi que l’interaction entre Suggestion d’un
délai et Contiguïté temporelle (p < .001). Le Type d’information n’est impliqué dans aucun
résultat significatif11
. L’ensemble des résultats de l’ANOVA est rapporté au Tableau 1 de
l’Annexe 4. Les moyennes et écarts-types des cotes obtenues, pour chaque niveau des
facteurs principaux, sont rapportés au Tableau 2 de l’Annexe 4.
Des comparaisons a posteriori pour le facteur Degré d’association révèlent des
différences significatives entre toutes les paires de niveaux (ps < .001), les cotes des gens
étant significativement plus élevées respectivement lorsque le P = .75 (M = 7,64), suivi du
P = .25 (M = 4,11) et du P = 0 (M = -0,22).
L’interaction entre les facteurs Contiguïté temporelle et Suggestion d’un délai a été
décomposée, dans un premier temps, en testant l'effet de la Contiguïté temporelle à chaque
niveau du facteur Suggestion d’un délai. Lorsqu’aucun délai n’est suggéré, les cotes
diffèrent significativement selon la Contiguïté temporelle, F(2, 178) = 25,779, p < .001.
Les comparaisons a posteriori indiquent des différences significatives entre toutes les paires
de niveaux du facteur Contiguïté temporelle, ps < .001. Les cotes sont les plus élevées
11
L’influence potentielle de l’ordre de présentation des conditions expérimentales a été explorée dans le but
de vérifier si le type d’information pouvait s’avérer significatif. Les analyses pour chaque ordre de
présentation se sont avérées non significatives.
Chapitre 2
44
lorsque le délai est court (M = 4,52), suivi du délai aléatoire (M = 3,79), puis du délai long
(M = 2,81). Une deuxième ANOVA, menée sur le même facteur lorsqu’un délai est
suggéré, ne montre aucune différence significative entre les niveaux, F < 1. Les cotes sont
donc équivalentes, que le délai soit court (M = 4,13), aléatoire (M = 3,96) ou long (M =
3,84) lorsqu'un délai est suggéré. Les moyennes de chaque niveau de l’interaction
Suggestion d’un délai X Contiguïté temporelle sont rapportées au Tableau 3 de l’Annexe 4
et sont illustrées à la Figure 6 ci-dessous.
Figure 6. Moyennes des cotes de force causale obtenues pour les différents niveaux du facteur
Contiguïté temporelle en fonction du facteur Suggestion d’un délai pour
l’Expérience 1 (les barres d’erreurs représentent l’intervalle de confiance = 95%).
Bien qu'il soit d'usage de ne décomposer une interaction qu'en fonction d'un seul
facteur, dans une seule direction, l'interaction entre les facteurs Contiguïté temporelle et la
Suggestion d’un délai est décomposée dans les deux directions pour en examiner tous les
aspects de façon exhaustive. Ainsi, trois tests-t pour échantillons pairés entre les niveaux
de Suggestion d’un délai ont été effectués afin de vérifier s’il y a des différences entre eux
pour chacun des niveaux de Contiguïté temporelle. Pour un délai long, le test-t indique
0
2
4
6
8
10
Délai Court Délai aléatoire Délai long
Forc
e ca
usa
le p
erçu
e
Contiguité temporelle dans les données
Aucune Suggestion
Suggestion d'un délai
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
45
une différence significative, t(89) = -4,271, p < .001, les cotes étant plus élevées lorsqu’un
délai est suggéré (M= 3,84) que lorsqu’aucun délai n’est suggéré (M = 2,81). Les tests-t ne
montrent pas de différence de cotes pour un délai aléatoire, t(89) = -1,290, ou court t(89) =
1,800, ps > .05.
En résumé, les résultats obtenus montrent que (a) les cotes de force causale perçue
par les participants varient fortement en fonction du degré d’association objectif (P) entre
la cause et l’effet (effet principal du Degré d’Association), (b) globalement, on observe une
légère diminution de la force causale perçue lorsque la contiguïté temporelle de la cause et
l’effet diminue (effet principal de la Contiguïté temporelle), (c) cette baisse de force causale
perçue est surtout présente lorsqu’aucun délai n’est suggéré au départ, mais n’est toutefois
plus observée lorsque l’on suggère a priori un délai (interaction Contiguïté temporelle X
Suggestion d’un délai), et (d) les types d’information utilisés pour suggérer un délai ont
tous eu des impacts similaires sur la force causale perçue (absence d’effet du Type
d’information).
Enfin, on note aussi que 87% des participants ont fourni des commentaires écrits,
soit suite à leur évaluation d'un ensemble de données, soit à la fin du questionnaire (voir
Annexe 6 pour des exemples de commentaires qualitatifs des participants). Ces
commentaires apportent des indices supplémentaires concernant les processus et les
croyances qui ont guidé le raisonnement des participants au cours de la tâche. Les
implications de ces commentaires seront abordées dans la Discussion générale.
Discussion des résultats de l’Expérience 1
L’objectif de l’Expérience 1 est de vérifier (a) s’il existe bel et bien une baisse de la
force causale perçue par les participants en fonction de l’augmentation de la durée du délai
présente dans les données fournies sous forme de tableaux, et (b) s’il est possible de
contrecarrer ce phénomène en présentant a priori aux participants des informations qui
véhiculent l’attente qu’un délai est possible entre les évènements. Ces objectifs sont
étudiés en fonction de l’effet potentiel du degré d’association des variables et du type
d’information présenté a priori pour suggérer une attente d'un délai. À la lumière des
Chapitre 2
46
résultats obtenus, plusieurs conclusions peuvent être tirées de l’Expérience 1.
Premièrement, il semble que les participants soient sensibles au degré d’association (P)
entre les variables. Tel qu’anticipé dans les hypothèses, plus l’effet covarie avec la cause,
plus les gens attribuent une force causale élevée à cette cause. Cette expérience soutient
donc les nombreux travaux ayant démontré l’importance de ce facteur pour le raisonnement
causal, en interaction ou non avec les croyances ou attentes a priori (Allan & Jenkins, 1983;
Buehner, 2005; Buehner & May, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006, 2009; Cheng,
1997; Fugelsang et al., 2004; Fugelsang & Thompson, 2001; Fugelsang et al., 2006;
Greville & Buehner, 2007; Jenkins & Ward, 1965; Kao & Wasserman, 1993; Katagiri,
Kao, Simon, Castro, & Wasserman, 2007; Wasserman et al., 1990; Wasserman et al., 1993;
White, 2008). Toutefois, comme le P n’interagit avec aucun facteur, il est présumé que les
autres effets significatifs sont vrais pour tous les degrés d’association. L’effet de ce facteur
ne sera donc pas discuté davantage.
Concernant l’effet de la variable d’intérêt de cette étude, la contiguïté temporelle
présente dans les données, on observe une tendance générale des participants à attribuer des
cotes de force causale plus faibles lorsque la durée du délai entre la cause et l’effet
augmente (voir Tableau 2 de l’Annexe 4); cet effet se retrouve principalement
lorsqu’aucune information quant au délai n’est présentée a priori. L’information quant à la
contiguïté temporelle présentée sous forme de tableaux constitue donc une source
d’information qui influence l’évaluation de la force causale d’une relation par les
participants. Tel qu’anticipé dans la première hypothèse, ce résultat confirme l’effet
habituel de la contiguïté temporelle sur l’évaluation d’une force causale déjà constaté dans
les études antérieures ayant opté plutôt pour un format de présentation des données essai
par essai (Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Shanks et al., 1989) ou un format similaire
au nôtre (Greville & Buehner, 2007).
Par ailleurs, l’interaction de la Contiguïté temporelle avec le facteur Suggestion
d’un délai nous indique que cet effet n’est pas absolu. Lorsqu’un scénario qui suggère une
attente d'un délai est présenté aux participants, la force causale perçue ne diffère plus selon
le degré de contiguïté temporelle présent dans les ensembles de données. Tel que postulé
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
47
dans notre deuxième hypothèse, les informations fournies a priori aux participants ont
réussi à contrecarrer la baisse de force causale perçue normalement constatée lorsque la
durée du délai augmente entre une cause et son effet. Ces résultats reproduisent donc ceux
de la littérature récente ayant déjà constaté ce type d’interaction avec des données essai par
essai (voir Allan et al., 2003; Buehner & May, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006).
Ils sont particulièrement importants puisqu'il s'agit de la première fois que cet effet de la
suggestion a priori d’un délai est constaté avec des données présentées simultanément.
De plus, ce patron de résultats appuie partiellement notre troisième hypothèse, issue
d'une reformulation des propositions de Buehner et McGregor (2006). Effectivement, on
observe que la force causale perçue pour des données présentant un délai long est plus
élevée lorsqu’un délai est suggéré, comparativement à lorsqu’aucun délai n’est suggéré.
Autrement dit, la force causale perçue pour des données présentant un délai long est plus
élevée lorsque la durée du délai dans les données fournies concorde avec la durée du délai
suggérée a priori. Par ailleurs, bien que non statistiquement significative, on observe une
tendance à la baisse de la force causale attribuée pour des données présentant un délai court
lorsqu’un délai est suggéré, comparativement à lorsqu’aucun délai n’est suggéré.
Autrement dit, la force causale perçue pour des données présentant un délai court tend à
être plus faible lorsque la durée du délai dans les données fournies ne concorde pas avec la
durée du délai suggéré a priori, quoique cette observation ne soit pas appuyée par un test
d’inférence statistique significatif. Bref, ces résultats supportent l’idée d’un traitement
différent des données présentant un délai qui concorde ou non avec la suggestion d’un
délai, tel que proposé dans cette thèse (voir p.19) et déjà constaté dans quelques études qui
ont eu recours à la méthode de présentation des données essai par essai (Allan et al., 2003;
Buehner & May, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006). Cela suggère qu’il est
pertinent de pousser plus loin l’investigation concernant l’interaction entre la contiguïté
temporelle et les croyances a priori avec ce format de présentation des données. Toutefois,
la présente expérimentation n’a présenté que des informations suggérant la présence
possible d'un délai. Alors que le présent chapitre nous illustre l'effet de la suggestion ou
non d'un délai sur le jugement des participants, il serait intéressant de dorénavant comparer
l'effet de différente durée de délai suggérée a priori. En effet, en suggérant des délais de
Chapitre 2
48
différentes durées (délai court ou long), il sera possible de tester toutes les interactions
prévues par le modèle de Buehner et McGregor concernant la durée du délai attendue par
une personne et la durée du délai observée dans les données à évaluer (voir Tableau 1, p,
15). Une telle expérience permettra de vérifier l'exactitude des propositions formulées dans
cette thèse concernant l’effet de la concordance ou non de la durée de ces délais (attendue
et observée) sur la force causale perçue par les participants. Ainsi, nous pourrons vérifier
s'il est vrai que la force causale perçue par une personne est plus élevée lorsque la durée du
délai observée entre deux évènements concorde avec la durée du délai attendue entre ceux-
ci. À cette fin, le but de la deuxième expérimentation est donc de comparer, à l’intérieur
d’un même plan expérimental, toutes les possibilités d’interaction entre la durée du délai
attendue (court ou long) et la durée du délai observée (court ou long) entre deux
évènements.
Enfin, en ce qui a trait à l’efficacité des types d’information transmit, les résultats
révèlent que les trois types d’information utilisés pour véhiculer une attente d’un délai
(formulés en termes de durée du délai, de mécanisme d’action, ou durée du délai et
mécanisme d’action) ont tous eu un impact de même ampleur sur le jugement des
participants. Tous ont donc réussi à contrecarrer la baisse habituellement constatée de la
force causale perçue lorsque le degré de contiguïté temporelle de la cause et l’effet
diminue. Conformément à nos hypothèses, il semble que ces différents types d’information
soient tous efficaces pour induire, chez les participants, l’attente qu’un délai est possible
entre la cause et l’effet. Il s’agit de la première fois que ce résultat est observé, puisque
cette expérience est la première à comparer systématiquement l’impact de ces différents
types d’information sur le raisonnement causal. Par ailleurs, la présente expérience ne
permet pas de comparer l'efficacité de chacun de ces types d'information pour induire chez
les participants l'attente d'un délai d'une durée précise entre les évènements. Puisqu'il s'agit
de la première fois que ces types d'information sont comparés, il sera alors intéressant, dans
le prochain chapitre, d'observer leur influence respective sur la force causale perçue dans de
nouvelles conditions, soit lorsque des délais de différentes durées définies (court ou long)
sont suggérés aux participants. Enfin, puisque le scénario formulé en termes de durée du
délai uniquement a été aussi efficace que les deux autres scénarios qui comportaient des
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
49
informations relatives à un mécanisme potentiel, nos résultats ne permettent pas de
confirmer l’hypothèse stipulant que la connaissance explicite d’un mécanisme de
transmission causal liant la cause à l’effet est fondamentale dans la reconnaissance qu’un
délai long est possible entre ceux-ci.
En résumé, trois conclusions en lien avec les objectifs de la thèse peuvent être tirées
des résultats de l’Expérience 1. Premièrement, la baisse de force causale normalement
constatée lorsque la contiguïté temporelle de deux évènements diminue s’observe aussi
lorsque les données à évaluer sont présentées sous forme de tableaux. Deuxièmement, cet
impact de la contiguïté temporelle sur le raisonnement des gens peut être modulé, voire
contrecarré, par la présentation d’information suggérant la présence d’un délai entre la
cause et l’effet. Troisièmement, la présentation de différents types d’information, relatifs à
la durée du délai ou au mécanisme, s’est avérée efficace pour modifier la force causale
attribuée à des ensembles de données présentant des délais courts ou longs. Ce résultat
suggère que ces différents types d’information sont tous aussi efficaces pour suggérer une
attente quant à la plausibilité d’un délai entre la cause et l’effet.
Chapitre 3
Expérience 2
Chapitre 3
52
L’Expérience 1 a permis de confirmer le rôle habituel de la contiguïté temporelle
dans l’évaluation de données présentées simultanément sous forme de tableaux. Surtout,
elle démontre qu’il est possible de moduler cet effet en présentant a priori une information
qui suggère un délai possible entre la cause et l’effet. De plus, il semble que cet effet ne
dépende pas du degré d’association des variables et qu’on peut le retrouver grâce à la
présentation d’information formulée en termes de temps uniquement, de mécanisme
uniquement, ou encore les deux. Ces résultats appuient donc la proposition théorique
formulée dans la présente thèse concernant l’interaction entre les croyances a priori et la
contiguïté temporelle, à savoir que l’information observée qui concorde avec les croyances
a priori d'une personne reçoit un traitement différent, comparativement à l’information qui
ne concorde pas (voir p.19).
Ce deuxième chapitre donnera suite à ces résultats en abordant l'interaction entre la
contiguïté temporelle et les croyances a priori sous un angle nouveau. En effet, à
l'Expérience 1, les attentes des participants ont été manipulées par la suggestion d'un délai
possible entre les évènements. Cette fois-ci, pour l'Expérience 2, les attentes des
participants seront manipulées par la suggestion de différentes durées de délai attendues
entre les évènements. En manipulant la durée du délai suggérée a priori, il devient alors
possible de comparer toutes les situations potentielles prévues par Buehner et McGregor
(2006, voir p.17-18 de ce texte) concernant la durée du délai attendue par les participants et
la durée du délai observée entre la cause et l'effet. Ainsi, cette expérience permettra
d'observer l’effet de la concordance entre la durée du délai attendue et la durée du délai
observée sur la force causale perçue par les participants. Tel que défini lors de
l'introduction (p.19), il est attendu que la force causale perçue par une personne sera plus
élevée lorsque le délai attendu et observé pour une situation concorde, comparativement à
lorsqu'il ne concorde pas.
Une telle prédiction trouve appui dans la littérature, alors que plusieurs chercheurs
affirment que les croyances a priori des gens vont moduler l’effet de la contiguïté
temporelle des données sur leur jugement causal (p. ex. Allan et al., 2003; Buehner & May,
2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006; Einhorn & Hogarth, 1986; Hagmayer &
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
53
Waldmann, 2002; Perales & Catena, 2006). Malheureusement, à l’exception d’une seule
étude (Allan et al., 2003), les résultats obtenus dans leurs études ne confirment que
partiellement la prédiction décrite ci-dessus et inspirée de Buehner et McGregor (2006).
Comme nous l'avons précédemment invoqué, ces divergences entre les résultats et les
prédictions de la littérature s'expliquent possiblement par la charge cognitive élevée exigée
par les tâches d’évaluation causale utilisées dans ces études; dans un tel contexte,
l’information quant à la contiguïté temporelle peut être moins saillante pour les participants
et son intégration avec leurs croyances a priori plus difficile. De plus, les auteurs
soulignent que les participants ont pu modifier leurs croyances a priori au cours de
l’expérimentation, de façon à ce que leurs attentes ne correspondent plus nécessairement à
ce qui est suggéré dans le scénario présenté au départ.
En conséquence, le but de cette deuxième expérience est de pallier ces limites afin
de répondre à l'un des objectifs principaux de cette thèse, c'est-à-dire évaluer s’il est
possible, dans un contexte optimal, de moduler systématiquement la force causale perçue
par les participants selon que la durée du délai observée dans les données concorde ou non
à la durée du délai attendue selon leurs croyances. L’Expérience 1 comporte déjà des
indices allant dans ce sens, mais seule l’attente d’un délai long possible a été testée. Le
format de présentation des données employé à l’Expérience 1, c'est-à-dire les tableaux
synthèses, sera donc réutilisé pour cette deuxième expérience, car il semble être un format
adéquat pour tester l'impact des facteurs à l'étude ainsi que leurs interactions.
Également, afin de tester toutes les situations d’interaction potentielles entre les
croyances a priori et la contiguïté temporelle dans les données, la présente expérimentation
utilisera dorénavant des scénarios suggérant un délai contigu (court) et non contigu (long)
dans les données à évaluer (voir Annexe 2). Contrairement à l’Expérience 1, dont les
scénarios expérimentaux suggéraient un délai possible entre la cause et l’effet, la
formulation de la suggestion d’un délai dans ces scénarios sera plus précise, afin de définir
davantage les croyances a priori des participants quant à la durée du délai attendue.
Chapitre 3
54
De plus, tout comme pour le chapitre précédent, l’impact potentiel des trois types
d’information employés pour induire une attente d'un délai sera étudié (mécanisme
uniquement, durée du délai uniquement, durée du délai et mécanisme). En effet,
l'Expérience 1 a démontré que ces types d'information ont tous un impact équivalent sur le
jugement des gens lorsqu'ils sont employés pour suggérer la présence d'un délai possible
entre les évènements. Cependant, personne n'a jamais comparé l'impact respectif de ces
types d'information lorsqu'ils sont employés pour induire une attente quant à la durée du
délai attendue entre les évènements, tel que nous l'étudierons dans l'Expérience 2. De ce
fait, il n'est pas possible de déterminer s'ils sont tous efficaces pour induire une attente
relative à la durée du délai devant séparer les évènements, ce qui représente une dimension
temporelle que n'était pas présente à l'Expérience 1. Il est donc intéressant de répéter la
comparaison de ces types d'information, afin de voir s'ils auront un impact équivalent sur le
jugement des gens dans ce nouveau contexte.
À l'instar de l'Expérience 1, les trois types d'information, véhiculés par des scénarios
différents, seront présentés à des groupes indépendants de participants, afin que
l’information fournie dans un type de scénario n’influence pas l’interprétation de
l'information quant à la durée du délai suggérée dans un autre scénario; ainsi, chaque
participant est exposé à un seul type d'information. De plus, pour ces nouveaux scénarios
(voir Annexe 2), lorsque la mention de la durée du délai attendue entre la cause et l'effet
s’avère nécessaire (scénarios formulés en termes de durée du délai uniquement et en termes
de durée du délai et mécanisme), cette durée du délai est formulée en suggérant une fenêtre
temporelle précise dans nos tableaux de données, qui s’échelonnent sur 5 jours.
Conséquemment, à partir des résultats du sondage pré-expérimental (qui rapportait un délai
moyen et médian attendu de 3 jours) et des résultats de l’Expérience 1 (qui confirment que
des ensembles de données dont les effets surviennent majoritairement en 3 jours ou plus
sont cotés différemment que des ensembles de données dont les effets surviennent
majoritairement en 3 jours ou moins), nous avons donc opté pour la suggestion d’une
fenêtre temporelle entre 1 et 3 jours pour suggérer un délai court, et entre 3 et 5 jours pour
suggérer un délai long.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
55
Enfin, étant donné l’importance accordée au degré d’association des variables par la
littérature, l’effet potentiel de ce facteur sur le jugement des gens sera encore une fois
évalué, afin de voir si son impact est similaire à celui retrouvé au chapitre précédent.
Bref, cette deuxième expérience permettra de vérifier s’il est possible d’obtenir des
résultats qui confirment systématiquement les prédictions concernant l'influence de la
concordance de la durée du délai attendue et observée entre des évènements sur le jugement
de force causale des gens. Les scénarios présentés a priori fourniront donc des
informations détaillées quant à la durée du délai attendue, afin de suggérer des attentes plus
précises aux participants. Cette expérience se distingue ainsi de l'Expérience 1, qui testait
l'effet de la suggestion d'un délai possible sur le jugement de force causale des gens. Tout
comme pour l'Expérience 1, ces prédictions seront testées en fonction du type d'information
utilisé pour suggérer une attente d'un délai, ainsi qu'en fonction du degré d'association
objectif de la cause et de l'effet (∆P). De plus, le jugement des gens sera obtenu dans les
mêmes conditions que pour la première expérience, c'est-à-dire avec un format de
présentation des données qui tente de limiter le recours à d’autres processus cognitifs, de
favoriser un jugement délibéré et d'être moins exigeant en termes de charge cognitive que
les méthodes généralement employées dans la littérature.
Hypothèses
Dans cette thèse, il est postulé que les croyances a priori des gens vont encadrer
l’interprétation de l’information quant à la contiguïté temporelle, de façon à ce que
l’information conforme aux croyances contribue à augmenter la force causale perçue,
contrairement à l’information non conforme. D'après cette proposition, des prédictions
spécifiques peuvent être établies concernant l'effet de la concordance de la durée du délai
attendue et observée entre les évènements, tel que nous l'étudions dans le présent chapitre.
Ainsi, la première hypothèse prédit que la cote de force causale attribuée à un ensemble de
données sera plus élevée lorsque la durée du délai présente dans les données à évaluer
concorde avec la durée du délai suggérée dans le scénario a priori (délai court, délai long),
comparativement à lorsque ces délais ne concordent pas. De façon plus précise, lorsque le
scénario suggère un délai long, la cote de force causale attribuée à un ensemble de données
Chapitre 3
56
présentant un délai long devrait être plus élevée que celle attribuée à un ensemble de
données présentant un délai court; l’effet inverse est attendu lorsque le scénario suggère un
délai court. Par ailleurs, il est aussi possible d’envisager les différences prévues selon une
autre perspective. Ainsi, il est également anticipé que la cote de force causale attribuée à
un ensemble de données présentant un délai long devrait être plus élevée lorsque le scénario
a priori suggère un délai long que lorsque le scénario suggère un délai court. En corollaire,
la cote de force causale attribuée à un ensemble de données présentant un délai court
devrait être plus élevée lorsque le scénario a priori suggère un délai court que lorsque le
scénario suggère un délai long.
Par ailleurs, en accord avec les nombreuses études qui ont démontré que le
jugement des gens est fortement influencé par le degré d’association des variables, on peut
prédire que la force causale perçue pour un ensemble de données sera sensible au P.
D'ailleurs, cette prédiction s'est avérée exacte dans le chapitre précédent, alors que la force
causale perçue par les participants augmente lorsque le degré d'association augmente.
Ainsi, à l'instar de la première expérience, la deuxième hypothèse postule que la force
causale perçue par les participants sera la plus élevée lorsque le P est fort (.75), suivi du
P faible (.25) puis du P nul (0).
Enfin, s’il est vrai que les attentes des gens concernant le délai devant séparer une
cause et un effet dépendent de leur connaissance d'un mécanisme d’action causal (voir Ahn
& Kalish, 2000; Einhorn & Hogarth, 1986), il est probable que les deux premières
hypothèses ne seraient confirmées qu’avec les cotes des participants ayant obtenu des
informations en termes de Mécanisme d’action uniquement ou de Durée du délai et
Mécanisme. Cependant, en s’appuyant sur les résultats de la littérature et de l’Expérience 1,
il semble que tous ces types d’information peuvent réussir à suggérer efficacement aux
participants une attente quant à un délai entre la cause et l’effet. Bien que l'Expérience 1 ait
démontré l'impact équivalent de ces types d'information pour suggérer un délai possible, il
n'est pas possible de savoir s'ils pourront tous réussir à suggérer efficacement une attente
quant à la durée du délai attendue entre les évènements. La dernière hypothèse suggère
donc que tous les types d’information utilisés dans cette expérience seront efficaces pour
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
57
suggérer précisément la durée du délai attendue entre la cause et l’effet; la force causale
perçue par les participants pour des situations équivalentes devrait donc être similaire, peu
importe le type d’information reçu.
Méthode
Participants.
Trente (30) participants par groupe expérimental (3 groupes, selon le type
d’information : Mécanisme uniquement, Durée du délai uniquement, Durée du délai et
mécanisme) ont été recrutés, soit 90 participants au total (34 hommes : 56 femmes). Les
participants, qui ne devaient pas avoir participé à l'Étude 1, ont été recrutés sur le campus
de l’Université Laval, via des affiches, des annonces effectuées durant des cours
universitaires de premier cycle et des courriels ciblés. L’expérience est d’abord présentée
comme une recherche portant sur le raisonnement adulte.
Matériel.
Le même matériel qu’à l’Expérience 1 est repris. Tout le cahier, incluant les
instructions générales, les noms des insecticides et les tableaux présentant les données pour
chaque matrice, sont exactement les mêmes. Cependant, la section sans attente (contrôle)
du cahier de l’Expérience 1 est dorénavant remplacée par un scénario suggérant un délai
court. De plus, la formulation des scénarios vise désormais à préciser davantage la durée
du délai attendue entre la cause et l’effet, plutôt que de suggérer un délai possible. Chaque
participant est donc exposé à un scénario suggérant un délai court et un scénario suggérant
un délai long entre la cause et l'effet. Enfin, comme pour l'Expérience 1, les participants
sont divisés en trois groupes indépendants, selon le type d'information utilisé pour suggérer
la durée du délai attendue entre la cause et l'effet. Ainsi, chaque participant doit compléter
les deux sections relatives à la durée du délai suggérée (court et long) en étant exposé à un
seul type d'information pour suggérer ce délai (Durée du délai, Mécanisme, ou Durée du
délai + Mécanisme). Les nouveaux scénarios sont présentés à l’Annexe 2. Pour chaque
groupe expérimental, la présentation des sections suggérant un délai court ou long est
Chapitre 3
58
contrebalancée entre les participant. L'ordre de présentation des matrices est aussi
contrebalancé de la même façon que pour l'Expérience 1.
