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Fr. Jean-Michel Maldamé Science et Spiritualité. Prêtres et scientifiques : 3. L’abbé Breuil Copyrights www.domuni.org 1 L’Abbé Breuil En quête de l’homme premier Frère Jean-Michel Maldamé Introduction La théorie de l’évolution ne cesse de poser des questions à la plupart de nos contemporains. Les esprits religieux sont habitués à rattacher la grandeur de l’être humain à une « action spéciale de Dieu ». Le pape Jean-Paul II l’a rappelé; le pape Benoît XVI insiste tout particulièrement sur ce point. La déclaration de Jean-Paul II était liée à une reconnaissance de la valeur de la théorie de l’évolution comme théorie scientifique. Les propos du pape Benoît XVI sont moins explicites sur la valeur de la théorie scientifique – ce qui provoque un malaise dans le dialogue entre science et foi. Pour cette raison, le sujet de notre conférence est de très grande

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    LAbb Breuil En qute de lhomme premier

    Frre Jean-Michel Maldam

    Introduction

    La thorie de lvolution ne cesse de poser des questions la plupart de nos contemporains. Les esprits religieux sont habitus rattacher la grandeur de ltre humain une action spciale de Dieu . Le pape Jean-Paul II la rappel; le pape Benot XVI insiste tout particulirement sur ce point. La dclaration de Jean-Paul II tait lie une reconnaissance de la valeur de la thorie de lvolution comme thorie scientifique. Les propos du pape Benot XVI sont moins explicites sur la valeur de la thorie scientifique ce qui provoque un malaise dans le dialogue entre science et foi. Pour cette raison, le sujet de notre confrence est de trs grande

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    actualit. Il ne sagit pas seulement dhistoire des sciences, mais bien de voir comment saccordent foi et raison.

    Notre approche se fera partir du travail dun homme, Henri Breuil, dit communment Abb Breuil, puisque son tat ecclsiastique ntait jamais occult. Lexpression de pape de la prhistoire reconnat sa comptence ; mais elle a des connotations dautorit qui ne sont pas toujours logieuses. Quoi quil en soit, lAbb Breuil est une figure exemplaire, dune certaine manire de voir le rapport entre science et foi. Il nest pas le seul. Dans ce domaine, Teilhard de Chardin aurait pu tre cit ; mais comme il est bien connu grce son minent biographe, Claude Cunot1 ; celui-ci voulait faire un travail sur lAbb Breuil, mais il na pas abouti. Ltude de lAbb Breuil est plus dlicate. Je nai pu mappuyer que sur une documentation fragmentaire2, aussi je demande lindulgence de ceux qui sont plus comptents que moi sur le sujet.

    1. La question pose

    1.1. le paradigme volutif

    La thorie de lvolution est fonde sur le principe selon lequel lhumanit ne doit pas tre spare des autres vivants. La tradition philosophique parle de lanimal humain et Aristote comme saint Thomas prcisaient que cest un animal raisonnable . Linn fait de mme et dans sa classification il emploie le terme latin homo pour dsigner un genre dans lequel se trouvent tous ceux qui ont une morphologie dtermine par la station debout.

    Darwin se rservait de parler de lhumanit ultrieurement. Il la fait dans un ouvrage imposant The Descent of Man. Dans cet ouvrage de lecture difficile et ardue, non seulement par sa longueur, mais bien par son contenu. Darwin pose les questions auxquelles se confrontent depuis lors lanthropologie attentive situer lhomme dans le monde des vivants. Cest en effet un principe que lhumanit fait partie du monde animal. Aussi en traant les embranchements du grand arbre retrac sur la base de la thorie scientifique de lvolution, il faut un rameau pour ltre humain. Les chimpanzs et les humains sont issus dune mme branche. Ils ont un anctre commun, qui nest ni singe ni homme, mais proche deux. La question est donc pose : quelle est la spcificit de lhumanit actuelle par rapport ses anctres ?

    1 Claude CUENOT, Pierre Teilhard de Chardin, Paris, Club des diteurs, 1958. 2 Louvrage de rfrence accessible sur labb Breuil est Sur les chemins de la prhistoire : labb Breuil du Prigord lAfrique du Sud, Paris, Museum dhistoire naturelle, 2006.

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    La premire difficult est de dfinir un critre de sparation, le cerveau, cens tre le sige de la pense ? Comment parler de rupture, quand on constate que le volume du cerveau de lhomo habilis plafonnait 600 cm3 ? Comment dfinir loutil comme caractristique de lhumain, puisque des australopithques cassaient des cailloux pour faire des outils ? Comment dterminer une conscience vraiment humaine, au sens de conscience de la finitude et de la mort quand les nandertaliens, en Europe et au Moyen Orient possdaient des rites funraires ?

    Cest sur ce point que la tradition chrtienne a t choque. Le dbat est actuel, puisque les fondamentalistes arguent des textes bibliques pour dfendre la position dite crationniste selon laquelle lapparition de lhumanit est un acte de Dieu qui brise avec les processus de lvolution. Cest dans ce contexte que sinscrivent les travaux de lAbb Breuil.

    1.2. La question anthropologique

    La thorie de lvolution invite penser les dbuts de lhumanit, non pas comme un moment miraculeux o lhumanit serait apparue sur terre, mais comme un point de fuite dans les multiples embranchements de lhistoire du vivant3 . Je dis bien point de fuite, car, dans ce que Linn a appel Homo, on distingue des populations bien spcifiques qui constituent des fragments dune histoire complexe. Ardipithecus ramidus, Autralopithecus, Homo habilis, ergaster, rudolphensis, erectus, neandertalis, sapiens Tous ces termes dsignent une sorte de constellation dont la mise en srie est dlicate. Il y a parfois coexistence de ces populations. Il y a des continuits et des ruptures et donc des sauts quil faut interprter.

    Ces questions ouvrent sur la philosophie4. Un point de vue matrialiste considrera que lhomme est le produit fortuit de lvolution biologique ; au contraire, un point de vue spiritualiste, mettra en avant une diffrence irrductible qui fait de lhumanit une exception dans la nature 5 ? Faut-il mettre en avant lhomme comme tre de culture qui nexiste que dans un groupe social6 ? Faut-il le considrer comme un tre biologique dont les caractristiques (bipdie, dveloppement crbral, langage, outil) ne sont que lexpression de ses gnes7 ? Pour situer les travaux de lAbb Breuil et montrer leur importance, il faut voquer les moments fondateurs du dbat li lanthropo-palontologie.

    3 Cf. Claudine COHEN, LHomme des Origines. Savoirs et fictions en prhistoire, Paris, Seuil, 1999. 4 Et sur la thologie, cf. Jean-Michel Maldam, En qute du propre de lHomme , Revue Thomiste, n 2, 2009. 5 Cf. Jean-Marie SCHAEFFER, La Fin de lexception humaine, Paris, Seuil, 2008. 6 Cf. Edgar Morin, Un paradigme perdu, la nature humaine 7 Thse de Dawkins, Le Gne goste,

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    1.3. Palontologie humaine

