Sainte Thérèse de Lisieux - Derniers Entretiens

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Sainte Thérèse de Lisieux

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DERNIERS ENTRETIENS 6 avril 1897 1 Quand nous sommes incomprises et juges dfavorablement, quoi bon se dfendre, sexpliquer ? Laissons cela tomber, ne disons rien, cest si doux de ne rien dire, de se laisser juger nimporte comment ! Nous ne voyons point dans lEvangile que Ste Madeleine se soit explique quand sa soeur laccusait de se tenir aux pieds de Jsus sans rien faire. Elle na point dit : O Marthe, si tu savais le bonheur que je gote, si tu entendais les paroles que jentends! Et puis, cest Jsus qui ma dit de rester l. Non, elle a prfr se taire. O bienheureux silence qui donne tant de paix lme ! 2 Que le glaive de lesprit qui est la parole de Dieu demeure perptuellement en notre bouche et en nos coeurs. Si nous sommes aux prises avec une me dsagrable, ne nous rebutons pas, ne la laissons jamais. Ayons toujours le glaive de lesprit la bouche pour la reprendre de ses torts ; ne laissons pas aller les choses pour conserver notre repos ; combattons toujours mme sans espoir de gagner la bataille. Quimporte le succs ? Ce que le bon Dieu nous demande cest de ne pas nous arrter aux fatigues de la lutte, cest de ne pas nous dcourager en disant : Tant pis! il ny a rien en tirer, elle est abandonner. Oh ! cest de la lchet cela ; il faut faire son devoir jusquau bout. 3* Ah ! comme il ne faut rien juger sur la terre. Voil ce qui mest arriv en rcration, il y a quelques mois. Cest un rien, mais qui ma appris beaucoup : On sonnait deux coups, et la Dpositaire tant absente, il fallait un tierce ma Sr Thrse de St Augustin. Ordinairement, cest ennuyeux de servir de tierce, mais cette fois cela me tentait plutt, parce quon devait ouvrir la porte pour recevoir les branches darbre pour la crche. Sr Marie de S. Joseph tait ct de moi et je devinais quelle partageait mon dsir enfantin. - Qui est-ce qui va me servir de tierce? dit ma Sr Thrse de St Augustin. Aussitt, je dfais notre tablier, mais lentement, afin que ma Sr Marie de St Joseph soit prte avant moi et prenne la place, ce qui arriva. Alors, Sr Thrse de St Augustin dit en riant et me regardant : Eh! bien cest ma Sr M. de St J. qui va avoir cette perle sa couronne. Vous alliez trop lentement. Je ne rpondis que par un sourire et me remis louvrage, me disant en moi-mme : O mon Dieu que vos jugements sont diffrents de ceux des hommes! Cest ainsi que nous nous trompons souvent sur la terre, prenant pour imperfection dans nos soeurs ce qui est mrite devant vous! * Addendum 6 avril p. 393 Quand on est bien malade du corps, tout le monde semploie vous soulager ; si cest de la poitrine, on vite les courants dair, linfirmire est l qui veille ce que rien ne vous manque. Ah ! pourquoi ne faisons-nous pas la mme chose pour les maladies spirituelles de nos soeurs ? Cest cela que le bon Dieu me demande moi et, si je guris, je continuerai le faire de tout mon coeur. Si une Soeur est malade spirituellement, dsagrable en tout, tout le monde sen loigne, on la regarde dun mauvais oeil, et au lieu de chercher la soulager, cest elle quon lancera parfois des paroles blessantes... elle qui est sans force et incapable de les supporter ! Cest plutt avec celles qui sont saines quil faudrait agir ainsi, car celles-ci, se portant bien, supporteraient avec bonheur lhumiliation, les manques dgard, le dlaissement. Eh bien ! cest aux mes malades que je veux rserver mes sourires, mon affection et mes dlicatesses, voil o je trouve la vraie charit. 7 avril Je lui demandais de quelle manire je mourrais, lui laissant voir mes apprhensions. Elle me rpondit avec un sourire plein de tendresse : Le bon Dieu vous pompera comme une petite goutte de rose... 18 avril 1 Elle venait de me confier quelque humiliations bien pnibles qui lui avaient t

donnes par des soeurs. Le bon Dieu me donne ainsi tous les moyens de rester bien petite; mais cest cela quil faut; je suis toujours contente; je marrange, mme au milieu de la tempte, de faon me conserver bien en paix au dedans. Si lon me raconte des combats contre les soeurs, je tche de ne pas manimer mon tour contre celle-ci ou celle-l. Il faut, par exemple, que, tout en coutant, je puisse regarder par la fentre et jouir intrieurement de la vue du Ciel, des arbres... Comprenez-vous ? Tout lheure, pendant ma lutte propos de Sr X. je regardais avec plaisir les belles pies sbattre dans le pr, et jtais aussi en paix qu loraison... Jai bien combattu avec... je suis bien fatigue ! mais je ne crains pas la guerre. Cest la volont du bon Dieu que je lutte jusqu la mort. Oh ! ma petite Mre, priez pour moi ! 2 ... Moi quand je prie pour vous, je ne dis pas de Pater ni dAve, je dis simplement avec un lan du coeur : O mon Dieu, comblez ma petite Mre de toutes sortes de biens, aimez-la davantage, si vous le pouvez. 3 Jtais bien petite quand ma tante me donna lire une histoire qui mtonna beaucoup. Je vis, en effet, quon louait une matresse de pension, parce quelle savait adroitement se tirer daffaire, sans blesser personne. Je remarquai surtout cette phrase : Elle disait celle-ci : Vous navez pas tort ; celle-l : Vous avez raison. Et je pensais en moi-mme : Ce nest pas bien cela ! Cette matresse-l, elle aurait d ne rien craindre et dire ses petites filles quelles avaient tort quand ctait vrai. Et maintenant je nai pas chang davis. Jai bien plus de misre, je lavoue, car cest toujours si facile de mettre le tort sur les absents, et cela calme aussitt celle qui se plaint. Oui, mais... cest tout le contraire que je fais. Si je ne suis pas aime, tant pis ! Moi je dis la vrit tout entire, quon ne vienne pas me trouver, si lon ne veut pas la savoir. 4 Il ne faut pas que la bont dgnre en faiblesse. Quand on a grond avec justice, il faut en rester l, sans se laisser attendrir au point de se tourmenter davoir fait de la peine, de voir souffrir et pleurer. Courir aprs lafflige pour la consoler, cest lui faire plus de mal que de bien. La laisser elle-mme, cest la forcer de recourir au bon Dieu pour voir ses torts et shumilier. Autrement, habitue quelle serait recevoir de la consolation aprs une gronderie mrite, elle agirait toujours, dans les mmes circonstances, comme une enfant gte qui trpigne et crie jusqu ce que sa mre vienne essuyer ses larmes. 1er mai 1897 1 Ce nest pas la mort qui viendra me chercher, cest le bon Dieu. La mort, ce nest pas un fantme, un spectre horrible, comme on la reprsente sur les images. Il est dit dans le catchisme que la mort cest la sparation de lme et du corps, ce nest que cela ! 2 Jai eu le coeur tout rempli dune paix clestes aujourdhui. Javais tant pri la Sainte Vierge hier soir, en pensant que son beau mois aller commencer ! Vous ntiez pas la rcration ce soir. Notre Mre nous a dit quun des missionnaires embarqus avec le P. Roulland tait mort avant son arrive dans sa mission. Ce jeune missionnaire avait communi sur le vaisseau avec les hosties du Carmel donnes au P. Roulland... Et maintenant il est mort... sans avoir fait aucun apostolat, sans stre donn aucune peine, comme dapprendre le chinois. Le bon Dieu lui a donn la palme du dsir ; mais voyez comme il na besoin de personne. Je ne savais pas alors que Mre Marie de Gonzague lui avait donn le P.Roulland comme second frre spirituel. Les paroles que je viens de rapporter lui taient cirtes ellemme par le P.R. mais ayant dfense de Notre Mre de me le confier, elle ne me parlait que sur ce quelle avait entendu la rcration. Ce fut un grand sacrifice pour elle que ce silence de prs de 2 ans sur ses rapports avec le Missionnaire en question... Notre Mre lui avait demand de peindre pour lui une image sur parchemin. Comme jtais sa premire demploi pour la peinture, elle aurait pu profiter de la circonstance pour me demander un conseil et par l me faire tout deviner. Mais au contraire, elle se cachait de moi le mieux quelle pouvait, venant chercher la drobe - je lai su plus tard - le brunissoir pour faire briller lor et que je gardais sur notre table. Elle le rapportait quand jtais absente.

Ce ne fut que trois mois avant sa mort que Notre Mre lui dit delle-mme de me parler librement sur ce sujet comme sur tout autre. 7 mai 1 7 heures du matin. Cest licence aujourdhui, jai chant ma Joie en mhabillant. 2 Notre famille ne restera pas longtemps sur la terre... Quand je serai au Ciel, je vous appellerai bien vite... Oh ! que nous serons heureuses ! Nous sommes toutes nes couronnes... 3 Je tousse ! Je tousse ! a fait comme la locomotive dun chemin de fer quand elle arrive la gare. Jarrive aussi une gare ; cest celle du Ciel, et je lannonce ! 9 mai 1 Nous pouvons bien dire, sans nous vanter, que nous avons reu des grces et des lumires bien particulires. Nous sommes dans la vrit ; nous voyons les choses sous leur vrai jour. 2 A propos des sentiments dont on ne peut se dfendre quelquefois, lorsquaprs avoir rendu un service on ne reoit aucun tmoignage de reconnaissance. Moi aussi, je vous assure, jprouve le sentiment dont vous me parlez ; mais je ne suis jamais attrape, car je nattends sur la terre aucune rtribution : je fais tout pour le bon Dieu, comme cela je ne puis rien perdre et je suis toujours trs bien paye du mal que je me donne servir le prochain. 3 Si, par impossible, le bon Dieu lui-mme ne voyait pas mes bonnes actions, je nen serais nullement afflige. Je laime tant, que je voudrais pouvoir lui faire plaisir sans mme quil sache que cest moi. Le sachant et le voyant, il est comme oblig de men rendre, je ne voudrais pas lui donner cette peine l... 15 mai 1 Je suis trs contente de men aller bientt au Ciel, mais quand je pense cette parole du bon Dieu : Je porte ma rcompense avec moi pour rendre chacun selon ses oeuvres , je me dis que, pour moi, il sera bien embarrass. Je nai pas doeuvres ! il ne pourra donc pas me rendre selon mes oeuvres... Eh bien ! il me rendra selon ses oeuvres Lui... 2 Je me fais une si haute ide du Ciel, que, parfois, je me demande comment, ma mort, le bon Dieu fera pour me surprendre. Mon esprance est si grande, elle mest un tel sujet de joie, non par le sentiment, mais par la foi, quil me faudra quelque chose au dessus de toutes penses, pour me satisfaire pleinement. Plutt que dtre due, jaimerais mieux garder un espoir ternel. Enfin je pense dj que, si je ne suis pas assez surprise, je ferai semblant de ltre, pour faire plaisir au bon Dieu. Il ny aura pas de danger que je lui laisse voir ma dception ; je saurai bien my prendre pour quil ne sen aperoive pas. Dailleurs je marrangerai toujours de manire tre heureuse. Pour y arriver, jai mes petites rubriques que vous connaissez et qui son infaillibles... Puis, rien que de voir le bon Dieu heureux, cela suffira pleinement mon bonheur. 3 Je lui avait parl de certaines pratiques de dvotion et de perfection conseilles par les saints et qui me dcourageaient. Pour moi, je ne trouve plus rien dans les livres, si ce nest dans lEvangile. Ce livre-l me suffit. Jcoute avec dlices cette parole de Jsus qui me dit tout ce que jai faire : Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur ; alors jai la paix, selon sa douce promesse : ... et vous trouverez le repos de vos mes. ...Et vous trouverez le repos de vos petites mes...

