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SCOOP Publication réalisée par les étudiants de l'ISCPA-Paris Le magazine des métiers du journalisme XXI brandit son manifeste L'info en guerre Mali, Afghanistan... Je t'aime, moi non plus ! J et ' a i me mo i non Presse et web P P P P t t t Dossier Le personal Branding La discrimination positive Le personal Brandi Job attitude beIN écrase la concurrence Sports et TV : Ne peut être vendu

SCOOP 2013

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Réalisé par les étudiants de l'ISCPA Paris en deuxième année de l'école de journalisme, SCOOP est un magazine qui traite des métiers du journalisme et de leurs évolutions. Un bon moyen pour les étudiants de se professionnaliser tout en assurant une veille sur le secteur.

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Page 1: SCOOP 2013

SCOOP

Publication réalisée par les étudiants de l'ISCPA-Paris

Le magazine des métiers du journalisme

XXI brandit son manifeste

L'info enguerre

Mali, Afghanistan...

Je t'aime, moi non plus !Je t'aime moi nonPresse et webPPPP tttDossier

Le personal BrandingLa discrimination positiveLe personal BrandiJob attitude

beIN écrase la concurrence

Sports et TV :

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Page 2: SCOOP 2013

Internet, le web 2.0 et les réseaux sociaux

ont provoqué de gros bouleversements dans le monde des médias. Si la Presse écrite est en déclin constant, paradoxalement, elle n’a jamais été autant lue, grâce au Web. Les sites du Monde et du Figaro sont consultés chaque mois par 5 millions de lecteurs. La nouveauté, c’est que l’information ne circule plus à sens unique : désormais le public interagit en y apportant des commentaires, des vidéos ou des photos et un travail d’intelligence collective se crée au sein des rédactions. L’ancien modèle économique des médias s’est désintégré

de la clientèle autour

vendre aux annonceurs la plus grande quantité de lecteurs, auditeurs, blogueurs et twitteurs.

Ces bouleversements

journaliste. Il doit être apte à travailler sur tous types de supports, maîtriser les outils numériques et les technologies du Web, pouvoir réaliser des reportages multimédia où la vidéo, la photo,

l’infographie et le texte

(l’auditeur) en pratiquant une écriture incitant le public à réagir et à participer en utilisant les réseaux sociaux. Ce n’est pas tout : avec l’apparition du standard 4G pour la téléphonie mobile, la consultation des sites d’information va se développer de manière exponentielle (il y a déjà 25 millions de smartphones en France). Les journalistes d’aujourd’hui doivent être préparés à travailler pour

ce nouveau support. Dans ce numéro,

des étudiants en journalisme de l’ISCPA ont recueilli des témoignages de professionnels et analysé les « tendances » dans leur profession (p.32

et 33). Ils ont suivi de près l’évolution des modèles économiques de la presse en ligne (p. 24 et 25), fait un point sur l’avenir de la Presse Quotidienne Régionale (p. 28 et 29). Actualité oblige, ils ont réalisé un dossier sur le journalisme de guerre (p.6 à 9) et se sont penchés de près sur le Manifeste du

qu’« un autre journalisme est possible, dégagé de l’emprise de la publicité et délivré de la dictature du buzz » (p. 10 à 13).

ÉDITORIAL

Une publication réalisée par les étudiants de l'ISCPA-Paris

Institut des Médias 12, rue Alexandre Parodi 75010 ParisTel: 01 40 03 15 56Fax +33(0)1 40 03 15 31

Direction Directeur de la Rédaction Charles DesjardinsDirecteur de la Publication Michel BaldiRédacteur en chef Hugo Derriennic Maquettiste Olivier BaraudSecrétariat général de rédaction Jean-Romain Blanc Delphine ProustIconographeKahina Boudarène

Remerciements : Sirpa, Magazine XXI

Journalistes Lucie Alegre Arthur Bernard Axelle BichonJérémy Blais Jean-Romain Blanc Kahina BoudarèneMathieu BrancourtErwan CarfantanMatthieu CarlierThomas CiretRaphaël DorChloé EmmanouilidisGrégoire GantoisRaphael HomasselThomas Inglot-FantuzziCharles JegouElyes KhouadjaJustine KnappJulie LacourtCharles LafonDelphine ProustArthur Scherer

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Retrouvez toutes les éditions de SCOOP sur notre site internet http://www.iscpa-paris.com

SCOOPMichel Baldi Directeur des études en journalisme ISCPA-Paris

« L’information ne circule plus à sens unique : désormais le public interagit. »

Bouleversements et métamorphoses

SCOOP 2013 3

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DEVELOPPEMENT EDITORIAL

CROSS MEDIADATA JOURNALISME

CREATIVE WRITING

DIGITAL REFERENCEMENT

PURE PLAYERWEB DOCUMENTAIRE

COMMUNITY MANAGEMENT

WEB MAGAZINERESEAUX SOCIAUXDEONTOLOGIE

NOUVEAUX MEDIAS

ENCODAGE

INFOGRAPHIE

BLOGS INFORMATIFSENQUETEWEB RADIO

APPLIS MOBILES

STRATEGIE EDITORIALE

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De Bac à Bac+5 : JOURNALISME - COMMUNICATION - PRODUCTIONÉtablissement d’enseignement supérieur privé

ACCESSIBLE APRES BAC+3 (mise à niveau incluse en septembre)

ALTERNANCE ET INTERNATIONAL POSSIBLE

ISCPA PARIS www.iscpa-paris.com 01 80 97 65 80 [email protected]

NOUVEAUTÉ

Cycle Mastère Professionnel* JournalisteExpert en Développement Editorial et Contenus Multimédias

* «Cycle Mastère Professionnel» désigne un niveau de fi n d’études à BAC+5

Page 3: SCOOP 2013

RE SOMMAIRE

14 NOUVEAUX ENJEUX

SCOOP 2013 5

Interview 14 Marc Autheman : « La priorité au direct »

Propos recueillis par Thomas Inglot-Fantuzzi

15 SEO, le meilleur ennemi du journalisme Par Elyes Khouaja

16 BeIN, l’émir des droits TV Par Jérémy Blais, Raphael Homassel et Erwan Carfantan

18 Sports et droits TV : le Qatar écrase la concurrence Par Jérémy Blais, Raphael Homassel et Erwan Carfantan

20 Interview Pascal Somarriba : « Le Brand journalisme fait évoluer notre rapport à la publicité » Par Julie Lacourt et Charles Jégou

22 Journaliste, augmente-toi ! Par Mathieu Brancourt

Personal branding, les règles du JEPar Matthieu Carlier

34 Ségrégation positive ? Par Kahina Boudarène et Jean-Romain Blanc

36 Il faut sauver le soldar SR ! Par Hugo Derriennic

38 La face cachée de la une Par Arthur Scherer

40 « Miroir, mon beau miroir... » Par Raphaël Dor

42 Fact-checking : Pour un journalisme irréprochable Par Axelle Bichon

32 JOB ATTITUDES

Presse écrite et web : « je t’aime, moi non plus »

25 Internet : à quoi jouent les pure players ? Par Lucie Alegre et Chloé Emmanouilidis

26 Les nouveaux magazines : leurs secrets, les réussites originales, les reprises Par Charles Alf Lafon

28 Ouest-France bat de l’aile Par Delphine Proust

29 Les régionaux font grise mine Par Delphine Proust

30 Crowdfunding : un concept de fonds Par Justine Knapp

31 Interview Sarah : « Une alternative au financement classique » Propos recueillis par Justine Knapp

24 DOSSIER ECO

SOMMAI6 URGENCEReporters de guerre La passion du danger au service de l’information

8 Interview Laila SaÏdi : « Ma pire crainte ? Le manque d’information » Propos recueillis par Grégoire Gantois

9 Interview Capitaine Céline Limousin (SIRPA) : « Un travail proche de la presse privée » Propos recueillis par Grégoire Gantois

4 SCOOP 2013

10DÉBATXXI manifeste ses bonnes intentions

11 Un autre journalisme est-il possible ? Par Thomas Ciret

12 Interview Patrick de Saint-Exupéry : « Il n’y a pas de recette miracle » Propos recueillis par Thomas Ciret

13 Reportage Opérations portes ouvertes pour les cinq ans de la revue Par Arthur Bernard

Page 4: SCOOP 2013

SCOOP 2013 7

pait de nous faire transiter de villes libérées en villes libérées », raconte

Laila Saïdi, pigiste pour RFO.

-cilement des informations, elle nous permet d’évoluer en lieux protégés.» Il ne faut donc plus ima-

giner le journaliste directement sur

le champ de bataille. Les images

d’affrontements se font de plus en

plus rares et en rapporter n’est

presque plus du ressort du reporter.

« La guerre, c’est plus complexe que des cadavres », explique Hervé

Ghesquière ancien otage en

Afghanistan et reporter à France

Télévision. « Certains endroits sont calmes. Il y a beaucoup d’attente. La guerre, c’est la vie dans des dimensions particulières. Il ne faut pas la réduire constamment à une mare de sang, même s’il existe des massacres. »

Le journaliste, une proie de choix

Le danger est pourtant présent

au quotidien. En témoignent les

prises d’otages. Car le journaliste

est souvent une cible de choix. « Le front médiatique est devenu presque aussi important que le front militaire. Le journaliste est un enjeu, d’où la multiplication des prises d’otages »,Claude Guillebaud, ancien grand

reporter du Monde dans un entre-

tien avec La Dépêche du Midi. Vincent Hugueux, journaliste de

guerre pour l’Express regrette aussi

cette « mode de l’enlèvement ». « À une époque, il était admis qu’un journaliste puisse s’aventu-rer quelque part pour essayer de

, se souvient-il.

« Cette garantie a disparu avec l’arrivée de miliciens, des jeunes de 14 ans, ivres, bourrés de pilules. En plus, le journaliste est systéma-tiquement suspecté d’être un espion.»

Le métier a donc bien changé.

La passion du journaliste devient

indispensable pour lui permettre de

braver le danger. Le devoir du re-

porter prend alors le dessus sur la

peur omniprésente.

onnaît pas, mais lit leurs rands médias. Les grands ont pas des stars, mais

n d’exception. Leur rôle : us dangereux au monde,

Rencontrer des témoins, rappor-

ter des informations, les faire

partager... En soit le métier de

reporter de guerre ne diffère pas

beaucoup de celui d’un journaliste

lambda. Depuis Albert Londres,

premier reporter à avoir raconté

les combats de la Première Guerre

mondiale, beaucoup s’accordent à

dire que le métier a bien changé

et est devenu plus accessible. Les

relations conflictuelles entre les

armées et les médias se sont peu à

peu détendues, laissant aujourd’hui

une large marge de manœuvre aux

journalistes. En apparence tout du

moins…

C’est d’ailleurs suréquipé et sur-

protégé que l’on part désormais

ceux qui parviennent à travailler

dans de tels endroits sans l’aide

d’un guide, voire même d’une es-

corte. « Au Mali, l’armée s’occu-

URGENCE

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6 SCOOP 2013

URGENCE

Le grand public ne les coarticles en Une des plus grreporters de guerre ne sopratiquent une professionpartir dans les pays les plu

Grégoire Gantois

La passion du danger au service de l’information

Reporters de guerre

Des soldats maliens en patrouille, dans le cadre de l’opération française de soutien « Serval ».

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Page 5: SCOOP 2013

Scoop : Qu’est ce que le Sirpa Air ?Céline Limousin : le service d’information et de relations publiques de l’armée de l’air est la cellule de communication d’entreprise. Elle vise à la fois l’interne et l’externe via un journal d’entreprise, titré Air actualités, qui se vend en kiosque au prix de 4,20 euros ou consultable gratuitement sur le site internet Calaméo (un mois après sa diffusion).

Quelle formation suivent les journalistes du Sirpa Air?Ce sont d’abord des officiers sous contrat de l’armée de l’air. Ils possèdent à la fois une formation militaire et

« Les journalistes du Sirpa Air n'ont pas le droit à la carte de presse, car leur travail ressemble d'avantage à celui du média d'entreprise. »

journalistique. Cependant les journalistes du Sirpa Air n’ont pas le droit à la carte de presse, car leur travail ressemble davantage à celui du média d’entreprise. Leurs articles ressemblent à de la communication institutionnelle bien qu’ils possèdent un angle journalistique.

De quelle manière travaillent vos journalistes sur le terrain ?De la même manière que les autres. Ils définissent leurs sujets et les écrivent comme il est coutume de le faire. Ils sont cependant rattachés à l’armée de l’air et doivent donc faire relire les papiers par l’état-major de l’armée de l’air avant de les publier.

SCOOP 2013 9

Capitaine Céline Limousin : « Un travail proche de la presse privée »Le capitaine Céline Limousin, rédactrice en chef adjointe du magazine Air Actualités dépendant du service d’information et des relations publiques de l’armée de l’air (Sirpa Air) explique son rôle, entre journalisme et communication.

Est-il plus facile pour les journalistes du Sirpa Air d’obtenir des informations ?Pas forcément. Ils travaillent en priorité pour l’armée de l’air et peuvent donc bénéficier des informations en premier via les aviateurs directement. Cependant, nous sommes parfois confrontés à une certaine retenue du personnel pour nous livrer des informations.

Le journaliste du Sirpa ne ressemble donc en rien au reporter de guerre ?Certains de nos journalistes ont été envoyés au Mali pour qu’ils écrivent des articles. Ils procèdent donc de la même manière que les autres. Le Sirpa terre envoie quant à lui des reporters suivre certains bataillons au quotidien. Ils peuvent être amenés à suivre les conflits au plus près.

Les journalistes du Sirpa accompagnent les militaires français sur tous les théâtres d’opération.

URGENCE

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Scoop : Quels sont les principaux risques auxquels les journalistes sont exposés lorsqu’ils couvrent une région en guerre ?Laila Saïdi : la pire chose qui puisse arriver à un journaliste est de ne pas trouver d’information à se mettre sous la dent. Au Mali, les journalistes ne pouvaient pas passer dans les zones sécurisées. Je me faisais refouler à chaque barrage malien ce qui m’obligeait à m’engouffrer dans des endroits dangereux. L’information était très dure à dénicher. En Afghanistan, c’était une autre histoire. Le pire ennemi était le taliban… Il nous fallait baliser notre terrain et avancer avec précaution pour que rien ne nous arrive.