    La palontologie humaine commence ds le XVIIe sicle. Une immense curiosit est alors mise en uvre pour les fossiles. Les rudits8 les collectionnent et ainsi peu peu se donnent une documentation importante essentiellement dans les pays europens. A partir de ces restes fossiliss, une grande production littraire et artistique a lieu. En 1616, Vanini, le martyr de la libre pense toulousaine, dfend une thorie selon laquelle lhumanit a merg de lanimalit primitive. En 1655, Isaac La Peyrire, propose lide des pr-adamites pour dire lexistence dune population qui ne descend pas dAdam9. Par ailleurs, de manire commune, le dluge explique tout10 ! La dcouverte du monde par les Europens pose aussi la question des races humaines : la diversit humaine est plus grande quon ne limaginait . la fin du XVIIe sicle, Johann-Jakob Scheuchzer donne une explication par le dluge de toutes les dcouvertes de son temps : il classe les fossiles et montre que lhomme est le tmoin du dluge. Les scientifiques sopposent fermement cette interprtation de la Bible. Le combat est men au dbut du XIXe sicle par les gologues qui montrent que la formation du visage de la terre sexplique par des causes naturelles et que le dluge nexplique rien ! La thorie qui finit par lemporter est la thorie qui met en avant des causes continues et lentes (Sedgwik et Lyell). De ce fait ltude des vivants peut stendre continment sur lhistoire de la terre. La dure de lhistoire des vivants ne cesse de grandir. Ceci vaut pour lhumanit. Marcel Serres, professeur Montpellier, trouve des restes humains associs des animaux teints, et il en conclut la continuit. Cest un de ses disciples, Paul Tourmal qui introduit la distinction entre ce qui est ant-historique et ce qui est historique et il affirme quentre les deux tapes, il y a une continuit. La thse simpose peu peu : il y a un devenir sans rupture catastrophique depuis les formes les plus anciennes de lhumanit jusqu lhomme actuel. Lhomme ant-diluvien laisse place lhomme pr-historique. 8 Notons que beaucoup dentre eux sont des prtres. En effet, en ce temps, le clerg tait nombreux, les clercs disponibles pour des recherches intellectuelles et nombre dentre eux ont consacr leur temps des travaux dans les socits savantes et en particulier en archologie. 9 Lopinion suivante a t hautement et longuement soutenue par les hommes de sicles passs : quil sagisse des thories les plus anciennes des Chaldens, des monuments les plus antiques des Egyptiens, des Ethiopiens de des Scythes, des parties rcemment dcouvertes du systme de la Terre, ou des rgions inconnues que, tout rcemment les Hollandais ont atteintes, dans leurs navigations et dont les hommes qui les habitent navaient certainement pas t engendrs par Adam , Praeadamitae sive exercitatio super versibus qui inducantur Primi Homines ante Adamum conditi, cit par Claudine Cohen, op. cit., p. 119. 10 Un pre de lEglise trs lu au Moyen ge, Isidore de Sville, a crit : Le dluge est ainsi nomm parce quil dtruit toutes choses dans un dsastre caus par les eaux. Le premier dluge eut lieu sous No. Le Tout-Puissant, offens par les crimes des hommes, permit aux eaux de recouvrir le globe terrestre en dtruisant tout : il ny eut plus de place que pour le ciel et pour la mer. Nous en trouvons les indices dans les pierres que nous rencontrons sur les montagnes les plus loignes de la mer ; souvent, en effet, elles se montrent formes de coquilles dhutres, parfois aussi elles ont t creuses par les eaux , cit par Pierre DUHEM, Le Systme du monde. Histoire des doctrines cosmologiques de Platon Copernic, t. IX, Paris, Hermann, 1958, p. 268.

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    On entre donc un dbat passionn ; il se cristallise sur un point : trouver le chanon manquant entre lhumanit actuelle et ses anctres non humains. Cest le sens du terme pithcanthrope qui a t forg la fin du XIXe sicle. La notion de vient de Ernst Heackel qui forge le terme de pithecanthropus alalus, littralement homme-singe-muet . Il reconstruit la gnalogie humaine sur la base de comparaisons danatomie et dembryologie compare ; la nomination est thorique car il ne dispose pas alors de fossile. Mais cette dnomination suscite la qute dun chanon manquant ! Lhorizon de la recherche est hant par cette dcouverte.

    Dans ce contexte, en Europe, deux dcouvertes bouleversent la situation. Il y a la clbre dcouverte dans la valle de Vzre en 1868 des restes dun homme trs proche de nous Cro-Magnon. Il faut laccorder avec la dcouverte faite en 1856 dans la valle du Nander des restes dun crne qui prsente une forte capacit (1600 cm3) mais avec un front bas et une visire surorbitaire. A lpoque, on lavait plac comme anctre, mais ceci a t ensuite contest - Marcel Boule la replac dans lanimalit. Les dcouvertes en Asie sinscrivent dans la problmatique : trouver le chanon manquant. En 1893 Java, on trouve des restes dtres que lon appelle pithcanthropes et en 1920, on trouve ceux que lon appelle (par analogie) des sinanthropes aujourdhui ils sont jugs trop primitifs pour tre considrs comme humains.

    La question pose au XXe sicle est celle du berceau de lhumanit. Depuis 1925, un consensus sest fait : il faut placer lorigine en Afrique. Mais la question reste ouverte.

    Ces remarques nous disent le contexte dans lequel labb Breuil a men ses recherches et ceci permet de comprendre lenjeu de son travail qui ne se rduit pas une collection dobservations, mais donne des lments pour une anthropologie. Pour cette raison, le dbat ne peut rester dans le seul domaine de la neutralit scientifique o il aurait voulu se cantonner.

    2. Litinraire de labb Breuil

    Nous verrons plus loin avec quel soin, labb Breuil a crit ses activits dans un texte indit. Il nest pas tranger la rflexion dvoquer sa vie, en ses principales tapes : formation, travail scientifique, rle fondateur en anthropologie prhistorique.

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    2.1. La formation et la vocation

    Celui que tout le monde appelle labb Breuil est n le 28 fvrier 1877, Mortain, dans la Manche. La plus grande partie de son enfance se droule Clermont sur Oise o son pre, magistrat, est nomm procureur de la Rpublique. Il fait ses tudes secondaires Senlis, chez les Maristes. Il envisage des tudes de mdecine, mais il soriente vers la vie de prtre et entre dans la filire du sminaire de Saint Sulpice qui reprsente alors en France ce quil y a de mieux pour une formation clricale et thologique. La formation se fait en deux temps : un premier cycle de philosophie et un autre de thologie. Lors du cycle de philosophie, o il y a un enseignement des sciences naturelles, H. Breuil bnficie des cours dun sulpicien, Jean Guibert, qui ne craint pas daborder les perspectives traces par la thorie de lvolution et en particulier les questions qui concernent lorigine de lhumanit. A lpoque ceci est trs audacieux ! H. Breuil sent quil y a l un enjeu majeur pour la foi ; il partage ce sentiment avec plusieurs de ses confrres. Il commence se passionner pour la question des origines de lhumanit dans le cadre de la prhistoire. Il utilise les temps de vacances pour visiter les sites de France o ont t trouvs des lments importants pour cette discipline. Un de ses compagnons de sminaire, Jean Bouyssonnie partage cet intrt ; originaire de Dordogne, il lui fait dcouvrir les sites de la prhistoire. H. Breuil effectue aussi ses premires fouilles Saint-Acheul en compagnie dAult de Mesnil. En Prigord, il rencontre le Dr Capitant qui linitie ltude de loutillage de pierre et dEdouard Piette qui dtecte ses qualits de dessinateur.

    Au terme des annes de sminaire, aprs son ordination, H. Breuil refuse daccepter une charge paroissiale ou une aumnerie qui lauraient empch de mener une carrire scientifique. Aussi la sortie du sminaire, il prpare une licence en sciences naturelles. Il y excelle. En 1905, il est Privat-docent lUniversit de Fribourg en Suisse, grce Jean Obermaier (1877-1946) de Vienne. En 1910, il est charg de lenseignement de lethnographie prhistorique lInstitut de Palontologie Humaine de Paris. Une des questions dbattues est celle de la dtermination des priodes partir du matriel trouv dans les sites archologiques11. Cette nomination confirme la valeur de ses travaux de datation

    11 La datation des poques de la prhistoire est une question dlicate. Le vocabulaire a vari. Aujourdhui on distingue entre le palolithique (du grec : ge de la pierre ancienne), o la pierre est taille, et le nolithique (ge nouveau de la pierre), o la pierre est polie. Un premier calendrier a t dtermin par Gabriel de Mortillet en 1969, partir des sites o les pierres sont bien reprsentes. Cette chronologie a t reprise et affine par H. Breuil. Les dates sont approximatives. Palolithique archaque : entre 7 et 1,7 millions dannes prsence dhominids (Touma, Orrorine, australopithques anctres de la ligne humaine) ; Palolithique infrieur : entre 1,7 et 500 000 ans apparition du biface ; palolithique moyen : entre 500 000 et 40 000 ans homme de Nandertal et homme moderne dbitage dit Levallois ; palolithique suprieur : entre 40 000 et 9 000 ans : dbitage laminaire, arrive de lhomme moderne en Europe, disparition de lhomme de Nandertal.

