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ROCH HACHANA 5769

Roch Hachana 5769

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Toutes les histoires racontées dans la revue que vous tenez en main sont vraies. Avant les Jours de Jugement qui nous attendent, prenons le temps de constater, à travers les incidents décrits, l’amour du Créateur envers Ses enfants et Sa bonté infinie envers ceux qui se tournent vers Lui.

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LA FORCE DELA TSÉDAKA

ROCH HACHANA 5769

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Chers lecteurs,

C’est avec un sentiment de reconnais-sance envers le Créateur que nous envoyons cette revue sous presse. La revue publiée Pourim dernier a eu un grand impact sur ses lecteurs car ces histoires nous donnent la preuve que notre Père céleste veille sur nous et dé-sire notre bien.

Notre génération voit sans cesse, dans les événements mondiaux importants comme dans ceux de tous les jours, que seule la volonté divine a le pouvoir de changer les situations. Lui seul di-rige Son monde et guide le cours des événements. Koupat Ha’ir s’est faite l’un des témoins de cette réalité. Per-sonne ne se tourne vers cette organi-sation en pensant que c’est elle qui va changer la situation. Tout le monde sait que faire un don à Koupat Ha'ir est une façon d’éveiller la pitié et la bonté divines, d’attirer à nous la bienfaisance de D. en ouvrant les portes qui nous sé-paraient de Lui. La force combinée des prières sincères et le don à la tsédaka sont les instruments des prodiges auxquels nous sommes émerveillés d’assister une fois après l’autre.

Toutes les histoires racontées dans la revue que vous tenez en main sont vraies. Avant les Jours de Jugement qui nous attendent, prenons le temps de constater, à travers les incidents décrits, l’amour du Créateur envers Ses enfants et Sa bonté infinie envers ceux qui se tournent vers Lui.

Koupat Ha’ir

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TABLE DES MATIERES

Dix mille chékels face à la mort

3

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8

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Raconté par le responsable de tsédaka de Tifrah, n° de portable : 00-972-52-7647225

Raconté par le passager – n° de téléphone : 00-1718-930-3780

Raconté par la famille Lévy, n° de téléphone :00-972--5387679

Raconté par un ami du héros de l’histoire, Mr Aharon Teller, n° de téléphone :00-972-50-4111200

De là viendra la délivrance…

Quatre minutes avant la fin

La perle qui a avalé une perle

Deux minutes exactement

Qui l’a envoyée ?

Koupat Ha’irLa principale Caisse de Tsédaka d’Israël

0800-525-523

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Dix mille chékels face à la mort

Raconté par le responsable de tsédaka de Tifrah, n° de portable : 00-972-52-7647225

Quelle semaine heureuse et bien remplie ! Ma-rier un fils, c’est une joie composée de milliers de détails, une exaltation qu’il est rare de sentir. Rav Raphaël Yaacov de Tifrah, son épouse et ses quatre enfants rentraient un soir d’une soirée de Chéva Bérakhot (la semaine de célébrations sui-vant un mariage). Il était très tard et ils étaient bien fatigués, mais leur joie intérieure dépassait la fatigue. La route était longue de Jérusalem à leur village de Tifrah. Rav Raphaël Yaacov condui-sait prudemment en veillant à ne pas perdre sa concentration. La musique emplissait la voiture de gaieté et les paysages devenaient de plus en plus familiers.

« Ah ! Enfin nous voilà arrivés ! » soupira son épou-se. Tifrah apparaissait déjà après le tournant.

« D. merci ! ajouta le Rav. Je dois dire que j’avais peur de conduire si longtemps de nuit alors que je suis si fatigué. D. merci, nous… »

La voiture s’écrasa contre un mur de béton. Le son horrible du fer déchiré, une secousse terrible, et un silence... un silence mortel.

Grâce à D., la voiture était suivie par une autre, celle d’un volontaire de premiers secours « Hat-sala ». Il vit l’horreur se produire devant lui, arrêta sa voiture et sauta dehors avant même que la voi-ture accidentée ne se fût arrêtée. En spécialiste compétent, il appela des secours supplémentai-

res tout en extirpant les passagers du véhicule et en les tirant sur

le bas-côté. Un feu commen-ça à prendre dans le tissu

des sièges. Dans un

tel cas, le réservoir d’essence constitue une me-nace terrible : la voiture risque de prendre feu à tout instant.

Il sortit un enfant, un autre, le troisième puis le quatrième. Quatre enfants dont il n’avait pas encore le temps de constater l’état. Il vit qu’ils étaient tous en vie ; au-delà de cela, il ne pouvait pas encore savoir. Il arracha la porte et permit à la mère affolée de sortir puis alla s’occuper du chauffeur, le plus gravement blessé dans cet ac-cident. Très difficilement, en tentant de ne pas aggraver son état, il le tira sur le côté de la route.

Une seconde plus tard, une explosion redouta-ble se fit entendre. La voiture disparut dans un nuage de fumée.

Une estimation rapide de la situation révéla que le chauffeur était grièvement blessé ; on voyait que ses moments étaient comptés. Un enfant était aussi gravement blessé et les autres allaient s’en sortir. Les sirènes se firent entendre de loin. La famille entière fut emmenée de toute urgence à l’hôpital Siroka de Béer Chéva.

La salle des traumatismes les accueillit. Une équipe renforcée de médecins s’efforcèrent de stabiliser l’état du père et du fils, tandis que les autres blessés recevaient des soins aux Urgences. Le volontaire Hatsala les accompagna, comme si cela était évident. Il s’occupa aussi de prévenir la famille de Tifrah, qui prit aussitôt la route vers l’hôpital, affolée et bouleversée.

Le médecin fut interrogé et son rapport était

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malheureusement très inquiétant :

« Comment va le père ? Une blessure très, très grave à la tête ». Personne n’aime donner ce gen-re d’information, certainement pas lorsqu’une famille entière est blessée dans un terrible acci-dent de la route.

« La tête est brisée, le cerveau est gravement at-teint. Il n’y a aucune chance. »

Un soupir déchirant. En un instant, la vie s’est renversée.

– Et le fils ?

– Cinquante pour cent de chances. Soit il s’en sor-tira, soit… »

Ces mots font trembler. Les mains couvrent le visage comme pour cacher l’horreur. La bouche est asséchée, le cœur glacé. Même les larmes ne coulent plus.

Plusieurs heures à peine supportables passent. On transfère le père au Service Réanimation. Dr Klein, le chef de service, n’a pas de bonnes nouvel-les à donner. Il secoue tristement la tête et mon-tre le ciel du doigt.

« Mais quelles sont les chances ? demande le beau-frère de Rav Raphaël Yaacov. Vous êtes de-puis longtemps chef de service ici. Vous avez vu de nombreux cas. Que pouvez-vous dire ?

– Ce que je peux dire ? » Le médecin tente de choi-sir ses mots, de raconter la vérité sans l’envelop-per dans de vaines paroles de consolation. Mais comment donner de tels renseignements sans accabler celui qui se tient devant lui ? Personne n’est assez résistant pour entendre de telles nou-velles.

« Son cerveau est fracassé, effacé ! Quatre-vingt dix-neuf pour cent qu’il ne tiendra pas le coup, pas même quelques heures. Et même s’il réussit à survivre, ce n’est pas une très bonne nouvelle parce que… ce ne sera plus un homme.

– Vous n’avez pas vu de gens qui s’en sont sortis ?

– Si, j’en ai vu. Il y en a eu un ou deux. Ils sont res-tés gravement paralysés, physiquement comme intellectuellement. Je vous l’ai dit, son cerveau n’existe plus. Le coup l’a complètement écrasé.

Le beau-frère vacille.

– Je vais aller voir ce qui se passe pour son fils, et les autres. »

Qu’allait-il dire à la mère ? Que pouvait-il lui dire ?

« Vous êtes un Juif croyant, n’est-ce pas ? Vous vou-drez être auprès de lui quand… quand cela arri-vera ? Alors ne partez pas maintenant. Les autres se débrouilleront sans vous pour l’instant. Ils ne sont pas seuls. »

Le beau-frère tente de prendre de l’air mais n’en trouve pas. Une boule dans la gorge l’empêche de respirer. Les murs de l’hôpital s’approchent puis s’éloignent, prêts de l’étouffer. Des coups réson-nent à l’intérieur de sa tête avec une violence in-tolérable.

« Si vous voulez être là quand… quand cela arri-vera, ne partez pas pour l’instant. »

Oh ! On ne lui a jamais appris ce qu’il faut faire quand… quand cela arrive. On ne lui a jamais ap-pris ce qu’on dit à la femme et aux enfants. Faut-il appeler un minyane ? Faut-il chercher un siddour pour y lire le vidouy et le Chéma ? Que faut-il faire à présent ?

Il ne quitta pas la pièce. Il resta sur place et, les doigts tremblants, fit le numéro de quelques bons amis de Tifrah. « Déchirez le ciel par vos prières ! Il n’y a pratiquement aucun espoir ! » murmura-t-il.

Dans le petit village de Tifrah, la nouvelle se ré-pandit comme un feu de poudre. De maison en maison, on raconta le terrible accident, et les cœurs se serrèrent de douleur et d’angoisse. Les gens ouvrirent leurs livres de Téhillim et com-mencèrent à pleurer en récitant des Psaumes les uns après les autres. Dans ce petit village, tout le monde forme une seule famille.

La Rabbanit de Tifrah apprit la terrible nouvelle et se sentit presque défaillir.