Laila Saïdi : « Ma pire crainte ? Le manque d'information » Laila Saïdi, ancienne enseignante et journaliste à RFO a enquêté dans quelques-unes des régions les plus dangereuses du monde. À peine revenue de deux semaines au Mali, elle ne rêve que d’une chose : repartir.

« J’ai vécu la totalité de mon périple afghan escortée par l’armée. Je sais que sans leur aide, je n’aurais jamais pu y aller. »

De quelle manière prépare-t-on un journaliste à travailler dans

Personnellement, je n’ai pas eu de préparation. Aujourd’hui l’armée propose tout de même des stages aux journalistes sur le point de partir dans des pays en guerre. En réalité, il suffit de partir avec un bon équipement (gilet pare-balles…) et de bien connaître la région. J’ai vécu la totalité de mon périple en Afghanistan escortée par l’armée. Je sais que sans leur aide, je n’aurais jamais pu y aller.

Quelles sont les qualités essentielles pour devenir reporter de guerre ?Il faut aimer le terrain avant tout. J’étais enseignante avant de devenir journaliste pour RFO. Si j’ai voulu changer de voie, ce n’était surtout pas pour rester toute la journée dans ma rédaction.

Qu’est-ce qui vous pousse à risquer votre vie pour votre métier ?Contrairement aux idées reçues, nous encourons assez peu de risques. Bien souvent, les journalistes pris en otages sont victimes de leur propre passion : partir dans des zones de plus en plus dangereuses ... Le goût du terrain, le contact avec les gens, voir la réalité en face,

pousser notre résistance physique à bout (ne pas manger, dormir très peu…), c’est pour ça que j’aime tant partir dans ces régions.

Avez-vous travaillé différemment en Afghanistan et au Mali ?En Afghanistan, j’étais surprotégée par l’armée et je n’avais aucune prise sur l’information mais elle était plus facile à obtenir. Au Mali en revanche, j’allais au contact de la population de manière totalement autonome. L’information était beaucoup plus difficile à trouver et l’armée ne s’occupait absolument pas de nous.

Avez-vous quelques anecdotes sur vos expériences personnelles ?J’étais en Afghanistan lorsqu’un attentat a tué cinq soldats français. Je me trouvais à dix kilomètres et j’avais visité la base militaire la veille. Je buvais un café avec un colonel que je devais interviewer. Il me paraissait très distant. Je n’ai appris que plus tard qu’il me cachait ce qui venait d’arriver. Ce n’est qu’en ayant ma rédaction au téléphone que j’ai appris ce qu’il s’était passé. En France, tout le monde en avait entendu parler alors que j’ignorais tout à quelques kilomètres du drame.

8 SCOOP 2013

URGENCE

Laila Saïdi a couvert

celui d’Afghanistan.

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aila

Saï

di

Page 6: SCOOP 2013

SCOOP 2013 11

DÉBAT

entendu. Sauf que dans leur mani-

feste, les auteurs constatent – sans

liées entre-elles qui provoquent « la crise actuelle ». La première, c'est

«L e numérique n'est pas responsable de la crise actuelle, il l'a accentuée ».

Mais de quelle crise parle-t-on ?

De la crise du journalisme, c'est

la crise économique de la presse,

« similaire à celle de la sidérurgie ou du textile ». Globalement, les

perdent leur lectorat et voient leurs

recettes publicitaires diminuer tous

les ans. Cet effet ciseau entraîne

baisse du chiffre d'affaires due à la

baisse du lectorat, puis réduction

des effectifs et des enveloppes pour

les frais, ce qui conduit souvent à

une baisse de la qualité et donc du

lectorat. La boucle est bouclée.

Équation insoluble

-

puis plus d'une décennie de

s'adapter pour ne pas disparaître.

Et vendent des solutions miracles

de « desks » internet et d'applica-

tions pour les téléphones mobiles

censés être le fer de lance de la

mutation en cours. Des décisions

absurdes selon les auteurs du

manifeste, pour qui, aujourd'hui,

« l'équation du numérique reste insoluble ». En effet, l'utilisation

des applications reste « anecdo-tique » -

net par la publicité ne fonctionne

pas. Bilan ? Ce sont les versions

-

de tenir. Quid des pure players ?

-

libre... ils ne fonctionnent que par

abonnement.

Crise de valeur Mais la numérisation, en plus

-

bué à accentuer la crise des va-

leurs du journalisme. De fait, le

métier se déshumanise. Les jour-

nalistes sont désormais invités à

« produire des contenus » et à tou-

savoir utiliser les autres médias

-

moins les moyens d'être

intentions

Un autre journalisme est-il vraiment possible ?Dans son manifeste, XXI aborde de manière lucide l'état actuel de la presse. Il critique la décennie de « mutation numérique » et la marchandisation des journaux. Si le constat est juste, le manifeste aurait gagné à traiter la situation et les solutions plus globalement. Thomas Ciret

LLaLaaaa ccccccccouououveveeev rtrtrtrtrtrttrrturururuuuruuuuuu e e duuuuduuuuduuuu nnnnnumumumumumuumuméééérééérérérérérééérooooooooo ooo 1616616 ((auauautotomnmnnm eeeeeeeee 202011111111111111111111111 ).)).). LLLLLe eeeeeeeeeeee nnnnnununnnnn méméroro 22111dudududu mmmmmmmagagagaazazazzzzzzazzzazinnininininnininnnninee eeeeeeeeee XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX IIIIII esesesesesessesessestttt ttt t sosososorttrtiii eeeeeneneenee mmmmêmêmmême e tetempmpmpmpppppmpmpmppm sssssssssssss quququuuququuqqqqqqq eeeee eeee leeeeeeeeeeeeee mmmananifififesessteteeeeeee........

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10 SCOOP 2013

DÉBAT

XXI manifeste ses bonnes

XXI, la revue trimestrielle consacrée au reportage, vient de frapper un grand coup. Son manifeste « pour un autre journalisme », publié mercredi 9 janvier, jette un pavé dans

Beccaria, directeur de la publication, et Patrick de Saint-Exupéry, rédacteur en chef de

profonde crise du journalisme. « Des erreurs de

raisonnement, des mécanismes collectifs et une perte de sens ». Un constat alarmant déjà dressé par le sociologue Christian Morel en 2005(*) et que les patrons du trimestriel ont repris. Pour eux, le journalisme marche carrément sur la tête. Entre une

et des modèles économiques peu soucieux de la qualité du travail éditorial, l’avenir des « techniciens de l’information » s’annonce compliqué. Alors, que faire ? Prendre exemple sur XXI, ses reportages au long cours, son refus de la publicité, ses 50 000 exemplaires tirés à chaque numéro ? Tentant, surtout lorsque l’on sait que la revue dégage 450 000 euros de

trop simple. Car la réponse aux maux actuels sera multiple ou ne sera pas. Et c’est aux dirigeants des grandes marques médias qu’il revient de prendre les bonnes décisions dès maintenant… s’ils en sont encore capables. Arthur Bernard(*) Interview à L’Usine nouvelle, 9 février 2005.

Selon Patrick de Saint-Exupéry, rédacteur en chef, « personne n'aurait misé une cacahuète sur XXI à son lancement. »

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SCOOP 2013 13

DÉBAT

Opération portes ouvertes pour les cinq ans de la revueDimanche 20 janvier, à l’occasion de ses cinq ans d’existence, le trimestriel conviait ses lecteurs à une journée portes ouvertes dans ses locaux parisiens pour y célébrer une certaine vision du journalisme. Arthur Bernard

Dans un Paris glacial, couvert

d’un épais manteau blanc, les

passants ont toutes les peines

du monde à se mouvoir. Dans le

quartier bourgeois de Saint-Ger-

main-des-Prés, ils semblent conver-

ger vers un lieu précis, le 27 rue

Jacob. Anciennement occupé par les

éditions du Seuil, en face du confec-

tionneur de macarons Ladurée, le

bâtiment abrite aujourd’hui l’équipe

de XXI, revue trimestrielle de repor-

tages, qui fête ses cinq ans et ouvre

ses portes au public pour l’occa-

sion. Passé le portail qui donne sur

la bâtisse, des voix interpellent :

« Vin chaud, chocolat chaud, chou-quettes ! ». Des jeunes venus se faire

de l’argent de poche accueillent les

visiteurs et leur proposent un peu

de chaleur.

Une histoire de tempsÀ l’intérieur, Laurent Beccaria,

directeur de la publication, et

Patrick de Saint-Exupéry, rédacteur

en chef de XXI, ont déjà commencé

leur présentation. Ils rappellent à

tous que la revue se porte bien et

remercient les lecteurs de leur sou-

tien. Et ils sont nombreux, ceux-là

même qui se rendent à la Maison

de la Presse la plus proche quatre

fois l’an pour se procurer l’objet

tant convoité. Comme Thomas,

étudiant parisien de 21 ans à la

barbe broussailleuse, lecteur assidu

et heureux possesseur de « vingt des vingt-et-un numéros de la revue ».

La présentation terminée et mal-

gré les caprices du micro, Rémi

Lainé, documentariste, est le pre-

mier des collaborateurs de XXI à

prendre la parole. Ayant fait ses

classes au Pays, quotidien de

Franche-Comté, il s’en est vite

détourné : « Le travail dans un quo-tidien procure une bonne dose d’adrénaline mais il ne donne pas le temps d’approcher la complexité des êtres et des situations »,

avance-t-il posément.

« Faire valoir ses idées »Les interventions se succèdent,

la salle se remplit. Le pic d’af-

la venue de Stéphane Paoli, jour-

naliste de France Inter. Alors qu’à

toujours une température négative,

à l’intérieur la chaleur devient dif-

Paoli s’excuse. Il devait animer son

émission 3D ici-même mais un

« manque de moyens techniques »

a contraint la chaîne de radio à se

raviser. Le discours du journaliste

est clair : la presse souffre. Comme

habité, il appelle à « reformer le couple presse/lecteurs ». Dans la

foule, une jeune journaliste de radio

demande le micro. « J’en ai assez

alors que des choses beaucoup plus importantes se produisent à côté »,

tempête-t-elle. L’animateur de

France Inter l’entend et l’encourage

à « faire valoir ses idées ».

La sortie de Stéphane Paoli est

ponctuée d’applaudissements. La

salle se vide quelque peu. Jean-

Pierre Perrin, grand reporter à

Libération, prend la suite. Puis

c’est au tour de Guillaumette Faure,

chroniqueuse au Monde, et d’Em-

manuel Guibert, auteur de livres et

de BDs, de se manifester avant la

conclusion laissée à Beccaria et

Saint-Exupéry. Il est 18 heures, les

visiteurs quittent le 27 rue Jacob le

sourire aux lèvres. La nuit est tom-

dehors.

LLLLLeeeLeLLLLL bbbbbbbbbbbâtâtâtâtââtâtâttâttttimimimmimimimimmeeenenneenttt t tttttttt acacacacacaaaaa cucucuc eeeeieieeieie lllllleeeeeeeee ee réréréréréérérér dadadadadaadadad cctctccccc ioonnnnnsnsnsnsnsnsnsssns eeeeeeeeeet t tt tt tt mammamamammam isisisisissonononononssssssdddd'd''d'dddd édédédédédddddddddititititititiittititioioioioiooiooioion.nn.nn.nnnnnn LLLLLLeseseseseseeeseseseseeseses ooooooooooouvuvuvuvuvuvuvuuuuu rrraraagggggegegegeeggessss ssss cccocc nnçn usuusssus eeeentntntnttntrerereeree cccccesesesesess mmmmurs sssosooossssss ntnnntntnttntnttt dddddddddddisisisissisisisspppopooopoppponinnnniiinininiblblblblblbblblbblblb eeseseseseseseseseese ddddddddananananannanannnnns s s ss lalaaaaaaa liiiliibbbbrbrbbbb aiairrrrrirr e dudddd rrrrrezee -d-dddde-ee-e-ccccchhhcchcc auaaauauauauauaauauauauauusssssssssssssssssss éeéeéeéeéeéééeeéeéeeéeé ....

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« Il faut reformer le couple presse/lecteurs » Stéphane Paoli, journaliste à France Inter.

12 SCOOP 2013

DÉBAT

« conçus et vendus comme des produits de consommation, sans projet éditorial ». La publicité, la

« novlangue » du marketing et

les régies publicitaires fleu-

rissent. Désormais il faut cibler

son lectorat pour mieux vendre

sa publicité. Les lecteurs sont

devenus des « consommateurs d'information », et les journaux

de grosses entreprises comme les

autres, des marques sans âme. Et

c'est là où le manifeste va plus

loin qu'un simple constat des pro-

blèmes actuels de la presse. En

filigrane, et peut-être incon-

sciemment, il démontre que la

crise actuelle du journalisme ne

tombe pas du ciel. Qu'elle dé-

coule d'un malaise sociétal plus

global et bien plus ancré. Alors,

y a-t-il une solution ? Oui, selon

XXI, « le journalisme a besoin avant tout d'accomplir une révo-lution copernicienne. » Mais ce

que le trimestriel oublie de pré-

faire une révolution lorsque l'on

n'est pas indépendant. Et globa-

lement, la presse ne l'est pas vrai-

ment. Elle est dirigée par le pou-

voir économique (actionnaires,

publicité, grands industriels) et

ses rédactions sont régies par la

« survie augmentée » (emploi,

chômage, logement, etc.), décrite

par Guy Debord.

Alors, comment espérer un

vrai changement si le fait écono-

mique prend tant d'importance ?

En l'état actuel, l'équation de la

« révolution copernicienne »

semble assez insoluble, ou du

moins, réservée aux courageux,

libérés de certaines contraintes.

Peut-être faudrait-il un change-

ment plus global, dépassant le

simple univers journalistique, un

changement de valeurs, long,

insaisissable. Mais cette néces-

sité, le manifeste ne l'exprime pas

clairement… dommage.

perfectionniste, désormais la

quantité est préférée à la qualité.

Et le fait que le temps du journa-

lisme numérique soit devenu un

« présent perpétuel » n'arrange pas

la chose. Les journalistes n'ont

pour trouver des sujets inédits,

pour l'échange, pour la mise en

le lecteur mais l'abreuver d'infor-

mations, .

Aussi, il n'est plus question, pour

des problèmes de coûts, de partir

en reportage : -naliste assis derrière son écran s'est imposée. » Peu à peu, une

« inévitable déréalisation du monde s'opère ».