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    propos de ce que lon a appel la bataille de laurignacien . Pour H. Breuil cette priode sintercale entre le Moustrien et le Solutren, alors que beaucoup le plaaient aprs le Solutren. Breuil accumule les observations, relve les faits ; il convainc la communaut scientifique qui saccorde lui donner raison en 1912.

    2.2. Une carrire exemplaire

    Travailleur infatigable, H. Breuil parcourt le monde : France, Espagne, Italie, Afrique du Sud, Chine. Il construit peu peu une uvre considrable avec de trs nombreuses publications. Il est reconnu internationalement par des titres de doctorat honoris causa de plusieurs universits europennes (Cambridge en 1920, Oxford en 1926, Edimbourg en 1927, Cap Town en 1929).

    En 1929, le Collge de France cre pour lui une chaire de prhistoire12.

    Dans ces travaux, deux lignes apparaissent : ltude de loutillage lithique et lart prhistorique. Cest cette dernire perspective qui prend la premire place. En ces temps o la photographie est imparfaite, il assure le relev et ltude des principales grottes ornes franaises et espagnoles et les abris du Levant et de lAfrique. Son ouvrage majeur Quatre cents sicles dart parital (1952), dresse pour la premire fois un panorama de lart parital palolithique ; cet ouvrage lui confre une reconnaissance mondiale. Le relev de lart rupestre y est trs minutieux ; il permet de proposer une chronologie de cet art13.

    H. Breuil a su grer sa carrire de manire trs opportune. Il a accept une chaire de Privat-Docent en Suisse, o son tat ecclsiastique nentravait pas lobtention dun poste universitaire officiel. Il a eu aussi lopportunit de trouver un mcnat grce au Prince de Monaco, Albert 1er, un grand esprit qui a soutenu deux sciences nouvelles : locanographie et la palontologie. Il a financ la publication des travaux de H. Breuil Altamira. Quand il a fond lInstitut de palontologie humaine de Monaco, il a confi la chaire dethnographie prhistorique H. Breuil.

    Le rle de labb Breuil ne se limite pas un travail sur le terrain et des publications scientifiques ; H. Breuil a eu une grande influence pour la mise en place dune vritable science prhistorique. En effet, la prhistoire passionnait un vaste public et des socits savantes taient nes la fin du XIXe sicle. Parmi eux, il y a beaucoup damateurs clairs. Ces campagnes de fouilles sont laisses linitiative individuelle. Elles sont conduites avec enthousiasme, mais parfois avec maladresse ; elles constituent des collections peu lisibles faute de relevs

    12 Cet aspect fait lobjet de la thse de Arnaud Hurel. 13 Sur ltat actuel des questions, voir Emmanuel ANATI, L0dysse des premiers hommes en Europe, Paris, Fayard, 2009.

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    satisfaisants. Les rgles de fouille ne sont pas respectes. Face ces dbordements, H. Breuil a ragi avec force et voulu que le travail soit organis et contrl par des spcialistes. Il a donn lexemple de cette professionnalisation et, pour cette raison, il a t surnomm pape de la prhistoire , au sens dune volont dunification et de rgulation, mais aussi raison de son intransigeance14. Il a introduit une exigence de rigueur et motiv sa reconnaissance universitaire et scientifique. Or sur ce point, luniversit franaise est en retard.

    La conscration de H. Breuil est venue de ltranger par les doctorats honoris causa15. La nomination de H. Breuil au Collge de France en 1929 est une premire tape pour son action. Elle se prolonge par son lection lInstitut de France le 13 mai 1938. La prhistoire entre lInstitut !

    Lors de la rorganisation du CNRS, les fouilles archologiques sont organises avec des responsables par grande rgion et louverture de chaires universitaires. Le travail de H. Breuil a t couronn de succs : la scientificit de sa discipline est acquise et le srieux des travaux assur.

    2.3. Une vie quilibre

    La vie de H. Breuil est trs active. Il na cess de voyager et de parcourir le monde en visite sur les sites prhistoriques soit pour les visiter et donc sinformer, soit pour y diriger ou conseiller les travaux.

    Les pripties de cette vie active qui lui fait parcourir le vaste monde ne doivent pas faire penser que H. Breuil nest quun explorateur . Il utilise le temps sdentaire pour classer, inventorier et rdiger des centaines darticles scientifiques. Il a un appartement avenue de la Motte-Piquet, o il rside pendant ses sjours parisiens. Mais son point dattache est dans le Val-dOise LIsle-Adam. Il achte une maison voisine de celle de son cousin. Il a de lespace pour ses collections et pour un atelier ; il travaille son jardin et y met en terre des fleurs et des plantes venues du bout du monde. On note quil mne sur place une vie de cur de campagne . Il fait sa prire matinale puis il se met au travail ; sa dtente est dans son jardin et dans les relations de voisinage ou avec ses proches. H. Breuil profite de la nature.

    Le sjour LIsle-Adam est habituel aprs sa retraite du Collge de France.

    Le choix de cette vie est clair. Au dbut de sa vie clricale, vu ses dons intellectuels, H. Breuil sminariste avait t invit penser entrer dans un ordre plus intellectuel ; il a refus arguant de son dsir dindpendance pour mener sa vie. 14 Faut-il dire : mauvais caractre ou seulement rigueur du jugement des aptitudes des collaborateurs ? 15 Le contexte anticlrical explique ce retard une reconnaissance officielle en France ; en tenir compte permet de reconnatre que seule la qualit scientifique de son uvre a fait sa promotion.

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    Une diffrence donc avec Teilhard de Chardin16. Il a utilis cette libert pour suivre sa voie de scientifique entendant donner lexemple par la qualit de son travail. Je pense aussi quil a fait ce choix, car dans un ordre religieux, il aurait d assurer un enseignement stable ce qui ntait pas compatible avec le niveau de sa recherche qui ne pouvait se faire que sur le terrain.

    Il faut noter enfin que la retraite du Collge de France lui laisse le temps de classer ses notes, de les reprendre et ainsi dentreprendre la rdaction dune autobiographie inacheve, non dite et accessible seulement aux chercheurs spcialiss17.

    3. La prhistoire et lEglise

    Le fait que Henri Breuil soit prtre est-il important ? Cela pose la question des relations entre lEglise catholique et la science. Pour aborder cette question, il est utile de revenir sur la vocation dHenri Breuil. Nous avons nomm, Monsieur Jean Guibert, professeur de sciences naturelles. Ce professeur est attach sortir lEglise catholique du mauvais pas o elle se trouve face la modernit. Il a crit un ouvrage, Les Origines, questions dapologtique (1896) destin aux sminaristes. Il leur explique quils doivent rejeter le concordisme littral et prendre le parti dun expos scientifique neutre. La science ne doit pas servir dargumentaire la prdication - linstar de la pratique lie la la thologie naturelle . Il y a donc indpendance. H. Breuil restera fidle cette nette distinction quand il rend hommage son matre18. Ainsi quand il est sollicit pour crire un article, il a toujours le souci de dire que son expos est en toute objectivit , entendons dans la neutralit par rapport toute prise de position thologique ni pour ni contre. Ce souci dobjectivit se manifeste dans sa rticence crire dans des revues o on sollicite sa participation, comme Annales de philosophie chrtienne, Revue du clerg franais ou la Quinzaine.