Procédure.
La même procédure que pour l’Expérience 1 est reprise. Les participants sont
rencontrés dans les mêmes conditions et ils remplissent le questionnaire de la même façon.
Seule l'information contenue dans les scénarios a priori est différente.
Analyses et Résultats de l’Expérience 2
Les analyses pour cette expérience visent à évaluer si les ensembles de données
présentant un délai conforme à la suggestion d'un délai temporel se verront attribuer des
cotes de force causale plus élevées, comparativement à des ensembles de données
présentant un délai non conforme. De plus, l’impact potentiel du degré d’association des
variables et du type d’information utilisé pour suggérer une attente d'un délai est évalué.
Une ANOVA est donc effectuée à partir des cotes fournies par les participants pour chaque
ensemble de données, soit 18 cotes au total12
. L’ANOVA mixte est effectuée avec les
facteurs intra-sujets Durée du délai suggérée (2 niveaux; suggestion d’un délai court,
suggestion d’un délai long), Contiguïté temporelle (3 niveaux; délai court, aléatoire, long)
et Degré d’association (3 niveaux; P = 0, .25, .75). De plus, le Type d’information reçu a
priori (3 niveaux; Mécanisme uniquement, Durée du délai uniquement, Durée du délai et
Mécanisme) est utilisé comme facteur inter-sujets, divisant les participants en trois groupes
de 30 participants. La correction de Greenhouse-Geisser est appliquée lorsque le postulat
d’homogénéité n’est pas respecté13
et la correction de Bonferroni est appliquée pour les
comparaisons a posteriori. Tout comme pour l’Expérience 1, étant donné le nombre élevé
d’ANOVAs qui doivent être effectuées pour analyser l’ensemble des effets principaux et
d’interaction, un seuil alpha conservateur de .01 est retenu pour toutes les ANOVAS.
12
Toutes les réponses des participants ont été enregistrées deux fois et comparées par le présent auteur. 13
Par souci de simplicité, les degrés de liberté et les carrés moyens non corrigés sont présentés lorsque cela
s’applique.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
59
L’ensemble des résultats de cette ANOVA est rapporté au Tableau 1 de l’Annexe
514
. Sur le plan des facteurs intra-sujets, on retrouve des effets significatifs principaux du
Degré d’association (p < .01) et de la Contiguïté temporelle (p < .01). On retrouve aussi
des interactions significatives Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle (p < .01),
ainsi que Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle X Degré d’association (p <
.01). Sur le plan des différences entre les groupes de participants, on ne note aucun effet
significatif principal du Type d’information (p > .01), ainsi qu’une interaction significative
Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle X Type d’information (p < .01). Les
moyennes de chaque niveau des facteurs principaux sont rapportées au Tableau 2 de
l’Annexe 5.
1. Effet de la Contiguïté temporelle et ses interactions.
Les moyennes de chaque niveau de l’interaction significative Durée du délai
suggérée X Contiguïté temporelle sont rapportées au Tableau 3 de l’Annexe 5 et sont
illustrées à la Figure 7 ci-dessous. Toutefois, l’effet de la Contiguïté temporelle doit être
considéré dans son interaction triple avec la Durée du délai suggérée et le Degré
d’association, ainsi que dans son interaction triple avec la Durée du délai suggérée et le
Type d’information.
1.1 Interaction Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle selon le Degré
d’association. L’interaction Contiguïté temporelle X Durée du délai suggérée ne
s’exprime pas de la même façon pour tous les degrés d’association, bien que les ANOVAS
menées avec les deux premiers facteurs soient significatives pour chaque degré
d’association (P = 0 : F(2, 178) = 20,452, p < .001; P = .25 : F (2, 178) = 35,640, p <
.001; P = .75 : F (2, 178) = 36,342, p < .001). Afin de vérifier où se situent les
différences, deux ANOVAs simples à mesures répétées menées sur le facteur Contiguïté
temporelle selon la Durée du délai suggérée (lorsqu’un délai court est suggéré et lorsqu’un
délai long est suggéré) ont été effectuées pour chaque degré d’association (P = 0, P =
.25, P = .75), donc six ANOVAs en tout. Les moyennes de chaque niveau de l’interaction
14
Lorsque l’Ordre de présentation des scénarios est inclus comme facteur inter-sujets dans cette ANOVA, ce
facteur ne montre pas d’effet principal significatif et il n’interagit pas avec le Type d’information.
Chapitre 3
60
significative Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle selon le Degré d’association
sont rapportées au Tableau 4 de l’Annexe 5 et illustrées à la Figure 8 ci-dessous.
Figure 7. Moyennes des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction
Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle de l’ANOVA sur les cotes
fournies à l’Expérience 2 (les barres d’erreurs représentent l’intervalle de
confiance = 95%).
Pour le P = 0, l’ANOVA menée sur le facteur Contiguïté temporelle lorsqu’un
délai court est suggéré est significative, F(2, 178) = 27,378, p < .001, et les comparaisons a
posteriori indiquent des différences entre toutes les paires de niveaux du facteur Contiguïté
temporelle (ps < .01). Ainsi, lorsqu’un délai court est suggéré, la force causale la plus
élevée se retrouve lorsque le délai est court, suivi du délai aléatoire, puis du délai long.
L’ANOVA lorsqu’un délai long est suggéré n’est pas significative au seuil alpha retenu15
,
F(2, 178) = 4,131, p > .01; lorsqu’un délai long est suggéré, les cotes sont équivalentes
lorsque le délai est court, aléatoire ou long (voir Tableau 4 de l’Annexe 5 et Figure 8 ci-
dessous).
15
L’ANOVA est significative à un seuil alpha de .05.
0
2
4
6
8
10
Délai court Délai aléatoire Délai long
Forc
e ca
usa
le p
erçu
e
Contiguïté temporelle dans les données
Suggestion d'un délai court
Suggestion d'un délai long
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
61
A.
B. C.
Figure 8. Moyennes des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction
Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle en fonction du Degré
d’association de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2. Le panneau
A représente les moyennes pour le P = 0, le panneau B celles pour le P = .25
et le panneau C celles pour le P =.75. Les barres d’erreurs représentent
l’intervalle de confiance = 95%.
Pour le P = .25, l’ANOVA menée sur le facteur Contiguïté temporelle lorsqu’un
délai court est suggéré est significative, F(2, 178) = 49,204, p < .001, et les comparaisons
a posteriori indiquent des différences entre toutes les paires de niveaux du facteur
Contiguïté temporelle (ps < .01). Ainsi, lorsqu’un délai court est suggéré, les cotes sont les
plus élevées lorsque le délai est court, suivi du délai aléatoire, puis du délai long.
L’ANOVA lorsqu’un délai long est suggéré est également significative, F(2, 178) = 7,307,
p < .01, alors que les comparaisons a posteriori indiquent que le délai court est
-4
-2
0
2
4
6
8
10
Court Aléatoire LongF
orc
e ca
usa
le p
erçu
e
Contiguïté temporelle dans les données
Suggestion d'un délai court
Suggestion d'un délai long
0
2
4
6
8
10
Court Aléatoire Long
Forc
e ca
usa
le p
erçu
e
Contiguïté temporelle dans
les données
0
2
4
6
8
10
Court Aléatoire LongF
orc
e ca
usa
le p
erçu
e
Contiguïté temporelle dans les
données
Chapitre 3
62
significativement différent du délai aléatoire et du délai long (ps < .05). Lorsqu’un délai
long est suggéré, les cotes sont plus faibles lorsque le délai est court que lorsqu’il est long
ou aléatoire, alors qu’elles sont équivalentes lorsque le délai est aléatoire ou long (Tableau
4 de l’Annexe 5 et Figure 8 ci-dessus).
Pour le P = .75, l’ANOVA menée sur le facteur Contiguïté temporelle lorsqu’un
délai court est suggéré est significative, F(2, 178) = 44,622, p < .001), et les comparaisons a
posteriori indiquent des différences entre toutes les paires de niveaux du facteur Contiguïté
temporelle (ps < .01). Ainsi, lorsqu’un délai court est suggéré, les cotes sont toujours les
plus élevées lorsque le délai est court, suivi du délai aléatoire, puis du délai long.
L’ANOVA lorsqu’un délai long est suggéré est aussi significative, F(2, 178) = 6,751, p <
.01, alors que les comparaisons a posteriori indiquent que le délai court est
significativement différent du délai aléatoire et du délai long (ps < .05). Lorsqu’un délai
long est suggéré, les cotes sont plus faibles lorsque le délai est court que lorsqu’il est long
ou aléatoire, alors qu’elles sont équivalentes lorsque le délai est aléatoire ou long (Tableau
4 de l’Annexe 5 et Figure 8 ci-dessus).
1.2 Interaction Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle selon le Type
d’information. Les ANOVAs menées avec les facteurs Contiguïté temporelle et Durée du
délai suggérée indiquent une interaction significative entre ces facteurs pour les
participants ayant reçu les types d’information Durée du délai uniquement (F(2, 58) =
15,878, p < .001) ainsi que Durée du délai et Mécanisme (F(2, 58) = 40,051, p < .001),
alors qu’elle est non significative pour les participants ayant reçu le type d’information
Mécanisme uniquement (F(2, 58) = 0,826, p > .01). Afin de vérifier comment l’interaction
Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle s’exprime pour les Types d’information
qui ont montré une interaction significative, les mêmes analyses que la section précédente
ont été effectuées, mais cette fois, en fonction du type d’information présenté a priori16
.
16
Malgré que l’ANOVA pour le type d’information Mécanisme uniquement n’ait pas montré d’interaction
significative (F(2, 58) = 0,826, p > .01), on note tout de même des différences entre les niveaux du facteur
Contiguïté temporelle selon la Durée du délai suggérée. Ainsi, l’ANOVA à mesures répétées menée sur
le facteur Contiguïté temporelle lorsqu’un délai court est suggéré est significative, F(2, 58) = 8,406, p <
.01, et les comparaisons a posteriori indiquent que les cotes fournies sont significativement plus faibles
lorsque le délai dans les données est long que lorsque le délai est aléatoire ou court, ps < .05, alors que les
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
63
Les moyennes de chaque niveau de l’interaction Durée du délai suggérée X Contiguïté
temporelle selon le Type d’information sont rapportées au Tableau 5 de l’Annexe 5 et à la
Figure 9 ci-dessous.
Pour le type d’information Durée du délai et Mécanisme, l’ANOVA à mesures
répétées menée sur le facteur Contiguïté temporelle lorsqu’un délai court est suggéré est
significative, F(2, 58) = 34,543, p < .001, et les comparaisons a posteriori indiquent des
différences entre toutes les paires de niveaux du facteur Contiguïté temporelle (ps < .01).
Ainsi, lorsqu’un délai court est suggéré, les cotes sont les plus élevées lorsque le délai est
court, suivi du délai aléatoire, puis du délai long. Par ailleurs, l’ANOVA lorsqu’un délai
long est plutôt suggéré est significative F(2, 58) = 17,069, p < .001, et les comparaisons a
posteriori indiquent aussi des différences entre toutes les paires de niveaux du facteur
Contiguïté temporelle (ps < .01). Contrairement à l’ANOVA précédente, lorsqu’un délai
long est suggéré, les cotes sont les plus élevées lorsque le délai est long, suivi du délai
aléatoire, puis du délai court (voir Tableau 5 de l’Annexe 5 et Figure 9 ci-dessous).
Pour le type d’information Durée du délai uniquement, l’ANOVA à mesures
répétées menée sur le facteur Contiguïté temporelle lorsqu’un délai court est suggéré est
significative, F(2, 58) = 22,988, p < .001, et les comparaisons a posteriori indiquent des
différences entre toutes les paires de niveaux du facteur Contiguïté temporelle (ps < .01).
Ainsi, lorsqu’un délai court est suggéré, les cotes sont les plus élevées lorsque le délai est
court, suivi du délai aléatoire, puis du délai long. Par ailleurs, l’ANOVA lorsqu’un délai
long est plutôt suggéré n’est pas significative au seuil alpha retenu, F(2, 58) = 4,393, p >
.01. Malgré l’absence de différence significative entre le délai long avec le délai aléatoire
(p = 1.00) et court (p = .13), on note que les cotes sont les plus élevées lorsque le délai est
long, suivi du délai aléatoire, puis du délai court (voir Tableau 5 de l’Annexe 5 et Figure 9
ci-dessous).
cotes sont équivalentes entre le délai aléatoire et le délai court. Par ailleurs, l’ANOVA lorsqu’un délai
long est suggéré n’est pas significative, F(2, 58) = 2,378, p > .01. Il n’y a aucune différence significative
entre les niveaux du facteur Contiguïté temporelle, mais on note que les cotes sont les plus élevées lorsque
le délai est court (M = 4,28), suivi du délai aléatoire (M = 4,08), puis du délai long (M = 3,16) (Tableau 5
de l’Annexe 5 et Figure 9 ci-dessous).
Chapitre 3
64
A.
B. C.
Figure 9. Moyennes des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction
Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle en fonction du Type
d’information de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2. Le panneau
A représente les moyennes pour le scénario Mécanisme uniquement, le panneau
B celles pour le scénario Temps uniquement, et le panneau C celles pour le
scénario Temps et Mécanisme. Les barres d’erreurs représentent l’intervalle de
confiance = 95%.
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Court Aléatoire Long
Forc
e ca
usa
le p
erçu
e
Contiguïté temporelle dans les données
Suggestion d'un délai court
Suggestion d'un délai long
0
1
2
3
4
5
67
8
9
10
Forc
e ca
usa
le p
erçu
e
Contiguïté temporelle dans
les données
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10F
orc
e ca
usa
le p
erçu
e
Contiguïté temporelle dans
les données
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
65
2. Effet principal du Degré d’association
Les comparaisons a posteriori pour le facteur Degré d’association indiquent des
différences significatives entre toutes les paires de niveaux (ps < .001), les cotes des gens
étant globalement plus élevées respectivement lorsque le P est de .75 (M = 7,05), suivi du
P de .25 (M = 3,39) et du P de 0 (M = -0,41).
Enfin, tout comme pour l'Expérience 1, on note aussi que 90% des participants ont
fourni des commentaires écrits, soit à la suite de leur évaluation d'un ensemble de données,
soit à la fin du questionnaire (voir Annexe 6 pour des exemples de commentaires qualitatifs
des participants). Encore une fois, ces commentaires apportent des indices supplémentaires
concernant les processus et les croyances qui ont guidé le raisonnement des participants au
cours de la tâche. Les implications de ces commentaires seront abordées dans la
Discussion générale.
Discussion des résultats de l’Expérience 2
L’objectif de l’Expérience 2 est d'examiner l’effet de la concordance entre la durée
du délai attendue et la durée du délai observée entre une cause et un effet sur la force
causale perçue par les participants. Pour ce faire, toutes les situations d'interaction
potentielles entre la durée du délai attendue et la durée du délai observée ont été comparées,
dans le but de tester la proposition théorique voulant que la force causale attribuée à une
relation dépende de la concordance ou non de la durée du délai observée entre les
évènements avec la durée du délai attendue entre ceux-ci. Cet objectif est également étudié
en fonction de l’effet potentiel du degré d’association des variables ainsi que du type
d’information présenté a priori pour suggérer une attente quant à la durée du délai.
L’hypothèse principale prédit que la cote de force causale attribuée à un ensemble de
données sera plus élevée lorsque la durée du délai présente dans les données à évaluer
concorde avec la durée du délai suggérée dans le scénario a priori, comparativement aux
situations où ces durées ne concordent pas. Alors que les résultats obtenus dans la présente
expérience confirment majoritairement cette hypothèse, d’autres viennent nuancer
l’interprétation que l’on peut en faire.
Chapitre 3
66
En effet, l’analyse principale de cette expérimentation indique bel et bien une
interaction entre la durée du délai suggérée et la contiguïté temporelle présente dans les
données, dans laquelle la cote de force causale fournie par les participants est
systématiquement plus élevée lorsque la durée du délai présente dans les données est
conforme à celle suggérée dans le scénario présenté a priori (voir Tableau 3 de l’Annexe 5
et Figure 7 du texte). Ainsi, lorsqu’un délai court est suggéré, les cotes fournies pour des
ensembles de données présentant un délai court sont plus élevées que celles fournies pour
des ensembles équivalents, mais présentant un délai long; le phénomène inverse est observé
lorsqu’un délai long est suggéré. Par ailleurs, les ensembles de données présentant un délai
court entre la cause et l’effet obtiennent des cotes de forces causales plus élevées lorsqu’un
délai court est suggéré a priori, comparativement à lorsqu’un délai long est suggéré; l’effet
inverse est observé pour les ensembles de données présentant un délai long. Cette
expérience démontre donc que la force causale perçue par les participants peut être
systématiquement modulée selon la concordance de la durée du délai observée dans les
données et de la durée du délai suggérée a priori. À la connaissance du présent auteur, il
n’y a que l’étude d’Allan et al. (2003) qui a obtenu de tels résultats significatifs entre toutes
les situations d'interaction testées, alors que les autres études ne démontrent qu’une
confirmation partielle de cette hypothèse (Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Greville &
Buehner, 2007; Shanks & Dickinson, 1987, voir p.19-21 de ce document). Il s’agit donc de
la première fois qu’une étude présentant les données sous forme de tableaux démontre un
effet d’interaction systématique entre la suggestion a priori d'un délai et la contiguïté
temporelle des données dans le processus d’évaluation de la force causale d’une relation.
Par ailleurs, cet effet de modulation semble dépendre de certains paramètres,
notamment le degré d’association (P) entre la cause et l’effet, ainsi que le type
d’information présenté a priori pour suggérer un délai. En effet, l’interaction entre la
Contiguïté temporelle et la Durée du délai suggérée selon le Degré d’association nous
indique qu'en présence d'un degré d’association différent de 0 (P = .25 ou P =.75), les
cotes sont systématiquement plus élevées lorsque la durée du délai observée dans les
données (court ou long) concorde avec la durée du délai suggérée a priori (court ou long),
comparativement aux situations où ces délais ne concordent pas. Toutefois, lorsque le P
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
67
est nul (P = 0), on retrouve un effet de la concordance des délais attendus et observés
uniquement lorsqu'un délai court est suggéré a priori; on ne retrouve pas cette différence
lorsqu’un délai long est suggéré. Il semble donc que la capacité de moduler le
raisonnement des gens par la suggestion a priori d’un délai long soit plus sensible que pour
la suggestion d’un délai court, car il faut un degré d’association minimal pour que cet effet
s’exprime. D'après une revue de la littérature, il semble qu'aucune étude ne se soit
spécifiquement attardée à l’effet de modulation du degré d’association sur l’interaction
entre les croyances a priori et la contiguïté temporelle d'une cause et d'un effet. Cela
soulève néanmoins l'hypothèse d’un lien théorique entre ces facteurs, hypothèse qui peut
être analysée en fonction du modèle de Perales et Catena (2006),qui sera abordé plus loin
dans ce texte (voir Discussion générale). Également, les résultats obtenus lorsque le degré
d’association est nul sont intéressants. En effet, en l’absence d’association objective entre
les variables, les participants ont perçu que les ensembles de données présentant un délai
court démontraient une force causale générative plus élevée, alors que les ensembles de
données présentant un délai long démontraient une force causale préventive plus élevée. À
l’instar de l’étude de Greville et Buehner (2007), qui employait un format de présentation
des données similaire, les participants de la présente expérience ont donc utilisé la
contiguïté temporelle présente dans les données comme un indice de la nature de la
relation, qu'elle soit de nature générative ou préventive. Les implications théoriques de ces
résultats pourront également être discutées dans la Discussion générale.
De plus, tous les types d’informations n’ont pas entraîné le même effet de
modulation des cotes de force causale selon la concordance de la durée du délai observée
dans les données et de la durée du délai suggérée a priori. D’une part, l’interaction entre la
Contiguïté temporelle et la Durée du délai suggérée selon le Type d’information indique
que, lorsqu’un délai court est suggéré, les cotes de force causale sont toujours plus élevées
pour des ensembles de données présentant un délai court plutôt qu’un délai long, et ce, peu
importe le type d’information. Cet effet est semblable à celui habituellement retrouvé dans
de nombreuses études qui ne suggèrent rien à leurs participants ou qui emploient des
formulations variées afin de leur suggérer a priori un délai court (Allan et al., 2003;
Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Shanks et al., 1989; Expérience 1 de cette thèse).
Chapitre 3
68
Cependant, lorsqu’un délai long est suggéré, les cotes de force causale sont plus élevées
lorsque les ensembles de données présentent un délai long, comparativement à un délai
court, seulement si le type d’information est formulé en termes de Durée du délai et
Mécanisme. Bien qu’on observe une tendance similaire lorsque le type d’information est
formulé en termes de Durée du délai uniquement, cette différence n’est pas statistiquement
significative entre le délai court et le délai long. Également, lorsque le type d’information
est formulé en termes de Mécanisme uniquement, les cotes de force causale sont toutes
statistiquement équivalentes, bien que l’on observe une diminution des cotes fournies
lorsque le délai est long, comparativement à lorsqu’il est court. En somme, seule la
suggestion d’un délai formulée en termes de Durée du délai et Mécanisme a incité les
participants à fournir des cotes de force causale tel que prévu par nos hypothèses, c'est-à-
dire que les cotes sont systématiquement plus élevées lorsque la durée du délai observée
dans les données concorde avec la durée du délai suggérée a priori, comparativement aux
situations où ces durées de délai ne concordent pas. À la connaissance du présent auteur, il
n’existe qu’une seule étude à ce jour qui ait obtenu des résultats aussi systématiques : celle-
ci mentionnait également a priori le mécanisme et la durée du délai attendue entre la cause
et l’effet afin de suggérer une attente aux participants (Allan et al., 2003). Concernant la
suggestion d’un délai en termes de Durée du délai uniquement, on retrouve un effet
semblable, mais qui n’est pas complètement confirmé par des analyses inférentielles
significatives, tel qu’on le retrouve également dans plusieurs études (Buehner & May,
2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006). Enfin, lorsqu’il s’agit de suggérer un
délai formulé en termes de Mécanisme uniquement, on observe que les cotes de force
causale tendent à diminuer lorsque le délai est long dans les données, mais que la
suggestion d’un délai long permet de contrecarrer cette baisse de force causale. Cette
dernière observation est conforme aux résultats obtenus à l’Expérience 1, ainsi qu'à ceux de
la littérature récente ayant déjà constaté ce type d’interaction avec des données essai par
essai (Buehner & May, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006).
Contrairement à ce qui était anticipé dans nos hypothèses, les différences observées
entre les types d’information utilisés dans cette expérience indiquent qu’ils ne sont
probablement pas tous aussi efficaces pour suggérer précisément la durée du délai attendue
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
69
entre la cause et l’effet. Ce constat est particulièrement intéressant, puisqu’il s’agit de la
première fois que différents types d’information sont comparés à l’intérieur d’une même
étude. Les résultats obtenus ici démontrent pourtant que ce facteur influence la force
causale perçue pour une relation et devrait donc être pris en compte dans les études sur le
sujet. Les implications théoriques et les pistes d’explication concernant les différences
observées entre les types d'information seront discutées davantage dans la section suivante
(Discussion générale).
Également, ces résultats indiquent qu’une simple mention de la durée du délai
attendue entre la cause et l’effet a suffi pour influencer l’évaluation de la force causale
fournie par les participants : un résultat similaire avait été obtenu par Hagmayer et
Waldmann (2002), mais il ne leur était pas possible de vérifier si la cote fournie par les
participants dépendait systématiquement de la concordance de la durée du délai présente
dans les données avec la durée du délai suggérée au départ. Il n’est donc pas possible de
confirmer l’hypothèse voulant que la connaissance explicite d’un mécanisme de
transmission causal, qui relie la cause à l’effet, soit fondamentale dans la reconnaissance
qu’un délai long peut séparer une cause et un effet, tel que proposé par certains auteurs
(voir Ahn & Kalish, 2000; Buehner & McGregor, 2006; Einhorn & Hogarth, 1986).
Enfin, tout comme pour l’Expérience 1, le degré d’association objectif (P) entre
les variables constitue le facteur qui influence le plus l’évaluation de la force causale des
gens : tel que prévu par nos hypothèses, plus l’effet covarie avec la cause, plus les gens
attribuent une force causale élevée à cette cause. Cette deuxième expérimentation soutient
donc également les nombreux travaux ayant démontré l’importance de ce facteur dans le
raisonnement causal, en interaction ou non avec les croyances a priori (Allan & Jenkins,
1983; Buehner, 2005; Buehner & May, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006, 2009;
Cheng, 1997; Fugelsang et al., 2004; Fugelsang & Thompson, 2001; Fugelsang et al., 2006;
Greville & Buehner, 2007; Jenkins & Ward, 1965; Kao & Wasserman, 1993; Katagiri et
al., 2007; Wasserman et al., 1990; Wasserman et al., 1993; White, 2008).
Chapitre 4
Discussion générale
Chapitre 4
72
D'après la littérature, les modèles du raisonnement causal les plus récents tentent
d'expliquer comment les croyances a priori des gens sont intégrées avec les données
observées afin de déterminer la structure et la force causale d'une relation (Griffiths &
Tenenbaum, 2009; Holyoak & Cheng, 2011; Lu, Yuille, Liljeholm, Cheng, & Holyoak,
2008). Ces modèles définissent les aspects des connaissances a priori qui encadrent la
formation de représentations mentales (modèles mentaux) des relations causales entre des
variables. De plus, grâce à une formule mathématique, ils spécifient de quelle façon la
probabilité d'un lien causal entre les variables se détermine et se modifie au fil de
l'observation de nouvelles données, permettant ainsi de quantifier la force causale perçue
par une personne. Cependant, bien que ces modèles permettent des prédictions qui reflètent
assez bien les réponses des participants à des tâches d'évaluation de la force causale, ils ne
permettent pas d'expliquer le rôle que pourraient jouer certains facteurs dans le processus
du raisonnement causal. En effet, en offrant des prédictions centrées sur le rôle des
connaissances a priori et sur le rôle du degré d'association, ces modèles computationnels
négligent le rôle des autres sources d'information contenues dans les données observées,
telles que la contiguïté spatiale et la contiguïté temporelle de la cause et l'effet. De tous les
modèles recensés dans la littérature, il semble qu'un seul permette d'inclure l'ensemble des
facteurs (voir Lagnado et al., 2007, pour une revue des indices de causalité) qui peuvent
influencer le raisonnement causal, soit le modèle de Perales et Catena (2006). Bien que
certaines parties de ce modèle doivent encore être développées, il permet de placer les
grands champs de recherche de ce domaine les uns par rapport aux autres. Ce modèle
graphique et hiérarchique est compatible avec les propositions des autres modèles récents
de la littérature et il permet d'y ajouter le rôle des facteurs qui n'y sont pas encore présents;
cet aspect est discuté de façon plus détaillée ci-dessous.