4 Pas lombre ! Pas plus que si ctait celle dun chinois, l-bas 2.000 lieues de nous. 5 Je jette droite, gauche, mes petits oiseaux les bonnes graines que le bon Dieu met dans ma petite main. Et puis, a fait comme a veut ! Je ne men occupe plus. Quelquefois, cest comme si je navais rien jet ; dautres moments, cela fait du bien ; mais le bon Dieu me dit : 6 Je voudrais bien aller Hano, pour souffrir beaucoup pour le bon Dieu. Je voudrais y aller pour tre toute seule, pour navoir aucune consolation sur la terre. Quant la pense de me rendre utile l bas, elle ne me traverse mme pas lesprit, je sais trs bien que je ne ferais rien du tout. 7 Aprs tout, cela mest gal de vivre ou de mourir. Je ne vois pas bien ce que jaurais de plus aprs la mort que je naie dj en cette vie. Je verrai le bon Dieu, cest vrai ! mais pour tre avec lui, jy suis dj tout fait sur la terre. 18 mai 1 On ma dcharge de tout emploi ; jai pens que ma mort ne causerait pas le moindre drangement dans la Communaut. Oh ! pour cela, cest le moindre de mes soucis, a mest bien gal ! 2 Je vous en prie, ne mempchez pas de dire mes petits offices des Morts. Cest tout ce que je peux faire pour les soeurs qui sont en purgatoire, et cela ne me fatigue pas du tout. Quelquefois, la fin dun silence, jai un petit moment ; cela me dlasse plutt. 3 Jai toujours besoin davoir de louvrage de prpar ; comme cela je ne suis pas proccupe et je ne perds jamais mon temps. 4 Javais demand au bon Dieu de suivre les exercices de communaut jusqu ma mort ; mais il ne veut pas ! Je pourrais bien, jen suis sre, aller tous les offices, je nen mourrais pas une minute plus tt. Il me semble parfois que si je navais rien dit, on ne me trouverait pas malade. 19 mai Pourquoi donc tes-vous si gaie aujourdhui ? Parce que, ce matin, jai eu deux petites peines. Oh ! bien sensibles !... Rien ne me donne de petites joies, comme les petites peines... 20 mai 1 On me dit que jaurai peur de la mort. Cela se peut bien. Il ny en pas une ici plus dfiante que moi des ses sentiments. Je ne mappuie jamais sur mes propres penses ; je sais combien je suis faible ; mais je veux jouir du sentiment que le bon Dieu me donne maintenant. Il sera toujours temps de souffrir du contraire. 2 Je lui montrais sa photographie : Oui, mais... cest lenveloppe ; quand est-ce quon verra la lettre ? Oh ! que je voudrais bien voir la lettre !... Du 21 au 26 mai 1 Thophane Vnard me plat encore mieux que St Louis de Gonzague, parce que la vie de St Louis de Gonzague est extraordinaire et la sienne tout ordinaire. Puis cest lui qui parle, tandis que pour le saint, cest un autre qui raconte et qui le fait parler ; alors on ne sait presque rien de sa petite me ! Thophane Vnard aimait beaucoup sa famille ; et, moi aussi, jaime beaucoup ma petite famille. Je ne comprends pas les saints qui naiment pas leur famille... Ma petite

famille de maintenant, oh ! je laime beaucoup ! Jaime beaucoup, beaucoup, ma petite Mre. 2 Je vais bientt mourir ; mais quand ? Oh ! quand ?... Cela ne vient pas ! Je suis comme un petit enfant qui lon promet toujours un gteau : on le lui montre de loin ; puis, quand il sapproche pour le prendre, la main se retire... Mais, au fond, je suis bien abandonne pour vivre, pour mourir, pour gurir, et pour aller en Cochinchine, si le bon Dieu le veut. 3 Aprs ma mort, il ne faudra pas mentourer de couronnes comme Mre Genevive. Aux personnes qui voudraient en donner, vous direz que je prfre quelles mettent cet argent racheter des petits ngres. Cest cela qui me ferait plaisir. 4 Il y a quelque temps, javais beaucoup de peine de prendre des remdes chers ; mais prsent cela ne me fait rien du tout, au contraire. Cest depuis que jai lu dans la vie de Ste Gertrude quelle sen rjouissait pour elle-mme, se disant que tout serait lavantage de ceux qui nous font du bien. Elle sappuyait sur la parole de Notre-Seigneur : Ce que vous ferez au plus petit dentre les miens, cest moi-mme que vous le ferez. 5 Je suis convaincue de linutilit des remdes pour me gurir ; mais je me suis arrange avec le bon Dieu, afin quil en fasse profiter de pauvres missionnaires malades, qui nont ni le temps, ni les moyens de se soigner. Je lui demande de les gurir en place de moi par les mdicaments et le repos quon moblige prendre. 6 On m a tant rpt que jai du courage, et cest si peu vrai, que je me suis dit : Mais, enfin, il ne faut pas faire mentir tout le monde ! Et je me suis mise, avec laide de la grce, acqurir ce courage. Jai fait comme un guerrier qui, sentendant fliciter de sa bravoure, tout en sachant trs bien quil nest quun lche, finirait par avoir honte des compliments et voudrait les mriter. 7 Quand je serai au Ciel, que de grces je demanderai pour vous ! Oh ! je tourmenterai tant le bon Dieu que, sil voulait dabord me refuser, mon importunit le forcerait combler mes dsirs. Cette histoire est dans lEvangile... 8 ... Si les saints me tmoignent moins daffection que mes petites soeurs, cela me paratra bien dur... et jirai pleurer dans un petit coin... 9 Les saints Innocents ne seront pas de petits enfant au Ciel ; ils auront seulement les charmes indfinissables de lenfance. On se les reprsente enfants, parce que nous avons besoin dimages pour comprendre les choses spirituelles. ... Oui, jespre me joindre eux ! Sils veulent, je serai leur petit page, je tiendrai leurs petites queues... 10 Si je navais pas cette preuve dme quil est impossible de comprendre, je crois bien que je mourrais de joie la pense de quitter bientt la terre. Du 21 au 26 mai 11* Jtais un peu triste ce soir, me demandant si le bon Dieu tait vraiment content de moi. Je pensais ce que chacune des soeurs dirait de moi, si elle tait interroge. Telle dirait : Cest une bonne petite me, elle peut devenir une sainte. - Une autre : Elle est bien douce, bien pieuse, mais ceci... mais cela... - Dautres auraient encore des penses diffrentes ; plusieurs me trouveraient bien imparfaite, ce qui est vrai... Pour ma petite Mre, elle maime tant, cela laveugle, alors, je ne puis la croire. Oh ! ce que le bon Dieu pense, qui me le dira ? Jtais dans ces rflexions, quand votre petit mot mest arriv. Vous me disiez que tout en moi vous plaisait, que jtais chrie particulirement du bon Dieu, quil ne mavait pas fait monter comme les autres le rude escalier de la perfection, mais quil mavait mise dans un ascenseur pour que je sois plus vite rendue Lui. Dj, jtais touche, mais toujours la pense que votre amour vous faisait voir ce qui nest pas, mempchait de jouir pleinement ; alors, jai pris mon petit Evangile, demandant au bon Dieu de me consoler, de me rpondre lui-mme... et voil que je suis tombe sur ce passage que je navais jamais

remarqu : Celui que Dieu a envoy dit les mmes choses que Dieu, parce quil ne lui a pas communiqu son Esprit avec mesure. Oh ! alors, jai vers des larmes de joie, et ce matin, en me rveillant, jtais encore tout embaume. Cest vous, ma petite Mre, que Dieu a envoye pour moi, cest vous qui mavez leve, qui mavez fait entrer au Carmel ; toutes les grandes grces de ma vie, je les aies reues par vous ; aussi, vous dites les mmes choses que Dieu, et maintenant, je crois que le bon Dieu est trs content de moi, puisque vous me le dites. 26 mai 1 Veille de lAscension Ce matin pendant la procession, jtais lermitage de St Joseph et je regardais de loin par la fentre la Communaut dans le jardin. Ctait idal, cette procession de religieuses en manteaux blancs ; cela me faisait penser au cortge des vierges dans le Ciel. Au dtour de lalle des marronniers, je vous voyais toutes caches moiti par les grandes herbes et les boutons dor du pr. Ctait de plus en plus dlicieux. Mais voil que parmi ces religieuses, jen vois une, des plus gentilles, qui regarde de mon ct, qui se penche en souriant pour me faire un signe de connaissance. Ctait ma petite Mre ! Aussitt je me suis rappel mon rve : le sourire, les caresses de la Mre Anne de Jsus et la mme impression de douceur menvahit. Je me disais : cest donc ainsi que les saints me connaissent, quils maiment, quils me sourient den haut et minvitent les rejoindre ! Alors les larmes sont venues... Il y a bien des annes que je navais autant pleur. Ah ! ctaient de douces larmes. 27 mai 1 Ascension Je veux bien une circulaire, parce que jai toujours pens que je devais payer loffice des morts que chacune des carmlites dira pour moi. Je ne comprends pas trop pourquoi il y en a qui ne veulent pas de circulaire ; cest si doux de se connatre, de savoir un peu avec qui nous vivrons ternellement. 2 Je nai nullement peur des derniers combats, ni des souffrances, si grandes quelles soient, de la maladie. Le bon Dieu ma toujours secourue ; il ma aide et conduite par la main ds ma plus tendre enfance... je compte sur lui. Je suis assure quil me continuera son secours jusqu la fin. Je pourrai bien nen plus pouvoir, mais je nen aurai jamais trop, jen suis sre. 3 Je ne sais pas quand je mourrai, mais je crois que ce sera bientt ; jai beaucoup de raisons pour my attendre. 4 Je ne dsire pas plus mourir que vivre ; cest--dire que, si javais choisir, jaimerais mieux mourir ; mais, puisque cest le bon Dieu qui choisit pour moi, jaime mieux ce quil veut. Cest ce quil fait que jaime. 5 Quon ne croie pas que, si je guris, cela me droutera et dtruira mes petits plans. Point du tout ! Lge nest rien aux yeux du bon Dieu, et je marrangerai bien rester petite enfant, mme en vivant trs longtemps. 6 Je vois toujours le bon ct des choses. Il y en a qui prennent tout de manire se faire le plus de peine. Pour moi, cest le contraire. Si je nai que la pure souffrance, si le ciel est tellement noir que je ne voie aucune claircie, eh bien ! jen fais ma joie... Jen fais... jabot ! comme des preuves de papa qui me rendent plus glorieuse quune reine. 7 Avez-vous remarqu, la lecture du rfectoire, cette lettre adresse la mre de St Louis de Gonzague, o il est dit de lui quil naurait pu apprendre davantage ni tre plus saint, mme sil avait atteint lge de No ? 8 A propos de sa mort. Je suis comme une personne qui ayant un billet de loterie, court la chance de gagner,