« Que peut-on faire pour lui maintenant ? Qu’est-ce qui pourrait l’aider ? Récitez des Téhillim, priez, faites téchouva et… donnez la charité ! »

Elle se souvint brusquement du bulletin de Kou-pat Ha’ir, de l’histoire d’une sœur qui avait donné 2000$ pour la guérison de son frère gravement accidenté. Rav Haïm Kaniewsky lui avait ensuite donné sa bénédiction et le frère avait guéri, mal-gré les sombres pronostics.

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Alors, il y existait bien une façon de l’aider !

Elle leva le combiné, téléphona à Koupat Ha’ir et fit un don de 10000 chékels (2000 euros !) pour la guérison de « Raphaël Daniel Yaacov fils de Dora ».

« Transmettez son nom tout de suite à Rav Haïm Kaniewsky ! demanda-t-elle à la téléphoniste. Il est dans un état désespéré ! »

Dans les minutes qui suivirent, des appels supplé-mentaires parvinrent au bureau de Koupat Ha’ir. Le nom « Raphaël Daniel Yaacov fils de Dora » fut répété à plusieurs reprises.

Un homme de la Koupa fut envoyé chez Rav Haïm Kaniewsky.

« La Rabbanit de Tifrah a donné 10000 chékels à Koupat Ha’ir ! annonça l’envoyé. Pour la gué-rison d’un des avrékhim (homme étudiant la Torah à temps plein) du village qui vient d’être grièvement blessé dans un accident de voiture. Raphaël Daniel Yaacov fils de Dora. D’autres ha-bitants de Tifrah ont offert de grandes sommes. L’un des Rabbanim du village nous a dit que des gens viennent sans arrêt chez lui avec des som-mes importantes en main, en demandant que le Rav prie pour lui. C’est urgent. Cela risque d’être bientôt trop tard. »

Rav Kaniewsky écouta le message et son regard se voila de tristesse. Un avrekh se trouvait dans un état si grave !

« Que D. aide et que nous entendions de bonnes nouvelles » répondit-il avant d’aller prier pour lui. Etait-ce une bénédiction ? Une promesse ? Une prophétie ? Personne ne le savait.

A Tifrah, on continuait à réciter des Psaumes en pleurant. A l’hôpital, les médecins luttaient pour garder l’âme du blessé dans son corps. A Kou-pat Ha’ir, on enregistrait les appels

annonçant des dons et demandant que les Rab-banim prient pour les blessés.

La journée passa. L’état de l’enfant s’améliora un peu. Les autres membres de la famille reçurent les soins nécessaires et sortirent l’un après l’autre de l’hôpital. Le père resta dans un état désespé-ré.

Un jour de plus passa puis un autre. Une semaine, deux semaines. L’enfant se remit peu à peu puis guérit totalement. Pour son père, pas de change-ment.

Six semaines avaient passé depuis l’accident. Les chances diminuaient au fur et à mesure que le temps passait.

Et un matin, il ouvrit les yeux.

Il s’agissait du premier pas vers sa guérison…

Aujourd’hui, Rav Raphaël Yaacov marche sur ses deux jambes comme si rien n’était arrivé. Il est retourné étudier au Collel comme autrefois et a repris son emploi du temps habituel. Quelques rappels lui sont restés du miracle qu’il a connu, de petits rappels dont on n’a pas encore eu le temps de s’occuper. Mais c’est un homme, son cerveau n’est pas effacé, D. merci, et rien ne pourrait tra-hir la tragédie qu’il a traversée.

Les dix mille chékels de la Rabbanit, les dons de sa communauté et les prières collectives ont vaincu l’Attribut de Justice.

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Quatre minutes avant la fin

Raconté par le passager – n° de téléphone : 00-1718-930-3780

« Vous êtes sûrs ? Je crois qu’il s’agit d’une erreur ! »

M. P. était surpris, déconcerté. Il avait l’intention de se rendre en Erets Israël pour quelques jours, de par-ticiper à plusieurs événements importants et de ré-gler certaines affaires. Il s’était préparé à son voyage comme un vieil habitué. Ce n’était pas la première fois qu’il quittait les Etats-Unis pour Israël, et pas la dernière non plus. Il avait commandé son billet par l’intermédiaire de son agence habituelle, avait orga-nisé ses bagages et, après avoir dit au revoir à sa fa-mille, était arrivé à l’aéroport.

A présent, on lui disait que son avion avait décollé voici douze heures !

« Depuis quand y a-t-il un vol à midi ? demanda-t-il pour commencer.

– Depuis le mois de Juin, répondit poliment l’hôtesse. En Juin, un vol vers Israël est ajouté chaque jour. A midi moins dix. Le vol régulier, de minuit moins dix, continue comme d’habitude.

– Cela ne m’est pas venu à l’idée ! Je ne savais pas ! J’ai reçu une place pour l’avion à cette date-là et je n’ai même pas pris la peine de vérifier si c’était un vol de jour ou de nuit. Je ne savais pas que vous aviez ajou-té un avion. »

Mais pour autant que son erreur était compréhen-sible, c’était malgré tout une erreur. Il avait manqué son vol et, dans le vol qui devait bientôt décoller, il ne restait pas de places vacantes…

Rentrer chez lui et revenir dans douze heures ? C’était très fatiguant et la plupart de ces heures-là allaient se passer dans le trajet aller-retour. A part cela, il est écrit dans le testament de Rabbi Yehouda He’hassid qu’un homme qui quitte sa maison pour partir en voyage ne doit pas y revenir. Valait-il la peine d’aller à l’hôtel ? Fallait-il passer cette attente à l’aéroport ?

Et les rendez-vous qu’il avait pris en Israël ? Tout son emploi du temps serait bouleversé…

« Peut-être restera-t-il une place dans le vol qui part bientôt ? » tenta-t-il sa chance.

L’hôtesse secoua la tête avec empathie. « On a vendu dix places de plus que la capacité de l’avion, lui expli-qua-t-elle. Parce qu’il arrive toujours que quelques personnes manquent le vol. A part cela, il y a aussi ce monsieur-là, dit-elle en montrant un non-Juif assis sur un banc, qui a fait exactement la même erreur que vous. S’il reste une place, il passe avant vous. »

M. P. observa son compagnon d’infortune puis s’assit auprès de lui. Il valait la peine pour lui d’attendre la fin de l’embarquement. Il restera peut-être malgré tout une place.

« Peut-être qu’un don à Koupat Ha’ir pourrait m’aider ? pensa soudain M. P. Qu’ai-je à perdre ? J’aurai de toute façon accompli la mitsva de tsédaka si je fais un don, que j’aie une place dans cet avion ou non.

A part cela, un don me donnera un avantage sur ce non-Juif qui est avant moi, murmura une petite voix amusée à l’intérieur de lui. Cela ne me dérange pas qu’il prenne l’avion, s’il me reste une place à moi aus-si. Si je fais un don, je passerai avant lui. »

Il sourit à cette pensée espiègle, sortit son portable et fit le numéro de Koupat Ha’ir. Après avoir donné son numéro de carte bancaire, il décida quelle som-me donner et la communiqua à la téléphoniste. Lorsqu’il eut terminé, il ajouta une prière à voix bas-se. Il ne pria pas qu’il lui soit donné de monter dans cet avion, car qui pourrait affirmer que c’était bon pour lui ? Il pria D. de le conduire dans le bon chemin et de le préserver de tout désagrément et de tout ac-cident.

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Le non-Juif le regarda avec intérêt.

Lorsque les aiguilles de la montre indiquèrent qu’il ne restait qu’une demi-heure jusqu’à la fermeture des portes, M. P. et le non-Juif furent appelés à mon-ter dans l’avion. « Il reste plusieurs places libres, leur dit l’hôtesse, mais sachez que si au dernier moment les passagers arrivent, vous devrez descendre ».

Ils acceptèrent, faute d’avoir le choix.

Ils passèrent les minutes restantes à regarder atten-tivement les gens qui entraient dans l’avion. Un pas-sager entra d’un pas vif et prit sa place, un deuxième, un troisième… Les places vacantes allaient en dimi-nuant. Devraient-ils revenir sur leurs pas ?

Dix minutes avant la fermeture des portes, il restait encore des places vides à part les leurs. Il semblait qu’ils pouvaient pousser un soupir de soulagement.

Mais non. Sept minutes avant le départ, cinq person-nes d’une même famille arrivèrent, tout essoufflées. Il n’y avait que trois sièges vacants.

M. P. et le non-Juif, son compagnon d’infortune, fu-rent contraints de céder leur place et de retourner à la salle d’embarquement.

« Je regrette, répéta l’hôtesse, gênée. Il arrive très ra-rement que des passagers montent dans l’avion au dernier moment. Et voici que cinq personnes sont arrivées ! C’est vraiment inattendu. Je suis désolée ».

Mais ses paroles polies ne firent rien pour calmer le non-Juif déçu.

M. P. se couvrit les oreilles de ses mains. La pluie de malédictions et d’insultes qu’il lança au sujet de l’avi-on, du pilote, des stewards, de l’hôtesse et des der-niers passagers arrivés précipitamment, le fit fris-sonner. M. P. ne broncha pas ; il n’avait pas la moindre intention d’être la prochaine cible de ses invectives.

Le non-Juif en colère regarda sa montre. « L’avion est archi plein ! Il n’y a aucune raison d’attendre ! » Il fit demi-tour et sortit de la salle d’un pas énervé.

M. P. pensa la même chose. Il restait malgré tout qua-tre minutes. Peut-être qu’un miracle allait se produi-re…

A ce moment précis, il vit un homme descendre de l’avion, le visage réjoui. Il parlait avec enthousiasme dans son portable et semblait tout heureux.

