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HAL Id: halshs-00918811 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00918811 Submitted on 27 Jan 2014 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Le polar de Paris : une mise en scène des changements urbains de l’est parisien Céline Barrère, Yankel Fijalkow To cite this version: Céline Barrère, Yankel Fijalkow. Le polar de Paris: une mise en scène des changements urbains de l’est parisien. Lieux communs, 2013, pp.75-95. halshs-00918811

Sciences de l'Homme et de la Société - Le polar de Paris: une mise en … · 2021. 6. 1. · En relisant à l’aune de notre expérience urbaine les articles de l’École de Chicago

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HAL Id: halshs-00918811https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00918811

Submitted on 27 Jan 2014

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Le polar de Paris : une mise en scène des changementsurbains de l’est parisienCéline Barrère, Yankel Fijalkow

To cite this version:Céline Barrère, Yankel Fijalkow. Le polar de Paris : une mise en scène des changements urbains del’est parisien. Lieux communs, 2013, pp.75-95. halshs-00918811

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En relisant à l’aune de notre expérience urbaine les articles de l’École de Chicago publiés vers 1920, le récit du changement urbain semble un genre non cantonné aux seules sciences humaines, mais largement répandu dans la presse comme en littérature (B. Tadié, 2010). Voici “le peuple”, cantonné dans son quartier, développant grâce à ses ressources des capacités à survivre. Mais il vit dans un habitat vieux et mal entretenu par des propriétaires lointains. Arrivent soudain toute une troupe d’affairistes, de jeunes riches conquérants qui s’installent dans le quartier et avec l’aide de promoteurs et de la municipalité délogent les “bons sauvages” qui vont habiter ailleurs. Ce récit, que l’on trouve sous la plume des sociologues, s’est largement diffusé dans les médias et dans la littérature, des États-Unis vers l’Europe, notamment à travers le genre en plein essor du roman policier. À l’instar d’E. A. Poe, considéré comme un pionnier par tous les spécialistes du genre policier depuis le XIXe siècle (Todorov 1971 ; Blanc 1991 ; Kalifa 2013), notre texte s’inscrit en cinq étapes : la découverte des territoires coupables nous conduira à la mise en scène du changement, laquelle nous permettra d’étudier dans les mémoires collectives, leur ambiguïté et l’ambivalence de l’acception du quartier n’existant que par sa disparition. En conclusion, nous nous demanderons dans quelle mesure ces cinq éléments propres à la fiction policière constituent une propédeutique aux quartiers populaires entre scène locale et scène internationale.

LE POLAR DE PARIS : UNE MISE EN SCÈNE DES CHANGEMENTS URBAINS DE L’EST PARISIEN

Céline BarrèreENSAP Lille, CRH-LAVUE

Yankel FijalkowENSA Paris Val-de-Seine, CRH-LAVUE

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OÙ LES SOCIOLOGUES DES QUARTIERS POPULAIRES RENCONTRENT LE POLARUn certain nombre de facteurs l’ont favorisé. À Paris, le parc immobilier ancien, composé pour les trois quarts d’un parc construit avant-guerre, porte encore les traces de l’urbanisme haussmannien qui oppose l’ouest, le centre et l’est de la capitale et l’irradie de percées, places et grands boulevards. Ce cadre bâti vétuste qui subsistait à l’est et au nord de la capitale à la fin du XIXe siècle, a permis à ces quartiers, victimes d’une urbanisation rapide et mal organisée d’accueillir des vagues d’immigration venant de l’Europe proche et des pays de l’Est. Dans les années 1960, la mémoire des “îlots insalubres”, destinés à la démolition et traités par les opérations de démolition reconstruction, dites de rénovation urbaine, était vive (Fijalkow, 1998). À l’époque, de véritables quartiers populaires étaient à la fois menacés (Coing, 1966) et défendus par une population d’artistes et de jeunes intellectuels que des sociologues identifiaient à une nouvelle classe moyenne (Bidou, 1984 ; Chalvon-Demersay, 1984). Depuis les années 1980 au centre du débat d’opposition au “massacre” du “Paris populaire”, ces quartiers voient se déployer, au nom du “patrimoine”, une action publique plus respectueuse du bâti ancien (Chevalier, 1997). Ainsi ces quartiers se parent-ils depuis une trentaine années d’un paysage plus convivial et ludique. Dans les nouvelles rues piétonnes à l’ambiance “village”, le décor des anciens zincs fait place aux terrasses de café. Les propriétaires privés soutenus par les pouvoirs publics améliorent leurs logements, augmentent les loyers et provoquent un changement progressif de population. Les nouveaux venus, une vague de gentrifieurs issus des couches moyennes supérieures et donc plus aisés que leurs ainés, valorisent le décor populaire du quartier qu’ils redécouvrent. Ils se passionnent, tout au moins dans les premiers temps, pour la culture pittoresque des quartiers populaires chargés

d’histoire, se félicitent de leur cohabitation harmonieuse, bien que distante, avec “le peuple”. Le processus de gentrification y est en tout point conforme à celui décrit par Ruth Glass dès 1963 pour les quartiers ouvriers de Londres1. Ainsi le changement social occasionné par la gentrification est-il producteur de récits d’espaces, en contrepoint des récits des acteurs municipaux et des urbanistes (Bacqué, Fijalkow, 2007).

1 R. Glass écrit, en 1963, dans Introduction to London : “L’un après l’autre, nombre de quartiers populaires de Londres ont été envahis par la classe moyenne – supérieure et inférieure –, de petites maisons modestes de piètre apparence, deux pièces au rez­de­chaussée et à l’étage, ont été reprises en fin de bail et sont devenues des résidences élégantes et chères. Des maisons victoriennes, qui avaient perdu leur statut plus ou moins récemment et avaient été divisées en appartements ou transformées en meublés, ont retrouvé leur lustre… Quant à ce processus de ’gentrification’ démarre dans un quartier, il s’accélère jusqu’à ce que la plupart des habitants ouvriers d’origine aient été écartés et que le profil social d’ensemble du quartier ait été changé.”