plus quune autre qui nen aurait pas ; mais pourtant, elle nest pas sre encore davoir un lot. Enfin, jai un billet, cest ma maladie, et je puis garder bon espoir ! 9 Je me rappelle quune petite voisine des Buissonnets, ge de 3 ans, sentendant appeler par dautres enfant, disait sa mre : Maman! y veulent de moi! laisse-moi men aller, je ten prie... y veulent de moi!... Eh bien, il me semble quaujourdhui les petits anges mappellent, et moi je vous dis comme la petite fille : Laissez-moi donc partir, y veulent de moi! Je ne les entends pas, mais je les sens. 10 Au moment o mon dpart pour le Tonkin tait projet, vers le mois de novembre, vous rappelez-vous que pour avoir un signe de la volont du bon Dieu, on commena une neuvaine Thophane Vnard ? A ce moment, je retournais tous les exercices de communaut, mme Matines. Eh bien ! juste pendant la neuvaine, je me suis remise tousser, et depuis je ne vais que de pire en pire. Cest lui qui mappelle. Oh ! je voudrais bien avoir son portrait ; cest une me qui me plat. St Louis de Gonzague tait srieux, mme en rcration, mais Thophane Vnard, il tait gai toujours. A ce moment, on lisait au rfectoire la vie de St L. de Gonzague. 29 mai Pointes de feu pour la seconde fois. Le soir jtais triste et jouvris devant elle lEvangile pour me consoler. Je tombai sur ces paroles que je lui lus : Il est ressuscit, il nest plus ici, voyez le lieu o on lavait mis. Oui, cest bien cela ! Je ne suis plus, en effet, comme dans mon enfance, accessible toute douleur ; je suis comme ressuscite, je ne suis plus au lieu o lon me croit... Oh ! ne vous faites pas de peine pour moi, jen suis venue ne plus pouvoir souffrir, parce que toute souffrance mest douce. 30 mai 1 Ce jour-l, il lui fut permis de me confier son crachement de sang du Vendredi Saint 1896. Comme je lui tmoignais une grande peine de navoir pas t prvenue aussitt, elle me consola de son mieux et mcrivit le soir ce billet : Nayez pas de peine, ma petite Mre chrie que votre petite fille ait sembl vous cacher quelque chose, car vous le savez bien, si elle a cach un petit coin de lenveloppe, elle ne vous a jamais cach une seule ligne de la lettre. Et qui donc la connat mieux que vous cette petite lettre que vous aimez tant ? Aux autres, on peut bien montrer lenveloppe de tous les cts, puisquelles ne peuvent voir que cela ; mais vous ! ! !... Oh ! petite Mre, vous savez maintenant que cest le Vendredi Saint que Jsus a commenc de dchirer un peu lenveloppe de votre petite lettre ; ntes vous pas contente quil sapprte la lire cette lettre que vous crivez depuis 24 ans ? Ah ! si vous saviez comme elle saura bien lui dire votre amour pendant toute lternit ! 2 Vous souffrirez peut tre beaucoup avant de mourir !.. Oh ! nayez pas de peine, jen ai un si grand dsir ! 3 Je ne sais pas comment je ferai au Ciel pour me passer de vous ! 4 juin 1897 1 Elle nous fit ses adieux dans la cellule de Sr Genevive de la Ste Face qui se trouvait celle donnant sur la terrase du ct du Chaptre. Elle tait couche sur la paillasse de Sr Genevive. Ce jour-l, elle paraissait ne plus souffrir et avait un visage comme transfigur. Nous ne nous lassions pas de la regarder et dcouter ses douces paroles. Jai demand la Sainte Vierge de ntre plus assoupie et absorbe comme je me trouvais tous ces jours ; je sentais bien que je vous faisais de la peine. Ce soir, elle ma exauce. Oh ! mes petites soeurs, que je suis heureuse ! Je vois que je vais bientt mourir, jen suis sre maintenant.

Ne vous tonnez pas si je ne vous apparais pas aprs ma mort, et si vous ne voyez aucune chose extraordinaire comme signe de mon bonheur. Vous vous rappellerez que cest ma petite voie de ne rien dsirer voir. Vous savez bien ce que jai dit tant de fois au bon Dieu, aux Anges et aux Saints : Que mon dsir nest pas De les voir ici-bas... Les Anges viendront vous chercher, dit Sr Genevive. Oh ! pourtant que nous voudrions bien les voir ! Je ne crois pas que vous les voyiez, mais a ne les empchera pas dtre l... Je voudrais pourtant bien avoir une belle mort, pour vous faire plaisir. Je lai demand la Sainte Vierge. Je ne lai pas demand au bon Dieu, parce que je veux le laisser faire comme il voudra. Demander la Sainte Vierge, ce nest pas la mme chose. Elle sait bien ce quelle a faire de mes petits dsirs, sil faut quelle les dise ou ne les dise pas... enfin, cest elle de voir pour ne pas forcer le bon Dieu mexaucer, pour le laisser faire en tout sa volont. Ce soir jai obtenu de pouvoir vous consoler un peu et dtre bien gentille, mais il ne faut pas sattendre me voir ainsi au moment de la mort... Je ne sais pas ! Tout de suite, la Sainte Vierge a peut tre fait cela delle-mme, sans le dire au bon Dieu, alors a ne prouve rien pour plus tard. Je ne sais pas si jirai en purgatoire, je ne men inquite pas du tout ; mais, si jy vais je ne regretterai pas de navoir rien fait pour lviter. Je ne me repentirai jamais davoir travaill uniquement pour sauver des mes. Que jai t heureuse de savoir que N. M. Sainte Thrse pensait cela ! Ma petite Mre, si vous tes de nouveau prieure un jour, ne vous inquitez pas ; vous verrez que vous ne vous ferez plus les mmes peines quautrefois. Vous serez au dessus de tout. Vous laisserez penser et dire ce quon voudra, vous ferez votre devoir en paix... etc... etc. Ne faites jamais rien pour ltre, et rien non plus pour ne pas ltre... Dailleurs, je vous promets que je ne vous y laisserai pas mettre si cest prjudiciable votre me. Quand je lai embrasse : Jai tout dit ! en particulier ma petite Mre, pour plus tard... Ne vous faites pas de peine mes petites soeurs, si je souffre beaucoup et si vous ne voyez en moi, comme je vous lai dj dit, aucun signe de bonheur au moment de ma mort. Notre-Seigneur est bien mort Victime dAmour, et voyez quelle a t son agonie !... Tout cela ne dit rien. 2 Un peu plus tard, tant seule avec elle, et la voyant de nouveau beaucoup souffrir, je lui dis : Eh bien, vous dsiriez souffrir, le bon Dieu ne la pas oubli. Je dsirais souffrir, et je suis exauce. Jai beaucoup souffert depuis plusieurs jours. Un matin pendant mon action de grces, aprs la communion, jai ressenti comme les angoisses de la mort... et avec cela aucune consolation ! 3 Jaccepte tout pour lamour du bon Dieu, mme toutes sortes de penses extravagantes qui me viennent lesprit. 5 juin 1 (Pendant Matines) Ma petite Mre, jai vu que vous maimez dun amour dsintress. Eh bien ! si je sais que vous tes ma petite mre, vous saurez un jour que je suis votre petite fille ! Oh ! que je vous aime ! 2 Jai relu la pice de Jeanne dArc que jai compose. Vous verrez l mes sentiments sur la mort ; ils sont tous exprims ; cela vous fera plaisir. Mais ne croyez pas que je ressemble Jeanne dArc quand elle a eu peur un moment... Elle se tirait les cheveux !... moi je me tire pas les petits cheveux... 3 Ma petite mre, cest vous qui mavez prpare ma premire Communion, prparez-moi maintenant mourir...

4 Si vous me trouviez morte un matin, nayez pas de peine : cest que Papa le bon Dieu serait venu tout simplement me chercher. Sans doute, cest une grande grce de recevoir les Sacrements ; mais quand le bon Dieu ne le permets pas, cest bien quand mme, tout est grce. 6 juin 1 Je vous remercie davoir demand que lon me donne une parcelle de la sainte Hostie. Jai eu encore beaucoup de mal lavaler. Mais que jtais heureuse davoir le bon Dieu dans mon coeur ! Jai pleur comme le jour de ma premire Communion. 2 Mr Youf ma dit pour mes tentations contre la foi : Ne vous arrtez pas cela, cest trs dangereux. Ce nest gure consolant entendre, mais heureusement que je ne men impressionne pas. Soyez tranquille, ne vais pas casser ma petite tte me tourmenter. Mr Youf ma dit encore : Etes-vous rsigne mourir? Je lui ai rpondu : Ah! mon Pre, je trouve quil ny a besoin de rsignation que pour vivre. Pour mourir, cest de la joie que jprouve. 3 Je me demande comment je ferai pour mourir. Je voudrais pourtant men tirer avec honneur ! Enfin, je crois que cela ne dpend pas de soi. (Elle pensait nous.) 4 Dans mon enfance, les grands vnements de ma vie me paraissaient comme des montages insurmontables. Quand je voyais les petites filles faire leur premire Communion, je me disais : Comment est-ce que je ferai ma premire Communion ?... Plus tard : Comment est-ce que je ferai pour entrer au Carmel ?... Et aprs : pour prendre lHabit ? pour faire Profession ? A prsent, cest pour mourir ! 5 Je vais vous faire photographier pour faire plaisir Notre Mre. Elle sourit dun air malin : Dites plutt que cest pour vous !... Petit vent de bise, cesse de souffler! Ce nest pas pour moi, cest pour mon camarade qui na pas de veste... Elle me rappelait ainsi une petite histoire dauvergants que papa nous racontait. Elle y mettait le ton, et ctait trs bien appliqu, car le camarade si charitable en apparence, plaidait pour lui en ralit. 6 On ne voulait pas lui dire, de peur de la dgoter, que le sirop quelle prenait tait du sirop de limaon, mais elle sen aperut et rit de nos craintes; Quest-ce que cela me fait de prendre du sirop de limaon, pourvu que je ne voie pas les cornes ! Maintenant je mange des limaons comme les petits canards ! Hier, je faisais comme les autruches, je mangeais des oeufs crus ! 7 Je vous aime beaucoup, beaucoup ! 8 Je lui dis : Les Anges vous porteront dans leurs mains, de peur que vous ne heurtiez le pied conntre la pierre. Elle rpondit : Ah ! a cest bon pour tout de suite ; car plus tard, aprs ma mort, je ne serai pas embarrasse ! ! ! 9 Aprs la visite de M. de Cornire qui la trouvait mieux, je lui dis : Etes-vous triste ? Oh ! non... Jai tir dans lEvangile : Bientt vous verrez le Fils de lhomme assis sur les nues du Ciel. Jai rpondu : Seigneur, quand? Et en face de la page, jai lu ces mots : Aujourdhui mme. Mais tout cela... cest de ne sinquiter de rien, de ne vouloir ni vivre ni mourir... Quelques intants aprs : Jai pourtant bien envie de men aller ! Je le dis la Sainte Vierge qui en fait ce quelle veut.

7 juin 1 Dimanche Sur le banc, au fond du cimetire, elle resta quelque temps assise prs de moi. A la fin, elle appuya tendrement sa tte sur mon coeur et chanta demi-voix : Moi toublier, Mre chrie, Non, non, jamais ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . En descendant les marches, elle vit, droite, sous le nflier, la petite poule blanche qui avait tous ses poussins sous ses ailes. Quelques-uns montraient seulement leur petite tte. Elle sarrta toute pensive les considrer. Au bout dun moment, je lui fis signe quil tait temps de rentrer. Elle avait les yeux pleins de larmes. Je lui dis : Vous pleurez ! Alors elle mit sa main devant ses yeux en pleurant davantage et me rpondit : Je ne puis pas vous dire pourquoi en ce moment ; je suis trop mue... Le soir, dans sa cellule, elle me dit avec une expression cleste : Jai pleur en pensant que le bon Dieu a pris cette comparaison pour nous faire croire sa tendresse. Tout ma vie, cest cela quil a fait pour moi ! Il ma entirement cache sous ses ailes !... Tantt, en vous quittant, je pleurais en montant lescalier, je ne pouvais plus me contenir, et javais hte dtre rendue dans notre cellule ; mon coeur dbordait damour et de reconnaissance. 2 Aujourdhui 10 ans que papa ma donn cette petite fleur blanche, quand je lui ai parl pour la premire fois de ma vocation. (Elle me montra la petite fleur) 3 Si vous ne maviez pas bien leve, vous auriez vu de tistes choses... Je naurais pas pleur aujourdhui en voyant la petite poule blanche... 8 juin 1 Vous viendrez bientt toutes avec moi, a ne sera pas long, allez ! A Sr Marie de la Trinit qui lui demandait de penser elle au Ciel : Vous navez vu encore que la coque ; vous verrez bientt le petit poulet. 2 Je lui disais que je navais pas dappui sur la terre. Mais si, vous avez un appui, cest moi ! 3* Nous avions parl des longues maladies qui souvent fatiguent les infirmires, ce qui est une grande souffrance pour les malades qui sen aperoivent. Je veux bien rester comme cela jusqu la fin dune trs longue vie ; si cela plat au bon Dieu, je veux mme bien tre prise en grippe. 9 juin 1 Il est dit dans lEvangile que le bon Dieu viendra comme un voleur. Il viendra me voler tout plein gentiment. Oh ! que je voudrais bien aider au Voleur ! 2 Que je suis heureuse aujourdhui ! - Votre preuve est donc passe ? Non, mais cest comme quelque chose de suspendu. Les vilains serpents ne sifflent plus mes oreilles... 3 Avec quelle paix je laisse dire autour de moi que je vais mieux ! La semaine dernire, jtais debout et lon me trouvait bien malade. Cette semaine, je puis plus me soutenir, je suis puise et voil quon me juge sauve ! Mais quest-ce que cela fait ! - Vous esprez donc bientt mourir quand mme ? Oui, jespre bientt men aller ; je ne vais pas mieux certainement ; jai trs mal au ct. Mais, je le dirai toujours, si le bon Dieu me gurit, je naurai aucune dception.