« Hé ! lança-t-il à l’hôtesse. Je reste là ! Je viens d’avoir

mon premier petit-fils ! Je vais repousser mon voya-ge de quelques jours. Ce n’est pas tous les jours qu’on devient grand-père ! Vous pourrez peut-être faire entrer quelqu’un à ma place.

– Où… Où est-il ?

L’hôtesse regarda autour d’elle, cherchant le non-Juif du regard.

– Il est parti ! intervint M. P. Il vient de quitter les lieux !

– Alors, dépêchez-vous ! Les portes se ferment dans deux minutes ! »

M. P. gravit les marches en courant, trouva une place vide et s’assit. Les portes se fermèrent derrière lui.

Cela avait valu la peine !

« Si cette famille n’était pas arrivée à la dernière mi-nute, songea-t-il pendant le voyage, il est probable que ce non-Juif serait resté jusqu’à la fin pour voir s’il y avait une place libre. C’est seulement parce qu’ils sont arrivés par surprise et qu’il était peu probable qu’il y aurait des changements au dernier moment. Après avoir attendu une heure et demie, c’était idiot de sa part d’être parti quatre minutes avant la fermeture des portes ! En tout cas, l’essentiel, c’est que j’ai eu sa place ! C’est bien ce que j’avais senti depuis le début : un don à Koupat Ha’ir allait me donner priorité sur lui ! »

M. P. sourit une nouvelle fois. Que cette pe-tite voix dise ce qu’elle voulait, il était assis dans l’avion, et c’était le plus important !

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De là viendra la délivrance…

Méir gardait le silence, et ce silence contrastait avec la célébration gaie et spontanée qui se dérou-lait dans la salle à manger de la yéchiva. Chlomo Bar se trouvait au centre de la ronde, souriant, sa veste voltigeant au rythme des mouvements de ses pieds. Ses camarades se réjouissaient de le voir content, car tous étaient au courant de son problème et comprenaient à quel point cette période de chidoukhim (propositions matrimo-niales) avait été difficile pour lui. Ce soir, il venait d’annoncer ses fiançailles et la salle à manger s’emplit de jeunes gens venus se réjouir et danser avec lui.

« Pourquoi es-tu si muet brusquement ? » dit Yeho-choua en lui donnant un coup de coude. « Qu’est-ce qu’il y a ? Tu aurais voulu être au centre de la ronde ? »

Les yeux de Méir s’assombrirent une fraction de seconde mais le sourire y revint très rapide-ment. Il n’était pas question qu’il devienne jaloux. Pourtant, il ne pouvait pas danser avec vigueur et gaieté. Ce soir, un autre chidoukh venait d’échouer pour lui, juste avant son heureux aboutissement.

La nuit permit aux discussions intimes de glis-ser plus facilement et de libérer des sentiments pénibles. Méir n’était pas parvenu à s’endormir. Lorsque son ami Yitsik entra dans la chambre après minuit, à la fin de sa session d’étude, il trou-va Méir assis sur son lit. Il se prépara à se mettre au lit sans perdre une minute mais entre-temps, il pouvait être pour son ami tout ce dont ce der-nier avait besoin : une oreille attentive et un cœur chaleureux.

« J’ai peur de rester le dernier, finalement.

– Tu aurais dû être le premier, Méir ! Il n’y a pas beaucoup de garçons aussi recherchés que toi ».

Yitsik était au courant du chidoukh avorté au der-nier moment.

« J’aurais dû, j’aurais dû… Moi aussi, c’est ce que je croyais. Mais concrètement, tu vois toi-même ce qui se passe. Ces choses-là se savent, en fin de compte. Qui voudra se fiancer avec un garçon dont personne n’a voulu ?

– Ce n’est pas qu’on n’a pas voulu de toi ! » Yitsik le regardait droit dans les yeux, et le sérieux qui se lisait dans son regard fit monter les larmes dans les yeux de son ami. « Une proposition ne s’est pas matérialisée à cause d’un problème médical dont vous vous êtes rendus compte heureusement au dernier moment, une autre à cause des noms des parents, une troisième à cause de…

– Et trois autres sans raison précise… termina Méir tristement.

– Tu veux qu’on fasse ensemble une période d’étu-de plus soutenue ? » proposa Yitsik.

Méir hocha la tête. Demain, ils commenceront à étudier six heures d’affilées sans s’interrompre, depuis Min’ha jusqu’à minuit. Ils l’ont déjà fait en-semble par le passé et cela leur a toujours réussi. Peut-être que la délivrance viendra par là ?

Trois ans passèrent. Yitsik avait déjà deux en-fants bien qu’il eût presque un an de moins que Méir. Chlomo Bar en avait déjà trois. Méir était le seul de sa classe qui restait à la yéchiva.

« Tu devrais aller sur la tombe de Rav Avdimi Demin Haïfa, lui conseilla « Méir junior », quatre classes au-dessous de lui, qui venait de se fiancer. « Je suis allé sur sa tombe en été, au cours d’une excursion avec ma famille. Ma mère m’a prévenu que si je ne voulais pas encore me marier, je ferais mieux de ne pas m’approcher de la tombe. Cela

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m’a semblé bizarre. Je n’avais aucune intention de me fiancer avant vingt ans, dans quelques mois. Ma sœur s’est mise à prier avec ferveur et je n’ai pas pu me retenir. Demain, j’y retourne pour remercier D., comme le veut la ségoula. La première fois, on y va pour prier et la deuxième, pour remercier D. Si je me suis fiancé de façon si inattendue, je vais accomplir la deuxième moitié de cette ségoula. Tu voudrais venir avec moi ?

– Et ta sœur ? demanda Méir.

– Elle est déjà mariée ! Elle s’est fiancée un mois et demi plus tard et vient de se marier.

– D’accord, je viendrai. Préviens-moi une demi-heure avant ton départ. »

Après cela, une année supplémentaire est pas-sée.

« Récite le livre des Téhillim sur la tombe de Rabbi Acher Lemmel, sur le mont des Oliviers, le jour de son Yahrtseit ».

Cette fois, c’était Chemouel, âgé de dix-huit ans à peine.

« A la yéchiva de mon frère, des garçons ont af-frété un minibus pour y aller et, six mois plus tard, ils étaient tous fiancés. Je me suis joint à eux comme ça, pour le plaisir. Je n’avais absolument pas l’intention de… »

Chemouel s’était fiancé hier et tout le monde plaisanta que lui et sa femme allaient bénéficier de réductions pour enfants dans les autobus.

Méir se rendit sur cette tombe aussi. Il ne man-quait pas de se rendre à Amouka une fois par an, pour être sûr.

« Quand on a vingt-cinq ans, on ne se montre pas trop regardant, sur les ségoulot non plus, di-sait-il parfois. Je préfère aller jusqu’au bout du pays plutôt que de rester le seul céliba-taire… »

טטט

Quand Méir fêta ses vingt-six ans et que ses plaisanteries ha-bituelles prirent un ton amer, il tomba sur le bulletin de Roch

Hachana de Koupat Ha’ir. On y racontait qu’un homme avait eu un terrible accident de voiture aux Etats-Unis et que les médecins n’avaient pas d’espoir de le sauver. Sa sœur offrit un don à Kou-pat Ha’ir mais l’état du malade empira. Elle don-na 2000 $ supplémentaires et courut chez Rabbi Haïm Kaniewsky. La Rabbanit donna une béné-diction de guérison pour son frère et fit entrer la femme chez le Rav.

« Cette femme a fait un don qui dépasse les règles de la nature » dit-elle au Rav. Et le Rav donna sa bénédiction… Le malade guérit de façon surna-turelle, exactement comme l’avait dit Rav Haïm Kaniewsky : « Si une personne désire une déli-vrance au-delà des lois de la nature, qu’elle fasse un don qui dépasse les lois de la nature ».

Méir lut cette histoire et fut secoué.

« Je suis un cas perdu, se dit-il. J’ai passé l’âge, il n’y a aucune raison que je me fiance demain plutôt qu’hier. Ce qu’il me faut, c’est exactement cela : une délivrance surnaturelle. »

Mais Méir ne disposait pas de 2000$ et c’était jus-tement ce chiffre qui s’était gravé en son esprit.

« Si seulement j’avais 2000$ ! se lamenta-t-il à l’un de ses amis. Je serais peut-être déjà fiancé… »

Il ne voulait pas quit-ter les bancs de la yéchiva pour gagner de l’ar-gent, mais il voulait se fian-cer. Ô com-bien le vou-

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lait-il !

Pendant les Dix Jours de Repentir, cette idée ne le quittait pas.

« Comment pourrais-je trouver 2000$ ? » deman-da-t-il à quiconque voulait l’entendre. Certains hochèrent la tête, d’autres eurent pitié de lui. Mais personne n’avait une affaire avec 2000$ de gains à lui proposer.

« Tu penses qu’il faut donner 2000$ de ta propre poche ? lui demanda son beau-frère, âgé d’un an de plus que lui et père de quatre enfants. Re-cueille 2000$ pour les donner à Koupat Ha’ir, de ton argent ou de celui d’autres personnes. Quelle importance ? Il n’y a pas de différence entre ce-lui qui donne et celui qui recueille l’argent. Au contraire, le dernier a plus de mérite encore ! »

Cette idée prit place dans le cœur de Méir. Au mo-ment où tous les gens cherchaient un étrog et un loulav, Méir s’adressait aux gens riches de son en-tourage et leur proposait de faire un don à Kou-pat Ha’ir. Il notait soigneusement dans un petit carnet chaque somme qu’il recevait.