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OÙ LA FICTION POLICIÈRE DEVIENT LE GENRE URBAIN DES TERRITOIRES COUPABLES Où l’enquête associe le sociologue et le détectiveLa concomitance entre essor du roman et expansion urbaine (Lassave, 2002 ; Callois, 1938 ; Bidou, 1997) s’avère d’autant plus forte pour le roman policier que la métropole, permettant les mobilités et le brassage social, en est le cadre et le sujet de référence. Jean-Noël Blanc va même jusqu’à parler d’une “obsession” pour la ville (Blanc, 1991, p. 15). Genre urbain, la première spécificité de la fiction policière est de donner “droit de cité” à des territoires coupables. Loin de la vitrine des travaux et des embellissements, loin de la vision d’une ville pacifiée et rationalisée, ce sont les dessous urbains qui sont représentés. Du point de vue spatial, le roman policier renonce, le plus souvent, aux beaux quartiers pour investir et surinvestir tous les lieux écartés tant du point de vue géographique, matériel que de l’imaginaire collectif 2. Du point de vue social, ces territoires sont perçus comme le refuge des exclus, de toute une population suspecte, disparate et marginale. Dès lors, ce discours doit pour créer une atmos phère propice au crime se rapprocher du propos hygiéniste qui confond caracté-ristiques des lieux et des hommes, exploitant les peurs sociales, les faits-divers, entre répugnance et fascination (Kalifa, 1997).

La seconde spécificité de la fiction policière est qu’elle n’est pas neutre, mais au contraire véhicule une critique sociale et une vision quelque peu désabusée de la société à partir de la représentation des failles d’une histoire officielle. C’est précisément à l’analyse de ces représentations critiques, parfois militantes, que nous nous attachons.

En plus d’opérer un déplacement du regard collectif vers les marges sociales et urbaines, vers ce qui relève de la transgression de l’ordre social, le roman policier est lui-même marginal, ou plutôt en marge de la littérature reconnue. Il a ainsi été longtemps caractérisé par son absence de qualités littéraires et artistiques, réduit à sa condition péjorative de “littérature de masse” pour reprendre les termes de T. Todorov, c’est-à-dire non originale, appliquant une recette non proprement littéraire (Todorov, 1971, p. 10). Dévalorisé, il n’en demeure pas moins un objet de grande consommation au lectorat élargi et

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2 Plus spécifiquement, le roman policier s’enfonce dans toutes les “boucles d’impunité”, mettant en scène les figures des “bas­fonds” comme le montrent les travaux de l’historien Dominique Khalifa, notamment dans Les Bas­fonds. Histoire d’un imaginaire, Paris, Seuil, 2013, 394 p.

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populaire au double sens du terme 3. Cette caractéristique en fait, en suivant S. Kracauer, un marqueur social d’importance, révélateur des idéologies dominantes et des peurs de la société bourgeoise et du capitalisme en crise. La fiction policière, entre reprise d’une formule narrative et

écart par rapport à celle ci, est un puissant filtre de l’imaginaire, des valeurs et des attentes collectives.

Pour ce faire, sociologues et détective usent d’un principe méthodologique et narratif commun : l’enquête. En terme d’organisation du récit, l’enquête policière met en place ce que Yves Reuter nomme une “structure duelle et régressive”, c’est-à-dire une double trame temporelle (Reuter, 2011, 41). Deux histoires entrent en relation : celle du crime et de ce qui y a mené ; celle de

l’enquête pour la reconstituer, c’est-à-dire l’histoire de ce qui s’est passé et l’histoire de comment on en prend connaissance 4. Ce ressort narratif pose le soupçon comme mode de

représentation, soupçon entretenu et exploité grâce à la construction d’un “code herméneutique” (Barthes, 1970) généralisant le mystère et le suspense – au double sens d’attente et de suspension. Il s’agit de tout ce qui relève de la tension entre le savoir et le secret, le dit et le non-dit : les indices, les leurres, les fausses pistes, etc. (Robbe-Grillet, 1963, p. 16-22). L’enquête et le soupçon sont portés par un enquêteur qui oriente l’attention du lecteur (Todorov, 1971). Doté, de par son métier et son passé, d’une capacité à naviguer entre les mondes et les milieux sociaux, l’enquêteur catalyse les situations et les conflits, et incarne le processus de déconstruction et reconstruction du crime qui s’avère, au final, celui de la société, ses valeurs et ses tensions.

Laboratoire stylistique, manipulant les codes narratifs, le roman policier est, en tant que fiction, une structure d’accueil et de projection des mutations et des revendications de la société. Le savoir et sa dissimulation sont l’enjeu de la narration, le lieu d’affrontement entre l’enquêteur et le coupable autour du crime et de ses traces, d’un univers socialement et spatialement construit où la description en vient à jouer un rôle spécifique, trop souvent passé sous silence.

3 En avant­propos de son Roman policier, Yves Reuter cite les statistiques éclairantes relatives au roman policier de l’étude d’O. Donnat, Les Pratiques culturelles des Français, La Documentation française, 1998 : 50% des Français de plus de quinze ans possèdent des romans policiers ; le roman policier est le genre le plus lu pour 21% des Français de plus quinze ans et le genre préféré pour 12% d’entre eux.

4 Cette dualité narrative renvoie directement au binôme identifié par Tzvetan Todorov de la fable – l’histoire du crime – et du sujet – la résolution de l’énigme. Voir “Typologie du roman policier”, in Poétique de la prose, Paris, Seuil, coll. Essais, 1971, p. 12.

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Où se construit un “polar parisien”Les auteurs retenus dans le cadre de cette étude – Joseph Bialot, Didier Daeninckx, Thierry Jonquet, Achille N’Goye, Daniel Pennac, Dominique Sylvain et Fred Vargas – possèdent plusieurs caractéristiques communes : un position-nement politique à gauche ; une volonté de réalisme ; un parti-pris de témoignage et d’engagement, réunissant aventure urbaine et traditions littéraires revisitées (Y. Reuter, 2011, p. 68) ; la diversification et les déclinai-sons du genre, notamment par l’introduction d’enquêteurs femmes, homosexuels ou noirs. Créant un effet de génération, hormis J. Bialot né avant la Seconde Guerre mondiale 5, ils appartiennent majoritairement aux couches moyennes en ascension, dotées d’un capital culturel important et sont impliqués dans le périmètre et le territoire représentés dans leurs romans 6. Ils ont également en commun le choix du quartier comme échelle de référence et de représentation autour de deux registres : celui de la ville malade et celui de l’ “assassinat de l’urbain” 7.Leurs œuvres (voir détail du corpus page suivante), au lectorat et à la diffusion importantes, sont marquées par des références sortant du cadre strict du roman policier : par l’introduction d’analyses socio-institutionnelles des situations présentées ; par la matérialisation d’un double point de vue sur les lieux – les habitants ancrés, les nouvelles tribus ; et, enfin, par la revendication d’une valeur artistique et créatrice spécifique. Publiées de la toute fin des années soixante-dix du XXe siècle au début des années deux mille, elles mettent en scène les différents visages de la mécanique de rénovation urbaine et d’embourgeoisement qu’ont connu les quartiers du nord-est parisien – principalement Belleville, la place des Fêtes, Ménilmontant, Château-Rouge – ce, de la rénovation bulldozer des premières années à une politique plus négociée conséquence des mobilisations citadines. Héritiers du néo-polar à un titre ou un autre, ces romans, bien que divers par leur style, leurs objets et leur portée, forment une catégorie à part que l’on pourrait appeler le “polar parisien”, car doublement situé à un moment de l’histoire de la ville et de la sociologie de ses auteurs.