A Sr Marie du Sacr Coeur qui lui disait : Quelle peine nous aurons quand vous nous quitterez! Oh ! non, vous verrez, ce sera comme une pluie de roses. 4 Je ne crains pas le Voleur... Je le vois de loin, et je me garde bien de crier : Au voleur ! Au contraire, je lappelle en disant : Par ici ! par ici ! 5 Je suis comme un petit enfant, sur la voie du chemin de fer, qui attend son papa et sa maman pour le mettre dans le train. Hlas ! ils ne viennent pas, et le train part ! Mais il y en a dautres, je ne les manquerai pas tous... 10 juin 1 Elle allait mieux et cela ltonnait ; elle tait oblige de ragir pour ne pas sen attrister. ... La Sainte Vierge fait bien mes commissions, je lui en donnerai une autre fois ! Je lui rpte bien souvent : Dis-lui de ne jamais se gner avec moi. Il a entendu, et cest ce quil a fait. Je ne comprends plus rien ma maladie. Voil que je vais mieux ! Mais je mabandonne et je suis heureuse quand mme. Quest-ce que je deviendrais si je nourrissais lespoir de bientt mourir ! Que de dceptions ! Mais je nen ai aucune, parce que je suis contente de tout ce que le bon Dieu fait, je ne dsire que sa volont. 11 juin 1 Elle avait jet des fleurs au St Joseph du jardin, (au fond de lalle des marronniers) en disant dun ton enfantin et gracieux : Tiens! Pourquoi jetez-vous des fleurs St Joseph ? Est-ce pour obtenir quelque grce ? Ah ! mais non ! Cest pour lui faire plaisir. Je ne veux pas donner pour recevoir. 2 Pour crire ma petite vie, je ne me casse pas la tte ; cest comme si je pchais la ligne ; jcris ce qui vient au bout. 12 juin 1 On ne me croit pas aussi malade que je le suis. Cest plus pnible alors dtre prive de la communion, de lOffice. Mais, tant mieux que personne ne se tourmente plus. Jen souffrais beaucoup et javais demand la Sainte Vierge darranger les choses pour quon nait plus de peine. Elle ma exauce. Pour moi, quest-ce que cela me fait quon pense et quon dise nimporte quoi. Je ne vois pas pourquoi je men affligerais. 2 Demain, je ne ferai pas la Communion ! Et tant de petites filles recevront le bon Dieu ! (Ctait la premire Communion St Jacques.) 13 juin 1 (Dans le jardin) Je me fais leffet dune toffe tendue sur le mtier pour tre brode ; et puis personne ne vient pour la broder ! Jattends, jattends ! Cest inutile !... Enfin, ce nest pas tonnant, les petits enfants ne savent pas ce quils veulent ! Je dis cela parce que je pense au petit Jsus, cest lui qui ma tendue sur le mtier de la souffrance pour avoir le plaisir de me broder et puis de me dtendre pour aller montrer l haut son bel ouvrage. Quand je parle du Voleur, je ne pense pas au petit Jsus, je pense au grand bon Dieu.

14 juin Dernier jour de la neuvaine. Elle tait beaucoup mieux, nouveau sujet de dception pour elle qui me dit pourtant avec un sourire : Je suis une petite fille gurie ! En tes-vous triste ? Oh ! non... de moment en moment, on peut beaucoup supporter. 15 juin 1 Le 9, je voyais bien clairement de loin le phare qui mannonait le port du Ciel ; mais maintenant, je ne vois plus rien, jai comme les yeux bands. Ce jour-l, je voyais le Voleur, prsent, je ne le vois plus du tout. Ce que lon me dit sur la mort ne peut plus pntrer, a glisse comme sur une dalle. Cest fini ! lespoir de la mort est us. Le bon Dieu ne veut pas sans doute que jy pense comme avant dtre malade. A ce moment l, cette pense mtait ncessaire et trs profitable, je le sentais bien. Mais aujourdhui cest le contraire. Le bon Dieu veut que je mabandonne comme un tout petit enfant qui ne sinquite pas de ce que lon fera de lui. 2 Etes-vous fatigue de votre tat qui se prolonge ? Vous devez bien souffrir ! Oui, mais cela magre. Pourquoi? Parce que cela agre au bon Dieu. (Elle employait ce mot et plusieurs autres qui nallaient pas avec sa manire simple de sexprimer habituellement, quand elle voulait couvrir sa pense dune forme distrayante pour nous. Elle avait encore adopt certaines expressions naves dont elle se servait dans lintimit et qui, dans sa bouche, avaient beaucoup de charmes.) 3 Je ne sais pas quand je mourrai ; je nai plus aucune confiance en la maladie. Quand mme je serais administre, je croirais encore que je peux en revenir. Je ne serai vraiment sre de mon coup que lorsque jaurai pass le pas et que je me verrai dans les bras du bon Dieu. 4 (Le soir) Que je voudrais bien vous dire quelque chose de gentil ! Dites-moi seulement si vous moublierez quand vous serez au Ciel. Ah ! si je vous oubliais, il me semble que tous les saints me chasseraient du Paradis comme un vilain hibou. Ma petite Mre, quand je serai l-haut, je viendrai vous prendre avec moi, afin que, l o je serai, vous soyez aussi. 5 Je suis heureuse, je noffense pas du tout le bon Dieu pendant ma maladie. Tantt jcrivais sur la charit (dans le cahier de sa Vie) et, bien souvent, on est venu me dranger ; alors jai tch de ne point mimpatienter, de mettre en pratique ce que jcrivais. 19 juin* Notre cousine, la Mre Marguerite(Supre Gle Paris des religieuses Auxiliatrices de lI..C. garde-malades) mavait envoy une jolie corbeille remplie de lys artificiels, pour le 21, fte de Mre Marie de Gonzague. Je lui apportai cette corbeille en disant toute joyeuse : Cest la Suprieure Gnrale des Auxiliatrices qui menvoie cela ! Elle me rpondit tout coup avec lan et affection : Eh ! bien, cest vous qui tes la Suprieure Gnrale de mon coeur. 20 juin Je lui montrais les petites photographies de la Vierge-Mre que javais peintes pour la fte de Notre Mre. Elle mit les mains sur les miniatures tales devant ses yeux, et, cartant les doigts, fit en sorte de toucher toutes les petites ttes de lEnfant Jsus. Alors elle me dit : Je les tiens tous sous ma domination.

22 juin Elle tait au jardin, dans la voiture. Lorsque je vins elle dans laprs-midi elle me dit : Comme je comprends bien la parole de Notre Seigneur N.M. Ste Thrse : Saistu, ma fille, ceux qui maiment vritablement? Ce sont ceux qui reconnaissent que tout ce qui ne se rapporte pas moi nest que mensonge. O ma petite Mre, comme je sens que cest vrai ! Oui, tout en dehors du bon Dieu, tout est vanit. 23 juin Je lui disais : Hlas ! je naurai rien donner au bon Dieu, ma mort, jai les mains vides ! Cela mattriste beaucoup. Eh bien ! vous tes comme bb (elle se donnait ce nom quelquefois) qui se trouve pourtant dans les mmes conditions... Quand mme jaurais accompli toutes les oeuvres de St Paul, je me croirais encore serviteur inutile mais cest justement ce qui fait ma joie, car nayant rien, je recevrai tout du bon Dieu. 25 juin 1 Fte du Sacr-Coeur. On lavait installe la bibliothque, cause du soleil qui donnait dans sa cellule. Pendant le sermon, elle avit pris un livre de la Propagation de la Foi. Elle me montra ensuite un passage o il est parl de lapparition dune belle Dame, vtue de blanc, auprs dun enfant baptis, et elle me dit : Plus tard, jirai comme cela autour des petits enfants baptiss... 2 Pendant le sermon, jai fait lcole buissonnire, je sentais que ctait fte. Tous les jours, je ne me permettrais pas cela. Je considre mon cahier (sa vie) comme mon petit devoir. 26 juin Hier, grand mal de ct ! puis... fini ce matin ! Ah ! quand est-ce que je men irai avec le bon Dieu ! Que je voudrais bien men aller au Ciel ! 27 juin Quand je serai au Ciel, je dirai tant de belles choses de ma petite Mre tous les saints, quils auront grande envie de la prendre. Je serai toujours avec ma petite Mre ; je demanderai aux saints de venir avec moi dans les vilaines caves pour la protger, et, sils ne veulent pas, eh bien, jirai toute seule. Cela se rapporte une petite aventure qui mtait arrive ce jour l dans la cave de la sacristie. 29 juin 1 ... Voil ce qui cest pass : Comme jtais pour mourir, les petits anges ont fait toutes sortes de beaux prparatifs pour me recevoir ; mais ils se sont fatigus et endormis. Hlas ! les petits enfants, a dort longtemps ! on ne sait pas quand ils se rveilleront... (Elle nous racontait souvent de petites histoires de ce genre pour nous distraire de ses souffrances dme et de corps.) 2 Que je serai malheureuse au Ciel, si je ne puis faire de petits plaisirs sur la terre ceux que jaime ! 3 Le soir elle sentait davantage son preuve dme et certaines rflexions lui avaient fait de la peine. Elle me dit : Mon me est exile, le Ciel est ferm pour moi et du ct de la terre, cest lpreuve aussi. ... Je vois bien quon ne me croit pas malade, mais cest le bon Dieu qui permet cela.

4 Je serai contente au Ciel si vous composez pour moi de jolis vers ; ils me semble que cela doit faire plaisir aux saints. 30 juin 1 Je lui parlais de certains saints qui ont men une vie extraordinaire, comme St Simon stylite. Elle me dit : Moi, jaime mieux les saints qui nont peur de rien, comme Ste Ccile qui se laisse marier et qui ne craint pas... 2 Mon oncle lavait demande au parloir avec nous et, comme dhabitude elle navait presque rien dit. Comme jtais intimide au parloir avec mon oncle ! En revenant, jai beaucoup grond une novice, je ne me reconnaissais pas. Quels contrastes il y a dans mon caractre ! Ma timidit vient dune gne extrme que jprouve quand on soccupe de moi. 2 juillet 1897 Elle alla pour la dernire fois devant le Saint-Sacrement lOratoire dans laprs midi ; mais elle tait bout de forces. Je la vis regarder lHostie longtemps et je devinais que ctait sans aucune consolation mais avec beaucoup de paix au fond du coeur. Je me rappelle que, le matin aprs la Messe, quand la Communaut se rendait lOratoire pour laction de grces, personne ne pensa la soutenir. Elle marchait prs du mur tout doucement. je nai pas os lui offrir le bras. 3 juillet 1897 1 Une de nos amies tait morte et le docteur de Cornire avait parl devant elle de sa maladie, sorte de tumeur quil navait pu exactement dfinir. Ce cas lintressait vivement au point de vue mdical. Quel dommage, dit-il, que je naie pu faire lautopsie! Elle me dit ensuite : Ah ! Cest comme cela quon est indiffrent les uns pour les autres sur la terre ! Diraiton la mme chose sil sagissait dune mre ou dune soeur ? Oh ! que je voudrais bien men aller de ce triste monde ! 2 Je lui confiais mes penses de tristesse et de dcouragement aprs une faute. ... Vous ne faites pas comme moi. Quand jai commis une faute qui me rend triste, je sais bien que cette tristesse est la consquence de mon infidlit. Mais croyez-vous que jen reste l ? ! Oh ! non, pas si sotte ! Je mempresse de dire au bon Dieu : Mon Dieu, je sais que ce sentiment de tristesse je lai mrit, mais laissez-moi vous loffrir tout de mme, comme une preuve que vous menvoyez par amour. Je regrette mon pch, mais je suis contente davoir cette souffrance vous offrir. 3 Comment se fait-il que vous dsiriez mourir avec votre preuve contre la foi qui ne cesse pas ? Ah ! mais, je crois bien au Voleur ! Cest sur le ciel que tout porte. Comme cest trange et incohrent ! 4 Comme le lait lui faisait mal et quelle ne pouvait prendre autre chose ce moment l, Mr de C. avait indiqu une sorte de lait condens quon devait trouver chez le pharmacien sous le nom de lait maternis . Pour diverses raisons cette ordonnance lui fit de la peine et, quand elle vit arriver les bouteilles, elle se mit pleurer chaudes larmes. Dans laprs midi, elle sentit le besoin de sortir delle-mme et nous dit dun air triste et doux : Jai besoin dune nourriture pour mon me ; lisez-moi une vie de saint. Voulez-vous la vie de St Franois dAssise ? Cela vous distraira quand il parle des petits oiseaux. Non, pas pour me distraire, mais pour avoir des exemples dhumilit. 5 Quand vous serez morte, on vous mettra une palme dans la main.