Ses conversations téléphoniques étaient parfois intéressantes, parfois épuisantes, et ses visites étaient généralement désagréables. Il apprit très vite qu’il existe des gens riches qui ont plus de mal à se séparer de leur argent que des pauvres, et des vieillards oubliés répondent à la sollicitation

avec générosité, peut-être pour remercier ce-lui qui a frappé à leur porte. Il se retrou-

va en train d’aider à construire une soucca dont les pans sen-

taient le moisi et fut surpris de voir qu’à la fin de son

travail, il sortit avec une somme bien plus im-

portante que ne le laissaient deviner l’apparence de la maison et de son propriétaire.

Peu à peu, la liste s’allongea. Il avait

déjà noté 5000 ché-kels (1000 euros)

dans son carnet.

« As-tu une idée de

quelqu’un qui voudrait faire un don à Koupat Ha’ir ? » demandait-il à toutes ses connaissances dans la rue. A nouveau, les gens eurent pitié de lui mais ne lui proposèrent rien de concret.

Les 3000 chékels restants furent les plus diffici-les à recueillir. Il s’adressa à tous ceux qu’il pouvait et ses idées s’épuisèrent alors que le montant de 2000$ n’était toujours pas atteint.

« Pourquoi justement 2000$ ? lui dit sa mère en tentant de l’encourager. 1500$ pour un garçon comme toi, cela ne dépasse pas la nature ? »

טטט

Méir n’était pas tranquille. De temps en temps, il trouvait encore quelqu’un, et notait quelques centaines de chekalim supplémentaires dans son carnet. Il refusa de perdre espoir.

« Peut-être tonton Baroukh ? lui demanda un jour sa sœur en le voyant examiner son carnet.

– Tonton Baroukh ? » répondit Méir, sceptique. C’était son grand-oncle de Tel Aviv, pas tellement âgé mais relativement éloigné de la famille.

« Il n’a pas tellement d’argent, ni de temps. Je le connais à peine. »

Pourtant, il n’avait rien de mieux pour l’instant. Il lui téléphona faute d’oser aller le voir. « Personne ne mord au téléphone » se dit-il pour s’encourager avant de commencer la conversation qui ne s’an-nonçait pas particulièrement agréable.

Tonton Baroukh répondit aimablement au télé-phone. Il écouta la demande de Méir de faire un don à Koupat Ha’ir et lui lança à brûle-pourpoint la question suivante :

« Dis-moi, Méir, pourquoi es-tu devenu quelqu’un qui recueille de l’argent pour Koupat Ha’ir ? Il t’est difficile de rester à la yéchiva ? Je comprends, ce n’est pas facile pour toi. Mais peut-être devrais-tu chercher un travail un peu plus intéressant ?

– Je n’ai aucun mal à rester à la yéchiva. L’étude de la Torah m’emplit de satisfaction. Je n’ai rien d’autre qui m’intéresse.

– Alors quel est ton but ? Pourquoi es-tu devenu volontaire pour ramasser des fonds ? »

Méir hésita un instant pour savoir s’il devait mettre fin à cette conversation désagréable ou

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bien répondre à son oncle avec la même brus-querie que lui. De quel droit pénétrait-il ainsi dans son monde privé ?

L’instant d’après, il s’entendit répondre honnê-tement : « Regarde, tonton. J’ai vingt-six ans. Je veux fonder un foyer, il est déjà tard. Rav Haïm Kaniewsky a dit que celui qui fait un don à Kou-pat Ha’ir au-delà de la nature méritera une dé-livrance surnaturelle (Rav Haïm avait dit les choses en sens inverse, pour être précis, mais Méir n’y avait pas fait attention). Je cherche une délivrance surnaturelle de mon problème. Je n’ai pas d’argent à moi et c’est pourquoi je recueille de l’argent d’autres personnes.

Méir termina péniblement sa phrase.

– Quelle somme désires-tu atteindre ?

– 2000$, répondit Méir en tremblant un peu.

– Combien as-tu déjà ?

– 5600 chekalim.

Son oncle allait-il proposer de compléter la somme manquante ? Les sentiments de Méir os-cillaient entre l’espoir et la peine.

– Je te donne 1000 chékels, bli nédère, et je connais quelques amis qui voudront peut-être t’aider. Vas-y, inscris quelques numéros de téléphone. »

Son oncle lui lança des numéros de téléphone en série et Méir les écrivit fiévreusement.

Lorsqu’il raccrocha, Méir s’effondra sur le canapé, épuisé. Les questions de son oncle l’avaient mis mal à l’aise, très mal à l’aise. Mille chékels, c’est beaucoup d’argent ; des noms de gens qui vou-dront peut-être l’aider, c’est encore mieux. Mais justement maintenant, il sentait qu’il n’avait plus la force de continuer.

Combien peut-on supporter d’humiliations ? Combien peut-on demander à des étrangers ? Comment les gens qui manquent peuvent-ils le supporter ?

Méir respira lourdement, espérant que personne n’ouvrirait la porte. Il voulait se trouver seul avec lui-même, avec ses pensées, avec son but qui s’éloignait de plus en plus de lui. Allait-il se fiancer

un jour ?

Les jours suivants, alors que Méir décidait de faire « un coup de téléphone par jour » et contac-tait l’un après l’autre tous les amis de son grand-oncle, tonton Baroukh était en train de prendre des renseignements approfondis sur lui. La voix posée et honnête de Méir au téléphone, le moyen qu’il avait choisi pour atteindre son but, la façon dont il avait répondu à sa question directe… Son grand-oncle était plus sensible que Méir ne le pensait. L’image qu’il avait reçue de ce garçon d’après leur conversation téléphonique lui avait plue.

Avant même que Méir n’ait fini de recueillir les 2000$ tant espérés, tonton Baroukh s’adressa à ses parents pour leur proposer un chidoukh pour Méir.

Faut-il raconter que Méir se fiança peu de temps plus tard ? Faut-il décrire son bonheur ? Faut-il décrire avec quelle émotion Méir déposa « ses » 2000$ à Koupat Ha’ir ?

« Au-delà de la nature » dit Méir, les yeux humides.

« Celui qui fait un don à Koupat Ha’ir au-delà des règles de la nature connaît une délivrance surna-

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La perle qui a avalé une perle

Raconté par la famille Lévy, n° de téléphone :00-972--5387679

« Une minute, ma chérie » dit Chochana en cou-rant vers la cuisine. Elle mit rapidement de l’eau à bouillir. « Dans quelques instants, tu auras ton biberon ».

Le bébé continua à geindre quelques secondes puis se tut.

« Elle comprend déjà ! se dit Chochana avec satis-faction. Si petits, les bébés comprennent que leur mère va s’occuper d’eux. Ils reconnaissent sa voix et attendent sagement. »

Elle agita le biberon et s’approcha de la poussette où sa fille était couchée. Quelque chose dans son visage l’inquiéta. Près d’elle, sa sœur de deux ans la regardait d’un air amusé.

« Qu’est-ce que tu lui as fait ? » s’écria Chochana sans s’en rendre compte. Elle souleva le bébé et le secoua mais il ne réagit pas. Son corps était mou et ses lèvres bleues.

« Qu’est-ce que tu lui as fait ? Qu’est-ce qui s’est passé ? »

A présent, elle était entrain de crier de toutes ses forces. Mais la petite fille ne fit que la regarder les yeux arrondis de frayeur et ne répondit rien. Sou-dain, dans la petite bouche qui s’entrouvrit, Cho-chana aperçut une boule brillante tout au fond, enfoncée dans la gorge. Elle trembla de tous ses membres.

Elle reconnut tout de suite cette boule ; elle l’avait tenue en main quelques minutes plus tôt. C’était une perle attachée à une boucle d’oreille de fer toute simple, formée d’une grande agrafe et d’une petite chaîne ornée de deux perles.

Quelques minutes plus tôt, elle avait lavé le sol et avait trouvé cette boucle d’oreille par terre. Elle pensait qu’elle appartenait à l’une des dames

qui participaient à son groupe de Téhillim (réci-tation des Psaumes) qui se réunissait chez tous les Chabbat après-midi. Elle l’avait donc posée sur l’armoire pour pouvoir la rendre à sa propriétaire deux jours plus tard, le Chabbat. Cela faisait pres-que une semaine que la perle se cachait dans un coin. Elle venait de la ramasser et la voilà mainte-nant plongée dans la gorge de son bébé !

Les pensées défilèrent dans son esprit à une vi-tesse étourdissante. Si elle voyait seulement une perle, cela voulait dire que tout le reste se trouvait profondément à l’intérieur de la gorge ! L’agrafe ouverte s’y était certainement attrapée, tout au fond ! Comment pouvait-elle la tirer ? Pendant ce temps, le bébé ne respirait pas et devenait de plus en plus bleue.

« Au secours ! » se mit-elle à hurler. Sans savoir ce qu’elle faisait, elle téléphona aux secours Maguen David Adom.

« Ma fille s’étouffe ! Elle étouffe ! » cria-t-elle.

Ses mains tremblaient sans contrôle ; elle crai-gnait de lâcher le bébé de ses bras.

« Quelle est votre adresse ? » La téléphoniste ne perdit pas ses esprits. Chochana lui répondit tout en frappant le dos de sa petite qu’elle tenait à l’en-vers. Elle tenta de mettre le doigt dans sa bouche et de saisir la boucle d’oreille. Elle entendit au té-léphone le hurlement de la sirène, signe que l’am-bulance venait de partir. La téléphoniste tenta de la guider par téléphone.

« Elle étouffe ! Elle est toute bleue, vous ne com-prenez pas ? » répondit Chochana, affolée.

« Cessez donc de crier et faites quelque chose pour votre enfant ! » La voix posée de la télépho-niste la ramena à la réalité.

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« Mettez votre doigt dans sa bouche et essayez de sortir l’objet, avec l’ongle, très doucement ».