L’objectif de cette thèse est donc d’explorer un aspect peu développé des modèles
du raisonnement causal proposés par la littérature, à savoir comment s’exprime l’interaction
entre les croyances a priori des gens et la contiguïté temporelle présente dans les données.
Cette interaction est étudiée dans le cadre d’une tâche d’évaluation de la force causale
d’une relation qui, par rapport à celles des autres études de la littérature, tente notamment
de minimiser les biais relatifs à d’autres processus cognitifs et de réduire la charge
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
73
cognitive exigée pour effectuer la tâche. La présente thèse vise aussi à identifier quels
types d’information, véhiculant des croyances a priori, sont susceptibles de moduler
l’impact du degré de contiguïté temporelle d’une cause et d’un effet sur l’évaluation de la
force causale d’une relation. Les résultats obtenus dans la présente étude seront mis en lien
avec les propositions théoriques récentes de la littérature, et plus spécifiquement avec le
modèle théorique offert par Perales et Catena (2006). Pour atteindre ces objectifs, des
prédictions précises quant aux cotes de force causale attendues dans des situations variées
ont été émises à l’aide d’une reformulation en termes probabilistes des propositions de la
littérature (voir p.19).
L’Expérience 1 a démontré que les gens sont sensibles à l’information quant à la
contiguïté temporelle lorsque les données sont présentées sous forme de tableaux, un
résultat observé une seule fois à ce jour (Greville & Buehner, 2007). Surtout, elle illustre
qu’il est possible de contrecarrer la baisse de force causale habituellement constatée lorsque
la durée du délai entre la cause et l’effet augmente, en présentant a priori des informations
suggérant la présence d’un tel délai : il s’agit de la première fois qu’une telle interaction est
observée avec une présentation simultanée des données. Enfin, elle établit que différents
types d’information, relatifs au mécanisme, à la durée du délai, ou les deux, peuvent être
efficaces pour induire chez les participants l’attente qu’un délai est possible entre la cause
et l’effet, et ainsi moduler leur évaluation d’une force causale.
Pour faire suite à l’Expérience 1, laquelle évalue l’impact de la suggestion d’un
délai possible entre la cause et l’effet, l’Expérience 2 vise à évaluer l'effet de la
concordance de la durée du délai attendue avec la durée du délai observée entre des
évènements. Les réponses des participants sont donc comparées pour toutes les situations
d'interaction potentielles entre la durée du délai attendue a priori (long ou court) et la durée
du délai présente entre la cause et l’effet dans les données à évaluer (long ou court), et ce, à
l’intérieur d’un même plan expérimental. Cette expérience démontre que les ensembles de
données dont la durée du délai dans les données concorde avec la durée du délai suggérée a
priori se voient attribuer des cotes de force causale plus élevées, comparativement à des
ensembles de données qui ne concordent pas : cette interaction est elle aussi observée ici
Chapitre 4
74
pour la première fois avec une présentation simultanée des données à évaluer. De plus, elle
montre que cette interaction dépend du type d’information utilisé pour suggérer la durée du
délai et qu’elle est sensible au degré d’association objectif de la cause et l’effet (P).
Notamment, la présentation d’informations combinées (Durée du délai et Mécanisme) ou
relatives au temps (Durée du délai uniquement) entraîne une modulation plus catégorique
de la force causale perçue selon que la durée du délai présente dans les données concorde
ou non avec la durée du délai suggérée, comparativement à la présentation d’information
relative au mécanisme uniquement.
Les résultats obtenus dans la présente thèse peuvent être utilisés pour préciser le rôle
que peut jouer l'indice de la contiguïté temporelle à différents niveaux du modèle de Perales
et Catena (2006). Ainsi, la contiguïté temporelle peut (a) avoir un effet direct sur la force
causale perçue, (b) pondérer la force causale perçue selon la concordance de cet indice avec
les croyances a priori, ainsi que (c) influencer le processus de représentation et de sélection
des données retenues pour le calcul du degré d'association entre les variables observées.
Enfin, les résultats obtenus permettent de préciser le rôle du type d'information employé
pour manipuler les croyances a priori des gens.
Un premier effet : l'effet direct de la contiguïté temporelle
L’ensemble des résultats de ces deux expériences permet de conclure que
l’information concernant la contiguïté temporelle de la cause et l’effet, présentée dans des
tableaux, peut influencer à elle seule la force causale perçue par les participants. Entre
autres, on note un effet principal de la contiguïté temporelle dans les deux expérimentations
effectuées dans cette étude. Cet effet, similaire à celui retrouvé dans plusieurs études
(Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Greville & Buehner, 2007; Michotte, 1954; Shanks et
al., 1989), illustre la tendance des gens à évaluer plus positivement des ensembles de
données présentant un délai court entre la cause potentielle et l'effet observé,
comparativement à des données présentant un délai long. On observe aussi qu e la force
causale perçue est systématiquement plus élevée lorsque la durée du délai dans les données
concorde avec la suggestion d'un délai court entre les évènements, alors qu'on ne retrouve
pas toujours cet effet lorsque la durée du délai dans les données concorde avec la
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
75
suggestion d'un délai long (voir section 1.1 et 1.2 des résultats de l'Expérience 2).
Néanmoins, cette tendance n’a rien d’étonnant, considérant que les connaissances causales
les plus familières des gens concernent probablement les relations causales physiques, dans
lesquelles la force physique d’un objet tend à diminuer dans le temps et l’espace17
(Einhorn
& Hogarth, 1986; Faro, McGill, & Hastie, 2010). Il semble donc naturel que la force
causale perçue diminue lorsque la durée du délai entre les évènements augmente.
Par ailleurs, malgré l'effet significatif de la contiguïté temporelle et son impact
indéniable sur le jugement des gens, on peut se questionner sur la taille de cet effet,
notamment lorsque l'on compare la taille d'effet de la contiguïté temporelle (Expérience 1:
ηp2
= .122, Expérience 2: ηp2
= .102) avec celle du degré d'association (Expérience 1: ηp2
=
.899, Expérience 2: ηp2
= .888). D'une part, le degré d'association entre les variables est
reconnu dans la littérature pour être l'indice qui a le plus d'impact sur le raisonnement
causal des gens (voir p.4 de ce texte). Il n'est donc pas étonnant que ce facteur explique
davantage la variance observée dans les réponses des participants de cette étude. D'autre
part, les balises fournies par Cohen (1988) nous indiquent qu'une taille d'effet de .06 est
moyenne, alors qu'une taille d'effet de .14 est grande : les tailles d'effet observées pour la
contiguïté temporelle dans cette étude se rapprocheraient donc d'une grande taille d'effet.
Toutefois, lorsque cela est possible, il est préférable de juger d'une taille d'effet en la
comparant avec celles habituellement observées dans les autres études. Malheureusement,
de toutes les études recensées dans cette thèse qui s’intéressent à l’impact du degré de
contiguïté temporelle sur l’évaluation de la force causale (Allan et al., 2003; Buehner &
May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006; Greville & Buehner, 2007; Shanks,
Pearson & Dickinson, 1989), seulement deux rapportent la taille d'effet de ce facteur ou
fournissent les informations nécessaires pour la calculer.
Ainsi, le calcul de la taille d'effet associée au facteur contiguïté temporelle dans
l’étude de Buehner et McGregor (2006) donne une valeur de ηp2
égale à .48 pour
l’expérience 1, et égale à .27 pour l’expérience 2. Quant à l’étude de Greville et Buehner
17
Par exemple, la vitesse d’un objet diminue avec la friction, les ondes sonores et lumineuses se dissipent
dans l’espace.
Chapitre 4
76
(2007), elle rapporte un ηp2
de .50 pour l’expérience 1, et de .67 pour l’expérience 2. On
remarque donc que la taille d’effet de la contiguïté temporelle est plus petite dans la
présente thèse, comparativement à ces études. Toutefois, on note aussi que Greville et
Buehner (2007) n'étudient pas l'interaction entre la contiguïté temporelle et les croyances a
priori, car ces auteurs ne font aucune suggestion a priori à leurs participants. On peut donc
se demander si l'interaction entre ces facteurs modifie leur impact respectif sur la force
causale perçue par les participants.
En effet, dans la présente thèse, le calcul de ηp2
lorsqu’aucun délai n’est suggéré a
priori (expérience 1, ηp2 = .23) ou lorsqu’un délai court est suggéré (expérience 2, ηp
2 = .40)
se rapproche des ηp2 que l’on retrouve dans la littérature (Buehner & McGregor, 2006;
Greville & Buehner, 2007). À l'inverse, on obtiendra de très petites tailles d’effet lors du
calcul de ηp2 lorsque la présence d’un délai est suggérée (expérience 1, ηp
2 = .01) ou
lorsqu’un délai long est suggéré (expérience 2, ηp2 = .08). Toutefois, ces petites tailles
d'effet s’accompagnent aussi d’une plus grande taille d’effet de l’interaction entre la
contiguïté temporelle et la suggestion d’un délai (expérience 1, ηp2 = .15, expérience 2, ηp
2
= .37). Ainsi, il semble que l'ampleur de l'influence de la contiguïté temporelle sur la force
causale perçue par les gens doive être interprétée en fonction de l'interaction de ce facteur
avec les croyances a priori. D'une part, l'influence directe de la contiguïté temporelle sur le
jugement des gens est importante lorsqu'aucun délai ou qu'un délai court est suggéré.
D'autre part, les gens sont très peu influencés directement par ce facteur lorsque la présence
d'un délai ou qu'un délai long est suggéré. Toutefois, l'influence de ce facteur sur le
jugement des gens s'exprime également dans son interaction avec les croyances a priori. La
présente thèse souligne ainsi que l'importance de la contiguïté temporelle dans le
raisonnement causal ne peut se résumer à la taille d'effet de ce facteur uniquement, mais
doit être considérée dans son interaction avec les croyances a priori. L'interaction entre ces
facteurs sera d'ailleurs abordée davantage un peu plus loin (Un deuxième effet : interaction
de la contiguïté temporelle et des croyances a priori).
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
77
L'architecture cognitive de Perales et Catena et la contiguïté temporelle.
Les résultats obtenus permettent donc une mise à jour d’une première partie de
l’architecture cognitive de Perales et Catena (2006) présentée à l’introduction. En effet, ce
modèle considère que la contiguïté temporelle est notamment un indice de structure
causale, donc qu’elle indique la présence et la direction d’une relation causale (lien direct
entre la contiguïté temporelle et la boîte supérieure du modèle, Figure 10 ci-dessous).
D'une part, les résultats identifiés au paragraphe précédent suggèrent que cet indice peut
effectivement jouer ce rôle. Ainsi, à l’instar de Buehner et ses collaborateurs (Buehner &
May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006), on peut présumer que la tendance
habituelle des gens à percevoir des liens causaux plus forts en présence d’un délai court
entre la cause et l’effet confirme qu’une forte contiguïté temporelle est un indicateur simple
et rapide de la présence d’une relation causale.
D'autre part, cette conclusion est aussi appuyée par les commentaires qualitatifs des
participants de cette étude, ainsi que par leurs résultats offerts pour différentes situations
impliquant un P nul. En effet, la contiguïté temporelle observée dans les données était
souvent interprétée afin de déterminer la nature de la relation causale, et ce, même en
présence d'un degré d'association nul entre les évènements. Par exemple, les participants
pouvaient indiquer qu’une forte contiguïté temporelle implique que l’insecticide accélère le
changement de couleur des feuilles de palmiers (force causale positive, effet génératif),
alors qu’une faible contiguïté temporelle implique que l’insecticide ralentit le changement
(force causale négative, effet préventif) (voir Annexe 6 pour plusieurs exemples de
commentaires qualitatifs offerts par les participants). Cette thèse entérine donc les propos
de Perales et Catena (2006), qui proposent que la contiguïté temporelle peut être un indice
heuristique puissant qui permet de décider s'il y a présence d'un lien causal valide entre des
variables.
Toutefois, comme nous l’avons déjà vu à l’introduction, cette interprétation des
cotes fournies par les participants pose problème, car elle implique que les cotes de force
causale fournies dans un contexte probabiliste soient interprétées par rapport à la présence
d’un lien causal déterministe. En conséquence, le présent auteur propose d’accommoder le
Chapitre 4
78
modèle de Perales et Catena (2006) afin de redéfinir le rôle de la contiguïté temporelle de la
cause et l’effet. À la lumière des résultats obtenus dans cette thèse, il est postulé que, en
plus du rôle d’indice de structure causale, cet indice peut aussi influencer directement
l’évaluation de la force causale d’un lien de causalité. Autrement dit, en termes de
causalité probabiliste, les gens auraient une tendance naturelle à considérer qu’une forte
contiguïté temporelle est un indice simple et rapide que la cause potentielle augmente la
probabilité d’apparition de l’effet observé. Ainsi, une forte contiguïté temporelle facilite la
perception d’une force causale élevée entre des évènements, et ce, sans interaction
nécessaire avec les croyances a priori . Bien que le rôle de la contiguïté temporelle n’ait
jamais été envisagé sous cet angle dans la littérature, il semble néanmoins que cette
formulation permette de mieux représenter les différents résultats obtenus dans un contexte
de causalité probabiliste dans cette thèse ainsi que dans la littérature (cf. Allan et al., 2003;
Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006; Greville & Buehner,
2007; Hagmayer & Waldmann, 2002).
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
79
Figure 10. Architecture générale du raisonnement causal, d'après Perales et Catena (2006).
(Certaines flèches ont été mises en rouge à des fins illustratives pour la
discussion, elles indiquent les trois processus dans lesquels l’information
quant à la contiguïté temporelle peut être impliquée dans le raisonnement
causal selon ce modèle).
Un deuxième effet : interaction de la contiguïté temporelle et des croyances a priori
Évidemment, cet impact de la contiguïté temporelle sur la force causale perçue par
les gens n’est pas absolu, mais dépend aussi de son interaction avec un facteur descendant
(top-down), soit les connaissances et croyances a priori. En effet, les observations
Chapitre 4
80
recueillies à l’Expérience 2 appuient la proposition théorique formulée dans cette thèse, à
savoir que l'information contenue dans les données qui concorde avec l'information
attendue selon les croyances a priori d'une personne est traitée différemment que
l’information qui ne concorde pas. Avec certaines nuances, les résultats obtenus
confirment les prédictions qui découlent de cette proposition, c'est-à-dire que la force
causale perçue par une personne est systématiquement plus élevée lorsque la durée du délai
observée entre la cause et l’effet correspond à la durée du délai attendue selon la suggestion
a priori, comparativement aux situations où la durée du délai observée et attendue ne
correspond pas. Cette hypothèse était déjà répandue dans la littérature, mais les études
ayant réussi à confirmer empiriquement et systématiquement les prédictions issues de celle-
ci (Allan et al., 2003) sont moins nombreuses que celles apportant des appuis partiels ou
mitigés (Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006).
Afin d’expliquer la divergence entre leurs résultats et leur proposition théorique, ces
auteurs ont supposé que leur méthodologie présentait certaines limites. Notamment, ils ont
postulé que la charge cognitive exigée pour effectuer leurs tâches expérimentales était
importante. La présente thèse emploie un format de présentation des données qui diminue
vraisemblablement la charge cognitive exigée pour effectuer la tâche, comparativement aux
études précédentes. Ainsi, cette méthodologie nous permet de conclure qu’il existe bel et
bien une interaction entre les croyances a priori et la contiguïté temporelle de la cause et
l’effet qui s’exprime tel qu'attendu selon les propositions théoriques de la littérature. Tout
comme on le retrouve dans ces études, il faut cependant noter que, dans certaines
circonstances, l’interaction entre les croyances a priori et la contiguïté temporelle ne
s’exprime pas toujours systématiquement tel que prédit par ces propositions théoriques. La
présente étude permet d’identifier empiriquement deux facteurs qui pourraient expliquer
dans quelles circonstances les croyances a priori modulent de façon systématique ou non
l'information quant à la contiguïté temporelle. Notamment, la présentation d’informations
plus détaillées concernant la durée du délai attendue (scénario Durée du délai +
Mécanisme), ainsi qu’un degré d’association objectif de la cause et l’effet qui n’est pas nul,
semblent être des conditions favorables pour que la force causale perçue soit
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
81
systématiquement plus élevée lorsque la durée du délai observée dans les données concorde
avec la suggestion d'une attente d'un délai.
L'architecture cognitive de Perales et Catena et l'interaction entre la contiguïté
temporelle et les croyances a priori.
Par ailleurs, cette constatation d’une interaction entre les facteurs étudiés dans la
présente recherche permet aussi de discuter d’une partie peu développée de l’architecture
cognitive de Perales et Catena (2006). En effet, la partie supérieure de ce modèle prévoit
que les gens doivent déterminer si le degré d’association estimé entre les variables indique
la présence d’une relation causale, puis ensuite l’intégrer dans leur représentation mentale
du lien causal évalué. Pour ce faire, l’information concernant le degré d’association doit
d’abord être combinée avec les indices de structure causale (intervention, ordre et
contiguïté temporelle) ainsi qu’avec les croyances a priori, qui déterminent la plausibilité
d’un lien causal entre la cause potentielle et l’effet observé (Perales & Catena, 2006) (voir
Figure 10 ci-dessus). À cette étape, il est probable que les croyances a priori des gens
concernant les propriétés des variables de la relation (connaissances sur les mécanismes
causaux) vont déterminer la durée du délai qu’ils peuvent plausiblement s’attendre
d’observer entre les évènements (Buehner & May, 2002, 2004; Einhorn & Hogarth, 1986;
Hagmayer & Waldmann, 2002; Shultz, 1982). Par exemple, des connaissances
élémentaires en physique permettront à une personne de s'attendre à ce qu'une balle en
mouvement qui entre en collision avec une autre balle provoque un mouvement
immédiatement, et non quelques secondes plus tard; les croyances a priori sont donc
susceptibles de moduler l'interprétation de l’information quant aux indices de structure
causale, comme l’ordre et la contiguïté temporelle (Perales & Catena, 2006, p.311). Bref,
les indices de structure causale, encadrés par les croyances a priori, indiquent si le degré
d'association estimé entre des évènements reflète la présence d'une relation causale ou non.
Bien que la description de ce processus semble cohérente, il importe cependant de
préciser certains termes afin de mieux représenter son fonctionnement dans un contexte de
causalité probabiliste. Tel que postulé dans le modèle de Perales et Catena (2006), il est
aussi présumé ici que les connaissances et croyances a priori des gens déterminent le degré
Chapitre 4
82
de plausibilité des informations contenues dans les données. Conséquemment, les
informations observées qui concordent avec les croyances a priori devraient apparaître
plausibles et augmenter la probabilité perçue que la cause potentielle provoque l’effet
observé. À l'inverse, les informations qui ne concordent pas avec les croyances a priori
devraient apparaître peu plausibles et diminuer cette probabilité perçue, voire ne pas
l’influencer. Conformément à la proposition théorique formulée dans la présente thèse et
inspirée de la littérature (notamment Buehner & McGregor, 2006), on peut alors prédire
que l’information jugée plausible (car concordante) selon les croyances a priori entraîne
une évaluation à la hausse de la force causale perçue, alors que l’information jugée non
plausible (car non concordante) entraîne une évaluation à la baisse ou n’a aucun effet sur
la force causale perçue. Bien que la règle permettant de calculer la force causale finale
perçue pour une relation ne soit pas précisément définie par Perales et Catena, on peut
supposer qu'elle correspond au dernier niveau du modèle de Maldonado et al. (2007, p.248)
(voir Figure 2, p.11 de ce texte). La proposition de la présence d'un tel processus, analogue
au principe de l'inférence Bayesienne, est d'ailleurs cohérente avec les propositions de
nombreux auteurs qui suggèrent que la force causale perçue est fonction de la révision des
connaissances existantes à partir des informations nouvellement observées (Fugelsang &
Thompson, 2003; Griffiths & Tenenbaum, 2009; Maldonado et al., 2007; voir aussi
Holyoak & Cheng, 2011). Ultimement, les propositions d'autres chercheurs concernant la
combinaison des données nouvelles avec les croyances a priori pourraient même être
intégrées au modèle de Perales et Catena (2006) afin de définir ce processus, comme nous
le verrons plus loin (Contributions théoriques).
À partir de cette nouvelle compréhension du processus de révision de la force
causale présent dans le modèle de Perales et Catena (2006), le rôle de la contiguïté
temporelle dans le raisonnement causal peut être redéfini. En effet, on peut proposer que
l'information concernant la contiguïté temporelle va modifier la probabilité perçue que la
cause provoque l'effet. Aussi, cette modification dépendra du degré de concordance entre
la durée du délai observée avec la durée du délai attendue selon les croyances a priori.
Formulée de la sorte, l'influence de la contiguïté temporelle sur le jugement des gens,
encadrée par les croyances a priori, permet d'expliquer les résultats obtenus lors de
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
83
l’Expérience 2. Ainsi, les participants ont attribué des cotes de force causale plus élevées
lorsque l’information quant à la durée du délai présente dans les données concordait avec
l'attente suggérée a priori, comparativement aux situations où l’information ne concordait
pas.
Également, la reformulation en termes probabilistes de ce processus de pondération
permet d'expliquer les différents résultats observés dans la littérature et présentés à
l'introduction (p.19-21, section Une interaction peu étudiée). En effet, on peut présumer
que la condition expérimentale dans laquelle se trouve un participant lui indique quelles
informations sont plausibles ou non. Autrement dit, la condition expérimentale lui suggère,
de façon implicite ou explicite, quelles données devraient augmenter la probabilité d'un lien
causal entre les évènements, et quelles données ne l'augmentent pas. Ainsi, il est probable
que les cotes de force causale fournies par les participants reflètent la quantité de données
jugées plausibles pour différentes situations expérimentales. Dans ce contexte, plus un
participant observe des données dont la durée du délai entre les évènements concorde avec
ses croyances, plus il percevra une force causale élevée. En conséquence, les résultats
fournis par les participants dans les études antérieures seraient le reflet de la quantité de
données dont la durée du délai observée dans les données concorde avec la durée du délai
attendue par le participant, plutôt qu'avec la durée du délai suggérée par l'expérimentateur.
Une telle prédiction s'adapte d'ailleurs très bien à l'évidence que les participants peuvent
avoir des croyances ou des attentes a priori distinctes de celles suggérées par le contexte
expérimental, un phénomène rapporté par certains auteurs (Buehner & May, 2002, 2003,
2004, Buehner & McGregor, 2006).
Aussi, contrairement aux termes employés par Buehner et McGregor (2006), les
termes proposés dans la présente thèse pour décrire l'influence des différents facteurs à
l'étude sur le raisonnement causal ne nécessitent plus de définir si les participants ont perçu
ou non une relation de cause à effet, ni de définir à partir de quelle cote de force causale on
considère qu'ils ont perçu une relation causale (causalité déterministe) : elle permet de
simplement décrire la variation de force causale perçue par une personne qui est imputable
Chapitre 4
84
au degré de concordance de l'information présente dans les données avec les croyances a
priori.
Un troisième effet : effet des croyances a priori sur la sélection et la représentation de
l'information évaluée
Comme nous venons de le voir, les résultats obtenus jusqu'à ce jour, dans cette thèse
et ailleurs, sont cohérents avec l’existence d’un processus de révision de la force causale
perçue. Notamment, la force causale perçue serait fonction de la concordance de la
contiguïté temporelle contenue dans les données avec les croyances a priori d'une personne.
Ce processus de pondération, prévu dans l’architecture cognitive de Perales et Catena
(2006), est également présent dans les propositions de plusieurs auteurs de la littérature.
Par ailleurs, comme l'illustre le modèle de Perales et Catena (2006), l'évaluation de
la force causale d'une relation se fait en étapes. Il est donc probable que les étapes précoces
de traitement de l'information (de l'observation à la représentation de la fréquence des
conjonctions d'évènements) soient influencées par les capacités mnésiques, attentionnelles
et d'apprentissage d'une personne (Perales & Shanks, 2007). L'architecture de Perales et
Catena prévoit aussi que les connaissances causales des gens, pour un contexte donné,
détermineront les évènements qui seront retenus comme des causes potentielles, ainsi que
les évènements qui seront retenus comme des effets potentiels. Ainsi, les résultats présentés
précédemment pourraient aussi être interprétés en fonction du rôle que peut jouer la
contiguïté temporelle et les croyances a priori à un niveau plus précoce dans le processus de
raisonnement causal, soit au niveau de la transformation de la fréquence des conjonctions
en estimation du degré d’association (voir Figure 10, flèche grise se terminant entre la 2e et
la 3e boîte inférieure du modèle).
L'architecture cognitive de Perales et Catena et les niveaux précoces de
processus dans le raisonnement causal.
Effectivement, à cette étape, le modèle de Perales et Catena (2006) prévoit que
l’information concernant la fréquence de chaque conjonction sera filtrée par les
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
85
connaissances a priori de la personne, qui doit sélectionner l’information pertinente pour le
contexte18
. Ainsi, tous les évènements ne seront pas considérés lors de l'estimation du
degré d'association, mais seulement ceux qui sont identifiés comme des causes ou des effets
potentiels pour ce contexte. Ce processus de sélection sera guidé par les connaissances
d'une personne concernant les principes de causalité généraux et spécifiques qui
s'appliquent à cette situation. Perales et Catena notent cependant que l'influence des
processus ascendants (croyances a priori) sur l'organisation de l'information observée est
exigeante en termes de charge attentionnelle et exécutive. L’information sélectionnée sera
ensuite utilisée dans le calcul du degré d’association. La description de cette étape de
raisonnement, correspondant au deuxième niveau du modèle de raisonnement de
Maldonado et al. (2007), s’accorde notamment avec la proposition d’ordre plus général des
auteurs qui soutiennent que les gens abordent un problème avec une hypothèse qui guide la
recherche et la sélection de l’information observée (cf. Ahn & Kalish, 2000; Fugelsang et
al., 2004; Popper, 1963).