    H. Breuil fait cependant partie des sminaristes de Saint Sulpice qui sont trs dsireux de modernit et sindignent des condamnations qui touchent Alfred Loisy. H. Breuil participe la rdaction dune revue Notre Bulletin, brochure clandestine, qui regroupe les anciens lves du sminaire19. Il se contente darticles techniques et il nentre pas dans les querelles thologiques. Il ne se sent pas arm pour cela et dune certaine manire ne partage pas la perspective de Teilhard de Chardin et de

    16 Il y eut une grande amiti entre ces deux hommes. En tmoignent les lettres changes. Cf. Pierre TEILHARD DE CHARDIN, Lettres de voyage (1923-1955) recueillies et prsentes par Claude Aragons, 1923-1955, Paris, Grasset, 1956. 17 Nayant pas eu accs cette uvre immense, je mappuie sur les citations faites par les tudes spcialises. Lautobiographie a t tudie par divers auteurs. Des prhistoriens, mais aussi des anthropologues et des historiens. Un article y donne accs, Henry HUREL, Un prtre, un savant dans la marche vers linstitutionnalisation de la prhistoire : labb Henri Breuil (1877-1961) , La Revue pour lhistoire du CNRS, n 8, mai 2003 bauche dune thse. 18 Il le fait dans son discours de rception au Collge de France. 19 La revue nexiste que pendant deux ans.

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    ses amis de sminaires les abbs Bouyssonie20.

    3.1. Le concile dAltamira

    H. Breuil a t ordonn prtre en 1900. La date importe, car elle prcde la triste et dsastreuse encyclique du pape Pie X, Pascendi Dominici Gregis, sur les erreurs de ce quil appelle le modernisme . Cette encyclique ouvre une priode de conflit avec les sciences, tant les sciences ecclsiastiques (lexgse en premier lieu) que les sciences naturelles (la thorie de lvolution en particulier). Comme H. Breuil na jamais eu de fonction ecclsiastique, il ntait pas tenu au serment antimoderniste qui imposait une soumission en matire denseignement. Il sen flicite, car cela lui aurait pos un douloureux cas de conscience entre le choix de ses travaux scientifiques et la fidlit son tat de prtre. Son statut de pur scientifique lui a donn une libert que navaient pas les autres prtres ; il sera proche deux pour les soutenir. Sur les relations entre science et foi, H. Breuil na pas laiss dcrits. Il relve sa diffrence avec Teilhard de Chardin sur ce point. Mais il le soutiendra fermement.

    En 1922, Teilhard a crit un texte sur quelques reprsentations possibles du pch originel . Ce texte entrane la suspicion et Teilhard est perscut. Le monde des savants chrtiens est trs inquiet. Le recteur de lInstitut catholique de Paris sen inquite et une rumeur se rpand : le pape prparerait une condamnation de la thorie de lvolution ! H. Breuil fait une premire intervention auprs du cardinal Tisserand. Mais cette dmarche ne semble pas suffisante. Les prhistoriens soucieux de dfendre la valeur de leurs travaux et le rapport avec leur foi, se runissent en 1925. Ils sont ensemble pendant lt Altamira en Espagne prs de Santander. Ils dcident de sadresser au pape en personne. A cette runion participent le comte Begoun21, labb Obermaier prhistorien germanique, Teilhard est invit, mais il ne peut venir ; il envoie une lettre o il invite un expos

    20 Ceux-ci publient des articles dans la Revue du clerg franais et dans la Revue pratique dapologtique ; ils cherchent dfendre la dmarche des prhistoriens. 21 Le comte Henri Begoun est n en 1863 avant de venir enfant Toulouse o son pre est nomm Receveur gnral des Finances. Il sintresse la gologie, la prhistoire naissante et il frquente les premiers prhistoriens, dont Emile Cartailhac. Il a une formation juridique et une formation internationale. Il sjourne en Tunisie o il fouille en amateur. Il sjourne en Arige et Toulouse, o il dirige le quotidien dinformation dalors, le Tlgramme. En 1911, avec ses trois fils, il visite la grotte du Mas dAzil et y trouve un incisive de renne portant une perforation. Ils poursuivent leurs recherches et dcouvrent des outils trs remarquables (un propulseur en bois de renne dge magdalen). Dans le voisinage, ils dcouvrent le Tuc dAubert et des gravures prhistoriques : bisons Ils peroivent limportance de cette dcouverte et font appel au spcialiste Cartailhac. Ils poursuivent les explorations et dcouvrent la grotte au clbre sorcier, dite grotte des trois frres en hommage aux trois jeunes gens. H. Begoun consacre son nergie la prhistoire. Il prend la direction du Musum dhistoire naturelle de Toulouse en 1921. Il laisse une uvre considrable darticles sur les grottes nouvellement dcouvertes ; Niaux, Gargas, Montespan Outre ces travaux scientifiques, il propose une interprtation qui donne accs la mentalit de lhomme primitif . Catholique convaincu, il sera lami et le dfenseur de Teilhard de Chardin dans ses dmls avec lautorit ecclsiastique. Il a travaill avec Henri Breuil.

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    de pure science. Les trois prhistoriens laborent une rponse ; le comte Begoun est le rdacteur du rsultat de leurs changes ; le texte est crit comme une lettre au pape ; elle est envoye le 3 septembre au nonce apostolique qui est pri de le remettre en mains propres au pape. Demande respectueuse dont les rdacteurs mesurent laudace ! Des copies de la lettre sont faites et envoyes divers collgues. Le nonce rpond le 11 octobre que la lettre a t remise, et quil ny aura aucune condamnation de la thorie de lvolution comme telle ni aucun blme lgard des scientifiques. Au mme moment les deux amis de Breuil, les deux frres Bouyssonie avaient rdig un memorandum quils avaient port Rome. Le cardinal Mercier, archevque de Louvain avait lui aussi envoy une note Rome.

    Dans cette affaire, H. Breuil apparat donc au centre dun rseau de chrtiens, lacs et prtres, militants de la cause anti-fixiste. Il ne sagit pas seulement de dfendre une thorie scientifique, mais de prserver les prtres prhistoriens des condamnations ayant touch les exgtes. Leffet induit est de prserver la recherche.

    3.2. Rticences romaines

    Lissue paisible de la dmarche de 1925 ne doit pas faire illusion. La science prhistorique est mal vue Rome. Cela se voit dans la nomination refuse de H. Breuil lAcadmie pontificale des sciences.

    En 1935, H. Breuil est en Italie pour des fouilles, prs de Rome Saccopastore. Il y fait une dcouverte importante qui lui vaut la clbrit et il est reu par le pape le 25 juillet. H. Breuil est trs impressionn et trs mu. Il prsente les photographie du crne quil vient de dcouvrir. Pie XI les regarde attentivement et H. Breuil lui dit cela cest prcieux : ce sont des documents objectifs, non des interprtations . Il ajoute : Il faut runir des documents objectifs quand ils se prsentent, des conclusions peuvent en dcouler et un enseignement rsulter . Cette rencontre a suscit bien des commentaires. Une interprtation plausible vient dune lettre quil crit le lendemain un ami, M. Boyle. Il dit tout directement que la rencontre a t dcevante. Pie XI ne ma pos aucune question, ni sur mes proccupations, ni sur les choses dlicates, ni sur la France, si sur ma vie passe ou prsente ; ou il ne savait pas qui jtais ou il na pas voulu toucher directement quoi que ce soit qui peut mamener parler de questions prcises. Soit pour ne pas membarrasser, soit pour ntre pas embarrass . Lintermdiaire par qui a t organise la rencontre, Alberto Blanc estime que le pape ne pouvait qutre prudent et quil esquivait les questions dlicates et controverses. Le comte Begoun dira : Quoique cette rencontre nait pas eu de consquences bien nettes, il semble cependant quelle eut une certaine influence sur latmosphre scientifique des milieux du Vatican .