Elle renversa l’enfant inanimée et lui ouvrit la bouche. La perle se trouvait là, tout au fond. Elle tenta d’introduire son doigt quand une quinte de toux et un jaillissement de sang la terrorisèrent. On ne voyait plus la perle et le bébé se mit à suf-foquer. Le sang qui sortit de sa bouche paralysa Chochana.

« Elle l’a avalé ! gémit-elle.

– Que se passe-t-il à présent ? Le bébé respire ?

– Oui, je pense que oui. Voilà, elle essaie de pren-dre de l’air. Elle lutte pour avoir de l’oxygène. »

La porte s’ouvrit brusquement. Un volontaire de Hatsala bondit à l’intérieur et lui arracha le bébé des mains. Le combiné lui échappa et elle obser-va ses gestes. Il agita l’enfant et écouta sa respi-ration. Il regarda dans sa bouche, tentant de voir jusqu’au fond. C’est à ce moment-là qu’entrèrent les ambulanciers de Maguen David Adom.

« Comment va-t-elle ? Elle est vivante ? Elle va vivre ? » Chochana était sur le point de défaillir.

« Elle est vivante, oui. Mais elle est en grand dan-ger. Nous l’amenons tout de suite à l’hôpital. Dé-posez votre autre fille chez une voisine et venez avec nous ».

Le volontaire de Hatsala était déjà en train de frapper à la porte d’en face, sa main dans celle de la petite fille. Chochana descendit, tremblante, vers l’ambulance qui l’attendait en bas.

Les ambulanciers continuèrent à donner de l’oxygène au bébé dans l’ambulance. Chochana leur décrivit la boucle d’oreille et ce qui venait de se passer. Combien de temps tout cela avait pris ? Probablement pas plus de cinq minutes. Les cinq minutes les plus longues de sa vie.

« Si la boucle d’oreille est entrée dans la trachée-

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artère, il n’y a pas d’espoir ». L’ambulancier très pessimiste décida de lui faire partager son sentiment. Peut-être voulait-il la préparer au pire. « Cette agrafe lui déchirera le poumon… Sa respiration risque de s’arrêter d’un moment à l’autre ».

Chochana se sentait près de perdre la raison. L’ambulance filait dans les rues de Jérusalem, accompagnée du hurlement de la sirène qui lui glaçait le sang. Son magnifique bébé était couché à ses côtés.

« Une si grosse boucle d’oreille et un si petit bébé ! » sanglotait-elle, désespérée. L’infirmier la regarda d’un air empli de pitié.

« Priez, vous n’avez pas beaucoup de chances autrement ».

Quelque chose dans ses paroles pénétra soudain sa conscience.

« Mon D. ! Je vais faire un don à Koupat Ha’ir ! »

Elle avait si souvent lu les histoires racontées dans les bulletins. Les bulletins spéciaux distri-bués à Souccot et à Hanouka étaient posés bien en évidence chez elle et elle les relisait souvent. A présent, les mots qui y étaient écrits lui revin-rent. « Je vais faire un don à Koupat Ha’ir ! dit-elle soudain d’une voix forte. Vous verrez, monsieur, que mon bébé sera sauvé. Dès que je sortirai de cette ambulance, je ferai un don ! »

Il la regarda à nouveau d’un air empli de pitié : réfléchissait-elle de façon logique ou la tragédie l’avait-elle privée de la raison ?

« Vous ne comprenez pas la situation ? » deman-da-t-il. Il écouta la respiration haletante du bébé, craignant qu’elle ne s’arrête à chaque instant. Chochana suivit son regard et comprit ce qu’il voulait lui dire.

« Je comprends plus que vous ne le croyez » répon-dit-elle. Sa voix tremblait encore mais une nou-velle vivacité s’y sentait. « Et je sais ce que vous, vous ne savez pas. La charité sauve de la mort ! »

Les mots qu’elle venait de prononcer lui redonnè-rent du courage. Si elle avait un portable sur elle, elle aurait déjà téléphoné à Koupat Ha’ir. Mais dans la panique de son départ, elle l’avait laissé

chez elle et il lui fallait maintenant chercher une cabine téléphonique.

L’ambulance freina devant la Salle des Urgences. Déjà mis au courant, un médecin s’empressa à leur rencontre. Il prit l’enfant et l’observa at-tentivement. Il posa son oreille sur sa poi-trine pour écouter sa respiration et lui prit le pouls. Son expression n’annonçait rien de bon.

« Tout de suite à la radio ! »

Un infirmier prit l’enfant et se mit à marcher à toute vitesse dans le long corridor. Chochana le suivit en courant, sentant à nouveau son cœur battre à tout rompre. Le médecin marchait derrière elle.

« Qu’est-ce qu’il va se passer ? demanda-t-elle, sans forces.

– Cela dépend de l’endroit où la boucle s’est arrê-tée, dit le médecin. Cela dépend où elle se trouve. Si elle est dans les poumons… Elle est si petite, votre fille.

– Mais elle va vivre, docteur ! Elle va vivre ! Je vais donner la charité à Koupat Ha’ir et vous verrez que cela va la sauver ! »

Elle vit son regard interloqué et choisit de ne pas en faire cas. A la première occasion, elle s’arrêta devant une cabine et téléphona à Koupat Ha’ir.

Les minutes pendant lesquelles elle attendit les résultats de la radio furent difficiles à supporter. Elle était seule dans le couloir, perdue. Où était la boucle d’oreille ? Dans les poumons ? Pas dans les poumons ?

« Elle va vivre ! Elle va vivre parce que la charité sauve de la mort ! J’ai fait un don là où le recom-mandent les plus grands Rabbanim. Le reste est dans les mains du Tout-Puissant ».

Le médecin sortit et elle lut la réponse sur son visage.

« La boucle d’oreille se trouve dans l’estomac ! »

Chochana laissa s’échapper l’air contenu en elle.

« Il faut réfléchir que faire maintenant. Elle ne descendra pas toute seule et, si elle descend, elle se coincera quelque part dans les intestins. Cela

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p e u t provoquer des catastrophes. Il n’y aura probablement pas d’autre issue que d’opérer.

– Elle est si petite ! Quatre mois seulement ! répondit-elle d’une voix brisée. On ne peut pas

sortir la boucle d’une autre façon ?

– Il aurait peut-être été possible de l’aspirer, si ce n’était cette immense agrafe. Elle risque de s’attra-per dans l’œsophage et de le déchirer au fur et à mesure qu’on l’aspirera. »

Chochana se recroquevilla sur elle-même à cette idée.

« En tous cas, nous allons pour l’instant attendre un peu et voir ce qu’il se passe ».

On était jeudi soir et « attendre un peu » voulait dire une hospitalisation. Qu’allait-elle faire Chabbat ? Comment allait sa fille déposée chez la voisine ? Tout fut mis de côté. Maintenant, la vie et la santé de son bébé étaient sur la balance.

Chochana ne réussit pas à dormir cette nuit-là. Après que son bébé se fut endormi, elle arpenta le couloir de l’hôpital pendant des heures. Son mari était venu à l’hôpital dès que les voisins lui avaient raconté l’incident mais il était reparti ensuite pour garder sa fille à la maison. Elle s’était retrouvée à nouveau seule.

« Quand l’opération aura-t-elle lieu ? lui demandè-rent les autres mères qui veillaient leur enfant à l’hôpital.

– Il n’y aura pas d’opération ! répondit Chochana. Nous avons fait un don à Koupat Ha’ir et il ne reste qu’à attendre. Le bébé a été sauvé par miracle, les médecins le reconnaissent. Il aurait été plus plau-sible que la boucle passe dans la trachée-artère que dans l’œsophage. Nous prions sans cesse et nous avons donné la charité. Il n’y aura pas d’opé-ration ! »

Les autres mères hochèrent la tête.

טטט

« Qui est la maman qui donne des boucles d’oreille pour le repas du soir ? » La voie gaie de l’infirmière emplit le service à cette heure matinale.

« C’est elle ! Celle qui a fait un don à Koupat Ha’ir ! »

répondit une mère en plaisantant, désignant Chochana du doigt.

« Vous verrez ! Rira bien qui rira le der-nier » répliqua Chochana avec un calme qui la surprit elle-même.

« Le médecin doit bientôt venir pour décider de la marche à suivre ».

L’infirmière s’efforçait certes de faire régner la bonne humeur dans le service mais le cœur de Chochana se serra. Le bébé mangea et se rendor-mit, et Chochana continua à prier et à réciter des Téhillim.

« La perle qui a avalé une perle, à la salle de soins s’il vous plaît ! »

Les gens sourirent en entendant l’annonce éma-nant de l’amplificateur. Ceux qui étaient là de-puis quelques jours avaient eu le temps de faire connaissance avec les jeux de mots de l’infirmière en chef. Chochanan sursauta.

« Allez-y ! C’est votre tour ! lui dit sa voisine de cham-bre. Avez-vous déjà fait un don à Koupat Ha’ir ce matin ?

– Pas encore. Mais je vais le faire tout de suite. Et vous verrez ! Cette expression de l’infirmière ‘la perle qui a avalé une perle’ sera le nom de notre histoire dans le bulletin de Koupat Ha’ir ! »

Le médecin l’attendait.

« Nous allons refaire une radio et voir ce qu’il se passe ».

Chochana hocha la tête.

« Et… Je voudrais que vous sachiez que votre bébé est encore en danger mortel. Ce bijou est formé d’une agrafe de fer pointue. Tant que nous ne l’aurons pas vu sortir, votre fille est en danger. Vous êtes des Juifs religieux… Priez !