Un monde marchandEt les journaux papier

n'échappent pas à cette règle du

jeu, à cette perte des valeurs.

Devenus, pour certains, des « mé-dias-marchandises », ils sont

Scoop : Selon-vous, qui est responsable de la crise de la presse ?Patrick de Saint-Exupéry : Tout le

monde. Les directions de journaux, les

journalistes, le public aussi. A noter

qu’il existe un questionnement très fort

au sein des rédactions. Mais il n'y a pas

de réels boucs émissaires, il y a un en-

semble de responsabilités et il y a sur-

tout la difficulté à affronter les questions

telles qu'elles se posent. Dans le mani-

feste, nous tirons un certain nombre de

constats. Ces derniers doivent amener

les journaux à s'interroger afin de trou-

ver des solutions. Après 10 ans de

marche forcée vers le numérique, il y a

peut-être un moment ou l’on peut ap-

puyer sur pause. Pas dans l’idée de se

fustiger, mais dans l’idée de se deman-

der comment construire la suite. Et il ne

s'agit pas de retomber dans le débat,

totalement éculé, du papier contre

Donc, soit la presse se donne les chances

d'écrire quelque chose par la suite, soit

elle ne s'interroge pas et prend un risque

important de rentrer dans le mur.

Comment peut-elle éviter ce risque ?

miracle. Chaque titre a son histoire et ses

y avoir une presse qui existe de manière

pertinente sans publicité, tout comme une

presse intelligente avec de la publicité.

La « révolution copernicienne » que vous souhaitez ne risque-t-elle pas d'être une révolution de niche ?

-

méro de XXI est apparu, nous nous

sommes rendus compte, a posteriori,

que nous avions ouvert une fenêtre.

Aujourd'hui, il existe plus de vingt titres

dans cet espace. Et ce qui est formi-

dable, c’est que nous constatons, par

ailleurs, des envies et des énergies très

« Il n'y a pas de recette miracle »Patrick de Saint-Exupéry, rédacteur en chef de XXI

En filigrane, XXI démontre que la crise du journalisme découle d'un malaise plus global.

« Saint-Ex », petit prince de presse

fortes qui ne demandent qu’à rentrer

dans le jeu. Car il est possible de faire

des choses différentes et intéressantes,

tout en faisant du journalisme. Ce qui

est important, c'est d'être créatif, de

savoir ce qu'on fait et pourquoi on le

base à chaque fois : utilité, pertinence,

lecteur. Tout est là.

Propos recueillis par T.C.

© T

ho

mas

Cir

et

Page 8: SCOOP 2013

SCOOP 2013 15

NOUVEAUX ENJEUX

SEO, le meilleur ennemi du journalismePour exister sur la toile, un média est aujourd’hui réduit à suivre les tendances de son audience. L’optimisation du référencement de son contenu

Elyes Khouaja

«T on titre n’est pas assez Google friendly », « ta lé-gende n’est pas visible »,

« ton sujet est passionnant, mais on s’en fout »… Bienvenue dans le

journalisme web. Lui, c’est le front page editor, ou le spécialiste de

l’édition. Un « casse-bonbons », pas

tout à fait journaliste mais auquel

vous devrez respect et robustesse.

Oui, à l’ère du web 2.0, de la supré-

matie « googlienne » et du « clic »,

un nouveau pion est apparu dans

plusieurs rédactions : le commis

au référencement. Son job : faire

en sorte que son média employeur

soit mieux repéré par les Google,

Yahoo! et autres search engines.

« Mon boulot est de "remonter"

les articles à la surface au milieu de l’océan de pages web scannées chaque jour. Et si possible dans les premiers résultats de recherche »,

l’explique Nicolas Miossec, éditeur

chez Kiosk.

Prise en compte du lectoratÀ la différence du journalisme « papier », la presse web est esclave de son audience, de ses goûts, de ses intérêts. Un site web

-nu, quitte à zapper un massacre au Tibet pour mettre en exergue le nouveau bouquin de Zlatan Ibrahimovic. C’est ce que l’on appelle, dans le métier, faire de la SEO, acronyme de search engine optimization. « Le journalisme a toujours été dépendant d’une audience pour exister, explique Pierre Orlac’h, directeur éditorial à Cerise Media. Aujourd’hui, les journalistes ont à leur disposition plusieurs outils plus performants pour comprendre ce que veut le lectorat, et repérer ses compor-

à ses besoins. » Ces outils, c’est Google qui les fournit. Adwords, en l’occurrence, est, au détriment du dictionnaire des synonymes, le nouveau meilleur ami du jour-naliste web.

Du pain et des jeuxNe reste plus qu’à adapter son écriture : exemple avec un article dans lequel le titre fait mention de « l’Hexagone ». « À éviter, car Google ne sait pas si l’Hexagone désigne la France ou bien une

forme géométrique, commente Nicolas. Google comprend que chaque titre dévoile ce qu’il y aura dans le contenu de l’article. Il faut

Oui mais voilà, la course à la SEO et au référencement ne dénature-t-elle pas finalement l’écriture

l’information n’est-il pas quelque peu réducteur pour un média ? « Un bon journalisme n’est pas forcément exclusif de la SEO, répond Pierre. La SEO accroît la visibilité là où les gens regardent. Nous sommes beaucoup plus sen-sibles ces temps-ci à ce à quoi nos lecteurs vont réagir. Si nos contenus ne sont pas lus, notre

Certes mais la plume, la ligne éditoriale, les titres subtils, n’est-ce pas là ce qui fait, entre autres, la beauté de ce métier ? « Ce n’est pas une mauvaise chose, reprend Pierre, cela détourne le journalisme d’une écriture élitiste et l’on revient à des articles écrits en fonction de ce que les gens recherchent vrai-ment ». « Donnez-leur du pain et des jeux », qu’ils disaient…

« Un bon journalisme n’est pas forcément exclusif de la SEO », Nicolas Miossec

© D

R

La search engine optimization permet de tirer son épingle du jeu sur Internet.

14 SCOOP 2013

NOUVEAUX ENJEUX

Marc Autheman : « La priorité au direct »Journaliste depuis plus de trente ans, ancien présentateur du JT de France 3 et actuellement présentateur de BFM TV, Marc Autheman a connu l’information des chaînes généralistes et l’avènement des « hard news ».

Scoop : Quelles sont, selon vous, les principales différences existant entre le traitement de l’information par les chaînes d’info en continu et celui des grandes chaînes généralistes ? Marc Autheman : Dans un

premier temps, je dirais que

les chaînes d’information

en continu n’ont pas la

même fonction que les

points d’information des

grandes chaînes généralistes.

Notre travail se concentre

essentiellement sur la

diffusion d’informations en

temps réel. La priorité au

direct est la loi principale de

ce milieu. Le public cherche

avant tout une information

brute, à consommer

rapidement, une sorte de rêve

du journalisme à la portée de

tous. Le spectateur se sent

acteur de la transmission

de l’information par la notion

de direct.

À l’heure de l’explosion du

marché de l’information,

le temps est à la réduction

du délai de restitution. Il

est impensable d’attendre

jusqu’aux éditions de 20

heures pour être informé.

Quelle échelle de hiérarchisation de l’information utilisez-vous ?La hiérarchisation de

l’information des « hard news

» est avant tout basée sur la

temporalité. L’événement le

plus frais est le plus important

à l’instant donné. Les chaînes

d’information en continu

sont en première ligne du

front de l’information. Elles

sont directement exposées

à l’instantanéité.

Ne pensez-vous pas que la dictature de l’instantanéité fasse planer une réelle menace sur le traitement de fond des sujets ? Le principe des « hard news »

est clairement établi, le

téléspectateur sait pourquoi

il vient chercher l’information

sur nos canaux de diffusions.

La recherche d’instantanéité

du public a créé une nouvelle

facette du journalisme. Nous

sommes avant tout présents

pour livrer des informations

avec le minimum de temps de

réaction, en livrant en direct

les premières analyses de

situation, les premières mises

en perspectives. D’ailleurs, il

est intéressant de voir que les

grandes chaînes telles que

TF1 ou France 2 cherchent

de plus en plus à imiter les

« hard news » en multipliant

les décrochages vers des

envoyés spéciaux. Le direct

commenté est la grande

tendance de l’information

télévisuelle actuelle.

La véritable concurrence des chaînes d’information en continu ne viendrait-elle pas de la radio et du web, médias traditionnellement basés sur le direct ?Je ne pense pas que la radio

et le web soient vraiment en

concurrence frontale avec les

« hard news ». Ils viennent

compléter une chaîne de

l’information. La radio ouvrira

davantage au débat tandis

que le web viendra compléter

les informations brutes

en offrant la possibilité du

commentaire personnel. Le

travail des « hard news » est

là pour parachever la matrice

de l’information en apportant

des images illustrant les

informations rapportées.

Propos recueillis par Thomas Inglot-Fantuzzi

« Le public cherche avant tout une information brute à consommer rapidement. »

Marc Autheman, vétéran de l'information en continu.

Ph

oto

DR

Page 9: SCOOP 2013

League. Ironie, l’information émerge

le lendemain des propos tenus par

Alex Carré. Bien que son nouveau

concurrent lui mène la vie dure, la

chaîne de Michel Denisot prouve

qu’elle bouge encore.

Les stratégies de la concurrenceLes concurrents de beIN ten-

tent de s’en sortir avec leurs

propres moyens. Et certains

adoptent la politique de la diver-

Eurosport s’en sort plutôt bien:

passant par les sports d’hiver,

l’athlétisme, les sports méca-

niques et d’autres disciplines qui

de fer et bien d’autres. De son

côté, Ma Chaîne Sport, avec des

moyens moins importants, a tenté

de trouver la parade en diffusant

des ligues de football de seconde

zone (Pays-Bas, Portugal, Russie

etc.) mais aussi les championnats

Finalement, la mauvaise nouvelle tombe le 31 janvier, puisque Canal conserve les droits de la Premier League. (...) Bien que son nouveau concurrent lui mène la vie dure, la chaîne de Michel Denisot prouve qu'elle bouge encore.

d’Allemagne et d’Espagne de

handball. La chaîne créée en 2007

a également misé sur le volley-

ball, en s’appropriant les droits

du championnat de France et la

diffusion des matchs français en

Ligue des champions. Canal+ a,

de son côté, tenté de garder ses ac-

quis pour conserver une clientèle

l’arrivée de beIN Sport.

acteur, L’Equipe21, qui n’a pas

-

les téléspectateurs pourront y voir

un peu de basket universitaire

nord-américain mais aussi du ten-

nis de table. Certaines chaînes gé-

aux audiences. W9 a notamment

décroché la diffusion du Superbowl

France Télévisions possède tou-

les évènements d’importance ma-

L’arrivée de beIN a accru la

concurrence dans le monde audio-

visuel sportif, au point qu’il en

-

der gratuitement le sport sur son

poste de télévision. Une partie de

l’audimat est peut-être en train de

se détourner de ce média et migrer

vers le web et la radio. Pour preuve,

RMC a franchi le cap des 8 % d’au-

dience cumulée sur les mois de

novembre et décembre. Un score

LES PÉPINS D’ORANGE, PRESSÉE PAR BEINL’entrée d’Al Jazeera sur le marché télévisuel français est loin de faire l’unanimité. BeIN gêne certes Canal+, mais la chaîne cryptée a encore à son actif le cinéma et autres divertissements pour remplir son antenne. Ce n’était pas le cas d’Orange Sport. La chaîne de l’opérateur télé-phonique avait comme princi-pal gagne-pain le championnat français de football, et les tour-nois de tennis masters 1 000. En empochant le gros lot (la plupart des matchs de Ligue 1) beIN Sport n’a laissé que des miettes à ses concurrents, soit deux rencontres par journée. Face à Canal Plus, Orange Sport s’est incliné. « L’échec de la chaîne n’est pas entièrement lié avec l’arrivée en trombe de beIN »ancien responsable marketing d’Orange Sport, « la direction d’Orange avait dores et déjà annoncé que sa société n’était pas vouée à diffuser du sport ». L’entrée en jeu d’Al Jazeera a précipité la chute.

Chêne plie mais ne rompt pasEn juin 2012, la chaîne ferme ses portes, ne laissant que les cendres d’une rédaction dépassée par la concurrence. Directeur de Sporever, Patrick Chêne rebondit. « Nous étions la société éditrice d’Orange Sport. Quand l’opérateur a décidé de se séparer de sa chaîne, nous avons lancé Sport 365 »

d’information continue s’appa-rente à Orange Sport Info, mais ne retransmet pas d’évè-nements sportifs. « Ce n’est pas du tout au programme, ça demande un budget consé-quent, surtout dans ce marché sclérosé» admet-il. Cela semble plus prudent.

SCOOP 2013 17

NOUVEAUX ENJEUX

La Ligue 1 de football est le Graal des chaînes sportives depuis sa création en 1932.

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lero

Un million d'abonnés, rien de

moins. C'est le bilan que reven-

diquait beIN Sport

-

-

-

beIN Sport 2 et beIN Sport MAX. Le tout

Canal+ -

-

sante, beIN

Canal+, ont été

« Nous avions fait une offre très compéti-tive, mais nous ne pouvions lutter à armes égales »

Monde-

BeIN, l’émir des droits TVLancée dans le grand bain en juin 2012, la chaîne beIN Sport s'avère incontournable pour tous les passionnés de sport. Face à ce modèle de réussite, la concurrence tente de se réinventer pour continuer à exister. J.Blais, E. Carfantan et R. Homassel.

Cyril Desprès, invité de

l'Expresso, émission

matinale sur beIN Sport.

-

tant, de l'un des derniers territoires

beIN.

Une soif insatiable

-

Canal+. Comme

beIN -

diffusion de la Premier League an-

beIN« les droits TV du cham-

pionnat anglais seront bientôt redis-tribués. Et c’est déjà l’une des prio-rités de la chaîne ». Finalement, la

beIN tombe

Canal+

16 SCOOP 2013

NOUVEAUX ENJEUX

Canal : « Nous avions fait une offre très compétitive, mais nous ne pouvions lutter à armes égales. »

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Page 10: SCOOP 2013

SCOOP 2013 19

r écrase la concurrence

« Tous les sports, toutes les émotions »Créée le 5 février 1989Propriété de TF1

Diffusions :

Le Polyvalent

Les Gratuits

Diffusions :

Diffusions :Diffusions :

Diffusions :Le Petit Poucet

« À chacun son sport»

Créée le 19 octobre 2007Propriété de Numéricable

ÀÀ

Investissements dans les droits footballistiques (millions d’euros).