Oui mais, il faudra que je la lche quand je voudrai, pour donner pleines mains des grces ma petite Mre. Il faudra que je fasse tout ce qui me plaira. 6 (Le soir) Jusquaux saints qui mabandonnent ! Je demandais St Antoine, pendant Matines, de me faire retrouver notre mouchoir que javais perdu. Croyez-vous quil ma exauce ? Il sen est bien guett ! Mais a ne fait rien, je lui ai dit que je laimais bien tout de mme. 7 Pendant Matines, je voyais les toiles briller, puis jentendais loffice, cela me plaisait. (La fentre de sa cellule tait ouverte.) 4 juillet 1 Le bon Dieu ma aide, et jai pris le dessus de ma tristesse au sujet du lait maternis... 2 (Le soir) Notre-Seigneur est mort sur la Croix, dans les angoisses, et voil pourtant la plus belle mort damour. Cest la seule quon ait vue, on na pas vu celle de la Sainte Vierge. Mourir damour, ce nest pas mourir dans les transports. Je vous lavoue franchement, il me semble que cest ce que jprouve. 3 Oh ! comme je pressens que vous allez souffrir ! Quest-ce que cela fait ! la souffrance pourra atteindre des limites extrmes, mais je suis sre que le bon Dieu ne mabandonnera jamais. 4 Jai une grande reconnaissance envers le P. Alexis, il ma fait beaucoup de bien. Le P. Pichon me traitait trop comme une enfant ; cependant il ma fait du bien aussi en me disant que je nai pas commis de pch mortel. 5 juillet 1 Je lui parlais de mes faiblesses, elle me dit : Il marrive bien aussi des faiblesses, mais je men rjouis. Je ne me mets pas toujours non plus au dessus des riens de la terre ; par exemple, je serai taquine dune sottise que jaurai dite ou faite. Alors je rentre en moi-mme et je me dis : Hlas ! jen suis donc encore au mme point comme autrefois ! Mais je me dis cela avec une grande douceur et sans tristesse. Cest si doux de se sentir faible et petit ! 2 Ne soyez pas triste de me voir malade, ma petite Mre, car vous voyez comme le bon Dieu me rend heureuse. Je suis toujours gaie et contente. 3 Aprs avoir regard une image qui reprsente Notre Seigneur avec deux petits enfants dont le plus petit est sur ses genoux et lautre ses pieds, lui baisant la main: Moi je suis ce tout petit qui a grimp sur les genoux de Jsus, qui tire si gentiment sa petite jambe, qui lve sa petite tte et qui le caresse sans rien craindre. Lautre petit ne me plat pas tant. Il se tient comme une grande personne ; on lui a dit quelque chose... il sait quon doit du respect Jsus... 6 juillet 1 Elle venait de cracher le sang. Je lui dis : Vous allez donc nous quitter ?! Mais non ! Mr lAbb ma dit : Vous aurez un grand sacrifice faire en quittant vos soeurs. Je lui ai rpondu : Mais, mon Pre, je trouve que je ne les quitterai pas; au contraire, je serai encore plus prs delles aprs ma mort. 2 Je pense que pour ma mort, ce sera la mme patience avoir que pour les autres grands vnements de ma vie. Regardez : je suis entre jeune au Carmel, et pourtant, aprs que tout a t dcid, il a fallu attendre 3 mois ; pour ma prise dHabit, la mme chose ; pour

ma Profession, la mme chose encore. Eh bien, pour ma mort, il en sera de mme, elle arrivera bientt, mais il faudra encore attendre. 3 Quand je serai au Ciel, je mavancerai vers le bon Dieu, comme la petite nice de Sr Elisabeth devant la grille du parloir - Vous savez, quand elle rcitait son compliment et finissait par une rvrence en levant les bras et disant : Le bonheur pour tous ceux que jaime. Le bon Dieu me dira : Quest-ce que tu veux ma petite fille? Et je rpondrai : Le bonheur pour tous ceux que jaime. Je ferai de mme devant tous les saints. Vous tes bien gaie aujourdhui, on sent que vous voyez le Voleur. Oui, chaque fois que je suis plus malade, je le revois. Mais quand mme je ne le verrais pas, je laime tant que je suis toujours contente de ce quil fait. Je ne laimerais pas moins sil ne venait pas me voler, au contraire... Quand il me trompe, je lui fais toutes sortes de compliments, il ne sait plus comment faire avec moi. 4 Jai lu un beau passage dans les Rflexions de lImitations. Cest une pense de M. de Lamennais - tant pis ! - cest beau tout de mme. (Elle croyait et nous aussi que cet abb de Lamennais tait mort dans limpnitence.) Notre Seigneur au Jardin des Oliviers jouissait de toutes les dlices de la Trinit, et pourtant son agonie nen tait pas moins cruelle. Cest un mystre, mais je vous assure que jen comprends quelque chose par ce que jprouve moi-mme. 5 Je mettais une lampe devant la Vierge du Sourire pour obtenir quelle ne continue pas cracher le sang. Vous ne vous rjouissez donc pas que je meure ! Ah ! pour me rjouir, moi, il aurait fallu que je continue cracher le sang. Mais cest fini pour aujourdhui ! 6 8 heures .- Je lui apportais sa lampe quon avait oubli de lui monter. Je lui avais rendu dautres petits services. Elle se montra trs touche et me dit : Vous avez toujours agi ainsi avec moi... Je ne puis vous dire ma reconnaissance. En essuyant ses larmes : Je pleure, parce que je suis trop touche de ce que vous avez fait pour moi depuis mon enfance. Oh ! tout ce que je vous dois ! Mais quand je serai au Ciel, je dirai la vrit, je dirai aux Saints : Cest ma petite Mre qui ma donn tout ce qui vous plat en moi. 7 Quand donc viendra le Jugement dernier ? Oh ! que je voudrais bien tre ce moment l ! Et quest-ce quil y aura aprs ? !... 8 Je fais beaucoup de petits sacrifices... 7 juillet 1 Aprs avoir encore crach le sang : Bb va bientt aller voir le bon Dieu... Avez-vous peur de la mort maintenant que vous la voyez de si prs ? Ah ! de moins en moins ! Avez-vous peur du Voleur ? Cette fois il est la porte ! Non, il nest pas la porte, il est entr. Mais quest-ce que vous dites, ma petite Mre ! Si jai peur du Voleur ! Comment voulez-vous que jaie peur de quelquun que jaime tant ? ! 2 Je lui demandai de me raconter encore ce qui lui tait arriv aprs son offrande lAmour. Elle me dit dabord : Ma petite mre, je vous lai confi le jour mme ; mais vous ny avez pas fait attention. (En effet, javais eu lair de ny attacher aucune importance.) Eh bien, je commenais mon Chemin de Croix, et voil que tout--coup, jai t prise dun si violent amour pour le bon Dieu que je ne puis expliquer cela quen disant que ctait

comme si on mavait plonge tout entire dans le feu. Oh ! quel feu et quelle douceur en mme temps ! Je brlais damour et je sentais quune minute, une seconde de plus, je naurais pu supporter cette ardeur sans mourir. Jai compris alors ce que disent les saints de ces tats quils ont expriments si souvent. Pour moi, je ne lai prouv quune fois et quun seul instant, puis je suis retombe aussitt dans ma scheresse habituelle. Un peu plus tard : Ds lge de 14 ans, javais bien aussi des assauts damour ; ah ! que jaimais le bon Dieu ! Mais ce ntait pas du tout comme aprs mon offrande lAmour, ce ntait pas une vraie flamme qui me brlait. 3 Cette parole de Job : Quand mme Dieu me tuerait jesprerais encore en lui, ma ravie ds mon enfance. Mais jai t longtemps avant de mtablir ce degr dabandon. Maintenant jy suis ; le bon Dieu my a mise, il ma prise dans ses bras et ma pose l... 4 Je lui demandais de dire quelques paroles ddification et damabilit M. de Cornire. Ah ! ma petite Mre, ce nest pas mon petit genre... Que Mr de Cornire pense ce quil voudra. Je naime que la simplicit, jai horreur de la feintise. Je vous assure que, de faire comme vous dsirez, ce serait mal de ma part. 5 Enfin, je me fais leffet dtre tout fait malade. Je noublierai jamais la scne de ce matin pendant que je crachais le sang ; M. de Cornire avait lair constern. 6 Voyez, cest pour vous que le bon Dieu me traite si doucement. Point de vsicatoire, rien que des remdes doux. Je souffre, mais ce nest pas en crier. Arps un moment, dun air malin : Pourtant, Il nous a envoy des preuves crier... et nous navons pas cri quand mme... (Elle faisait allusion notre grande preuve de famille.) Quant aux remdes doux, ils ne le furent pas toujours et ses souffrances devinrent terribles. 7 Je suis comme un pauvre petit loup gris qui a bien envie de retourner dans sa fort et quon force habiter dans les maisons. (Notre bon pre, aux Buissonnets lappelait quelquefois mon petit loup gris .) 8 Je viens de voir sur le mur un petit moineau qui attendait patiemment en jetant de temps en temps un petit cri dappel, que ses parents viennent le chercher et lui donner la becque, jai pens que je lui ressemblais. 9 Je lui disais que jaimais bien les compliments : Je men souviendrai au Ciel... 8 juillet 1 Elle tait si malade quon parlait de lExtrme-Onction. Ce jour l on la descendit de sa cellule linfirmerie. elle ne pouvait plus se soutenir, il fallut la porter. Etant encore dans sa cellule et voyant quon songeait lui donner lExtrme-Onction, elle dit dun ton de joyeuse surprise : Il me semble que je rve !... Enfin, ils ne sont pas fous... (M. lAbb Youf et M. de Cornire.) Je nai peur que dune chose, cest que a change. 2 Elle voulut chercher avec moi les pchs quelle pouvait avoir commis par ses sens afin de sen accuser avant lExtrme-Onction. Nous en tions lodorat, elle me dit : Je me rappelle qu mon dernier voyage dAlenon Lisieux, je me suis servie dune bouteille deau de Cologne que Mme Tifenne mavait donne et ctait avec plaisir. 3 Nous voulions toutes lui parler.