    Il est clair que la thorie de lvolution fait peur et que les caricatures

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    exprime par lexpression lhomme descend du singe fait peur. Encore aujourdhui22 !

    3.3. Refus au Vatican

    Une autre affaire permet dentrer dans les limites de louverture du pape et de ses conseillers. LAcadmie pontificale des sciences est en cours de refonte. Le pape veut une acadmie qui rassemble les scientifiques de diverses disciplines raison de leur comptence. Ce nest pas une assemble soumise lenseignement de lEglise et toute les options religieuses et philosophiques y ont accs. Le Pre Gemmelli, fondateur de lUniversit catholique de Milan, est charg de constituer la liste des savants retenus. Lhistorien Rgis Ladous a donn sur ce point de prcieuses informations23. Teilhard de Chardin a t mis sur la liste. Son nom est biff sur la liste finale prsente au pape. Qui a biff le nom ? Le secrtaire dEtat ou le pape lui-mme ? Le nom de H. Breuil remplace celui de Teilhard. Un rapport du cardinal Baudrillart est rdig et envoy sur les travaux de H. Breuil. Dans ce rapport, le cardinal note que lAbb Breuil sest tenu lcart de toute dclaration qui puisse porter ombrage la doctrine chrtienne la diffrence de Teilhard. Mais il remarque que si lAbb Breuil se contente de publications scientifiques et quil est incontestablement un grand savant , ses publications se font en une matire trs dlicate puisquil sagit des origines de lHomme. Il note que ses publications portent sur des questions qui sont les plus dlicates, puisquil sagit des origines de lhumanit et des races ; cette vision densemble qui a de graves consquences thologiques, mme sil sest cantonn dans la science pure . Il se demande si en le nommant, le pape ne donnerait un laissez-passer une doctrine qui a t expose dans les crits du Pre Teilhard de Chardin24. Il propose un autre acadmicien, un lac : le gnticien Claude Cunot. LAbb Breuil a donc t victime de la peur des questions brlantes et de lignorance ! Il est en effet significatif que le cardinal fasse mention dune vision des choses, fort archaque quand il crit : il est partisan et ne le cache pas de lhypothse des hommes pradamites . Cette rfrence une thorie marginale de la fin du XVIIe sicle, totalement absente du travail scientifique, montre lignorance des milieux ecclsiastiques25 et corrlativement justifie lattitude de H. Breuil : laisser du temps 22 Cf. Andr BOULET, Cration et Rdemption lpreuve de lvolution, Paris, Tqui, 2009. Notons que ce religieux mariste traite le pape Jean-Paul II dignorant quand il reconnat la valeur de la thorie de lvolution ! 23 Rgis LADOUS, Des Nobel au Vatican. La fondation de lAcadmie Pontificale des Sciences, Paris, Cerf, 1994. 24 Sil [l abb Breuil] sabstient den tirer publiquement les consquences quen tire le Pre Teilhard de Cahrdin, relativement au pch originel [], cest au Saint Pre de juger si lon ne risque pas, en le nommant, de paratre donner une laisser passer une doctrine dont les consquences thologiques sont graves et est dj expose dans certains crits du pre Teilhard, jsuite . 25 Que pensait le cardinal ? Sans doute en tenant pour historique Adam et en le plaant environ 4000 ans avant Jsus-Christ, navait-il pas dautre solution que dimaginer que les traces de civilisation antrieure relevait de la cosmographie de La Peyrire !

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    pour que la vrit scientifique et objective se manifeste et confonde lignorance et la sottise.

    Il faudra attendre 1950 pour trouver une ouverture, par manire de concession, dans lencyclique Humani Generis ; Pie XII dclare : LEglise ninterdit pas que la doctrine de lvolution, pour autant quelle recherche si le corps humain fut tir dune matire dj existante et vivante car la foi catholique nous oblige maintenir limmdiate cration des mes par Dieu dans ltat actuel des sciences et de la thologie, soit lobjet de recherches et de discussions de la part des savants . Le pape concde une formation du corps par le processus dvoil par la thorie de lvolution26.

    On peut donc conclure que lAbb Breuil sest situ sur une ligne de combat par rapport la doctrine chrtienne traditionnelle. Les mfiances lgard de la thorie de lvolution sont profondes ; elles sont particulirement vives propos de lapparition de lhumanit. H. Breuil en est conscient. Il ne sengage donc pas dans la question thologique. Il reste au plan strictement scientifique, mais ce nest pas un refus dtre tmoin de la foi.

    3.4. Autobiographie

    La manire dont H. Breuil entend tre au service de la foi nest pas comme Teilhard lcriture douvrages de spiritualit (Le Milieu divin), de philosophie (Le Phnomne humain) ou de thologie (Le Christique), mais bien dtre tmoin quil est tout fait possible dtre un savant trs rigoureux dans lapplication de la mthode scientifique et un croyant fervent. Pour cette raison, au terme de sa vie, alors quil est la retraite du Collge de France, il entreprend un autobiographie.

    La biographie est construite partir des carnets quil a crit au fur et mesure de son travail. Il reprend son travail et lexpose de manire plus synthtique. Comme bien des points relvent dun tat du savoir dpass par dautres dcouvertes et dautres interprtations, le texte na pas t publi. Il nempche que ce travail donne une excellente connaissance de la mthode et de la rigueur du travail. Il ne comporte pas de commentaire thologique ; mais il se contente daffirmer la ralit de sa foi qui est vcue simplement. A propos de sa vocation, il crit : Je me suis fait prtre parce que je lai voulu, et je lai voulu parce que jen ai ressenti lappel, et que mes Directeurs lont reconnu valable. Ils nont jamais vacill l-dessus, malgr la forme trs spciale que cet appel pris 27.

    26 Ce qui nest pas sans poser des questions anthropologiques. Pour notre part, avec la tradition thomiste, nous rcusons ce dualisme. 27 Autobiographie, ch. IX, p.131, cit par Claude BLANCKAERT, op. cit., p. 181. Larticle voque la critique anticlricale

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    On peut noter le caractre des comptes-rendus. Un citation permet de voir la qualit humaine et la manire de la collaboration. On lit en effet dans le chapitre consacr son premier voyage en Chine : Durant lhiver 29-30, le Pre Teilhard de Chardin revient pour plusieurs mois de Chine et me visita ds le premier jour mon bureau de palontologie humaine. Il dposa sur ma table un petit bois de cerf un peu plus fort que celui dun gros chevreuil, qu avait encore son pdicule, et me dit : "Je ne vous dis rien de son origine, mais je vous demande ce que vous en pensez". Aprs examen de lobjet, je lui rpondis : "Bois de cerf clat au feu et noirci alors quil tait encore frais ; de plus, cest un outil faonn par lHomme avec un outil de pierre, dont les incisions ou entailles sont visibles sur le pdicule qui a t transform en manche par suppression, avec un percuteur, des bords gnants du frontal." Vous tes absolument sr ? " "Absolument" - "Mais a vient des couches Sinanthrope de Chou-Kou-Tien ! Cest trs grave ! Rflchissez ! " - "Je ne puis que maintenir ce que je vous ai dit ! " - "Alors il y a Chou-Kou-Tien des choses que nous ne savons pas voir ; il faudrait que vous y veniez ! " - "Je ne demande pas mieux" [] Telle est lorigine de mes deux voyages Pking dont le premier eut lieu en octobre-novembre 1930.