Canal + (2 000)

BeIN (820)

TF 1 / Eurosport (275)

France Télévision (30)

M 6 / W 9 (30)

18 SCOOP 2013

Sports et droits TV : le Qata

Nombre de matchs diffusés pour la saison 2012/2013

Le Nouveau venu

Le Colosse diminué

« La télé totalement sport »Créée le 1er juin 2012Propriété du Groupe Al-Jazeera SportsPlus d’un million d’abonnés en novembre 2012

Diffusions :

« Plus on aime Canal+, plus on aime le cinéma »« Plus de sport d’exception »« La chaîne de ceux qui veulent plus de sport »

Créée le 4 novembre 1984Propriété du Groupe Canal+

Diffusions :

Page 11: SCOOP 2013

SCOOP 2013 21

NOUVEAUX ENJEUX

D’après une étude IPSOS/ADC, 72 % des internautes consulteraient plus souvent le site d’une marque qui proposerait un contenu éditorial. 59% des internautes achèteraient davantage les produits de la marque.

naliste pourra approfondir sa

réflexion et aller au bout de son

projet. Quand Benetton décide de

créer Colors en 1989 sur le thème

de la tolérance raciale, ils effec-

tuent un véritable travail journa-

listique. Dans la presse maga-

zine, il y a au contraire, une

énorme contrainte sur les annon-

ceurs qui entrave le travail des

journalistes. Ces derniers ont de

véritables opportunités de faire

des projets ambitieux dans le

journalisme de marque, avec bien

plus de moyens que dans un

média.

journalistes pour exercer ce métier ?

Non, il n’y a pas de profil type

de journalistes mais ils doivent

sans cesse innover. Or, dans les

entreprises, différents types de

problèmes surviennent. Il y a

bien sûr un souci éthique qui

intervient. Mais il se pose aussi

dans les médias. Si un journaliste

écrit un article sur EDF, et qu’il

est critique sur le nucléaire, le

problème vis-à-vis des annon-

ceurs va se poser aussi.

journalisme est-elle perçue ?Cela dépend du projet car les

journalistes sont jugés au résul-

tat. Que ce soit dans le cadre du

LA DÉSINFORMATION DU BRAND JOURNALISM

-

-

-

J. L. et C. J.

Brand journalism ou dans les

médias classiques, certains sont

putassiers, d’autres ne le sont

pas. Il y a quelques années,

quand je parlais du Brand jour-nalism les journalistes me di-

saient « c’est dégueulasse, tu vas

vendre ton âme au diable ».

Aujourd’hui i ls sont plus

nuancés…

La crise économique a-t-elle

Effectivement, travailler pour

des marques est plus lucratif que

de faire du journalisme pur et

dur. Mais il y a aussi un facteur

« intérêt ». Par exemple, si un

journaliste s’intéresse à la condi-

tion féminine, il préfèrera sure-

ment écrire pour une entreprise,

qui a l’ambition de créer le plus

grand site sur la connaissance des

femmes, plutôt que pour un ma-

gazine féminin. Le projet serait

quand même plus intéressant que

de travailler pour Voici.

Le Brand journalism appartient-t-

C’est de la communication qui

utilise des méthodes journalis-

tiques. Le but d’un média est de

transmettre des informations.

Mais il doit aussi se vendre.

Partons du principe que Vogue est

un magazine superficiel. Soit,

mais quand Vogue publie un ar-

ticle sur les femmes dans les

camps de concentration en 1944,

cela donne un résultat très inté-

ressant. De la même façon, dans

le Brand journalism, c’est le pro-

jet qui rend le travail journalis-

tique attrayant ou pas.

Il ne faut pas avoir d’a priori. Si

une marque propose à un journaliste

un projet passionnant, il devra l’ana-

lyser pour ce qu’il est. Dans l’hypo-

thèse où un reporter qui aurait Fox

News en aversion se verrait proposer

un projet exaltant par cette chaîne, il

aurait tout intérêt à accepter. Cela ne

serait pas pire que de travailler pour

Lagardère qui est présent dans le

domaine de l’armement...

Extrait du jeu « Fight for Kisses » de Wilkinson.

Ph

oto

DR

20 SCOOP 2013

NOUVEAUX ENJEUX

«Le Brand journalism fait évoluer notre rapport à la publicité »

Pascal Somarriba est un ancien publicitaire, reconverti dans le Brand

Après avoir remodelé l’image de MTV, Benetton ou encore Canal+, il crée

Propos recueillis par Julie Lacourt et Charles Jégou

« Ce mode de communication exclut la publicité agressive. Il attire le public en lui offrant un contenu divertissant. »

contours du Brand content ?Pascal Somarriba : Le Brand content se compose de deux ten-

dances différentes : le Brand journalism, qui est informatif et

éducatif. Et d’un autre côté, le

Brand entertainment, qui est di-

ver t i ssant e t lud ique . Le

Brand content fait évoluer notre

rapport à la publicité. Il vient

changer les formes d’expression

pour s’adapter aux nouveaux

médias, avec des textes plus ou-

verts, ou des systèmes de

« wiki » [sites web dont les visi-

teurs peuvent modifier les pages

eux-mêmes - NDLR]. En réalité,

la nouveauté vient du Brand Entertainment, avec la mise en

place d’applications, de films

humoristiques, de vidéos partici-

patives qui vont interpeler et dis-

traire le public. La vidéo et le jeu

« Fight for kisses » de Wilkinson

(marque de rasoirs) en est un bon

exemple : un père et un bébé s’y

battent pour l'attention de la

mère. C’est l’idée de perspective

qui importe dans le Brand content. Ce mode de communi-

cation exclut la publicité agres-

sive. Il attire le public en lui of-

frant un contenu divertissant.

Auparavant, le procédé du pu-

bli-rédactionnel (publicités sous

forme d’articles) venait des bu-

reaux de RP (Relations Publiques).

Le message était clair : « je vends

mon produit en parlant de sujets

qui peuvent intéresser ». Là où le

Brand entertainment introduit une

dimension plus intéressante, c’est

qu’il réduit la dimension « je vends

mon produit » en augmentant la

dimension « d'intérêt ». Ainsi le

public pense se retrouver dans une

logique de « don » car le message

lui offre du divertissement.

pour l’émetteur du message ? C’est le principe du « contre-

don ». Là où il y avait un rapport

mercantile dans le système tradi-

tionnel de la publicité, le Brand entertainment n'impose aucun

élément d'achat dans son mes-

sage. Si j’ai aimé le message, je

vais aimer la marque, ce qui va

m’aider à acheter le produit. C'est

presque de l’amitié qui est nouée

avec le spectateur, comme

lorsqu’on rentre dans un maga-

sin. La relation peut être sympa-

thique, voire amicale, mais elle

reste dans une logique commer-

ciale, le but étant de vendre un

produit.

Cette tendance est-elle nouvelle ? Non la tendance n’est pas nou-

velle car les journalistes étaient

déjà employés par des entreprises

de RP. La nouveauté vient du fait

que les entreprises qui déve-

loppent du Brand content em-

ploient eux-mêmes des journa-

listes pour leur compte. Ils font

le même travail qu’ils feraient

dans un journal avec plus de li-

berté. Dans un magazine de

marque qui choisit d’aborder une

thématique particulière, un jour-

Pascal Somarriba, avec lui, votre image, c'est du béton !

Ph

oto

DR

Page 12: SCOOP 2013

Venienectem evelitibus earum accum re si res ad mi, se latem. Gias sum ut qui optiur? Qui blaciminciur aboribusci nectis non eos restrum simaximeniet essum lis reperre

SCOOP 2013 23

NOUVEAUX ENJEUX

avec les nouveaux modes de

consommation de l’information,

c’est donc l’un des nouveaux

grands enjeux du métier. Le rédac-

teur doit pouvoir apporter un

« plus » à l’immense manne de

données qui circulent sur la toile.

Les nouvelles générations n’at-

tendent plus des journalistes de

traiter d’une actualité, mais de la

trier, l’analyser, l’enrichir, voire

la personnaliser selon les supports.

Vidéo, infographie animée ou

portfolio photographique, tous les

outils disponibles doivent servir à

s’extraire du seul fait brut. Éric

Scherer le résume en trois qualités

indispensable pour réussir le pari

d’un journalisme renouvelé :

« être smart, mobile et social ».

À nous de jouer.

« Riche, soigné et interactif, le reportage fascine et offre une nouvelle expérience de lecture »

SNOW FALL PEUT-IL FAIRE BOULE DE NEIGE ?

Un véritable bijou graphique et éditorial. En publiant sur son site internet, le 20 décembre dernier, une nouvelle façon de concevoir le reportage, le New York Times a frappé un grand coup. Snow Fall, avalanche à Tunnel Creek, qui narre les mésaventures de skieurs pris dans une avalanche lors d’une expédition, est un aperçu des possibilités d’immer-sion du lecteur grâce aux outils numériques. La catastrophe, qui a eu lieu en février 2012 dans la barrière rocheuse de l’Etat de Washington, a coûté la vie à cinq alpinistes.En six chapitres d’un récit hale-tant, Snow fall offre interviews des protagonistes ou de spécia-listes du phénomène neigeux, la découverte du parcours précis des alpinistes et de l’avalanche par plusieurs animations 3D du massif ou encore un portfolio photo des alpinistes présents lors de cet événement tragique. Riche, soigné et interactif, le reportage fascine et offre une nouvelle expé-rience de lecture. Sur le site, Snow fall est devenu une vitrine du savoir-faire de la rédaction et a attiré beaucoup de nouveaux lecteurs. D’après le New York

Times, « jusqu’à 22 000 utilisa-teurs consultaient Snow Fall en même temps. Entre un quart et un tiers d’entre eux étaient de nouveaux visiteurs de nytimes.com. »Un beau cadeau de Noël qui

-duire. La réalisation de cette bombe du net a nécessité 17 personnes, pendant près de six mois. C’est long, d’une durée comparable au fameux repor-tage d’Albert Londres au bagne de Cayenne en 1923, et d’un coût prohibitif pour nombre de médias. Les publicités, inter-calées dans l’article, montrent que la monétisation se fait au détriment de l’esthétisme léché.

journalisme augmenté reste

conception actuelle du web, rapide et peu chère. Un brillant

demain.Mathieu Brancourt

Le projet Snow Fall est consultable sur : www.nytimes.com/projects /2012/snow-fall/

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22 SCOOP 2013

NOUVEAUX ENJEUX

« Être smart, mobile et social »

E ssayer des lunettes devant son

écran d’ordinateur ou se pro-

mener devant un musée et le

voir tel qu’il était plusieurs siècles

auparavant, voici les extra-ordinaires

possibilités offertes par la réalité

augmentée. Cette technique permet

de superposer des données virtuelles

(2D ou 3D) à une perception réelle

de la réalité. À la clé, une myriade

d’applications permettant d’offrir

une valeur ajoutée numérique à notre

environnement. L’innovation est au-

jourd’hui utilisée dans de nombreux

domaines, du marketing à la culture,

en passant par le journalisme. Mais

à quoi cela peut-il donc ressembler ?

En mars dernier, Ouest France a pro-

posé à ses lecteurs de télécharger

une application pour téléphone per-

mettant de visualiser des contenus

-

tantanément, une silhouette émerge

du journal papier classique.

Autre idée, imaginée par un quo-

tidien japonais : proposer une édi-

tion « jeunes ». Partant du constat

que l’information est parfois trop

complexe pour les enfants, ils ont

fait appel à une agence pour déve-

lopper une application. D’un simple

survol du papier, l’article classique

pivote et laisse place à une version

3D. Dans un contexte de crise de la

presse, il faut rivaliser d’imagina-

tion pour rester attractif. Dans son

essai A-t-on encore besoin des jour-nalistes ? Manifeste pour un jour-nalisme augmenté, Eric Scherer,

analyste des médias, plaide pour ce

journalisme « enrichi de toutes les nouvelles extraordinaires possibili-tés offertes par cette révolution de l'information numérique ».

Une révolution qui doit en entraîner

une autre : celle du travail des jour-

nalistes eux-mêmes.

Mutation des usages, mutation du métier

Les médias traditionnels ne

sont plus les seuls canaux d’infor-

mation pour les ci toyens.

L’émergence des réseaux sociaux

a créé des millions de nouveaux

« journalistes », rapporteurs de

l’actualité. Les professionnels se

voient dépossédés de leur rôle

hégémonique d’intermédiaire pri-

vilégié des acteurs politiques et

économiques. Pouvoir créer du

contenu additionnel compatible

Journaliste, augmente-toi !La réalité augmentée s’invite dans notre vie. Mêlant le virtuel au réel, cette technologie change profondément les usages du quotidien. Pour certains, le journalisme doit emprunter cette voie et « s’augmenter » s’il veut continuer à exister. Mathieu Brancourt

Faire entrer le journaliste dans une ère multi-dimensionnelle où textes, images et animations graphiques s'enchevêtrent.

Page 13: SCOOP 2013

SCOOP 2013 25

DOSSIER ÉCO

« La publicité ne rapporte pas »Fondateur du site d’actualité Electron Libre, Emmanuel Torregano explique les limites du modèle gratuit : « Nous avons dû quitter nos locaux, cela devenait trop cher. Nos journalistes font du télétravail. Le modèle gratuit n’est pas rentable. La publicité ne rapporte pas assez : Electron Libre propose donc aux internautes des abonnements. »

A vec le XXIe siècle la presse

papier est entrée dans une

nouvelle ère, celle du numé-

rique. Les pure players, répondent

aux nouvelles attentes des consom-

mateurs. En plus de la diffusion

de l’actualité, ces sites offrent des

points de vue, des commentaires

mais aussi la possibilité pour tout un

chacun de participer à l’information.

Rue89 l’a bien compris dès son lan-

cement en 2007. Ce pionnier de la

presse internet place le participatif

au cœur de son projet en produi-

sant une information à trois voix:

journalistes, experts et internautes.