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5 Joseph Bialot (1923­2012), Didier Daeninckx (1949), Thierry Jonquet (1954­2009), Achille N’Goye (1944), Daniel Pennac (1944), Dominique Sylvain (1957), Fred Vargas (1957).

6 Pour mémoire, on peut rappeler que Thierry Jonquet est un ancien travailleur social ; Daniel Pennac professeur de français ; Fred Vargas archéologue ; Dominique Sylvain journaliste. Didier Daeninckx, lui, a travaillé dans l’imprimerie avant de devenir journaliste et, enfin, Achille N’Goye est journaliste, et Joseph Bialot possèdait une entreprise de textile.

7 Toutes ces caractéristiques traduisent l’influence ce que les critiques ont appelé le “néo­polar” des années 1960­1970, c’est­à­dire une attention spécifique pour les territoires quotidiens et les personnages ordinaires. Jean­Noël Blanc, dans ses analyses sur la ville du polar, a montré qu’une des nouveautés du néo­polar ou du polar post 1968 est de “vouloir mettre en cause les inégalités sociales”, d’exhiber et de lier les “lieux sans urbanité” et les “populations méprisées”.

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OÙ VOILER/ DÉVOILER LA GENTRIFICATION MET EN SCÈNE LE CHANGEMENT SOCIAL En dépit de toute attente, la gentrification est rarement citée dans le roman policier. Le terme n’est même jamais prononcé. Pennac emploie une série de périphrases pour la définir, telles que “l’érection du New Belleville” ou “le devenir Bellevillois”. Le processus apparaît voilé, médiatisé par des écrans et des filtres aussi bien visuels, olfactifs que sonores. La gentrification constitue un spectre du roman policier, une menace supplémentaire qui pèse sur des espaces déjà désignés et stigmatisés. On peut même attester d’une certaine cécité à la gentrification chez Bialot. L’auteur et son narrateur se concentrent sur un Belleville très rétréci, au ras de quelques rues et d’un carrefour, soit celui de l’avant-guerre de la communauté juive polonaise. Les transformations contemporaines apparaissent, dès lors, comme la répétition des grandes étapes historiques de la constitution du quartier. Face à la menace de disparition, l’écriture refuse de voir et se réfugie dans l’espace tourmenté de l’enfance avec ses rafles et ses destructions d’édifices.

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Belleville ! Belleville-taudis, Belleville-temps-des-cerises, Belleville-

ghetto, Babel-ville. Belleville qui s’écroule, s’émiette, s’accroche. Belleville

qui crève sous les assauts des bulldozers. Maisonnettes rasées, jardinets

retournés, rues effacées, c’est maintenant Belleville-béton-crasse-et-

confort-confondus, qui mène la danse. (Bialot, 1979, p. 11-12)

Un détour paraît alors nécessaire pour aborder les processus de rénovation urbaine et de gentrification. Il prend la forme d’une cristallisation des images liées à la tradition de l’accueil, au militantisme et à la mobilisation politique, à la cohésion et à la spécificité de la culture ouvrière ou encore à l’apport des différentes vagues migratoires. Le détour par l’imagerie bellevilloise tradition-nelle exhibe un pacte spécifique d’opacité et de visibilité entre repli nostalgique et vitalité du temps présent. Cette tendance se retrouve chez Vargas. Il ne s’agit, ici, ni d’un repli sur le quartier ni d’une ouverture à ses traits spécifiques. Cependant, la narration se resserre tellement autour du carrefour Edgar-Quinet-Delambre que le quartier disparaît de la narration et se réduit à la simple répétition de son nom. La ville et ses mouvements sont niés. Le même schéma de réduction spatiale est présent chez Sylvain qui met en scène le passage du Désir et le passage Brady dans le Xe arrondissement.

S’engouffrant dans le passage couvert, le vent rabattait les habituelles

senteurs où dominait le curry. Les Belles était le seul établissement dans

son genre au cœur d’un passage gavé de restaurants indiens. Malgré le

courant d’air, Lola s’attarda pour consulter l’ardoise. Il y avait du museau

vinaigrette, des crudités variées, de l’andouillette AAAAA, du bœuf mode, de

la canette de Barbarie et des desserts. (D. Sylvain, 2004, p. 50-51)

Aucune place n’est accordée à la description de la morphologie particulière du quartier. Le récit reste extérieur à la réalité urbaine. Le paysage urbain, le bâti et même le peuplement ne sont qu’un prétexte pour mettre en scène un décor minimal. La gentrification est absente, mais plus largement c’est l’urbain qui manque.Le changement urbain s’y révèle, alors, par les personnages. Plusieurs stratégies s’élaborent pour décrire ses acteurs, qu’ils se présentent comme chargés de la mémoire collective ou qu’ils ignorent purement et simplement leur environnement social immédiat. Une première catégorie d’auteurs

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auteur titre année de publication