– Nous prions, docteur. Nous prions de toutes nos forces et nous avons donné de l’argent à la charité. La charité peut sauver de la mort. Vous verrez que nous sortirons d’ici en bonne santé, sans opéra-tion.

– Il n’y a pas d’autre choix qu’une opération chirur-gicale.

– Je n’interviendrai pas dans vos considérations

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médicales. Dites-moi ce qu’il faut faire pour lui sauver la vie, et nous demanderons à nos Rabba-nim ce qu’il faut décider. »

On fit une nouvelle radio dont elle attendit, trem-blante, le résultat.

« L’estomac est enflé. La boucle et tout ce qui s’est accumulé autour bouchent l’issue de l’estomac. On ne peut pas laisser les choses comme cela. »

Le médecin ne voulait pas répéter le mot « opéra-tion » mais Chochana comprit son intention.

« Quand ? demanda-t-elle simplement en se for-çant à respirer normalement.

– Nous allons attendre encore. Dans trois heures, nous referons une radio. »

Le médecin n’était pas lui non plus très enchanté à l’idée d’une opération. Le bébé était si petit…

Chochana et son mari décidèrent de faire un don supplémentaire à Koupat Ha’ir. Lorsqu’elle vit le médecin passer dans le couloir, elle s’approcha de lui : « Docteur ! Nous avons donné la charité à nou-veau. Vous verrez que son état va s’améliorer ! »

Il la regarda avec un mélange de pitié et de déri-sion.

« Je devais lui dire cela afin de le croire moi-mê-me, expliqua Chochana à la mère occupant la même chambre qu’elle. Vous comprenez, je suis une femme tout à fait normale, réaliste. Croire que la charité va faire des miracles, ce n’est pas tellement dans mon caractère. Il y a des gens qui croient à tout. Moi, non. Mais même si c’est diffici-le, nous croyons ! C’est un verset explicite. Le Tout-Puissant peut faire tout et nous, nous prions et nous donnons la charité. D. agrée le mérite de la charité. »

Après trois heures, ils furent appelés à nouveau à la radio. Le Chabbat approchait.

« Les gaz se sont dissipés. La boucle est entourée par le contenu de l’estomac et semble descendre très lentement, expliqua le médecin. Je pense que nous allons vous garder en observation.

Nous verrons ce qui se passera sans notre inter-vention. »

Chochana sourit, son regard s’éclaira, mais elle veilla à ne pas dire un mot. Le médecin se souve-nait certainement de son don et de son affirma-tion trois heures plus tôt.

Les gardes se succédèrent et un autre médecin remplaça le médecin du service. Deux heures avant Chabbat, elle les envoya faire une nouvelle radio.

« La boucle descend, lui annonça-t-elle joyeuse-ment. Vous savez, un trajet comme cela dans l’in-testin peut prendre même une semaine. Rentrez chez vous et, s’il y a du nouveau, revenez tout de suite. Soyez attentive.

– Vous voulez dire que…

– Oui, vous pouvez rentrer chez vous. Mais soyez attentive et ne négligez pas le moindre signe ! »

Chochana la regarda, les yeux écarquillés.

De retour chez elle, elle posa son bébé dans son berceau et fondit en larmes. Voici quelques heu-res seulement, elle n’osait pas espérer ramener sa fille vivante chez elle et les voici revenues ! Mais la dangereuse boucle d’oreille se promenait encore dans son ventre. Elle ressentit une peur terrible, la peur de l’inconnu.

Chabbat après-midi, les membres du groupe de Téhillim arrivèrent chez elle comme d’habitude. Elle prépara les chaises dans le salon et distribua les livres tout en racontant aux dames et aux jeu-nes filles présentes le drame qui s’était passé là deux jours plus tôt. L’une des jeunes filles sursau-ta : « De quoi avait-elle l’air, cette boucle d’oreille ? » demanda-t-elle d’une voix tremblante. Chochana lui en décrivit la couleur et la forme.

« C’est la mienne ! murmura-t-elle. Oh lala ! C’est dommage que vous ne l’avez pas jetée ! Elle était déjà un peu rouillée. »

L’une des dames, l’épouse d’un Rav célèbre, la re-garda.

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« Ne te fais pas de reproches. Ce n’est pas à cause de toi que la boucle est entrée dans l’intestin du bébé. Mais il faut prier. Nous allons toutes prier aujourd’hui avec plus de force. Nous dirons les Té-hillim pour le mérite du petit bébé. »

Chochana hocha la tête. Des larmes lui montè-rent aux yeux.

« Amenez le bébé ici dans sa poussette, deman-da-t-elle. Lorsque nous la verrons, nous prierons avec plus de ferveur. Le Chabbat, la guérison est proche ! »

Chochana déposa le bébé dans la poussette et la fit entrer au salon. Les dames commencèrent à lire les Téhillim. De nombreux regards caressè-rent le petit visage.

Vers la fin, le bébé se mit à pleurer. Chochana la souleva et vit que son visage était rougi par l’ef-fort.

« Je crois qu’il faut que je la change » dit Chochana, les mains tremblantes. Toutes comprirent ce que cela voulait dire.

« Attendez. Nous allons d’abord terminer ». La même dame, l’épouse du Rav, leur transmit son calme et sa force intérieurs. « Nous dirons le Yehi Ratson qui termine le livre et vous y irez ensuite vous occuper d’elle. »

Chochana serra le bébé contre elle. Les dames conclurent leur lecture puis elle se leva et entra dans sa chambre.

Ce qu’elle vit fit battre son cœur plus vite. A nou-veau, on voyait une perle unique. La deuxième perle et l’agrafe qui y était attachée se trouvaient à l’intérieur. Elle tenta de la dégager délicatement mais n’y parvint pas. Le bébé se mit à pleurer et de petites gouttes de sang apparurent.

« C’est une urgence, un cas de danger. Je dois aller à l’hôpital ! »

Chochana en était sûre mais, pour plus de sécurité, son mari courut poser la question à un Rav qui habitait à proximité. Au retour, il passa par une organisation d’aide aux malades et demanda une ambulance. Elle enveloppa le bébé d’une couverture et descendit dans la rue.

A l’hôpital, le médecin de garde examina l’enfant

et recula.

« Je ne touche pas à cela ! dit-il. Je ne peux pas sortir la boucle d’oreille sans causer de dommages. C’est le rôle d’un chirurgien. »

Il appela un chirurgien. Chochana entendit à nouveau plusieurs fois le mot « opération ».

« C’est Chabbat. Je n’ai personne à qui demander, je ne peux pas aller chez un Rav » dit Chochana. Comme il lui était difficile de traverser cette épreuve ! Le médecin la regarda avec pitié et alla chercher un autre médecin. Tous deux examinè-rent l’enfant, réfléchirent et se consultèrent.

« Je vais essayer de l’enlever sans opérer, dit le deuxième médecin à Chochana. Priez, c’est tout ce que je peux vous proposer. Le bébé va pleurer un peu mais cela ne fait pas très mal. Si nous réus-sissons, tant mieux. Sinon, il n’y aura pas d’autre choix que d’opérer. Et une opération pareille n’est pas sympathique du tout.

– Vous serez l’émissaire du Créateur, et je prierai dehors », répondit-elle, les larmes coulant le long de ses joues. Après Chabbat, nous donnerons à nouveau de l’argent à Koupat Ha’ir, poursuivit-elle en pensée.

Chochana resta debout à la porte de la salle de soins et entendit son bébé crier. Le bébé conti-nua à crier d’une voix déchirante et Chochana cria sans voix.

La porte de la salle de soins s’ouvrit. Le méde-cin sortit, la boucle d’oreille dans la paume de sa main…

« Votre enfant a été sauvée par miracle ! » lui dit l’infirmière qui tenait le bébé dans ses bras. Cho-chana embrassa son bébé et mouilla son visage de ses larmes.

« Et vous verrez ! Cette expression de l’in-firmière ‘la perle qui a avalé une perle’ sera le nom de notre his-toire dans le bulletin de Kou-pat Ha’ir ! »

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Qui l’a envoyée ?Raconté par un ami du héros de l’histoire,

Mr Aharon Teller, n° de téléphone :00-972-50-4111200

David n’était pas venu en Israël depuis son maria-ge. A plusieurs reprises, il avait pensé faire ses ba-gages et prendre l’avion mais son projet ne s’était jamais concrétisé. Lorsqu’il était jeune, il avait parcouru la terre sainte en tous sens ; il avait eu le privilège de prier devant le Kotel et devant les tombes des tsadikim. Mais depuis qu’il était re-tourné aux Etats-Unis et avait fondé un foyer, il n’avait pas refait le voyage.

Après la naissance de chacun de ses enfants, il avait eu envie d’aller remercier le Créateur près de la Porte du Ciel, au Kotel, mais il ne pouvait pas laisser son épouse toute seule. Avant la pre-mière bar mitsva, il était persuadé qu’il partirait en Israël, quoiqu’il arriverait, mais cela ne s’était pas réalisé non plus. Le premier mariage aussi ar-riva sans qu’il parvînt à tout quitter et à prendre l’avion.

« Un jour, nous ferons ce voyage tous ensemble, vous verrez ! » promit-il à ses enfants.

Ce jour-là était enfin arrivé.

David acheta des billets pour tout le monde : lui-même, sa femme et ses enfants, célibataires et mariés. Il réserva des places dans un hôtel de Jérusalem et toute la famille attendit impatiem-ment le merveilleux voyage prévu.

Ils préparèrent leurs bagages avec joie, vêtements, biberons, provisions pour le voyage, sans oublier leur appareil photo numérique de grande mar-que. Ils achetèrent une puce mémoire de grande capacité et s’apprêtaient à immortaliser chaque détail. Plus de vingt ans avaient passé depuis son premier voyage. Qui savait combien d’années al-laient passer jusqu’à ce qu’ils aient l’occasion de le refaire ?