Beaucoup de monde qui a quelque chose dire ! 4 Elle tait dbordante de joie et sefforait de nous la communiquer. Si, quand je serai au Ciel, je ne peux pas venir vous faire des petites joueries sur la terre, jirai pleurer dans un petit toin. 5 A moi : Vous avez le nez long, il vous en sentira bon plus tard... 6 Regardant ses mains amaigries : a devient dj squelette, vl cqui magre. 7 Vous ne savez pas : je vais bientt tre une moribonde. ... a me fait leffet dun mt de Cocagne ; jai fait plus dune glissade, puis, tout coup me voil rendue en haut ! 8 Jaime mieux tre rduite en poudre que dtre conserve comme Ste Catherine de Bologne. Je ne connais que St Crispin qui soit sorti du tombeau avec honneur. Le corps de ce saint est admirablement conserv son Couvent des Franciscains de Rome. 9 Se parlant elle-mme : Cest quelque chose que dtre l agoniser !... Quest-ce que a fait aprs tout ! jai bien t quelquefois agonise de sottises... 10 Dun air srieux et doux, je ne me rappelle plus quelle occasion, mais je sais quelle avait t incomprise : La Sainte Vierge a bien fait de garder toute chose dans son petit coeur... On ne peut pas men vouloir de faire comme elle... 11 Les petits anges se sont beaucoup amuss me jouer de petites farces... Ils se sont tous exercs me cacher la lumire qui me montrait ma fin prochaine. Ont-ils cach la Ste Vierge aussi ? Non, la Sainte Vierge ne sera jamais cache pour moi, car je laime trop. 12 Je dsire beaucoup lExtrme-Onction, tant pis si on se moque de moi aprs. (Si elle revenait la sant, car elle savait que certaines soeurs ne la trouvaient pas en danger de mort.) 13 Oh ! certainement que je pleurerai en voyant le bon Dieu !... Non, pourtant, on ne peut pas pleurer au Ciel... Mais si, puisquil a dit : Jessuierai toutes les larmes de vos yeux. 14 Je vous offre mes petits fruits de joie tels que le bon Dieu me les donne. Au Ciel jobtiendrai beaucoup de grces pour ceux qui mont fait du bien. Pour la petite Mre, tout. Tout ne pourra mme pas vous servir, il y en aura beaucoup pour vous jouir. 15 Si vous saviez comme le bon Dieu sera doux pour moi ! Mais sil est un tout petit peu pas doux, je le trouverai doux encore... Si je vais en Purgatoire, je serai trs contente ; je ferai comme les trois hbreux dans la fournaise, je me promnerai dans les flammes en chantant le cantique de lAmour. Oh ! que je serais heureuse, si en allant en purgatoire, je pouvais dlivrer dautres mes, souffrir leur place, car alors je ferais du bien, je dlivrerais les captifs. 16 Elle me prvint que, plus tard, un grand nombre de jeunes prtres, sachant quelle a t donne comme soeur spirituelle deux missionnaires, demanderont ici la mme faveur. Elle mavertit que cela pourrait devenir un grand danger. Nimporte laquelle crirait ce que jcris et recevrait les mmes compliments, la mme confiance. Cest par la prire et le sacrifice que nous pouvons seulement tre utiles

lEglise. La correspondance doit tre trs rare et il ne faut pas la permettre du tout certaines religieuse qui en seraient proccupes, croiraient faire des merveilles, et ne feraient en ralit que blesser leur me et tomber peut-tre dans les piges subtils du dmon. Insistant davantage : Ma Mre, ce que je viens de vous dire est bien important, je vous en prie ne loubliez pas plus tard. Au Carmel, il ne faut pas faire de la fausse monnaie pour acheter des mes... Et souvent les belles paroles quon crit et les belles paroles quon reoit sont un change de fausse monnaie. 17 Pour nous faire rire : Je voudrais tre mise dans une petite bote Gennin, pas dans la bire. Elle jouait sur le mot bire . On avait envoy au Carmel de jolies fleurs artificielles dans des botes longues et trs bien conditionnes, de la Maison Gennin Paris. 18 ... a rend si bon davoir de la peine, a porte tre rgulire et charitable. 9 juillet 1 Elle ne voulait pas de tristesse autour delle, ni chez mon oncle. Je veux quils fassent tous la noce la Musse. Moi je fais la noce spirituelle toute la journe. Elle nest pas gaie cette noce-l. Moi, je la trouve trs gaie. 2 Ma Soeur Genevive aura besoin de moi... Mais du reste, je reviendrai. 3 Aprs la visite de Notre Pre, je lui fis la rflexion quelle ne sy tait pas bien prise pour obtenir dtre administre, quelle navait plus lair du tout malade quand elle recevait des visites. Je ne connais pas le mtier ! 4 ... Voudrais men aller !... 5 Vous mourrez sans doute le 16 Juillet, fte de N.D. du M.Carmel, ou le 6 Aot, fte de la Sainte Face. Mangez des dattes tant que vous voudrez, moi je ne veux plus en manger... Jai t trop attrape par les dates. 6 ... Pourquoi serais-je plus labri quune autre davoir peur de la mort ? Je ne dis pas comme St Pierre : Je ne vous renoncerai jamais. 7 On parlait de la sainte pauvret : Sainte Pauvret ! Que cest drle une sainte qui nira pas dans le Ciel ! 8 Javais eu de la peine : Mon amour devrait vous consoler. A celles qui taient prsentes : Je vais marranger de ma petite Mre. Le soir, moi seule : ... Oh ! allez, je ne my trompe pas, je sais bien que tout ce que vous faites pour moi, cest par amour... 9 On avait pris une souris dans son infirmerie ; elle nous fit toute une histoire, nous demandant de lui apporter la souris blesse, quelle la coucherait ct delle et la ferait ausculter par le docteur. Nous riions de bon coeur et elle tait contente de nous avoir distraites.

10 juillet 1 ... Les petits enfants, a ne se damne pas. 2 Ce que vous avez crit pourrait bien aller un jour jusquau Saint Pre. Riant : Et nunc et semper ! 3 Me montrant dun geste enfantin limage de la Sainte Vierge allaitant le petit Jsus : Y a que a qui est du bon lolo, faut le dire M. de Cornire. 4 Ctait le samedi et elle avait crach le sang minuit. Le Voleur, il a rendu sa maman voleuse... Alors elle est venue minuit forcer le Voleur se dcacher ; ou bien elle est venue toute seule, si le Voleur na pas voulu venir. 5 On ne me prolongera pas une minute de plus que le Voleur ne veut. 6 moi seule Vous vous faites beaucoup trop de peine pour des affaires qui nen valent pas la peine. 7 souriant ... Quand vous avez fait quque chose comme a, cquest encore trs vilain, cest que vous craignez trop les consquences... 8 Vous tes comme un petit oiseau craintif qui na jamais vcu parmi les hommes, vous avez toujours peur dtre prise. Moi, je nai jamais craint personne ; je suis toujours alle o jai voulu... Jaurais plutt fil entre leurs jambes... 9 En tenant son Crucifix aprs lavoir bais 3 heures, elle faisait semblant de vouloir ter la couronne et les clous. 10 Revenant sur laccident de la nuit, elle dit dune faon charmante : regardant limage de la Vierge-Mre attache au fond de son lit sur le rideau : La Sainte Vierge nest pas voleuse de nature... mais depuis quelle a eu son Fils, il lui a appris le mtier... Aprs une pause : Pourtant le petit Jsus est encore trop petit pour avoir ces ides l... Il ne pense gure voler sur le sein de sa Mre... Si ! il y pense dj, i sait bien qui viendra me voler. A quel ge ? A 24 ans. 11 On parlait de la mort et des contractions qui se produisent souvent ce moment l sur le visage . Elle reprit : Si a arrive pour moi, ne vous attristez pas, car aussitt aprs je ne ferai plus que des sourires. Ma Soeur Genevive regardait le couvercle dune bote de baptme disant que la jolie tte quelle y voyait lui servirait de modle pour une tte dange. Notre petite Thrse eut envie de la voir, mais personne ne pensa la lui montrer et elle ne demanda rien. Je sus cela plus tard. 12 Que faudra-t-il que je pense en regardant la fentre de votre cellule quand vous aurez quitt la terre ? Jaurai le coeur bien gros. Ah ! Vous penserez que je suis bien heureuse, que l jai beaucoup lutt et souffert... Jaurais t contente dy mourir. 13 (Pendant Matines.)

Il lui vient la pense quelle nest pas srieusement malade, que le docteur se trompe sur son tat. Elle me confie ses preuves et ajoute: Si mon me ntait pas toute remplie davance par labandon la volont du bon Dieu, sil fallait quelle se laisse submerger par les sentiments de joie ou de tristesse qui se succdent si vite sur la terre, ce serait un flot de douleur bien amer et je ne pourrais le supporter. Mais ces alternatives ne touchent que la surface de mon me... Ah ! ce sont pourtant de grandes preuves ! 14 Jcrois qucest pas la Sainte Vierge qui me joue ces tours l !... Elle est force par le bon Dieu ! alors... Il lui dit de mprouver afin que je lui donne plus de tmoignages dabandon et damour. 15 moi seule ... Vous tes toujours l, pour me consoler... Vous remplissez de douceur mes derniers jours. 11 juillet 1 Elle rcite toute la strophe : Puisque le Fils de Dieu a voulu que sa Mre Ft soumise la nuit, langoisse du coeur, Alors, cest donc un bien de souffrir sur la terre ? etc. . . . . . . . .. . . . . . . . . . Vous ne voyez donc plus la Voleuse ? Mais si, je la vois ! Vous ne comprenez pas ! Elle est bien libre de ne pas me voler... Ah ! jai regard ma droite... et il ny a personne qui me connaisse... le bon Dieu seul peut me comprendre. 2 Pendant Matines Elle me parla de ses oraisons dautrefois, le soir pendant le silence dt, et me dit avoir compris alors par exprience ce que cest quun vol desprit . Elle me parla dune autre grce de ce genre reue dans la grotte de Ste Madeleine, au mois de juillet 1889, grce qui fut suivie de plusieurs jours de quitude. ... Il y avait comme un voile jet pour moi sur toutes les choses de la terre... Jtais entirement cache sous le voile de la Sainte Vierge. En ce temps l, on mavait charge du rfectoire et je me rappelle que je faisais les choses comme ne les faisant pas, ctait comme si on mavait prt un corps. Je suis reste ainsi pendant une semaine entire. 3 Je lui parlais de manuscrit de sa Vie, du bien quil ferait aux mes. ... Mais comme on verra bien que tout vient du bon Dieu ; et ce que jen aurai de gloire, ce sera un don gratuit qui ne mappartiendra pas ; tout le monde le verra bien... 4 Elle me parla de la Communion des Saints et mexpliqua comment les biens des uns seront les biens des autres. ... Comme une mre est fire de ses enfants, ainsi le serons-nous les uns des autres sans la moindre jalousie. 5 Hlas ! comme jai peu vcu ! La vie ma toujours sembl trs courte. Mes jours denfance, il me semble que ctait hier. 6 On pourrait croire que cest parce que je nai pas pch que jai une confiance si grande dans le bon Dieu. Dites bien, ma Mre, que, si javais commis tous les crimes possibles, jaurais toujours la mme confiance, je sens que toute cette multitude doffenses serait comme une goutte deau jete dans un brasier ardent. Vous raconterez ensuite lhistoire de la pcheresse convertie qui est morte damour ; les mes comprendront tout de suite, car cest un exemple si frappant de ce que je voudrais dire, mais ces choses ne peuvent sexprimer. 7 Dans la soire, elle rpta ces vers de La jeune poitrinaire je crois. Elle le fit avec

un air si doux... ... Mes jours sont condamns, je vais quitter la terre Je vais vous dire adieu sans espoir de retour ; Vous qui mavez aim, bel Ange tutlaire, Laissez tomber sur moi vos doux regards damour. Quand vous verrez tomber, tomber les feuilles mortes Si vous mavez aim, vous prierez Dieu pour moi. 8 ... Trs grande paix dans mon me... Ma petite barque est remise flot. Je sais que je nen reviendrai pas, mais je suis rsigne rester malade plusieurs mois, tant que le bon Dieu voudra. 9 Comme le bon Dieu vous a favorise ! Quest-ce que vous pensez de cette prdilection? Je pense que lEsprit de Dieu souffle o il veut. 12 juillet 1 Elle me raconta quautrefois elle avait eu subir un rude combat propos dune veilleuse prparer pour la famille de Mre Marie de Gonzague qui venait darriver inopinment pour coucher chez les soeurs tourires. La lutte tait si violente et il lui venait de telles penses contre lautorit, que, pour ne pas y succomber elle dut implorer avec instance le secours du bon Dieu. En mme temps, elle sappliqua de son mieux ce qui lui avait t demand. Ctait pendant le silence du soir. Elle tait portire et Sr St Rapahl tait sa premire demploi. Pour me vaincre, je pensai que je prparais la veilleuse pour la Ste Vierge et lEnfantJsus ; alors je le faisais avec un soin incroyable, ny laissant aucun grain de poussire, et peu peu jai senti un grand apaisement et une grande douceur. Matines sonnrent et je ne pus y aller de suite, mais je me sentais dans une telle disposition, javais reu une telle grce que si ma Sr St Raphal tait venue et mavait dit, par exemple, que je mtais trompe de lampe, quil fallait en prparer une autre, cest avec bonheur que je lui aurais obi. A partir de ce jour, jai pris la rsolution de ne jamais considrer si les choses commandes me paraissaient utiles ou non. 2 Sr Marie de lEucharistie disait que jtaits admirable... ... Mre admirable ! Oh ! non, plutt Mre aimable, parce que lamour vaut mieux que ladmiration. 3 A Mre Marie de Gonzague: Rien ne tient aux mains. Tout ce que jai, tout ce que je gagne, cest pour lEglise et les mes. Que je vive jusqu 80 ans, je serai toujours aussi pauvre. 13 juillet 1 Je vois bien quil faudra que je veille aux fruits quand je serai au Ciel, mais faudra pas tuer les petits oiseaux, ou bien, on ne vous enverra pas daumnes. Brandisant le bras gentiment vers limage du petit Jsus : Oui, oui !... 2 Il faudra que le bon Dieu fasse toutes mes volonts au Ciel, parce que je nai jamais fait ma volont sur la terre. 3 Vous nous regarderez du haut du Ciel nest-ce pas ? Non, je descendrai ! 4 Pendant la nuit elle avait compos le couplet pour la Communion : Toi qui connais, etc. A ce propos, elle me dit : Je lai compos bien facilement, cest extraordinaire ; je croyais que je ne pouvais plus faire de vers.