Ainsi, les résultats obtenus lors des deux expérimentations de la présente thèse
pourraient tout aussi bien s'expliquer par l'influence de ce processus de filtrage et de
sélection de l'information pertinente. En effet, on peut supposer que les croyances a priori
générales des gens, et plus spécifiquement les croyances concernant la contiguïté
temporelle attendue entre les évènements, ont encadré la recherche et la sélection de
l’information pertinente au calcul du degré d’association de la relation. D’ailleurs,
plusieurs participants ont rapporté, à l’oral ou à l’écrit, qu’ils ne considéraient que
l’information concernant le nombre d’effets se retrouvant dans les limites de la fenêtre
temporelle identifiée dans le scénario présenté au départ (voir Annexe 6). Les croyances a
priori auraient donc circonscrit l'ensemble des données qui seront analysées dans les étapes
ultérieures de raisonnement, notamment l'étape de l'intégration de l'information nouvelle
avec les connaissances existantes. De plus, cette influence des facteurs ascendants sur la
sélection de l'information a pu amener les participants à accorder plus d'attention, voire plus
d'importance, à certaines informations jugées particulièrement pertinentes. En effet, il est
connu que les gens tendent à rechercher l'information qui concorde avec leur croyance ou
18
Ce processus n'est pas nécessairement conscient pour la personne qui raisonne, il est automatique.
Chapitre 4
86
leur hypothèse de départ, un phénomène appelé biais de confirmation (Oswald & Grosjean,
2004). Conséquemment, les données présentant une durée de délai qui concorde avec la
durée de délai attendue a priori ont pu recevoir plus de poids dans le calcul de l'estimation
du degré d'association, alors que les données qui ne concordent pas ont pu recevoir moins
de poids, voire être ignorées de ce calcul. Ce phénomène aurait alors mené aux résultats
observés dans l’Expérience 2 de cette thèse, c'est-à-dire que la force causale perçue est plus
élevée lorsque la durée du délai observée dans les données concorde avec la durée du délai
attendue selon la suggestion a priori.
Bref, il semble que les résultats significatifs observés dans cette thèse soient
compatibles avec deux niveaux de processus présents dans l'architecture de Perales et
Catena (2006), soit un niveau inférieur de recherche et de sélection de l'information, ainsi
qu'un niveau supérieur de pondération et d'intégration de l'information avec les croyances a
priori. Malheureusement, cette thèse est tout de même limitée quant à sa capacité de
départager le rôle de ces différents niveaux de processus pour expliquer les résultats
obtenus. Néanmoins, grâce à l'aspect hiérarchique du modèle de raisonnement causal de
Perales et Catena, des études ultérieures devraient permettre de distinguer l'influence
attendue de part et d'autre de ces processus sur les réponses des participants lors d'une tâche
d'évaluation de la force causale.
Au-delà de l'effet de la contiguïté temporelle : Le rôle du type d'information et la
manipulation des croyances a priori
Cette thèse soulève aussi une autre question jamais étudiée dans la littérature: quels
types d’information peut-on présenter aux participants afin d'induire efficacement des
attentes a priori et ainsi influencer leur jugement d’inférence causale? D’après la littérature
(Allan et al., 2003; Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006;
Hagmayer & Waldmann, 2002) et les résultats de l’Expérience 1, tous les types
d’information utilisés dans cette étude étaient susceptibles de moduler la force causale
perçue par les participants pour différentes situations. Notamment, on observe globalement
que la force causale perçue augmente ou diminue selon que la durée du délai suggérée a
priori concorde ou non avec la durée du délai présente dans les données. Contrairement à
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
87
l’Expérience 1, où la simple possibilité d’un délai était suggérée, les scénarios utilisés pour
l’Expérience 2 suggéraient plutôt un délai précis (court ou long) attendu entre la cause et
l'effet. Cette fois, cette deuxième expérience nous indique que tous les types d’information
n’entraînent pas le même effet de modulation de la force causale perçue selon la
concordance de la durée du délai attendue et observée. Ainsi, l’information combinée
concernant la durée du délai et le mécanisme entraîne un effet de modulation plus
catégorique de la force causale perçue, alors que l’information concernant la durée du délai
uniquement entraîne un effet similaire, mais non significatif, et que l’information
concernant le mécanisme uniquement entraîne l’effet de modulation le plus modéré (voir
section 1.2 des résultats de l'Expérience 2, p.62 à 64).
L'architecture cognitive de Perales et Catena et le rôle des croyances a priori.
Les types d’information utilisés à l’Expérience 2 se distinguent donc dans leur
capacité à moduler le raisonnement causal des gens. Ce résultat peut alors être interprété à
la lumière du rôle des croyances a priori prévu dans le modèle de Perales et Catena (2006).
En effet, comme le soulignent ces auteurs, l'évaluation d'une relation causale dépendra de la
contiguïté temporelle observée entre les évènements, mais surtout de la façon dont les
croyances a priori vont encadrer l'interprétation de cet indice de causalité. Selon Perales et
Catena, à partir de leurs croyances a priori, les gens vont générer un modèle mental qui
explique la relation entre les évènements observés, et ce, peu importe le degré de contiguïté
temporelle. Ce sont ces modèles mentaux qui permettent aux gens de ne pas se fier
uniquement à une forte contiguïté temporelle pour percevoir des relations causales.
Toutefois, l'association d'un effet avec une cause fortement contigüe est plus facile pour les
gens, comparativement aux situations où la cause est peu contigüe à l'effet. Effectivement,
selon ces auteurs, générer un modèle mental pour identifier des relations causales
impliquant une faible contiguïté temporelle est coûteux en termes de ressources cognitives.
D'une part, la personne doit se remémorer les évènements potentiellement pertinents qui ont
eu lieu longtemps avant l'effet. D'autre part, la personne doit avoir des connaissances
préalables sur les mécanismes d'action qui ont pu provoquer l'effet.
Chapitre 4
88
Dans la deuxième expérience de la présente thèse, il est possible que les types
d'information présentés a priori n'aient pas tous permis aux participants de générer des
modèles mentaux identiques pour expliquer les données observées, notamment lorsque la
durée du délai présente dans ces données était longue. Ainsi, les participants qui ont reçu
des informations formulées en termes de Durée du délai et Mécanisme ou de Temps
uniquement ont pu générer un modèle mental qui spécifie la durée du délai attendue entre la
cause et l'effet. Leur interprétation de la contiguïté temporelle présente dans les données
aurait alors été encadrée par ce modèle mental précis, ce qui expliquerait que leurs
évaluations de la force causale reflètent le degré de concordance du délai observé avec le
délai attendu selon ce modèle. À l'inverse, les participants qui ont reçu des informations
formulées en termes de Mécanisme uniquement ont dû générer un modèle mental dans
lequel ils doivent spécifier eux-mêmes la durée du délai attendue entre la cause et l'effet.
Ces participants doivent donc fournir un effort cognitif supplémentaire afin de générer un
modèle mental qui leur permettra d'interpréter la contiguïté temporelle présente dans les
données. Autrement dit, pour ces participants, le recours à un modèle mental (croyances a
priori) permettant d'interpréter l'information contenue dans les données peut être plus
difficile, car plus exigeant en termes de ressources cognitives. Ces derniers auraient alors
fourni des cotes de forces causales qui reflètent moins le degré de concordance du délai
observé avec le délai attendu selon leur modèle mental, comparativement aux participants
ayant reçu un autre type d'information.
Dans le même ordre d'idée, l'origine de la distinction entre les types d'information
peut également prendre source dans un élément essentiel du modèle de Perales et Catena
(2006), c'est-à-dire la définition de ce qui est plausible par les croyances a priori (section
supérieure droite du modèle, voir Figure 10 ci-dessus). En effet, la présentation de
différents types d'information, véhiculés par différents scénarios, guide les participants dans
leur définition de ce qui est une observation plausible ou non entre les variables. Tel que
décrit plus tôt, on peut prévoir que la quantité d'informations jugées plausibles ou non
plausibles par une personne influence la force causale perçue entre les variables (probabilité
d'une relation causale entre les variables). En ne fournissant pas la même information, les
différents scénarios utilisés ne contribuent probablement pas de la même façon à définir
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
89
l'information plausible et non plausible. Le rôle de l'aspect de la plausibilité de
l'information est d'ailleurs très bien décrit par Griffiths et Tenenbaum (2009) (nous
reviendrons sur les liens possibles entre le modèle de Perales et Catena avec celui de
Griffiths et Tenenbaum plus loin, dans la section Contributions théoriques). Dans leur
modèle computationnel descriptif du raisonnement causal (theory-based causal induction,
Griffiths & Tenenbaum, 2009), le processus d’induction causal est guidé, entre autres, par
les représentations mentales (ou croyances a priori) que les gens ont concernant la nature et
les propriétés des éléments à mettre en relations (ontologie), ainsi que par la plausibilité
d’une relation entre eux19
. Ce sont ces aspects des connaissances a priori qui permettent
aux gens d’émettre des hypothèses concernant les liens causaux entre les variables20
(modèles mentaux causaux), qui guideront ensuite leur interprétation des données
observées pour le calcul de la force causale d’une relation. Ainsi, il est possible que les
types d’information utilisés dans les scénarios expérimentaux de cette thèse ne véhiculent
pas la même quantité, ou la même qualité, d’information concernant l’ontologie des
éléments à évaluer et/ou la plausibilité d’une relation causale entre eux. En conséquence, il
serait compréhensible que la recherche et l'interprétation des données par une personne
varient selon le type d'information reçu.
Par exemple, en apportant des indications moins précises quant à la durée du délai
attendue entre la cause et l'effet, le scénario formulé en termes de mécanisme uniquement
de l’Expérience 2, tout comme les scénarios de l’Expérience 1, induirait chez les
participants des attentes moins ciblées par rapport à ce qui constitue un délai plausible dans
les données. À partir de ces attentes moins ciblées, on peut présumer qu'un plus grand
nombre de données seront interprétées comme étant plausibles selon les croyances a priori.
Avec un plus grand nombre de données plausibles, on retrouvera conséquemment un plus
grand nombre de données qui concordent avec les croyances a priori, ce qui engendre un
19
Griffiths et Tenenbaum (2009) identifient trois aspects des croyances a priori impliqués dans le
raisonnement causal : l’ontologie, la plausibilité d’une relation et la forme fonctionnelle de la relation. Ce
sont les deux premiers aspects qui nous intéressent particulièrement ici. 20
Appelées modèles mentaux par Griffiths et Tenenbaum (2009).
Chapitre 4
90
plus grand nombre de données qui augmente la force causale perçue21
. Une telle
interprétation des données expliquerait pourquoi, pour ces scénarios, les cotes de force
causale perçue par les participants sont équivalentes lorsqu'un délai long est suggéré, et ce,
peu importe la durée du délai présente dans les données. En effet, lorsque le scénario
suggérant une attente d'un délai long n'est pas suffisamment précis, les données présentant
un délai court sont jugées aussi plausibles que les données présentant un délai long. On
retrouvera donc une quantité similaire de données qui concordent avec la croyance a priori,
peu importe le délai présent dans l'ensemble de données. En conséquence, il est normal de
retrouver des cotes de force causale perçue équivalente pour ces ensembles de données, peu
importe la durée du délai présente entre les évènements.
Bref, les participants confrontés au scénario formulé en termes de Mécanisme
uniquement avaient la liberté d’imaginer la durée du délai qui, selon eux, devrait découler
du mécanisme liant la cause et l’effet. Cette liberté permet des interprétations plus
personnelles de la durée du délai qui peut être plausiblement attendue entre les évènements.
L'effet de modulation de la force causale moins catégorique observé avec le scénario
Mécanisme uniquement reflèterait donc qu'il apporte moins de précisions sur la plausibilité
de la relation, comparativement aux deux autres types d'information. Dans le même ordre
d’idée, les scénarios employés à l’Expérience 1 n’indiquent pas la durée précise du délai
attendu entre la cause et l’effet, mais indiquent qu’un délai est possible. Les données sont
donc interprétées dans un contexte où leur concordance avec la croyance a priori est
beaucoup plus relative. L'absence de différence entre les types d'information à l'Expérience
1 reflèterait donc que les scénarios apportaient tous le même degré de précision concernant
le degré de plausibilité de la relation. À l'inverse, dans l’Expérience 2, les scénarios
formulés en termes de Durée du délai uniquement et de Durée du délai et Mécanisme
indiquent le délai précis qui doit séparer les évènements, ce qui laisse peu de place à
l’interprétation du délai qui peut être plausiblement attendu entre la cause et l’effet. Les
21
En corollaire, on peut aussi conclure que lorsque les attentes sont moins ciblées, un plus petit nombre de
données seront interprétées comme non plausibles selon les croyances a priori. On retrouvera
conséquemment un plus petit nombre de données qui ne concordent pas avec les croyances a priori, ce qui
engendre un plus petit nombre de données qui diminue la force causale perçue.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
91
données sont donc interprétées selon qu’elles concordent ou non avec cette croyance a
priori précise concernant ce qui est plausible ou non.
Une explication similaire peut être appliquée pour comprendre les résultats mitigés
de la littérature concernant l’interaction entre les croyances a priori et la contiguïté
temporelle (Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006). En effet,
dans ces recherches, l’information transmise afin de manipuler les croyances a priori ne
précise pas systématiquement l’ontologie et/ou l’information qui peut être plausiblement
observée entre les variables. Ainsi, malgré les efforts des chercheurs pour définir
l’information plausible ou non plausible, les participants ont pu modifier leurs croyances a
priori de façon à redéfinir l’information qui, selon eux, peut être plausiblement observée
dans ce contexte. À partir de leurs propres critères de plausibilité, les participants ont alors
pu interpréter les données observées afin qu'elles augmentent ou non la force causale
perçue. Ce phénomène expliquerait alors pourquoi des ensembles de données présentant de
l’information qui ne concorde pas à la suggestion expérimentale peuvent recevoir des cotes
de forces causales aussi élevées que les ensembles de données dont l’information est
concordante; ces informations peuvent toutes apparaître concordantes avec les croyances du
participant (cf. Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006). La
présente thèse souligne ainsi l'importance et la pertinence de comparer l'impact de
différents types d'information utilisés afin d'induire une croyance chez les participants. En
effet, étant donné que différents types d'information vont moduler de façon plus ou moins
catégorique l'évaluation de la force causale perçue par les participants pour un ensemble de
données, les chercheurs devraient considérer davantage ce facteur qui influence le jugement
des participants dans leurs études.
À propos de la connaissance d'un mécanisme d'action causale.
Par ailleurs, la suggestion d’un délai par la présentation d’un scénario formulé en
termes de durée du délai uniquement s’est avérée efficace pour moduler le jugement des
participants dans les deux expériences de la présente thèse. Il n'est donc pas possible de
confirmer l’hypothèse voulant que la croyance ou la connaissance explicite d’un
mécanisme de transmission causal liant la cause à l’effet soit fondamentale dans la
Chapitre 4
92
reconnaissance d'une relation causale impliquant un long délai. La suggestion d’autres
types d’information que celle liée au mécanisme d’action en jeu, tel que celle liée à la durée
du délai qui doit séparer les évènements, semble être suffisante pour moduler le jugement
des gens. Toutefois, cette conclusion n'implique pas que les gens ne se représentent pas de
mécanisme d'action causale lorsqu'ils évaluent une situation. En effet, il est aussi possible
que, en l’absence d’information sur le mécanisme en jeu, les participants aient pu
considérer qu’un tel mécanisme était tout de même présent, même s’il est inconnu ou
invisible (voir Kushnir et al., 2003; Proctor & Ahn, 2007); les participants auraient alors
déduit l’information manquante à partir de l’information disponible. Ainsi, à partir de
l'information sur la contiguïté temporelle, les participants auraient imaginé le mécanisme
d'action causale qui pourrait être impliqué, ou aurait simplement déduit qu'un tel
mécanisme est présent sans plus de détails.
Le procédé inverse est également possible, car les gens qui ont reçu l’information
concernant le mécanisme d'action uniquement ont vraisemblablement imaginé la durée du
délai qui devrait s’écouler entre la cause et l'effet. En effet, on observe dans les deux
expérimentations de cette thèse que la simple mention d’un mécanisme d’action a suffi
pour moduler les cotes de force causale fournies en fonction de la contiguïté temporelle
présente dans les ensembles de données. Ces résultats répliquent donc, avec une
méthodologie nouvelle, ceux de la littérature qui démontrent que les gens peuvent déduire
la durée du délai qui devrait séparer une cause d’un effet à partir de leurs croyances quant
au mécanisme d’action qui les lie (Buehner & McGregor, 2006; Einhorn & Hogarth, 1986;
Hagmayer & Waldmann, 2002). Dans le même ordre d’idée, on note qualitativement que
plusieurs participants ayant reçu l’information formulée en termes de mécanisme
uniquement ont posé des questions relativement au temps d’action propre à chaque
insecticide22
. Les réponses qualitatives de ces derniers (voir Annexe 6) nous illustrent donc
leur tendance à déduire la durée du délai qui devrait séparer une cause et un effet à partir de
l'information sur le mécanisme d'action causale.
22
Par exemple, plusieurs participants ont demandé "est-ce que le Y-BAN agit plus ou moins vite que le X-
RAID?"
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
93
Bref, le contenu des croyances a priori des participants lors des expériences d'une
étude ne se limite pas forcément aux informations que l'on retrouve dans les scénarios
expérimentaux. Au contraire, il est probablement constitué d’un mélange de plusieurs
informations qui peuvent influencer le raisonnement des gens de façon indépendante ou
interdépendante, dont notamment l'information quant au mécanisme d'action causale et
l'information quant à la contiguïté temporelle.
Le rôle du degré d'association
Finalement, les deux expériences menées dans cette thèse montrent, encore une fois,
l’importance du degré d’association des variables dans le processus du raisonnement
causal. Ce constat est appuyé par l’effet significatif robuste de ce facteur au travers des
deux expériences, ainsi que par sa taille d’effet plus grande que pour les autres facteurs.
Ces résultats ne sont pas étonnants, étant donné que l'estimation du degré d'association des
variables est au centre de la plupart des propositions théoriques visant à expliquer le
raisonnement causal (Cheng, 1997; Einhorn & Hogarth, 1986; Mandel & Lehman, 1998;
Perales & Catena, 2006; Suppes, 1970; Wasserman et al., 1993; White, 2003d).
Contributions théoriques
Jusqu'à présent, la présente thèse a exposé plusieurs arguments contribuant à
l'avancement des propositions théoriques formulées dans la littérature. Premièrement, elle
reformule en termes probabilistes la description de l'effet de la contiguïté temporelle sur le
raisonnement causal (cf. Buehner & McGregor, 2006). En définissant l'impact que peut
jouer cet indice sur la force causale perçue, elle offre ainsi une terminologie qui permet
d'expliquer, avec des termes appropriés, les différents résultats observés dans les études de
la littérature.
Deuxièmement, elle propose une méthodologie nouvelle pour étudier l'évaluation de
la force causale perçue par les participants dans des situations variées. Notamment, cette
méthodologie présente l’information de façon non ambigüe, elle minimise le recours à
d'autres processus cognitifs (tels que l'attention , la mémoire, ou l'estimation de temps), elle
Chapitre 4
94
sollicite un jugement délibéré de la part du participant, elle facilite le raisonnement
scientifique, elle décrit explicitement l'information qui doit être évaluée et elle permet
l'étude de relations causales abstraites ou impliquant de longs délais. Ces caractéristiques
de la méthodologie employée ici réduisent vraisemblablement la charge cognitive exigée
pour effectuer la tâche, comparativement aux tâches des autres études23
. Cet avantage n'est
pas anodin, car interpréter l’information quant à la contiguïté temporelle en fonction de
leurs croyances a priori demande aux participants un effort coûteux en termes de charge
cognitive (Buehner & McGregor, 2006; Perales & Catena, 2006). Grâce à ces
caractéristiques, les participants ont donc pu observer adéquatement l'information à évaluer
et l'intégrer efficacement avec leurs croyances a priori : cette intégration réussie nous
permet de constater que la force causale perçue pour une situation dépend de la
concordance de la durée des délais observés et attendus entre une cause et un effet. Cette
prédiction, émise depuis longtemps dans la littérature, n'était pourtant pas confirmée
systématiquement par les résultats obtenus dans les études antérieures. Cette étude illustre
donc l'avantage d'utiliser une tâche de raisonnement qui réduit les sources d'interférences
dans le raisonnement causal.
Troisièmement, les résultats obtenus dans cette thèse permettent de mieux définir
une partie peu développée de l'architecture cognitive de Perales et Catena (2006), qui
constitue le modèle retenu dans cette thèse pour expliquer le raisonnement causal.
Effectivement, nos résultats sont compatibles avec les processus de traitement de
l'information proposés dans ce modèle. Entre autres, il semble que la contiguïté temporelle
puisse être un indicateur simple de force causale élevée pour les participants. De plus, les
réponses des participants suggèrent qu'ils interprètent l'information quant à la contiguïté
temporelle en fonction de leurs croyances a priori, de façon à ce que la force causale perçue
soit la plus élevée lorsque la durée du délai présente dans les données concorde avec la
durée du délai attendue. Enfin, il est probable que les croyances a priori influencent la
recherche, la sélection et l'interprétation des conjonctions d'événements nécessaires au
calcul du degré d'association. On peut alors supposer que les réponses des participants
23
Bien qu'elle soit appuyée par plusieurs arguments issus de la littérature, cette conclusion serait difficile à
tester empiriquement. Cet aspect est expliqué dans la section Limites et Études futures de la présente
thèse.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
95
reflètent une tendance à porter leur attention sur la fenêtre temporelle indiquée par la
suggestion a priori, ainsi qu'à accorder davantage d'importance aux conjonctions qui
correspondent à leur hypothèse de départ.
Au-delà du modèle de l'architecture cognitive : les inférences Bayesiennes.
Par ailleurs, cette thèse permet de contribuer au développement des propositions
théoriques de la littérature au-delà du modèle de Perales et Catena (2006). Effectivement,
les modèles théoriques les plus populaires dans la littérature (voir Holyoak & Cheng, 2011)
utilisent de plus en plus l'approche Bayesienne (voir introduction, p.6 à 8, pour une
explication des principes de base des inférences de Bayes). Les propositions émises dans la
présente thèse, tout comme les résultats obtenus, peuvent tout à fait être interprétées dans
des termes compatibles à cette approche. En effet, selon l'approche Bayesienne, les
croyances a priori des gens vont générer des attentes quant à la structure causale de la
relation entre les variables évaluées (modèles causaux mentaux). Ces modèles mentaux
spécifient le mécanisme d'action et la durée du délai qui peuvent être plausiblement
présents entre la cause et l'effet. En d'autres termes, les croyances a priori des gens vont
générer un modèle causal mental qui permet d'expliquer de façon raisonnablement
satisfaisante la relation entre les variables évaluées (cf. Evans 2008). Par la suite,
l'information contenue dans les données (degré d'association, contiguïté temporelle et
spatiale, etc.)24
sera comparée à ce modèle mental selon les lois de l'inférence Bayesienne,
afin de déterminer si ce modèle explique toujours raisonnablement bien l'information
contenue dans les données (Evans, 2008; Holyoak & Cheng, 2011). Concrètement, on
peut s'attendre à ce qu'une personne perçoive une plus grande probabilité que le modèle
mental initial explique les données observées lorsque ces données concordent avec ce
modèle. À l'opposée, on peut s'attendre à ce qu'une personne perçoive une plus faible
probabilité que le modèle mental initial explique les données observées lorsque les données
ne concordent pas avec ce modèle. Enfin, la probabilité perçue qu'un modèle mental
explique un ensemble de données représente, par le fait même, la force causale perçue pour
la relation évaluée.
24
Ajout du présent auteur.
Chapitre 4
96
On peut conséquemment supposer que ce calcul de probabilité explique les résultats
obtenus dans la présente étude. Effectivement, on observe que la force causale perçue pour
un ensemble de données est plus élevée lorsque l'information contenue dans les données
(concernant la durée du délai) concorde avec les croyances a priori, comparativement à
lorsque l'information ne concorde pas. En termes Bayesiens, la force causale perçue par les
participants est plus élevée lorsque les prédictions du modèle mental initial (concernant la
durée du délai) concordent avec la durée du délai présente dans les données observées,
alors que la force causale perçue est plus faible lorsque les prédictions du modèle mental
initial ne concordent pas avec la durée du délai dans les données observées [car il y a une
probabilité moins grande que ce modèle explique les données observées].
L'utilisation de plus en plus fréquente de cette méthode populaire dans la littérature
pour décrire le raisonnement causal est d'ailleurs compatible avec le modèle retenu dans
cette thèse, c'est-à-dire l'architecture cognitive de Perales et Catena (2006). En effet, on
retrouve les principes de l'approche Bayesienne dans les propositions de Perales et ses
collaborateurs (Maldonado et al., 2007), dont le modèle général du raisonnement causal
prévoit un processus d'intégration de l'information nouvelle avec les connaissances
existantes (3e niveau de leur modèle, voir Figure 2, p.11 de ce texte). De plus, Perales et
Catena (2006) reconnaissent que cette méthode permet de décrire comment une personne
parvient à se représenter la structure et la force causale d'une relation entre des variables25
.
Par ailleurs, la section supérieure de leur modèle indique que le raisonnement est influencé
par les connaissances sur les principes généraux d'induction, les connaissances sur les
mécanismes causaux et les connaissances spécifiques au contexte évalué. L'ensemble de
ces connaissances et croyances a priori peut ainsi permettre à une personne de générer un
modèle mental des relations causales potentiellement présentes entre les variables en jeu.
Ce modèle causal hypothétique sera ensuite confronté aux informations nouvelles
observées dans l'environnement, et la probabilité que ce modèle explique les observations
(autrement dit la force causale perçue) sera mise à jour selon les principes de l'inférence
25
Malgré que cette méthode permette de décrire comment une personne peut inférer la structure et la force
causale d'une relation, Perales et Catena (2006) concluent qu'elle ne constitue pas nécessairement le
processus réellement impliqué dans le raisonnement des gens, car il faudrait beaucoup de ressources
cognitives pour effectuer un calcul mental tel que celui nécessaire à une inférence Bayesienne.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
97
Bayesienne. Encore une fois, les aboutissements de ce processus sont tels qu'on l'observe
dans les résultats obtenus dans la présente étude, c'est-à-dire que la force causale perçue
pour un ensemble de données est plus élevée lorsque la durée du délai contenue dans les
données concorde avec la durée du délai attendue selon le modèle mental, comparativement
à lorsque ces informations ne concordent pas.
L'architecture cognitive et les autres modèles de la littérature.