Bialot, Joseph Babel Ville 1979

Daeninckx, Didier Meurtre pour mémoire 1997

Jonquet, Thierry Les Orpailleurs 1993

N’Goye, Achille Ballet noir à Château-Rouge 2001

Pennac, Daniel Au Bonheur des ogres 1985

La Fée carabine 1987

La Petite Marchande de prose 1989

Monsieur Malaussène 1995

Sylvain, Dominique Passage du désir 2004

Vargas, Fred Pars vite et reviens tard 2001

Corpus des fictions policières

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insiste particulièrement sur la tradition d’accueil des migrants et font la généalogie des différentes phases de l’immigration internationale. Ils placent au premier plan la succession des déracinés et non ceux dont l’installation résulte d’une promotion sociale ou d’une opération immobilière. Belleville est décrit comme un carrefour pour les miséreux de toute origine, un refuge pour tous ceux qui sont chassés de chez eux pour des raisons économiques, politiques ou sociales. Ces immigrés apparaissent princi-palement sous les traits de personnes âgées ou de jeunes enfants. Chaque auteur distingue les anciens habitants des nouveaux venus et tend à privilégier au sein de chaque groupe, les communautés d’origines variées – Arabes, Noirs, Juifs, Afrique du Nord, Chine. Bialot s’attache exclusivement à la communauté juive polonaise de Belleville, tandis que N’Goye met l’accent sur la communauté malienne et congolaise de Château-Rouge. À Belleville encore, Pennac s’intéresse à la communauté maghrébine tandis que Jonquet, lui, choisit la communauté asiatique ainsi que les traces de la communauté juive. Ce sont ces populations immigrées, dont l’investissement dans le quartier est le plus fort, qui font l’histoire des quartiers populaires qui les relient à l’histoire de Paris.

Agglutinées sur le même trottoir que lui, au coin des rues Dejean et Poulet,

une poignée d’Africaines tentait de fourguer des légumes déshydratées

à un gogo de la même farine. Les commères caquetaient au point que

d’autres congénères, alertées par leurs cris, rappliquèrent pour soûler le

pigeon, qui avec du petit linge, qui avec de la viande boucanée, qui avec des

produits de beauté, le tout à un prix prétendument sans concurrence.

Arnaque impitoyable. Classique chez les ACC, code secret des citoyens

angolais, congolais et de leurs cousins ex-zaïrois, dont les pays, tirés à hue

et à dia par des placiers de la faucille et du marteau, inculquent à leurs

populations la culture de la débrouille sauvage. Le détective traversa le

marché Dejean, immense dépotoir de cartons et cageots éventrés,

de produits avariés et de gadoue que le service de nettoyage, expurgé

de ses éléments de couleur, bichonnait et javellisait à coups de pompes

d’eau. […] Myrha le réconciliait avec lui-même. Elle reflétait un pan de son

univers. Par sa vétusté. Ses odeurs. Ses bruits. Ses ombres. Son

effervescence continue : des zozos allaient et venaient, s’attroupaient,

causaient gravement ou de manière relax. (N’Goye, 2001, p. 26-28)

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Néanmoins, la relation à l’émigration-immigration reste ambivalente, prise entre la tradition de l’hospitalité et le racisme envers les derniers arrivés. Les populations issues des couches moyennes d’origine française sont relativement discrètes dans le paysage sociologique des romans étudiés. Leur présence se fait sentir en filigrane, le lecteur les rencontrant plutôt dans les immeubles nouvellement construits. Toutefois, la juge d’instruction et le marchand de biens des Orpailleurs, la sociologue et le pharmacien de Babel

Ville, la journaliste, l’huissier de justice et l’employé de maison d’éditions des aventures de Malaussène, appartiennent tous aux classes moyennes, bien que très liées aux populations immigrées comme aux anciens du quartier, soit par proximité familiale, soit par relations d’amitié ou encore par intérêt profes-sionnel. Mais, à la différence d’autres nouveaux venus, ils s’arriment à la mémoire du quartier et reconnaissent, bien plus légitiment, le rôle de “passeur de mémoire” des populations ancrées dans ces quartiers. En effet, ils souhaitent participer activement à la diffusion de l’histoire que les opérations de rénovation contribuent à effacer, posant en filigrane la question de la patrimonialisation des quartiers populaires.

Ce positionnement n’est pas unanime chez tous les auteurs de polars. Chez Vargas, comme chez Sylvain, les communautés immigrées n’apparaissent que très peu ou pas du tout. Ces deux auteurs ne semblent s’intéresser qu’aux nouveaux venus, principalement français, et appartenant aux classes moyennes. Les réseaux sociaux présents chez Sylvain sont exclusivement composés de ceux que l’on peut appeler les gentrifieurs. Ces groupes sont surreprésentés dans l’espace resserré du passage du Désir : une masseuse, un commissaire de police anciennement professeur de français, un inspecteur, un restaurateur, une libraire, un patron de cinéma, un psychanalyste, une masseuse, etc. L’accent est mis sur les nouveaux modes de cohabitation telle la colocation, voire le mode de vie bohème comme l’appartement un peu hippie de la libraire. L’action se concentre sur une “tribu” particulière, avec ses réseaux, ses espaces de références, ses habitudes, son langage, etc. Le point de vue adopté est celui des classes moyennes et des transformations engendrées : ouverture de boutiques, d’ateliers d’artistes, d’espaces culturels, etc. Chez Vargas le quartier n’existe pas physiquement, hormis la place, la fontaine au centre, l’arbre auquel est pendue la boîte des annonces. Il se définit par sa population d’habitués, rassemblée pour le rituel commun :

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la criée journalière. C’est elle qui met en scène, définit et soude la communauté du carrefour et non l’espace environnant de cette partie du XVIe arrondis-sement. Le contexte y est franco-français, sans aucune trace d’influence étrangère. L’étranger ne dépassant guère la Bretagne, l’espace social du roman est un microcosme vivant en vase clos.

OÙ LES TEMPORALITÉS NARRATIVES BROUILLENT LES PISTES ET CONVOQUENT DES MÉMOIRES COLLECTIVES Où le chantier multiplie les scénarios urbainsPour relater ces transformations urbaines voilées, nos romans se saisissent d’un moment particulier : le chantier et ses effets. Cette phase, plus ou moins durable, massive et traumatisante pour les habitants, est un espace transitoire où se télescopent les temporalités, les lieux et les références, qui expose sa propre reconstruction, ses tensions entre passé, présent et futur . Elle fait coexister les ruines et les constructions qui sont autant de modèles et d’images du futur et du passé de la ville (Robin, 2001). Le chantier urbain et l’enquête policière sont deux processus similaires que le genre policier choisit souvent de cumuler. En exposant l’intimité et les entrailles de la ville, le chantier démultiplie les récits et les contre-récits de la même manière que le roman en dénichant indices et fausses pistes. Il s’agit dans les deux cas de donner à lire un monde de fictions. Y sont mis en présence les promesses des programmes d’aménagement, les discours officiels et les difficultés de projection dans l’avenir, les perturbations du présent et les mobilisations citadines.

