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OptionBio | vendredi 14 septembre 2012 | n° 477 L’infestation par les salmonelles s’effectue habituellement par l’ingestion de nourriture contaminée, mais le contact avec les animaux peut aussi être une source d’infection. En particulier, les reptiles hébergent souvent des salmonelles dans leur tube digestif. Ils ne présentent aucun signe de maladie, mais essaiment les bactéries avec leurs excréments, contaminant ainsi la terre et l’eau. mise au point | bactériologie 18 Salmonelles et tortues : une association fréquente Salmonelles P lusieurs sérotypes de salmonelles ont été détectés chez les reptiles, comme S. java, S. poona, S. pomona, S. marina et surtout S. typhimurium et S. enteritidis qui sont plus fré- quents. Les tortues posent un problème particulier, car ce sont des animaux souvent observés de près et manipulés par les enfants. En effet, les tortues font partie des nouveaux animaux de compagnie ou NAC. Les salmonelles paratyphi  B var. Java ont les mêmes anti- gènes somatiques et flagellaires que S. paratyphi  B, mais utilisent le d-tartrate comme source de carbone. Cette espèce variante est moins virulente que S. paratyphi  B, mais elle peut néanmoins être responsable d’un syndrome diarrhéique avec des douleurs abdo- minales et de la fièvre. Les infections à Salmonella paratyphi  B peu- vent se manifester par des diarrhées fébriles, des céphalées, des épigastralgies et une asthénie. Les symptômes disparaissent en 5 à 7 jours sous antibiotiques. Mais des complications (septicémie, méningite) peuvent survenir chez des patients à risques, comme les enfants, les personnes âgées et les sujets immunodéprimés. Les cas d’infestation par S. paratyphi  B var. Java peuvent survenir de façon sporadique ou par petites épidémies, dues à une conta- mination par la salade ou du fromage de chèvres, ainsi qu’après un contact avec des reptiles et des aquariums. Une enquête a été effectuée à Bizkaia, dans le nord de l’Espagne, où 14 cas de S. paratyphi B ont été répertoriés, alors qu’en Espagne, les salmonelles les plus fréquentes sont S. enteriditis et S. typhimurium ( figure 1). S. paratyphi  B, var. Java n’a représenté respectivement que 2,1 %, 1,4 % et 1,7 % des souches isolées en 2009, 2010 et 2011. L’enquête a recherché des salmonelles, par Elisa et cultures, dans les points d’eau utilisés par les tortues. Des échan- tillons provenant des patients et de l’eau, trouvés positifs pour Sparatyphi B, ont été adressés au Centre national de référence (Institut de la santé Carlos III de Madrid) pour les typer par biologie moléculaire et effectuer un antibio- gramme. Parmi les 14 patients, 8 ont été trouvés porteurs de S. paratyphi B, var. Java, 3 porteurs d’une variante monopha- sique de S. Java et 3 porteurs de S. paratyphi stricto sensu. Ces patients, enfants âgés de 3 mois à 10 ans, ont développé une gastro-entérite modérée. Ils n’étaient pas en relation entre eux, mais avaient été en contact avec des tortues, soit à leur domicile comme animal de compagnie soit à leur école, dans un but pédagogique. Les prélèvements d’eau, effectués dans un des magasins de vente de tortues, contenaient des S. paratyphi , sérogroupe C. Certains prélèvements d’eau sont restés négatifs, mais l’émission des salmonelles est intermittente, en fonction de l’environnement (température, humidité, hygiène des lieux, manipulation excessive des animaux). | Figure 1. Salmonelles, bactéries Gram négatif. © DR

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OptionBio | vendredi 14 septembre 2012 | n° 477

L’infestation par les salmonelles s’effectue habituellement par l’ingestion de nourriture contaminée, mais le contact avec les animaux peut aussi être une source d’infection. En particulier, les reptiles hébergent souvent des salmonelles dans leur tube digestif. Ils ne présentent aucun signe de maladie, mais essaiment les bactéries avec leurs excréments, contaminant ainsi la terre et l’eau.

mise au point | bactériologie

18

Salmonelles et tortues : une association fréquente

Salmonelles

Plusieurs sérotypes de salmonelles ont été détectés chez les reptiles, comme S. java, S. poona, S. pomona, S. marina et surtout S. typhimurium et S. enteritidis qui sont plus fré-