5 Je ne dis pas : Sil est dur de vivre au Carmel, il est doux dy mourir mais : Sil est doux de vivre au Carmel, il est encore plus doux dy mourir. 6 Le mdecin lavait trouve mieux qu lordinaire. Tenant ensuite son ct dont elle souffrait beaucoup : Oui, oui, a va mieux qu lordinaire !... 7 Il me semblait quelle avait le coeur gros, malgr son air gai et content et je lui dis : Cest pour ne pas nous attrister que vous prenez cet air et dites des paroles gaies, nest-ce pas ? ... Jagis toujours sans feintise... 8 On lui offrait du vin de Baudon. Je ne veux plus du vin de la terre... je veux boire du vin nouveau dans le royaume de mon Pre. 9 ... Quand ma Sr Genevive venait au parloir, je ne pouvais pas lui dire en une demiheure tout ce que jaurais voulu. Alors, dans la semaine, quand javais une lumire ou bien si je regrettais davoir oubli de lui dire quelque chose, je demandais au bon Dieu de lui faire savoir et comprendre ce que je pensais, et, au prochain parloir, elle me disait juste ce que javais demand au bon Dieu de lui faire savoir. ... Au commencement, quand elle avait de la peine et que je navais pu russir la consoler, je men allais le coeur navr, mais je compris bientt que ce ntait pas moi qui pouvais consoler une me ; et alors je navais plus de chagrin quand elle tait partie toute triste. Je demandais au bon Dieu de suppler mon impuissance et je sentais quil mexauait ; je men rendais compte au parloir daprs... Depuis ce temps l, quand jai fait de la peine involontairement, je demande au bon Dieu de rparer cela et je ne me tourmente plus. 10 Je vous demande de faire un acte damour au bon Dieu et une invocation tous les saints ; ils sont tous mes petits parents l haut. 11 ... Je dsire quon machte trois petits sauvages : un petit Marie-Louis-Martin, un petit Marie-Thophane ; une petite fille entre les deux qui sappelle Marie-Ccile. Aprs un moment : Une petite Marie-Thrse en plus. (Au lieu de laisser dpenser de largent pour acheter des couronnes aprs sa mort.) 12 Elle me parla encore de la Communion des Saints. ... Avec les vierges, nous serons comme les vierges ; avec les docteurs comme les docteurs ; avec les martyrs comme les martyrs, parce que tous les Saints sont nos parents ; mais ceux qui auront suivi la voie denfance spirituelle garderont toujours les charmes de lenfance. (Elle me dveloppa ces penses) 13 ... Depuis mon enfance, le bon Dieu ma donn le sentiment profond que je mourrais jeune. 14 ...En me regardant avec tendresse : Vous avez un figure !... pis... vous laurez toujours... Je vous reconnatrai bien, allez ! 15 Le bon Dieu ma toujours fait dsirer ce quil voulait me donner. 16 A nous trois : Ne croyez pas que lorsque je serai au Ciel je vous ferai tomber des alouettes rties dans le bec... Ce nest pas ce que jai eu ni ce que jai dsir avoir. Vous aurez peut-tre de

grandes preuves, mais je vous enverrai des lumires qui vous les feront apprcier et aimer. Vous serez obliges de dire comme moi : Seigneur, vous nous comblez de joie par tout ce que vous faites. 17 Ne vous figurez pas que jprouve pour mourir une joie vive, comme par exemple jen prouvais autrefois daller passer un mois Trouville ou Alenon ; je ne sais plus ce que cest que les joies vives. Dailleurs je ne me fais pas une fte de jouir, ce nest pas cela qui mattire. Je ne puis pas penser beaucoup au bonheur qui mattend au Ciel ; une seule attente fait battre mon coeur, cest lamour que je recevrai et celui que je pourrai donner. Et puis je pense tout le bien que je voudrais faire aprs ma mort : faire baptiser les petits enfants, aider les prtres, les missionnaires, toute lEglise... ... mais dabord consoler mes petites soeurs... ... Ce soir jentendais une musique dans le lointain et je pensais que bientt jentendrais des mlodies incomparables, mais ce sentiment de joie na t que passager. 18 Je lui demandais de me prciser ses emplois au Carmel. Ds mon entre au Carmel, jai t mise la lingerie avec Mre Sous-prieure (Sr Marie des Anges), javais de plus lescalier et le dortoir balayer. ... Je me rappelle que cela me cotait beaucoup de demander Notre Matresse de faire des mortifications au rfectoire, mais je nai jamais cd mes rpugnances, il me semblait que le crucifix du prau que je voyais par la fentre de la lingerie se tournait vers moi pour me demander ce sacrifice. Cest cette poque que jallais arracher de lherbe 4 h. , ce qui mcontentait Notre Mre. Aprs ma prise dhabit, jai t mise au rfectoire jusqu lge de 18 ans, je le balayais et je mettais leau et la bire. Aux Quarante-Heures en 1891, jai t mise la sacristie avec ma Sr St Stanislas. A partir du mois de juin de lanne suivante, je suis reste deux mois sans emploi, cest--dire que pendant ce temps, jai peint les anges de loratoire et jai t tierce de la dpositaire. Aprs ces deux mois jai t mise au tour avec ma Sr St Raphal, tout en gardant la peinture. Ces deux emplois jusquaux lections de 1896 o jai demand daider ma Sr M. de St Joseph la lingerie, dans les circonstances que vous savez... Elle me raconta ensuite comme on la trouvait lente, peu dvoue dans les emplois, que moi-mme je le crus ; et, en effet nous nous rappelmes ensemble combien je la grondai fort pour une nappe du rfectoire quelle avait garde longtemps dans son panier sans la raccommoder. Je laccusais de ngligence et je me trompais, car cest le temps qui lui avait manqu. Cette fois, sans sexcuser du tout, elle avait beaucoup pleur, me voyant attriste et trs mcontente... Est-ce possible !!! Elle me dit encore ce quelle avait souffert au rfectoire avec moi (jtais sa premire demploi alors) ne pouvant me dire ses petites affaires comme autrefois, parce quelle nen avait pas la permission, et pour dautres raisons... Si bien que vous en tiez venue ne plus me connatre ajouta-t-elle. Elle me parla de la violence quelle se faisait pour enlever les toiles daraignes du trou noir de St Alexis sous lescalier (elle avait horreur des araignes) et mille autres dtails qui me prouvaient combien elle avait t fidle en tout et ce quelle avait souffert sans que personne ne sen doute. 14 juillet 1 Jai lu autrefois que les Isralites btirent les murs de Jrusalem, travaillant dune main et tenant une pe de lautre. Cest cela que nous devons faire : ne point nous livrer entirement louvrage... etc. 2 Si javais t riche, il maurait t impossible de voir un pauvre ayant faim sans lui donner aussitt de mes biens. Ainsi mesure que je gagne quelque trsor spirituel, sentant quau mme instant des mes sont en danger de se perdre et de tomber en enfer, je leur donne tout ce que je possde, et je nai pas encore trouv un moment pour me dire : Maintenant je vais travailler pour moi.

3 Elle se mit rpter avec un air et un accent clestes la strophe de Rappelle-toi qui commence par ces mots: Rappelle-toi que ta volont sainte Est mon repos, mon unique bonheur. 4 Ce nest pas la peine que a paraisse (mourir damour) pourvu que ce soit ! 5 Toujours ce que le bon Dieu ma donn ma plu, au point que sil mavait donn choisir, cest cela que jaurai choisi, mme les choses qui me paraissent moins bonne et moins belles que celles que les autres avaient. 6 Oh ! quel poison de louanges jai vu servir la Mre Prieure ! Comme il faut quune me soit dtache et leve au dessus delle-mme pour ne pas en prouver de mal ! 7 Dans sa visite, le docteur avait redonn un peu despoir, mais elle nen prouva plus de peine et nous dit : Jy suis habitue maintenant ! Mais quest-ce que cela me fait de rester longtemps malade ! Cest pour vous pargner des angoisses que je dsirerais que cela soit vite fait. 8 Oh ! je vous aime beaucoup, ma petite Mre ! 9 Mon coeur est plein de la volont du bon Dieu, aussi, quand on verse quelque chose par dessus, cela ne pntre pas lintrieur ; cest un rien qui glisse facilement, comme lhuile qui ne peut se mlanger avec leau. Je reste toujours au fond dans une paix profonde que rien ne peut troubler. 10 En regardant ses mains amaigries : Oh ! que jprouve de joie me voir me dtruire ! 15 juillet 1 Vous mourrez peut-tre demain, (fte de N.D. du Mont Carmel)aprs la communion. Oh ! cela ne ressemblerait pas me petite voie. Jen sortirais donc pour mourir ? Mourir damour aprs la Communion, cest trop beau pour moi ; les petites mes ne pourraient imiter cela. Pourvu seulement quil ne marrive pas daccident demain matin ! Cest des affaires de ce genre l qui peuvent marriver moi : Impossible de me donner la Communion, le bon Dieu oblig de sen retourner ; voyez-vous cela ! 2 Elle me parla du Bx Thophane Vnard qui navait pu recevoir la Sainte Communion au moment de sa mort, et poussa un profond soupir... 3 Nous avions fait des prparatifs pour sa Communion du lendemain. Le neveu de Sr M. Philomne devait entrer aprs sa premire Messe au Carmel pour lui donner la Communion ; mais la voyant plus malade, nous avions peur dun crachement de sang aprs minuit et lui demandions de prier afin que rien de fcheux ne vienne entraver nos projets. Elle rpondit : Vous savez bien que moi, je ne peux pas demander... mais vous demandez-le pour moi... Enfin, ce soir, je le demandais tout de mme au bon Dieu pour faire plaisir mes petites soeurs, pour que la Communaut nait pas de dception, mais au fond je lui dis tout le contraire, je lui dis de faire tout ce quil voudra... 4 En nous voyant orner linfirmerie : Ah ! comme on se donne de mal pour apprter tout ce quil faut ! Comme cest bien les ftes de la terre ! Aux petites premires communiantes, on apporte leur belle robe blanche le matin, elles nont plus qu sen revtir ; toute la peine quon a prise pour elles leur est cache, elles nont que de la joie. Ce nest plus la mme chose quand on grandit...