De la sorte, le chantier expose deux mécanismes : la construction et la ruinification des lieux et des imaginaires attachés à ces lieux. Ainsi que l’a montré Sophie Brones à propos de Beyrouth, les ruines en tant que “traces mnésiques” participent à la “construction des identités urbaines au présent, de la production des bâtiments à leur destruction” (Brones, 2010). Ces dernières apparaissent comme la synthèse visuelle des temporalités et des mouvements urbains : ce sont une série de “calques mémoriels successifs” qui constituent plusieurs phases d’une histoire sociale et de son développement. Dans le même temps, les ruines ouvrent à la question de l’oubli, du refoulé et des alternatives aux programmes et aux projections officielles. Le chantier et la ruine se situent, de fait, dans une brèche temporelle et explorent la latence, des lieux comme des représentations, c’est-à-dire l’état diffus de ce qui existe de manière non apparente mais qui

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peut à tout moment se manifester. Celle-ci est entretenue dans le roman policier par les ressorts du mystère et du suspense qui rompent la linéarité de la narration pour investir les tensions dans les régimes temporels.

Où la fiction policière met en tension les régimes temporels Suivant le fil d’une double histoire, parfois parallèle, parfois se télescopant, le roman policier perturbe les régimes temporels et met en avant un rapport au passé mal assumé et contradictoire : les promesses intenables du futur et le présent instable et peu lisible. Les perturbations chronologiques s’ac-cumulent en de savants découpages des séquences et des chapitres. Le récit n’est pas linéaire, mais constitué d’allers-retours et de fausses pistes jusqu’au dénouement qui se présente, lui, comme une mécanique de rationalisation du récit, réorganisant l’enquête et l’histoire du crime 8. Par exemple, Babel Ville, de J. Bialot, est construit à partir des hallucinations et des crises schizophréniques du personnage principal, un ébéniste dont l’atelier se situe à Belleville, meurtrier de plusieurs femmes. La logique retenue est celle des dysfonctionnements temporels et des maladies de la mémoire, entre amnésie et hypermnésie. De même, dans Meurtre pour mémoire, de Daeninckx, le refoulement constitue le principe de superposition et de frottement du Paris des rafles de 1942, celui des ratonnades anti-algériennes de 1961 et de celui de la narration en 1985.

En combinant le trou de mémoire et le lieu du souvenir, la mémoire de la perte et la trans-formation du temps en espace, le mécanisme de résurgence associe topographie, mémoire, usages et représentations des espaces 9. La perspective n’est pas commémorative, mais obéit à une logique d’activation, dont l’ambition est de s’abstraire de la mémoire officielle et lisse, pour revenir sur les épisodes honteux et dérangeants, sur le passé qui est tu, et sur les vies effacées. En regard de l’instabilité des lieux, les vecteurs de la mémoire sont-ils eux-mêmes instables et partiels. Dans la

8 Ces montages et ces collages actualisent la présence d’un texte au sein d’un autre texte sous des formes diverses. L’espace intertextuel est une structure ouverture qui entrelace, ainsi, trois niveaux de mémoire : celle portée par le texte, celle de l’auteur et celle du lecteur dans une double perspective de relation et de transformation (T. Samoyault, 2004).

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9 En cela, ils font écho aux expérimentations de Georges Perec autour de la rue Vilin, aujourd’hui comprise dans le périmètre du parc de Belleville, dans son projet Lieux où il entendait décortiquer et à inscrire les traces du vieillissement des espaces urbains en les liant au vieillissement des souvenirs. Pour Perec, la rénovation urbaine est un procédé volontaire de déplacement dans le passé rompant avec la linéarité de l’histoire. Ce mécanisme de résurgence du passé investigue les traces de la disparition, plus encore que l’effacement comme les tracés témoignant d’une présence. Cela prend appui chez Perec dans Lieux, comme chez Modiano dans Dora Bruder (1997) sur le processus de l’enquête, un processus d’investigation non linéaire, misant sur une obsession du parcours et de la dérive, de la collecte de signes, d’indices les plus ordinaires. Il s’agit pour ces auteurs et leurs protagonistes d’une démarche régressive, partant de la situation contemporaine et remontant jusqu’à certains événements traumatiques. Voir Barrère, Lévy­Vroelant, 2012, p. 82­84.

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série d’enquêtes menés par Malaussène chez Pennac, la mise en mémoire passerait par un vaste processus d’enregistrement des traces encore présentes dans les albums de photos de Clara, les films de Clément, les tatouages de Belleville et de la place des Fêtes sur le dos de Cissou, ou encore les livres que concoctent Jérémy (Pennac, 1985, 1987, 1989, 1995).

Elle l’a photographié sous tous les angles, ce foutu quartier. Des vieilles

façades aux jeunes dealers en passant par des montagnes de dattes et de

poivrons, elle a tout capturé. C’est comme si je me promenais déjà en

nostalgie. [... ] Elle a même enregistré la voix du muezzin en face de chez

Amar. (Pennac, 1985, p. 109-110)

L’impossibilité à fixer les images est omniprésente. Dans Meurtre pour

mémoire, de Daeninckx, ces quartiers apparaissent toujours indirectement dans des reconstitutions a posteriori, à travers les témoignages des acteurs de l’époque ou bien celui d’un film censuré. Toutefois, ces tentatives de sauvetage sont autant de fuites en avant, car le statut des documents obtenus est ambigu, entre fiction et archive. Ce ne sont pas tant des preuves attestant d’une réalité sociale vécue ou de l’état d’un bâti, qu’un processus critique d’interrogation globale sur la fabrique de la réalité, car l’histoire des lieux n’y est jamais un récit unifié, mais est constituée d’une multitude de fragments de mémoires individuelles et collectives formant une image où réalité et

fiction sont enchevêtrées. En cela, la mobilisation citadine 10 contre la disparition symbolique et physique du dernier cinéma de Belleville, Le Zèbre, est significative. Désaffecté et muré, il prolonge son affectation au-delà de son usage effectif en devenant en quelque sorte une chambre noire, une structure de projection du changement socio-spatial comme de projection

d’une réalité antérieure de ces quartiers.Entre les fantômes d’hier, les promesses de demain et les impossibilités à dire le présent, ce sont les toponymes qui enclenchent les évocations et questionnent les identités et les valeurs. Chaque œuvre égrène sa litanie de noms. Noms de rues. Noms de personnes. Noms des commerces. États des relations familiales, de voisinage. Tout y passe. Processus fragmentaire et

10 Le registre des formes de mobilisation abordé par Pennac est large, puisqu’il s’étend de la constitution d’un réseau local de défense – à travers des pétitions et la création d’un comité de soutien –, à des actions plus radicales comme l’occupation des locaux ou bien mêlant militantisme et action culturelle par l’organisation de performances, telles celle du magicien faisant disparaître le cinéma jusqu’à des actions, dont l’enjeu est la pérénnité et la reconnaissance des valeurs issues des quartiers populaires à travers le montage d’un dossier d’inscription au titre des monuments historiques.