Le modèle de Perales et Catena (2006) n'est pas le seul modèle récent auquel la
méthode des inférences Bayesiennes peut être incorporée pour décrire les processus du
raisonnement causal. Toutefois, il est certainement le modèle qui permet l'intégration du
plus grand nombre de facteurs susceptibles d'influencer ce type de jugement. De plus, il est
le seul modèle qui illustre graphiquement à la fois un niveau de processus de l'ordre de la
représentation de l'information, ainsi qu'un niveau de processus de l'ordre du traitement
analytique de l'information. Il offre ainsi un cadre conceptuel permettant de départager les
erreurs de traitement de l'information qui peuvent survenir au niveau de la représentation,
de la sélection ou de l'analyse inférentielle de l'information. Cependant, malgré les
avantages indéniables que présente la modélisation du raisonnement causal avec cette
architecture cognitive, il faut rappeler que l'application des inférences Bayesiennes au
domaine des relations causales nécessite de définir des règles26
concernant les principes
généraux de la causalité. Malheureusement, bien que Perales et Catena mentionnent que le
processus d'inférence causal (processus supérieur de leur architecture) est probablement le
résultat d'un mécanisme d'analyse de l'information guidé par des règles (rule-based
mechanism), ils ne précisent pas qu'elles pourraient être ces règles, ni par quelle fonction
les informations nouvelles peuvent être intégrées aux croyances a priori. Ainsi, on peut
leur reprocher de ne pas spécifier suffisamment les aspects des connaissances a priori qui
sont essentiels pour guider la formation des représentations mentales nécessaires au
raisonnement causal.
26
"Assumptions" en anglais.
Chapitre 4
98
L'architecture de Perales et Catena et la théorie du Power PC. Pourtant, des
propositions à ce sujet, appuyées par la recherche, ont été avancées dans la littérature. Par
exemple, Cheng (1997) identifie quatre règles de base qui guident les inférences causales
des gens, soit (a) les causes influencent l'effet de façon indépendante, (b) les causes
alternatives inconnues peuvent provoquer l'effet, mais pas le prévenir, (c) la force causale
(causal power) d'une cause est indépendante de sa fréquence d'apparition, et (d) l'effet ne
survient pas sans cause. À partir de ces règles, Cheng propose une série de fonctions
(règles) qui définissent comment le degré d'association entre des variables sera estimé, pour
ensuite être transformé en force causale. La théorie proposée par Cheng, dénommée Power
PC, peut même être soumise aux principes de l'inférence Bayesienne afin d'expliquer
comment la force causale perçue évolue au fil des nouvelles observations (Holyoak &
Cheng, 2011). Ainsi, en termes de réseaux Bayesiens, la théorie du Power PC est une
théorie sur la paramétrisation des liens entre les variables d'une structure causale, c'est-à-
dire qu'elle définit comment la personne qui raisonne calcule la force de ces liens (Perales
& Catena, 2006). D'un point de vue spéculatif, on pourrait même dire que les propositions
de Cheng (1997; Holyoak & Cheng, 2011) peuvent être utilisées afin de définir la fonction
qui régit l'intégration de l'information nouvelle avec les croyances a priori, tel qu'on le
retrouve dans la section supérieure du modèle de Perales et Catena. La théorie du Power
PC pourrait donc être employée pour définir le 3e niveau du modèle général de révision des
croyances de Maldonado et al. (2007) (voir Figure 2), alors que le reste du modèle de
Perales et Catena illustrerait l'ensemble des facteurs qui sont susceptibles d'intervenir avant
ou pendant cette étape. Cette combinaison des propositions de la littérature pourrait
éventuellement permettre à la théorie du Power PC un meilleur pouvoir de prédiction des
réponses des participants pour des situations variées. Effectivement, cette théorie est
actuellement centrée sur le rôle du degré d'association et ne décrit pas l'influence potentielle
des biais qui peuvent survenir au niveau précoce de la sélection/représentation de
l'information. Pourtant, les processus supérieurs du raisonnement sont alimentés par
l'information fournie à ce niveau précoce; un biais à ce niveau aura forcément une
incidence sur le calcul subséquent de la force causale.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
99
L'architecture de Perales et Catena et la théorie de Griffiths et Tenenbaum. Bref,
la théorie du Power PC offre une avenue intéressante pour décrire comment les gens
évaluent la force causale d'une relation causale entre des variables. De plus, elle permet de
définir certains aspects des connaissances générales qui guident les inférences causales des
participants, tel qu'on le retrouve dans la section supérieure du modèle de Perales et Catena
(2006). Toutefois, Griffiths et Tenenbaum (2005; 2009) sont certainement ceux qui offrent
la description la plus complète des aspects des connaissances générales et spécifiques qui
sont essentiels pour moduler le raisonnement causal des gens. D'ailleurs, leurs propositions
précises peuvent même être reprises afin de détailler une partie peu développée du modèle
de Perales et Catena (2006), c'est-à-dire l'explication du rôle des connaissances et croyances
a priori dans le processus d'inférence causal. Selon ces auteurs, le premier élément
essentiel pour réussir une inférence causale est la connaissance de l'ontologie des entités
évaluées. Cet aspect réfère aux propriétés de base de ces entités, par exemple leur masse,
leur poids, leur volume, leur capacité à entrer en interaction avec d'autres entités, etc.. La
connaissance des propriétés des entités permettrait de les regrouper selon leur ressemblance
et de former des connaissances sur les catégories causales. Également, connaître
l'ontologie des entités en jeu dans une relation permet de définir le deuxième aspect
essentiel aux inférences causales, c'est-à-dire la plausibilité d'une relation entre les entités.
Par exemple, une personne sait qu'un objet dense est plus susceptible de briser une fenêtre
que le faisceau lumineux d'une lampe de poche, ou encore qu'un ventilateur est plus
susceptible d'éteindre une chandelle qu'un diapason. Enfin, le troisième aspect essentiel
aux inférences causales est la connaissance de la forme fonctionnelle de la relation entre les
entités évaluées. Cet aspect consiste à déterminer si l'effet d'une variable sur une autre
variable est positif ou négatif, si plusieurs causes interagissent ou agissent de façon
indépendante pour provoquer l'effet27
, et quels types d'événements (binaires, continus ou
fréquence d'apparition) sont pertinents pour évaluer la relation. D'une certaine façon, on
peut voir la forme fonctionnelle comme la règle qui régit le calcul de l'estimation du degré
d'association, tel qu'identifié au 2e niveau du modèle de Maldonado et al. (2007). Ainsi,
27
Par exemple, une personne pourrait imaginer être en présence de plusieurs causes qui sont chacune
suffisantes pour provoquer l'effet, ou encore que plusieurs causes sont nécessaires pour cela. Ces attentes
génèrent des modèles causaux différents, pour lesquels la fonction permettant de calculer la probabilité de
chaque cause est différente.
Chapitre 4
100
ces trois aspects des connaissances a priori procurent l'information nécessaire pour qu'une
personne puisse établir des connaissances d'ordre générales sur la causalité, pour ensuite
généraliser ces connaissances à des situations nouvelles et spécifiques d'évaluation de
relation causale entre des variables28
.
Ces propositions de Griffiths et Tenenbaum (2009) peuvent nous permettre de
détailler une partie peu développée du modèle de Perales et Catena (2006), soit celui du
rôle que jouent les connaissances a priori (section supérieure droite de l'architecture) pour
guider le processus d'inférence causale. Il a été établi précédemment que, selon toute
vraisemblance, les gens abordent l'évaluation d'une relation causale avec une représentation
mentale des liens causaux qui relient les variables évaluées (Perales et Catena, 2006).
Selon Perales et Catena, ce modèle causal mental est élaboré à partir des connaissances
d'une personne par rapport aux principes généraux d'induction, ainsi qu'à partir des
connaissances des catégories et des mécanismes causaux. Conséquemment, il est possible
de définir ce que représentent exactement ces « connaissances » identifiées par Perales et
Catena, en utilisant les aspects identifiés par Griffiths et Tenenbaum (2009). Ainsi, on peut
supposer que ce sont les connaissances concernant l'ontologie, la plausibilité d'une relation
et la forme fonctionnelle de cette relation qui déterminent le modèle causal mental
initialement imaginé pour expliquer les données observées. Dans ce contexte, la
présentation a priori d’information relative au mécanisme d’action ou à la durée du délai
devant séparer les évènements devient importante, dans la mesure où ces informations
apportent des indices concernant l'un ou l'autre de ces trois aspects.
Cette nouvelle terminologie suggère donc qu'il faut repenser ce que l'on considère
comme des facettes des croyances a priori. En effet, les auteurs qui étudient l'influence des
croyances a priori se concentrent généralement sur le degré de plausibilité de la relation, sur
la description du mécanisme d'action causal liant les variables, sur l'information concernant
le degré d'association ou la contiguïté temporelle attendue, etc. Toutefois, il semble que ces
28
À titre informatif, Griffiths et Tenenbaum (2009) expliquent que le raisonnement causal est le résultat d'un
mécanisme ou d'une capacité générale d'effectuer des inférences statistiques (c'est-à-dire estimer le degré
d'association), guidé par des connaissances a priori sur la causalité qui peuvent s'appliquer à des situations
spécifiques.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
101
différents types d'information peuvent tous être compris sous l'angle des renseignements
qu'ils apportent par rapport aux aspects identifiés par Griffiths et Tenenbaum. En
conséquence, les études s'intéressant à décrire les types d'information susceptibles de
modifier les croyances a priori des participants devraient plutôt tenir compte de
l'information que les instructions expérimentales fournissent concernant l'ontologie, la
plausibilité ou la forme fonctionnelle de la relation. De futures études pourraient explorer
plus systématiquement les différences entre les types d’information présentés aux
participants en fonction de ces aspects, ce qui permettrait de préciser le rôle que joue
réellement l'information concernant le degré d'association, le mécanisme causal ou la
contiguïté temporelle. Les résultats de telles études témoigneraient aussi de l’exactitude
des propositions de Griffiths et Tenenbaum (2009) et permettraient d’identifier
l’information la plus efficace à transmettre afin de faire comprendre des relations causales
complexes à la population, telles que les relations impliquant une faible contiguïté
temporelle.
Digression sur la théorie des « doubles processus ».
Dans le domaine des fonctions cognitives supérieures, il est commun de retrouver
des références à la théorie des « doubles processus »29
, aussi appelée théorie heuristique-
analytique. Le recours à cette théorie est fréquent pour expliquer les réponses des
participants dans des études portant sur le raisonnement déductif (raisonnement
conditionnel, syllogistique, etc.), sur la prise de décision et sur les cognitions sociales
(Evans, 2008). Cette théorie peut aussi être appliquée à des types de raisonnement inductif,
tel le raisonnement causal. Ainsi, on expliquera le raisonnement des gens en référant à un
modèle impliquant un premier niveau de processus heuristique et rapide, en opposition à un
deuxième niveau de processus analytique et lent (cf. Evans, 1989; 2006; 2008). Dans sa
forme la plus simple, un modèle à double processus peut être représenté tel qu'à la Figure
11 ci-dessous. Ainsi, le processus heuristique (automatique) serait impliqué dans la
représentation sélective de l'information d'un problème. Ce processus serait rapide,
automatique (voire inconscient), il ne demande pas d'effort cognitif et il peut traiter une
29
Dual-process theory.
Chapitre 4
102
multitude d'informations en parallèle. Quant au processus analytique, il serait impliqué
dans tout processus d'inférence ou de jugement effectués à partir des représentations
fournies par le processus de représentation de l'information (Evans, 2006). Selon Evans, ce
processus serait donc lent, contrôlé (voire volontaire), séquentiel, et susceptible d'être
influencé par les instructions verbales. Ce processus serait lié à l'intelligence générale
d'une personne et rendrait possible la capacité de raisonner sur des principes abstraits et
généraux (Evans, 2006). Contrairement au processus heuristique, le processus analytique
reposerait sur l'accès à un bassin unique et central de ressource de la mémoire de travail
(Evans, 2008). Conséquemment, comme il traite l'information de façon séquentielle, ce
processus est limité par les capacités de la mémoire de travail (Evans, 2006; 2008).
Figure 11. Représentation de la théorie des "doubles processus" dans sa forme la plus
simple, telle que définie originalement par Evans (1989) (d'après Evans,
2006).
La description et la conception de la relation entre ces deux processus ont beaucoup
évolué au cours des dernières années. Ainsi, inspiré par les théories sur le raisonnement
hypothétique (voir Evans, Over, & Handley, 2003), Evans (2006) propose que la personne
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
103
qui doit produire un jugement ou une inférence se représente d'abord un modèle mental de
l'état actuel ou possible de la situation à évaluer. Ce modèle mental se construit à partir des
indices pertinents rapidement identifiés par le processus heuristique. Il sera ensuite utilisé
pour produire une décision ou une inférence sans réel effort d'analyse de l'information.
Quant au processus analytique, il peut intervenir ou non pour inhiber les réponses découlant
du processus analytique, ou encore pour réviser ou remplacer le modèle mental initialement
imaginé pour représenter l'état de la situation. On peut illustrer cette théorie révisée des
doubles processus telle qu'à la Figure 12 ci-dessous. En d'autres termes, les deux types de
processus sont interdépendants et opèrent généralement de façon séquentielle (Evans,
2008), car le processus préconscient heuristique fournit continuellement l'information
utilisée consciemment par le processus analytique (Evans, 2006). De plus, le processus
analytique n'intervient pas systématiquement pour inhiber les réponses promptement
fournies par le processus heuristique, ni pour établir un nouveau modèle mental qui
explique mieux la situation évaluée. Evans (2006) identifie certains facteurs (illustrés à la
Figure 12 ci-dessous) qui influencent la tendance des gens à recourir à ce processus
analytique, tels que les capacités cognitives générales (surtout la mémoire de travail), la
présentation d'instructions expérimentales qui élicitent un raisonnement abstrait ou logique,
une motivation personnelle élevée à fournir une réponse logique, ainsi que le temps
disponible pour effectuer la tâche.
En parallèle, le traitement de l'information par les processus heuristique-analytique
décrit ci-dessus doit respecter trois principes établis par Evans (2006; Evans, Over, &
Handley, 2003). Le premier est le principe de singularité 30
, c'est-à-dire que lors d'un
raisonnement hypothétique, une personne considère une seule hypothèse ou modèle à la
fois. Le deuxième principe est celui de la pertinence31
, c'est-à-dire que le premier modèle
imaginé sera le modèle qui représente le plus plausiblement l'état (actuel ou hypothétique)
de la situation évaluée. Enfin, le troisième principe est celui de la satisfaction suffisante32
du modèle, c'est-à-dire que le premier modèle mental imaginé sera retenu par la personne, à
moins d'une évidence qu'il ne s'applique plus à la situation. Le premier principe
30
" Singularity principle " en anglais. 31
" Relevance principle " en anglais. 32
" Satisficing principle " en anglais.
Chapitre 4
104
(singularité) est lié à la capacité limitée de la mémoire de travail, impliquée dans le système
analytique. Les deux autres principes sont liés aux deux types de processus. D'une part, le
principe de pertinence réfère à l'objectif du processus heuristique, qui fournit rapidement
des informations jugées pertinentes au processus analytique. D'autre part, le principe de
satisfaction suffisante réfère, selon Evans (2006), au biais fondamental du système
analytique de travailler avec le premier modèle pertinent imaginé, à moins d'avoir une
bonne raison de l'abandonner.
Figure 12. Représentation contemporaine de la théorie des " doubles processus ", d'après
d’Evans (2006).
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
105
À partir de cette théorie générale du raisonnement, il est possible d'établir des liens
entre la théorie des doubles processus et les modèles du raisonnement causal, tels que celui
de Perales et Catena (2006). En effet, ces derniers auteurs affirment que leur modèle
permet de représenter, d'une part, des processus d'ordre automatiques et de traitement
associatif de l'information (section inférieure). D'autre part, leur modèle représente aussi
des processus de pensée analytique, séquentielle, basée sur des règles de traitement de
l'information et limitée par les capacités cognitives (notamment la mémoire de travail)
(section supérieure) (Perales et Catena, 2006). On reconnaît donc, dans ce modèle, le reflet
des principes énoncés par la théorie des doubles processus d’Evans (2006). Ainsi,
lorsqu'une personne évalue une situation, l'information contenue dans les données serait
rapidement utilisée par le processus heuristique pour générer un modèle mental de la
relation causale hypothétiquement en jeu. En cas de dispositions favorables, le processus
analytique interviendrait ensuite pour réviser le modèle mental censé expliquer les données
observées. On obtient alors une description du processus du raisonnement causal qui est
compatible à la fois avec la terminologie du modèle de Perales et Catena (2006), ainsi
qu'avec celle de la théorie des doubles processus.
L'inclusion de la théorie des doubles processus avec le modèle de Perales et Catena
(2006) est intéressante en ce qui nous concerne, car elle permet de réinterpréter les
processus de traitement de l'information qui ont influencé les résultats observés dans la
présente étude. Tout d'abord, les instructions expérimentales de la présente étude incitaient
explicitement les participants à recourir à un raisonnement logique, un facteur prédisposant
les gens à recourir au processus analytique. De plus, le mode de présentation des données
permettait aux participants de se représenter adéquatement l'information à évaluer. Il est
donc peu probable de retrouver des biais à ce niveau. Grâce à la méthodologie employée
dans la présente étude, qui réduit la charge cognitive nécessaire pour effectuer la tâche par
les participants, ces derniers ont donc pu analyser plus adéquatement l'information
contenue dans les données en fonction d'un modèle mental causal qui établit le lien
hypothétique entre les variables. Notamment, les participants ont pu comparer si la durée
Chapitre 4
106
du délai observée entre la cause et l'effet était compatible avec la durée du délai attendue
selon leur modèle mental causal. Les participants ont alors pu confirmer leur modèle mental
initial lorsque celui-ci était compatible avec l'information quant à la contiguïté temporelle
observée dans les données, renforçant ainsi la probabilité perçue que ce modèle explique les
données. À l'inverse, ils ont pu réviser leur modèle mental initial lorsque celui-ci ne
correspondait pas aux données observées, afin de conclure que sa probabilité d'expliquer les
données était moins grande, voire que ce modèle ne soit pas le bon modèle pour expliquer
les données. Une telle situation devrait donc engendrer une diminution de la force causale
perçue pour cette relation. En d'autres termes, l'intervention du processus analytique
définie par Evans (2006) expliquerait les résultats observés dans cette étude, à savoir que la
force causale perçue pour une relation est plus grande lorsque la contiguïté temporelle
présente dans les données concorde avec la contiguïté temporelle attendue selon les
croyances a priori.
Par ailleurs, malgré les efforts déployés dans la présente étude afin de diminuer la
charge cognitive nécessaire pour effectuer la tâche, l'évaluation de la force causale d'une
relation demeure une tâche complexe. Il est donc possible que les participants aient pu
occasionnellement éprouver des difficultés sur le plan de leur charge de mémoire de travail
lors de la tâche. Ces difficultés auraient alors incité les participants à fournir des réponses
en ayant recours uniquement au processus heuristique, sans intervention du processus
analytique. Une telle situation impliquerait que les participants utilise la contiguïté
temporelle comme un indice rapide de force causale et expliquerait les résultats qu'ils ont
offerts, comme il a été rapporté plus haut (section Un premier effet : l'effet direct de la
contiguïté temporelle du Chapitre 4, p.73).
Contributions pratiques
Prise de décision et biais de raisonnement.
En plus des implications théoriques mentionnées ci-dessus, les conclusions
proposées dans la présente thèse ont des implications pratiques dans plusieurs domaines.
Premièrement, lorsqu'elles sont mises en lien avec les modèles du raisonnement causal, ces
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
107
conclusions permettent d'identifier les sources de biais qui peuvent survenir à différents
niveaux lors d'une inférence causale. Ainsi, deux de ces sources de biais ont été
précédemment identifiées, soit les biais survenant à l'étape de la sélection/représentation de
l'information contenue dans les données, ainsi que ceux résultant de l'insuffisance des
ressources cognitives (mémoire de travail) disponibles pour intégrer l'information contenue
dans les données avec les croyances a priori. Ces sources de biais potentiels, appuyées par
plusieurs études recensées par Perales et Catena (2006), sont aussi cohérentes avec la
littérature sur la théorie des doubles processus (Evans, 2006; 2008). Effectivement, selon
cette théorie, le processus analytique ne peut que traiter l'information qui aura été identifiée
au préalable par le processus heuristique. En conséquence, des biais surviennent dans le
raisonnement lorsque le processus heuristique retient de l'information logiquement non
pertinente à la résolution du problème, ou lorsqu'il omet de l'information logiquement
pertinente (sélection/représentation de l'information). De plus, des biais propres au
processus analytique sont aussi susceptibles de survenir, spécialement à cause du principe
de satisfaction suffisante. En effet, une personne aura tendance à traiter l'information à
partir du premier modèle mental généré qui explique suffisamment bien les données
observées : analyser le degré de concordance des données observées avec plusieurs modèles
mentaux serait d'ailleurs très exigeant en termes de charge cognitive (insuffisance des
ressources cognitives). Le modèle mental retenu ne sera donc pas remis en question au
profit d'un modèle plus adéquat, à moins qu'il ne concorde pas suffisamment aux
observations. Ainsi, les données seront interprétées en fonction d'un modèle qui n'est peut-
être pas parfaitement conforme à la situation. Les conséquences de ces erreurs de
raisonnement sont parfois importantes, car elles peuvent influencer des décisions sérieuses
dans des contextes scientifiques, sociaux, médicaux, politiques, etc. (voir Kahneman,
Slovic, & Tversky, 1982; Pohl, 2004).
Par exemple, l'inaptitude à considérer de l'information importante dans l'évaluation
d'une situation impliquant des vies humaines peut entraîner des conséquences désastreuses,
comme l'a conclu le rapport de la Columbia Accident Investigation Board suite à
l'explosion de la navette spatiale Columbia en 2003 (Sanger, 2003). Une tendance à ne
retenir que l'information qui est conforme aux croyances a priori peut expliquer pourquoi
Chapitre 4
108
de telles informations sont parfois négligées (Fugelstein, Stein, Green, & Dunbar, 2004).
Également, il semble que les scientifiques en laboratoire tendent à ne pas se poser de
questions devant un ensemble de données qui confirme leur hypothèse de départ, alors
qu'ils remettent d'abord en question leur méthodologie lorsque les données ne sont pas
conformes à leur hypothèse, plutôt que de réviser leur théorie (Fugelstein et al., 2004).
Bien que naturelle et souvent justifiée, cette façon de raisonner risque d'engendrer des
conclusions scientifiques erronées quant aux relations causales étudiées. Par ailleurs, les
croyances a priori des cliniciens peuvent les amener à percevoir un lien causal illusoire
entre les réponses d'un client à un test avec certains traits de personnalité (Chapman &
Chapman, 1967, 1969, 1975; Starr & Katkin, 1969), ce qui peut engendrer un diagnostic
erroné et préjudiciable pour le client qui consulte. D’ailleurs, inférer de façon erronée un
lien causal entre des éléments qui ne sont pas statistiquement liés serait un biais à la source
des stéréotypes que les gens entretiennent envers certains groupes sociaux (Hamilton &
Gifford, 1976; Hamilton & Rose, 1980; Spears, Eiser, & Vanderpligt, 1987; Spears,
Vanderpligt, & Eiser, 1985).
Les résultats de la présente thèse révèlent que des biais sont bel et bien présents
chez les participants, ce qui affecte leur capacité à évaluer correctement une relation
causale à partir de la contiguïté temporelle. Effectivement, il semble que les gens vont
tendre à conclure plus facilement à la présence d'une relation causale forte lorsque la
contiguïté temporelle des évènements est forte. Ce phénomène reflète bien l'action du
processus heuristique, qui sélectionne et représente l'information quant à la contiguïté
temporelle de façon simple et rapide. Toutefois, ce processus peut entraîner une conclusion
erronée de la part du participant, car le lien entre des évènements fortement contigus peut
être fortuit ou ne pas représenter un lien causal direct. De plus, lors de l'évaluation d'une
situation complexe, la personne qui raisonne peut avoir de la difficulté à générer un modèle
mental alternatif pour représenter le lien causal entre des évènements, notamment lorsque la
contiguïté temporelle est faible. Ce phénomène, relié au processus analytique et aux limites
des ressources cognitives, peut nuire à l'identification des causes réellement impliquées
dans la situation qui doit être expliquée. Les conséquences de telles erreurs dans le
processus du raisonnement causal d'une personne auront alors un impact sur ses
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
109
interactions avec son environnement, car ces biais sont susceptibles d'engendrer une
compréhension erronée ou sous-optimale de la situation.
Par exemple, une personne peut rapidement conclure que la dernière action qu'elle a
entreprise (p. ex. appuyer sur une touche quelconque du clavier d'un ordinateur) est la cause
de l'effet qu'elle observe (p. ex. la fermeture soudaine d'un programme ou l'apparition d'une
fenêtre d'alerte), alors que ce dernier évènement est le résultat d'une action entreprise
auparavant (p. ex. l'autorisation d'une mise à jour qui entraîne une cascade de commandes
par l'ordinateur sur une période de temps donnée). Un autre exemple consisterait à
expliquer le comportement d'une personne (p. ex. elle est agitée aujourd'hui) par une cause
contigüe dans le temps (p. ex. elle vient de prendre deux cafés), alors qu'il découle d'un
évènement plus antérieur (p. ex. elle n'a pas pris sa médication anxiolytique dernièrement et
l'effet calmant de celle-ci vient de s'estomper). Dans ces deux exemples, la recherche d'une
cause pour expliquer un effet favorise le choix d'une cause contigüe dans le temps qui
apporte une explication suffisamment cohérente de ce qui est observé. Malheureusement,
l'inférence causale qui en découle n'est pas conforme à la situation, ce qui risque
d'engendrer de l'incompréhension, de la confusion, voire de la frustration vis-à-vis le
phénomène que l'on tente de prédire et de contrôler (dans les exemples qui précèdent, le
fonctionnement de l'ordinateur ou la relation avec notre collègue agité).
Certains auteurs sont d'avis qu'il est normal que les gens utilisent des heuristiques
cognitives simples et rapides qui leur permettent d'analyser efficacement la plupart des
situations, tout en respectant les limites de leurs ressources cognitives (Gigerenzer, Todd, &
ABC Research Group, 1999). Bien qu'elles puissent parfois engendrer des erreurs, ces
heuristiques seraient adaptatives, car elles offrent des prédictions adéquates dans la plupart
des contextes (Gigerenzer et al., 1999). Par exemple, il est probable que les gens se
représentent la plupart des relations causales de leur environnement comme étant de nature
physique et impliquant des évènements fortement contigus dans le temps (Faro, McGill, &
Hastie, 2010) : en prenant pour règle qu'une forte contiguïté temporelle indique la présence
d'une relation causale forte, les gens sont en mesure d'analyser rapidement et adéquatement
la structure causale impliquée dans la plupart des relations qu'ils observent. Toutefois,
Chapitre 4
110
certaines situations impliquent une faible contiguïté temporelle de la cause et l'effet et ne
pourront être comprises adéquatement à partir de cette règle. Il sera donc difficile pour une
personne de contrôler et prédire l'effet de ses actions si elle interprète la situation à partir
d'une telle règle. D'ailleurs, d'autres auteurs affirment que les gens devraient apprendre à
identifier leurs erreurs de raisonnement, car elles peuvent non seulement avoir des
conséquences dans leur quotidien, mais elles peuvent aussi influencer des décisions
importantes dans des contextes scientifiques, sociaux, médicaux, politiques, etc.