Les limites du modèle publicitaire

Côté modèle économique,

Rue89 est depuis sa création entiè-

rement gratuit et financé par la

publicité sur le site et sur sa version

papier. Ce pure player utilise la

propose une offre de formation aux

journalistes (20 % du chiffre d’af-

faires) et des services d’agences

web comme le développement de

sites pour d’autres clients (15 % du

chiffre d’affaires). Néanmoins, le

et publicité a ses limites. Avec

400 000 euros de pertes en 2011,

Rue89 a été racheté par le Nouvel

Observateur. Si pour les uns, cette

étape prouve le succès de l’interac-

tion en ligne, pour les autres elle

représente une perte d’indépen-

dance, une faillite du « tout gra-

2009, le site Owni a déclaré être en

cessation de paiement en décembre

2012. Son modèle économique se

fondait sur un accès libre, mais sans

publicité.

La publicité n’est donc pas une

source de revenu sûre. Les espaces

publicitaires se vendent bien moins

cher sur Internet que sur le papier.

À cela s’ajoute une concurrence

féroce avec l’apparition de nou-

veaux sites d’actualité. La version

française du , qui

profite de son appartenance au

groupe AOL, a engrangé 500 000

VU (Visiteurs Uniques) de plus que

Rue89 au mois de juillet 2012 selon

Médiamétrie Netratings.

Miser sur l’abonnement Gratuits ou payants, les diffé-

rents sites cherchent encore leur

équilibre. Mediapart est l’unique

pure player à avoir misé sur le

modèle payant. Les lecteurs

doivent s’abonner pour accéder à

tous les contenus proposés. Créé en

mars 2008, il est parvenu à trouver

-

tobre 2010. Il rassemble au-

jourd’hui une trentaine de journa-

listes et a réussi le pari de dépasser

les 58 000 abonnés. Sa marque de

fabrique : le traitement de l’infor-

mation en plusieurs épisodes, sous

forme de saga (affaires Bettencourt,

DSK, Cahuzac). Pour attirer l’au-

leur activité, les pure players

doivent trouver un positionnement

clairement identifié par les

internautes.

La première génération de

Rue89, Médiapart, Atlantico et

même se veut

généraliste. La seconde généra-

tion, Electron Libre ou Myeurop,

innove avec une approche origi-

nale, décalée de l’information.

Cependant, certains nouveaux

pure players éprouvent de telles

obligés de réduire leurs dépenses :

trouver des locaux à bas prix, di-

minuer les salaires, se réfugier

dans le télétravail. Malgré les dif-

ficultés qu’ils rencontrent pour

players représentent aujourd’hui

l’avant-garde des nouveaux modes

de fonctionnement de la presse.

Une position que beaucoup leur

envient.

n plus »Internet : à quoi jouent les pure players ?

Chloé Emmanouilidis

se Gutenberg vacille sous les coups de boutoir du web.

24 SCOOP 2013

DOSSIER ÉCO

France Soir : « L’arrêt brutal d’une aventure. »L’an dernier, Pierre Albert Ruquier a pris en charge le projet numérique de France Soir. Ce pionner du numérique s’exprime sur l’épisode France Soir. « Le site existait déjà lorsque le papier fonctionnait. Le propriétaire Alexandre Pugatchev a arrêté le format papier et s’est consacré essentiellement au format web. Le site vivait mais le propriétaire a décidé de ne plus financer le projet, ce qui a provoqué l’arrêt brutal de cette aventure. » L. A.

La presse papier est fortement bousculée par l’arrivée en masse des sites web, notamment des pure players. Ces derniers misent sur leurs atouts (accessibilité, simplicité, rapidité et éventuellement gratuité) pour attirer les lecteurs. Certains font le choix de la gratuité et d’autres, comme Mediapart, préfèrent s’appuyer sur les abonnements. Le Web a aussi recours à des

Ils utilisent le « modèle participatif », également appelé « crowdfunding » pour développer leurs projets.

Pourtant, face à cette rude concurrence, les magazines font preuve d’imagination. Ils déploient leurs armes secrètes pour rivaliser avec les nouveaux venus. De plus en plus de quotidiens, y compris régionaux sont en réel danger et certains disparaissent. Symbole de ce marasme, Ouest France, le quotidien le plus vendu de l’Hexagone, est lui aussi touché. Presse papier ou presse web, partout la guerre fait rage. Objectifs : pour les uns survivre, pour les autres conforter leur position ou leur leadership. Lucie Alegre

Presse écrite et web : « je t’aime, moi no

La forteres

L’apparition du numérique

du papier ?

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Page 14: SCOOP 2013

SCOOP 2013 27

DOSSIER ÉCO

gaziness originales, les reprises

So Foot, le précurseurL’histoireLongtemps, la presse spécialisée dans le football se limitait à des titres comme Onze Mondial ou France Football. Mais ça, c’était avant. So Foot est lancé le 31 mars 2001, après deux numéros test. Un pari un peu fou de ses créateurs, Franck Annese, Guillaume Bonamy et Sylvain Hervé, alors tous étudiants à l’ESSEC : « Un soir, on s'est dit : et si on faisait un magazine de foot, qui ne ressemble pas à un magazine de foot ? » explique Franck, aujourd’hui à la tête d’une équipe de trente personnes. Presque douze ans plus tard, le mensuel, sans concessions ni parti pris, a su s’imposer. Lancé avec seulement 450 euros de capital de départ, So Foot et ses 45 000 exemplaires par mois, dont 10 000 abonnés contribuent aujourd’hui en grande partie aux quelques trois millions d'euros de chiffre d'affaires réalisés par la maison mère So Press.

L’idéeLa règle des 3 H, chère à son fondateur : « humour, humain, histoire ». Un ton incisif, inclassable, et un contenu éditorial de qualité font mouche auprès des lassés du footballistico-footballistique et de

So Film, le franginL’histoireFort du succès de So Foot, ses têtes pensantes se sont adjointes les services de Capricci, éditeur de livres et de DVD, également producteur et distributeur, pour lancer So Film. Aux côtés des

rédaction pléthorique des anciens des Cahiers du cinéma. Parmi eux, Emmanuel Burdeau, son avant-dernier rédacteur en chef, Cédric Anger ou Hervé Aubron, et pour les plus anciens, Louis Skorecki et Luc Moullet. Le tout sous le contrôle de Thierry Lounas, directeur de la rédaction, et du rédacteur en chef Marc Beaugé, ex-Inrocks, en charge également de So Foot. Février verra la publication du septième numéro de ce mensuel, vendu 4.50 euros.

L’idéeDans la lignée de l’autre So, So Film entend se libérer des carcans et ambitionne de « raconter le cinéma », « à travers des récits, des reportages, des entretiens hors promo et des rubriques ludiques », comme l’explique le communiqué de

critique ne fait que huit pages dans l'avant- dernier numéro.

Causette, le féministeL’histoireLancé dans un relatif anonymat en mars 2009, Causette se veut à l’exact opposé des canons des classiques féminins, « en ne prenant pas les femmes pour des quiches ». Ironiquement, on retrouve deux hommes derrière ce postulat : Grégory Lassus-Debat et Gilles Bonjour, tout juste sexagénaires à eux deux. Ils ont dû racler les fonds de tiroir pour se lancer, mais force est de constater que l’aventure est un succès. Les tirages, reconnus par l’OJD, se stabilisent aux alentours de 110 000 exemplaires en 2012, avec une pointe à 140 000 à l’occasion du numéro anniversaire. Logiquement, les consécrations pleuvent. Reconnu « publication d'information politique et générale », le titre a été élu « meilleur magazine de Presse » de l'année par le jury du Grand Prix des Médias de CBNEWS.

L’idée« Hommes comme femmes, beaucoup voulurent me convaincre de retourner à mon gloss et à mes sacs à main », témoigne Causette dans un édito. Dans ses pages, peu ou pas de publicité et une ligne éditoriale débarrassée des poncifs féminins. En somme, « un journal 100 % sans cellulite, paillettes, photos retouchées et "it-bag" ».

26 SCOOP 2013

DOSSIER ÉCO

Les nouveaux maleurs secrets, les réussite

Snatch, l’esthèteL’histoireComme beaucoup d’autres, l’aventure Snatch a commencé par un gratuit. Le rédacteur en chef, Vincent Desailly, photographe de profession, s’entoure d’une équipe composée majoritairement

Sciences-Po Paris pour noircir les pages. Le

au mois de mars 2010 avec un bimensuel vendu Snatch,

désormais vendu 4,90 euros, s’est réinventé en 2013 avec une nouvelle maquette et un nouveau logo. Ses activités se sont également développées avec la confection de magazines pour le site de crowdfunding KissKissBankBank et la marque de vêtement BWGH, ou l’organisation de soirées.

L’idée

Snatchavec une préférence pour l’interview et le reportage.

Booba, Charles Pasqua et Tom Hardy se sont,

Neon, le mastodonteL’histoireIl y a les magazines créés avec les copains, financés par la famille et qui se battent avec l’imprimeur. Et puis il y a Neon. Création du groupe Prisma Média, il est l'adaptation française de la revue allemande éponyme, lancée par Grüner +

Neon

trois millions d’euros dans le projet. À 3,50 euros

Ça m’intéresse, lui aussi dans le giron Prisma.

L’idéeNeon est surtitré « soyons

sérieux, restons allumés ». Il revendique « un traitement éditorial novateur » avec de « vraies enquêtes, des articles longs, rythmés par des brèves insolites », selon son rédacteur en chef,

Face à la crise, la presse magazine résiste mieux dans l'ensemble que les journaux quotidiens et hebdomadaires. Néanmoins, la tendance est à la baisse des ventes. Pourtant, des titres récents parviennent à tirer leur épingle du jeu. Si certains se contentent de reprendre des concepts existants, d'autres misent résolument sur une ligne éditoriale novatrice. Après les avoir passés au scanner, Scoop analyse les raisons du succès de cinq magazines. Charles Lafon

Page 15: SCOOP 2013

SCOOP 2013 29

Les quotidiens nationaux spéialisés dans les courses hippiques sont ceux qui souffrent le plus. Depuis plusieurs années, leurs ventes ne cessent de chuter. Tiercé Magazine a connu entre 2011 et 2012, un recul de 10,67 %.

Les quotidiens régionaux font grise mineAlors que la presse nationale continue de souffrir, les champions régionaux aussi voient leur diffusion reculer. D. P.

de ses ventes de 6,66 %,

Libération lui emboite le pas

avec 5,43 %. Le quotidien fait

d’ailleurs exception : depuis

2009 sa diffusion payée connaît

une évolution positive. En re-

vanche, les journaux spécialisés

dans les courses hippiques sont

ceux qui souffrent le plus. Le

Tiercé Magazine, quotidien mal-

gré son titre, subit la plus forte

chute : -10,67 %.

L'Equipe dimanche en péril Quant à la presse du 7e jour,

les résultats sont plutôt mitigés,

malgré une tendance à la baisse.

La plus belle hausse revient à

L’Echo Républicain du dimanche

avec 12,56 %. Depuis 2007, la

diffusion payée de L’Equipe Dimanche baisse. Cette année, la

chute a atteint 7,27 %, alors que

pour les éditions de la semaine,

le recul n’est que de 3,61 %.

L a presse quotidienne régio-

nale est entrée dans une spi-

rale infernale. En 2012, seuls

deux titres, sur 52 référencés par

diffusion (OJD), ont connu une

progression de leurs ventes par

rapport à 2011. Les heureux élus

sont L’Aisne Nouvelle et l’Echo Républicain de Chartes, avec des

évolutions respectives de 0,67 %

et 8,42 %. Pour les autres, la plus

faible baisse est de 0,03 % pour

Le Télégramme. La plus forte est

de 15,60 %, pour La République du Centre.

Libération se distinguePour les quotidiens nationaux,

la situation est meilleure : sur

quinze quotidiens référencés par

l’OJD, six ont connu une évolu-

tion positive en 2012. Aujourd’hui

en France est le titre qui se porte

le mieux avec une augmentation

LA TRIBUNE SE REPENSEDepuis avril 2012, La Tribune relance son édition papier, disparue quelques mois avant. L’ancien quotidien s’est transformé en hebdomadaire, qui paraît tous les vendredis. Les premières ventes ont eu lieu le 13 avril et 100 000 exemplaires ont été achetés. Pendant l'arrêt de sa parution, La Tribune informait exclusive-ment via son site Internet.

LE FIGARO REVOIT SES EFFECTIFSLe Figaro a connu une légère progression de ses ventes en 2012 de 1,59 %, selon l’OJD. Malgré cela, le quotidien continue de subir une baisse des ventes publicitaires. Le groupe Dassault a donc an-noncé en décembre 2012 un plan de « départs volontaires » visant entre 70 et 90 postes au Figaro, pour la première fois depuis 1969. Le but est

-tissements de 18 millions

revoir l’offre du Figaro.fr avec un passage à des formules payantes.

PARIS NORMANDIE REPRIS DE JUSTESSELes ventes de Paris Nor-mandie ont chuté à 76 000 exemplaires en 2011, soit 26 % de moins en cinq ans selon l’OJD. En juillet 2012, deux journalistes, Xavier Ellie et Denis Huertas, ont repris la tête du journal qui était en redressement judiciaire depuis

Néanmoins 85 emplois ont été supprimés sur 357, soit 24 % des effectifs. Les repreneurs espèrent que cela permettra un retour à l’équilibre, sans toucher à l’imprimerie ni aux huit éditions.

DOSSIER ÉCO

Evolution des ventes de certains quotidiens nationaux et régionaux entre 2010 et 2012.

«Q uand Ouest-France se met à tousser, tous les journaux régionaux

sont sérieusement enrhumés », estimait de manière presque pro-phétique Jean-François Lemoîne, l'ancien patron du groupe Sud Ouest, avant sa mort en 2001. L’année 2012 a démontré que ce géant de la presse française est lui aussi tombé malade.

En effet, « le bouclage des comptes fait apparaître une perte d’exploitation de 5 millions d’euros, a déploré François-

Régis Hutin, président du quoti-

dien, lors de ses vœux aux em-

ployés, alors qu’il nous faudrait un bénéfice d’au moins 10 mil-lions d’euros pour assurer l’ave-nir ». Pour redresser ses finances,

le quotidien fondé en 1944

compte notamment réduire la

pagination et augmenter le prix

de vente de ses journaux.

Réduction des effectifs-

plémentaires, le quotidien n’aug-

mentera plus les salaires et réduira

ses effectifs. Des reconversions

internes ont également eu lieu.