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associatif, ces parcours connotatifs et dénotatifs ne rendent toutefois pas compte d’une présence enfouie, mais cherchent plutôt à inscrire une absence. À cela s’ajoute l’univers des sensations olfactives – Belleville en odeurs (Pennac, 1989, p. 45) – ou bien auditives avec la mosaïque de langues parlées, entendues et non comprises (Pennac, 1989, p. 401) Ainsi Bialot maîtrise-t-il parfaitement la topographie bellevilloise d’hier et d’aujourd’hui, afin de faire du quartier un territoire personnel, un réseau de correspondances d’où surgit la mémoire de l’Occupation et de lieux de la traque. Il n’y a plus de zones neutres, seulement des refuges précaires et des pièges, projetant sur tout l’espace du roman les fantômes de la Seconde Guerre mondiale et, plus particulièrement, le traumatisme des rafles de 1942. Toutes les descriptions de la morphologie spatiale et sociale de Belleville servent à faire l’inventaire de la disparition de l’héritage juif : les synagogues, les bistrots, les ateliers, les épiceries, etc. Les transformations contemporaines amorcent une remontée de souvenirs douloureux. La disparition programmée du bâti, le départ des populations précaires, l’embourgeoisement du quartier enclenche le processus mémoriel, rendant visible un visage disparu et les effets d’un précédent bouleversement humain et urbain.

La machine à remonter le temps. Les images en vrac sur grand écran.

Il se souvint des années 30, où, gamin de Belleville, il jouait dans les ruines

des maisons abandonnées pour permettre le percement de la cité Nys et de

la rue qui s’appelait à cet endroit rue de la Fontaine-au-Roi prolongée.

Flash-back. La leçon d’histoire. La dernière barricade de la Commune et le

massacre du 28 mai 1871, ruisseaux de sang dans les caniveaux. L’aube du

16 juillet 1942, la chasse aux Juifs et les tornades de cendre qui en

découlèrent [ …] Et les copains d’école ? Morts, déportés, fusillés,

guillotinés les copains d’école. Eh oui, certains furent guillotinés.

Communistes, juifs, parfois communiste et juif, ça ne pardonnait pas, ça ne

pardonnait pas.(J. Bialot, 1979, 56-57)

Le processus est le même dans Les Orpailleurs, de Jonquet, qui place au cœur de son propos l’histoire de la communauté juive de Belleville, à travers le personnage baraque 66, ancien déporté d’Auschwitz. Les récits de résistance voisinent avec les silences, les non-dits jusqu’à la dernière étape du processus migratoire, l’arrivée de la communauté asiatique. La fiction policière décortique

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les mécanismes de substitution et de cohabitation des communautés comme la constitution de niches communautaires à travers les parcours de certains de leurs membres 11. La présence de ces contretemps et contrechamps de l’histoire matérialisant des séries de renvois à des ailleurs réels ou imaginaires à Paris, mais également dans le Barcelone de

Montalban ou dans le Marseille d’Izzo. Par ses jeux de connotations et de dénotation, se crée une “géographie expérimentale” (Rosemberg, 2006) maillée sur les parcours sensoriels et évaluatifs du scripteur et du personnel romanesque. De la sorte, la fiction policière s’affirme comme un outil de spéculation et de réévaluation des logiques à l’œuvre.

Où la nostalgie devient le ressort ambivalent du polarLa suspension des régimes temporels ordinaires exprime une critique sociale et une mise en scène des conflits de valeurs, abordée sous l’angle de la dégradation, du bâti comme des mœurs. Cela donne une coloration particulière au temps : la nostalgie, appelée à jouer plusieurs rôles dans le polar. La nostalgie est connue comme un mécanisme de défense réapparaissant à chaque nouvelle accélération des rythmes sociaux, économiques ou de bouleversements historiques et politiques. Il s’agit d’une forme de “tristesse géographique qui associe temps et espace puisqu’elle est autant regret de l’espace d’un temps perdu que regret du temps d’un espace perdu” (Gervais-Lambony, 2012). Ce processus est largement à l’œuvre chez Pennac, où Malaussène déclare que “Belleville c’est la géographie résignée à l’Histoire : la manufacture des nostalgies” (Pennac, 1989, p. 401). Elle est utilisée, par l’ensemble de nos auteurs, pour exposer le sentiment d’une perte et d’un déplacement par la superposition de deux images : passé-présent, ici et ailleurs, un présent inadéquat et un passé idéalisé. Tout comme l’intrigue policière, la nostalgie a la capacité de mettre à distance et de rapprocher simultanément des éléments disjoints et de leur faire prendre un sens nouveau.Comme l’a montré Svetlana Boym, la nostalgie traduite l’aspiration à une forme de continuité dans un monde fragmenté. Il s’agit de proposer des alternatives au récit dominant : peut-être une stratégie de survie face à un déplacement et un désenchantement du monde (Boym, 2002). Toutefois, la coloration

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nostalgique de la fiction policière est polysémique : il ne s’agit pas seulement de l’expression d’un regret du passé ou d’un repli vers un âge d’or fantasmé, mais bien souvent du constat d’un échec du présent, une amertume et un désabusement face aux transformations urbaines et aux trahisons de l’histoire. Elle rejoint les deux grandes catégories identifiées par Boym. D’un côté, la nostalgie restaurative marquée par une idéalisation régressive et réductrice du passé, par une volonté de créer de la continuité en camouflant les failles, les contradictions, les ambivalences (Boym, 2002, p. 41-48). Cela apparaît clairement dans les formules récurrentes : “Belleville est un village, non ?” (Pennac, 1987, p. 154), ou “Belleville terre d’asile” (Bialot, 1979, p. 112). Au-delà du rappel des noms, la morphologie urbaine et les traces des structures urbaines héritées, comme les impasses, les passages, les culs-de-sac viennent restaurer l’imaginaire des faubourgs de Paris. Le lecteur est pris dans un recyclage de l’urbanité et des valeurs attachées à ses faubourgs, telles que l’éthique du travail, l’effort, les solidarités, symbolisés par l’artisanat et ses ateliers, auquel peuvent s’affilier facilement les nouveaux habitants 12. Cette teinte sépia est tellement intégrée au récit qu’elle devient la coloration majeure du Passage du désir de Sylvain, au point de faire disparaître toute description des lieux. La morphologie urbaine y laisse la place à l’atmosphère d’antan qui conditionne le regard des populations gentrifieuses surinvestissant et bricolant les signes de l’ancien faubourg pour légitimer leur présence.