5 Elle me raconta le trait suivant dont le souvenir lui restait comme une grce : Sr Marie de lEucharistie voulait allumer les cierges pour une procession ; elle navait pas dallumette, mais voyant la petite lampe qui brle devant les reliques, elle sen approche. Hlas ! elle la trouve demi teinte, il ne reste plus quun faible lueur sur la mche carbonise. Elle russit cependant allumer son cierge et, par ce cierge, tous ceux de la Communaut se trouvrent allums. Cest donc cette petite lampe demi teinte qui a produit ces belles flammes qui, leur tour, peuvent en produire une infinit dautres et mme embraser lunivers. Pourtant ce serait toujours la petite lampe quon devrait la premire cause de cet embrasement. Comment les belles flammes pourraient-elles se glorifier, sachant cela, davoir fait un incendie pareil, puisquelles nont t allumes que par correspondance avec la petite tincelle ?... Il en est de mme pour la Communion des Saints. Souvent, sans le savoir, les grces et les lumires que nous recevons sont dues une me cache, parce que le bon Dieu veut que les Saints se communiquent les uns aux autres la grce par la prire, afin quau Ciel ils saiment dun grand amour, dun amour bien plus grand encore que celui de la famille, mme la famille la plus idale de la terre. Combien de fois ai-je pens que je pouvais devoir toutes les grces que jai reues aux prires dune me qui maurait demande au bon Dieu et que je ne connatrai quau Ciel. Oui, une toute petite tincelle pourra faire natre de grandes lumires dans toute lEglise, comme des docteurs et des martyrs qui seront sans doute bien au dessus delle au Ciel ; mais comment pourrait-on penser que leur gloire ne deviendra pas la sienne ? .......... Au Ciel on ne rencontrera pas de regards indiffrents, parce que tous les lus reconnatront quils se doivent entre eux les grces qui leur ont mrit la couronne. (La conversation tait trop longue je nai pu prendre tout, ni le mot mot.) 16 juillet 1 - Jai peur que pour mourir vous souffriez beaucoup... - Pourquoi avez-vous peur davance ? attendez au moins que cela arrive pour avoir de la peine. Voyez-vous que je me mette me tourmenter en pensant que sil survient des perscutions et des massacres, comme cest prdit, on vous arrachera peut-tre les yeux ! 2 Javais fait le complet sacrifice de Sr Genevive, mais je ne puis pas dire que je ne la dsirais plus. Bien souvent lt, pendant lheure du silence avant Matines, tant assise sur la terrasse, je me disais : Ah ! si ma Cline tait l prs de moi ! Mais non ! ce serait un trop grand bonheur pour la terre ! ... Et cela me semblait un rve irralisable. Pourtant ce ntait point par nature que je dsirais ce bonheur, ctait pour son me, pour quelle marche par notre voie... Et quand je lai vue entrer ici, et non seulement entrer, mais donne moi compltement pour linstruire de toutes choses ; quand jai vu que le bon Dieu faisait cela, dpassant ainsi mes dsirs, jai compris quelle immensit damour il a pour moi... ... Eh bien, ma petite Mre, si un dsir peine exprim est ainsi combl, il est donc impossible que tous mes grands dsirs dont je parle si souvent au bon Dieu ne soient pas compltement exaucs. 3 Elle me rpta dun air convaincu cette parole quelle avait lue dans les Petites Fleurs, livre de lAbb Bourb. Les saints des derniers temps surpasseront autant ceux des premiers que les cdres surpassent les autres arbres. 4 Vous connaissez tous les replis de ma petite me, vous seule... 5 Dun air denfant qui a une gentille malice en tte : Je voudrais vous donner un tmoignage damour que personne ne vous ait jamais donn... Je me demandais ce quelle allait faire... Et voil que [Mre Agns a gratt la suite !]

6* Si le bon Dieu me disait : Si tu meurs maintenant, tu auras une trs grande gloire ; si tu meurs 80 ans, la gloire sera bien moins grande, mais cela me fera beaucoup plus de plaisir. Oh ! alors je nhsiterais pas rpondre : Mon Dieu, je veux mourir 80 ans, car je ne cherche pas ma gloire, mais seulement votre plaisir. Les grands saints ont travaill pour la gloire du bon Dieu, mais moi qui ne suis quune toute petite me, je travaille pour son unique plaisir, et je serais heureuse de supporter les plus grandes souffrances, quand ce ne serait que pour le faire sourire mme une seule fois. 17 juillet Samedi - A 2 heures du matin elle avait crach le sang. Je sens que je vais entrer dans le repos... Mais je sens surtout que ma mission va commencer, ma mission de faire aimer le bon Dieu comme je laime, de donner ma petite voie aux mes. Si le bon Dieu exauce mes dsirs, mon Ciel se passera sur la terre jusqu la fin du monde. Oui, je veux passer mon Ciel faire du bien sur la terre. Ce nest pas impossible, puisquau sein mme de la vision batifique, les Anges veillent sur nous. Je ne puis pas me faire une fte de jouir, je ne peux pas me reposer tant quil y aura des mes sauver... Mais lorsque lAnge aura dit : Le temps nest plus! alors je me reposerai, je pourrai jouir, parce que le nombre des lus sera complet et que tous seront entrs dans le joie et le repos. Mon coeur tressaille cette pense... 18 juillet 1 ... Le bon Dieu ne me donnerait pas ce dsir de faire du bien sur la terre aprs ma mort, sil ne voulait pas le raliser ; il me donnerait plutt le dsir de me reposer en lui. 2 Je nai que des incommodits supporter, pas des souffrances. 19 juillet 1 - Je vais aller arroser ce soir. (Ctait au commencement de la rcration) ... Mais... faudrait bien aussi que vous marrosiez ! - Quest-ce que vous tes ? - Je suis une petite graine, on ne sait pas encore ce qui en sortira... 2 Javais bien envie tantt de demander Sr Marie du S.C. qui revenait du parloir Mr Youf, ce quil avait dit de mon tat aprs sa visite. Je pensais en moi-mme : Cela va peuttre me faire du bien, me consoler de le savoir ; mais, en rflchissant, je me suis dit : Non, cest de la curiosit, je ne veux rien faire pour le savoir ; puisque le bon Dieu ne permet pas quelle me le dise delle-mme, cest signe quil ne veut pas que je le sache. Et jai vit de ramener la conversation sur ce sujet, de peur que ma Sr Marie du Sacr Coeur ne me le dise comme forcment ; je naurais pas t heureuse... 3 Elle me dit quelle stait recherche en essuyant son visage une fois de plus quil ntait ncessaire, pour que Sr Marie du S.C. saperoive quelle transpirait beaucoup. 20 juillet 1 (Le matin 3 heures, elle avait crach le sang.) Quauriez-vous fait si lune de nous avait t malade votre place ? Seriez-vous venue linfirmerie pendant les rcrations ? - Jaurais t tout droit la rcration sans demander aucune nouvelle, mais jaurais fait cela bien simplement pour que personne ne saperoive de mon sacrifice. Si jtais venue linfirmerie, je laurais fait pour faire plaisir, jamais pour me satisfaire. ... tout cela pour accomplir mon petit devoir et pour vous attirer des grces que la recherche de moi-mme ne vous aurait pas bien sr attires. Et moi-mme, jaurais retir de ces sacrifice une grande force. Si quelquefois, par faiblesse, javais fait le contraire de ce que je voulais, je ne me serais pas dcourage, jaurais tch de rparer mes manquements

en me privant encore davantage sans que cela paraisse. 2 Le bon Dieu se fait reprsenter par qui il veut, mais cela na pas dimportance... Avec vous, il y aurait eu un ct humain ; jaime mieux quil ny ait que du divin. Oui, je le dis du fond du coeur, je suis heureuse de mourir entre les bras de Notre Mre, parce quelle reprsente le bon Dieu. 3 ... Le pch mortel ne menlverait pas la confiance. ... Ne pas oublier de raconter lhistoire de la pcheresse surtout ! Cest cela qui prouvera que je ne me trompe pas. 4 Je lui disais que je redoutais pour elle les angoisses de la mort. Si vous entendez par les angoisses de la mort des souffrances terribles qui se manifestent au dernier moment par des signes effrayants pour les autres, je ne les ai toujours jamais vues ici, dans celles qui sont mortes sous mes yeux. Mre Genevive les a eues pour lme, mais pas pour le corps. 5 Vous ne savez pas quel point je vous aime et je vous le prouverai... 6 On me harcle de questions, cela me fait penser Jeanne dArc devant son tribunal ! Il me semble que je rponds avec la mme sincrit. 21 juillet 1 Quand je vous vois, ma petite Mre, cela me fait un grand bonheur ; jamais vous ne me fatiguez au contraire. Je le disais tantt : tandis que si souvent je suis oblige de donner, cest vous qui mapportez... 2 Si le bon Dieu me gronde, mme un tout petit peu, je ne pleurerai pas dattendrissement... mais sil ne me gronde pas du tout, sil maccueille avec un sourire, je pleurerai... 3 Oh ! je voudrais connatre au Ciel lhistoire de tous les saints ; mais il ne faudra pas quon me la raconte, parce que ce serait trop long. Il faudra quen abordant un saint, je connaisse son nom et toute sa vie dans un seul coup doeil. 4 Je nai jamais fait comme Pilate qui refusa dentendre la vrit. Jai toujours dit au bon Dieu : O mon Dieu, je veux bien vous entendre, je vous en supplie, rpondez-moi quand je vous dis humblement : Quest-ce que la vrit ? Faites que je voie les choses telle quelles sont, que rien ne me jette de poudre aux yeux. 5 Nous lui disions quelle tait bien heureuse dtre choisie par le bon Dieu pour montrer aux mes la voie de confiance. Elle rpondit : Quest-ce que cela me fait que ce soit moi ou une autre qui donne cette voie aux mes ; pourvu quelle soit montre, quimporte linstrument ! 22 juillet 1 Sr Marie du Sacr Coeur lui disait : Allez ! vous tes soigne avec beaucoup damour... Oui, je le vois bien... Cest une image de lamour que le bon Dieu a pour moi. Je ne lui ai jamais donn que de lamour, alors il me rend de lamour, et ce nest pas fini, il men rendra davantage bientt... Je suis bien touche, cest comme un rayon ou plutt un clair au milieu de mes tnbres... mais seulement comme un clair ! 2 Elle me rpta en souriant cette parole que M. Youf lui avait dite aprs sa confession : Si les anges balayaient le Ciel, la poussire serait faite de diamants.

23 juillet 1 On lui parlait dassociations : Je suis si prs du Ciel que tout cela me semble triste. 2 Lune de nous lui avait dit et lu quelque chose et pensait lavoir beaucoup console et rjouie dans sa grande preuve. -Nest-ce pas que votre preuve a cess pour un moment ? - Non ! Cest comme si vous chantiez ! 3 Je lui disais toujours cette crainte qui ne me quittait pas de la voir souffrir davantage encore. Nous qui courons dans la voie de lAmour, je trouve que nous ne devons pas penser ce qui peut nous arriver de douloureux dans lavenir, car alors cest manquer de confiance et cest comme se mler de crer. 4 ... Au moment des preuves de papa, javais un dsir violent de la souffrance... Un soir que je le savais plus malade, Sr M. des Anges me voyant bien triste, me consolait de son mieux ; mais je lui dis : O ma Sr M. des Anges, je sens que je puis encore souffrir davantage! Elle me regarda tout tonne et me le rappelait souvent depuis. Sr M. des Anges, en effet, na jamais oubli cette soire. Notre petite sainte encore postulante tait prs de se coucher, assise sur sa paillasse en chemise de nuit avec ses beaux cheveux sur les paules. Son regard, dit-elle, et toute sa personne avaient quelque chose de si noble, de si beau, que je crus voir une vierge du Ciel. 5 Je me souviens quun jour au plus fort de nos preuves, je rencontrai Sr Marie du S.C. aprs avoir balay lescalier du dortoir (du ct de la lingerie). Nous avions la permission de parler et elle marrta. Alors je lui dis que javais beaucoup de force et qu ce moment je pensais cette parole de Mme Swetchine qui me pntrait tellement que jen tait comme embrase : La rsignation est encore distincte de la volont du bon Dieu; il y a la mme diffrence quentre lunion et lunit. Dans lunion, on est encore deux, dans lunit, on est plus qu