Ainsi, la typographie fait à présent

partie du travail des secrétaires de

rédaction, grâce à la mise en place

d’une maquette semi-automatique.

Quant aux typographes, ils ont

suivi des formations pour devenir

l’année 2013, plus aucun ne travail-

lera à Ouest-France.Néanmoins, la situation du quo-

tidien n’est pas la pire. « Quand j’ai commencé à travailler pour Ouest-France, nous étions trois jeunes diplômées à avoir été em-bauchées en contrat à durée déter-minée (CDD). Avec Centre-France,

Même si les ventes de

Ouest-France ont chuté de 0,71 %,

le titre demeure le plus vendu

dans l'hexagone.

ce journal est le seul à proposer autant de CDD », raconte Marion

Justinien, secrétaire de rédaction à

La Roche-sur-Yon.

Si Ouest-France peut encore se

permettre d’embaucher, c’est parce

qu’il demeure le quotidien le plus

vendu en France avec 748 394

exemplaires par jour en 2012, selon

-

sion. « Nous avons réussi à com-penser l’effondrement dramatique

des ventes au numéro par une aug-mentation importante du nombre d’abonnés », explique François-

Régis Hutin.

748 394 exemplaires par jourAvec un recul de seulement

0,71% de sa diffusion payée en

France par rapport à 2011, Ouest-France est un des quotidiens dont

la baisse des ventes de journaux est

28 SCOOP 2013

DOSSIER ÉCO

UNE LONGUE ET DIFFICILE MUTATION NUMÉRIQUE

Bien que Ouest-France amasse encore 90% de ses revenus grâce à son édition papier, le quotidien doit désormais penser à une transition numérique. C’est pour-quoi, en 2012, des groupes de travail ont

développer les revenus du site Internet et les ventes de versions numériques, ou

encore, mettre au point une édition pour les tablettes tactiles. Les journalistes de Ouest-France ont conscience que leur ave-nir se situe probablement dans l’évolution numérique du quotidien. « Il ne s’agira peut-être même pas seulement du déve-loppement de l'édition numérique, mais d’une mutation, estime Raphaël Bonamy, journaliste sportif. Je me demande si dans quelques années Ouest-France ne sera pas un quotidien entièrement numérique. »

Ouest-France bat de l'aileEn 2012 Ouest-France a connu une de ses plus mauvaises années depuis 1944. Le quotidien le plus vendu de France a travaillé à perte. Delphine Proust

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Page 16: SCOOP 2013

SCOOP 2013 31

Pourquoi avoir choisi l’option du crowdfunding ?

Il est évident que les médias

généralistes et les sites Internet ne

-

-

représente-t-il l’avenir du reportage ?

-

-

-

-

de crowdfunding KissKissBankBank, les internautes ont découvert il y a plus

consacré à la vie quotidienne à bord

transcontinentale russe.

passagers ?

Est-il possible d’avoir

et son acolyte ont récolté

aux interrogations de leurs spectateurs contributeurs. Une opportunité inenvisageable sans

participatif.

ce succès ?

-

-

-

-

-

-

Sarah entame un tour du monde journalistique en février.

DOSSIER ÉCO

« Grâce à la collecte, nous avons pu financer l’équipement photo/vidéo et engager un webdesigner »

« Une alternative au

« On est chefs de gare, mais vous contrôlez les billets... » Journalistes-voyageurs, Sarah et Manu prendront place à bord du Transsibérien le 11 février prochain, grâce aux dons de leurs 84 KissBankers. Justine Knapp

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30 SCOOP 2013

DOSSIER ÉCO

Les formats journalistiques les plus proposés

Crowdfunding : un concept de fondsFinis les reportages à l’étranger refusés en conférence de rédaction faute de budget ? Les plateformes en ligne de crowdfunding permettent

caisses, grâce à la contribution des lecteurs et spectateurs. Justine Knapp

Sur KissKiss-BankBank, 5 % des projets journalistiques atteignent leur objectif sur l’ensemble des productions proposées en ligne.

Un magazine spécialisé dans le

Drag Racing (course d’accé-

lération), un reportage sur un

collectif artistique protestataire à

Moscou, ou un documentaire sur

les hackers dans les pays arabes :

autant de projets qui verront peut-

être le jour grâce aux plateformes

de crowdfunding. D’abord dévelop-

pées dans le secteur de la création,

de la musique en particulier, les

foule (traduction pour crowdfun-ding) s’étendent à divers domaines.

Au journalisme notamment. Le

principe de base est simple : pré-

senter son projet et organiser une

et un délai. Actuellement, le crowd-

annuelle. Les projets sont les pre-

en moyenne un sur deux aboutit.

L e s s i t e s f r a n ç a i s

KissKissBankBank, Ulule et My

Major Company ont désormais

intégré dans leur pagination l’on-

glet journalisme, preuve de l’am-

pleur du phénomène dans le métier.

Une aubaine pour la nouvelle géné-

ration de journalistes, freinée par

les restrictions économiques. Sur

-

jets journalistiques atteignent leur

objectif sur l’ensemble des produc-

tions proposées en ligne. La plupart

des inscrits sont indépendants et

leur reportage à l’étranger ou leur

matériel. D’autres sont plus ambi-

tieux, à l’instar de Paulette

Magazine, premier titre de presse

participatif. Il a fait son entrée en

kiosque début février grâce à sa

My Major Company. Un magazine

maison, où les lecteurs-contribu-

teurs participent à la ligne édito-

riale : « Paulette n’impose rien, elle propose. Et surtout, elle prend en compte l’avis de chacun, du choix des sujets jusqu’à la réalisation du magazine, présenté sous une esthé-tique graphique originale et hyper créative » résume la rédaction en

guise de présentation.

Communication gratuite

de dons pour la presse en ligne

Jaimelinfo.fr se présentait comme

journalistiques. Les investisse-

ments permettent aujourd’hui de

développer un journalisme de qua-

lité sur internet. « Beaucoup de sites comme Rue89 ont bâti une

,

explique à l’AFP Laurent Mauriac,

président de Jaimelinfo. Celle-ci peut trouver de l'intérêt à partici-

économique. » Cela dit, la solution

miracle pour maintenir les rédac-

tions hors de l’eau ne réside pas

dans les étrennes des internautes :

« Il ne faut pas fantasmer, prévient

Laurent Mauriac. La clé de la réus--

nomique fondé sur plusieurs sources de revenus. »

Le crowdfunding est avant

tout un bon moyen de se faire

connaître. Les techniques sont

issues des médias sociaux : mo-

biliser un premier cercle d’amis,

qui va lui-même atteindre un

second, plus large. « Par une suite logique, plus un projet est

communautés, plus il aura de

cercle : les internautes inconnus et les médias », décrypte Vincent

Ricordeau, co-fondateur de

KissKissBankBank. Une cam-

pagne de communication gra-

tuite, non négligeable à l’heure

où obtenir la diffusion ou la

publication d’un simple article,

d’un reportage ou d’une enquête

n’est pas chose aisée.

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Page 17: SCOOP 2013

SCOOP 2013 33

JOB ATTITUDE

les règles du JE

« La plupart des gens ne

se précocupent pas de savoir si l'info est bonne,

ce qui compte c'est de la sortir

en premier. » Marlène

Ouest France

ragan Sandy sur son compte

Twitter. Des informations, toutes

plus alarmistes les unes que les

autres, reprises aussitôt par les

Twitter l’année dernière. Il avait

pourtant plus de 13 000 followers,

un gage de succès. Mais pour lui,

Twitter est devenu une activité

chronophage plus qu’autre chose.

« Aujourd’hui, 95 % des messages envoyés par les twittos (les utilisa-

teurs de Twitter, NDLR) sont des messages de personal branding, a-

t-il expliqué dans un article publié

sur le blog de son confrère David

Abiker en septembre dernier. Ça en devient ridicule. »

Et Marlène K. de souligner que

la volonté de faire le buzz prend

trop souvent le pas sur la véracité

de l’info. « La plupart des gens ne

l’info est bonne, ce qui compte c’est de la sortir en premier. » L’affaire

Shashank Tripathi l’a cruellement

rappelé en octobre 2012 :

M. Tripathi, supporter de Mitt

Romney aux élections américaines,

avait publié une série de fausses

informations en rapport avec l’ou-

Il n'en fallut pas plus pour qu'une

vague de panique s'empare d'une

population déjà fébrile face à l'arri-

vée de l'ouragan qui allait frapper

la côte est des Etats-Unis.

Concept parisienPourtant, souligne Arnaud

Hermant, la confraternité n’a pas

totalement disparu avec l’arrivée

du personal branding . Au

contraire. «À travers le journa-liste, c'est aussi son média, donc son employeur, qui est représenté quand le journaliste est salarié et non pigiste », déclare-t-il,

avant d’ajouter : « Et si certains journalistes peuvent aujourd'hui développer leur personal bran-

ding, c'est qu'ils ont bénéficié, au départ, du prestige et de la noto-riété de leur média. » Pour

Charlène K., le personal bran-ding est surtout un concept pari-

sien. « A la Roche-sur-Yon, où je travaille, l’esprit d’équipe est encore très présent, déclare-t-

elle. De toute façon, on n’a pas le choix : sans esprit d'équipe, pas de journal. »

Les Français et le personal brandingPour quoi faire ?

Enquête Ifop-BNP Paribas 2012

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32 SCOOP 2013

JOB ATTITUDE

Faire de son nom une marque, c'est le principe du personal branding. Un concept qui, avec l’essor des réseaux sociaux, a pris de l’ampleur au sein de la communauté journalistique. Mais dans un métier qui suggère un fort esprit d’équipe, le personal branding n’est-il pas un comportement parasite ? Matthieu Carlier

Personal branding :

L es premières traces de l’ex-

pression personal branding remontent à 1997. Un autre

âge, surtout pour le journalisme.

À l’époque on n’avait pas, ou

peu, d’Internet. À l’époque on

ne tweetait pas, on ne likait pas,

on écrivait encore sur des claviers

bruyants, couleur taupe. Pourtant,

en 1997, dans un de ses articles

paru dans le magazine Fast Com-pany, l’essayiste américain Tom

Peters titrait déjà “The Brand

called you” (“La marque vous a

appelé”). L’idée ? Le journaliste

est sa propre marque, un électron

libre parmi d’autres électrons

qui ne travaillent que pour eux-

mêmes. “Nous sommes les PDG de nos propres compagnies”,

déclarait-il.

Image de marqueAujourd’hui l’idée de « jour-

naliste-marque » a fait son che-

min. À un point tel que les mots

de Tom Peters résonnent comme

une prophétie. Il faut dire

qu’avec l’essor d’internet, les

outils d’auto-promotion ne

manquen t pas : Twi t t e r,

Facebook, LinkedIn, autant de

sésames indispensables pour le

journaliste avide de célébrité.

«Depuis 2006, j’ai noté un vrai changement avec l’apparition

des réseaux sociaux, confie

Benjamin Muller, journaliste

pour Europe 1. Internet est une formidable machine pour qui veut développer son image de marque : dès qu’on passe à la télé, on l’annonce sur son compte Twitter, dès qu’on écrit un article on le publie sur Facebook avec son nom bien en évidence. »

De fait, le phénomène a telle-

ment explosé qu’il est au-

jourd’hui difficile pour un jour-

naliste de se passer des réseaux

sociaux, ne serait-ce que pour

obtenir de l’information. Selon

Marlène K., jeune journaliste

pour Ouest France, la situation

s’explique aussi par le contexte

économique. « Le journalisme est un milieu extrêmement concur-rentiel, rappelle-t-elle. Il faut savoir tirer son épingle du jeu. D’où l’importance du personal

branding. » L’importance du personal

branding, certains opportunistes

ont su la reconnaître et la trans-

former en affaire qui marche.

Personalbranding.fr, blogperso-

nalbranding.com, personalbran-

ding.unblog.fr, entre autres, pro-

posent au journaliste en quête de

promotion d’améliorer sa visibi-

lité sur le net et de se créer un

réseau. Selon Fadhila Brahimi,

créatrice d’un site de personal branding, la demande a doublé

en un an, surtout chez les jour-

nalistes. « Pour échapper à l’ou-bli, il faut sans cesse être au fait de l’innovation », clame-t-elle

sur son blog.

Faire le buzz Mais quid de l’esprit d’équipe ?

La compagnie passe après

l’homme, répondait en substance

Tom Peters. « Certains n'ont qu'une envie, c'est de mettre leur tête à la télé, peu importe où et peu importe le sujet abordé », déplore

Arnaud Hermant, journaliste spor-

tif au Parisien. Marlène K. note de

son côté : «Avec le web, on a as-sisté à l’explosion du « moi je ». Quand un journaliste a une info, il la twitte sous son nom. Dans ce cas, il n’a qu’à se mettre en free-lance, ça réglerait le problème.»

Benjamin Muller a quant à lui dé-

cidé de supprimer son compte

« Dès qu'on passe à la télé, on l'annonce sur son compte Twitter, dès qu'on écrit un article on le publie sur Facebook avec son nom bien en évidence. »Benjamin Muller,Europe 1

Ces dernières années, le personal branding est devenu un facteur-clé dans le milieu du journalisme.

Page 18: SCOOP 2013

voilée aux nouvelles règles

d’admission à l’IEP parisien.

Que ce soit l’ajout d’oraux sup-

plémentaires ou la très contro-

versée suppression de l’épreuve

de culture générale dès l’année

2013, tout va dans le sens d’une

« diversification du recrute-ment », selon les propres mots

de Richards Descoings.

Une réponse à un constatLa politique de discrimination

positive va au-delà de la seule

admission dans les grandes

é c o l e s d e j o u r n a l i s m e .

Différentes structures ont vu le

jour, depuis une dizaine d’an-

nées, pour aider les jeunes de

banlieue, ou en situation précaire,

à intégrer un cursus journalis-

tique. Les premiers à avoir noté

cette lacune de représentation

sont les étudiants eux-mêmes.