Le Passage du Désir baignait dans une lumière irréelle. Un rêve inhabité, le

vieux Tonio étant parti se mettre au chaud dans un abri du quartier. Le

brocanteur avait fait réparer sa vitrine et la petite danseuse était là,

gracieuse dans sa bouteille, en attente de celui qui tournerait la clé et la

ferait revivre.” (D. Sylvain, 2004, p. 255)

La nostalgie restaurative, renvoyant à un âge d’or idéal et fantasmé, exploitée dans le roman policier est loin de couper fiction et réel. Au contraire. Elle en brouille les limites, les rend poreuses l’une à l’autre. L’opération est double : la fiction en tant que représentation et déformation du réel s’étend au delà de son lieu même, car c’est elle que les lecteurs et amateurs viennent retrouver ; le réel, lui, n’existe plus que lorsqu’il est investi par la fiction. L’imaginaire nostalgique,

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12 En cela, la nostalgie restaurative peut s’apparenter à un mécanisme d’invention de traditions (E. Hobsbawm, 1998) et de fabrication identitaire largement artificielle, faisant primer la valeur d’ancienneté, le retour au local et à la figure du village urbain.

11 En cela, le roman de Jonquet est à rapprocher des analyses de Patrick Simon identifiant une “échelle d’espace­temps” autorisant chaque groupe à occuper les espaces publics à un créneau spécifique et selon des modes de territorialisation spécifiques dans un quartier marqué par une occupation permanent de la rue. Voir Patrick Simon, “Les usages sociaux de la rue dans un quartier cosmopolite”, in Espaces et Sociétés, no 90­91, 1997, p. 43­68.

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ainsi ouvert, contamine le réel et s’y déploie à plein. Cela est révélateur du pouvoir de la fiction dans la redéfinition de la signification des lieux qui est un des enjeux de la gentrification Elle participe d’une revalorisation de l’image de ces quartiers populaires en interne, mais également en externe, grâce au rayonnement de la littérature, par exemple lorsque des guides touristiques citent des passages de ces romans ou bien recommandent certains auteurs en particulier. À Belleville, cela prend la forme d’une mise en tourisme axée sur une trilogie quartier-cosmopolitisme-pittoresque revisitant les hauts lieux de la saga de Daniel Pennac, tels le cinéma Le Zèbre, la brasserie La Vielleuse ou encore les rues Ramponneau ou de Tourtille. Ces promenades littéraires, des plus informelles au plus formalisées sous formes de visites guidées, accélèrent le recyclage de l’histoire locale, participent activement à la création de communautés de substitution face au changement socio-spatial, au partage artificiel et superficiel, et à la consommation de valeurs communes par la fréquentation des lieux.À l’inverse, l’investissement de la nostalgie peut aussi être une forme d’ouverture par la création d’une distance critique entre ce qui est – la réalité – et ce qui aurait pu être – la fiction des possibles. Cette forme de nostalgie

réflexive cherche à mettre l’accent sur les ambivalences et les contradictions et interroge les cadres collectifs, les zones de stabilité d’une société, mais ne prescrit pas de modèle. Elle s’apparente à une forme de méditation et de réflexion sur le passage du temps : comment le passé est utilisé au présent pour construire des identités et définir des objectifs, mais aussi comment le passé nous affecte (Boym, 2002, p. 49-56). Il s’agit d’une mise en intrigue (Ricœur, 1983) de l’histoire qui ne prétend pas reconstruire l’origine, mais bien questionner la distance entre l’ici, le maintenant et le souvenir. Tel est tout le propos de Meurtre pour mémoire de Daeninck où l’intrigue policière renverse la logique classique de l’histoire urbaine exposant de manière non chronologique les mouvements de relégation des pauvres hors de la ville. Partant de la

répression des manifestations d’octobre 1961 13 et des bidonvilles de Nanterre, ouvrant sur un retour sur la collaboration et les rafles de 1942-1943 qui, elles-mêmes, embrayent sur la constitution des enceintes successives de Paris, du mur de Thiers à la ceinture de HBM, et le développement de la Zone. N’Goye procède de

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même dans Ballet noir à Château-Rouge où se joue dans les quartiers de la Goutte d’Or et de Château-Rouge le dernier acte de la décolonisation, celui des flux mondialisés de la migration économique et du réexamen des relations avec l’ancienne puissance coloniale.

Djeli trime dans le BTP depuis plusieurs années. Marié et père de cinq

mistons laissés au pays, gages de ses liens indissolubles avec le terroir,

le gus appartient à la frange de petites gens conscientes de leurs limites,

par conséquent, de leurs ambitions. Bien qu’il joue au loto, il table sur un

pactole dérisoire, constitué à la sueur du front, en vue de briser la fatalité.

Selon une tradition qui remonte aux premières immigrations africaines

dans l’Hexagone, le Malien niche dans un foyer où les résidents, sortis

quasiment du même village, ont recréé leur univers : commerce

de détail et services à la cave, bouffe et chambres partagées entre ploucs

du même clan, intimité impossible, cotisation mensuelle à la cagnotte

destinée à améliorer le quotidien au bled. Autant dire le contre-pied

de la vie pépère véhiculée par certains mégaphones. La police l’interpelle

un matin sur son chantier, exige son titre de séjour. Le gaillard, qui croit

détenir un passe-droit, exhibe fièrement le document. Il lui est confisqué

[…] Outre le cauchemar qu’il va revivre, à savoir trimer au noir, raser

les murs, se tenir en permanence à carreau, bref, renouer avec les réflexes

de clandestin, cette confiscation équivaut à une diminution de son

espérance de vie”. (N’Goye, 2001, p. 12-13)

À chaque fois, le schéma narratif du policier creuse la mémoire collective locale et celle des ailleurs portées par ses habitants anciens, nouveaux et immigrés et interroge leurs repères, leurs traces et leur marques (Veschambre, 2008). L’attachement au local, à son hétérogénéité sociale, ouvre le polar de Paris sur la scène internationale, en en faisant un espace de résistance créative au lissage normatif de la société.