Le voyage fut splendide, bien plus beau que ce qu’ils s’étaient imaginés. Ils ne se lassaient pas

de respirer, de regarder, de graver dans leur mé-moire et aussi… de prendre des photos. Ils com-mencèrent par le Kotel, la tombe de Chimon Hat-saddik, la Vieille Ville et la source du Chiloah, puis passèrent à la nouvelle ville et aux quartiers qui l’entouraient. Chaque excursion leur paraissait plus belle que celle de la veille.

« Une fois tous les vingt ou vingt-cinq ans, on ne fait pas d’économies » disait David.

Ils ne se privèrent pas de taxis et ne refusèrent pas de payer l’entrée de nombreux lieux touris-tiques. Lorsqu’ils eurent terminé de visiter Jé-rusalem, ils louèrent un minibus et firent des excursions plus longues. Miron, Amouka, Tsfat, Tvéria, Hatsor Haglilit, les tombes de Tanaïm et des Amoraïm… Des paysages enchanteurs, des panoramas à couper le souffle. Après le nord, ils visitèrent le sud : les cirques de Yerouham, le ruis-seau de Tsin, la Méarat Hakémah, Mitspé Ramon, Matsada, Eyn Guédi… Ils escaladèrent des mon-tagnes puis descendirent dans les vallées sans cesser de s’émerveiller de la beauté du pays.

L’appareil photo numérique crépitait sans arrêt. Il n’y avait pas une seule crevasse qu’ils ne voulaient pas prendre en photo. Il n’y avait pas de pierre an-cienne qu’ils acceptèrent de laisser passer.

« Papa ! Il faut vider l’appareil ! Il n’y aura bientôt plus de photos ! » C’était leur jeune fils qui s’aper-çut que la mémoire serait bientôt à capacité. Dans n’importe quel magasin de photo, on pou-vait copier les photos de la puce à un disque, puis continuer à photographier presque sans limites.

« Rappelez-le moi lorsque j’irai en ville, leur dit David. J’irai dans un magasin et je le ferai. Ce ne serait pas agréable de se retrouver sans appareil photo ! »

Son fils se rappela qu’il fallait le lui rappeler.

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Lorsque David s’apprêta à quitter l’hôtel pour quelques courses au centre ville, il courut derrière lui et lui mit l’appareil photo dans la main.

« Heureusement que je me suis rappelé ! » lança-t-il en lui faisant au revoir de la main alors que Da-vid montait dans un taxi. Quelques heures plus tard, il n’était plus tellement sûr qu’il avait bien fait de se rappeler…

Une minute après être sorti du taxi, David se ren-dit compte qu’il avait oublié l’appareil sur le siège. Il resta debout sur le trottoir, consterné. Il tenait son sac d’une main, son portable se trouvait dans la poche. La main qui tenait auparavant l’appareil photo… était vide !

Aïe ! Ce fut un coup dur pour lui.

Comment expliquer maintenant à sa famille que l’appareil photo avait disparu ?

Ils devaient bientôt rentrer aux Etats-Unis et la puce contenait tous leurs clichés : le Kotel, le sud, le nord…

Refaire toutes les excursions ? C’était impossible, et ridicule aussi.

Il ne connaissait pas le nom de la compagnie de taxis et n’avait pas le moindre indice pour retrou-ver le chauffeur. Le pire, c’était que le chauffeur n’avait pas non plus d’indice pour le retrouver, même s’il était honnête et voulait lui rendre l’ap-pareil. David avait pris le taxi près de son hôtel et était descendu en pleine ville.

« Peut-être retournera-t-il à l’hôtel ? » se dit David, plein d’espoir.

Il savait que la nouvelle de la disparition de l’ap-pareil serait très pénible pour sa famille. Voilà vingt ans qu’il attendait ce voyage et à présent, toutes les photos avaient disparu en un instant d’inattention.

Il fit la seule chose qu’il pouvait faire pour l’ins-tant : il passa un coup de fil à l’hôtel et laissa le message que si quelqu’un rapportait un appareil photo numérique perdu, c’était le sien.

De temps à autre, il appelait l’hôtel pour avoir des nouvelles. Rien.

Dans son désarroi, il appela un ami et lui deman-da de l’accompagner pour acheter un nouvel ap-pareil photo. Il ne connaissait pas les magasins

en Israël et ne savait pas se diriger.

Son ami vint le rejoindre avec plaisir, prêt à l’aider. Lorsqu’il apprit ce qu’il venait d’arriver, il lui dit : « En Israël, nous avons des solutions pour ce gen-re de choses. Nous faisons un don à Koupat Ha’ir, et nous voyons les problèmes se résoudre ! »

David suivit son conseil. Il était prêt à donner beaucoup d’argent à la charité pourvu que l’appa-reil lui soit rendu. Il téléphona à la Koupa et indi-qua la somme qu’il offrait.

Il acheta ensuite un nouvel appareil, apprit com-ment l’utiliser et poursuivit son itinéraire. Sou-dain, son portable sonna.

On l’appelait de la réception de l’hôtel pour lui dire qu’un homme avait apporté un appareil photo numérique. Il avait pris un passager devant l’hô-tel dans son taxi et ce passager avait oublié l’objet sur la banquette. On lui demandait de venir pour s’assurer que c’était bien le sien.

« Comment est le chauffeur ?

– Un homme jeune, grand de taille, un peu roux, répondit l’employée.

– Non, ce n’est pas lui. Je regrette. Le chauffeur de mon taxi était âgé, petit de taille et brun. Remer-ciez-le pour moi mais ce n’est pas mon appareil. »

Il ferma son portable et soupira.

« Un don à Koupat Ha’ir fait quand même quel-que chose ! On a trouvé un appareil, bien que ce ne soit pas le mien.

– Grâce à Koupat Ha’ir, les problèmes se résol-vent totalement ! répli-qua son ami pour dé-

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fendre avec enthousiasme l’honneur de la Koupa. Pas à moitié. Attends, tu verras ! »

Le téléphone sonna une deuxième fois. C’était l’em-ployée de la réception de l’hôtel. « Le chauffeur affir-me que c’est bien votre appareil. Il est venu jusqu’ici pour le rendre et vous demande instamment de ve-nir vous aussi. »

David ne pouvait pas refuser. Le faible espoir que c’était malgré tout bien son appareil photo le convainquit tout à fait.

Il prit un taxi pour retourner à l’hôtel. Dans le lob-by était assis un homme qui se présenta comme le chauffeur. Comme l’avait dit l’employée, il était jeune, grand et roux. Ce n’était absolument pas le chauffeur qu’il connaissait ! Il haussa les épaules et lui dit : « Ce n’est pas vous, n’est-ce pas ? J’en suis sûr ! »

Le chauffeur, ou celui qui prétendait l’être, sor-tit d’un petit sac l’appareil photo. David le lui prit des mains. C’était son appareil, sans aucun doute ! Il regarda les photos qui y étaient conservées : le voici lui-même, son épouse, ses enfants… Il ne manquait rien.

« Mais vous n’êtes pas le chauffeur de ce taxi ! Comment avez-vous trouvé mon appareil ? »

Les personnes présentes, depuis son ami qui l’avait accompagné jusqu’aux touristes qui habitaient l’hô-tel, s’approchèrent pour écouter.

« Je vais vous dire la vérité, répondit le jeune homme, un peu gêné. Le taxi nous appartient à tous les deux, à mon père et à moi. Je l’utilise le matin et le soir, et lui l’après-midi et la nuit. Vous avez oublié votre ap-pareil pendant ses heures à lui et, je suis désolé de le dire, il n’avait pas l’intention de le rendre. Il était bien content d’avoir trouvé un bel appareil et pensait le garder pour sa famille.

J’ai pris le taxi après lui, comme d’habitude, et je l’ai trouvé posé sur le siège. Il m’a tout raconté et moi, j’ai décidé de le rendre.

Vous comprenez, je me marie cette semaine. Comme vous le voyez, je ne suis pas religieux mais la semaine du mariage, c’est différent. Il faut se conduire com-me il faut si on veut que D. nous aide. La semaine du mariage, je veux faire de bonnes choses. J’ai décidé de rendre cet appareil à celui qui l’a perdu, bien que mon père risque de me faire un scandale. Il n’aimera pas cette idée et je ne sais pas ce qu’il me dira. »

Il se tut, laissant les spectateurs éberlués.

« Quand l’avez-vous trouvé ? demanda David, qui commençait à faire des rapprochements intéres-sants en son esprit.

– Je l’ai trouvé quand je suis monté dans le taxi ce soir. Mais j’ai décidé de le rendre plus tard. Tout d’un coup, je ne sais pas pourquoi, cette idée m’est venue à l’esprit. J’ai pensé qu’il fallait être réglo la semaine de mon mariage. »

Tout d’un coup, cette idée lui est venue. Tout d’un coup, elle lui est venue à l’esprit, et il ne sait pas pour-quoi !

Vous savez vous, peut-être, pourquoi…

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Deux minutes exactement

A 1 heure 35, comme chaque jour, Mme Lévy vit l’autobus arriver. Elle s’approcha de la chaussée, prête à prendre sa fille de trois ans qui allait des-cendre du bus de ramassage scolaire.

« Ah ! Si seulement je n’avais pas attendu si long-temps pour l’inscrire au gan ( jardin d’enfants) ! Si j’avais présenté ma demande à temps, elle aurait été inscrite dans le gan tout proche au bout de la rue. Ce tracas quotidien de l’amener au bus et de l’en reprendre, plus le trajet fatiguant pour une si petite fille, nous auraient été épargnés. »

Mais l’instant d’après, ces pensées disparurent de son esprit.