quents. Les tortues posent un problème particulier, car ce sont des animaux souvent observés de près et manipulés par les enfants. En effet, les tortues font partie des nouveaux animaux de compagnie ou NAC. Les salmonelles paratyphi B var. Java ont les mêmes anti-gènes somatiques et flagellaires que S. paratyphi B, mais utilisent le d-tartrate comme source de carbone. Cette espèce variante est moins virulente que S. paratyphi B, mais elle peut néanmoins être responsable d’un syndrome diarrhéique avec des douleurs abdo-minales et de la fièvre. Les infections à Salmonella paratyphi B peu-vent se manifester par des diarrhées fébriles, des céphalées, des épigastralgies et une asthénie. Les symptômes disparaissent en 5 à 7 jours sous antibiotiques. Mais des complications (septicémie, méningite) peuvent survenir chez des patients à risques, comme les enfants, les personnes âgées et les sujets immunodéprimés. Les cas d’infestation par S. paratyphi B var. Java peuvent survenir de façon sporadique ou par petites épidémies, dues à une conta-mination par la salade ou du fromage de chèvres, ainsi qu’après un contact avec des reptiles et des aquariums. Une enquête a été effectuée à Bizkaia, dans le nord de l’Espagne, où 14 cas de S. paratyphi B ont été répertoriés, alors qu’en Espagne, les salmonelles les plus fréquentes sont S.  enteriditis et S. typhimurium (figure 1). S. paratyphi B, var. Java n’a représenté respectivement que 2,1 %, 1,4 % et 1,7 % des souches isolées en 2009, 2010 et 2011.L’enquête a recherché des salmonelles, par Elisa et cultures, dans les points d’eau utilisés par les tortues. Des échan-tillons provenant des patients et de l’eau, trouvés positifs

pour S. paratyphi B, ont été adressés au Centre national de référence (Institut de la santé Carlos III de Madrid) pour les typer par biologie moléculaire et effectuer un antibio-gramme. Parmi les 14 patients, 8 ont été trouvés porteurs de S. paratyphi B, var. Java, 3 porteurs d’une variante monopha-sique de S. Java et 3 porteurs de S. paratyphi stricto sensu. Ces patients, enfants âgés de 3 mois à 10 ans, ont développé une gastro-entérite modérée. Ils n’étaient pas en relation entre eux, mais avaient été en contact avec des tortues, soit à leur domicile comme animal de compagnie soit à leur école, dans un but pédagogique. Les prélèvements d’eau, effectués dans un des magasins de vente de tortues, contenaient des S. paratyphi, sérogroupe C. Certains prélèvements d’eau sont restés négatifs, mais l’émission des salmonelles est intermittente, en fonction de l’environnement (température, humidité, hygiène des lieux, manipulation excessive des animaux).

| Figure 1. Salmonelles, bactéries Gram négatif.

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bactériologie | mise au point

Déjà en 2008, une enquête réalisée en Espagne avait démontré le rôle des tortues dans une épidémie de syndrome gastro-entérique, dû à S. typhimurium, ayant atteint des enfants de 2 à 4 ans.Des cas de transmission de salmonelles par les tortues ont déjà été répertoriés dans différents pays et pratiquement toujours chez des enfants qui avaient joué avec ces animaux, qu’ils considé-raient comme leurs animaux de compagnie. En outre, les parents n’étaient pas conscients de ce risque. Aux Etats-Unis, le risque de transmission de salmonelles par les tortues est connu et a conduit les autorités à interdire, dès 1975, le commerce des tortues dont la carapace mesure moins de 10,2 cm, ce qui a entraîné un net recul des cas de salmonellose. Cependant, le CDC estime qu’environ 6 % des salmonelloses sont dues à un contact direct ou indirect avec des reptiles. En février 2012, le CDC a rapporté 132 cas de salmonelloses dues à S. paratyphi B chez 56 patients, âgés en moyenne de 6 ans, qui étaient aussi en contact avec des tortues.En Europe, les salmonelloses dues aux reptiles ont été noti-fiées, mais sont très sous-estimées. Ainsi, en Suède, 339 cas de salmonelloses dues au contact avec des reptiles ont été rappor-tés en dix ans, ce qui représente 5 % de l’ensemble des cas de salmonelloses. Là encore, la vente des tortues, dont la carapace

mesure moins de 10,2 cm, a été interdite et l’importation de tortues doit s’accompagner de certificats sanitaires justifiant l’absence de salmonelles. Le traitement des tortues par les antibiotiques est inefficace car elles se recontaminent aussitôt par l’environnement. La meilleure prophylaxie consiste à bien se laver les mains après la manipulation de reptiles, qu’il faut tenir éloignés de la nourriture. La nourriture doit être bien cuite. Il ne faut pas mélanger les aliments crus (légumes, viande) avec les aliments déjà cuits et prêts à être consommés. Enfin, il faut bien laver la vaisselle ayant servi au repas contenant des crudités, des œufs ou de la viande crue ou peu cuite.Ainsi, chez les personnes désireuses d’adopter des tortues comme animal de compagnie, est-il essentiel de bien respecter les conseils d’hygiène, en particulier avec les enfants. |

Déclaration d’intérêt : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

PATRICE BOURÉE, ALIRÉZA ENSAConsultation des maladies tropicales

Institut Alfred-Fournier – 75014 Paris

SourceHernandez E, et al. Salmonella paratyphi B var Java infections associated with exposure to turtles in Bizkaia, Spain. Eurosurv 2012 ; 17 (25):pii : 20201.