OÙ LE QUARTIER N’EXISTE QUE PAR SA DISPARITIONOù le quartier s’affirme comme une échelle vécue plastiquePour mieux comprendre la hiérarchie des lieux, il est utile de déterminer l’emprise spatiale de ces romans, d’autant plus précise qu’elle permet au lecteur de mieux intégrer le récit. En termes spatiaux, l’échelle micro renvoie

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13 Durant la guerre d’Algérie, le 17 octobre 1961 est organisée, à Paris, une manifestation sous forme de boycott du couvre­feu institué par les autorités françaises et destiné aux seuls ressortissants Nord­Africains. Les défilés pacifiques nocturnes font l’objet d’une répression brutale par la police sous les ordres du préfet de police de l’époque Maurice Papon. Cette manifestation et ses suites demeurent dans la mémoire collective comme un des épisodes les plus marquants de la guerre d’Algérie en métropole.

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donc au macro. En premier lieu, le polar parisien est une littérature identifiable au quartier, à l’instar des pratiques identifiées par J.-Y. Authier (2007), telles que s’approvisionner et dormir mais surtout aller au théâtre, au cinéma, au restaurant, dans son quartier ? Dans le polar, le quartier s’affirme autant comme un cadre de référence et d’action qu’un ancrage dans l’histoire urbaine. Quatre types de spatialité se dégagent des romans étudiés. La littérature centrée sur le quartier trouve des points d’attache et de rencontre dans l’extension du chez soi, comme le montre le récit de Bialot ou de Pennac. Le quartier représenté par des réseaux de rues et des trajets précis y apparaît comme un point d’ancrage, prenant appui sur des lieux de rencontre quotidiens : c’est un espace d’inter-connaissance, de mesure de l’altérité qui renvoie non seulement à l’histoire des lieux mais aussi à celle des personnes. Le quartier ainsi raconté opère une synthèse et s’avère à ce titre porteur d’une identité globale qui, en s’ancrant dans des lieux comme des cafés, s’avère souvent résistante. À l’inverse, Jonquet et Vargas s’attachent à définir leur quartier dans des périmètres assez larges composés en réseau inscrit dans une dissémination de lieux. Il s’agit plutôt là de territoires habités et associés entre eux par la circulation des protagonistes à la recherche d’une rencontre, d’un indice ou d’un souvenir. Les traces disséminées entre Belleville et Nation ou autour de l’ancien quartier de la gare Montparnasse révèlent des mémoires qui ne demandent qu’à s’activer et à faire territoire. Le champ d’observation est encore plus large chez N’Goye et Sylvain qui investissent un territoire étendu de Paris et de banlieue. Les points de rencontre sont dispersés dans l’espace urbain et leur ramification confine au polycentrisme. Pour ces auteurs, non seulement, l’est parisien intra muros trouve des points de liaison avec la banlieue nord de Paris, mais c’est souvent dans ce maillage que se dénoue l’énigme policière. Enfin, c’est à la multiplication et à la dispersion des micro-réseaux et des points référents dans toute la ville que convie Daeninckx, entraînant la disparition de la notion de quartier homogène et structuré. Il n’est plus question de quartier ni de territoires habités ou sublimés mais de points nodaux de circulation, de bifurcations possibles pour un citadin déterritorialisé bien qu’en quête identitaire.

Ainsi, que l’espace narratif soit concentré ou dispersé ne change rien à la trame globale de l’espace dans le polar parisien, dont les quartiers n’ont droit

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de cité qu’en tant qu’objet narratif de la disparition, réactivée par la nostalgie et la confusion des mémoires. Que les espaces soient survalorisés, territorialisés, multipolarisés ou sublimés revient au même : le quartier y existe sourdement.

OÙ LES AUTEURS CONCLUENT Le voyage dans le polar parisien est l’occasion d’approcher un récit commun sur les quartiers populaires de l’est parisien, c’est-à-dire un scénario répété et partagé. L’analyse a montré comment, s’attachant à des “territoires coupables”, ce récit met discrètement en scène le changement urbain en ressuscitant plus volontiers le passé long, récurrent et contradictoire des quartiers populaires et de l’immigration à l’intérieur d’une nostalgie ambivalente, à la fois restaurative et réflexive.

On peut s’interroger sur cette posture, et se demander à qui une telle littérature s’adresse, quelle mission elle se donne et pourquoi ? À cet égard, une hypothèse reste à éprouver celle que le polar parisien soit une sorte de roman d’initiation, un guide destiné aux nouveaux venus qui cherchent à se repérer en territoires étrangers dans ces anciens quartiers populaires . Dans la grande tradition des polars urbains, souvent recommandés dans les guides touristiques de Montalban à Barcelone à Izzo à Marseille, le polar parisien aurait ainsi une place particulière. Car si Donna Leon décrit Venise par ses milieux et ses logements, si Michael Connelly nous fait visiter toute l’agglomération de Los Angeles, et Stieg Lardsson la ville de Stockholm, les territoires de la pauvreté sont rarement au centre de leurs écrits – une exception semble devoir être faite pour Arnaldur Indriðason, hanté par les espaces populaires de Reykjavik – ni a fortiori les espaces en cours de gentrification suscitant par l’articulation des lieux et des personnages une nostalgie réflexive. De la même façon, le roman policier américain, même lorsqu’il se veut dénonciateur des conditions de vie dans les espaces de l’exclusion du Bronx au Lower East Side en passant par Harlem (Tadié, 2010) met rarement en scène de nouveaux habitants de ces quartiers, en situation de décalage social.

Si cette hypothèse se confirmait, de nouvelles voies de recherche seraient ouvertes tant pour le processus de gentrification dans l’est parisien que pour

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le polar qui lui sert de boussole. En exprimant les ambiguïtés de la mémoire, le télescopage des histoires collectives et la recherche d’une autre image, le polar parisien serait moins un récit de “gentrifieur revanchiste”, sûr de la supériorité de sa culture et de sa classe sociale, qu’une introduction au difficile apprentissage d’un certain type de quartier populaire. Cependant cette hypothèse demanderait de passer de l’autre côté du livre.

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