    Ce bref passage dit bien des choses qui sait deviner lenthousiasme et la rsolution dun homme lesprit curieux et la remarque de Teilhard dit le cur du travail scientifique : H. Breuil sait voir ce que dautres ne voient pas ! Tel est sans doute la dfinition de la foi pour labb Breuil : un art de voir.

    4. La question anthropologique

    A la fin du XIXe sicle, dans le monde catholique, le dbat faisait rage entre deux tendances que lon peut simplifier entre deux conceptions de lhomme prhistorique : est-il un singe perfectionn ou un Adam dgnr ? Ainsi se pose la question qui dans un sens est la perspective du progrs de lvolution et dans lautre une lecture dramatique du pch originel. Mme si H. Breuil ne veut pas se mler un dbat thologique et idologique, il ne peut pas ne pas y avoir pris part.

    La priode tudie par H. Breuil est limite dans le temps. Elle implique pourtant un jugement sur lensemble des connaissances en matire de palontologie humaine. Pour cette raison, on peut voir dans ses tudes une vision unifie, mme si elle nest pas ( notre connaissance) expose systmatiquement.

    disant que ctait sous linfluence de sa famille quil avait choisi cette voie. Rien ne permet de le dire. La situation de H. Breuil est diffrente de celle de bien des prtres originaires de la campagne qui trouvaient une promotion sociale ltat clrical. Pour un enfant de la bourgeoisie, ce ntait pas le cas au contraire. Le choix est rsolu et lucide.

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    4.1. Unit de lhumanit

    Lorsque H. Breuil commence ses travaux, lide dune continuit entre les gnrations actuelles et leurs anctres est acquise dans le monde scientifique. Il ny a pas place pour une discontinuit radicale : celle de la cration des espces par des actes nettement spars, ou encore lors du dluge.

    Mais en travaillant sur le terrain, H. Breuil relve que ltude demande tre mieux dfinie au plan de la chronologie par une stratigraphie qui tienne compte des modifications de lenvironnement quil faut apprcier au plan local mais aussi au plan mondial. Lexprience du grand voyageur est ici essentielle pour cette perspective. Il compare lAfrique du Sud et lEurope. Cette vision densemble repose sur une tude minutieuse de la situation locale qui a pour consquence que des divergences apparaissent entre elles. Il a donc des divergences ; celles-ci sont en interaction, en confrontation, en mtissage comme en exclusion. Ltude des outils est sur ce point essentielle : il distingue deux rameaux parallles, lun biface (laurignacien, lacheulen), lautre clat (Clactonien, Levalloisien)28.

    Ainsi lart ouvre-t-il sur des questions anthropologiques et la question de lunit de lhumanit est pose29. H. Breuil la reconnat par lexistence de similitudes et mme de contact entre les rgions. Des chemins diffrents convergent. Pour lui, il y a une unit trs forte des cultures humaines et un diffrence incontestable avec lembranchement des panids.

    Cette conclusion est donc fonde sur la conviction de lunit du genre homo et sur la continuit entre les gnrations. Il y a un progrs continu ; sil y a divergence, elle est surmonte par des croisements culturels. La question de la dame blanche est au cur de ce dbat. H. Breuil trouve sur une paroi dAfrique du sud, au milieu dune population noire, une figure dominante qui nest pas colore elle est blanche30. Lexamen du profil de la figure lui fait voir une diffrence avec les autres visages. Il interprte en disant que la figure est emprunte une population du nord de lAfrique attestation dun change culturel quand les populations se sont diffrencies.

    28

    Nol COTE et Nathan SCHLANGER, Lexprience stratigraphique de labb Breuil : au cur de la pratique archologique , Sur les chemins de la prhistoire, op. cit., p. 160. 29 Classiquement, on parlait dHominids propos de la ligne humaine, place en groupe-frre des Chimpanzs ou panids, et le groupe monophyltique (Hominids + Chimpanz + Gorille + Orang-Outan) formait les Hominoids. En raison de la trs faible diffrence gntique entre Homo et Chimpanz, certains proposent dappeler cet ensemble (Homo +Australopithques et consort + Pan) Hominids, le clade en-dessous , (Homo + Australopithques), devenant alors le clade des Hominins. 30 Jean-Loc LE QUELLEC, Breuil et la Dame blanche : naissance et postrit dun mythe, Sur les chemins de la prhgistoire, op. cit., p. 119-127. Linterprtation croise le mythe de lAtlantide !

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    4.2. Lart prhistorique

    Peut-on parler dart prhistorique ? Lexpression entend y reconnatre une dimension anthropologique spcifique. La question est alors de savoir comment linterprter : quelle rfrence la transcendance de ltre humain ? Pour comprendre lattitude de Henri Breuil, il faut constater la diversit des interprtations actuelles.

    Une premire cole considre que les productions artistiques relvent de lart pour lart. Ce serait par souci esthtique que les hommes auraient dcor leur espace vital. Sinon leur lieux de chasse, du moins les lieux de refuge pendant les poques de glaciation. La transcendance de ltre humain se manifeste donc par la beaut et la gratuit de lart. Mais la place difficilement accessible des reprsentations contredit cette explication.

    Une autre cole, attentive lutilit des gestes, tient que les dessins ont t faits pour des raisons defficacit. Ce serait la base de rituels magiques. Les hommes primitifs auraient attribu un rle magique limage pour exorciser les forces du mal et se garantir une chasse fructueuse (Interprtation du comte Begoun). La reprsentation dlments qui nont pas de rapport la chasse limite cette interprtation.

    Une autre interprtation donne une reprsentation selon une vision qui met en parallle monde sacr et monde profane. La grotte orne est un sanctuaire qui permet le passage entre le monde profane et celui du sacr. La difficult est alors de donner une prsentation de cette religion qui na pas laiss dautre trace. Plusieurs religions sont reconstitues : le chamanisme, ou des religions de fcondit trs sexualises ; une religion de la Terre-mre

    H. Breuil rcuse la premire thorie qui est apparue au XIXe sicle dans un contexte fortement antichrtien chez Gabriel de Mortillet. Celui-ci parlait de totmisme. Chaque clan ayant un animal totem objet de culte. Il saccorde avec la deuxime qui voit dans les reprsentations des gestes qui parlent de la magie par appel une sympathie vcue entre lhomme et lanimal. Il y a donc une sacralit ; elle nest pas une religion constitue, mais une attitude qui fait le lien entre la ralit et la reprsentation.

    La troisime perspective nest pas explicitement dveloppe par H. Breuil. Il a pourtant donn certaines dcouvertes un vocabulaire religieux. Il parle de sanctuaire ou de chapelle pour des salles ornes. Cette rfrence au sacr reste trs vague. H. Breuil ne cherche pas reconnatre une religion partir de ces traces mme sil est par ailleurs convaincu de la spcificit humaine comme homo religiosus selon lexpression de Mircea Eliade.

    Ce sera le fait de son successeur Andr Leroi-Gourhan qui sappuie sur des

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    mthodes structuralistes pour trouver des liens entre les images et penser un rseau de relation ; il y reconnat une importante place la sexualit ce qui dplaira H. Breuil. Mais le caractre construit fait que ceci reste hypothtique. La thmatisation en terme de chamanisme a pris le relais dans les annes 60 (aprs la mort de H. Breuil) avec Jean Clottes, mais les scientifiques y ont vu une extrapolation indue.

    La position de H.Breuil est donc plus rserve. Elle dpend pour une part des ides dominantes dans le monde de lhistoire des religions. Il est donc dpendant de la notion de primitif telle quelle apparat en anthropologie. Est primitif ce qui correspond lge mental des petits enfants : un monde magique o les actions causales ne sont pas distingues et o les faits sont surdtermins au plan affectif. H. Breuil ne reconstruit pas une histoire des religions. Il est sur ce point, plus prudent que Teilhard de Chardin. Cette exigence de scientificit lhonore.