(Kahneman, Slovic, & Tversky, 1982; Pohl, 2004; voir p.106-108 de ce texte pour des
exemples de contextes impliquant des biais de raisonnement).
Bref, lorsque les conséquences d'une décision à prendre sont considérables, le
preneur de décision devrait être conscient des sources potentielles d'erreurs dans son
raisonnement, notamment dans son raisonnement causal. Ainsi, la présente thèse suggère
qu'il devrait être conscient de la tendance naturelle des gens à considérer d'abord les causes
potentielles les plus contigües à l'effet que l'on tente d'expliquer. De plus, il devrait être
averti que la première hypothèse émise pour expliquer les données observées n'est pas
nécessairement la meilleure, même si elle semble expliquer suffisamment bien ces données.
Enfin, il devrait savoir qu'il peut être difficile d'interpréter correctement l'information qu'il
observe en fonction de ses croyances et connaissances a priori, car une tâche d'inférence
causale est une tâche complexe qui demande beaucoup de ressources cognitives. Afin de
diminuer l'incidence de ces sources de biais dans son raisonnement, la personne qui doit
analyser une situation peut s'inspirer des résultats de cette thèse afin de faciliter la tâche
d'inférence causale. Ainsi, il est notamment possible de fournir de l'information combinée
sur le temps et le mécanisme liant la cause et l'effet. Avec ces informations détaillées, qui
suggèrent des croyances sur la relation en jeu, la personne sera en mesure d'évaluer plus
adéquatement la conformité des données observées avec ses croyances a priori, ce qui
devrait lui permettre d'évaluer adéquatement la force causale impliquée dans la situation
évaluée. De plus, il est possible de diminuer les ressources cognitives nécessaires pour
accomplir une telle tâche en présentant les données sous une forme synthétisée (p. ex. des
tableaux), dont les nombreux avantages ont déjà été discutés. Encore une fois, une tâche
d'inférence causale qui nécessite moins de ressources cognitives devrait permettre une
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
111
évaluation adéquate de la force causale d'une relation. Conséquemment, la personne qui
peut aisément évaluer la force causale d'une relation sera en mesure de constater si la cause
potentielle évaluée semble responsable de l'effet observé, ou si son modèle d'explication
causal doit être révisé (et une cause alternative doit être recherchée). Autrement dit, une
évaluation de la force causale qui se rapproche au maximum de la relation réelle entre les
évènements observés diminue la probabilité que la personne infère une relation causale
erronée entre ces évènements, lui permettant ainsi de prendre une décision adaptée et
efficace pour le contexte.
Communication et enseignement.
Par ailleurs, les conclusions issues de ce projet peuvent concrètement être utilisées
pour suggérer des conditions qui favorisent une compréhension optimale des relations
causales entre des évènements séparés par un long délai. En effet, les études de la
littérature (Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Greville & Buehner, 2007; Shanks et al.,
1989) ainsi que la présente étude démontrent que la reconnaissance de ce type de relation
causale est moins intuitive pour les gens, qui attribuent plus facilement des cotes de force
causale élevées en présence d'une forte contiguïté temporelle (voir aussi Buehner &
McGregor, 2006). Il a été établi que l'évaluation adéquate d'une relation causale impliquant
une faible contiguïté temporelle des évènements est plus difficile, car elle nécessite
d'interpréter de l'information complexe, ce qui requiert beaucoup de ressources cognitives
(cf. Perales & Catena, 2006; voir aussi section Originalités et Objectifs, p.25 de la présente
thèse). En conséquence, afin de faire comprendre plus aisément ce type de relation aux
gens, il peut être nécessaire de leur faciliter la tâche. Pour ce faire, les résultats de la
présente étude suggèrent qu'en transmettant de l’information plus détaillée concernant le
temps devant séparer les évènements et la chaîne d’action causale qui les relie, les gens sont
plus en mesure de percevoir une force causale élevée lorsque la durée du délai entre la
cause et l'effet est longue. La disponibilité de ces informations plus détaillées leur a donc
permis d'évaluer plus adéquatement l'information contenue dans les données selon qu'elle
concorde ou non avec leurs croyances a priori. De plus, diminuer la charge cognitive
nécessaire pour effectuer la tâche peut être essentiel pour que les participants puissent
observer et intégrer plus adéquatement l'information à évaluer avec leurs croyances a priori.
Chapitre 4
112
Selon toute vraisemblance, les résultats obtenus dans la présente étude démontrent que la
présentation de l'information à évaluer sous forme de tableaux s'est avérée une méthode
efficace pour diminuer la charge cognitive nécessaire pour effectuer une telle tâche.
Ces conclusions peuvent s'appliquer concrètement au domaine de l'enseignement.
Par exemple, la présentation des données sous forme de deux tableaux adjacents incite les
participants à comparer le nombre d'effets observés lorsque la cause est présente avec le
nombre d'effets observés dans une condition contrôle, où la cause est absente. Ce principe
fondamental du raisonnement scientifique peut être difficile à comprendre de prime abord
pour des étudiants (Shauble, 1990). Toutefois, inciter les étudiants à adopter ce principe
peut les aider à identifier la présence d'une relation causale nécessaire et/ou suffisante entre
une cause potentielle et un effet, car ils peuvent facilement observer l'effet de l'absence de
la cause (Shauble, 1990). Autrement dit, selon Shauble (1990), inciter les étudiants à
employer les principes du raisonnement scientifique peut leur fournir une procédure qui
facilite l'identification des relations causales présentes dans leur environnement.
Conséquemment, lorsque l'on veut faciliter la tâche des étudiants qui doivent identifier des
relations causales dans un contexte donné, le recours à une présentation des données sous
forme synthétisée, qui distingue la présence et l'absence de la cause, peut s'avérer utile.
Pratique clinique et thérapie.
Les résultats de la présente thèse se veulent aussi un rappel pour tous les
thérapeutes dont la méthode de travail consiste à d'abord évaluer les causes qui ont
déclenché les problèmes et les symptômes d'une personne33
. En effet, les cliniciens tendent
généralement à rechercher des explications causales aux symptômes rapportés par un client
(Anh & Kim, 2008). La recherche de ces causes peut amener le clinicien à investiguer des
éléments d'un passé plus ou moins proche du client, remontant parfois même à sa petite
enfance (pour des exemples, voir entre autres la grille SECCA de Cottraux, Baouvard, &
Legeron, 1985; la carte cognitive de Beck, 1995; ou encore les schémas précoces inadaptés
33
À titre informatif, les approches classiques en psychologie correspondent toutes à cet énoncé. On note
tout de même certaines approches, moins répandues, qui ne tentent pas d'identifier les causes d'un
problème pour le résoudre, p. ex. les thérapies centrées sur les solutions ou encore les thérapies
stratégiques (voir par exemple Ausloos, 1995).
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
113
de Young & Klosko, 2003). Toutefois, comme le démontre la présente étude, le clinicien
peut anticiper que son client aura tendance à attribuer une force causale plus élevée pour les
facteurs qui sont contigus avec l'apparition de l'effet. Relier une cause faiblement contiguë
dans le temps à une situation actuelle est une tâche complexe et peu intuitive pour une
personne (Buehner & McGregor, 2006). Il est donc normal qu'un client éprouve plus de
difficultés à établir un lien entre un symptôme apparu récemment et une cause survenue il y
a longtemps. De plus, les gens tendent à analyser uniquement la première hypothèse qui
leur vient à l'esprit, même si celle-ci n'est pas parfaitement conforme à la situation évaluée
(cf. théorie des doubles processus, Evans, 2006).
Par exemple, une personne qui consulte un thérapeute et rapporte souffrir de
symptômes dépressifs ou anxieux (p. ex. tristesse, détresse ou inquiétudes excessives)
reliera intuitivement ses symptômes avec un évènement récent, tel une rupture amoureuse.
Il peut d'ailleurs sembler logique et cohérent pour le thérapeute de conclure que les
symptômes nouvellement apparus découlent effectivement de cet évènement récent.
Cependant, devant une telle situation, le clinicien devra se souvenir que ces attributions
causales sont intuitives et peuvent ne pas représenter les causes réelles. Ainsi, le clinicien
doit donc encourager le client à analyser d'autres hypothèses pour expliquer ses problèmes.
Aussi, le clinicien ne doit pas oublier d'inciter le client à rechercher des causes potentielles
antérieures à celle évoquée spontanément. En effet, il peut arriver que les symptômes
fussent présents, ou aient déjà été présents, avant la survenue de la cause identifiée a priori.
Cette information, qui a pu échapper de prime abord à la conscience du client, fournit donc
de précieux renseignements sur l'étiologie des symptômes observés.
De plus, la présente thèse, ainsi que la littérature (Allan & Jenkins, 1983; Cheng,
1997; Fugelsang, Thompson, & Dunbar, 2006; Hattori & Oaksford, 2007; Wasserman,
Dorner, & Kao, 1990; Wasserman, Elek, Chatlosh, & Baker, 1993; White, 2003c, 2004),
nous permettent d'affirmer que plus des évènements apparaissent ensemble de façon
fréquente, plus une personne percevra un lien causal fort entre ces évènements (effet du
degré d'association). Ainsi, on peut comprendre pourquoi plusieurs psychothérapies
incluent la répétition d'exercices quotidiens dans leur plan de traitement. En effet, la
Chapitre 4
114
répétition d'expériences nouvelles peut amener la personne à observer de l'information
nouvelle, modifiant alors sa perception et sa compréhension d'une relation causale jugée a
priori problématique. Par exemple, une personne peut avoir la conviction que son humeur
dépressive provoque une apathie qui l'empêche de se mettre en action. Cette personne aura
alors pour tâche de se mettre en action plusieurs fois dans la semaine, afin qu'elle réalise
que l'accomplissement d'activités plaisantes peut aussi avoir un effet bénéfique important
sur son humeur. Ce recours aux « tâches quotidiennes », visant à modifier les croyances
[causales] d'une personne, fait d'ailleurs partie intégrante de plusieurs thérapies validées
empiriquement pour une multitude de problèmes de santé mentale (notamment, pour la
dépression, voir Beck, 1995; Dimidjian, Martell, Addis, & Hermann-Dunn, 2008; pour le
Trouble d'Anxiété Généralisée, voir Ladouceur, Bélanger, & Léger, 2010; pour
l'Anxiété/Phobie Sociale, voir Butler, 2010; Turk, Heimberg, & Magee, 2008; pour le
Trouble Panique, voir Marchand & Letarte, 2004; pour le Trouble Obsessionnel-Compulsif,
voir Franklin & Foa, 2008; Sauteraud, 2000; pour le Trouble de Déficit de l'Attention, voir
Lafleur, Pelletier, Vincent, & Vincent, 2010; Safren, Perlman, Sprich, & Otto, 2005; pour
l'Insomnie, voir Morin, 1996).
Limites et études futures
Les limites de cette étude.
Dans la présente étude, les données à évaluer étaient présentées sous une forme de
tableaux; ce choix méthodologique a été fait parce qu'il présente de nombreux avantages
discutés précédemment. Toutefois, en choisissant cette méthode, il devient difficile
d'appliquer les résultats obtenus à l'apprentissage causal. En effet, dans la plupart des
études (p. ex. Buehner & May, 2002; 2003; 2004; Buehner & McGregor, 2006; Shanks,
Pearson, & Dickinson, 1989), les données présentées aux participants défilent l'une après
l'autre, ce qui permet d'observer comment les gens découvrent ou établissent la présence
d'une relation causale à partir d'évènements observés en temps réel. Cependant, alors que
la présente thèse permet de comprendre plus précisément certains processus impliqués dans
le raisonnement causal, la méthode de présentation synthétisée des données ne permet pas
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
115
d'appliquer les résultats au processus de découverte ou d'apprentissage d'une relation
causale.
De plus, la présente thèse suggère à maintes reprises que le format de présentation
des données employé dans cette étude permet de réduire le recours à d'autres processus
cognitifs (tels que la mémoire, l'attention et l'estimation du temps) ainsi que les ressources
cognitives nécessaires pour raisonner de façon optimale lors d'une tâche d'évaluation de la
force causale. Cette stratégie a pour but d'aider les participants à percevoir la durée du délai
entre les évènements et à interpréter délibérément cette information en fonction de leurs
croyances a priori. Or, bien que les résultats obtenus ici suggèrent que cet objectif est
atteint, il n'est pas possible de déterminer objectivement si les participants ont eu plus de
facilité à observer les informations contenues dans les données dans la présente étude,
comparativement aux autres études. Pour ce faire, les expérimentations devraient rapporter
une mesure qui indiquerait le degré de précision des participants pour estimer le délai qui
s'est écoulé entre les évènements, ou encore le degré de précision des participants pour
estimer le degré d'association réel entre les évènements. Cependant, tout comme pour la
présente thèse, ce type de mesure n'est pas employé dans les études portant sur le rôle de la
contiguïté temporelle dans le raisonnement causal.
Il serait aussi intéressant de déterminer objectivement que notre méthodologie aide
les participants à effectuer un raisonnement causal plus précis, plus adéquat ou plus
conforme à la réalité, comparativement aux méthodologies employées dans les autres
études de la littérature. À cet effet, il semble qu'il soit malheureusement difficile de vérifier
empiriquement le degré de conformité du jugement des participants avec la force causale
réellement présente dans l'environnement. En effet, une telle mesure impliquerait de
comparer la force causale perçue par les participants avec la force causale réelle présente
entre les évènements. Bien qu'il existe des mesures objectives du degré d'association entre
des évènements, il n'existe pas de mesure objective normativement acceptée de la force
causale. De plus, les relations causales étudiées en laboratoire sont toutes issues de
situations fictives, dont les paramètres sont contrôlés expérimentalement : il n'existe donc
pas de force causale réelle entre les éléments à évaluer, sinon celle qui est perçue par les
Chapitre 4
116
expérimentateurs et les participants. Bref, pour le moment, on ne peut donc pas savoir si le
raisonnement des participants est plus juste ou plus représentatif de la réalité.
Par ailleurs, la présente thèse étudie l'influence des croyances a priori des gens en
manipulant expérimentalement ce facteur. À l'instar de plusieurs auteurs (p. ex. Allan et
al., 2003; Buehner & May, 2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006; Catena et al.,
2008; Fugelsang et al., 2004; Fugelsang & Thompson, 2000a, 2003; Hagmayer &
Waldmann, 2002; White, 2001), les croyances a priori des gens sont manipulées grâce à un
scénario expérimental, qui présente de l'information concernant le mécanisme ou le délai
attendu entre la cause et l'effet. D'après les résultats significatifs de nos expériences, il est
permis de postuler que les participants ont effectivement adopté les croyances suggérées
par le scénario expérimental, pour ensuite interpréter les données en fonction de ces
croyances. Toutefois, il est en réalité impossible de connaître le contenu exact des
croyances des participants, ni de connaître à quel point ce contenu correspondait aux
informations présentées a priori. En effet, les participants ont leur propre ensemble de
croyances personnelles et il n'est pas possible de savoir si les informations présentées a
priori ont été intégrées à ceux-ci. Il est d'ailleurs probable que certains participants n'aient
retenu qu'une partie de l'information présentée a priori, voire qu'ils n'aient rien retenu. Ils
auraient alors utilisé leurs propres croyances personnelles pour analyser les données à
évaluer. En conséquence, bien que la méthodologie employée dans la présente thèse semble
être adéquate, il faut rester prudent quant à la conclusion qu'un simple scénario
expérimental suffit pour manipuler les croyances a priori des gens.
Également, la situation expérimentale utilisée dans la présente étude concerne
uniquement un lien causal physique/chimique génératif, dans lequel une substance
provoque un effet sur un objet végétal. Or, le processus du raisonnement causal peut
s'appliquer à une multitude de domaines, tels que les domaines de relations physiques,
chimiques, biologiques, sociales ou technologiques (Bungee, 2004). Bien que l'on puisse
supposer que le raisonnement causal est une habileté cognitive générale qui s'exprime de la
même façon pour tous les contextes, la présente thèse ne compare pas l'effet du domaine
causal d'une relation sur l'évaluation de la force causale de celle-ci. Comme le notent Faro,
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
117
McGill et Hastie (2010), les gens vont intuitivement tendre à expliquer une situation en
imaginant un mécanisme d'action causale mécanique-physique entre les objets, dans lequel
la force d'une cause se dissipe dans le temps et l'espace. Toutefois, ces auteurs mentionnent
aussi que les gens peuvent concevoir que la force causale d'une cause ne se dissipe pas
toujours avec le temps qui passe. Notamment, lorsque la relation implique des éléments
biologiques, les gens imaginent facilement que la force causale peut s'accumuler avec le
temps : par exemple, les animaux grossiront, les plantes grandiront, et les virus se
multiplieront (voir Faro et al., 2010). Bref, il est probable que les gens attribuent des
propriétés différentes aux relations causales, selon qu'elles appartiennent au domaine des
relations physiques, biologiques, chimiques, sociales, etc. Des études futures portant sur
l'interaction entre la contiguïté temporelle et les croyances a priori devraient donc
considérer des domaines causaux variés, afin de vérifier l'hypothèse que les participants
évaluent différemment des ensembles de données similaires, mais appartenant à des
domaines causaux distincts.
Aussi, certains auteurs ont déjà démontré que les réponses des participants sont
différentes selon que la relation à évaluer est générative ou préventive (p. ex. Desrochers,
Walsh & Sacy, 2012; Walsh & Sloman, 2011). Bien que l'échelle utilisée ici pour recueillir
les réponses des participants permettait des réponses de nature préventive (côté négatif de
l'échelle), la relation causale présentée dans le scénario a priori était uniquement générative.
Ainsi, la présente thèse ne permet pas d'étudier le raisonnement des participants selon la
nature de la relation à évaluer.
Enfin, la présente thèse suggère que la contiguïté temporelle, en tant qu'indice de
causalité, puisse être impliquée dans plusieurs niveaux de processus du raisonnement
causal, tel qu'illustré dans l'architecture cognitive de Perales et Catena (2006). D'une part,
cet indice peut être impliqué au niveau inférieur de recherche et de sélection de
l'information. D'autre part, il peut aussi être interprété au niveau supérieur de pondération
et d'intégration de l'information avec les croyances a priori. Dans la présente thèse, il a été
prédit que la force causale perçue pour une relation sera plus élevée lorsque la durée du
délai observée dans les données concorde avec la durée du délai attendue selon les
Chapitre 4
118
croyances a priori, comparativement aux situations où ces durées de délai ne concordent
pas. Bien que les réponses des participants soient conformes aux prédictions émises ici, ces
réponses sont compatibles avec le rôle de la contiguïté temporelle dans l'un ou l'autre de ces
niveaux de processus. Il n'est pas possible de départager ici lequel des niveaux de
processus a engendré les résultats obtenus. Néanmoins, grâce à l'aspect graphique et au
caractère hiérarchique du modèle de Perales et Catena (2006), de futures études devraient
permettre de distinguer l'impact respectif de ces processus sur les réponses des participants
lors d'une tâche d'évaluation de la force causale.
La recherche future sur le raisonnement causal.
Dans le but de poursuivre la recherche sur le raisonnement causal, des modifications
à la méthodologie employée dans la présente étude pourraient être envisagées. Entre
autres, il serait possible de comparer les réponses des participants pour des conditions
expérimentales similaires à celles de la présente étude, mais en présentant les données sous
des formes différentes. Par exemple, à l'instar de Vallée-Tourangeau, Payton et Murphy
(2008), les données présentées aux participants pourraient prendre la forme de propositions
ou encore d'arbre de fréquence, tel qu'illustré à la Figure 13 ci-dessous. Cela permettrait de
comparer les réponses des participants à une tâche de raisonnement causal lorsque
différentes façons de présenter simultanément les données sont utilisées. Il serait alors
possible de vérifier quel format de présentation permet aux participants d'observer plus
facilement l'information quant à la contiguïté temporelle et de l'intégrer avec leurs
croyances a priori. Une telle étude serait novatrice, car très peu d'études ont comparé
l'impact du format de présentation des données sur le raisonnement causal (d'après une
revue de la littérature, les seules études à ce sujet sont celles de Perales & Shanks, 2008;
Vallée-Tourangeau, Payton, & Murphy, 2008; White, 2003b), et aucune ne s'y est
intéressée dans le cadre d'une recherche sur le rôle de la contiguïté temporelle. Ce manque
d'intérêt pour ce facteur est étonnant, car la présentation d'information sous forme de
tableaux ou de graphiques est courante dans notre quotidien, que ce soit dans les journaux
ou à la télévision.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
119
Pour les palmiers de Jamaïque:
0 palmier vaporisé à l'insecticide a subi un changement de couleur de ses feuilles le 1er jour;
3 palmiers vaporisés à l'insecticide ont subi un changement de couleur de leurs feuilles le 2e jour;
6 palmiers vaporisés à l'insecticide ont subi un changement de couleur de leurs feuilles le 3e jour;
9 palmiers vaporisés à l'insecticide ont subi un changement de couleur de leurs feuilles le 4e jour;
12 palmiers vaporisés à l'insecticide ont subi un changement de couleur de leurs feuilles le 5e jour;
Panneau a.
Panneau b.
Figure 13. Exemple de présentation des données sous forme de propositions (panneau a)
et sous forme d'arbre de fréquence (panneau b).
Chapitre 4
120
Dans le même ordre d'idée, la présentation simultanée des données s’est avérée un
moyen adéquat pour tester les propositions théoriques de la littérature. Ainsi, il semble tout
à fait pertinent de continuer les recherches sur le raisonnement causal en présentant
l’information à évaluer sous des formes synthétisées, telles que des tableaux. En effet,
grâce aux nouvelles technologies (téléphones intelligents, applications informatiques
spécialisées, moteur de recherche Internet, journaux en ligne, etc.), les gens sont de plus en
plus exposés à de l’information synthétisée sous plusieurs formes dans leur vie de tous les
jours : statistiques, tableaux, graphiques, etc. Ces informations font aussi partie du
quotidien de plusieurs preneurs de décision et de chercheurs, qui analysent leurs résultats
sous forme de données compilées. Comprendre le rôle de différents facteurs dans le
raisonnement causal en utilisant ce format de présentation des données ne peut donc mener
qu’à une compréhension plus écologique de ce processus omniprésent dans notre vie.
Aussi, il est difficile d'évaluer le degré de concordance entre les croyances
personnelles des participants et les croyances suggérées par un scénario expérimental (voir
p.114-115 de la présente thèse). La méthode expérimentale généralement employée dans la
littérature pour manipuler les croyances a priori (p. ex. Allan et al., 2003; Buehner & May,
2002, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006; Catena et al., 2008; Fugelsang et al., 2004;
Fugelsang & Thompson, 2000a, 2003; Hagmayer & Waldmann, 2002; White, 2001) ne
permet actuellement pas de connaître précisément les croyances que les participants
entretiennent face à une situation. Ainsi, il serait pertinent pour une future étude de
développer une mesure permettant d'avoir un meilleur aperçu du contenu des croyances a
priori des participants lors de l’expérimentation. Par exemple, une étude pourrait utiliser
une échelle de type Likert demandant le niveau de confiance ou d'adhérence des
participants envers les informations présentées a priori. Également, avec une méthode
quasi-expérimentale, il serait possible d'étudier l'impact des croyances a priori en utilisant
une croyance déjà existante chez les participants. Par exemple, un questionnaire pré-
expérimental pourrait leur demander leur opinion par rapport à une relation causale en
particulier. Ensuite, il serait possible de vérifier si les participants évaluent des ensembles
de données selon la conformité des informations fournies avec la croyance déjà présente
chez eux.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
121
Par ailleurs, la relation causale à évaluer par les participants dans la présente thèse
concernait l'effet d'une cause générative qui entraîne une conséquence par un mécanisme
physique-chimique. Or, il semble que les gens perçoivent différemment les relations
génératives et préventives (Desrochers, Walsh, & Sacy, 2012; Walsh & Sloman, 2011). De
plus, les relations causales d'ordre physique ne sont pas les seules relations causales
présentes dans l'environnement d'une personne, bien qu'elles soient communes et les
premières relations apprises dans l'enfance (voir Faro, McGill, & Hastie, 2010; Perales &
Catena, 2006; Piaget, 1955). En effet, les gens peuvent aussi raisonner à propos de
relations causales se rapportant à des éléments biologiques, psychologiques ou sociaux
(Bungee, 2004). Les propriétés intuitivement attribuées aux relations causales physiques
peuvent être différentes de celles attribuées aux relations biologiques, psychologiques ou
sociales. Ainsi, alors que la force d'une cause tend à se dissiper dans le temps et l'espace
lorsque la relation est physique (p. ex. une balle projetée en l'air perd de sa vitesse avec le
temps et l'espace), les gens peuvent facilement concevoir que la force d'une cause
biologique ou psychologique s'accumule dans le temps (p. ex. avec le temps, un être vivant
grandit, un virus non traité se multiplie, ou encore une émotion devient plus intense) (Faro,
McGill, & Hastie, 2010). Ces différentes propriétés attribuées aux relations causales, selon
que la force se dissipe ou s'accumule, vont vraisemblablement engendrer des croyances a
priori différentes concernant le mécanisme imaginé et le temps attendu entre une cause et
un effet. Conséquemment, les propriétés attribuées à la relation vont influencer
l'interaction entre la contiguïté temporelle de la cause et l'effet et les croyances a priori
d'une personne. Les résultats obtenus dans la présente étude et les conclusions émises
concernant l'interaction entre ces facteurs pourraient donc ne s'appliquer que pour des
relations causales physiques. Il serait alors nécessaire de reproduire les expériences
effectuées dans cette thèse, mais en proposant aux participants d'évaluer des relations
causales qui concernent des éléments de nature psychologique ou sociale. Il sera ainsi
possible de vérifier que les phénomènes observés dans la présente thèse sont universels
dans le raisonnement causal, et non propre à certains types de relations.