Le chauffeur habituel ouvrit les portes de l’auto-bus.

« Yaël n’est pas venue aujourd’hui ! lui dit-il, éton-né.

– Elle n’est pas venue ? Comment cela ? Je l’ai en-voyée au gan ce matin !

– Elle n’est pas montée au retour. Demandez à sa maîtresse… »

Le chauffeur ferma les portes et poursuivit sa route. Mme Lévy monta chez elle en courant, fit le numéro et put parler à la maîtresse qui se trou-vait encore au gan.

« Yaël n’était pas dans le bus ? demanda la maîtres-se. Comment ? Mais c’est moi-même qui l’y ai faite monter ! J’ai moi-même traversé la rue avec elle et je l’ai mise dans le bus ! Peut-être le chauffeur ne l’a pas vue, ou peut-être qu’elle s’est endormie sur le siège. Téléphonez-lui ! »

Mme Lévy appela tout de suite le chauffeur. Le bus était déjà vide et le chauffeur put lui affirmer, après avoir vérifié partout, que Yaël ne s’y trouvait pas.

« Elle n’est pas là, je regrette, répondit-il à la mère affolée. Et je pense qu’elle n’est pas montée du tout. Je suis passé par tous les gan du quartier et personne ne m’attendait à la station du sien. J’ai attendu une minute, comme d’habitude, puis j’ai poursuivi ma route. »

En apprenant ces précisions du chauffeur, la maî-tresse se mit à trembler.

« L’aurais-je envoyée par un autre bus par erreur ? Est-ce possible ? Et où est-elle allée, dans ce cas ? Comment allons-nous la trouver ? Et peut-être me suis-je trompée avec une autre petite fille ? Peut-être ne l’ai-je pas amenée au bus et est-elle sortie toute seule ? Oh ! Les rues sont tellement dangereuses ici ! »

Mme Lévy appela la police. Elle leur raconta briè-vement et précisément ce qu’il s’était passé, mal-gré la panique qui montait en elle. On lui répondit sèchement que si l’enfant n’était pas retrouvée dans les douze heures, elle devait les rappeler et ouvrir un dossier.

« Douze heures ! s’écria Mme Lévy au bord des lar-mes. Une petite fille de trois ans ! »

Mais la police avait ses règles et Mme Lévy ne pou-vait rien faire contre elle.

Son mari, arrivé entre-temps, appela plusieurs amis qui contactèrent eux aussi d’autres amis. En quelques minutes, des groupes de recherche se formèrent spontanément. Ils fouillèrent tout le quartier de Har Nof, immeuble après immeuble, rue après rue. Si l’enfant était sortie du gan toute seule, ils la retrouveraient.

Les minutes passèrent.

A trois heures, les groupes avaient terminé leur mission. Ils n’avaient pas trouvé la petite fille.

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« Si elle est montée dans un autre bus de ramas-sage, le bus aura déjà fini son trajet, dit la mère. Et c’est la même chose si elle est montée dans un bus urbain. Si quelqu’un l’avait trouvée, il aurait déjà prévenu la police et nous l’aurions su. Si per-sonne ne l’a vue jusqu’à présent, cela veut dire soit qu’elle s’est endormie dans une voiture fermée, soit que quelqu’un l’a trouvée mais ne veut pas la rendre…. »

Ces deux possibilités étaient plus inquiétantes l’une que l’autre.

A ce moment même, Yaël était tranquillement assise dans l’autobus n°2 reliant le quartier de Har Nof au Kotel. Des passagers montèrent et descendirent, s’assirent à côté d’elle puis se levè-rent. Yaël ne sentit même pas qu’elle commen-çait à avoir faim. Lorsque l’autobus s’approcha du terminus, au Kotel, les passagers se préparèrent à descendre. Il était 3 heures 25. Chez la famille Lévy, l’angoisse était à son comble mais Yaël était sagement assise, sans aucune inquiétude.

Parmi les passagers, il y avait un jeune étudiant de yéchiva du nom de Yaacov. Il profitait de l’in-tersession du déjeuner pour aller prier au Kotel. Il savait qu’il avait très peu de temps. S’il voulait être à la yéchiva au début du « séder », la session d’étude de l’après-midi, il devait se dépêcher. Il ne s’intéressa à rien de ce qui l’entourait ; il voulait seulement descendre aussi vite que possible, pas-ser le contrôle à l’entrée de l’esplanade et courir au Kotel. De cette façon, il lui resterait assez de temps pour prier.

L’autobus freina. Yaacov se faufila parmi les gens, sans bousculer certes, mais en s’efforçant de ne pas perdre un instant. Le trajet en autobus avait pris beaucoup plus de temps que prévu. Il passa à la hâte le contrôle de sécurité et se mit à courir.

Chez les Lévy, des gens entraient et sortaient. La maman, les yeux rouges de larmes, venait de ter-miner la première moitié du livre des Psaumes. Son mari tentait sans arrêt d’avoir les numéros de téléphone des autres bus de ramassage du quartier. Ses amis téléphonaient de temps en temps pour avoir des nouvelles mais il n’avait rien à leur annoncer.

« Que pouvons-nous encore faire ? demanda Mme Lévy en rompant le silence. Nous la cherchons, nous prions, mais il y a peut-être autre chose que nous pourrions essayer de faire ? Qui sait où est Yaël à présent, combien elle pleure ? »

Ces paroles déclenchèrent un nouveau torrent de larmes.

« Vous avez déjà essayé de faire un don à Koupat Ha’ir ? »

Qui a lancé cette question ? Ils n’arrivent pas à s’en rappeler aujourd’hui encore. En tous cas, les mots « Koupat Ha’ir » entrèrent dans leur esprit et ils ouvrirent grand les yeux.

« Tout de suite ! Il faut donner tout de suite ! » dit Mme Lévy à son mari.

Le père de Yaël leva le combiné, composa le nu-méro bien connu et annonça un don d’une som-me importante.

Le sentiment d’angoisse laissa la place à un senti-ment d’attente.

Les yeux se tournèrent vers la montre accrochée dans le salon. Il était 3 heures 32.

Au même moment, sur l’esplanade du Kotel, Yaa-cov était en train de courir pour aller prier. La main levée pour prendre un siddour, il se souvint brusquement : « Oh ! J’ai oublié mon parapluie ! Il est tout neuf ! Et je n’ai pas écrit mon nom des-sus. »

Une autre voix se fit entendre dans son esprit.

« Tant pis ! Je suis venu prier et je n’ai pas le temps. Tant pis pour le parapluie…

Mais peut-être que je devrais quand même es-sayer ».

Il jeta un coup d’œil à sa montre. Quand suis-je sorti de l’autobus ? Il essaya de faire le calcul. Y avait-il une chance que le bus soit encore à la sta-tion ?

Il reposa rapidement le siddour à sa place et se mit à courir en sens inverse. En une minute ou deux, il était déjà de retour au terminus.

L’autobus était encore là. Le chauffeur n’avait pas encore terminé de faire ses comptes et n’avait

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pas encore regardé à l’intérieur pour vérifier qu’aucun objet n’avait été oublié. Yaël ne s’était pas encore levée de son siège.

Yaacov frappa à la vitre et le chauffeur ouvrit la porte.

« Je ne prends pas de voyageurs…

– Oui, je sais. J’ai oublié mon parapluie à l’inté-rieur ! »

Yaacov entra et chercha son parapluie du regard. Il le vit exactement là où il l’avait laissé. Il le prit en main, leva les yeux et aperçut Yaël.

« Hé ! On t’a oubliée ici ? »

Yaël ne broncha pas.

« Viens, nous allons essayer de trouver ta ma-man. »

Il lui donna la main et ils descendirent ensemble du bus.

Comment allaient-ils trouver une dame dont il ne connaissait pas le nom parmi toutes les femmes rassemblées au Kotel ? Devait-il aller au poste de police et demander qu’on fasse une annonce au haut-parleur ? Il allait perdre un temps fou et il n’aurait pas le temps de prier.

Yaacov eut une excellente idée : il allait télépho-ner chez ses parents d’après le numéro inscrit

sur le sac du goûter que Yaël portait sur l’épaule. Il s’approcha d’une cabine, sagement suivi par la petite fille, introduisit sa carte de téléphone et fit le numéro.

Il était 3 heures 34, deux minutes après le don à Koupat Ha’ir.

« Je ne sais pas moi-même pourquoi j’ai décidé de perdre ces minutes précieuses et retourner chercher mon parapluie, raconta plus tard Yaa-cov. Tant pis pour les 10 chékels que coûte un parapluie. Si j’avais manqué la prière, j’aurais dé-pensé pour rien le coût du trajet aller-retour, qui dépassait celui d’un nouveau parapluie… C’est D. qui m’a fait entrer dans la tête l’idée de retourner le chercher, pour que je trouve Yaël… »

« Dès que nous avons fait ce don, je me suis sentie mieux, dit la mère émue. Je regardais les aiguilles de la montre et j’attendais que quelque chose se passe. Une minute est passée, une deuxième, et je n’arrivais pas à détacher mon regard de la mon-tre. Tout d’un coup, le téléphone a sonné… »

« Je ne sais pas comment j’ai pu me tromper et fai-re monter Yaël dans le bus n°2 au lieu de celui du ramassage ! dit la maîtresse. Je parlais peut-être à quelqu’un à ce moment-là. Cela ne m’est jamais arrivé et je suis sûre que cela n’arrivera plus. Ces deux heures que j’ai passées ont été une punition suffisante. »

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