    4.3. Lanthropologie

    Lanthropologie invite une constatation de la continuit. La difficult est de concevoir ltre humain de manire non essentialiste, mais dans la perspective dun devenir et donc dune volution. Le cur de la difficult des adversaires de lvolution est bien de penser une essence intemporelle, la pense mme de Dieu, et non un devenir qui fait passer dun tat un autre, sans rupture fondamentale.

    Lanthropologie de H. Breuil est lie une vision de lhomme en devenir. Il ny a pas une culture de rfrence par rapport laquelle on devrait juger des autres cultures. Il constate la richesse et linventivit et cela lui permet de reconnatre la grandeur de ltre humain.

    Lobjet dtude de H. Breuil est en effet lart parital et cela lui montre la capacit de lhumanit de sexprimer dans un monde symbolique et donc dans une dimension qui chappe limmdiat de lutile.

    Il faut remarquer que cette conviction est la source de sa manire de faire des relevs. Les relevs sont exacts et en ce sens meilleurs que ce que lon pouvait alors faire par la photographie. Mais le relev et surtout la copie et la publication des relevs sont une interprtation qui accentue et souligne le symbolisme des reprsentations.

    Il apparat donc que H. Breuil donne des lments qui tranchent un des dbats les plus vifs aujourdhui : la relation entre lhomme et lanimal. Tout le monde saccorde reconnatre une diffrence entre les socits animales et les socits humaines, entre les capacits cognitives des unes et des autres. La question est de savoir de quelle nature est la diffrence. Une cole de pense, aujourdhui dominante, considre que cest une diffrence de degr. Une autre cole pense quil y a une diffrence de nature. H. Breuil est dans cette perspective. Le relev des

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    activits humaines repose sur la conviction de la rupture entre lanimal humain et les autres animaux.

    Conclusion

    H. Breuil na pas voulu faire uvre de thologien. Il admirait Teilhard de Chardin ; il tait solidaire de sa qute, mais il ne voulait pas sengager dans les chemins de linterrogation thologique. Prudence ? sans doute ; mais mon avis, position juste, car la formation de H. Breuil ne faisait pas de lui un thologien de mtier. Il est difficile davoir deux comptences.

    La foi de Breuil est incontestable. Sa fidlit ses engagements galement. La conception quil a de la foi est celle quil a reu au sminaire. La foi est dabord une exprience. Pour cette raison, elle doit se prsenter comme une part de lexprience humaine. Le travail scientifique fait partie de lexprience et cest une qute de vrit qui est habite par la foi, exprience plus large du rel. Ainsi sa vocation est-elle dtre un exemple de rigueur tant dans le travail scientifique que dans la foi.

    H. Breuil est rsolu, car il a confiance dans la vrit. Les refus des cercles thologiques romains sont pour lui erreur qui doit tre vaincue par lvidence des rsultats. On ne peut nier les faits. H. Breuil se situe au niveau des faits. Il a confiance dans le chemin de la vrit.

    La rserve de H. Breuil en matire thologique nempche pas que ses principes dinterprtations aient t marqus par son esprit religieux. Il fait une lecture de la culture sous le signe du sacr. Dans le domaine de linterprtation, son continuateur est Andr Leroi-Gourhan (1911-1986) dans ses analyses de la religion de la prhistoire. Comme le contexte a chang, les principes de lanalyse sont diffrents ; mais cest le mme souci. De lart parital vient un message humain qui sadresse des humains en qute de leur identit et de leurs racines. Nous entrons alors dans un dbat trs actuel : celui de la destine humaine. La question du sens est pose ; elle lest partir de lart, compris comme manifestation de la transcendance humaine. H. Breuil a une trs forte conviction de lunit du genre humain.

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    Notes biographiques 28 fvrier 1877 naissance de Henri Breuil Mortain (Manche) son pre est magistrat.

    Scolarit chez les Maristes Senlis

    Sjour familiaux en Picardie

    1895 entre au sminaire de saint Sulpice Issy (Hauts de Seine) cours de philosophie.

    son professeur de science labb Guibert loriente vers les sciences

    Rencontre avec un cousin gologue prhistorien Geoffroy dAult de Mesnil

    1897 avec labb Bouyssonie premier tour de France visite des Eysies (Dordogne) et Mas dAzil (Arige), Gourdan en Haute-Garonne et Brassempouy dans les Landes.

    1897 (octobre) entre au sminaire de Saint Sulpice Paris

    1898 : deuxime tour de France avec Thodore Reinach directeur adjoint du Museum Il visite les sites prhistoriques de France

    il achve par une prsentation de ses observations au congrs de lAssociation franaise pour lavancement des sciences o il rencontre les prhistoriens Louis Capitan et Adrien de Mortillet.

    1900 ordonn prtre pour le diocse de Soissons

    Il travaille au relev duvres paritales dans la grotte de La Mouthe.

    1900 (octobre) entre lInstitut Catholique de Paris comme tudiant en sciences naturelles.

    1901 dcouverte des uvres paritales des Combarelles et de Font-de-Gaume aux Eyzies. Il y fait des relevs. Il fouille au Mas dAzil.

    1902 reconnaissance de lauthentique art parital palolithique. Premier sjour en Espagne pour un relev des peintures de la grotte dAltamira.

    1903 : licence dhistoire naturelle. Fouille les carrire de Bultel-Teillier prs dAmiens et relevs dans la grotte de Marsoulas.

    1904 : accueil de Hugo Obermaier quil initie lart parital. Il fait avec lui un voyage en Angleterre pour travailler sur les collections de lge du Renne au British Museum.

    1905 : H. B. soutient Fribourg sa thse dhabilitation dont Marcellin Boule est le rapporteur. Lors du premier congrs de prhistoire Prigueux, H.B. prsente sa

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    vision de lart parital et une classification du palolithique suprieur. Il est nomm Privat-Dozent, puis professeur extraordinaire lUniversit de Fribourg. Il y restera jusquen 1910. Il parcourt lEurope ; il travaille sur les collections aurignaciennes de Ulm.

    1906 : Il prsente ses travaux Monaco o le Prince Alnbert 1er se propose de subventionner lart parital. Il en rsulte une importante publication sur Altamira. Dans lhiver 1906-1907, il travaille Niaux et Gargas relever lart rupestre.

    1907 : tude de la grotte de Bdeilhac.Il participe aux recherches du site de Solutr.

    Il tudie les collections dans les muse du centre de la France.

    1908 : Dcouverte (par les abbs Amde et Jean Bouyssonie) dun squelette nandertalien La Chapelle aux Saints (Corrze). Etude de la stratigraphie de labri Pags en Dordogne. Il ralise des recherches en Espagne

    1909 : Publication de LAurignacien prsolutren, pilogue dune controverse qui clt le dbat ancien. Expertise de Niaux avec Cartailhac. Il est en Espagne Altamira avec le Prince de Monaco, son mcne.

    1910 : fondation de lInstitut de Palontologie Humaine sous la direction de Marcellin Boule. H. B. Occupe la& chaire dethnographie prhistorique.

    1911 : publication des recherches sur les Cavernes de la rgion Cantabrique.

    1912 : Visite de lAndalousie des sites de grottes ornes vers Algsiras. Publication de ses travaux sur les subdivisions du palolithique suprieur. Il visite la grotte du Tuc-Audoubert de lArige dcouverte par le comte Bgoun et ses fils. En octobre, il est en Angleterre avec Marcellin Boule et il profite pour visiter les sites du Pays de Galles.

    1913 : H. B. est invit Londres pour des confrences. Il tudie les sites espagnols quil fait visiter ses tudiants.