De plus, la présentation des données essai par essai incite les chercheurs à étudier
l'effet de différents facteurs sur l'évaluation d'une relation causale entre des éléments
Chapitre 4
122
physiques/mécaniques, dont les délais d'action sont relativement courts (en termes de
secondes, comme pour l'appui sur un interrupteur et l'apparition d'une lumière). En effet, il
ne serait pas possible de demander aux participants en laboratoire d'expérimenter des délais
très longs entre les évènements afin d'évaluer la force causale d'une relation. À l'inverse, la
présentation des données sous forme de tableaux permet d'illustrer des évènements de
différentes natures, en plus de ne pas avoir de limites quant à la représentation des délais
entre les évènements, qui peuvent être séparés par des jours, des mois ou même des années.
Par exemple, on peut illustrer dans un tableau l'effet des publicités d'un commerce sur le
nombre de ses ventes au cours des mois suivants, ou encore l'effet de l'utilisation d'un
engrais sur le taux de croissance de plantes au cours d'une saison, ou même l'impact de
divers évènements sur la cote de popularité d'une personnalité publique. L'utilisation de
tableaux permet donc de représenter des informations concernant des relations causales
abstraites, dont les mécanismes d'action ne sont pas observables et pour lesquelles le délai
d'action est trop long pour être expérimenté en temps réel par les participants en laboratoire.
Ainsi, les études futures devraient considérer que la présentation des données sous forme de
tableaux peut s'avérer plus écologique que le format essai par essai, notamment lorsque les
relations causales à évaluer concernent des domaines abstraits ou lorsque les délais attendus
entre les évènements sont longs, comme on le retrouve fréquemment dans les relations
sociales, économiques ou politiques.
La présente thèse constitue un effort pour contribuer au développement des modèles
explicatifs du raisonnement causal. Toutefois, ce champ de recherche est encore récent et
de nombreuses études seront nécessaires dans le futur pour préciser notre conceptualisation
de cette habileté cognitive. Notamment, il a été proposé que la capacité du raisonnement
causal nécessite de recourir à la mémoire déclarative et épisodique, ainsi qu'aux fonctions
exécutives (Perales & Catena, 2006). De plus, nous avons vu précédemment que la théorie
des doubles processus définie par Evans (2006; 2008) peut être appliquée pour expliquer le
fonctionnement des processus supérieurs du raisonnement causal défini par Perales et
Catena (2006). Selon cette théorie des doubles processus, le fonctionnement du processus
analytique dépendrait beaucoup de l'intelligence, des capacités de mémoire de travail et de
la faculté d'inhibition d'une personne (Evans, 2006). Bref, le raisonnement causal serait
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
123
intimement lié à plusieurs autres facultés cognitives de haut niveau. En conséquence, il
serait pertinent de vérifier l'hypothèse voulant que ces facultés se développent en parallèle
(Perales & Catena, 2006). Pour ce faire, la performance d'une personne à des tests pour ces
facultés cognitives pourrait être comparée avec sa capacité de raisonner de façon efficace et
adéquate à propos d'une relation causale. Une telle étude serait particulièrement utile, car
elle permettrait d'identifier les facultés cognitives qui sont impliquées et/ou nécessaires
dans le développement de la capacité de raisonner de façon inductive sur les relations
causales.
Également, il devrait être possible de développer notre compréhension des
processus impliqués dans le raisonnement causal en comparant le raisonnement normal
avec le raisonnement pathologique. En effet, on devrait retrouver des erreurs dans le
raisonnement causal de personnes qui présentent des lacunes pour certaines fonctions
cognitives. Par exemple, une personne qui présente un déficit sur le plan de la mémoire de
travail devrait avoir une capacité limitée d'établir des relations causales à partir d'un
ensemble de données observées en temps réel. De la même manière, une personne qui est
limitée dans sa capacité à calculer le degré d'association entre des évènements devrait
présenter des difficultés à estimer la force causale d'une relation entre ces évènements.
Bref, une personne qui démontre des déficits lors d'une tâche mesurant une fonction
cognitive impliquée dans le raisonnement causal devrait, en corollaire, démontrer des
déficits dans une tâche explicite de raisonnement causal. Dans le cas contraire, il serait
permis de remettre en question le rôle que joue cette fonction cognitive dans le
raisonnement causal. La comparaison de la performance à une tâche de raisonnement
causal avec celle à des tâches mesurant d'autres habiletés cognitives devrait donc nous
permettre de mieux comprendre quelles fonctions sont nécessaires à ce type de
raisonnement.
Enfin, il serait aussi intéressant d'appuyer davantage les propositions théoriques de
la littérature grâce à des études en neuroscience et en neuro-imagerie. En effet, plusieurs
chercheurs tentent déjà d'identifier les patrons d'activation cérébrale qui caractérisent le
raisonnement causal. Par exemple, Satpute et al. (2005) ont observé, grâce à une étude
Chapitre 4
124
utilisant l'imagerie par résonance magnétique (IRM), des patrons d'activation cérébrale
distincts lorsque les participants évaluent des relations causales comparativement à des
relations uniquement associatives. Dans le même ordre d'idée, Blos, Chatterjee, Kircher et
Straube (2012) ont vérifié si l'évaluation de relations causales physiques entraine les mêmes
patrons d'activation cérébrale que l'évaluation de relations causales sociales. Ils ont observé
que les mêmes zones du cerveau étaient activées, mais que les patrons d'activation
neuronale de ces zones variaient selon les caractéristiques des stimuli des tâches
expérimentales. Ils ont donc conclu que la perception d'un lien causal n'est pas un
processus cognitif universel, indépendant du contexte et ancré dans une zone spécifique du
cerveau (Blos et al., 2012). Bref, actuellement, il n'est pas possible d'identifier un patron
d'activation cérébrale ou un réseau neuronal propre au raisonnement causal. La complexité
de cette tâche cognitive de haut niveau, ainsi que les nombreuses autres fonctions
cognitives qui sont impliquées dans celle-ci, force les chercheurs à interpréter avec nuance
les résultats de leurs études en neuro-imagerie. Quoi qu'il en soit, devant la possibilité
d'obtenir des données empiriques sur le plan neurocognitif, les chercheurs ne devraient pas
hésiter à utiliser de telles techniques afin de valider l'exactitude de leur modèle explicatif du
raisonnement causal et des propositions théoriques qui les sous-tendent.
Conclusion
En résumé, cette thèse confirme qu’il existe bel et bien une interaction entre la
contiguïté temporelle des évènements à évaluer et les croyances a priori des gens dans le
processus du raisonnement causal. Cette interaction s’exprime en accord avec certaines
propositions existantes dans la littérature (voir notamment Buehner & McGregor, 2006); en
particulier, les données présentant des informations qui concordent aux croyances
suggérées a priori se voient attribuer une force causale plus élevée que les données
présentant des informations qui ne concordent pas aux croyances a priori. On peut
supposer que cette interaction est robuste, car elle se retrouve sous diverses formes, autant
dans des études présentant les données à évaluer dans un format essai par essai (Allan et al.,
2003; Buehner & May, 2003, 2004; Buehner & McGregor, 2006) que dans des études
présentant les données sous forme de tableaux (présente thèse; Hagmayer & Waldmann,
2002). De plus, les participants de ces diverses études devaient évaluer des relations
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
125
causales impliquant des variables bien différentes (insecticides et insectes, pilules et maux
de tête, interrupteur et lumière, interrupteur et explosion, etc.), suggérant que le rôle
modulateur des croyances a priori n’est pas spécifique à un contexte particulier.
Afin d'obtenir ces résultats, la présente thèse a dû ajuster les propositions de la
littérature, fournissant ainsi un cadre de prédiction des réponses des participants qui est
compatible avec une vision probabiliste de la causalité. De plus, cette thèse utilise une
méthodologie nouvelle qui comporte des avantages indéniables comparativement aux
méthodologies couramment employées dans la littérature. En particulier, on note une
réduction de la charge cognitive nécessaire pour évaluer la force causale d'une relation à
partir d'un ensemble de données. Cette réduction de la charge cognitive s'avère bénéfique
afin que les gens puissent observer et intégrer efficacement l'information quant à la
contiguïté temporelle avec leurs croyances a priori.
Les résultats obtenus ont des implications théoriques dans plusieurs domaines,
notamment lorsqu’ils sont mis en lien avec l’architecture cognitive de Perales et Catena
(2006). Ce modèle, qui fait le pont entre les grands champs de connaissance dans le
domaine du raisonnement causal, permet une interprétation adéquate des résultats obtenus
dans la présente thèse. Il constitue donc une tentative encourageante d'intégration de tous
les facteurs susceptibles d’influencer le raisonnement causal dans une architecture cognitive
cohérente. Ce modèle est prometteur, car il est suffisamment flexible pour inclure les
propositions d'autres auteurs influents de la littérature (p. ex. Cheng, 1997; Evans, 2006;
Griffiths & Tenenbaum, 2009).
Également, les connaissances issues de la présente thèse ont des implications
concrètes dans le domaine de la communication, de l'enseignement et de la pratique
clinique en psychologie. En effet, il apparaît que les gens reconnaissent plus difficilement
les relations causales qui impliquent une faible contiguïté temporelle. Cette tendance doit
donc être gardée à l'esprit des professionnels. Afin de pallier cette tendance, il peut leur
être nécessaire de faciliter la tâche de raisonnement causal en présentant les données de
façon simultanée, ou encore en communiquant de l’information plus détaillée concernant le
Chapitre 4
126
temps devant séparer les évènements ou la chaîne d’action causale les liant. Une meilleure
connaissance des facteurs qui influencent le processus du raisonnement causal ne peut
mener qu'à une meilleure compréhension des biais et erreurs qui peuvent se glisser dans le
jugement des gens, notamment lorsqu’ils sont en situation de prise de décision importante.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
127
Références
Ahn, W. K., & Kalish, C. W. (2000). The role of covariation vs. mechanism information in
causal attribution. Dans R. Wilson & F. Keil (Eds.), Cognition and explanation.
Cambridge, MA: MIT Press.
Ahn, W. K., Kalish, C. W., Medin, D. L., & Gelman, S. A. (1995). The Role of Covariation
Versus Mechanism Information in Causal Attribution. Cognition, 54, 299-352.
Ahn, W. K., & Kim, N. S. (2008). Causal Theories of Mental Disorder Concepts.
Psychological Science Agenda, 22, 3-8.
Allan, L. G., & Jenkins, H. M. (1983). The effect of representations of binary variables on
judgment of influence. Learning and Motivation, 14, 381-405.
Allan, L. G., Tangen, J. M., Wood, R., & Shah, T. (2003). Temporal contiguity and
contingency judgments: A Pavlovian analogue. Integrative Physiological and
Behavioral Science, 38, 214-229.
Ausloos, G. (1995). La compétence des familles. Temps, chaos, processus. Ramonville-
Saint-Agne: Éditions Érès, Relations.
Beck, J. S. (1995). Cognitive therapy : Basics and beyond. New-York: The Guilford Press.
Buehner, M. J. (2005). Contiguity and covariation in human causal inference. Learning &
Behavior, 33, 230-238.
Buehner, M. J., Cheng, P. W., & Clifford, D. (2003). From covariation to causation: A test
of the assumption of causal power. Journal of Experimental Psychology: Learning,
Memory and Cognition, 29, 1119-1140.
Buehner, M. J., & May, J. (2002). Knowledge mediates the timeframe of covariation
assessment in human causal induction. Thinking and Reasoning, 8, 269-295.
Buehner, M. J., & May, J. (2003). Rethinking temporal contiguity and the judgement of
causality: Effects of prior knowledge, experience, and reinforcement procedure.
Quarterly Journal of Experimental Psychology Section a-Human Experimental
Psychology, 56, 865-890.
Buehner, M. J., & May, J. (2004). Abolishing the effect of reinforcement delay on human
causal learning. Quarterly Journal of Experimental Psychology Section B-
Comparative and Physiological Psychology, 57, 179-191.
Buehner, M. J., & McGregor, S. J. (2006). Temporal delays can facilitate causal attribution:
Towards a general timeframe bias in causal induction. Thinking & Reasoning, 12,
353-378.
Références
128
Buehner, M. J., & McGregor, S. J. (2009). Contingency and contiguity trade-offs in causal
induction. Internation Journal of Comparative Psychology, 22, 19-42.
Bungee, M. (2004). How does it work?: The search for explanatory mechanisms.
Philosophy of the Social Sciences, 34, 182-210.
Butler, G. (2010). Réussir à surmonter la timidité et la peur des autres. Montréal: Béliveau.
Catena, A., Maldonado, A., Perales, J. C., & Cándido, A. (2008). Interaction between
previous beliefs and cue predictive value in covariation-based causal induction.
Acta Psychologica, 128, 339-349.
Chapman, L. J., & Chapman, J. P. (1967). Genesis of Popular but Erroneous Psycho-
Diagnostic Observations. Journal of Abnormal Psychology, 72, 193-204.
Chapman, L. J., & Chapman, J. P. (1969). Illusory Correlation as an Obstacle to Use of
Valid Psychodiagnostic Signs. Journal of Abnormal Psychology, 74, 271-280.
Chapman, L. J., & Chapman, J. P. (1975). Basis of Illusory Correlation. Journal of
Abnormal Psychology, 84, 574-575.
Cheng, P. W. (1997). From covariation to causation: A causal power theory. Psychological
Review, 104, 367-405.
Cheng, P. W., & Novick, L. R. (1992). Covariation in Natural Causal Induction.
Psychological Review, 99, 365-382.
Cohen, J. (1988). Statistical Power Analysis for the Behavioral Sciences (2e ed.). New
Jersey: Lawrence Erlbaum Associates.
Cottraux, J., Bouvard, M., & Légeron, P. (1985). Méthodes et échelles d'évaluation des
comportements. Issy les Moulineaux: Éditions d'Applications Psychotechniques.
Crocker, J. (1982). Biased Questions in Judgment of Covariation Studies. Personality and
Social Psychology Bulletin, 8, 214-220.
De Houwer, J., & Beckers, T. (2003). Secondary task difficulty modulates forward
blocking in human contingency learning. The Quaterly Journal of Experimental
Psychology, 56B, 345-357.
Dennis, M. J., & Anh, W. (2001). Primacy in causal strength judgments: The effect of
initial evidence for generative versus inhibitory relationships. Memory & Cognition,
29, 152-164.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
129
Desrochers, S., Walsh, S., Sacy, M. (2012) Quand des mécanismes génératifs et préventifs
rencontrent des informations compatibles et incompatibles dans le raisonnement
causal probabiliste. Revue canadienne de psychologie expérimentale, 66, 153-163.
Dimidjian, S., Martell, C. R., Addis, M. E., & Hermann-Dunn, R. (2008). Behavioral
activation for depression. Dans D. H. Barlow (Ed.), Clinical handbook of
psychological disorders : A step-by-step treatment manual (pp. 328-364). New-
York: The Guilford Press.
Einhorn, H. J., & Hogarth, R. M. (1986). Judging Probable Cause. Psychological Bulletin,
99, 3-19.
Evans, J. St. B. T. (1989). Bias in human reasoning: Causes and consequences. London:
Erlbaum
Evans, J. S. B. T. (2006). The heuristic-analytic theory of reasoning: Extension and
evaluation. Psychonomic Bulletin & Review, 13, 378-395.
Evans, J. S. B. T. (2008). Dual-Processing Accounts of Reasoning, Judgment, and Social
Cognition. Annual Review of Psychology, 59, 255-278.
Evans, J. S. B. T., Over, D. E., & Handley, S. J. (2003). A theory of hypothetical thinking.
Dans D. Hardman & L. Maachi (Eds.), Thinking: Psychological perspectives on
reasoning, judgement and decision making (pp. 3-22). Chichester, U.K.: Wiley.
Faro, D., McGill, A. L., & Hastie, R. (2010). Naive Theories of Causal Force and
Compression of Elapsed Time Judgments. Journal of Personality and Social
Psychology, 98, 683-701.
Franklin, M. E., & Foa, E. B. (2008). Obsessive-compulsive disorder. Dans D. H. Barlow
(Ed.), Clinical handbook of psychological disorders : A step-by-step treatment
manual (pp. 164-215). New-York: The Guilford Press.
Fugelsang, J. A., Stein, C. B., Green, A. E., & Dunbar, K. N. (2004). Theory and data
interactions of the scientific mind: evidence from the molecular and the cognitive
laboratory. Canadian Journal of Experimental Psychology-Revue Canadienne De
Psychologie Expérimentale, 58, 86-95.
Fugelsang, J. A., & Thompson, V. A. (2000a). Strategy selection in causal reasoning: When
beliefs and covariation collide. Canadian Journal of Experimental Psychology-
Revue Canadienne De Psychologie Expérimentale, 54, 15-32.
Fugelsang, J. A., & Thompson, V. A. (2000b). When one thing causes another: Exploring
the interaction between beliefs and empirical evidence in causal reasoning.
International Journal of Psychology, 35, 392-392.
Références
130
Fugelsang, J. A., & Thompson, V. A. (2001). Belief-based and covariation-based cues
affect causal discounting. Canadian Journal of Experimental Psychology-Revue
Canadienne De Psychologie Expérimentale, 55, 70-76.
Fugelsang, J. A., & Thompson, V. A. (2003). A dual-process model of belief and evidence
interactions in causal reasoning. Memory & Cognition, 31, 800-815.
Fugelsang, J. A., Thompson, V. A., & Dunbar, K. N. (2006). Examining the representation
of causal knowledge. Thinking & Reasoning, 12, 1-30.
Gigerenzer, G., Todd, P. M., & ABC-Research-Group. (1999). Simple heuristics that make
us smart. Oxford, England: Oxford University Press.
Glymour, C. (2003). Learning, prediction and causal Bayes nets. Trends in Cognitive
Sciences, 7, 43-48.
Goldvarg, E., & Johnson-Laird, P. N. (2001). Naive causality : a mental model theory of
causal meaning and reasoning. Cognitive Science, 25, 565-610.
Greville, W. J., & Buehner, M. J. (2007). The influence of temporal distributions on causal
induction from tabular data. Memory & Cognition, 35, 444-453.
Greville, W. J., & Buehner, M. J. (2012). Assessing evidence for a common function of
delay in causal learning and reward discounting. Frontiers in Psychology, 3, 460.
Griffiths, T. L., & Tenenbaum, J. B. (2005). Structure and strength in causal induction.
Cognitive Psychology, 51, 334-384.
Griffiths, T. L., & Tenenbaum, J. B. (2009). Theory-Based Causal Induction. Psychological
Review, 116, 661-716.
Hagmayer, Y., & Waldmann, M. R. (2002). How temporal assumptions influence causal
judgments. Memory & Cognition, 30, 1128-1137.
Hamilton, D. L., & Gifford, R. K. (1976). Illusory Correlation in Interpersonal Perception -
Cognitive Basis of Stereotypic Judgments. Journal of Experimental Social
Psychology, 12, 392-407.
Hamilton, D. L., & Rose, T. L. (1980). Illusory Correlation and the Maintenance of
Stereotypic Beliefs. Journal of Personality and Social Psychology, 39, 832-845.
Harré, R., & Madden, E. H. (1975). Causal power: A theory of natural necessity. Totowa,
NJ: Rowman and Littlefield.
Hattori, M., & Oaksford, M. (2007). Adaptive non-interventional heuristics for covariation
detection in causal induction: Model comparison and rational analysis. Cognitive
Science, 31, 765-814.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
131
Holyoak, K. J., & Cheng, P. W. (2011). Causal learning and inference as a rational process
: The new synthesis. Annual Review of Psychology, 62, 135-163.
Hume, D. (1739/1960). A treatise of human nature. Oxford: Clarendon Press. (Originally
published 1739).
Humphreys, P. (1989). The Chances of Explanation. Princeton: Princeton University Press.
Jenkins, H. M., & Ward, W. C. (1965). Judgment of contingencies between responses and
outcomes. Psychological Monographs, 7, 1-17.
Johnson-Laird, P. N. (2006). How we reason. Oxford: Oxford University Press.
Kahneman, D., Slovic, P., & Tversky, A. (1982). Judgment under Uncertainty: Heuristics
and Biases. Cambridge: Cambridge University Press.
Kant, E. (1781/1965). Critique of pure reason. New-York: Macmillan. (Originally
published 1781).
Kao, S. F., & Wasserman, E. A. (1993). Assessment of an Information Integration Account
of Contingency Judgment with Examination of Subjective Cell Importance and
Method of Information Presentation. Journal of Experimental Psychology-Learning
Memory and Cognition, 19, 1363-1386.
Katagiri, M., Kao, S. F., Simon, A. M., Castro, L., & Wasserman, E. A. (2007). Judgments
of causal efficacy under constant and changing interevent contingencies.
Behavioural Processes, 74, 251-264.
Kushnir, T., Gopnik, A., Schulz, L., & Danks, D. (2003). Inferring hidden causes. Dans R.
Alterman & D. Kirsh (Eds.), Poceedings of the twenty-fifth annual meeting of the
cognitive science society (pp. 699-703). Mahwah, NJ: Erlbaum.
Ladouceur, R., Bélanger, L., & Léger, É. (2010). Arrêtez de vous faire du soucis pour tout
et pour rien. Paris: Odile Jacob.
Lafleur, M., Pelletier, M.-F., Vincent, M.-F., & Vincent, A. (2010). La maîtrise du TDAH
chez l'adulte : Un programme de thérapie cognitivo-comportementale. Québec:
Institut universitaire en santé mentale de Québec.
Lagnado, D. A., Waldmann, M. R., Hagmayer, Y., & Sloman, S. A. (2007). Beyond
covariation: Cues to causal structure. Dans A. Gopnik & L. Schulz (Eds.), Causal
learning: Psychology, philosophy, and computation (pp. 154-172). Oxford: Oxford
University Press.
Lien, Y., & Cheng, P. W. (2000). Distinguishing Genuine from Spurious Causes: A
Coherence Hypothesis. Cognitive Psychology, 40, 87-137.
Références
132
Lopez, F. J., Shanks, D. R., Almaraz, J., & Fernandez, P. (1998). Effects of trial order on
contingency judgments: A comparison of associative and probabilistic contrast
accounts. Journal of Experimental Psychology-Learning Memory and Cognition,
24, 672-694.
Lu, H., Yuille, A. L., Liljeholm, M., Cheng, P. W., & Holyoak, K. J. (2008). Bayesian
generic priors for causal learning. Psychological Review, 115, 955-984.
Maldonado, A., Catena, A., Perales, J. U., & Candido, A. (2007). Cognitive biases in
human causal learning. Spanish Journal of Psychology, 10, 242-250.
Mandel, D. R., & Lehman, D. R. (1998). Integration of contingency information in
judgments of cause, covariation, and probability. Journal of Experimental
Psychology-General, 127, 269-285.
Marchand, A., & Letarte, A. (2004). La peur d'avoir peur (3e ed.). Montréal: Les Éditions
internationales Alain Stanké.
Marsh, J. K., & Ahn, W. K. (2006). Order effects in contingency learning: The role of task
complexity. Memory & Cognition, 34, 568-576.
Michotte, A. (1954). La perception de la causalité (2e ed.). Louvain: Études de
Psychologie.
Morin, C. M. (2009). Vaincre les enemis du sommeil (2e ed.). Montréal: Les Éditions de
l'Homme.
Newsome, G. L. (2003). The debate between current versions of covariation and
mechanism approaches to causal inference. Philosophical psychology, 16, 87-107.
Novick, L. R., & Cheng, P. W. (2004). Assessing interactive causal influence.
Psychological Review, 111, 455-485.
Oswald, Margit E.; Grosjean, Stefan (2004), "Confirmation Bias". Dans Pohl, Rüdiger F.,
Cognitive Illusions: A Handbook on Fallacies and Biases in Thinking, Judgement
and Memory (pp. 79–96). Hove, UK: Psychology Press.
Pearl, J. (1993). From bayesian networks to causal networks. Document présenté à la 49e
conférence de l'International Statistical Institute, Florence, Italie.
Pearl, J., & Russel, S. (2003). Bayesian Network. Dans M. Arbib (Ed.), Handbook of Brain
Theory and Neural Networks (pp. 157-160). Cambridge, MA: MIT Press.
Perales, J. C., & Catena, A. (2006). Human causal induction: A glimpse at the whole
picture. European Journal of Cognitive Psychology, 18, 277-320.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
133
Perales, J. C., Catena, A., Maldonado, A., & Cándido, A. (2007). The role of mechanism
and covariation information in causal belief updating. Cognition, 105, 704-714.
Perales, J. C., & Shanks, D. R. (2007). Models of covariation-based causal judgment: A
review and synthesis. Psychonomic Bulletin & Review, 14, 577-596.
Perales, J. C., & Shanks, D. R. (2008). Driven by Power? Probe Question and Presentation
Format Effects on Causal Judgment. Journal of Experimental Psychology:
Learning, Memory and Cognition, 34, 1482-1494.
Piaget, J. (1955). The child’s construction of reality. London. England: Routledge & Kegan
Paul.
Pohl, R. F. (2004). Cognitive Illusions: A Handbook on Fallacies and Biases in Thinking,
Judgement and Memory. Hove, UK: Psychology Press.
Popper, K. R. (1963). Conjectures and Refutations: The Growth of Scientific Knowledge.
London: Routledge and Kegan Paul.
Proctor, C., & Ahn, W. K. (2007). The effect of causal knowledge on judgments of the
likelihood of unknown features. Psychonomic Bulletin & Review, 14, 635-639.
Sanger, D. E. (2003, August 27). Inertia and indecision in NASA. The New York Times.
Safren, S., Perlman, C., Sprich, S., & Otto, M. (2005). Mastering your adult ADHD : A
cognitive-behavioral treatment program. New-York: The Oxford University Press.
Satpute, A. B., Fenker, D. B., Waldmann, M. R., Tabibnia, G., Holyoak, K. J., &
Lieberman, M. D. (2005). An fMRI study of causal judgments. European Journal of
Neuroscience, 22, 1233–1238.
Sauteraud, A. (2000). Je ne peux m’arrêter de Laver, Vérifier, Compter : Mieux vivre avec
un TOC. Paris: Odile Jacob.
Schlottmann, A. (1999). Seeing it happen and knowing how it works: How children
understand the relation between perceptual causality and underlying mechanism.
Developmental Psychology, 35, 303-317.
Shanks, D. R., & Dickinson, A. (1987). Associative accounts of causality judgment. Dans
G. Bower (Ed.), The psychology of learning and motivation (Vol. 21, pp. 229-261).
San Diego, CA: Academic Press.
Shanks, D. R., Pearson, S. M., & Dickinson, A. (1989). Temporal Contiguity and the
Judgment of Causality by Human-Subjects. Quarterly Journal of Experimental
Psychology Section B-Comparative and Physiological Psychology, 41, 139-159.