Créée en 2007 à l’initiative d’an-

ciens étudiants du Centre de for-

mation des journalistes (CFJ), la

Chance aux concours (CAC) est

le résultat d’un constat frappant :

« On a remarqué que 50 % des étu-diants de notre école étaient issus d’un IEP, en règle générale de Sciences-Po Paris, et l’autre moitié provenait d’une prépa privée… Ça n’allait pas », explique David

Allain, bénévole et coordinateur

à la CAC. Annuellement, ce sont

donc 24 étudiants boursiers, choi-

sis d’après leur dossier de moti-

vation et un article de reportage,

-

tion. Au programme : chaque

samedi, des questions sur l’actua-

lité, des courts reportages et des

exercices pour s’entraîner aux

concours. « Nous sommes encore une petite structure, fonctionnant exclusivement avec des bénévoles, mais nous pouvons nous targuer d’un taux de réussite de 55 % de nos étudiants aux concours des écoles. Ce chiffre monte même jusqu’à 75 % en ce qui concerne le nombre d’étudiants qui deviennent à terme journalistes » poursuit

David Allain. Pour exemple, en

2011, sur 24 élèves, 18 ont été

acceptés dans des écoles recon-

nues par la profession.

« La mauvaise maitrise du français n’est pas un facteur de rejet »

John Paul Lepers, grand repor-

ter, a lui aussi créé une école de

journalisme pour les jeunes de

banlieue, intitulée l’Ecole de la

Télélibre. Celle-ci ne forme pas

aux concours des grandes écoles

mais permet l’émergence de

« reporters cito yens ». « Le but est de susciter des regards diffé-rents sur la société, dans la mesure où il existe un véritable besoin de représenter les couches populaires et les différences ethniques. De plus, cette formation permet l’émergence de jeunes talents »,

explique le journaliste. Les cri-

tères de sélection ? « La mauvaise maîtrise de l’écrit ou de la langue française n’a pas été un facteur de

refus. Le français est une langue élitiste et un barrage social. Le fait de ne pas la maîtriser n’empêche pas d’avoir des compétences ou des aspirations dans d’autres do-maines, comme le travail de l’image ou la maîtrise de l’infor-matique. » A la sortie de la TV

libre, les étudiants ne seront pas

diplômés, mais auront reçu une

formation utile : « nous ne promet-tons pas (…) un statut de journaliste,

--

former de bons artisans, de leur donner le goût de poursuivre en leur offrant une autonomie d’ac-tion, un statut social, de l’assu-rance, et un moyen d’aller à la rencontre de nouvelles per-sonnes », explique John Paul

Lepers.

La CAC et l’Ecole de la

Télélibre ne sont pas des cas iso-

lés, de nombreuses structures

similaires voient le jour. Mais

quels sont les résultats de cette

politique ? Tout d’abord, il faut

préciser que peu, voire aucune

étude n’a encore été réalisée sur

la question. Aucune donnée so-

ciologique n’a pu être analysé

étant donné que ces initiatives en

faveur des jeunes défavorisés

sont très récentes. Néanmoins,

quelques apparitions télévisuelles

permettent de mesurer le chemin

parcouru depuis quelques années.

Le milieu social n’est pas tou-

jours un tremplin, en revanche la

couleur de peau peut l’être. Qui

aurait imaginé, il y a vingt ans,

un Harry Roselmack présenter

le journal de TF1 ?

Exit les journalistes. Place aux reporters citoyens.

SCOOP 2013 35

JOB ATTITUDE

« Nous ne promettons pas un statut de journaliste mais nous avons la volonté de former de bons artisans. » John Paul Lepers

L'avenir des entretiens d'embauche ?

Kah

ina

Bou

dar

ène

Ségrégation positive ?Un porte-monnaie qui crie famine et un teint un peu trop basané sont toujours des critères de discrimination, mais aujourd’hui, elle est dite « positive ». Retour sur les initiatives

français. Kahina Boudarène et Jean-Romain Blanc

« Au CFJ, la moitié des étudiants provient de Sciences-Po Paris, l’autre moitié est passé par des prépas privées. Ça ne va pas ».David Allain.

situation précaire de s’entraîner

aux concours. Aussi, des quotas

ont été établis pour réserver un

certain nombre de places à ces

postulants. A noter cependant

que ce processus n’est valable

que dans la capitale. Johanna

M a rg o l i n e , é t u d i a n t e à

Sciences-Po Bordeaux, n’a pas

bénéficié de la même politique

de discrimination positive :

« Ce n’est pas Sciences-Po Paris ici. Nous on est là parce qu’on le mérite ! ». Une allusion à peine

«V ous n’êtes pas bour-sière ? Je suis au regret de vous dire qu’il va

vous être difficile d’être admise dans notre école. » C’est par ces

mots que Charlotte Dardelin a

été accueillie à l'Institut pratique

du journalisme de Paris (IPJ). « Après une licence dans une école non reconnue par la pro-fession, j’ai souhaité intégrer une grande école pour valoriser mon diplôme, explique l’étudiante,

je pense que la discrimination positive est une bonne chose mais j'étais déboussolée de constater que, comme beaucoup d'étudiants, je me suis retrouvée entre deux eaux : je suis sur la déclaration d'impôts de mes parents, alors je ne peux pas être bour-sière, mais pour autant, j 'alterne entre petits boulots et cours et j'ai parfois du mal à joindre les deux bouts. »

ElitismeLes exemples comme celui-

ci se multiplient. La discrimi-

nation positive à l’entrée des

grandes écoles de journalisme,

et par extension sur tout le ter-

ritoire français, a fait son appa-

rition il y a une dizaine d’an-

nées. Pour certains, comme

Zurica, éducatrice spécialisée

en Seine-Saint-Denis, « la dis-crimination positive est un aveu

d’échec » d'une société qui n'a

pas réussi à insérer socialement

tous les milieux. L'apposition

de l'adjectif « positive » ne sau-

rait faire oublier le principe de

« discrimination ». Cette poli-

tique est-elle vraiment une

nécessité ?

La dernière étude nationale

sur l’origine sociale des étu-

diants en journalisme date de

2005. L'enquête, menée auprès

des treize écoles de journalisme

reconnues par la profession, a

démontré que plus

de la moitié des

étudiants étaient

issus d'une famille

de cadres ou de

parents exerçant

une profession

intellectuelle su-

p é r i e u r e . U n

constat qui montre

que la proportion

d'enfants d'origine

populaire dans ces

formations « éli-

tistes » s'est fortement affaiblie

en trente ans.

Au vu du manque de diver-

sité au sein de la sphère média-

tique, de nombreuses initiatives

ont été portées. L’exemple le

plus symbolique est celui de

Sciences-Po Paris. Sous l’im-

pu ls ion de feu Richard

Descoings, la prestigieuse école

a mis en avant les étudiants

venant de lycées classés « Zone

d’éducation prioritaire ».

L’Institut d’études politiques a

ainsi mis en place une forma-

tion permettant aux lycéens en

34 SCOOP 2013

JOB ATTITUDE

La majorité des étudiants en journalisme sont issus de familles de cadres.

« La discrimination positive est un aveu d'échec » Zurica, éducatrice spécialisée.

Page 19: SCOOP 2013

corrigeons les papiers, nous véri--

-

énumère Yasemin

Yalkin.

Des conditions de travail précaires

Le SR est donc un maillon in-

dispensable, positionné à la croi-

sée de la technique et du rédac-

tionnel. Ce rôle de pivot des

rédactions lui a longtemps permis

d’être préservé de la vindicte des

hautes sphères. Une époque doré-

navant révolue. Les secrétaires de

rédaction ont vu leur condition de

travail empirer. Compression des

effectifs, baisse des salaires, am-

la situation du SR devient de plus

en plus précaire et son métier évo-

lue rapidement. « Il y a quelques

de rédaction pour le

.

-

--

Le salut des SR viendrait donc

-

-

décidé de débuter une formation

web avec l’objectif de devenir

« éditeur de contenu numérique ».

Surnommés les « culs-de-

plomb », les SR se tournent

de plus en plus vers

le numérique.

« Aujourd’hui, les SR doivent être de plus en plus complets et setourner vers l’infographie. »Armelle Pineau, secrétaire de rédaction au Nouveau Détective.

Un secteur aux nombreux débou-

chés, qui s’étend de l’alimentation

des réseaux sociaux jusqu’aux

emplois pour des collectivités ou

des groupes de communication.

L’occasion parfaite de rebondir

grâce aux ressources d’internet

qui, pour boucler la boucle, n’est

autre que l’un des principaux res-

ponsables de la fonte accélérée du

contingent des secrétaires de

rédaction.

Le problème internetTout le monde le sait, le web a

révolutionné la consommation de

l’information. Il est désormais

possible d’accéder à un traitement

de l’actualité depuis un smart-

phone, une tablette ou un ordina-

teur à n’importe quel moment. La

toile étant très réactive, l’infor-

mation est divulguée à chaud.

Tant pis pour les SR et les correc-

teurs… dont la présence n’est

même pas prévue dans la chaîne

SOS D’UN EX-SR EN DÉTRESSENovembre dernier. Pascal*, secrétaire de rédaction pour le groupe Mondadori depuis 2001, est victime des suppres-sions d’effectifs qui secouent son ser-vice. Licencié de manière abrupte, il livre un constat amer de son expérience per-sonnelle. « Pendant dix ans, j’ai travaillé

J’ai enquillé les CDD et vu mon pouvoir d’achat se réduire à grande vitesse sans

jamais pouvoir espérer une revalorisa-tion salariale » assène-t-il sans conces-

avec ses anciens employeurs, Pascal a

responsables. Il a peu à peu perdu sa liberté d’expression et subit le diktat du rendement et de la productivité. « Les SR sont submergés de travail et font les

patrons ne les considèrent plus comme

des valeurs ajoutées pour les journaux

réduire » décrypte-t-il avec rancoeur. Pascal espère maintenant retomber sur ses pattes. Il est actuellement en forma-tion et souhaite se reconvertir sur inter-

verbe acéré.Par Hugo Derriennic

suite à sa demande

SCOOP 2013 37

JOB ATTITUDE

éditoriale ! Une situation qui

n’est pas sans conséquence.

Immanquablement, la qualité des

papiers s’en ressent. Les coquilles,

fautes d’orthographes et autres

bavures journalistiques sont de

plus en plus présentes, comme

pour nous rappeler l’importance

des SR.

- avoue Yasemin

Yalkin.

-

. Ce statut de

garant de la qualité des publica-

tions octroie aux secrétaires de

rédaction un sursis salvateur.

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ou

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L a crise de la presse entraîne

dans son sillage un certain

nombre de phénomènes

inquiétants. Le quotidien des

rédactions est désormais rythmé

par les licenciements et autres

restructurations internes. Le jour-

nalisme subit les aléas de la loi

du marché. Depuis une dizaine

d’années, une profession est

particulièrement dans l’oeil du

cyclone : le SR. Effet boule de

neige oblige, les secrétaires de

rédaction pâtissent des décisions

Il faut sauver le soldat SR !Indispensable au bon fonctionnement d’un journal, le secrétaire de rédaction est pourtant la cible des restructurations du personnel. Le SR est une espèce journalistique en voie d’extinction, écrasé par les impératifs économiques et l’émergence du journalisme web. Hugo Derriennic

Le travail de correction

est une des composantes du métier de secrétaire de

rédaction.

prises par les chantres de l’équi-

libre budgétaire. « Auparavant, ce sont les rédacteurs qui étaient sur la sellette. Et puis, les dirigeants de la presse, qui réagissent seu-lement à l’argument économique, ont commencé à s’attaquer aux SR en pensant qu’un correcteur est bien moins important qu’un rédac-teur » constate Yasemin Yalkin,

secrétaire de rédaction au Monde

depuis 1999.

Le SR a malheureusement un

désavantage considérable : son

travail n’est pas visible. Alors que

le nom du rédacteur apparaît en

bas de l’article, celui du SR reste

inconnu du grand public. Et pour-

tant, le dit article ne serait certai-

nement pas de cette qualité sans

le travail attentionné de ces jour-

nalistes cantonnés à un travail de

bureau. Ces derniers sont un peu

les anges gardiens qui veillent sur

le travail des rédacteurs. S’il n’ap-

porte pas de matière brute, le SR

abat un colossal travail de mise en

forme et de valorisation. « Nous

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JOB ATTITUDE

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SCOOP 2013 39

JOB ATTITUDE

« Faire des titres représente seule-ment 5 % de notre temps. »

L'art du calembourEn France, les véritables experts

du titre incitatif sont Libération et Le Canard enchaîné, maître ès calem-

bours et jeux de mots en tout genre.

Donc, lorsque Bernard Arnault an-

nonce qu'il quitte la France en sep-

tembre 2012 pour rejoindre la

Belgique, il ne faut pas trois lignes

à Libé pour titrer l'événement. Le

désormais célèbre « Casse toi riche con » -

reux dérapage de Nicolas Sarkozy

en février 2008, au salon de l'agri-

culture. « Le pôle édition faisait sa

réunion quotidienne de mi-journée, quand l'un des journalistes a lancé la phrase sous la forme d'une vanne,

raconte Jérôme Balazard.

le titre a plu, et le chef de service a décidé de le mettre en une. Mais la rédaction était extrêmement divi-sée. » Une provocation qui vaut un

procès entre le quotidien et le patron

de LVMH, fixé à octobre 2013.

« Mais à l'époque, quand Libé n'était qu'un canard de post soixante-hui-tards qui se marraient, ça allait beaucoup plus loin, se souvient

Jérôme Balazard, au sein de la rédac-

tion depuis 2006. Par exemple, Claude François est mort la veille d'élections nationales. Le lende-main, Libé fait la une sur ces élec-tions, et titre en dessous 'Claude François : a volté !' [...] Les titres se sont nettement assagis. »

Assagis sûrement, mais l'ADN

du journal se ressent encore et tou-

jours à la lecture des titres. Quitte

parfois à diviser ses lecteurs ? « Je ne pense pas que les titres incitatifs trahissent le lectorat, estime le

journaliste. Ceux qui achètent Libération connaissent aujourd'hui

ses positions ainsi que sa manière de titrer. » Jérôme Balazard, qui

« s'amuse » beaucoup lorsqu'il éla-

bore ses titres, raconte que le jour-

nal a reçu un jour une lettre d'un

lecteur qui se plaignait d'avoir

compté 17 jeux de mots à l'intérieur

du canard. « Je me suis dit qu'on avait mal fait notre boulot, on au-rait dû en faire plus », rigole-t-il.

« Après, je ne vais pas m'amuser non plus à trouver des jeux de mots sur des attentats en Syrie ».

Frédéric Verduzier, pour qui

« on ne peut pas rire de tout », est

quant à lui fermement opposé au

« principe editing avec seulement des jeux de mots. » « Les titres de Libé tapent souvent a côté »,

déplore-t-il.