    1914 : dcouverte de la grotte dite des trois frres (les fils Bgoun) prs du Tuc-Audoubert.

    Il est mobilis pour la guerre et il est Talence au service de sant.

    1915-1918 : Il est ensuite affect en Espagne au service de linformation. Il donne des confrences lInstitut Franais et son emploi du temps lui permet de visiter les sites prhistoriques.

    1919-1022 : il reprend ses activits de chercheurs. Il fait de nombreuses confrences internationales.

    1922 : il visite lEurope centrale

    1925 : formation dun groupe dit concile dAltamira avec le comte Bgoun, Obermeier et Teilhard de Chardin, pour informer les autorits catholiques de la question pose par la prhistoire. Le rapport est transmis au pape

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    par le Nonce. Ce texte teint les prventions contre les tudes de palontologie humaine.

    1926 : confrences Oxford o il est docteur honoris causa

    1927 : cours dethnographie de la Sorbonne- voyage en Angleterre et en Ecosse

    1928 : sjour en Angleterre. Il visite Pittdown et autres sites.

    1929 : H. Breuil est invit en Afrique du Sud pour participer aux congrs des associations britaniques et sud-africaine pour lavancement des sciences. Il visite les sites dAfrique du Sud et de la Rhodsie.

    Il obtient la chaire de prhistoire au Collge de France. Il loccupera jusqu sa retraite en 1947.

    1931 : Il va en Chine par le transibrien. Il fouille avec Teilhard de Chardin et Wenzhong Pei le site de Zhoukoudian o on avait trouv le Sinanthrope.

    A la fin de lanne, il est Italie o on dbat de lexistence du Palolithique en Italie.

    1932 : H. Breuil se rend en Moravie. Il visite les principaux sites dAlgrie.

    1933 : Il est en Ethiopie avec Teilhard de Chardin et Henry de Monfreid.

    1934 : visite des sites archologiques de France

    1935 : deuxime voyage en Chine - par bateau ! Troisime sjour en Italie. Une rencontre avec le pape Pie XI le 25 juillet conduite par le Baron Alberto Blanc. Il met jour les restes dun nandertalien.

    1936 : Nomm prsident de la socit prhistorique franaise (fonde en 1904). Nombreuses fouilles en France avec des lves et collgues

    1937 : en France

    1938 : lu lAcadmie des Inscriptions et Belles Lettres (Institut de France).

    1939 : travaux en France avec des errances dues la guerre

    1940 : Il met labri les collections parisiennes et sjourne en Dordogne. Il est sur place quand on dcouvre la grotte de Lascaux Montignac. Il rdige le rapport scientifique.

    En octobre, il part enseigner Toulouse. Il visite les sites de la rgion

    1941 : Il est invit au Portugal puis va au Maroc

    1942 : Il part pour lAfrique du sud o il demeure jusquen 1951. Il ne fait que de brefs sjours en France pour ses cours au Collge de France.

    1947 : Congrs pan-africain de prhistoire

    1948 : Travaux au Congo et visite des gisements du Katanga, Lomani et Rassa.

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    1951 : retour en France et nombreuses publications

    1954 : deuxime mandat de prsident de la socit prhistorique franaise

    1955 : mort de son ami Teilhard de Chardin

    1957 : Visite de la grotte orne de Rouffignac. Clbration au Muse de lhomme de ses quatre-vingt ans ! Lgion dhonneur, etc. salle de muse en son honneur Saint Germain en Laye.

    1961 : Il obtient gain de cause : la reconnaissance de la prhistoire par le CNRS !

    14 aot : dcs dans sa maison de lIsle-Adam.

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    Note : dsignation des priodes du Palolithique

    Palolithique archaque attest en Gorgie (Dmanisi) vers 1,8 millions dannes, en Espagne (Fuente Nueva 3, Baranco Leon) vers 1,4 millions dannes, en France (grotte du Vallonet) et en Italie (Monte Poggiolo) vers 1 million dannes. Artisans : homo georgicus, homo antecessor (en Espagne) et homo cepranensis (en Italie). Palolithique infrieur : Acheulen ou industrie bifaces. Artisans : homo heidelbergensis et en France Caune de lArago Tautavel. Palolithique moyen : Moustrien avec utilisation du dbitage Levallois. Artisans : Homme de Nandertal en Europe et Homo sapiens au Proche Orient. Palolithique suprieur : arrive de Homo sapiens en Europe. Industries dites de transition (40 000 30 000 ans environ) avec un dbitage laminaire Chatelperronien en France et en Espagne, Uluzzien en Italie. Artisans : Homme de Nandertal.

    1. Aurignacien (40 000-29 000 ans) : premire culture de lhomme moderne en Europe. LAurignacien se caractrise par un dbitage laminaire, ainsi que des outils caractristiques comme les grattoirs sur lame dune forme ainsi que des pointes de sagaies base fendue pour faciliter leur emmanchement. Lart mobilier et parital fait son apparition, avec de nombreuses statuettes et des figurations paritales en grottes, notamment dans la grotte Chauvet.

    2. Gravettien (29 000 21 000 ans) : il se caractrise par lapparition dune retouche abrupte particulire, permettant de crer un dos sur les lames, une surface plane plus facile encoller sur une sagaie avec de la glu ou du mastic, et fixer laide dune corde ou de taffetas. Les grottes sont toujours ornes (Grotte Cosquer, Gargas, Mayenne-Sciences), avec en particulier des mains ngatives et des ponctuations. Dans toute lEurope, apparaissent des statuettes fminines aux fesses rebondies, surnommes Vnus, aux hanches gnreuses et la poitrine norme et tombante, commela Vnus de Willendorf. Il pourrait sagir de symboles de fcondit.

    3. Solutren (21 000 18 000 ans), seulement identifi l'ouest du Rhne, en France, en Espagne et au Portugal. Les tailleurs solutrens faonnaient des outils extrmement fins, retouchs sur les deux faces, au tranchant fin et effil. Le plus clbre est l'outil surnomm feuille de laurier , en raison de sa finesse. Cest galement au Solutren quapparaissent deux outils majeurs : laiguille chas, qui permet de coudre les vtements, et le propulseur, qui permet de dmultiplier la puissance et la distance de jet des sagaies.

    4. Epigravettien, prsent l'Est du Rhne, en France et en Italie.

    5. Badegoulien (19 000 - 17 000) : connu seulement en France et en Suisse, il correspond l'ancienne dnomination Magdalnien ancien. Il se diffrencie

  • Fr. Jean-Michel Maldam Science et Spiritualit. Prtres et scientifiques : 3. Labb Breuil

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    nettement du Magadalnien stricto sensu du point de vue technique (dbitage dclats) et typologique (abondance des grattoirs et des outils archaques, raret des burins et des lamelles dos).

    6. Magdalnien (17 000 - 9 000 ans) : le Magdalnien est le dernier complexe du Palolithique suprieur qui voit la fin de la dernire glaciation et lapparition progressive des conditions climatiques actuelles. Le grand dveloppement du travail de los et du bois de cervid culmine avec linvention du harpon. Les magdalniens pratiquent une chasse souvent considre comme spcialise, car certains sites ne livrent les restes que d'une seule espce, comme le cheval ou le renne. Sur certains sites, seul le saumon est pch. Lexploitation des territoires acquiert une plus grande extension : il arrive que des matires premires ou des coquillages soient retrouvs des centaines de kilomtres de leur lieu d'origine, mais il est alors difficile de savoir s'il s'agit d'acquisitions directes ou par change. L'art parital est particulirement riche et diversifi (Rouffignac, Niaux, Roc-aux-Sorcier, Altamira, etc.). Le Magdalnien est prsent en Europe occidentale (Pninsule ibrique, France, Suisse, Allemagne et Pologne).

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