Références
134
Shauble, L. (1990). Belief revision in children : The role of prior knowledge and strategies
for generating evidence. Journal of Experimental Child Psychology, 49, 31-57.
Shultz, T. R. (1982). Rules of Causal Attribution. Monographs of the Society for Research
in Child Development, 47, 1-51.
Spears, R., Eiser, J. R., & Vanderpligt, J. (1987). Further evidence for expectation-based
illusory correlations. European Journal of Social Psychology, 17, 253-258.
Spears, R., Vanderpligt, J., & Eiser, J. R. (1986). Generalizing the Illusory Correlation
Effect. Journal of Personality and Social Psychology, 51, 1127-1134.
Starr, B. J., & Katkin, E. S. (1969). Clinician as an Aberrant Actuary - Illusory Correlation
and Incomplete Sentences Blank. Journal of Abnormal Psychology, 74, 670-675.
Suppes, P. (1970). A probabilistic theory of causality. Amsterdam: North Holland.
Turk, C. L., Heimberg, R. G., & Magee, L. (2008). Social anxiety disorder. Dans D. H.
Barlow (Ed.), Clinical handbook of psychological disorders : A step-by-step
treatment manual (pp. 123-163). New-York: The Guilford Press.
Vallee-Tourangeau, F., Payton, T., & Murphy, R. A. (2008). The impact of presentation
format on causal inferences. European Journal of Cognitive Psychology, 20, 177-
194.
Walsh, C. R., & Sloman, S. A. (2011). The meaning of cause and prevent: The role of
causal mechanism. Mind & Language, 26, 21-52.
Waldmann, M. R., & Walker, J. M. (2005). Competence and performance in causal
learning. Learning & Behavior, 33, 211-229.
Wasserman, E. A., Dorner, W. W., & Kao, S. F. (1990). Contributions of Specific Cell
Information to Judgments of Interevent Contingency. Journal of Experimental
Psychology-Learning Memory and Cognition, 16, 509-521.
Wasserman, E. A., Elek, S. M., Chatlosh, D. L., & Baker, A. G. (1993). Rating causal
relations: role of probability in judgements of response-outcome contingency.
Journal of Experimental Psychology: Learning, Memory and Cognition, 19, 174-
188.
White, P. A. (1990). Ideas About Causation in Philosophy and Psychology. Psychological
Bulletin, 108, 3-18.
White, P. A. (1995). Use of prior beliefs in the assignment of causal roles: Causal powers
versus regularity-based accounts. Memory & Cognition, 23, 243-354.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
135
White, P. A. (2001). Causal Judgments about relations between multilevel variables.
Journal of Experimental Psychology: Learning, Memory and Cognition, 27, 499-
513.
White, P. A. (2003a). Causal judgement as evaluation of evidence : The use of
confirmatory and disconfirmatory information. The Quaterly Journal of
Experimental Psychology, 56A, 491-513.
White, P. A. (2003b). Effects of wording and stimulus format on the use of contingency
information in causal judgment. Memory & Cognition, 31, 231-242.
White, P. A. (2003c). Making causal judgments from the proportion of confirming
instances : the pCI rule. Journal of Experimental Psychology: Learning, Memory
and Cognition, 29, 710-727.
White, P. A. (2003d). Making causal judgments from the proportion of confirming
instances: The pCI rule. Journal of Experimental Psychology-Learning Memory and
Cognition, 29, 710-727.
White, P. A. (2004). Causal judgment from contingency information: A systematic test of
the pCI rule. Memory & Cognition, 32, 353-368.
White, P. A. (2008). Accounting for occurrences: A new view of the use of contingency
information in causal judgment. Journal of Experimental Psychology-Learning
Memory and Cognition, 34, 204-218.
Young, J. E., & Klosko, J. S. (2003). Je réinvente ma vie. Vous valez mieux que bous ne
pensez. Montréal, Qc: Les éditions de l'homme.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
137
Annexe 1
Instructions générales pour les participants de l’Expérience 1 et 2
INTRODUCTION
Imaginez le propriétaire d’une serre qui se consacre depuis plusieurs années à la
production de palmiers d’intérieur en provenance de 9 pays (Indonésie, Malaisie, Maroc, Tunisie,
Jamaïque, Madagascar, Sénégal, Soudan, États-Unis). Récemment, le propriétaire a constaté que
toutes les feuilles de certains palmiers changent subitement de couleur et passent alors du
vert au rouge! Il soupçonne alors les nouveaux insecticides utilisés sur ces palmiers d’être les
responsables. Toutefois, la vie étant ce qu’elle est, il est aussi possible que les feuilles
développent cette coloration rouge pour d’autres raisons (par exemple, la maladie ou le
vieillissement normal).
EXPÉRIMENTATION DU PROPRIÉTAIRE
En conséquence, il décide de procéder à une petite expérimentation afin d’évaluer la
responsabilité potentielle des insecticides utilisés, et ce, selon le pays d’origine des palmiers. En
effet, les palmiers des 9 pays concernés étant différents à la base, leur sensibilité aux insecticides
utilisés pourrait varier d’un pays à l’autre. De plus, comme nous ne connaissons pas encore les
effets réels de ces insecticides, il faut garder à l’esprit qu’il est tout aussi possible qu’un
insecticide en question cause le changement de couleur des feuilles du vert au rouge, tout comme
il peut le prévenir (ou l’empêcher)! Il est aussi possible que l’insecticide ciblé n’ait aucun effet
particulier.
Pour chaque pays, il isole donc dans une pièce un certain nombre de palmiers qu’il
vaporise avec un seul insecticide. Pour chaque pays, il crée aussi un groupe de comparaison en
isolant, dans une autre pièce, un autre groupe de palmiers qu’il ne vaporisera d’aucun insecticide.
Enfin, sachez que tous les palmiers sélectionnés pour son expérimentation n’avaient
jamais encore été vaporisés par aucun insecticide auparavant, et qu’ils avaient tous connu des
conditions d’entretien équivalentes jusqu’à leur arrivée à la serre.
Annexes
138
VOTRE TÂCHE ou CE QUE VOUS AVEZ À FAIRE
Votre tâche consiste à analyser les données amassées par le propriétaire concernant deux
nouveaux insecticides (le X-RAID et le Y-BAN). Pour ce faire, dans la première section du
cahier, vous devrez d’abord évaluer l’effet d’un premier insecticide sur le changement de couleur
des feuilles des palmiers, et ce, pour chacun des 9 pays mentionnés plus haut (donc 9 ensembles
de données à évaluer). Ensuite, dans la deuxième section du cahier, vous aurez à évaluer l’effet
de l’autre insecticide, et ce, pour chacun des 9 pays concernés (donc 9 ensembles de données).
Bref, en tout, vous aurez donc 18 ensembles de données à évaluer. Un exemple d’ensemble de
données à évaluer vous est fourni à la page suivante.
Exemple
Pour chaque pays, les données seront présentées sous la forme de deux tableaux (voir ci-
dessous) : un pour le groupe de palmiers vaporisés et un autre pour le groupe non vaporisé.
Puisque le propriétaire ne pouvait surveiller continuellement ses palmiers, il opta pour une
vérification à chaque matin. Chaque tableau contient donc cinq colonnes (1, 2, 3, 4 et 5 jours)
représentant le temps écoulé depuis la vaporisation de l’insecticide. La présence d’un x sur une
ligne indique que toutes les feuilles de ce palmier ont subitement viré au rouge, et la colonne
précise après combien de jours ce changement a été constaté par le propriétaire. L’absence d’un
x sur une ligne indique que les feuilles de ce palmier n’ont jamais changé de couleur. La
présence d’un x dans une ligne est également signalée par la couleur grise de la ligne. Dans
l’exemple ci-dessous, le palmier vaporisé # 1 n’a jamais changé de couleur, tandis que le palmier
non vaporisé # 12 a viré au rouge après 3 jours.
Palmier Vaporisés avec l’insecticide Palmier Non vaporisés avec l’insecticide
# 1 jour 2 jours 3 jours 4 jours 5 jours # 1 jour 2 jours 3 jours 4 jours 5 jours
1 11
2 X 12 X
3 X 13
4 X 14 X
5 15
6 16 X
7 X 17
8 18 X
9 19
10 X 20 X
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
139
À partir des données contenues dans ces deux tableaux, il s’agira pour vous d’indiquer à
quel point vous croyez que l’insecticide ciblé a eu un effet sur le changement de couleur des
feuilles pour les palmiers du pays ciblé à cette page, et uniquement pour ce pays. Souvenez-
vous que les feuilles des palmiers peuvent développer cette coloration rouge pour d’autres
raisons, et comme nous ne connaissons pas encore les effets réels de ces insecticides, il faut
garder à l’esprit qu’il est tout aussi possible que l’insecticide en question cause le changement de
couleur des feuilles du vert au rouge, tout comme il peut le prévenir (ou l’empêcher)! Enfin, il
est aussi possible que l’insecticide ciblé n’ait aucun effet particulier.
Vous devrez fournir votre jugement à l’aide de l’échelle ci-dessous. Si vous considérez
que l’insecticide cause le changement de couleur des feuilles, utilisez les chiffres de 1 à 10 : 10
signifie que l’insecticide cause très fortement le changement de couleur des feuilles, 1 signifie
que l’insecticide cause très faiblement le changement de couleur des feuilles. Si vous considérez
que l’insecticide empêche le changement de couleur des feuilles, utilisez les chiffres de -1 à -10 :
-10 signifie que l’insecticide empêche très fortement le changement de couleur des feuilles, -1
signifie que l’insecticide empêche très faiblement le changement de couleur des feuilles. Si vous
considérez qu’il n’y a aucun lien de cause à effet entre l’insecticide et le changement de couleur
des feuilles, utilisez le 0. Bien sûr, vous pouvez utiliser tous les chiffres entre 1 et 10, ou -1 et -
10, pour nuancer votre évaluation.
Échelle à coter :
-10 -9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Votre évaluation? : ___________
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
141
Annexe 2
Scénarios de description des insecticides présentés aux participants
Expérience 1
Condition sans croyance
Scénario neutre.
Les caractéristiques de ce nouvel insecticide X-RAID sont toutefois inconnues;
nous ne pouvons donc vous fournir aucune information/renseignement à son sujet.
Condition suggérant un délai long
Scénario formulé en termes de Durée du délai et Mécanisme.
Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,
suite à la vaporisation, on sait que cet insecticide va d’abord pénétrer le sol. Ensuite, il sera
absorbé par les racines des plantes et véhiculé par la sève jusqu’aux feuilles dans lesquelles
il s’accumulera graduellement. Les plantes qui sont sensibles à cet insecticide peuvent
donc prendre quelques jours avant de réagir.
Scénario formulé en termes de Durée du délai uniquement.
Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,
suite à la vaporisation, on sait que les plantes qui sont sensibles à cet insecticide peuvent
prendre quelques jours avant de réagir.
Scénario formulé en termes de Mécanisme uniquement.
Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,
suite à la vaporisation, on sait que cet insecticide va d’abord pénétrer le sol. Ensuite, il sera
absorbé par les racines des plantes et véhiculé par la sève jusqu’aux feuilles dans lesquelles
il s’accumulera graduellement.
Annexes
142
Expérience 2
Scénarios formulés en termes de Mécanisme uniquement
Condition suggérant un délai court.
Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,
lorsque celui-ci est vaporisé sur les plantes, il pénètre directement dans les feuilles et s’y
accumule. Les plantes qui sont sensibles à cet insecticide réagissent alors à la présence de
cet insecticide dans leurs feuilles.
Condition suggérant un délai long.
Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,
lorsque celui-ci est vaporisé sur les plantes, l’insecticide pénètre d’abord le sol. Ensuite, il
est absorbé par les racines des plantes et est ainsi véhiculé par la sève jusqu’aux feuilles
dans lesquelles il s’accumule. Les plantes qui sont sensibles à cet insecticide réagissent
alors à la présence de cet insecticide dans leurs feuilles.
Scénarios formulés en termes de Durée du délai uniquement
Condition suggérant un délai court.
Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,
les plantes qui sont sensibles à cet insecticide réagissent à l’intérieur d’un délai particulier,
soit entre 1 et 3 jours après la vaporisation.
Condition suggérant un délai long.
Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,
les plantes qui sont sensibles à cet insecticide réagissent à l’intérieur d’un délai particulier,
soit entre 3 et 5 jours après la vaporisation.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
143
Scénarios formulés en termes de Durée du délai et Mécanisme
Condition suggérant un délai court.
Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,
lorsque celui-ci est vaporisé sur les plantes, il pénètre directement dans les feuilles et s’y
accumule. Les plantes qui sont sensibles réagissent alors à la présence de cet insecticide
dans leurs feuilles à l’intérieur d’un délai particulier, soit entre 1 et 3 jours après la
vaporisation.
Condition suggérant un délai long.
Plusieurs caractéristiques de ce nouvel insecticide sont bien connues. Par exemple,
lorsque celui-ci est vaporisé sur les plantes, l’insecticide pénètre d’abord le sol. Ensuite, il
est absorbé par les racines des plantes et est ainsi véhiculé par la sève jusqu’aux feuilles
dans lesquelles il s’accumule. Les plantes qui sont sensibles réagissent alors à la présence
de cet insecticide dans leurs feuilles à l’intérieur d’un délai particulier, soit entre 3 et 5
jours après la vaporisation.
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
145
Annexe 3
Degré d’association et degré de contiguïté temporelle retenus pour chaque matrice de
l'Expérience 1 et de l’Expérience 2
Scénario
Degré de contiguïté
temporelle
(% des effets totaux pour
chaque journée)
P P(e|c) P(e|¬c)
Première condition:
aucune suggestion
(Expérience 1) ou
suggestion d’un délai
court (Expérience 2)
faible
(0%-10%-20%-30%-40%)
0 .25 .25 Matrice 1
.25 .50 .25 Matrice 2
.75 1 .25 Matrice 3
aléatoire
(20%-20%-20%-20%-20%)
0 .25 .25 Matrice 4
.25 .50 .25 Matrice 5
.75 1 .25 Matrice 6
fort
(40%-30%-20%-10%-0%)
0 .25 .25 Matrice 7
.25 .50 .25 Matrice 8
.75 1 .25 Matrice 9
Deuxième condition:
suggestion d’un délai
long
faible
(0%-10%-20%-30%-40%)
0 .25 .25 Matrice 10
.25 .50 .25 Matrice 11
.75 1 .25 Matrice 12
aléatoire
(20%-20%-20%-20%-20%)
0 .25 .25 Matrice 13
.25 .50 .25 Matrice 14
.75 1 .25 Matrice 15
fort
(40%-30%-20%-10%-0%)
0 .25 .25 Matrice 16
.25 .50 .25 Matrice 17
.75 1 .25 Matrice 18
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
147
Annexe 4
Tableaux et graphiques des résultats de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 1
(Suggestion d’un délai X Contiguïté temporelle X Degré d’association X Type
d’information)
Tableau 1.
Statistiques F, degrés de liberté, carrés moyens, seuils de signification et tailles d’effet pour les
facteurs de l’ANOVA sur les cotes de force causale fournies à l’Expérience 1.
Facteurs dl Carré
moyen F Sig.
Eta carré
partiel
Suggestion d’un délai 1 29,067 3,824 .054 ,042
Contiguïté temporelle ** 2 135,886 12,074 .000 ,122
Degré d’association ** 2 8373,838 773,606 .000 ,899
Suggestion d’un délai X Contiguïté temporelle ** 2 68,521 15,322 .000 ,150
Suggestion d’un délai X Degré d’association 2 4,528 1,758 .178 ,020
Contiguïté temporelle X Degré d’association 4 4,728 1,048 .371 ,012
Suggestion d’un délai X Contiguïté temporelle X
Degré d’association
4 0,558 0,195 .925 ,002
Type d’information 2 3,464 0,142 .868 ,003
Suggestion d’un délai X Type d’information 2 8,093 1,065 .349 ,024
Contiguïté temporelle X Type d’information 4 7,017 0,623 .580 ,014
Degré d’association X Type d’information 4 1,587 0,147 .960 ,003
Suggestion d’un délai X Contiguïté temp. X
Type d’info.
4 2,699 0,604 .618 ,014
Suggestion d’un délai X D. d’association X
Type d’info.
4 1,791 0,696 .584 ,016
Contiguïté temporelle X D. d’association X
Type d’info.
8 2,418 0,536 .777 ,012
Suggestion d’un délai X Contiguïté temp. X
D. d’association X Type d’information
8 1,854 0,647 .719 ,015
*significatif à p < .05
**significatif à p < .01
Annexes
148
Tableau 2.
Moyennes (écarts-types) des cotes de force causale obtenues selon les niveaux des
facteurs principaux inclus dans l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 1.
Facteur Niveaux Moyenne (écart-type)
Suggestion d’un délai
Aucune suggestion 3,71 (1,51)
Suggestion d'un délai 3,98 (1,11)
Contiguïté temporelle
Court 4,33 (1,69)
Aléatoire 3,87 (1,28)
Long 3,33 (1,80)
Degré d’association
P = 0 -0,22 (1,14)
P = .25 4,11 (1,79)
P = .75 7,64 (1,75)
Type d’information
Mécanisme 3,93 (1,09)
Durée du délai 3,83 (1,34)
Durée du délai et Mécanisme 3,77 (1,04)
Tableau 3.
Moyennes (écarts-types) des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction
Suggestion d’un délai X Contiguïté temporelle de l’ANOVA sur les cotes fournies à
l’Expérience 1.
Suggestion d’un délai
Aucune
Suggestion Suggestion d'un délai
Contiguïté temporelle
Court 4,52 (1,98) 4,13 (1,97)
Aléatoire 3,79 (1,50) 3,96 (1,34)
Long 2,81 (2,40) 3,84 (1,81)
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
149
Annexe 5
Tableaux et graphiques des résultats de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2
(Suggestion d’un délai X Contiguïté temporelle X Degré d’association X Type
d’information)
Tableau 1.
Statistiques F, degrés de liberté, carrés moyens, seuils de signification et tailles d’effet pour les
facteurs de l’ANOVA sur les cotes de force causale fournies à l’Expérience 2.
Facteurs dl Carré
moyen F Sig.
Eta carré
partiel
Durée du délai suggérée 1 ,091 ,013 .910 ,000
Contiguïté temporelle ** 2 133,502 9,878 .000 ,102
Degré d’association ** 2 7503,511 689,774 .000 ,888
Durée du délai suggérée X Contiguïté temp.** 2 742,148 50,312 .000 ,366
Durée du délai suggérée X Degré d’association 2 2,841 ,758 .437 ,009
Contiguïté temporelle X Degré d’association 4 3,586 ,893 .451 ,010
Durée du délai suggéré X Contiguïté temp. X
Degré d’association**
4 13,797 4,355 .003 ,048
Type d’information* 2 123,837 4,092 .020 ,086
Durée du délai suggérée X Type d’information 2 3,302 ,465 .630 ,011
Contiguïté temporelle X Type d’information 4 9,853 ,729 .549 ,016
Degré d’association X Type d’information* 4 33,655 3,094 .026 ,066
Durée du délai sug. X Contiguïté temp. X
Type d’info.**
4 157,373 10,669 .000 ,197
Durée du délai suggérée X D. d’associat. X
Type d’info.
4 4,911 1,310 .268 ,029
Contiguïté temp. X D. d’association X
Type d’info.
8 2,388 ,594 .747 ,013
Durée du délai suggérée X Contiguïté temp. X
D. d’association X Type d’information
8 1,271 ,401 .900 ,009
*significatif à p < .05
**significatif à p < .01
Annexes
150
Tableau 2.
Moyennes (écarts-types) des cotes de force causale obtenues selon les niveaux des
facteurs principaux inclus dans l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2.
Facteur Moyenne (écart-type)
Durée du délai
suggérée
Suggestion délai court 3,34 (1,51)
Suggestion délai long 3,35 (1,45)
Contiguïté temporelle
Court 3,71 (1,73)
Aléatoire 3,54 (1,58)
Long 2,78 (2,09)
Degré d’association
P = 0 -0,41 (1,21)
P = .25 3,39 (1,78)
P = .75 7,05 (2,14)
Type d’information
Mécanisme 3,89 (1,05)
Durée du délai 2,99 (1,67)
Durée du délai et Mécanisme 3,15 (1,07)
Tableau 3.
Moyennes (écarts-types) des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de l’interaction
Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle de l’ANOVA sur les cotes fournies à
l’Expérience 2.
Durée du délai suggérée
Suggestion d’un
délai court
Suggestion d’un délai
long
Contiguïté temporelle
Court 4,94 (1,93) 2,48 (3,13)
Aléatoire 3,38 (2,08) 3,70 (1,53)
Long 1,68 (2,62) 3,87 (2,65)
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
151
Tableau 4.
Moyennes (écarts-types) des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de
l’interaction Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle en fonction du Degré
d’association de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2.
Contiguïté
temporelle Durée du délai suggérée
P = 0
Suggestion d’un
délai court
Suggestion d’un
délai long
Court 0,89 (2,51) -1,00 (2,94)
Aléatoire -0,28 (1,65) -0,02 (1,72)
Long -1,78 (2,69) -0,27 (2,56)
P = .25
Suggestion d’un
délai court
Suggestion d’un
délai long
Court 5,14 (2,77) 2,51 (3,81)
Aléatoire 3,20 (2,60) 3,60 (2,31)
Long 1,55 (2,93) 4,32 (3,45)
P = .75
Suggestion d’un
délai court
Suggestion d’un
délai long
Court 8,80 (2,18) 5,92 (4,65)
Aléatoire 7,21 (3,23) 7,51 (2,78)
Long 5,27 (3,95) 7,56 (3,40)
Annexes
152
Tableau 5.
Moyennes (écarts-types) des cotes de force causale obtenues selon les niveaux de
l’interaction Durée du délai suggérée X Contiguïté temporelle en fonction du Type
d’information de l’ANOVA sur les cotes fournies à l’Expérience 2.
Contiguïté
temporelle Durée du délai suggérée
Durée du délai
uniquement
Suggestion
d’un délai
court
Suggestion
d’un délai
long
Court 4,78 (2,74) 1,80 (3,30)
Aléatoire 3,08 (1,92) 3,41 (1,97)
Long 1,19 (2,67) 3,69 (3,05)
Mécanisme uniquement
Suggestion
d’un délai
court
Suggestion
d’un délai
long
Court 4,70 (1,38) 4,28 (2,34)
Aléatoire 4,14 (1,01) 4,08 (1,30)
Long 2,98 (2,51) 3,16 (2,51)
Durée du délai et
mécanisme
Suggestion
d’un délai
court
Suggestion
d’un délai
long
Court 5,36 (1,34) 1,36 (2,91)
Aléatoire 2,92 (2,76) 3,60 (1,16)
Long 0,87 (2,24) 4,77 (2,14)
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
153
Annexe 6
Commentaires les plus fréquents des participants
Voici des exemples des commentaires les plus fréquents fournis par écrit par les
participants, qui pouvaient indiquer l'information qu'ils ont considérée dans leur évaluation
du lien entre l'insecticide et le changement de couleur des feuilles de palmiers. Les
participants ont donc rapporté avoir considéré...
Expérience 1
le nombre de palmiers dont les feuilles ont changé de couleur;
le pourcentage/ le ratio/ la proportion de palmiers dont les feuilles ont changé de
couleur;
la comparaison entre les tableaux des palmiers vaporisés et non vaporisés avec
l'insecticide;
le nombre de jours avant le changement de couleur des feuilles de palmiers;
la vitesse d'accélération ou de ralentissement du changement de couleur des feuilles
de palmiers;
le nombre de palmiers dont les feuilles ont changé de couleur dans une fenêtre
temporelle spécifique (p. ex. dans les 3 derniers jours);
le type d'insecticide ou ses caractéristiques (p. ex. doit pénétrer le sol, doit agir après
3 jours, doit être incubé avant d'agir, son effet se dissipe après quelques jours);
la possibilité que des causes alternatives puissent être la cause du changement de
couleur des feuilles de palmiers, ou encore des caractéristiques diverses propres au
contexte de culture des palmiers (p. ex. leur pays d'origine, la sensibilité des
palmiers, les conditions climatiques, l'âge des palmiers, l'entretien apporté aux
palmiers, les rongeurs, la pollution, etc.).
Annexes
154
Expérience 2
la vitesse d'accélération ou de ralentissement du changement de couleur des feuilles
de palmiers;
le nombre de palmiers dont les feuilles ont changé de couleur dans une fenêtre
temporelle spécifique, selon les caractéristiques de l'insecticide (p. ex. dans les 3
premiers jours ou les 3 derniers jours);
la comparaison entre le nombre de palmiers qui ont changé (ou non) de couleur
durant le temps d'action de l'insecticide et le nombre de palmiers qui ont changé (ou
non) de couleur en dehors du temps d'action de l'insecticide;
la possibilité que les informations fournies au début de l'expérience soient fausses,
car visiblement les données contredisent l'information connue à propos de
l'insecticide;
le temps d'action théorique des insecticides;
le mécanisme d'action théorique des insecticides (p. ex. son mode d'absorption);
le nombre de palmiers dont les feuilles ont changé de couleur;
le pourcentage/ le ratio de palmiers dont les feuilles ont changé de couleur;
la comparaison entre les tableaux des palmiers vaporisés et non vaporisés avec
l'insecticide;
la possibilité que des causes alternatives puissent être la cause du changement de
couleur des feuilles de palmiers;
Rôle des croyances a priori et de la contiguïté temporelle
155
Commentaires des participants sur la nature de la relation causale
La nature de l’effet attendu de l’insecticide sur les feuilles de palmiers n’étant pas
spécifiée dans les scénarios présentés a priori, les participants étaient libres d’interpréter
l’information présentée à leur guise. La relation perçue pouvait ainsi être préventive,
générative, ou encore un mélange des deux.
Exemples de commentaires des participants sur la nature de la relation perçue à partir des
données : L’insecticide…
a pour effet de provoquer le changement, mais cet effet se dissipe après 3 jours;
a pour effet de provoquer le changement, mais cet effet ne se manifeste qu’après 3
jours;
a un effet de protection, mais cet effet se dissipe après 3 jours, alors les feuilles
changent de couleur;
a un effet de protection qui ne se manifeste qu'après 3 jours;
retarde le changement, mais le créer en fort pourcentage;
accélère l’apparition du changement de couleur des feuilles, qui aurait eu lieu
même sans le produit;
l'insecticide retarde le changement de couleur des feuilles, mais ne le prévient pas
nécessairement à long terme;
l'insecticide accélère le changement de couleur des feuilles pour certains palmiers et
le ralentit pour d'autres, donc son effet est quelconque;
l’insecticide aggrave une condition préexistante;
l’effet de l’insecticide dépend de la température que l'on retrouve dans les différents
pays.