Car entre la titraille explicative

et incitative, l’enseignant, pas vrai-

ment de l'école Libération, a vite

« On ne se casse jamais la gueule avec l'explicatif. » « Avec les titres incitatifs, il y a sou-vent un parti pris, juge-t-il. Dans un journal, on ne peut décemment pas prendre le risque de se mettre à dos 30 % de son lectorat. »

« Je ne vais pas m'amuser à faire des jeux de mots sur des attentats en Syrie. » Jérôme Balazard, journaliste éditeur à Libération« Claude François

est mort la veille d'élections. Libé titre le lendemain 'a volté'!…»

38 SCOOP 2013

JOB ATTITUDE

extrêmement précis ». « Ce qui fait le titre, c'est le verbe », estime-

t-elle. Un seul mot d'ordre : éviter

les formes interrogatives. « Nous ne sommes pas là pour poser des q u e s t i o n s , m a i s p o u r y répondre. »

« La 'cellule titre' de Libération est une légende »

Au Monde, le titre est l'apanage

des secrétaires de rédaction et chefs

de service. « C'est très rare que ce soit le rédacteur qui trouve le titre », avoue la journaliste.

« Nous travaillons souvent dans l'urgence, c'est aussi pour cela que nous privilégions l'explicatif »,

ajoute-t-elle. Selon la secrétaire de

rédaction, l'art des grosses lignes

s'acquiert avec l'expérience : « Plus on titre, plus on a les ficelles. Normalement, lorsque l'article est bon, le titre se trouve après

les deux premiers paragraphes. »Quitte à casser l'un des mythes

de la presse française, Jérôme

Balazard, journaliste éditeur à

Libération, livre la vérité sur l'éla-

boration des titres du journal. « La 'cellule titre' de Libération, comme j'ai parfois pu l'entendre, est une légende ». Comme au Monde, un

pôle édition composé d'éditeurs et

de secrétaires de rédaction se

charge de la relecture des articles,

qui arrivent orphelins de titres.

« Nous consultons rarement le ré-dacteur pour titrer, explique le journaliste. Ensuite, nous donnons l'article au chef de service pour

se fait dans le dialogue. »pas, ou peu, de brain storming entre

collègues pour trouver le fameux

titre qui fera mouche. Le gros du

boulot du pôle édition réside sur-

tout dans la relecture des papiers.

Face à des lecteurs de plus en

plus versatiles et aimantés à

l'information 2.0, le titre est

l'atout vendeur du canard exposé

dans le kiosque, mais annonce

aussi sa ligne éditoriale.

Si le titre représente une va-

leur ajoutée à l'article, il faut tout

de même savoir respecter cer-

taines règles : « C'est comme un menu, ça annonce ce que l'on va manger », schématise Frédéric

Verduzier, professeur à l'ISCPA,

école de journalisme à Paris.

Selon lui, il s'agit de ne pas tra-

hir le lectorat du journal : « Si je promets une pizza Quatre sai-sons, je ne vais pas servir une Napolitaine ».

« Lorsque l'on choisit un titre, il faut se poser les questions sui-vantes : Quelle est l 'info ? Qu'est-ce que je vais racon-ter ? », insiste l’enseignant qui

est aussi rédacteur en chef ad-

joint de l'Emmerdeur. Pour lui,

les grosses lignes « doivent an-noncer le regard et l'angle du journaliste. »

Trois mots-clés sont à prendre

en compte selon le praticien du

journalisme, pour introduire par-

faitement son article : rigueur,

précision et concision. Une ligne

de conduite qui correspond parfai-

tement à la tradition du Monde. En

effet, le quotidien fondé en 1944

s'est forgé une solide réputation

dans l'art du titre explicatif, qui

atteint la plupart du temps deux

lignes dans le journal. « Nous met-tons beaucoup d'application dans la rédaction des titres, explique

une secrétaire de rédaction expé-

rimentée du quotidien. Nous pri-vilégions les titres longs, mais

La face cachée de la une *Atout marketing d'un papier, le titre est la véritable vitrine du journal. Entre les rois des calembours et les spécialistes de l'explicatif, chaque rédaction possède sa propre marque de fabrique en matière de titraille. Arthur Scherer

« Le titre est comme un menu, il annonce ce que l'on va manger. Si je promets une Quatre saisons, je ne vais pas servir une Napolitaine. » Frédéric Verduzier, enseignant en école de journalisme

* Le titre « La face cachée de la une » a été réalisé avec la bienveillance de Jérôme Balazard, journaliste éditeur à Libération.

Les tenants du titreKahina Boudarène

Page 21: SCOOP 2013

SCOOP 2013 41

« C’est une profession où l’on a souvent une impression de caste, une manière de rester entre soi qui peut être assez dangereuse. Cela provoque un certain enfermement, même à l’intérieur de chaque rubrique, qui sont des petits mondes : les grands reporters connaissent les grands reporters, les chroniqueurs judiciaires connaissent les chroniqueurs

judiciaires et ainsi de suite. Vingt journalistes qui suivent le même évènement en même temps et le commentent en même temps auront tendance à faire un brainstorming spon-tané, et à sortir des articles jumeaux. Les meilleurs jour-nalistes sont souvent ceux qui savent s’absenter du groupe, qui savent travailler seul. Chez les journalistes spécialisés, même en écrivant des articles qui ne seront lus que par une cinquantaine de professionnels de ce domaine, on a très vite l’illusion d’être important. Tout cela conduit les journa-listes au nombrilisme.Même si l’on peut trouver des journalistes très complaisants, qui semblent fascinés par eux-mêmes et leur propre milieu, cela reste une minorité, en représentation mais pas repré-sentative, heureusement. »

« C’est une profession où l’on a souvent une impression de caste, une manière de rester entre soi qui peut être assez dangereuse. Cela provoque un certain enfermement, même à l’intérieur de chaque rubrique, qui sont des petits mondes. »

DOMINIQUE CONILECRIVAIN ET JOURNALISTE À MEDIAPART

journalistes mais faisant aussi

appel à des spécialistes, sociolo-

gues ou professeurs. Sur France

Inter, Parlez-moi médias traite

plus classiquement de l’actualité

des médias, alors que la web-

émission participative de RFI

L’atelier des médias fait interve-

nir des auditeurs du monde

entier.

Journaliste nombriliste ?Mais le support parlant le plus

de lui-même est sans doute la

télévision. Plusieurs magazines

télévisés analysant la façon de

traiter l’actualité par les différents

médias ou vu le jour, comme

Arrêt sur images ou + Clair sur

Canal Plus. Aujourd’hui, seul

Médias le mag sur France 5 existe

toujours sur ce créneau. Les

chaînes d’info en continu ont

naturellement multiplié les émis-

sion sur l’actualité des médias :

La Médiasphère sur LCI, Un œil

sur les médias sur France 24 ou

L’Hebdo des médias sur i>Télé…

Et lorsque la télé regarde trop la

télé, l’actualité se mélange curieu-

sement aux news people comme

en témoignent les émissions de

Jean-Marc Morandini ou Cyril

Hanouna, respectivement sur

NRJ12 et D8.

Une question se pose dans tous

les cas : les journalistes sont-il les

plus à même de parler des mé-

dias ? Pour témoigner de leur pra-

tique, bien sûr, mais pour se livrer

à la critique ou à l’autocritique ?

Derrière la problématique « com-ment font-ils leur boulot ? » qui

semble se détacher de ce genre

d’émissions, l’on devine presque

un « fais-je bien mon boulot ? ».

lot de contraintes, de prises de

risques, de précarité, poussent

sans doute les journalistes à se

serrer les coudes et à refuser d’at-

taquer leurs confrères. Mais les

accusations de connivences

-

rêt peuvent entacher la sacro-

sainte liberté de la presse.

VINCENT GLADJOURNALISTE À SLATE.FR ET CHRONIQUEUR AU GRAND JOURNAL DE CANAL +

« Il est tout à fait légitime qu’il y ait des émissions de télévision qui parlent des médias, comme le fait la moitié de la presse papier ! Et il ne viendrait l’idée à personne de reprocher par exemple à Télérama de traiter de la télévision et du journalisme. Il y a des émissions sur tous les champs importants de la vie publique, et les médias en font partie !Evidemment, il existe des

de volonté de protéger ses confrères… Il serait quand

soient surveillés par des organes indépendants. Mais il n’y a pas de Conseil supérieur du journa-lisme, et à part les attaques en diffamation il n’y a aucun moyen de sanction possible… En France, le métier de journaliste

assez dérangeante.Donc est-ce que les journalistes sont les mieux placés pour en parler ? Non, mais ce sont les seuls qui peuvent le faire, donc c’est un moindre mal. Cela permet de limiter un peu ce sentiment d’impunité. »

Recueillis par Raphaël Dor

JOB ATTITUDE

Ph

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DR

40 SCOOP 2013

Les journalistes parlant des journalistes : nombrilisme

ou intérêt légitime ?

JOB ATTITUDE

l’information. Pour d’autres,

l’actualité des médias constitue

une nouvelle rubrique touchant

un public de plus en plus large.

Celle-ci serait presque devenue un

fond de commerce, une recette à

succès. Alors, les journalistes par-

lant des journalistes : nombrilisme

ou intérêt légitime ?

De nombreuses émissions de

radio abordent avec sérieux les

problèmes existentiels qui tor-

turent chaque jours les « profes-

sionnels de la profession » : « La liberté de la presse quotidienne régionale », « Comment éviter les marronniers ? » ou encore

« Peut-on encore informer si l'on est trop proche de sa source ? »

Des sujets abordés par exemple

dans Le secret des sources sur

France Culture, animée par des

« Miroir, mon beau miroir… »Le journaliste est un animal complexe, souvent sujet à l’introspection, qui aime parler de lui-même et de ses congénères. Parfois accusé de corporatisme, voire de narcissisme, le journaliste est-il le mieux placé pour parler de lui ? Raphaël Dor

P -

nable il y a quelques décen-

nies, parler des journalistes

est devenu un exercice incontour-

nable... chez les journalistes. La

rédaction de Scoop elle-même n’a

pas pu résister à cette tentation !

Car face aux profondes mutations

et aux nouvelles pratiques de la

profession, certains s’interrogent

sur la manière dont est traitée

« En France, le métier de journaliste bénéficie d'une sorte d'impunité assez dérangeante. »

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Page 22: SCOOP 2013

42 SCOOP 2013

JOB ATTITUDE

Fact-checking :pour un journalisme irréprochableLe fact-checking, né au début des années 2000 aux Etats-Unis, aura mis une décennie à s'imposer dans les médias français. Le concept se développe peu à peu dans des rubriques spécialisées comme dans Libération ou sur LeMonde.frdernière avec la campagne présidentielle. Axelle Bichon

sujet, on se rend compte que les poli-tiques les maîtrisent mal ou parfois les déforment volontairement ». Le

fact-checking n'est pas vraiment dans

la culture de tous les journalistes, et

particulièrement de ceux qui s'oc-

cupent de politique. Ils décryptent les

alliances, les courants, mais ne vont

pas forcément aller au fond des

choses.

La campagne présidentielle qui a

marqué l’année 2012 a constitué un

véritable tournant dans le journalisme

tel qu’on le pratique en France.

Contrairement à la campagne prési-

dentielle de 2007 où il s’agissait d’un

combat mêlant com' politique contre

com' politique, il y a eu l’année der-

nière une vraie demande de décryp-

tage. Pendant son mandat, Nicolas

Sarkozy et son gouvernement ont

utilisé beaucoup de chiffres et de don-

nées qu'ils assénaient sans pour autant

Menace « En aucune manière », selon

Boris Manenti, journaliste au

Nouvel Obs.« Le fact-checking tient du concept marketing des

journaux (et parfois des journa-

classique. Pour autant, il est essen-tiel. La réactivité qu'exige internet nous l'a fait perdre de vue, mais c'est là toute la différence entre le journalisme noble hérité de siècles d'enquêtes, et le journalisme dit citoyen qui a d'abord pris la forme de blogs, puis de "sites participa-tifs" et désormais de tweets », ex-

plique-t-il. Sans rien lui enlever, il

se démarque du journalisme clas-

garantie qui assure au lecteur que

l'information est fiable. « C'est donc bien ce fact-checking qui garantit à la presse un avenir dans notre société de l'information, sur-tout dans une ère où les lecteurs émettent de plus en plus de réserves

journaux », conclut Boris Manenti.

Où se trouve la limite ? Elle est

Laurent, journaliste à LeMonde.fr. Le

entendue par beaucoup moins de

monde que le discours original.

« C'est bien ce fact-checking qui garantit à la presse un avenir dans notre société de l'information, surtout dans une ère où les lecteurs émettent de plus en plus de réserves face àla confiance accordée aux journaux »Boris Manenti, Nouvel Observateur

B eaucoup de journalistes ont

discours des politiques. Déjà

en crise depuis l’arrivée d’internet,

le journalisme se devait d’évoluer.

Consistant à revenir sur l’exactitude

des déclarations politiques, le fact-checking s’impose peu à peu depuis

2008 dans les médias français, non

sans soulever certaines inquiétudes.

les politiques à tourner sept fois leur

langue dans leur bouche avant d’avan-

cer des chiffres inexacts mais les

arrangeant. Le fact-checking permet

ainsi de rendre ce métier indispensable

à la société.

Tous menteurs ?

concept dans L'Express : « C'est le travail normal d'un journaliste. Les hommes politiques aiment depuis toujours jouer avec les chiffres et au jeu du chat et de la souris avec les journalistes. Ce qui est nouveau, c'est d'en faire une rubrique à part entière. (…) Le fact-checking a une dimen-sion pédagogique. Avec le data jour-nalisme, c'est une tendance, comme le fut à un moment l'infographie. »

Soit, c’est le travail du journaliste de

fact-checking se concentre sur la véri-

-

tique et des chiffres qui y sont avan-

cés. Cela va au-delà de l’investigation

traditionnelle.

Comme l’explique Cédric

Mathiot, l'un des précurseurs en

France avec la création de la rubrique

Désintox, lancée début 2008 dans

Libération, « à force de connaître un

Le fact-checking permet de

rendre le métier de journaliste indispensable

à la société. © A

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Page 23: SCOOP 2013

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De Bac à Bac+5 : JOURNALISME - COMMUNICATION - PRODUCTION

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